La commission a entendu une communication de MM. Daniel Reiner et Jacques Gautier sur la question du futur remplacement du missile MILAN.
a rappelé qu'il avait procédé, dans le cadre de ses fonctions de rapporteur pour avis du programme 146 (Equipement des forces), à un contrôle sur le remplacement du missile MILAN (Missile d'infanterie légère antichar filoguidé).
Il a souligné l'importance de l'enjeu industriel puisque non seulement la fabrication de ce missile par la société franco-britannico-italienne MBDA représente 20 % de sa production, mais qu'il est l'un des premiers échelons de ce qu'il est convenu d'appeler la trame missiles-roquette. Cela signifie que la société qui remportera le marché pour ce premier segment sera mieux positionnée que les autres pour fournir les missiles à longue portée du haut de la trame. De plus, MBDA fabrique le missile ASMP-A qui est le missile porteur de l'arme nucléaire dont sont équipées les forces aériennes stratégiques françaises.
L'abandon de ce segment par MBDA ou le recours à des fournisseurs non européens porterait donc un coup très grave au missilier, remettrait en cause la construction de l'Europe de la défense sur ce créneau et rendrait les forces armées dépendantes d'un fabriquant étranger, américain (missile JAVELIN) ou israélien (missile SPIKE).
Le contrôle mené au nom de la commission a révélé un défaut très important, sinon une absence de concertation et de dialogue entre l'industriel (MBDA), le prescripteur (la DGA) et l'utilisateur (l'EMA et l'EMAT).
de la présente communication, a rappelé que les réflexions précédentes sur les besoins opérationnels, avant le déploiement des forces en Afghanistan, avaient orienté l'industriel vers un missile du même type que le MILAN avec des performances améliorées, et non pas un nouveau type de missile. Cela avait conduit l'industriel à s'engager, sur fonds propres, dans le projet MILAN ER. Par la suite, quelques incidents de tir ont eu lieu sur le théâtre afghan, du fait de munitions qui n'avaient pas explosé, vraisemblablement en raison de mauvaises conditions de stockage en métropole. Ces incidents, bien que très limités, ont également participé à la remise en cause de l'adéquation du missile aux besoins en opérations. En effet, les forces françaises avaient pu constater que le missile MILAN était d'une génération antérieure à celle du missile JAVELIN tiré par les forces américaines, dans des conditions d'emploi beaucoup moins exigeantes et notamment en utilisant les masques du terrain. Enfin, le missile MILAN devant être conduit sur la cible jusqu'à l'impact, son lancement expose les servants pendant une dizaine de secondes à des tirs de snippers. Toutes ces considérations ont conduit l'état-major de l'armée de terre à faire évoluer le besoin capacitaire et à demander un missile ayant une capacité anti-personnel, de type « tir et oublie » et autorisant le tir à partir d'espaces confinés ou accidentés. La formulation de ce nouveau besoin a conduit à écarter le MILAN ER, qui avait par ailleurs quelques retards de réalisation, dans un contexte très regrettable de dialogue insuffisant entre l'EMA, la DGA et l'industriel.
L'Etat-major refusant la solution technologiquement dépassée du MILAN ER, il s'agit de faire face à un risque de carence déficitaire à l'horizon 2014.
Afin de pallier ce déficit, la DGA procède en ce moment même à l'achat sur étagères d'un missile. Deux produits correspondent au nouveau besoin des forces : le missile JAVELIN de l'industriel américain Raytheon et le missile SPIKE de l'industriel israélien Rafael. Un premier lot de 260 missiles JAVELIN et de 76 postes de tirs est en cours d'acquisition. Cette acquisition ne préjuge pas le remplacement de la totalité des besoins de l'armée française, à l'horizon 2016. Trois possibilités existeront donc à cette date : la poursuite de l'achat sur étagères ; la francisation d'un missile étranger (remplacement par l'industriel MBDA des éléments de la chaîne pyrotechnique sur lesquels la France souhaite garder sa souveraineté - en accord avec l'industriel concerné) et, enfin, la production d'un missile entièrement européen.
Comme son collègue Daniel Reiner, M. Jacques Gautier a souhaité qu'une définition claire des spécifications du successeur du MILAN soit faite rapidement afin de ne pas renouveler les erreurs du passé. Il a ajouté qu'il s'était rendu, en compagnie de son collègue, sur le camp militaire de Canjuers afin d'assister à des essais de tir missiles MILAN et qu'ils avaient pu converser longuement avec les officiers chargés de l'expérimentation sur les avantages et les inconvénients comparés des différents produits disponibles.
a souligné le fait que l'achat sur étagères d'un lot réduit de missiles traduisait la volonté du gouvernement français de ne pas dépendre d'un industriel étranger pour une longue période et sur un segment qui ouvrirait à ce même industriel l'ensemble d'une trame qui, pour l'instant, n'est pas encore définie. Il a regretté qu'aucun accord, ni même aucune discussion n'ait eu lieu entre les états-majors européens et que le reste des forces européennes se soit équipé de missiles américains ou israéliens sans rechercher une coopération européenne.
a félicité les rapporteurs et a souhaité qu'une suite soit donnée à leur travail. Il a également déploré l'absence de coopération européenne qui souligne les difficultés de la construction d'une Europe de la défense. A cet égard, il a indiqué que la Roumanie venait d'annoncer son intention d'acheter des avions F16 américains, ce qui soulignait les progrès à faire pour promouvoir l'idée d'une « préférence européenne » en matière d'équipement, condition du maintien d'une base industrielle et technologique de défense. Il a regretté le fait que les dirigeants militaires des forces européennes soient incapables de définir en commun leurs besoins.
a souligné le fait que le changement des besoins opérationnels de l'armée de terre en Afghanistan ne reposait pas sur des faits concluants et que les arguments excipés ne le convainquaient qu'à moitié.
En réponse, M. Jacques Gautier, co-rapporteur de la communication, a indiqué que lui-même et son collègue Daniel Reiner s'étaient posés la même question au début de leurs investigations, à savoir : est-il vraiment nécessaire d'utiliser des missiles de type « tir et oublie », très sophistiqués et donc très onéreux, en tous cas beaucoup plus que le missile MILAN, afin de cibler des tireurs isolés taliban dans les montagnes de l'Afghanistan ? Néanmoins, la question doit être appréhendée indépendamment du théâtre afghan, même si c'est à l'occasion de ce déploiement de nos forces que l'état-major français a redéfini son besoin. Le missile MILAN est d'une génération antérieure aux missiles actuellement déployés dans les forces occidentales et il faut bien franchir le pas, à un moment ou à un autre, si nous souhaitons maintenir les forces françaises au niveau de l'état de l'art en matière d'équipements militaires ; par ailleurs, nos forces continueront à tirer des missiles MILAN, dont les obsolescences ont été traitées par MBDA, pendant encore de nombreuses années.
a insisté sur le fait que la redéfinition du besoin s'inscrivait dans un processus normal de modernisation et de sécurisation des forces en opérations dont on ne peut contester le bien-fondé. Le missile MILAN a été un vrai succès, y compris à l'exportation puisqu'il équipe de nombreuses armées dans le monde. Mais il faut se projeter dans l'avenir, tout en laissant le temps à nos industriels de s'adapter à la reformulation du besoin. De ce point de vue, il importe de permettre à MBDA de participer à l'offre à venir sur ce créneau et donc à ne pas précipiter la décision. La solution intermédiaire - et réversible - de l'achat sur étagères pour combler la carence capacitaire doit donc être approuvée pour peu qu'elle ne préjuge pas la décision finale.
a insisté sur le fait qu'il faut que la représentation nationale ait son mot à dire dans des choix qui engagent l'avenir de la base industrielle de défense française. Le choix final revient naturellement au pouvoir politique -garant de l'intérêt national- et doit s'imposer face aux querelles de chapelle.
Enfin, M. Jean-Pierre Chevènement a déclaré qu'il fallait prendre acte des difficultés de la coopération européenne en matière de défense et se faire à l'idée que cette coopération serait de plus en plus « à la carte », c'est-à-dire uniquement avec les Etats qui le veulent.
La commission a approuvé les termes de la communication de MM. Daniel Reiner et Jacques Gautier et a décidé de faire part au ministre de l'ensemble détaillé des constatations faites lors de ce contrôle.
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Josselin de Rohan, président, sur la proposition de résolution européenne n° 376 (2009-2010), présentée par M. Jean Bizet au nom de la commission des affaires européennes, sur le suivi parlementaire de la politique de sécurité et de défense commune.
a rappelé que, le 31 mars 2010, les gouvernements des dix Etats parties au traité de Bruxelles modifié, dont celui de la France, avaient annoncé dans une déclaration commune leur intention de dénoncer ce traité et de mettre un terme aux activités de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) à l'horizon de juin 2011.
Lors d'une réunion tenue le même jour, la commission, conjointement avec la commission des affaires européennes, a auditionné M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, à propos des conséquences de la dénonciation du traité de l'UEO sur le suivi parlementaire de la politique de sécurité et de défense commune.
A l'issue de cette audition, les membres des deux commissions ont débattu d'une proposition de résolution européenne, présentée par M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.
Cette proposition de résolution, fondée sur l'article 88-4 de la Constitution, vise à subordonner la disparition de l'assemblée parlementaire de l'UEO à la mise en place d'une structure réunissant des parlementaires nationaux spécialisés dans les questions de défense des vingt-sept Etats membres qui pourrait être conçue sur le modèle de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC).
Dans le cas où cette formule ne recueillerait pas l'adhésion unanime des Parlements des vingt-sept Etats membres, elle suggère que la mise en place de cette structure fasse l'objet d'une coopération entre plusieurs parlements nationaux sur une base volontaire.
Cette proposition de résolution européenne ayant fait l'objet d'un large consensus et aucun amendement n'ayant été déposé, M. Josselin de Rohan, rapporteur, a proposé de l'adopter sans modification.
s'est interrogé au sujet de la présence de six députés européens compte tenu du caractère intergouvernemental de la politique de sécurité et de défense commune.
a estimé que la présence de représentants du Parlement européen à la COSAC, structure dont on peut s'inspirer, était acquise, tout en affirmant que le contrôle de la politique de sécurité et de défense commune devait rester une prérogative des Parlements nationaux.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a adopté à l'unanimité la proposition de résolution sans modification.
La commission a ensuite nommé rapporteurs :
sur le projet de loi n° 356 (2009-2010) autorisant la ratification du protocole additionnel n° 6 à la convention révisée pour la navigation du Rhin ;
sur le projet de loi n° 357 (2009-2010) autorisant l'adhésion au protocole sur les privilèges et immunités de l'Autorité internationale des fonds marins.
Puis la commission a décidé de se saisir directement, en vertu de l'article 73 quinquies alinéa 2 du Règlement, de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l'action extérieure (E 5216) déposée le 2 avril 2010, et du projet de décision du Conseil fixant l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure (E 5220) déposée le 7 avril 2010, transmis au Sénat au titre de l'article 88-4 de la Constitution, ainsi que de l'ensemble des propositions européennes relatives à la mise en place du service européen pour l'action extérieure, et a désigné M. Josselin de Rohan, président, comme rapporteur.