Commission des affaires économiques

Réunion du 18 janvier 2023 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme Véronique Bédague, présidente-directrice générale du groupe Nexity, à l'occasion d'une audition qui fait l'objet d'une captation vidéo diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

Madame la présidente, sans doute n'est-il pas inutile pour ceux d'entre nous qui ne vous connaissent pas déjà de dire quelques mots sur votre riche parcours, marqué, depuis le début, à la fois par une appétence pour le monde économique et par un attrait pour le service public. Côté économie, vous êtes une ancienne élève de l'École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec). Vous avez été en poste à la direction du budget, au Fonds monétaire international (FMI), et, depuis 2017, vous exercez d'éminentes responsabilités au sein du groupe Nexity jusqu'à prendre la suite d'Alain Dinin comme présidente-directrice générale depuis quelques jours. Je tiens à vous féliciter pour vos nouvelles fonctions. Côté service public, vous êtes une ancienne élève de l'École nationale d'administration (ENA), vous avez été secrétaire générale de la Ville de Paris, puis directrice du cabinet de Manuel Valls lorsque ce dernier était Premier ministre. Malgré vos responsabilités au sein de Nexity, vous poursuivez votre engagement : en 2017, vous avez coprésidé le comité Action publique 2022 sur la réforme de l'État, et, en 2021, vous avez participé à la commission pour la relance de la construction de logements présidée par François Rebsamen. Enfin, depuis quelques semaines, vous avez accepté d'animer avec Christophe Robert, le directeur général de la Fondation Abbé-Pierre, le volet logement du Conseil national de la refondation (CNR). C'est dire si vous êtes qualifiée pour nous faire partager votre vision de la politique du logement, de la ville de demain et du rôle des différents acteurs privés, tels que Nexity, mais aussi publics, notamment l'État ou les collectivités territoriales.

Suivant votre fil LinkedIn, j'ai relevé la synthèse que vous faisiez de votre interview, la semaine passée, sur France Info, et qui me semble bien résumer la situation. Je vous cite : « Je suis toujours frappée par le même constat. Le logement crée un débat passionné, il intéresse les médias parce qu'il est au coeur de la vie de nos concitoyens. Et il reste pourtant le parent pauvre des politiques publiques. Il faut que la crise soit installée, que les Français n'arrivent plus à se loger et à payer leur facture d'énergie pour que l'État bouge et agisse dans l'urgence. J'en appelle à l'État stratège et planificateur. »

Nous vivons aujourd'hui une grave crise énergétique et écologique : les tensions sur les matières premières et les défis sociaux se multiplient, en matière de pouvoir d'achat notamment. S'y ajoute la capacité de nos concitoyens à se loger dans les zones tendues : les cartes sont rebattues par les dynamiques de marché après le covid-19. Nous comptons sur vous aujourd'hui pour entrer dans cette réflexion stratégique, favoriser l'élaboration d'accords larges entre les acteurs et approfondir le rôle de chacun.

Madame la présidente, je vous cède la parole pour nous faire part de votre vision globale du marché que vous connaissez bien. Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis sur le volet logement du projet de loi de finances, s'exprimera ensuite, avant d'entendre les nombreuses questions de nos collègues.

Debut de section - Permalien
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity

Mon parcours au sein de l'État, d'une collectivité territoriale et d'une entreprise, m'a offert l'occasion de disposer de plusieurs regards. Ce matin, j'interviendrai en tant que praticienne du logement s'exprimant sur les politiques publiques.

Nexity rassemble plusieurs métiers. Nous souhaitons devenir un opérateur global de l'immobilier, car nous disposons d'une structure spécifique. Notre premier métier est celui d'aménageur, pour lequel nous disposons de la certification ISO 4001 depuis 2004. Nous sommes aussi un promoteur : nous avons lancé la construction de 20 000 logements neufs ou rénovés. L'année dernière, j'ai participé à l'inauguration de 120 logements neufs au Havre ; en fait, il s'agissait de la rénovation d'une ancienne caserne de pompiers. Nos métiers changent : ainsi, nous sommes de grands transformateurs de parkings en silo voire de bureaux en logements. Nous avons créé une filiale spécialisée dans la transformation de bâtiments existants. Cette philosophie imprègne l'action de l'ensemble du groupe : en 2026, 10 % de notre production sera réalisée à partir de bâtiments existants.

Nexity est également un prestataire de services - il est rare de cumuler ces deux fonctions. Le syndic est un métier complexe. Nous pratiquons aussi la transaction et la location de biens. Nous exploitons des logements destinés à des personnes âgées, notamment au sein du groupe Aegide-Domitys, ou encore des résidences étudiantes ou de « co-living » ; ces activités sont plébiscitées par nos clients. On compte 75 000 logements neufs produits chaque année, sur un stock total de 36 millions : le regard sur les programmes neufs et la rénovation se transforme actuellement.

Alain Dinin était très attaché à la ville inclusive. C'est là un engagement fort du groupe : les logements sociaux comptent pour un tiers de notre production. En accord avec les maires qui le souhaitent, nous créons aussi des pensions de famille. Cette activité n'est pas lucrative pour le groupe : il s'agit de la contribution de Nexity en faveur du logement pour tous. D'ici à 2026, nous aurons ainsi créé 1 000 logements de ce type : cela paraît peu, mais c'est beaucoup pour des personnes à la rue.

Notre fondation, très active, se tourne de plus en plus vers les jeunes. J'ai décidé d'ouvrir l'entreprise aux élèves de troisième devant effectuer un stage. C'est l'occasion pour eux de découvrir nos métiers. Chaque année, quelque 80 jeunes sortent de nos deux centres de formation d'apprentis (CFA) ; ils sont ensuite recrutés au sein de l'entreprise.

J'ai à coeur de multiplier les actions en faveur du développement durable depuis mon arrivée au sein du groupe. Il ne s'agit pas d'une contrainte : c'est bien le chemin dans lequel nous nous sommes engagés en vue de disposer d'un avantage comparatif sur le marché. Nous sommes ainsi le premier promoteur bas-carbone de France. Lors de notre dernière assemblée générale, nous avons adopté une trajectoire ambitieuse : nous visons chaque année une progression de 10 % par rapport à la réglementation environnementale 2020, dite RE2020. Cela dit, il n'est pas toujours facile d'innover. À Lyon, dans le quartier Confluence, nous construisons un immeuble de logements sans chauffage ni climatisation. Pour ce faire, nous avons obtenu un permis d'innover. La réglementation interdit toutefois de vendre un logement sans chauffage : nous avons donc l'obligation de mettre en place une petite installation dans chaque logement, même si, en l'espèce, cela ne servira à rien. À nous de montrer que l'on pourra s'en passer à l'avenir. Je précise que les élus locaux et le préfet nous soutenaient, mais la loi est la loi.

Nous accordons une attention particulière à la protection de la biodiversité. Mais c'est une question complexe. Nous abordons les choses de manière pragmatique et travaillons pour déjà préserver l'existant.

Tous nos collaborateurs sont aussi actionnaires de l'entreprise. Nous bénéficions de la certification Great Place to work, ce qui n'est pas si simple pour un groupe de 8 200 personnes. Nous disposons d'une organisation décentralisée, avec 60 patrons présents sur le territoire. Nous favorisons l'innovation et l'initiative au niveau local. En témoigne un projet que j'ai récemment inauguré à Lyon, sur lequel le chef de chantier avait apposé sa patte.

Nexity, ce sont 200 agences sur tout le territoire métropolitain. C'est un réseau très dense.

Mon rêve serait que les maires franchissent le seuil de nos agences pour exprimer des critiques ou formuler des conseils. Pour l'heure, ils n'ont pas ce réflexe, car ils pensent que nos agences ne font que du syndic.

Nos clients sont à 50 % des particuliers et à 50 % des institutionnels. Ces dernières années, on a notamment assisté au retour prudent des assureurs sur le marché de l'immobilier.

Nous avons un problème d'offres actuellement, avec une baisse du nombre de permis de construire. Il y a une vraie réticence de nos concitoyens, donc nous devons nous efforcer de rendre notre offre et la ville dense désirables. Comme le disait François Rebsamen, il faut « réhabiliter l'acte de construire ».

En parallèle, la hausse des taux d'intérêt a entraîné une contraction de la demande. L'incertitude sur la facture énergétique contribue également à différer le choix d'achat. Avec l'inflation, il faut savoir que nos concitoyens ont perdu 7 à 8 mètres carrés en moyenne depuis début 2022. Ajoutez les dernières décisions du Conseil de stabilité financière, qui ont rendu les banques frileuses, et vous aurez toutes les conditions d'un marché en difficulté : - 50 % sur les maisons individuelles au second semestre 2022 ; en ce qui nous concerne, on peut estimer une baisse d'un tiers du marché pour le collectif.

Est-il du devoir de l'État de dire combien il faut de logements et de mener une politique du logement, en coordination avec les collectivités locales ? Pour ma part, je ne crois pas à la main invisible complète du marché. La question est plutôt : y a-t-il assez de logements en France ? Certains disent que oui, mais, de là où je suis, je constate le contraire. Dans nos agences, depuis le covid, il y a deux fois moins d'offres à la location, alors que les demandes ont été multipliées par 1,5. On a aussi pu assister à un phénomène nouveau l'an dernier : les étudiants ont gardé leur logement pendant l'été, preuve qu'ils anticipaient des problèmes pour se reloger à la rentrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Madame Bédague, le rapport CAP 2022 avait fait des propositions particulièrement importantes dans le domaine du logement, dont celle de créer un « statut du bailleur privé », c'est-à-dire d'établir un cadre juridique et fiscal pérenne pour l'investissement locatif privé, un statut que je défends également depuis plusieurs années. En contrepartie, notamment, de la suppression des niches fiscales, serait créé un régime de droit commun unique pour les investisseurs autorisant la déduction des charges de propriété et d'un amortissement, ainsi que l'élargissement du régime du microfoncier. Où en sont ces réflexions, alors que l'on voit bien que le locatif privé est un échelon essentiel du parcours résidentiel et que les déséquilibres entre propriétaires et locataires ou l'attrait pour le meublé de tourisme agissent comme des repoussoirs à la location longue durée ?

Autre élément essentiel à l'heure du « zéro artificialisation nette » (ZAN), la définition d'un objectif de construction neuve. Là aussi, au sein de la commission Rebsamen, dont j'étais membre avec vous, nous avions abouti à des objectifs consensuels. J'ai l'impression que, l'encre à peine sèche, les tenants du « tout rénovation-zéro construction » ont de nouveau pris le dessus. Quel est votre sentiment à ce sujet et comment Nexity fait face aux difficultés de « l'acte de construire » ?

Enfin, concernant le parcours résidentiel, alors que l'État avait suivi une politique de long terme en faveur de l'accession à la propriété, il semble que notre pays ait tourné la page. Pourtant, derrière le rêve d'une maison à soi, il y a une promesse républicaine d'ascension sociale qui, aujourd'hui, est cassée, ce qui produit un sentiment de déclassement. C'est un enjeu politique beaucoup plus important que beaucoup le croient, car se camoufle l'idée à la mode que le partage ou l'usage remplacerait la propriété. Comment abordez-vous cette question ?

Debut de section - Permalien
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity

D'abord, pour que nous décidions de construire, il faut des clients. Pour ce qui est des particuliers, je l'ai déjà dit, c'est de plus en plus compliqué. Il faut savoir que l'âge moyen d'accès à la propriété a été repoussé à 37 ans, ce qui, en soi, est un signal.

Se pose ensuite le sujet des investisseurs, qui ont besoin de rentabilité. Or nous avons vu apparaître plusieurs freins.

Premièrement, il y a eu le blocage des loyers. Deuxièmement, les collectivités locales, poussées en cela par les évolutions récentes de la fiscalité locale, ont fortement augmenté les taxes foncières. Troisièmement, l'interdiction de relocation des passoires thermiques par la loi Climat et résilience a entraîné une vraie perturbation sur le marché de la propriété. Les retraités, notamment, tendent à déserter ce marché, effrayés par les 10 000 euros en moyenne de reste à charge pour la rénovation énergétique.

À mon sens, le statut de bailleur privé peut être une réponse. Le sujet a été relancé en novembre dernier par Olivier Klein, ministre de la ville et du logement, dans une interview au journal Le Parisien.

Encore une fois, a-t-on besoin de logements dans ce pays ? Certains nous disent qu'il y en a assez et qu'il faut se concentrer sur la rénovation.

En ouverture des travaux du CNR, les représentants de Bercy ont déclaré que nous avions besoin de 250 000 logements neufs par an, quand nous en construisons 375 000. On voudrait nous conduire à considérer qu'il n'y a pas de besoin. Le CNR doit trancher cette question.

Le métier de la rénovation est très différent de celui de la construction, car il nécessite beaucoup plus de capitaux. En effet, il faut acheter dès le début le bien à rénover, alors que, dans la promotion, vous payez au fur et à mesure de la vente des biens, selon le système de la vente en l'état futur d'achèvement (Vefa).

La commission Rebsamen a accompli un travail solide. Ainsi de l'étude rendue par les économistes qu'elle a sollicités sur le sujet des logements vacants : ils ont pu démontrer que le taux de vacance et la durée de celle-ci sont d'autant plus bas que la zone est dense. À l'ouverture du CNR, on m'a cité un taux de 8 % de logements vacants et de 10 % de résidences secondaires ; on ne courrait aucun risque. Le problème récurrent de ces rapports est que l'État, toujours généreux avec le temps des autres, fait travailler des gens brillants, mais fait passer à la trappe la plupart de leurs recommandations. Ainsi, même si quelques mesures intéressantes ont été prises à l'issue de la commission Rebsamen, l'idée centrale - une déclinaison régionale de la politique du logement, avec des contrats territoriaux - a disparu. Et je ne parle même pas du rapport CAP 22 !

J'espère donc évidemment que les propositions qui sortiront du CNR prospéreront davantage. Les réflexions sur le logement regroupent toujours des passionnés ; on retrouve autour de cette table beaucoup de personnes qui avaient participé à la commission Rebsamen, prêtes à s'engager de nouveau pour trouver des solutions.

La vraie question est la suivante : avons-nous besoin de logements supplémentaires ? Cela peut nous aider à faire tourner le stock, car il est toujours délicat de rénover un immeuble occupé. Ensuite, si ce besoin est avéré, l'État a-t-il un rôle à jouer ? Pour ma part, je crois en un État stratège, qui reconnaît les besoins en matière de logement et participe à l'organisation de la réponse, pour que ces logements, nouveaux ou rénovés, soient disponibles dans dix ans.

Concernant la rénovation, j'ai récemment lu une étude selon laquelle 46 % des logements du parc privé d'Île-de-France sont des passoires thermiques. La proportion est énorme ! L'État doit mener une réflexion sur ce problème. Il faut prendre en considération l'impact que peuvent avoir certains autres objectifs fixés par l'État, comme le ZAN et s'organiser en conséquence. Sinon, la répartition des équipements publics entre communes pourra s'avérer très problématique, par exemple. Je travaillais à Matignon pendant les premiers temps de la loi Duflot : le nombre de permis de construire a chuté, cela a eu un grand effet sur l'économie et le moral des Français.

On me dit que tout le monde n'a pas vocation à acheter ; je n'en suis pas si sûre ! Certes, il ne faut pas vendre du rêve et inciter les gens à s'endetter lourdement, mais on ne peut pas dissuader les jeunes générations d'acheter des biens immobiliers comme nous l'avons fait avant eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Oui, on a besoin de logements neufs, car la rénovation va nécessiter du temps et de l'argent ; il faut donc un mix entre les deux. Je salue votre partenariat avec CDC Habitat ; vous avez construit 22 000 logements neufs que vous lui avez cédés en bail en l'état futur d'achèvement (Befa). La rénovation, notamment de l'hébergement d'urgence et des pensions de famille, ne représente en revanche qu'une part minime de ce partenariat. Comptez-vous élargir votre stratégie en la matière ? Vous êtes-vous fixé des objectifs ? Par ailleurs, que pensez-vous du dispositif de seconde vie des bâtiments et de sa viabilité économique ?

Le ministre du logement a évoqué en ouverture du CNR un éventuel encadrement des prix du foncier. À l'occasion du dernier projet de loi de finances, nous avons abordé la fiscalité immobilière ; certains groupes ont proposé un barème progressif plus équitable pour les droits de mutation, ou encore une modification de la logique de la taxation des plus-values visant à lutter contre la spéculation. Quelle analyse faites-vous de ces sujets ?

Debut de section - Permalien
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity

La Caisse des dépôts et consignations (CDC), au travers de CDC Habitat, est un partenaire essentiel de Nexity, très exigeant en matière de développement durable. On peut innover avec les bailleurs sociaux ! La CDC joue un important rôle de donneur d'ordre en la matière.

L'encadrement des prix du foncier est un débat récurrent. Seul un ajustement progressif des prix du foncier pourrait aujourd'hui calmer les prix du neuf. En dépit des prédictions, le coût de la construction ne baisse pas, nos marges baissent et nous avons besoin de capital pour les rénovations comme pour le neuf. Celui qui achète du foncier pour du neuf prend un risque majeur, qui doit être rémunéré. Cela dit, il faut une approche globale plutôt que ce qui se fait aujourd'hui ville par ville, pour éviter les inégalités. Certaines municipalités nous ont imposé des prix de sortie, ce qui se répercute tout de suite sur le foncier. Il faut rester raisonnable si l'on veut un immobilier de bonne qualité. J'espère que le prix du foncier va baisser, mais c'est une denrée de plus en plus rare...

Concernant la fiscalité immobilière, nous sommes un secteur très fiscalisé, car facile à taxer. Les prélèvements sont deux fois plus importants que les dépenses et avantages fiscaux engagés par l'État, pourtant déjà très importants.

Quant au dispositif de seconde vie que vous évoquez, j'avoue ne pas bien le connaître, même si Nexity s'en sert sans doute, comme d'outils similaires. En 2026, un logement sur dix que nous produirons sera issu de bâtiments existants. En cinq ans, nous avons changé de regard. Quand nous entamons les discussions avec une municipalité pour un nouveau projet, au vu de la rareté des clairières urbaines, nous cherchons toujours ce qu'il est possible de faire avec l'existant ; ce sont parfois les maires qui nous arrêtent, nous disent qu'ils veulent du neuf. Il ne faut pas être dogmatique, on peut comprendre qu'ils aient parfois envie d'autre chose, pour une entrée de ville par exemple. Les architectes sont de plus en plus prêts à travailler à partir de bâtiments existants, dans une approche culturelle de transformation de grande qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cadec

La situation actuelle du marché locatif est compliquée. La loi Climat et résilience prévoit l'interdiction progressive de la location des logements les plus énergivores et le gel des loyers des passoires thermiques. Le calendrier proposé pose d'importantes contraintes économiques, juridiques et techniques ; des aménagements sont imposés à tous les bâtiments, publics ou privés, de notre territoire. L'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050 est ambitieux ; nous le partageons. Officiellement, 5,2 millions de résidences principales sont des passoires thermiques. Or le pouvoir d'achat baisse et l'accession des Français à la propriété est freinée par les difficultés d'accès au crédit : il devient plus compliqué d'acheter comme de louer ou de mettre en location. Dès lors, convient-il d'assouplir ces contraintes réglementaires pour débloquer le marché de la location, ou encore d'aider les propriétaires à rénover ? Rappelons que certains héritent de biens dont ils ne peuvent financer la rénovation après les frais de succession.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Renaud-Garabedian

Pour faciliter l'engagement par les copropriétés des travaux de rénovation énergétique, le Gouvernement envisage de baisser la majorité requise des deux tiers à la moitié des parts. L'objectif est louable, mais ne risque-t-on pas de susciter ainsi le surendettement de certains propriétaires ou la vente forcée de leur bien ?

Nexity collabore avec une société de cautionnement, Garantme, pour offrir des logements aux étudiants de manière garantie. Plusieurs milliers de jeunes Français dont la famille habite à l'étranger reviennent chaque année faire leurs études en France. La moitié rencontre de grandes difficultés pour se loger, les bailleurs privés et institutionnels refusant les garanties fournies par des parents sans revenus en France. Pourrions-nous discuter avec vos équipes pour trouver comment aider ces jeunes ?

Debut de section - Permalien
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Mes questions portent sur la régulation du marché immobilier. Vous avez récemment déclaré que le marché de la location est en train de se bloquer. La demande augmente et l'offre se réduit. Comment agir pour débloquer ce marché ? Face à la spéculation, comment le Parlement pourrait-il intervenir pour limiter ce phénomène ?

Debut de section - Permalien
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity

Pour les passoires thermiques comme pour le ZAN, c'est moins l'objectif fixé que la mise en oeuvre des mesures prévues qui peut s'avérer préoccupante.

Quelque chose a changé en deux ans : dans nos agences, que les clients viennent pour louer ou pour acheter, ils nous demandent toujours, d'emblée, le diagnostic de performance énergétique (DPE) de chaque logement. Les gens refusent d'acheter ou même de louer - alors que le marché est bloqué ! - une passoire thermique, alors même qu'il y a déjà une décote d'environ 6 %, voire 15 % pour une maison individuelle. C'est une vraie préoccupation des Français !

Il est important de mesurer les effets des lois récentes. Dans votre rapport d'information intitulé Objectif de zéro artificialisation nette à l'épreuve des territoires, vous montrez qu'il faudrait être un peu plus raisonnable en la matière, et je partage vos conclusions, mais surtout qu'il faut mesurer les effets des mesures qui ont été prises ! Dans certains territoires, les élus ne peuvent plus rien faire.

Les études d'impact font défaut. D'ailleurs, je serais curieuse de voir ce qui a été mesuré dans l'étude d'impact de la loi Climat et résilience.

Notre parc de logements - nous gérons 700 000 logements - est plus récent et en meilleur état que la moyenne du parc national, mais nous n'avons pas assez pris en compte les passoires thermiques. Le coût de la rénovation de la moitié des logements du marché locatif privé d'Île-de-France est considérable. Or nous ne disposons d'aucune étude mesurant ce phénomène, ce qui est du ressort de l'État.

Les Français redoutent de payer une facture d'énergie beaucoup trop élevée, et sont bien conscients des effets positifs du bouclier tarifaire mis en place par l'État. Il faudra bel et bien s'engager dans cette voie, en planifiant, ou à tout le moins en réfléchissant et en mesurant les effets de nos actions.

L'argent public doit permettre de financer les travaux indispensables. Le dispositif MaPrimeRénov' nous permet de financer nos études ; ces dernières permettront ensuite de réaliser des travaux au sein des copropriétés. Le problème, c'est que les propriétaires peuvent contester les décisions prises lors de l'assemblée générale de la copropriété, ce qui entrave la réalisation des travaux... Or nombre de nos concitoyens tirent des revenus de leur logement une forme de retraite complémentaire.

Je ne savais pas que les étudiants étrangers avaient plus de mal à se loger que les autres ; si nous pouvons les aider, nous sommes prêts à trouver des solutions - nous sommes pragmatiques, c'est l'avantage d'une entreprise.

Si l'une de nos agences n'est pas en mesure de répondre aux besoins de nos clients, c'est un véritable problème. D'ailleurs, lorsqu'on lit les avis Google relatifs à certaines de nos agences, écrits par des clients déçus de ne pas avoir trouvé un logement, on ne peut que leur donner raison, hélas !

Enfin, de mon point de vue, le marché immobilier n'est pas aussi spéculatif qu'on ne le dit ; je vois surtout des besoins très importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Votre activité s'étend-elle aux zones rurales, voire à l'hyper-ruralité, pour reprendre l'expression de notre collègue Alain Bertrand ?

De plus, dans le cadre de la RE2020, quelle est la part du bois utilisée dans la construction de vos logements, et à quel coût ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les « pensions de famille » ? Et qu'entendez-vous par « faire 10 % de mieux que la RE2020 » ? Par ailleurs, quelles solutions énergétiques de remplacement préconisez-vous ? Je pense notamment aux pompes à chaleur. Quelle est la taille moyenne d'un logement en France, et dans l'Union européenne ? Enfin, avez-vous quantifié les effets de l'objectif ZAN sur vos activités ? Est-ce que cela vous contraint de renoncer à un certain nombre de projets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Dans plusieurs communes littorales, notamment bretonnes, il est impossible pour les jeunes ménages de louer et encore moins d'accéder à la propriété, alors qu'il y a pléthore de résidences secondaires - la proportion atteint 70 % des habitations dans certaines communes.... Or il faut réduire l'utilisation du foncier. Quelles réponses pourraient être apportées ?

Debut de section - Permalien
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity

Nous sommes présents dans les territoires ruraux, au travers de nos filiales Esprit village, dont l'équilibre économique est plus complexe. D'ailleurs, nous avons répondu à la sollicitation de M. Philippe Folliot afin que nous travaillions davantage dans le Tarn, où nous n'étions sans doute pas assez présents.

Nous agissons là où l'on a besoin de nous, nous sommes pragmatiques, et vous le savez, grâce au soutien des élus locaux, nous pouvons accomplir des miracles. D'ailleurs, nos logements ne se situent pas seulement dans les zones métropolitaines, mais également dans les villes secondaires.

Nous sommes le premier producteur de logements et d'immobilier tertiaire en bois à l'échelle nationale. Cela étant dit, il ne faut pas faire du bois l'alpha et l'oméga de la construction - nous n'allons pas construire le ranch de Davy Crockett ! Il ne faut pas négliger les autres matériaux - je pense au béton bas-carbone ou à la pierre crue ; il faut tout simplement choisir celui qui est le plus adapté. Nous explorons également des méthodes de réutilisation des matériaux : dans notre chantier de la porte de Montreuil, l'agence d'architecte mexicaine avec laquelle nous collaborons a proposé de travailler à partir des débris d'un bâtiment. Je ne garantis pas l'équilibre économique d'un tel chantier, mais il faut essayer et apprendre.

Les chantiers en bois ont beaucoup d'avantages - ils sont propres, rapides et efficaces -, même si le prix du bois a beaucoup augmenté, mais il ne faut pas abandonner les autres matériaux pour autant.

Les pensions de famille permettent aux personnes qui vivaient dans la rue d'être accompagnées dans leur transition vers un domicile à eux, ce qui n'est pas aussi évident que l'on pourrait croire. Cette solution est appréciée des maires, car elle est très encadrée - on compte vingt personnes maximum par pension -, et parce qu'elle crée des zones de solidarité entre des populations très diverses.

Lorsque l'on dit que l'on fait « 10 % de mieux que la RE2020 », cela signifie que nous allons 10 % plus vite cette année que le rythme imposé par la RE2020.

La RE2020 nous incite à recourir aux pompes à chaleur, mais d'autres solutions, encore plus simples et adaptables, sont également à explorer, notamment la géothermie.

Nous aménagions, avant l'objectif de ZAN, des lotissements. Ces derniers se trouvent aujourd'hui dans des zones beaucoup plus denses, où les maisons sont plus hautes, plus proches les unes des autres et construites dans des terrains plus petits, ce qui permet d'économiser le foncier. Il est important d'être raisonnable et de construire davantage de logements collectifs que de logements individuels. Pour autant, il faut respecter le souhait des Français de construire un tel logement, ils en ont le droit.

Enfin, la question des résidences secondaires relève de politiques nationales et locales, ce qui dépasse mes compétences de promoteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous n'investissez pas en outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Est-ce que vous disposez de résidences intergénérationnelles ou mélangeant logement social et locatif libre dans votre parc ? J'ai pu voir que cette cohabitation fonctionnait très bien dans la commune où je vis.

Debut de section - PermalienPhoto de Amel Gacquerre

Quelles sont, selon vous, les orientations à suivre pour accélérer la rénovation thermique des habitations ?

De plus, vous avez appelé de vos voeux, dans vos récentes interventions, la création d'un ministère de la ville de demain, qui remplacerait le ministère du logement actuel. C'est une idée que j'aime beaucoup : pourriez-vous nous en dire plus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Est-ce que Nexity est associée à la construction de gendarmeries - cela concerne nombre de communes rurales ?

Debut de section - Permalien
Véronique Bédague, présidente-directrice générale de Nexity

Non, madame Chain-Larché, ce n'est pas le cas, mais nous étudierons l'opportunité de répondre à l'appel d'offres que lancera le ministère de l'intérieur à ce sujet.

Madame Jacques, je ne saurais vous dire pourquoi nous ne sommes pas présents en outre-mer, sans doute est-ce là un héritage. Nous nous déployons là où nous sommes ancrés, car il nous semble important de bien connaître l'environnement local - l'architecture, les entreprises, etc. - pour comprendre le marché du logement.

Les résidences intergénérationnelles fonctionnent extrêmement bien, mais il faut qu'il y ait de l'animation et un projet de gestion qui s'inscrive dans la durée. Au Havre, nous avons une résidence intergénérationnelle qui fonctionne très bien.

Selon moi, dès que nous sommes soutenus par une collectivité territoriale qui porte un projet, nous pouvons faire des miracles.

Le dispositif MaPrimeRénov' permet de financer les premières études, et ainsi de faciliter l'entrée dans le dispositif. Toutefois, le droit des copropriétés étant très compliqué, à la fin, les travaux sont réalisés dans un seul logement, alors même qu'une rénovation globale aurait pu être plus efficace. Pour faire des travaux de rénovation énergétique efficaces, et dépenser raisonnablement l'argent public, il faut encourager les copropriétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous vous remercions de votre intervention.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

La proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation, également connue sous le nom d'« Égalim 3 », a été déposée par le député M. Frédéric Descrozaille et est en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Son ambition est d'établir un cadre réglementaire pour les deux années à venir, complétant les expérimentations de la loi Egalim 1 et certaines dispositions de la loi Egalim 2, en corrigeant les effets de bord et les insuffisances avérées. Le texte, à l'origine composé de quatre articles, visant à sécuriser les chaînes d'approvisionnement, prolonger durablement les dispositions actuellement non définitives, parfaire les conditions de transparence et de bonne foi qui doivent s'appliquer à la négociation pour en équilibrer le rapport de forces économique, sera inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat le mercredi 15 février prochain. Nous l'examinerons en commission le mercredi 8 février au matin.

La commission désigne Mme Anne-Catherine Loisier rapporteure sur la proposition de loi n° 575 (A.N., XVIe lég.) visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation, sous réserve de sa transmission.

La réunion est close à 11 h 05.