Depuis janvier 2019, la Délégation aux collectivités territoriales a consacré quatre séances plénières à l'évaluation des dispositifs institués récemment par l'Exécutif en matière de lutte contre l'inflation normative.
Nous avons entendu des membres des associations de fonctionnaires territoriaux. Nous avons reçu les représentants du ministère de l'Intérieur chargés du suivi du décret sur le pouvoir de dérogation aux normes. Le Secrétaire général du Gouvernement s'est exprimé devant nous au sujet de la politique générale de simplification, notamment l'application du principe « deux normes retirées pour une norme créée ». Les préfets du Haut-Rhin et de la Vendée ont enfin exposé la mise en oeuvre concrète du pouvoir de dérogation aux normes et son impact pour les collectivités territoriales.
Nous parvenons aujourd'hui à la conclusion de ce cycle d'auditions. Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), ancien ministre, est un pionnier de la simplification normative. Il a inspiré la Commission consultative d'évaluation des normes créée en 2007 au sein du Comité des finances locales. Il est l'auteur, avec notre regretté collègue Jean-Claude Boulard, de deux rapports importants sur l'évaluation et l'allègement des normes.
Sous son autorité, le CNEN accomplit un travail particulièrement soutenu et fondamental. Les membres de la Délégation ont pu en mesurer l'ampleur lors de la réunion du 7 mars dernier, consacrée notamment à l'examen du projet de loi de transformation de la fonction publique. La charte de partenariat signée en 2016 entre le Sénat et le CNEN, qui entend promouvoir ce type de rencontres et d'échanges, doit nous inspirer de nouvelles initiatives fructueuses en matière de simplification normative.
Monsieur le président, cher Jean-Marie Bockel, je suis heureux que votre Délégation m'auditionne à la suite des intervenants que tu as précédemment nommés. Ce sujet doit en effet être considéré sous des angles différents. Le point de vue du préfet est intéressant, spécialement lorsqu'il s'est vu doter d'un pouvoir de dérogation. Le Secrétaire général du Gouvernement développe une vision parfois pessimiste. Les directeurs généraux sont également importants puisqu'ils sont chargés de la mise en oeuvre.
Après vingt années de Sénat et une décennie de présidence du CNEN, beaucoup de mes illusions se sont évanouies. Je crois néanmoins que le droit tel que nous le produisons est facteur d'inertie pour l'action publique. Nous courons le risque qu'il ne soit plus applicable, qu'il devienne une sorte de « langue morte » ou qu'il bloque l'économie et l'activité publique, comme jadis dans les pays soviétiques en raison du centralisme démocratique.
Produire un texte par jour et dépenser un milliard d'euros par an ; ce rythme est insoutenable sur le long terme. La situation s'améliore certes, mais insuffisamment. Pouvons-nous progresser vers une libre administration de nos collectivités et vers une gestion économe de nos dépenses publiques dans ces conditions ? Aucunement.
Je vous propose à la délégation de nouer un partenariat encore plus étroit que celui qui a été signé en présence de Gérard Larcher. Notre idée consiste à faire suivre l'ensemble de la chaîne de production du droit par votre délégation et par le CNEN.
Si nous nous associons, nous accompagnerons les textes tout au long de leur élaboration. Le CNEN en a connaissance avant le Conseil d'État et avant le Conseil des ministres. La Délégation veille à leur évolution pendant l'examen parlementaire. Le CNEN assiste enfin à leur déclinaison dans les textes d'application ou dans les initiatives réglementaires des administrations.
La seule difficulté de ce projet réside dans l'articulation de nos deux organes. Cependant, il s'agit davantage d'une affaire de volonté et de temps que de droit. Rien ne nous empêche en effet de communiquer ensemble puisque nos débats sont publics. Pour résoudre le problème de la complexification des normes, nous devons néanmoins nous convaincre de cinq points :
- premièrement, les gouvernements et le Parlement doivent se détromper de la chimère consistant à croire que le droit peut couvrir l'infinie diversité des actions humaines. La complétude est une illusion dangereuse. Nous ferions bien de méditer la recommandation, émise depuis deux cents ans, qui vise à dire un maximum de choses en un minimum de mots. Il faut redonner à nos lois le style qu'elles avaient depuis le début du XIXe siècle.
- deuxièmement, je propose d'animer des ateliers pratiques sur les domaines respectifs de la loi et du règlement. Une année est nécessaire pour modifier une loi, alors qu'un règlement peut être changé en trois à quatre mois si le Gouvernement en manifeste la volonté. Il s'agit donc d'un biais essentiel pour assurer une simplification des normes sans être contraint de déposer des amendements.
- troisièmement, il convient précisément d'utiliser plus stratégiquement le droit d'amendement. La délégation, même si elle n'a pas les mêmes possibilités d'intervention dans le débat parlementaire qu'une commission, peut néanmoins porter des amendements. Comme ministre du Budget, je redoutais que le Bulletin officiel de la Direction générale des impôts, sur une disposition fiscale, exprime sa volonté et non celle du législateur. Je demandais au rapporteur général de déposer des amendements afin de prévenir ce risque.
Lors de la dernière réunion du CNEN, nous avons eu connaissance d'une situation cocasse : le ministère de l'Agriculture avait porté une mesure impossible à appliquer. Le Conseil d'État lui avait réclamé le retrait de ce texte du projet de loi qui lui servait de support, en raison de son manque d'intelligibilité et d'accessibilité. Il ne figurait donc pas dans le projet de loi. Ladite administration l'a néanmoins fait rétablir a posteriori par la voie réglementaire. Si la Délégation et le CNEN coordonnent leurs efforts, nous pourrons prévenir ce type de difficulté.
- quatrièmement, nous devons actionner l'article 41 de la Constitution. Le président Larcher appuie cette démarche. Si la délégation, en ayant égard à la Commission des lois, indiquait que l'amendement, voire l'article, du projet de loi relève du règlement, elle se doterait d'une autorité qui ne serait jamais jugée excessive.
- cinquièmement, il faut examiner attentivement les études d'impact. Elles sont souvent contrefaites. La délégation doit réclamer, dans les discussions générales, qu'une telle démarche soit accomplie ex post, par exemple trois ans après. L'étude d'impact présentée ex ante, au moment du projet de loi, pourra ainsi être vérifiée dans sa méthodologie et sa sincérité.
Toutes les alternatives aujourd'hui imaginées pour diminuer la complexité normative révèlent notre rapport paradoxal au droit. Lorsque nous parlons de l'utilisation de la différenciation, de la dérogation ou de l'interprétation facilitatrice, il ne s'agit rien moins que de contourner un droit que nous avons nous-mêmes produit. Or ce dernier vise à assurer une uniformité drastique, alors que nous ne cessons par ailleurs de vanter les mérites de la diversité.
Si la délégation et le CNEN parviennent à exercer conjointement et solidairement ce contrôle sur la production du droit, nous éviterons que le Gouvernement et les deux chambres du Parlement ne rendent impossibles à maintenir la libre administration et les finances de nos collectivités territoriales.
Je remercie Alain Lambert pour la clarté de ses propos.
La délégation a su trouver sa place en complémentarité des commissions. Nos missions, que soutient le président Larcher, supposeront néanmoins qu'à un moment ou à un autre, nous soyons dotés a minima, directement ou indirectement, des moyens de faire.
Je confirme que la réunion du CNEN à laquelle nous avons été conviés nous a permis d'assister à une scène pour le moins cocasse sur le texte dont Alain Lambert vient de nous parler. Je crois à la nécessité pour la délégation et le CNEN de travailler ensemble. L'examen du seul article 26 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) illustre parfaitement ce fait.
Avec ce type d'exemple, que nous pourrions décliner à l'infini, nous touchons au point de fracture avec l'administration centralisée. Cette dernière n'est pas malintentionnée, elle pense sincèrement que sa démarche normative peut améliorer la situation. En réalité, elle complexifie la vie de nos concitoyens, en l'occurrence des élus. Ce point représente à mon sens un axe de travail prioritaire entre le Sénat et le CNEN.
La question de l'étude d'impact me paraît également très importante. Il est judicieux qu'elle ait été constitutionnalisée. Encore faut-il effectivement qu'elle ne soit pas contrefaite, comme cela fut le cas pour la mise en place des nouvelles régions. Le travail sur le contrôle et l'évaluation constitue l'une des raisons d'être du Sénat. La délégation doit notamment y contribuer.
En résumé, comme l'a rappelé le Secrétaire général du Gouvernement, nous allons dans un sens vertueux. Toutefois, nous ne nous attaquons pas au coeur du problème, c'est-à-dire le flux des normes. Pour y remédier, nous devons insister sur cette collaboration fine et sur les études d'impact. Sinon, notre mode de faire ne sera non seulement pas vertueux, mais il ira à l'encontre de l'intérêt des territoires et d'un fonctionnement efficient de nos collectivités.
Je suis convaincu que, parmi les trois missions qui nous incombent en tant que parlementaires, à savoir voter la loi, contrôler le Gouvernement et évaluer les politiques publiques, nous faisons preuve de faiblesse sur ce troisième point. Ce constat nous renvoie à la question de la qualité des études d'impact.
Il y a un an, j'ai présenté en séance deux propositions de loi. L'une visait précisément à renforcer l'objectivité des études d'impact en confiant leur réalisation à des organismes indépendants. Ce texte a été discuté et amendé. Le Sénat l'a voté à la quasi-unanimité. Il est aujourd'hui sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui ne l'a pas repris. Le projet de réforme constitutionnelle est intervenu entre-temps.
Je vous informe que Marie-Françoise Perol-Dumont, Jean-Pierre Sueur et moi-même présenterons en séance, le 2 mai prochain, une proposition de résolution visant à modifier les articles 19 et 22 de notre règlement intérieur afin de progresser dans l'évaluation de l'efficacité des lois.
Il s'agit de faire en sorte que les rapporteurs des propositions ou des projets de loi soient chargés du suivi de la mise en application des textes et de l'évaluation de leurs effets. Ce travail s'opérera dans le cadre de nos commissions permanentes. J'ai prévenu hier par courrier le président Larcher de cette démarche. À ma connaissance, un million d'euros sont prévus, dans le budget du Sénat pour 2019, pour procéder à des études indépendantes afin d'évaluer les politiques publiques. Nous sommes à même d'engager cette tâche, qui rejoint les propositions du président Lambert.
Je confirme ce budget. Le président Larcher insiste sur la capacité nouvelle dont nous nous dotons ainsi.
Je partage pleinement votre proposition que le CNEN et la délégation renforcent leur coordination afin d'exercer conjointement le contrôle et le suivi de la production et de la mise en application du droit.
Je rejoins également vos propos sur la fiabilité des études d'impact. Il est effectivement indispensable de disposer d'analyses comparatives entre celles qui sont conduites avant l'adoption des lois et après leur mise en oeuvre.
Vous avez souligné la contradiction entre le droit voté par le Parlement, qui s'applique à toute la France, et la nécessité de tenir compte de la spécificité des territoires, de la différenciation et de l'adaptation aux réalités locales.
Comment, selon vous, pouvons-nous gérer efficacement ce paradoxe ? Comment répondre à cette double réalité ? En tant qu'élus locaux, nous avons tous été confrontés à des dispositions contraires au bon sens du terrain.
La réunion du CNEN précédemment évoquée avait effectivement un caractère « kafkaïen ». Les fonctionnaires en question paraissent davantage animés par la volonté de produire une norme que par le souci de son application.
La France souffre d'un défaut de culture de l'évaluation. L'acte législatif semble plus important que ses conséquences. Les politiques successives ne sont pas évaluées, si ce n'est au moment des élections, de manière assez brutale, en engageant une suite d'alternances.
Comme l'a souligné Franck Montaugé, les études d'impact doivent-elles continuer à être menées de la sorte ? Peut-on en attendre la moindre objectivité ? Le Gouvernement aura toujours le dessein que l'étude d'impact réponde à ses objectifs.
Il importe effectivement d'engager une analyse ex post, ne serait-ce que pour mettre en évidence les contradictions avec les études ex ante. Elles interviennent cependant trop tardivement. Il serait souhaitable de confier cette tâche à des organismes extérieurs. Nous disposons de nombreuses universités et écoles d'ingénieurs pour ce faire. En outre, elles bénéficieraient là d'une source de financement intéressante.
Faut-il donc attendre que la flexibilité de la loi, la capacité à la mettre en oeuvre territorialement, soit le résultat de l'éventuelle souplesse du préfet, celui-ci comprenant qu'elle ne saurait s'appliquer telle quelle ? N'est-il pas temps de rompre avec une vision égalitariste qui, dans les faits, n'a jamais fonctionné ?
Concernant l'utilisation du budget destiné à mener des études sur les politiques publiques, le travail préparatoire visant à la sélection des organismes indépendants qui pourraient être sollicités par le Sénat a été accompli.
Nous nous interrogions précisément sur le rôle à jouer par la Délégation en amont du projet de loi de transformation de la fonction publique. Philippe Laurent a engagé un important travail à ce sujet dans le cadre du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), dont il assure la présidence.
Par exemple, nous pourrions proposer au Sénat de réaliser une étude de l'impact sur les collectivités territoriales de ce projet de loi. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
La proposition de loi que nous avions votée à la quasi-unanimité il y a un an prévoit que la liste des organismes indépendants mobilisables soit définie par décret en Conseil d'État. La question de leur choix a son importance.
S'agissant du Sénat, un appel à candidatures et une sélection sont intervenus.
La navette parlementaire se poursuit. J'ai été contacté par le député Jean-Noël Barrot. L'Assemblée nationale travaille sur ce même thème de l'évaluation des politiques publiques. J'ignore si des avancées dans ce domaine seront intégrées à la réforme institutionnelle. Quoi qu'il en soit, il serait souhaitable que le Sénat soit force de proposition sur le sujet.
Matthieu Darnaud a bien illustré la manière dont un travail en commun entre la délégation et le CNEN fait apparaître le caractère « kafkaïen » de la production de notre droit. Quand nous comparons le texte avant sa soumission au Conseil d'État et au Conseil des ministres avec son état au moment de la promulgation des décrets, il devient manifeste que la représentation nationale a été totalement instrumentalisée.
Le chef de bureau qui a introduit cette disposition a utilisé le fonctionnement de nos institutions. Le déséquilibre entre le pouvoir administratif et le pouvoir législatif apparaît ici clairement. Cette situation, qui pose un problème démocratique, pourrait être grandement améliorée par la mise en oeuvre d'une forme de mixité.
Il serait souhaitable qu'un membre de la délégation, même s'il ne pourrait pas voter, puisse assister aux séances du CNEN. Il serait susceptible ainsi de rapporter nos échanges au Sénat et d'en tirer profit. Nous pourrions aussi vous alerter sur des sujets d'importance. Cette mixité doit donc être créée.
La question des études d'impact est traitée dans tous les pays développés. Avec Didier Migaud, les États qui nous ont le plus impressionnés en la matière sont les scandinaves. Quel que soit l'auteur de l'étude d'impact, qu'il s'agisse d'un organisme indépendant ou gouvernemental, il ne se comportera pas de la même manière s'il sait que son travail sera suivi d'une analyse ex post.
Pourquoi ai-je émis des réserves sur la prétendue plus grande qualité des études d'un organisme indépendant ? Parce que, pendant deux ans, à Bercy, j'ai beaucoup consulté la Direction des prévisions. Ces échanges m'ont montré que les experts se disputent entre eux et que la seule incitation ne suffit pas, c'est pourquoi ma recommandation consiste à utiliser votre pouvoir de contrôle. À ce titre, vous pouvez à tout moment exiger des études ex post.
Il me semble aussi important que soient intégrés dans l'étude d'impact initiale des critères facilement mesurables deux ou trois ans après. Permettez-moi de vous soumettre un exemple : une session de mon Conseil départemental se tient demain. L'actualisation de notre projet départemental est inscrite à l'ordre du jour. J'ai proposé que nous intégrions des critères pour mesurer nos avancées dans quatre ou cinq ans. Mes interlocuteurs m'ont répondu qu'ils seraient en difficulté si les objectifs n'étaient pas atteints. Nous sommes donc nous-mêmes prudents en la matière.
Continuez néanmoins à promouvoir les études d'impact. Tous les experts vous diront que la méthodologie s'améliore grâce aux analyses ex post. Éric Kerrouche a souligné que celles-ci intervenaient souvent trop tard. Il est juste qu'un ou deux ans suffisent pour se rendre compte des dispositions qui devraient être réorientées. Je remercie Franck Montaugé d'avoir insisté sur l'importance de tisser des liens entre nos deux organismes et d'assister aux mêmes réunions.
Bernard Delcros évoquait le lien entre la Délégation et le CNEN. Je propose qu'avec votre président, nous examinions comment les élus et nos administrations travaillent ensemble. Il m'a également interrogé, comme Éric Kerrouche, sur le paradoxe français. Comment concilier l'uniformité et la diversité ? Cette contradiction se résout en formulant la loi d'après une vision générale de la politique publique, sans donner par le détail la manière dont elle doit être appliquée sur l'ensemble du territoire de la France. Les juristes d'autrefois savaient être sobres en la matière.
Par exemple, le statut du fermage a historiquement garanti une bien plus grande protection au preneur, mais il a veillé à organiser ses relations avec le bailleur en conservant les usages locaux en Normandie ou en Occitanie. Sur le même modèle, le législateur pourrait informer le pouvoir réglementaire, dans l'exposé des motifs, de la nécessité de maintenir une certaine souplesse dans les décrets d'application. Ils pourraient ainsi s'adapter à chaque situation locale. Nous pourrions mettre en place un atelier sur l'art de résoudre ce paradoxe.
Je suis également heureux qu'Éric Kerrouche ait découvert ce que nous vivons chaque mois. Comme vous le savez, Marc Guillaume et moi-même sommes amis de longue date, je crois donc ses dires. Or, lorsque je lui demande pourquoi les modifications à la marge que nous proposons pour un texte sont systématiquement rejetées, il m'avoue sincèrement que ces remaniements dérangent les administrations. S'agit-il de la finalité du droit ? Il arrive à repousser les propositions des administrations qui ne lui semblent répondre qu'à leurs propres obsessions et non à l'intérêt du pays. Cependant, les demandes formulées sur le stock des normes doivent également être entendues.
Je terminerai sur ce qu'Éric Kerrouche a appelé la flexibilité de la loi. J'ai bien aimé ses propos. Nous pourrions user d'influence auprès du préfet. La fin du cumul des mandats a quelque peu changé la donne. Autrefois, le préfet hésitait à imposer au sénateur-maire une disposition selon une interprétation contraire à la situation locale. À présent, nous devons surveiller jusqu'à la circulaire envoyée par le ministère de l'Intérieur ou le ministère des Collectivités territoriales. Le CNEN est compétent pour se saisir d'une circulaire. Il doit accomplir ce travail, même s'il déplaira à la Direction générale des collectivités locales (DGCL).
Je rencontrais hier à Bercy le directeur de cabinet du ministre du Budget. J'ai insisté sur le fait que, pour mesurer l'impact financier des normes, nous devions impérativement avoir connaissance de toutes les circulaires, de quelques ministères qu'elles viennent. Le CNEN peut se saisir de documents qu'il ne viendra pas à l'idée de votre délégation de demander pour que nous les travaillions ensuite ensemble. C'est par cette mixité de notre approche que nous parviendrons à obtenir le rééquilibrage souhaité.
Le pouvoir de l'Exécutif est devenu exorbitant. Or c'est par le contrôle conjoint et commun que nous pouvons mener que nous rétablirons un équilibre bienfaiteur pour le pays entre les visées de l'Exécutif et les souhaits des représentants de la Nation.
Je remercie Alain Lambert pour cet exposé intéressant et concret. La délégation est prête à continuer à s'inscrire et à persévérer dans la collaboration avec le CNEN tout au long de la chaîne de production de la norme, dont les différentes étapes viennent d'être rappelées. Elle est aussi disposée à recevoir vos alertes. Si ce renforcement doit s'accompagner d'une présence administrative, nous devons évoquer ce point avec le président du Sénat. Gérard Larcher est pleinement engagé sur le sujet. Il nous avait incités autrefois avec Rémy Pointereau à conduire ce travail. Il était présent lorsque nous avons signé la convention 2016.
Les priorités et les sollicitations sont toutefois nombreuses. Suite à l'audition d'aujourd'hui, qui clôt notre démarche relative à la problématique des normes, nous devons revenir vers le président du Sénat. Nous devons examiner comment faire encore mieux vivre ce partenariat. Notre capacité à assurer une présence et émettre des alertes suppose des moyens humains.
Je comprends les difficultés inhérentes au fonctionnement de la Haute assemblée. Nous sommes pleinement soucieux du bon usage des deniers publics. Nous avons cependant besoin de ressources supplémentaires, ne serait-ce que sur une courte période. Nous allons donc formaliser, peut-être en association, la proposition de partenariat, puis revenir vers notre président. Nous continuerons entre-temps à poursuivre cette collaboration.
Quand je vois d'où le Sénat vient en ce domaine et quel est notre état d'esprit aujourd'hui, je constate que nous avons grandement progressé. Nous avons contribué à moderniser notre institution. Le CNEN a pleinement assumé sa part de la tâche. Je remercie encore Alain Lambert pour le sérieux, la technicité et la dimension politique de sa démarche.