Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe

Réunion du 10 avril 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous avons le plaisir de recevoir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui joue un rôle majeur pour la protection du consommateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Suite au scandale de la découverte de viande de cheval dans des lasagnes étiquetées comme contenant de la viande de boeuf, le ministre chargé de la consommation, M. Benoît Hamon, a déclaré que les filières viandes seraient placées sous surveillance renforcée pour l'année 2013, ce qui suppose des contrôles accrus de la part de vos services. Selon M. Pierre Georget, spécialiste de la traçabilité, les contrôles de l'administration sont cependant relativement rares. Ils n'interviennent que tous les deux ou trois ans ou ponctuellement sur alerte, ce qui ne permet pas d'assurer que le système de qualité et de traçabilité est au point.

Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre mission de contrôle ? Pourquoi les contrôles de l'administration sont-ils si peu nombreux ? Dans quelle mesure le système repose-t-il sur les autocontrôles réalisés par les industriels ? Pensez-vous que ces autocontrôles soient suffisants ? Disposez-vous de moyens humains et financiers adaptés pour mener à bien votre mission ? Quelles sont selon vous les forces et les faiblesses du système de traçabilité ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

C'est à un double titre que nous sommes invités à nous exprimer devant cette mission d'information : nous souhaitons vous présenter à la fois les missions de la DGCCRF et l'activité de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. C'est pourquoi j'ai proposé à M. Hugo Hanne, qui représente la DGCCRF auprès de cet observatoire, de se joindre à nous aujourd'hui.

Les contrôles que nous effectuons chaque année sont extrêmement variés. Ils portent à la fois sur la sécurité des produits alimentaires, sur leur qualité, sur des questions économiques et plus spécifiquement sur le respect du droit de la concurrence. Les contrôles en lien avec la sécurité concernent notamment les additifs, les arômes ou encore l'hygiène. Nous nous intéressons également de très près à la loyauté des transactions et nous recherchons s'il existe des fraudes dans les relations commerciales. Lorsque nous faisons des contrôles dans le secteur plus spécifique de la filière viande, nous nous intéressons particulièrement aux allégations portées sur les produits et leur emballage, à leur étiquetage, à leur traçabilité, à leur composition, au respect des usages et des cahiers des charges.

Pour mener à bien ces contrôles, nous pouvons nous appuyer sur plusieurs structures. Nous disposons tout d'abord d'un Service national des enquêtes (SNE), dont le chef, M. Didier Gautier, est aujourd'hui à mes côtés. Les brigades interrégionales d'enquêtes de concurrence, ensuite, s'intéressent principalement aux questions économiques. Nous avons enfin des directions départementales de la protection des populations (DDPP), qui comprennent à la fois des agents relevant du ministère de l'agriculture et des agents relevant de la DGCCRF.

Le SNE travaille en partie sur la base de plans annuels. Il établit ainsi un plan annuel de contrôle de la loyauté des transactions en abattoir, en application duquel il examine l'aspect économique de ces transactions dans la perspective d'assurer une rémunération équitable aux apporteurs, éleveurs comme marchands de bestiaux. Le SNE contrôle également la qualité du traitement des carcasses ou encore le classement des carcasses en fonction des critères communautaires - contrôle de la pesée, marquage des carcasses... En 2012, le SNE a ainsi effectué 139 contrôles dans 120 abattoirs différents, l'objectif étant que l'ensemble des abattoirs soient contrôlés sur une période de trois ans. Des procédures contentieuses sont engagées à chaque fois que des manquements sont constatés. Pour l'année 2012, une vingtaine de procès-verbaux a été transmise au parquet.

A côté de ces plans annuels de contrôle, le SNE effectue des enquêtes ponctuelles qui portent sur un thème particulier et qui durent deux à trois trimestres. Il contrôle par exemple la qualité des steaks hachés, la traçabilité des viandes découpées et mises en barquette pour la grande distribution, ou encore les ventes sur internet, qui se développent beaucoup et sur lesquelles nous sommes particulièrement vigilants.

Le SNE peut enfin apporter son appui technique aux DDPP dans les contrôles effectués auprès de la distribution.

Ces différents contrôles sont réalisés à tous les niveaux de la filière viande, à l'exception de l'élevage, qui est contrôlé par les services vétérinaires. Nous intervenons notamment dans les abattoirs et dans les ateliers de découpe, tandis que nos équipes départementales interviennent davantage au stade de la distribution pour contrôler notamment les étiquetages, les dates limites de consommation et le procédé dit de la « remballe », qui fait l'objet d'une surveillance particulière.

La fréquence à laquelle les différents acteurs de la filière viande sont contrôlés varie selon le type de contrôles effectués. Les contrôles de la première mise sur le marché, qui sont extrêmement fouillés, sont programmés dans un délai allant de un à cinq ans selon le degré de risque associé à une entreprise particulière. Nous distinguons trois catégories de risques (faible, moyen, élevé) ; lorsque le risque est élevé, nous intervenons au moins une fois par an pour un contrôle complet de l'établissement concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Comment déterminez-vous ces différents niveaux de risque ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Le degré de risque associé à un établissement est évalué en fonction de plusieurs indices : les éventuels contentieux dont un établissement a fait l'objet, les éventuelles alertes qui nous sont transmises, par exemple par le système européen d'alerte rapide (RASFF), le risque microbiologique attaché à certains produits, les risques attachés aux processus employés ... Tous ces éléments sont pris en compte pour réaliser une analyse de risques, qui est révisée chaque année, et qui détermine la fréquence de nos contrôles sur l'ensemble des établissements qui relèvent de la DGCCRF, c'est-à-dire tous les établissements à l'exception de ceux qui font l'objet d'un agrément sanitaire.

Par ailleurs, dans le cadre de notre directive nationale d'orientation et de nos plans annuels de contrôle, les DDPP interviennent auprès d'établissements préalablement ciblés pour contrôler les pratiques des professionnels. Ces interventions sont réalisées sur différents sujets ponctuels, tels que l'étiquetage et la traçabilité, la protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), la détection des salmonelles.

Lorsqu'une enquête est déclenchée à la suite de dénonciations ou d'informations qui nous sont transmises par des organisations professionnelles, nous intervenons extrêmement rapidement. De même, lorsque nous initions un contrôle sur la base des alertes déclenchées au plan communautaire ou sur le fondement d'informations transmises par d'autres Etats membres de l'Union européenne (UE), nous intervenons en urgence dans les entreprises concernées. Cela signifie que nous nous mobilisons pour pouvoir, dans les plus brefs délais, déployer la batterie de moyens qui nous est dévolue par le code de la consommation : réunir l'ensemble des documents nécessaires, réaliser des prélèvements aux fins d'analyse, consigner ou saisir la marchandise le cas échéant, prendre les mesures de police administratives qui s'imposent ...

Ainsi, tandis que certaines entreprises ne sont effectivement soumises qu'à peu de contrôles, d'autres établissements, qui posent davantage problème, nous reçoivent beaucoup trop à leur goût.

En 2012, 70 % des enquêtes déclenchées par une plainte ont été achevées en moins de deux mois. 83 % des enquêtes de réactivité du SNE ont été traités dans les délais fixés par l'administration centrale, qui sont généralement des délais très courts. Grâce au SNE, qui couvre l'ensemble du territoire national et qui est composé d'agents spécialisés mobilisables très rapidement, nous disposons d'une véritable force d'intervention. Dans l'affaire de la viande de cheval, le SNE a pu intervenir chez Spanghero et chez Comigel dès le lendemain du jour où nous avons reçu des informations suffisamment précises pour déclencher une enquête.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

De combien d'agents disposez-vous au plan national et dans chaque département ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Au plan national, 2 561 enquêteurs interviennent sur l'ensemble des missions de la DGCCRF. Ces enquêteurs sont affectés à la fois dans les directions régionales des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), dans les DDPP et dans l'administration centrale. Cette dernière comprend environ 400 personnels, parmi lesquels des enquêteurs et des attachés, qui sont chargés notamment de la mise en place des plans annuels de contrôle et de l'élaboration de la réglementation.

Le nombre d'agents est très différent selon les territoires. Dans certains petits départements de moins de 400 000 habitants - ce seuil marquant la présence d'une DDPP -, comme par exemple la Corrèze, il n'est pas rare de trouver entre 4 et 7 enquêteurs relevant de la DGCCRF, le chef de département compris. Il s'agit d'un effectif extrêmement faible, d'autant qu'on trouve de la viande dans tous les départements, y compris les plus petits.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Cela signifie-t-il que la répartition des enquêteurs sur le territoire ne serait pas pertinente au regard des besoins ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

La répartition des effectifs vise à garantir la couverture des territoires la plus équilibrée possible dans la mesure des possibilités, notamment face aux départs en retraite, et de manière proportionnée par rapport à la population et au nombre d'entreprises du département considéré. Il n'en reste pas moins que certaines situations sont préoccupantes, ce qui a conduit certains personnels à manifester le week-end dernier à Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Qu'en est-il des services vétérinaires dans les abattoirs ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Ces services dépendent du ministère de l'agriculture. Les personnels affectés dans les abattoirs relèvent de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et sont rattachés à la DDPP. Dans certains départements, leur effectif peut être beaucoup plus important que le nôtre : près de 200 personnes dépendent ainsi de ces services en Ille-et-Vilaine. Certes, un véritable besoin existe dans ce département compte tenu de la nature de son tissu économique. Cependant, nous sommes en comparaison très peu nombreux pour accomplir l'ensemble de nos missions.

Debut de section - Permalien
Didier Gautier, directeur du Service national des enquêtes (SNE)

Il est important de préciser que les chiffres que nous vous avons donnés concernent l'ensemble des missions dont la DGCCRF a la charge, de la régulation économique des marchés à la protection des consommateurs, et pas seulement les contrôles sur la filière viande.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

On peut penser qu'il existe en moyenne un agent chargé de ces contrôles spécifiques dans chaque département, deux ou trois peut-être à Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Ces effectifs varient sans doute localement, notamment selon le nombre d'abattoirs fonctionnant dans chaque département.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Quelle est la place de la mutualisation dans le fonctionnement de vos services ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Bien que le fonctionnement de nos services soit très lié au quotidien, nos compétences et celles des services vétérinaires sont clairement réparties. Les services vétérinaires n'ont aucune compétence en matière de fraude ou de loyauté des transactions commerciales. Les services de la DGCCRF interviennent dans les abattoirs exclusivement sur les questions économiques et non sur les questions sanitaires.

Nous avons un intérêt commun en matière d'hygiène alimentaire. Sur cette question, nos compétences sont réparties de la manière suivante : les services vétérinaires contrôlent les produits d'origine animale tandis que nous travaillons sur les produits d'origine végétale, comme par exemple les graines germées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

L'affaire qui nous préoccupe a soulevé la question de l'insuffisance des contrôles exercés sur l'origine des produits carnés. On a le sentiment, lorsque l'on vous écoute, que les contrôles sont très nombreux sur l'aval de la filière viande, mais de plus en plus rares à mesure que l'on remonte cette filière, pour devenir inexistants au stade de la fourniture de matière première.

Comment expliquer que des activités frauduleuses aient pu être pratiquées pendant aussi longtemps sans être détectées ? Est-ce un problème de moyens ? De champ de compétences ? Ne voyez pas dans ma question une forme de critique à l'égard de votre administration, dont je sais qu'elle travaille beaucoup avec peu de moyens.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

En matière de fraude, les infractions ne sautent pas aux yeux. Leur détection nécessite de procéder à des investigations approfondies : comparaison de documents, examen des qualités substantielles du produit fourni, analyses ponctuelles et aléatoires de certains produits...

La tâche est cependant compliquée par le fait que les fraudeurs connaissent très bien la réglementation ainsi que les moyens d'habiller leurs pratiques pour éviter tout soupçon. Bien souvent, c'est à l'occasion d'un contrôle aléatoire que l'on relève des éléments discordants, par exemple sur l'étiquetage, qui nous conduisent à engager de telles investigations.

Notre réglementation repose sur l'obligation d'autocontrôle qui revient aux opérateurs en application de l'article L. 212-1 du code de la consommation. Ceux-ci ont la responsabilité de s'assurer que les produits mis sur le marché sont conformes à la réglementation. Le non respect de cette obligation peut caractériser l'élément intentionnel de l'infraction de tromperie.

Bien évidemment, un contrôleur n'est pas présent derrière chaque opérateur pour vérifier le respect de cette obligation. Lorsque nous recevons des informations sur les pratiques d'une entreprise, parfois par le biais d'une dénonciation ou à la suite du licenciement d'un employé, nous menons une enquête pour pouvoir établir l'existence d'une infraction.

Debut de section - Permalien
Didier Gautier, directeur du Service national des enquêtes (SNE)

En réalité, l'affaire de la viande de cheval n'est pas si ancienne : la substitution de viande de cheval à de la viande de boeuf date du début de l'année 2012, en France comme en Europe. Un service de la DGAL aurait pu avoir connaissance d'une infraction du même type mettant en jeu les mêmes acteurs dès l'année 2010, ce qui aurait pu nous alerter si l'information nous avait été transmise.

Les contrôles documentaires sont parfois difficiles à réaliser, davantage encore lorsque les produits proviennent de l'étranger. Les produits concernés par la récente fraude et qui se trouvaient sur le territoire français étaient accompagnés de documents indiquant qu'il s'agissait de boeuf. Dès lors, pour qu'un contrôleur français puisse constater la substitution, il faut remonter jusqu'au lieu où le faux étiquetage a été effectué - aux Pays-Bas en l'espèce, mais plus largement en Pologne, en Espagne, en Irlande. Or la compétence des corps de contrôle nationaux s'arrête aux frontières. Dans le cadre de l'enquête actuellement menée, le parquet de Paris ayant ouvert une information judiciaire, nous devrons rencontrer nos collègues néerlandais.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Quelle était la quantité de produits concernée par la fraude liée à la substitution de viande de cheval ? De quels pays ces produits provenaient-ils ?

Debut de section - Permalien
Didier Gautier, directeur du Service national des enquêtes (SNE)

Cette affaire a directement concerné 800 tonnes de viande de cheval de France. On peut estimer cependant que cette fraude aurait porté sur environ 50 000 tonnes de viande depuis la fin de l'année 2011 ou le début de l'année 2012. Les produits ne provenaient pas seulement d'Europe de l'Est, mais également du Canada, ce que nous avons découvert récemment, ou encore d'Espagne ou d'Irlande. A l'heure actuelle, nous avons pu identifier 7 filières de viande de cheval en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

N'a-t-on pas atteint les limites du système d'autocontrôle ?

Debut de section - Permalien
Didier Gautier, directeur du Service national des enquêtes (SNE)

Il faut distinguer, au sein des opérateurs concernés par cette affaire, ceux qui avaient l'intention de frauder de ceux qui se sont simplement montrés négligents. Certains, notamment les traders, avaient nécessairement connaissance de la substitution opérée puisque c'est grâce à cette substitution qu'ils ont gagné de l'argent : ils ont acheté de la viande de cheval à un prix très bas et l'ont ensuite revendue en la présentant comme de la viande de boeuf. D'autres opérateurs se sont montrés négligents dans les contrôles qu'ils avaient l'obligation d'effectuer aux stades de la fabrication et de la distribution. Dans le cadre de notre enquête sur la viande de cheval, nous avons pu constater que le dernier autocontrôle réalisé par un grand acteur de la distribution datait de novembre 2011. Dans ce cas précis, il est clair que l'autocontrôle n'est pas à la hauteur des enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Comment la viande a-t-elle physiquement transité de Roumanie vers les usines françaises ? Quel trajet a-t-elle parcouru ? A quel moment les fausses étiquettes ont-elles été apposées ?

Debut de section - Permalien
Didier Gautier, directeur du Service national des enquêtes (SNE)

En raison de l'ouverture d'une enquête judiciaire, je ne peux pas vous divulguer tous les éléments dont nous disposons. Il apparaît cependant clairement désormais que, partis de Roumanie où ils étaient étiquetés comme viande de cheval, une partie des produits a d'abord transité par Breda, aux Pays-Bas, où ils ont été conservés dans des entrepôts frigorifiques. C'est alors que la substitution d'étiquetage a eu lieu et que la mention « BF » leur a été apposée. A son arrivée chez Spanghero après un trajet en camion, la viande a subi une deuxième falsification d'étiquetage et a été étiquetée comme viande d'origine française, avec agrément sanitaire des autorités françaises. Elle est enfin arrivée dans l'usine luxembourgeoise Tavola, qui dépend de l'entreprise Comigel. On a donc eu, au total, une double falsification d'étiquette.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Lorsque la viande est arrivée chez Spanghero, son code douanier indiquait qu'il s'agissait de viande de cheval. Spanghero ne pouvait donc ignorer la véritable nature du produit qu'il vendait.

Debut de section - Permalien
Didier Gautier, directeur du Service national des enquêtes (SNE)

Dans le cas de la filière Comigel-Findus-Spanghero, il s'agissait vraisemblablement d'une fraude dont les acteurs avaient connaissance. D'autres entreprises en revanche ne savaient pas qu'on leur avait livré de la viande de cheval et non de la viande de boeuf.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

J'aimerais ajouter quelques éléments à la décharge des opérateurs qui n'étaient pas directement impliqués dans la fraude. Afin de pouvoir établir une substitution d'espèce, il est nécessaire, pour certains produits, de procéder à des tests ADN ; ces tests sont très coûteux et il n'est pas habituel de les pratiquer. En outre, il est impossible de distinguer visuellement la viande de cheval de la viande de boeuf dans les produits surgelés. Sans être des fraudeurs, ces opérateurs se sont montrés négligents.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Je suis effarée de constater que des produits importés qui parcourent autant de kilomètres restent malgré tout moins chers que de la viande française.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Vous avez indiqué que l'on estimait à 50 000 tonnes la quantité de viande de cheval concernée. La fraude découverte ne représenterait donc que la partie émergée de l'iceberg ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

D'autres produits ont en effet transité par d'autres circuits en Europe. 16 autres États membres de l'Union européenne (UE), avec lesquels nous sommes en contact dans le cadre de notre enquête, ont découvert de la viande de cheval mal étiquetée sur leur territoire.

La Commission européenne a pris en charge cette affaire de façon très sérieuse. Dès le 19 février dernier, elle a adressé une recommandation aux Etats membres les incitant à réaliser des tests. Nous avons ainsi effectué 150 tests en France. Les résultats de cette analyse ont ensuite été transmis à la Commission, qui décidera des suites à leur donner. Il est probable qu'elle demandera le maintien d'une surveillance particulière, bien qu'à un niveau moindre que celui observé pendant la crise.

La question qui se pose désormais est la suivante : comment faire évoluer la réglementation européenne pour améliorer la traçabilité des produits et parvenir à ce que l'origine des produits et des ingrédients des plats transformés soit mentionnée ? Le règlement n° 1169/2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires entre progressivement en vigueur et l'essentiel de ses dispositions devrait être applicable à la fin de l'année 2014. Ce règlement prévoit que plusieurs rapports soient établis par la Commission dont un rapport sur l'étiquetage de l'origine de l'ingrédient viande dans les produits transformés. Un tel étiquetage peut se révéler très complexe et très coûteux à mettre en oeuvre, notamment lorsque plusieurs ingrédients ont des origines différentes. Dans le contexte de demande très forte de transparence de la part des consommateurs, les ministres se sont montrés très exigeants vis-à-vis de la Commission et ont demandé que la publication de ce rapport, prévue pour décembre 2013, soit avancée au mois de septembre de manière à ce qu'un texte puisse ensuite être adopté et soit applicable rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

L'obligation d'étiquetage ne concernerait que l'ingrédient principal d'un produit transformé, ce qui serait déjà complexe. On serait donc bien loin de la traçabilité complète de l'ensemble des ingrédients d'un plat cuisiné.

Debut de section - Permalien
Didier Gautier, directeur du Service national des enquêtes (SNE)

Il est à noter que la viande ne représente que 7 à 18 % des produits transformés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Notre mission a pour but de restaurer la confiance des consommateurs, et parmi eux des consommateurs musulmans, qui se demandent quelle est la valeur de la certification des produits halal. Serait-il possible que l'on découvre un jour de la viande de porc vendue comme de la viande de boeuf ? Puisque le mode d'abattage des animaux n'est pas indiqué sur l'étiquetage des produits carnés, dans quelle mesure pouvez-vous effectuer des contrôles dans les abattoirs pour examiner la manière dont les animaux sont abattus, et notamment s'ils sont ou non étourdis ? On sait que certains produits importés ont été abattus rituellement, mais avec étourdissement.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Il s'agit d'un sujet très sensible et très complexe, sur lequel nous nous montrons très prudents, car il est extrêmement difficile de définir ce qu'est un produit halal. S'il s'agit seulement d'un produit provenant d'un animal abattu sans avoir fait l'objet d'un étourdissement préalable, des contrôles peuvent en effet être effectués dans les abattoirs. Le rituel défini par la religion musulmane est cependant beaucoup plus précis. Certaines de ses conditions échappent totalement à une administration chargée d'effectuer un contrôle sanitaire. Le mode d'étourdissement préconisé varie même selon les associations musulmanes.

Debut de section - Permalien
Geneviève Morhange, ajointe au chef du bureau produits d'origine animale

Un décret a été pris à la fin de l'année 2011 pour améliorer le contrôle de l'abattage rituel. Ce texte vise à garantir le respect du bien-être animal et à assurer la plus grande adéquation possible entre le nombre d'animaux abattus rituellement et les besoins du marché. Les abattoirs s'engagent à n'abattre selon le rite que lorsqu'ils ont une commande de produits halals.

Nous réalisons des contrôles visant à détecter une fraude ou à assurer la traçabilité d'un produit. Lorsque nous recevons une demande de consommateurs, nous cherchons par exemple à déterminer si un étiquetage a pu être modifié. En revanche, nous n'avons pas de véritable compétence en ce qui concerne l'abattage lui-même, qui est du ressort du religieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Avez-vous les moyens d'évaluer le nombre d'animaux abattus rituellement ? Le fait qu'il n'existe pas d'étiquetage spécifique des produits halal signifie-t-il que le système est purement déclaratif et ne repose que sur l'autocontrôle ? Pourrait-on imaginer qu'une viande d'importation soi-disant halal puisse contenir du porc ?

Debut de section - Permalien
Geneviève Morhange, ajointe au chef du bureau produits d'origine animale

Nous effectuons régulièrement des contrôles de composition des produits, notamment sur des merguez, que les produits soient halal ou non. Il est en effet déjà arrivé que l'on trouve du porc à cette occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

L'efficacité du décret de décembre 2011 a-t-elle fait l'objet d'une évaluation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Une directive européenne impose le respect de normes de bien-être animal très strictes pour l'obtention du certificat bio. Contrôlez-vous le respect de ces normes dans le cas du bio halal ? Peut-on considérer que le bien-être animal est respecté dans le cas d'un abattage sans étourdissement ?

Debut de section - Permalien
Geneviève Morhange, ajointe au chef du bureau produits d'origine animale

Aucune évaluation n'a pour l'heure été menée quant à l'application du décret de décembre 2011. Sur le respect du bien-être animal, je crains que nous ne puissions vous en dire plus sur cette question qui relève de la compétence exclusive des services vétérinaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Il est apparu que l'entreprise Spanghero a non seulement vendu du cheval pour du boeuf, mais a également vendu du mouton non conforme à la législation européenne qui interdit la commercialisation de viande séparée mécaniquement (VSM). Pouvez-vous nous en dire plus ?

Debut de section - Permalien
Geneviève Morhange, ajointe au chef du bureau produits d'origine animale

Suite au scandale de la vache folle, la réglementation européenne a interdit la séparation mécanique des viandes sur os issues de ruminants. Il existe cependant des divergences d'interprétation entre les Etats membres sur ce qu'est une VSM, dont la définition présente quelques ambiguïtés. Cette définition repose sur trois critères selon les textes européens : la matière première utilisée doit être une viande avec os ; la séparation doit être effectuée par des machines ; elle ne doit pas conduire à un niveau trop important de déstructuration de la fibre musculaire. Les discussions au niveau européen portent principalement sur ce dernier critère, les Anglais considérant que la technique qu'ils utilisent est suffisamment douce pour ne pas détruire les fibres musculaires.

Suite à un contrôle effectué au Royaume-Uni, au début de l'année 2012, par l'office vétérinaire européen, qui a constaté l'existence de ces pratiques, il a été demandé au Royaume-Uni d'y mettre fin. Les VSM ont ainsi été totalement interdites à partir du mois d'avril 2012. Les produits retrouvés en France étaient des produits fabriqués avant cette interdiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Les merguez sont-elles fabriquées à partir de viande issue du procédé de séparation mécanique ?

Debut de section - Permalien
Geneviève Morhange, ajointe au chef du bureau produits d'origine animale

En France, nous faisons respecter l'interprétation donnée par les autorités européennes de la définition de la VSM. Nous considérons que les produits issus de procédés de séparation même doux sont des VSM. Ces produits ne sont pas interdits en tant que tels pour le porc et la volaille, mais leur obtention par cette technique doit être indiquée sur l'étiquetage. La technique de la séparation mécanique est en revanche totalement interdite pour les ruminants. Sauf fraude, la viande de mouton ne peut donc être traitée par séparation mécanique pour fabriquer des merguez.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Un opérateur de bonne foi qui constate une fraude à la réception d'un produit est-il dans l'obligation de le signaler ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Un opérateur qui aurait connaissance d'une caractéristique frauduleuse d'un produit sans en informer l'administration ou les services de police deviendrait de fait complice de l'infraction. Il doit donc immédiatement signaler la fraude qu'il a relevée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous avons auditionné un opérateur industriel qui nous a dit qu'il était en mesure de distinguer la viande de boeuf de la viande de cheval dans les produits qu'il reçoit. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Il est tout à fait possible d'identifier visuellement ou par prélèvement une viande fraîche. C'est en revanche impossible lorsque la viande se présente sous forme de minerai ou lorsqu'elle est congelée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Existe-t-il une définition du minerai de viande, terme employé dans le commerce de la viande ? Pouvez-vous nous parler des marges et des prix dans la filière viande ?

Debut de section - Permalien
Geneviève Morhange, ajointe au chef du bureau produits d'origine animale

Le terme de minerai est un terme professionnel d'usage, utilisé par les industriels. Il n'existe pas de définition réglementaire du minerai de viande. Ce terme recouvre des réalités très diverses et renvoie globalement à la matière première.

Debut de section - Permalien
Hugo Hanne, chef du bureau de la veille économique et des prix

La DGCCRF réalise plusieurs travaux concernant la transparence des prix, qui donnent lieu à des publications régulières. Depuis le début de l'année 2010, les travaux de deux observatoires sont publiés sur le site de la DGCCRF. Ces travaux sont destinés à l'ensemble des publics, consommateurs comme professionnels.

Effectués à partir des données figurant sur les tickets de caisse dans 7 000 supermarchés et hypermarchés français, les travaux réalisés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits de grande consommation dans la grande distribution fournissent des informations précises sur l'évolution des prix à la consommation, principalement pour les produits alimentaires.

L'objectif du second organisme, l'Observatoire des prix et des marges des produits agricoles, est d'évaluer les prix de ces produits de l'amont à l'aval des filières, de la production vers la consommation, selon une démarche verticale. Il évalue ainsi les cours des matières premières agricoles portées par les marchés mondiaux (blé, maïs, sucre, cacao, café, soja..), les prix à la production agricole, le prix des produits importés et les prix à la consommation de ces produits. Les travaux de cet observatoire sont réalisés à partir de trois produits (un fruit, un légume, la viande bovine) sur lesquels est observée l'évolution de la marge brute mensuelle et annuelle.

Nous participons également aux travaux de l'Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires présidé par le Professeur Philippe Chalmin. Il s'agit d'une enceinte qui permet de faire travailler au sein de groupes de travail l'ensemble des professionnels, des producteurs aux industriels et à la grande distribution. Cet observatoire, qui a débuté ses travaux fin 2010 suite à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), a déjà produit deux rapports remis au Parlement.

Le rapport de cet observatoire pour l'année 2012 a pour la première fois réalisé une estimation des marges nettes dans la grande distribution pour cinq filières agricoles. Il a permis de mettre en évidence que le rayon viande bovine présente une marge nette négative de - 2 % et est donc déficitaire pour la grande distribution, notamment en raison de coûts très importants de main d'oeuvre. Les rayons volaille (+ 6 %) et viande porcine (+ 5 %) sont au contraire les plus profitables pour la grande distribution.

Cet observatoire arrivant cette année à l'échéance de son mandat, la question se pose de la prolongation de ses travaux, soit à travers la pérennisation de cette structure, soit à travers la prolongation de son mandat pour quelques années supplémentaires.

Le bureau de la veille économique et des prix produit également des études intitulées « DGCCRF-éco ». La dernière de ces études porte sur l'évolution des cours mondiaux des produits alimentaires et leur transmission dans les prix alimentaires à la consommation.

Debut de section - Permalien
Odile Cluzel, chef du bureau du commerce et des relations commerciales

La DGCCRF ne réalise pas pour l'heure d'enquêtes spécifiques sur les relations commerciales entre les acteurs de la filière viande. Ces relations sont examinées dans le cadre d'enquêtes transversales réalisées par mon bureau. Nous réalisons principalement deux enquêtes : la première porte sur les pratiques commerciales de la grande distribution vis-à-vis de ses fournisseurs sur l'ensemble des produits ; la seconde concerne les délais de paiement. Il n'a pas été mis en évidence de tensions particulières dans le cadre de la filière viande, sauf sur un point : notre enquête 2012 a montré des tensions dans le secteur de la charcuterie, ce que nous approfondirons dans notre rapport 2013.

Mon bureau travaille également sur la prise en compte de la hausse des prix des matières premières agricoles dans le cadre des relations commerciales. Une table ronde qui s'est tenue le 21 novembre 2012, et qui a rassemblé les ministres de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la consommation ainsi que les acteurs économiques du secteur, a débouché sur une mission de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), qui doivent rendre leurs conclusions avant le mois de mai 2013. Cette mission a pour l'heure produit un rapport d'étape qui fournit quelques orientations sur lesquelles nous travaillons actuellement. Ces travaux pourraient déboucher sur un article au sein du projet de loi sur la consommation, qui prévoirait l'obligation pour les parties à un contrat d'une durée d'au moins trois mois d'insérer une clause de renégociation du prix en cas de forte variation du prix des matières premières à la hausse comme à la baisse. Il s'agirait ainsi de favoriser une meilleure répartition des variations de prix des matières premières sur tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Gérard, sous-directeur des produits alimentaires et des marchés agricoles et alimentaires

Le projet de loi sur la consommation prévoit par ailleurs en son article 65 un renforcement des sanctions pour l'infraction de tromperie. Ces sanctions pourraient être portées à 300 000 euros d'amende et jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi sur la consommation. Nous remercions pour votre contribution particulièrement intéressante et dynamique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Ce renforcement des sanctions serait bienvenu ; cependant, s'il est nécessaire de sanctionner des tromperies, il est mieux encore de pouvoir les déceler rapidement et de pouvoir s'appuyer sur un personnel suffisant pour ce faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous souhaitons la bienvenue à la fédération nationale bovine (FNB), qui représente les éleveurs de bovins allaitants, et entrons directement dans le vif du sujet : pouvez-vous nous dire où en est la contractualisation ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chevallier, président de la Fédération nationale bovine

Nous avons beaucoup travaillé sur la contractualisation avec le ministre Stéphane Le Foll ainsi qu'avec son prédécesseur en poursuivant un but précis : la mise en place dans notre filière du contrat de filière avec sécurisation du revenu des producteurs, prenant en compte les coûts de production. Notre objectif est de contractualiser 30 % de la production de jeunes bovins, afin de soutenir les prix du marché. Nous étions les premiers à travailler sur ce sujet, avant même le secteur du lait. Le prix de revient du jeune bovin est établi par l'Institut de l'élevage, sur la base de l'amortissement des bâtiments d'élevage sur quinze ans, et en prenant en compte le coût de l'alimentation du bétail sur les marchés mondiaux. Cette méthode est totalement transparente. Elle conduit à fixer aujourd'hui ce prix de revient à 4,70 € par kilo. Quelques entreprises commencent à être intéressées par notre démarche.

Mais il serait souhaitable que le contrat de filière fasse l'objet d'un accord interprofessionnel, impliquant le syndicat national des industriels de la viande (SNIV), la Fédération nationale de l'industrie et du commerce en gros des viandes (FNICGV) et Coop de France. C'est le seul moyen pour sauver la production de viande dans notre pays !

La France est riche de son élevage bovin. La production de viande bovine française représente 25 % de la production européenne. Le cheptel est composé de 3,5 millions de vaches laitières, 4,2 millions de vaches de race à viande sur un total de 25 millions de vaches laitières et 12 millions de vaches allaitantes en Europe. Les vaches ne font qu'un veau par an : on ne peut donc pas démultiplier la production, contrairement aux secteurs du porc ou de la volaille. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) prévoient une augmentation de 15 à 20 % de la consommation mondiale dans les dix prochaines années. En Europe, nous consommons 7,8 millions de tonnes de viande bovine. Dans 10 ans, nous consommerons en Europe la même quantité car nous sommes dans une situation d'érosion de la consommation dans les pays de l'ouest de l'Europe mais de hausse dans les nouveaux États membres du fait de l'élévation de leur niveau de vie. Or, l'élevage est parvenu aujourd'hui au point de rupture économique et sociologique, alors que les prévisions de croissance sont très encourageantes au niveau mondial. Nous exportons maintenant au Japon, nous nous ouvrons vers l'Asie qui représente la moitié de la population mondiale. Il faut donc passer par la contractualisation pour surmonter la situation actuelle et sauver l'élevage français.

La dispersion des éleveurs est forte. Mais celle des industriels l'est également. Les trois acteurs industriels majeurs que sont le SNIV, la FNICGV et Coop de France n'arrivent pas à s'entendre pour organiser le marché. En Italie, les acteurs économiques ont moins de souci : entre août et octobre dernier, ils ont réussi à faire baisser le prix du broutard d'environ 200 euros par tête, alors même que le prix du taurillon engraissé n'avait pas changé. Quand j'ai dénoncé l'accord entre entreprises italiennes, sur le dos des éleveurs français, j'ai été critiqué. C'est pourtant la réalité. Et 200 euros par tête, c'est le montant annuel de la prime à la vache allaitante, pour le maintien de laquelle nous nous battons à Bruxelles.

Il est donc bien nécessaire de travailler ensemble pour peser sur le marché, même s'il faut le faire sans franchir les limites permises par les autorités de la concurrence. Les industriels y auraient au demeurant intérêt. En effet, pour ne prendre qu'un seul exemple, le groupe Bigard, qui assure 42 % de l'abattage en France, souffre d'une baisse de 10 % de ses volumes traités. Avec de tels chiffres, des fermetures d'abattoirs, en particulier dans l'ouest, sont inévitables. La contractualisation constitue une réponse pertinente, mais il faut un accord interprofessionnel pour l'imposer. Il est temps que certains industriels et certaines coopératives qui passent leur temps à se combattre au lieu de coopérer cessent ce comportement suicidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

J'ai rencontré un groupe de 63 éleveurs qui m'expliquaient qu'ils étaient à la merci des abattoirs des grands groupes. Ils voudraient disposer d'abattoirs de plus petite dimension pour ne pas être dépendants de quasi-monopoles. Que pensez-vous de cette suggestion, et du développement des circuits courts ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Les abattoirs de proximité sont utiles pour les abattages d'urgence, ou encore pour l'aménagement du territoire. Mais l'abattage doit plus fondamentalement faire face à l'enjeu de la compétitivité. Si les taxes d'abattage sont trop élevées, il ne sera pas possible d'être compétitifs. La restructuration des abattoirs est un mal nécessaire, et si l'on perd du tonnage comme nous l'observons aujourd'hui, on perd en compétitivité. Je ne crois pas que nous puissions être compétitifs en-dessous de 3 000 à 4 000 tonnes, sauf cas particulier. C'est vrai qu'ici ou là, un petit abattoir peut fonctionner très bien, à condition d'intervenir sur une niche particulière, en filière courte, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Disposez-vous de statistiques sur les modes d'abattage avec et sans étourdissement ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Selon les statistiques de la direction générale de l'alimentation (DGAL), l'abattage rituel représentait en 2010 12 % des abattages, considérés en nombre de têtes de veaux et de gros bovins.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

Ces chiffres sont fondés sur les statistiques des services vétérinaires départementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Que pensez-vous du rapport 2012 de l'observatoire des prix et des marges, qui semble mieux documenté que celui de 2011 ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

En donnant des chiffres clairs, l'observatoire permet de nourrir les débats, mais ses conclusions sont discutables. Il faut rappeler le contexte : durant les cinq dernières années, le revenu moyen annuel des éleveurs de bovins allaitants s'est établi à environ 15 000 euros par actif. C'est le plus faible revenu de l'ensemble des productions agricoles. Et nous apprenons dans le même temps que la grande distribution aurait des marges négatives en viande bovine. Cette conclusion est, pour nous, parfaitement scandaleuse. Les marges calculées pour la grande distribution résultent de chiffres fournis de manière volontaire par les entreprises, sans qu'il soit possible de les vérifier, alors que ceux concernant les éleveurs proviennent de bases de données objectives, incontestables, comme le réseau d'information comptable agricole (RICA). Les industriels ont également effectué des efforts importants de transparence. Pour la grande distribution, on observe que lorsque les enseignes disposent de rayons traditionnels de boucherie en leur sein, elles gagnent de l'argent. En revanche, elles en perdent lorsque la gestion des rayons est trop simplifiée, avec une vente effectuée de manière privilégiée en barquettes sous vide, car il existe un taux de perte important, qui peut dépasser 10 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

J'espère que cette perte va dans les banques alimentaires.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

Cela n'est pas possible lorsque la date de péremption est dépassée.

Lorsque les grandes surfaces ont des marges négatives car elles organisent mal leur rayon boucherie, cette situation n'est pas de la faute des éleveurs. Par ailleurs, nous observons un biais technique dans les travaux de l'observatoire des prix et des marges : dans les groupes de distribution qui dépendent de centrales d'achat, ce sont ces dernières qui déterminent le mode de répartition de la marge. Certaines affectent l'amortissement du magasin sur les rayons viande et boucherie, en répartissant habilement la facture d'électricité sur une partie du magasin. Ainsi les résultats de l'observatoire donnent des marges négatives, ce qui est contestable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Le mandat de l'observatoire des prix et des marges arrive à échéance prochainement. Cet organisme doit-il être prolongé et, si oui, comment améliorer son fonctionnement ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

Il faut qu'il continue ses travaux car ses résultats ne sont intéressants qu'en les comparant dans le temps. Il faut aussi améliorer la transparence des données, par exemple sur les remises, rabais et ristournes.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Il faut que l'observatoire utilise la comptabilité analytique des grandes et moyennes surfaces (GMS), et ne se fie pas aux seuls chiffres fournis par la grande distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Comment estimer les prix et les marges ? Comment répartir entre rayons l'amortissement d'un bâtiment ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

La comptabilité des GMS est parfois établie de manière à assurer la meilleure rémunération possible des actionnaires. C'est une préoccupation légitime des centrales d'achat mais qui ne doit pas avoir d'impact sur les calculs de marges des rayons. Le modèle de l'observatoire est également altéré par l'intervention de sociétés intermédiaires entre les industriels et distributeurs. En tout état de cause, il faut perfectionner les instruments de mesure de l'observatoire des prix et des marges concernant la grande distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Dans un marché mondial totalement ouvert, comment faire face à la concurrence des producteurs de viande d'autres pays ? Comment dans un tel contexte faire fonctionner la contractualisation ? Autant celle-ci est possible entre un éleveur et un industriel, autant je suis persuadé que la grande distribution ira toujours chercher les produits les moins chers.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Un steak haché est un produit identique sur l'ensemble du marché : il fait 100 g avec 15 % de matière grasse. Un paquet de dix est vendu entre 5 et 6 euros à la grande distribution, qui le vend elle-même entre 10 et 15 euros.

La réforme de la PAC, actuellement en discussion, pourrait être accompagnée de mesures conditionnant les importations des produits agricoles à l'application de règles identiques à celles imposées par les directives européennes sur les conditions d'élevage ou encore sur le bien-être animal. Nous le réclamons depuis des décennies. Au Brésil, le plus grand industriel de la viande bovine, JBS-Friboi, n'a plus d'élevages à proximité de ses outils industriels. Les prairies ont été remplacées par de la canne à sucre. Les broutards sont élevés dans des conditions déplorables : il n'y a pas de traitement des effluents, les bêtes sont dans la boue, ne sont jamais abritées dans des bâtiments, et sont nourries avec les résidus de canne à sucre, dont la culture sert aux énergies renouvelables. Aux États-Unis, à Denver dans le Colorado, le cheptel compte 100 000 têtes, à côté de l'abattoir de JBS. Les protecteurs du bien-être animal en France et en Europe devraient aller se rendre compte d'une réalité peu reluisante. Dans les abattoirs aussi, les pratiques sont éloignées de celles de l'Europe : les cuirs sont nettoyés au karcher puis à l'eau de javel. Les carcasses sont aspergées d'acide lactique tout au long de la découpe. Avant de fabriquer des steaks hachés, on arrose préalablement la viande avec de l'acide lactique. Les États-Unis voulaient imposer l'acide lactique à l'Europe pour des raisons commerciales mais non sanitaires. On ne peut pas continuer à accepter d'importer de la viande produite dans des conditions aussi éloignées de nos exigences sanitaires, environnementales et de bien-être animal. Les négociations à l'Organisation mondiale du commerce sont biaisées.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

La France est le pays le plus exemplaire en matière de bien-être animal, de sécurité sanitaire et alimentaire, lorsqu'on se compare aux autres pays d'Europe et du monde.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Ce qui vous préoccupe est l'abattage halal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Oui, quand on abat rituellement sans étourdissement, ce n'est pas l'idéal.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Ce débat relève davantage de votre compétence. Nous vous invitons à consulter les cultes. La production halal représente une consommation qui ne fait qu'augmenter dans notre pays et à l'extérieur et nous ne pouvons pas ne pas répondre à cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Les grands pays exportateurs de viande halal pratiquent l'étourdissement. C'est le cas, me semble-t-il pour la Nouvelle-Zélande.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Nous sommes pour l'étourdissement. Mais il faut négocier cette question avec les représentants des cultes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Concernant les distorsions de concurrence, nous devons les refuser.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Il faut les dénoncer. Car face à certaines méthodes de production, nous ne serons jamais compétitifs en Europe. Nous avons fait le choix de ne pas utiliser d'hormones, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Quel a été l'impact sur la filière viande de la volatilité des prix des céréales et de la hausse du coût de l'alimentation animale.

Debut de section - Permalien
Patrick Bénézit, vice-président de la FNB

L'impact est très fort. Le prix de revient a considérablement augmenté. On a pu calculer une baisse de la rentabilité des exploitations d'élevage de l'ordre de 70 centimes d'euros sur une carcasse de 400 kg. On est donc à 300 euros par animal en moins, avec une non-répercussion de la hausse des coûts de production sur les prix de vente. Voici l'explication de la faiblesse des revenus voire l'absence de revenu des producteurs. Nous n'avons pas de pouvoir particulier sur les prix des céréales, qui sont déterminés par le marché mondial. Nous devons donc améliorer notre pouvoir de négociation avec la grande distribution qui est très puissante en France et qui a la loi pour elle aujourd'hui. Le législateur doit reconnaître dans les contrats les possibilités de variation des prix par rapport aux coûts de production, en fonction des indicateurs existants.

Nous souhaitons aussi que la réforme de la PAC entraîne une réorientation des soutiens européens vers l'élevage. Lors de la réforme de 1992, les niveaux des soutiens avaient été fixés dans un contexte de prix bas des céréales. Aujourd'hui la situation a changé et les prix des céréales ont augmenté. Il faut prendre en compte cette nouvelle réalité.

L'élevage le mérite : derrière un éleveur il y a 7,5 emplois, de la production à la distribution en passant par l'abattage. Notre production s'exporte par ailleurs de mieux en mieux et l'élevage peut participer au rétablissement de la balance commerciale.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

Pour bien mesurer la situation, je précise qu'on observe 58 % de hausse du coût des aliments du bétail par rapport à 2005, et cela pourrait continuer.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

La France produit entre 1,5 et 1,6 millions de tonnes de viande bovine par an. Les circuits courts ne répondent pas à la problématique de masse du marché de la viande. Permettre à l'éleveur de vendre directement à une cantine scolaire reste de la micro-économie, qui peut avoir son intérêt mais ne sortira pas la filière de l'ornière. Pour autant, nous sommes très favorables aux possibilités d'introduire la notion d'approvisionnement de proximité dans les appels d'offre en restauration collective, qui se fournit aujourd'hui essentiellement en viande d'importation, voire même de remonter les seuils des appels d'offres.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Quel est le volume des importations de viande bovine ? D'où provient la viande importée ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

On importe environ 350 000 tonnes de viande bovine et on en exporte 350 000 tonnes. Il existe des flux croisés traditionnels avec l'Allemagne, mais on peut difficilement comparer la situation allemande à la situation française. Il existe des distorsions de concurrence, au sein même de l'Europe, notamment du fait du choix stratégique de l'Allemagne de développer les énergies renouvelables comme le photovoltaïque ou la méthanisation pour permettre aux agriculteurs de dégager un revenu à côté de l'élevage. Par ailleurs, il n'y a pas de salaire minimum en Allemagne.

On exporte des avants de carcasses en Allemagne et nous importons des arrières, car nous aimons le bifteck. On peut dire que la France est auto-suffisante en viande bovine. Sur l'équilibre des pièces, on en exporte autant qu'on en importe. La viande importée est originaire d'Irlande, d'Allemagne, du Royaume Uni et par le port de Rotterdam arrivent aussi des bovins d'Amérique du Sud : entre 50 et 60 000 tonnes. La viande d'Amérique du sud est d'ailleurs parfois du zébu, pas du bovin. C'est le prochain scandale.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Peut-être ... On exporte également 1 million de jeunes bovins vivants en Italie et en Espagne chaque année. Si nous n'exportions pas ces bêtes, nous pourrions les engraisser en France, en poussant la production jusqu'à 2 millions de tonnes en production, c'est-à-dire plus de 400 000 tonnes supplémentaires.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la FNB

Il faut trouver les marchés à l'extérieur. Certains sont en train de s'ouvrir : l'Extrême-Orient, la bordure méditerranéenne. On exportera un peu moins de céréales mais on créera des emplois : il y a plus d'emplois derrière un éleveur que derrière un céréalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Pourriez-vous nous parler du fonds de mutualisation céréaliers éleveurs ?

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

Ce fonds doit se mettre en place. Il est alimenté par une contribution volontaire. Mais cela ne marche pas. Il est nécessaire d'aller vers une cotisation volontaire obligatoire (CVO). La FNB le propose. Nous souhaitons que ce fonds contribue à la sécurisation des revenus des éleveurs par la contractualisation, prenant en compte les coûts de production. Le producteur de blé n'est pas spontanément d'accord pour payer une cotisation pour les éleveurs. Le seul moyen est donc de passer par une CVO. Le législateur pourrait d'ailleurs intervenir en ce sens. Le monde de l'élevage de ruminants est arrivé aujourd'hui, je le répète, au point de rupture économique et sociologique. Les producteurs de lait arrêtent leur activité, les éleveurs de bovins allaitants arrêtent aussi. Ils achètent des charrues et vendent les vaches.

Deux orientations sont nécessaires : d'une part il faut orienter les aides de la PAC vers les ruminants, sans quoi nous allons créer en France des déserts agricoles, et d'autre part il faut offrir aux éleveurs des prix rémunérateurs. Faute de quoi, dans dix ans, il n'y aura plus d'élevage en France.

Concernant la PAC, la part communautaire de la prime à la vache allaitante a été baissée de 200 à 150 euros. Cela a été une erreur. Désormais, il faut inventer des soutiens différenciés pour les surfaces en herbe par rapport aux surfaces cultivées. Si cela n'est pas possible, il faudra augmenter la prime à la vache allaitante à 300 euros ! On ne peut tout de même plus continuer en Europe à attribuer 350 euros par an à des céréaliers qui produisent 100 quintaux à l'hectare, lui rapportant 2 000 euros net. Le contribuable ne l'acceptera pas. Agir ainsi sera tuera la PAC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

La commission des affaires européennes a voté une proposition de résolution européenne sur la future PAC en 2014-2020, demandant qu'elle soit orientée en faveur de l'élevage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Il faudrait mettre en place des aides contracycliques. Le contribuable acceptera de payer pour le céréalier si ses revenus baissent de 40 % que si celui-ci a eu moins d'aides lorsque les prix étaient au plus haut.

Debut de section - Permalien
Pierre Chevalier

J'avais proposé les droits à paiement unique (DPU) flottants dans le cadre du bilan de santé de la PAC, mais cela n'avait pas été accepté. La consommation de viande bovine va augmenter de 10 à 20 % dans la prochaine décennie selon la FAO et l'OCDE. Or, il y a concurrence entre l'élevage et les énergies renouvelables. On risque d'aller vers des pénuries alimentaires terribles si nous n'y prenons pas garde.

Sur la viande de cheval, la situation a été gérée avec brio avec les pouvoirs publics. On avait l'expérience de la vache folle en 1996 et 2000. On est parvenu à décider d'imposer l'étiquetage des plats cuisinés alors que la commission ne voulait pas l'imposer. L'enjeu n'est pas mince : 150 000 tonnes de viande de boeuf sont utilisées pour des plats cuisinés en France. Environ la moitié est aujourd'hui de la viande de boeuf française (VBF). L'étiquetage permettra à l'élevage français de regagner des parts de marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je remercie les représentants de la FNB pour toutes ces précisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pour m'en tenir à l'essentiel, je voudrais que vous nous disiez quels leviers le législateur peut, à votre avis, actionner pour soutenir la filière viande et quelles pistes de rénovation vous suggérez.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Elvea France est une fédération regroupant 44 associations d'éleveurs reconnues comme Organisations de producteurs non commerciales (OPNC) par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 et agréées par le ministère de l'agriculture. L'agrément ministériel soulève traditionnellement une difficulté pour nos associations, le modèle des OPNC s'opposant à celui des organisations de producteurs commerciales (OPC). Les coopératives auxquelles leurs adhérents transfèrent la propriété de leurs productions en vue de leur mise sur le marché, évitant d'éventuels griefs d'entente sur un prix unique. Nous souhaitons que la reconnaissance des organisations de producteurs ne soit pas conditionnée à un tel transfert de propriété dont le principe ne figure pas dans nos statuts.

Depuis 20 ans qu'elles existent, nos associations ont permis d'accomplir des progrès sensibles, tout particulièrement en matière de traçabilité. Ce sujet est aujourd'hui au centre de vos préoccupations. En raison des événements récents, les grandes et moyennes surfaces (GMS) sont d'ailleurs de plus en plus intéressées par notre démarche et notre fonctionnement pour faire progresser la traçabilité.

Notre rôle est de renforcer le poids de l'amont, afin d'améliorer la capacité de négociation des éleveurs. Dans ce but, on évoque souvent la nécessité de concentrer la production qui demeure, il est vrai, relativement éclatée : une telle orientation me paraît souhaitable, mais sans pour autant pousser cette logique à l'excès sans quoi on risque de perdre les avantages liés à la diversité et à la spécificité régionale des productions. L'homogénéisation du produit, telle qu'on la constate, par exemple, dans la filière porcine, ne parait pas souhaitable pour les éleveurs spécialisés en viande bovine. Il faut au contraire être très attentif à la préservation de la variété des races allaitantes dans notre pays.

Les éleveurs sont en très grande difficulté économique depuis 2007-2008. Pas une région n'y échappe. Pour passer les caps difficiles provoqués par les épisodes de la vache folle puis de la fièvre aphteuse puis de la sécheresse, les éleveurs ont pu bénéficier de prêts. Lorsque les éleveurs ont été confrontés, par la suite, à des résultats négatifs pendant trois années successives - le prix de l'alimentation animale ayant explosé alors que le cours de la viande baissait - les difficultés de trésorerie se sont accumulées. Une tendance est préoccupante : pour faire face aux difficultés, les éleveurs ont commencé à ne plus conserver les génisses de renouvellement : j'avais alerté FranceAgrimer dès 2010 sur la décapitalisation du troupeau de souche.

Je regrette que nos banquiers ne nous soutiennent plus suffisamment : les établissements de crédits orientés vers l'agriculture prêtent aux céréaliers mais beaucoup moins aux éleveurs. On réduit la couverture de crédit des éleveurs. C'est une marque de défiance à l'égard de l'élevage bovin et cela entretient le mouvement de décapitalisation des troupeaux. Bien entendu, dans un premier temps, ce phénomène a permis d'alimenter les étals des boucheries mais j'ai bien peur que, dans peu de temps, il n'y ait plus guère d'animaux à vendre. Jusqu'à présent, les abatteurs demandaient des animaux et étaient prêts à augmenter les prix pour les obtenir. Mais, eu égard au pouvoir d'achat limité du consommateur, cette escalade atteint sa limite. Nous serons, à mon sens, très bientôt dans une impasse - un véritable « trou noir » en termes de quantités de production.

La solution, pour sauver les éleveurs, est avant tout de leur redonner envie d'exercer un métier qui implique aujourd'hui des conditions de vie plus difficiles que dans d'autres productions agricoles. Aujourd'hui, un éleveur travaille 365 jours par an, parfois nuit et jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Quelle est votre appréciation sur les filières courtes : est-ce une piste de redressement ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Par nature, une filière courte implique une relation étroite entre un éleveur et un consommateur. Contrairement à ce qu'on croit généralement, la viande peut voyager sur de longues distances lorsqu'elle est vendue en circuits courts, compte tenu de la concentration des abattoirs dans certaines zones.

Je pratique personnellement la filière courte et peux témoigner qu'il s'agit d'un parcours difficile.

De façon générale, la filière courte n'est pas en mesure de répondre à tous les problèmes. Elle ne devrait concerner qu'une petite partie de la production. Au demeurant, un éleveur qui vend la totalité de ses produits en filière courte aura du mal à garantir un niveau extraordinaire de qualité au consommateur pour toute sa production. La filière courte est plus adaptée à la filière « Fruits et légumes » qu'à celle de la viande. De plus, la généralisation systématique de la vente directe et des filières courtes entrainerait vraisemblablement une désorganisation du marché de la viande.

Les éleveurs ont consenti des investissements importants pour se mettre aux normes sanitaires et environnementales mais, à présent, leurs revenus sont très insuffisants, ce qui provoque un sentiment de découragement.

Notre élevage allaitant se nourrit principalement d'herbe. La prime à l'herbe était très intéressante lorsqu'elle a été mise en oeuvre, mais elle s'avère contraignante, car on ne pouvant plus retourner les prairies, les éleveurs se retrouvent soumis aux aléas climatiques. Nous sommes obligés au final d'acheter des fourrages : il faudrait plus de souplesse et de logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Êtes-vous en mesure d'évaluer le degré d'autonomie alimentaire des exploitations qui relèvent de votre fédération ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Il est variable, selon les régions et les productions. Par exemple, dans l'Ouest de la France, où sont localisés de nombreux abattoirs, nos éleveurs engraissent les animaux au maïs ; cependant des achats complémentaires, notamment de soja, restent nécessaires. En revanche, pour le naissage - c'est-à-dire la production des jeunes animaux destinés ensuite à l'engraissement - ou l'alimentation des vaches laitières, nous sommes pratiquement autonomes. Je signale, en matière de gestion de l'herbe, que nous pratiquons le pâturage tournant, ce qui permet d'augmenter la productivité de l'herbe en diminuant les intrants. Ce travail est essentiel pour parvenir à l'autonomie alimentaire qui est un déterminant fondamental de l'avenir de nos exploitations.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Ce sont des négociants. Avec les éleveurs de nos associations, nous travaillons, dans des filières bien définies, avec des prix arrêtés pour les agriculteurs. Le but de ces filières est ainsi de préserver une plus-value à l'éleveur au-delà du prix du marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

C'est une forme de contractualisation : est-elle formalisée par écrit ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Les clauses contractuelles sont écrites. Cependant, je rappelle que l'OPNC n'a juridiquement pas le droit d'intervenir dans le contrat. Nous n'avons qu'un rôle de facilitateur : notre mission est de veiller à l'application des contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

L'acheteur traite directement avec la grande distribution ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Le chevillard - grossiste en viande - intervient entre le producteur et la grande distribution. Certaines grandes entreprises comme le Groupe Bigard - premier transformateur de viande en France - interviennent mais nous traitons assez peu avec cette entreprise.

Pour ma part, j'assure auprès des éleveurs un suivi méticuleux des animaux jusqu'à la distribution, en vérifiant, par exemple, la conformité des certificats pour nous assurer de la qualité offerte au consommateur et que les grandes surfaces payent les animaux à un prix assez élevé pour rémunérer notre travail.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Nous travaillons beaucoup, par exemple, avec la Société Vitréenne d'Abattage Jean Rozé (SVA) qui dépend du Groupe Intermarché, ou encore avec les centres Leclerc. J'observe que la grande distribution a sans doute aujourd'hui besoin d'une sécurité d'approvisionnement pour un certain nombre de produits et ils sont prêts à apporter les financements adéquats pour la garantir. Cela nous permet de valoriser nos animaux avec 0,30 euros de plus que la cotation lorsque la qualité est présente.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

J'en conclus que la démarche de qualité prouve son efficacité. Pouvez-vous brosser un tableau de l'implantation territoriale de vos éleveurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pouvez-vous également nous dire si les difficultés se concentrent plus dans certaines régions ou pour certaines races à viande. Votre organisation couvre-t-elle le territoire ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

La région Est qui était sortie de notre fédération souhaite à présent la réintégrer : en ne la comptant pas, nous représentons déjà 2 000 exploitations ; en l'incluant, ce chiffre atteint 2 500.

Ce sont les zones intermédiaires, dans le Sud-Ouest par exemple, qui sont les plus menacées : l'élevage n'y est pas la priorité. Les éleveurs y exercent leur métier surtout par passion ou parce que les terres ne sont pas toutes labourables. Ensuite, dans le Massif central, les éleveurs disposent de surfaces herbagères mais peinent à pratiquer l'engraissement. L'Ouest, du fait de la concentration de l'abattage, pratique beaucoup l'engraissement de taurillons mais il est aujourd'hui en difficulté en raison de la montée des coûts de production. La réalité est qu'aucune région en France, n'est épargnée par la crise.

Je rappelle également que l'abandon de l'élevage laitier va diminuer le nombre d'animaux de réforme permettant de produire des steaks hachés. Les remplacer par des jeunes bovins serait une bonne idée, à condition de pouvoir y mettre le prix.

Il convient aussi d'évoquer le « créneau » que constitue l'élevage de veaux élevé sous la mère. C'est un produit noble mais qui nécessite beaucoup de travail pour l'éleveur. Certaines jeunes s'installent dans cette « niche » qui leur procure, en effet, des revenus convenables.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

C'est un produit d'excellence qui marche bien. Le bio est-il également une piste à encourager ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

En tant qu'éleveur, je ne le pense pas. En effet, on peut faire du veau bio de qualité mais il est très difficile d'engraisser une vache à viande en se conformant au cahier des charges bio quand on manque de céréales. Je ne devrais peut-être pas le souligner mais on constate aussi des dérives dans l'agriculture biologique. Bien souvent, les vaches bio sont autrichiennes et nous n'avons pas le même cahier des charges partout en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Il conviendrait donc d'uniformiser les cahiers des charges de l'agriculture biologique.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Il reste beaucoup à faire en matière d'harmonisation européenne, dans de nombreux domaines. La filière bio est plus facile à développer dans le secteur des fruits et légumes. Depuis 1992, dans mon exploitation, je produis quasiment du bio puisque j'exclus les engrais chimiques de mes cultures fourragères : c'est presque du bio, mais je ne satisfais pas exactement le cahier des charges au moment de terminer l'engraissement de mes animaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Que pensez-vous du renforcement de la traçabilité et des initiatives récentes en matière de labels de qualité ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Le label viande bovine française (VBF) joue un rôle très positif. Il faudrait également, à mon sens, le coupler avec des chartes de qualité auxquelles devraient être soumis l'ensemble des éleveurs. Ces chartes correspondent à des engagements précis.

Autrefois les labels ont pu jouer un rôle très positif. Cependant, aujourd'hui, le coût de la certification du label pénalise les éleveurs. Le marché est tellement porteur que les animaux non labellisés peuvent procurer aux éleveurs des revenus supérieurs à ceux des animaux labellisés. D'autres signalétiques permettent de valoriser l'animal de façon aussi efficace : par exemple, la marque Charal est, pour le consommateur, tout aussi positive que le label rouge, ce qui est d'ailleurs relativement inquiétant.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Quand on est éleveur, on respecte le bien être animal car nous faisons notre métier avec passion et cela comporte nécessairement une dimension affective à l'égard de l'animal.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

On maintient malheureusement le loup, le lynx et l'ours...

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Vous m'avez également interrogé sur la loi en gestation sur l'avenir de l'agriculture. Son premier volet devrait être consacré à l'hygiène alimentaire et à la sécurité : il faut y être très attentif. S'agissant des antibiotiques, contraindre l'éleveur à faire appel au vétérinaire pour administrer chacune des injections me parait un peu excessif et déplacé par rapport aux pratiques traditionnelles.

En ce qui concerne la performance écologique et économique des exploitations, nous sommes, à mon avis, très bien placés pour faire avancer l'élevage à l'herbe, qui me parait constituer l'avenir de l'élevage. Nos éleveurs sont également très bien positionnés en matière de captage de carbone

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Quelle est la distance moyenne parcourue par les animaux jusqu'à l'abattoir ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Il est difficile de la calculer précisément. Les entreprises d'abattage ont constitué des pôles importants pour traiter les déchets à grande échelle et c'est un déterminant fondamental de leur rentabilité. Les animaux traversent donc souvent toute la France pour arriver au bon abattoir.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

A mon sens, non. Car c'est un facteur de déstabilisation de l'élevage.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Vous êtes donc favorable, dès lors, à la préservation ou à la création de petits abattoirs ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Il faut au moins conserver l'acquis. On veut fermer un certain nombre de petits abattoirs existants alors que pour les éleveurs, c'est un facteur de rentabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Si les circuits courts existent, c'est grâce aux petits abattoirs !

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Duclos, président d'Elvea France

Pour que l'élevage puisse sortir de l'ornière, il faut que l'ensemble des acteurs de la filière prenne conscience des réalités agricoles de terrain et se fonde sur des valeurs qui ne soient pas exclusivement financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Suite au scandale du « cheval devenu boeuf », une mission commune d'information a été constituée, chargée de réfléchir aux enjeux de la filière viande, à toutes ses étapes : élevage, abattage, transformation industrielle éventuelle et commercialisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pourriez-vous préalablement présenter la fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB) avant d'aborder les questions de fonds.

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

La fédération française des commerçants en bestiaux est administrée par un conseil d'administration de 28 personnes. Plusieurs commissions spécialisées ont été mises en place, notamment une commission import-export, une commission sur les ovins, une commission équine. La fédération dispose d'une organisation au niveau régional avec 21 présidents de région. La FFCB travaille étroitement avec la Fédération nationale de l'industrie et du commerce en gros des viandes (FNICGV), présidée par Dominique Langlois. Depuis 2005, nous organisons un séminaire qui nous permet de questionner les pratiques de notre métier.

Notre premier objectif est de défendre les intérêts des commerçants en bestiaux. Nous sommes ainsi très attentifs aux contraintes réglementaires qui sont les premières à peser sur notre activité : normes en matière de transport, de bien-être animal, ou en matière sanitaire. Il est nécessaire de travailler en étroite relation avec la Direction générale de l'alimentation (DGAL) au sein du ministère chargé de l'agriculture, en particulier sur les questions de transport, d'échanges intracommunautaires, de réglementations nationales et internationales. La fédération est également en contact avec les administrations locales et régionales ainsi que les autorités européennes à travers l'Union européenne du commerce du bétail et de la viande (UECBV), qui regroupe 25 États membres.

L'équipe de la FFCB est réduite avec un Président, un directeur, une chargée de mission, un comptable et une secrétaire. En région, les présidents ont uniquement à leur disposition un secrétariat. Nous manquons de permanents du fait de nos moyens limités, mais nous sommes actuellement à la recherche d'une nouvelle organisation, afin de disposer d'une représentation par zone géographique.

L'activité des commerçants en bestiaux consiste à collecter les animaux d'élevage : vaches laitières de réforme, animaux maigres ou engraissés destinés à l'abattage. Dans le secteur de la viande, nous représentons en France 70 % du marché. Nous intervenons dans pratiquement 100 % des opérations d'exportation vers les pays tiers et 50 à 55 % de celles au niveau intracommunautaire. Le commerçant en bestiaux est donc un acteur essentiel qui achète des animaux, les allotis et les livre à un chevillard ou à un industriel. On peut le faire par le biais d'un centre de rassemblement d'animaux, dont ne disposent que les gros commerçants en bestiaux, intermédiaire entre la ferme et l'abattoir. Mais les petits commerçants en bestiaux peuvent assurer le transport vers l'abattoir directement depuis l'élevage. Notre métier est très exigeant, notamment sur les délais : on peut travailler le samedi ou même le dimanche et on doit assurer des livraisons dès le lundi 6 heures sur les chaines d'abattage qui ne peuvent pas souffrir de retards ou d'approximations.

Les commerçants en bestiaux doivent être attentifs à bien trier les animaux collectés : le secteur est en effet segmenté entre les différents types d'animaux et les différentes qualités de viande. Il existe en effet une filière de viande de qualité, étiquetée comme telle dans les grands magasins. Lors de l'achat, nous procédons à un contrôle visuel nous permettant d'évaluer la qualité et le poids de l'animal afin de se conformer à la commande. Le chevillard, qui n'a pas le temps de faire ce travail, doit en effet retrouver la qualité commandée à l'issue de l'abattage.

Notre travail est un travail de fourmis. La formation des jeunes est longue et difficile. Notre secteur a du se restructurer dans les années 2000 pour faire des économies d'échelle car le travail isolé sur des petits volumes n'était plus rentable. Dans le secteur du commerce en bestiaux, une marge brute de 5 à 6 % permet de dégager une marge nette de 0,4 à 0,8 %. Cette restructuration fait suite à celle des industriels, intervenue dans les années 1980 et 1990.

Les commerçants en bestiaux ont aussi un métier de financier : ils payent les éleveurs dans des délais courts et ensuite doivent être payés pour la marchandise mise à disposition. Actuellement, la contractualisation a le vent en poupe. Le ministre de l'agriculture propose de l'inscrire dans la loi pour permettre une meilleure visibilité aux éleveurs sur les prix. Nous avons déjà mis en place une forme contractualisation volontaire avec les éleveurs avec des délais de paiement à 20 jours au maximum. Nous sommes favorables à ce type d'accord quand on peut y associer un marchand d'aliments, l'abatteur et parfois le banquier. La filière a tout à gagner à ce que chacun trouve son compte dans un marché où la demande de viande est forte, afin d'assurer une régularité des livraisons. La régularité est d'ailleurs primordiale dans la filière viande et les tonnages sont importants. On est d'ailleurs passés de la cueillette à l'organisation des approvisionnements, qui peut être perturbée par les choix des éleveurs, notamment en matière de mise à la réforme des vaches laitières.

L'invention du steak haché a été une révolution, permettant à partir des parties les moins nobles des carcasses de fabriquer un bon produit. Cependant pour assurer un approvisionnement suffisant en matière première - le minerai, nécessaire à la fabrication de steaks hachés et des plats cuisinés - les industriels font appel aux marchés mondiaux en important de la viande. Depuis quelques années, les marchés sont de plus en plus tendus, ce qui accroît le niveau des prix.

Cela explique en partie le scandale de la viande de cheval : les acteurs industriels avaient besoin de matière première à une période où nous avons moins de vaches laitières de réforme disponibles.

La crise de la viande de cheval a un effet positif : elle permet de s'interroger sur nos pratiques, dans le but de répondre aux besoins du consommateur, qui est toutefois dépendant de l'offre de la grande distribution. Si certains retournent vers les bouchers traditionnels, qui se raréfient, tous ne le peuvent pas. Les consommateurs ne cherchent à se rassurer que le temps que dure une crise. Six mois après ils oublient les risques et ne cherchent plus autant la sécurité. Ils savent qu'il existe des normes de qualité sur lesquelles il est possible de se reposer, comme la norme NF mise en place en 1996. Le consommateur revient alors vers les produits bons marchés et le prix devient l'élément central du marché. Au demeurant, une vache laitière ne fait pas forcément de la mauvaise viande. Et les consommateurs ont été habitués à de faibles écarts de prix entre la viande de qualité et les produits de masse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Vous me confirmez que la production de viande est distribuée à 70 % par la grande distribution ? Quelle est la part des boucheries traditionnelles ?

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

La boucherie représente à peine 18 % de la distribution de viande. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) représentent 55 à 60 % de la distribution de viande. Le solde relève de la restauration hors foyer (RHF).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Quelle est votre place dans le processus de production ? La grande distribution a-t-elle ses propres abattoirs ? Met-elle en place un circuit direct d'approvisionnement auprès des abatteurs ou des éleveurs ou passe-t-elle systématiquement par les commerçants en bestiaux ?

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

A la base de la filière, on trouve l'éleveur, puis le négoce, l'abattage et enfin la distribution. Certains distributeurs disposent de leurs propres outils d'abattage - Leclerc et Intermarché - qui s'approvisionnent auprès des commerçants en bestiaux à 60 % et des coopératives à 20 %. Ils procèdent aussi, à hauteur de 20 % à des achats directs auprès des éleveurs, en développant des filières de proximité comme le label boeuf de nos régions (BNR). Les abatteurs en revanche comme Bigard n'achètent pas directement en ferme. Du fait d'importants coups d'approche, ils préfèrent travailler avec des commerçants en bestiaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Nous avons le sentiment que la grande distribution fixe le prix et que les autres maillons de la chaine s'ajustent. Ne pouvez-vous pas vous organiser pour orienter les prix afin que chaque maillon de la chaine dispose de revenus suffisants ?

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Notre profession garantit un prix à l'éleveur. Leclerc ou Intermarché, abatteur et distributeur peut aussi garantir un prix à l'éleveur. Mais pour les commerçants en bestiaux, il est difficile de négocier les prix avec les abatteurs.

La cotation s'effectue chaque fin de semaine. Bigard est un acteur majeur du marché qui influe sur le marché du fait de sa taille mais ne le fixe pas.

Les grands industriels fonctionnent à flux tendus : ils ont besoin de gros volumes pour faire tourner leurs chaînes de production qui traitent de 25 à 30 bêtes à l'heure sur une seule chaîne, et peuvent monter jusqu'à 45 bêtes à l'heure.

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Le rythme est à peu près identique en abattage rituel et en abattage traditionnel. Sur une chaîne rapide, on peut monter à 40 à 45 bêtes à l'heure soit 1 minute 30 par bête.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Quand on sait qu'en abattage rituel, un animal peut mettre 15 minutes à mourir ...

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

On parle ici de la chaîne d'abattage. En rituel et en non rituel, l'animal part du même endroit. Il entre dans une sorte de tonneau. En non rituel, il est assommé. En rituel, il est retourné et saigné. Lorsqu'il part sur la chaîne, l'animal assommé peut aussi réagir encore un peu. Ce débat est compliqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

C'est un débat nécessaire pour rassurer le consommateur, notamment sur le risque sanitaire.

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Il n'existe aucun problème sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Si l'animal est encore vivant lorsqu'on le pend par les pattes ?

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Il n'est plus vivant. Lorsqu'on tue le poulet, il continue à bouger, pourtant il est mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Si l'animal, pendu par les pattes arrières, est encore vivant, ne serait-ce qu'une minute, le rumen peut se déverser sur la plaie.

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Je ne suis pas un spécialiste, mais je sais qu'un clapet est posé.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pas en abattage rituel puisque la trachée et l'oesophage sont sectionnés.

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Si, justement pour éviter que les carcasses soient saisies pour cause de souillure. Une souillure peut aussi arriver pour un animal abattu avec étourdissement et entraîner une saisie. Sans défendre l'abattage rituel, j'estime qu'il n'y a pas de problème sanitaire. Il existe en revanche un problème d'information du consommateur qui mange des animaux abattus rituellement sans le savoir. Beaucoup d'arrières se retrouvent en effet ainsi sur le marché sans information du consommateur. Voici pourquoi la réglementation exige désormais que les abattages rituels répondent à une commande. Mais ce débat concerne plus les industriels de la viande que les commerçants en bestiaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

L'information est nécessaire pour rétablir la confiance du consommateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

60 % de la viande étant vendue en grande surface, ne pourrions-nous pas agir pour imposer à la distribution de s'approvisionner auprès des éleveurs français à un prix qui leur assure une rémunération convenable ?

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Les prix sont déterminés par le marché, et ils ont augmenté de 30 % depuis l'année dernière. C'est exceptionnel. Or il faut savoir que si la viande bovine augmente toujours plus, on en consommera moins. La garantie de rémunération des éleveurs passe par le transfert d'une partie du revenu des céréaliers vers les éleveurs. Pour éviter une hausse perpétuelle des prix, il faut se réorganiser et organiser un meilleur partenariat entre les acteurs.

On oublie qu'actuellement, la production doit répondre à des standards de qualité. La viande est de meilleure qualité qu'il y a vingt ans. Les grandes et moyennes surfaces ont copié le métier de boucher, pour répondre à cette demande de qualité des consommateurs. Dans le même temps, les prix sont soumis aux contraintes du marché.

La traçabilité est une exigence forte à laquelle nous répondons. Les bêtes sont tracées dans une base de données.

La France dispose de nombreux atouts : les meilleurs éleveurs, le meilleur cheptel... Nous devons relancer la production et réduire notre déficit de balance commerciale depuis trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Le secteur ovin est l'exemple à ne pas suivre.

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

En effet. Les commerçants en bestiaux ne détiennent cependant pas la clef du système. Nous connaissons bien dans l'amont et l'aval de la production, nous fréquentons des éleveurs, des industriels, des abatteurs ; nous cherchons un consensus entre les différents acteurs. Lors d'un voyage d'étude aux États-Unis, dans l'État du Colorado, le plus gros abattoir du pays, propriété du groupe JBS, abat 5 000 bêtes par jour. Dans ce pays, les normes sont plus souples qu'en France, ils s'appuient bien plus sur la technologie, les OGM et les hormones et ont fait passer leurs bêtes de 300 kg de viande par carcasse à 400 kg. Ils ont par ailleurs de moins en moins de cheptel, car dans tous les pays du monde, on diminue les cheptels du fait de la concurrence des cultures énergétique.

Même si la France perd quelques parts de marché, elle reste le premier producteur de viande en Europe avec 25 % de la production de viande européenne. La réglementation française est très lourde, il faut permettre plus de souplesse et moins de paperasserie.

Il est nécessaire de faciliter notre travail. Une meilleure organisation nous permettra de répondre aux besoins du marché et de reconquérir des positions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Pouvez-vous nous parler du transport et du bien être animal. Des projets de texte disposent que la durée totale de transport des animaux ne pourra dépasser 8 heures.

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Actuellement, la durée maximale est de 29 heures. Notre revendication a toujours été de pouvoir transporter le bétail de France jusqu'au sud de l'Italie. Nous utilisons des camions à étages pour permettre des économies d'échelle, ce qui nous permet de transporter 35 bovins sur deux niveaux. Les allemands ont décidé de n'autoriser qu'un seul étage avec remorque, permettant ainsi d'en transporter 25 mais dans une plus grande promiscuité. Le projet de réglementation réduisant la durée du transport à 8 heures n'est pas acceptable. Sur un trajet de 29 heures, on fait plusieurs pauses et nous mettons à disposition des animaux des buvettes avec réserve d'eau et des ventilateurs. Des expériences de transport long de bétail ont été menées par l'institut de l'élevage, pour suivre le comportement des animaux dans des bétaillères à destination de l'Algérie et du Maroc. Les résultats ont permis de justifier notre position auprès de la Commission européenne. Et même si les associations de protection des animaux font pression sur nos politiques, notre position sur le bien être animal est entendue par les autorités européennes. Pour apprécier le bien être animal, il faut bien connaître le comportement d'un animal. On observe par exemple que l'animal se porte mieux après un voyage de 8 jours plutôt que de 2 jours, car les bêtes s'habituent. A titre de comparaison, les bêtes venant du Brésil mettent trois semaines pour être acheminées.

Debut de section - Permalien
Aurore Saison, chargée de mission à la FFCB

En matière de bien être animal pendant le transport, il faut raisonner en termes d'obligation de résultats et non de moyens. Il faut plutôt être attentif aux conditions physiques de l'animal avant, pendant le voyage et son arrivée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Comment réagissent les petits veaux qui voyagent jusqu'en Italie pour être engraissés ?

Debut de section - Permalien
Gérard Poyer, président de la FFCB

Ce sont plutôt des broutards qui partent en Italie à l'âge de 7 ou 8 mois. Les petits veaux sont un peu plus fragiles. Notre intérêt est au final que l'animal arrive en bonne santé et qu'il ne soit pas stressé.