Nous accueillons ce soir le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, qui vient nous présenter les résultats de l'exécution 2019, dans la foulée du même exercice réalisé devant nos collègues de l'Assemblée nationale.
Cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le site internet du Sénat.
Il est d'usage que notre commission des finances entende, au cours du premier trimestre de chaque année, le ministre chargé du budget sur les résultats de l'année passée. Cette audition intervient néanmoins très en amont du dépôt du projet de loi de règlement qui arrêtera le montant définitif des dépenses et des recettes de l'État pour l'exercice 2019 et devrait être déposé fin avril. L'examen de ce projet de loi devrait nous permettre d'interroger précisément les ministres sur l'exécution de leurs crédits budgétaires. L'an passé, nous avions ainsi entendu Agnès Buzyn, Christelle Dubos, Julien Denormandie, Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon sur leurs crédits ministériels.
Si votre audition porte principalement sur le budget de l'État, nous serons bien sûr intéressés par quelques éléments d'information sur l'exécution des comptes des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales. En effet, c'est la situation d'ensemble de nos finances publiques qui revêt une importance stratégique pour notre pays, mais aussi au regard de nos engagements européens.
Vous nous direz également si le Gouvernement entend, comme le Premier ministre s'y était engagé, déposer au printemps un projet de loi de programmation de nos finances publiques. Le dernier projet de loi de programmation avait été discuté à l'automne 2017, et chacun sait qu'il est désormais obsolète. La révision de cette loi étant censée intervenir tous les deux ans, le Gouvernement considère-t-il que les lois de programmation ne sont plus nécessaires pour piloter nos finances publiques ? La présentation du programme de stabilité au mois d'avril prochain, qui résulte de nos obligations européennes, sera-t-elle désormais le seul moment du semestre consacré aux perspectives de nos finances publiques ?
Nous avons bien sûr des interrogations nombreuses sur l'incidence de la réforme des retraites, en particulier sur le budget de l'État. Il est question de revalorisations salariales pour les enseignants, pour les chercheurs, ainsi, sans doute, que pour d'autres agents de la fonction publique. Quand ces éléments seront-ils présentés au Parlement ?
Enfin, monsieur le ministre, au lendemain de deux jours que le Sénat a consacrés à un hackathon sur les finances locales, avec le concours d'ailleurs de votre ministère, je veux vous dire toute l'importance que notre commission des finances accorde au sujet de l'accès aux données budgétaires, fiscales, mais aussi statistiques. Nous ne pouvons légiférer à l'aveugle. Nous avons certes désormais accès à des données budgétaires via Chorus, mais il nous semble nécessaire d'aller plus loin en vue de permettre d'ouvrir aux parlementaires un accès plus direct aux bases de données, notamment de l'INSEE, pour développer leurs propres outils de simulation. Les études d'impact des projets de loi financiers doivent progresser et ne peuvent plus se fonder seulement sur quelques cas types.
Je vous laisse la parole pour un propos liminaire ; à la suite duquel mes collègues exprimeront leurs interrogations.
Permettez-moi au préalable de vous souhaiter à tous de vive voix une bonne année.
Je vous présenterai les résultats de l'exercice 2019 pour ce qui concerne l'État ; vous le savez, nous disposons un peu plus tardivement des éléments relatifs à l'administration sociale et aux collectivités locales. Les éléments connus concernant l'Etat confortent la prévision de déficit du Gouvernement de 3,1 % du PIB, comme il s'y était engagé dans le cadre du projet de loi de finances.
Pour répondre à votre interrogation, je veux dire que le Gouvernement est très attaché aux lois de programmation des finances publiques. Le Premier ministre vous a d'ailleurs adressé un courrier, ainsi qu'au rapporteur général, pour vous informer qu'un projet de loi de programmation des finances publiques sera inscrit à l'ordre du jour des travaux du Parlement - je milite pour qu'il soit présenté au printemps. Ce texte aura pour objet non seulement, bien évidemment, de remettre à jour nos prévisions de finances publiques, mais également de mettre en place la nouvelle génération des contrats de Cahors, qui arrivent à échéance à la fin de cette année ; d'encadrer, par souci de cohérence, les lois de programmation des différents ministères - vous aurez alors des réponses aux questions que vous avez évoquées notamment sur la revalorisation des rémunérations des enseignants, à partir de 2021, dans le cadre de la réforme des retraites . Les mois à venir seront aussi l'occasion de prévoir des évolutions de la loi organique relative aux lois de finances- vous y avez beaucoup travaillé, je le sais, avec le rapporteur général - au regard de la gestion de notre comptabilité publique. Le Gouvernement est très ouvert sur cette question et formulera lui-même des propositions.
J'en reviens à la présentation des comptes de l'État au titre de l'année 2019.
Le Gouvernement a tenu ses objectifs, comme je l'ai souligné, avec une prévision de déficit confortée à 3,1 % du PIB, toutes administrations publiques confondues. Par ailleurs, les mesures d'urgence ont été financées grâce à 1 milliard d'économies de gestion. Le recouvrement des recettes fiscales a été plus dynamique que prévu : les recettes d'impôt sur le revenu se situent à 71,7 milliards d'euros, contre une prévision de 70,4 milliards d'euros en loi de finances, soit une amélioration de 1,3 milliard d'euros. Grâce au prélèvement à la source, le taux de recouvrement atteint désormais 99,1 %, contre un peu plus de 95 % avant la réforme. Ces recettes sont toutefois en léger recul par rapport aux prévisions de la loi de finances rectificative, avec une baisse de 900 millions d'euros. Les contribuables ont eu recours aux modulations à la baisse - 1,4 million de modulations en ce sens, contre 1 million à la hausse. L'argument selon lequel l'État allait assurer sa trésorerie sur le dos du contribuable est donc totalement renversé. Le taux moyen d'impôt est de 6 %, alors que le Gouvernement avait tablé sur 6,3 %, ce qui explique la différence.
Les recettes de l'impôt sur les sociétés ont également été plus élevées que prévu, ce qui démontre le dynamisme de notre économie, notamment, malgré les grèves, lors du dernier trimestre. Les recettes liées aux droits de mutation ont également été plus importantes, ce qui témoigne de l'expansion du marché de l'immobilier.
Le déficit de l'État s'établit à 92,8 milliards d'euros, contre 97,7 milliards d'euros prévus en loi de finances rectificative, soit à peu près 5 milliards en moins, principalement liés au produit de la privatisation de la Française des jeux et à des recettes fiscales supérieures aux prévisions. Le Gouvernement maintient sa prévision de déficit à 2,2 % du PIB pour 2020, son niveau le plus bas depuis 2001.
Enfin, je veux souligner la sincérité avec laquelle le Gouvernement a continué à construire son budget. Pour la seconde année consécutive, aucun décret d'avance n'a été pris, et nous souhaitons qu'il en soit encore ainsi pour l'année 2020. Nous voulons également le même taux de mise en réserve. J'ai dégelé la quasi-intégralité des crédits, singulièrement ceux qui sont dédiés aux armées, lesquels suscitent le plus d'interrogations. Les inscriptions budgétaires sont donc sincères. Vous aurez constaté le peu de différence, y compris pour ce qui concerne la charge de la dette : un peu plus de 100 millions d'euros de différence entre les inscriptions budgétaires et le paiement de la dette. On ne saurait dire que le Gouvernement ait cherché à cacher quelque chose au Parlement, tant s'en faut, ce qui est une bonne chose : l'autorisation parlementaire et la sincérité des comptes permettent d'engager un débat politique fondé sur de vraies inscriptions et non pas sur une révision faussée.
Tels sont les éléments que je puis vous apporter.
On peut effectivement se satisfaire d'une amélioration du solde par rapport à la loi de finances initiale. Monsieur le ministre, vous venez de parler de la sincérité des comptes. Même si nous nous réjouissons que le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion n'ait pas comporté de mesures fiscales, qu'aucun décret d'avance n'ait été publié, l'absence de projet de loi de finances rectificative en cours d'année peut parfois poser question quant à la portée de l'autorisation parlementaire initiale. Les chiffres sont inédits de ce point de vue : le déficit s'établissait à 107,7 milliards d'euros dans la loi de finances initiale, révisé à 96,3 milliards en septembre 2019, puis à 97,6 milliards deux mois plus tard dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, pour atteindre 92,8 milliards d'euros. Même si cela va dans le bon sens, la différence est assez importante, et ce en l'espace de quelques semaines. Comment expliquez-vous de tels mouvements, alors que nous n'avons pas connu de phénomènes macroéconomiques particuliers ? Les recettes avaient-elles été sous-estimées ?
Vous avez souligné une amélioration des recettes fiscales, mais vous ne faites référence, dans le communiqué du 15 janvier dernier, qu'aux recettes de TVA et d'impôt sur les sociétés, soulignant que celles-ci sont « globalement en ligne avec les attentes ». Il est aussi fait état du décalage de certains contentieux. De quels contentieux s'agit-il ? Vous avez également parlé du dynamisme des droits de mutation. Comment ces éléments peuvent-ils avoir un effet de plus de 2 milliards d'euros entre novembre 2019 et janvier 2020 ?
La recette provenant de la privatisation de la Française des jeux à hauteur de 1,9 milliard a été comptabilisée à la fin de l'année 2019, mais son produit est destiné à alimenter le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) et aura donc un impact sur l'exécution budgétaire 2020. Les sommes provenant de cette privatisation ont-elles été versées à ce fonds ou une partie est-elle consacrée au désendettement de l'État ?
Concernant la « taxe GAFA » - Google, Apple, Facebook et Amazon -, en tant que rapporteur sur ce projet de loi, j'avais exprimé les plus grandes réserves quant à la capacité de la France à mener seule une telle taxation. Le Sénat soutenait l'idée que la taxe s'éteigne si une taxe internationale était mise en place. Quelles recettes ont-elles été encaissées à ce jour grâce à cette taxe ? Le versement prévu à l'automne 2019 a-t-il été opéré par les entreprises ? Du reste, nous avons entendu parler d'une suspension de cette taxe.
Une loi de programmation des finances publiques est-elle prévue ? Si oui, quand prévoyez-vous l'examen de ce texte ?
La taxe sur les services numériques devait rapporter quelque 350 millions d'euros en 2019. Nous avons déjà encaissé 277 millions d'euros au titre de l'acompte de fin d'année 2019, mais le solde doit être versé en avril de cette année. J'ai déjà demandé à la direction générale des finances publiques (DGFiP) de relancer amicalement les entreprises qui, pour une raison ou une autre, auraient peut-être mal interprété la loi de la République ou auraient oublié de verser cette taxe, avant de procéder à un contrôle. Il vous appartiendra de vérifier les comptes après le mois d'avril.
Je ne partage pas votre avis sur le déficit. Vous avez raison de dire qu'il s'agit plutôt d'une bonne nouvelle. À chaque fois que j'ai présenté un budget, je constate que le déficit s'est amenuisé, malgré des événements macro-économiques exceptionnels. Le Grand Débat a été un moment particulier pour le ministre des comptes publics... L'écart de 4,9 milliards d'euros est essentiellement dû à la Française des jeux, avec un encaissement de 1,9 milliard d'euros cette année - nous sommes en comptabilité budgétaire, mais non pas maastrichtienne -, et au report de contentieux, avec 2 milliards de contentieux au titre de l'impôt sur les sociétés. Vous avez tous les moyens matériels et juridiques, monsieur le rapporteur général, de vérifier les comptes de la Nation. En 2018, les contentieux représentaient 3,2 milliards d'euros, contre 2 milliards en 2019, conformément à la loi de finances que vous avez votée.
Sur le produit de la privatisation de la Française des jeux, nous avons alimenté le volet recettes du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui améliore le solde de l'État, et qui sera reversé au Fonds pour l'innovation et l'industrie, comme l'a évoqué M. le ministre de l'économie et des finances.
Concernant la loi de programmation des finances publiques, j'aimerais qu'elle soit présentée au printemps, au lendemain des élections municipales. Mais il ne m'appartient pas de faire les arbitrages, qui reviennent au Premier ministre.
Merci pour votre présentation rapide, monsieur le ministre. J'évoquerai des sujets ayant trait à l'écologie. En 2019 et pour le budget de 2020, vous avez décidé de réduire significativement les montants accordés aux ménages pour la prime à la conversion. Combien cette prime a-t-elle coûté au cours de l'exercice 2019 ?
Dans le budget pour 2020, le malus auto a été considérablement durci, tandis que le bonus n'a été que peu revalorisé. Pouvez-vous nous indiquer combien le malus a rapporté au cours de l'exercice 2019 et combien l'État a dépensé au titre du bonus ?
Enfin, l'année 2019 a coïncidé avec le fiasco de la taxe carbone à cause notamment de la forte mobilisation des « gilets jaunes ». Vous aviez décidé, au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, de renoncer à la hausse de la trajectoire de la contribution climat énergie (CCE), ce qui pose problème. En effet, dans la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie, il n'est fait mention d'aucun financement de ces objectifs. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est à ce jour, et, éventuellement, nous communiquer le montant des recettes perdues après cette décision ? Enfin, quelles sources de financement allez-vous mobiliser, et de quelle manière, pour répondre aux besoins existants, que vous aviez précisément mis en avant pour justifier une hausse importante de la taxe carbone ?
Je poserai deux questions qui concernent l'Europe. Quel est le niveau d'exécution de la contribution de la France en 2019 ? Il semble qu'il y ait un écart important entre la prévision initiale et l'exécution.
Par ailleurs, pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur les attentes en termes de dépenses ? Une discussion assez approfondie a lieu en ce moment entre la Commission, le Parlement et le Conseil. La Finlande a déjà posé ses jalons s'agissant du niveau des dépenses. Pour ma part, je suis inquiet, car nous risquons de subir des coupes financières importantes dans les domaines de la défense et du spatial.
Monsieur le ministre, à la suite d'une question de ma part, vous aviez indiqué il y a un an que la donation en démembrement pouvait être assimilée à un abus de droit à partir du 1er janvier 2020. Vous avez publié un communiqué de presse qui, il est vrai, a apaisé notaires et fiscalistes. Cependant, vous avez relevé qu'un communiqué n'engageait pas l'administration fiscale de façon pérenne, ni a priori un juge. Dans ces conditions, vous en aviez convenu, une publication au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) était indispensable, et vous vous étiez engagé devant notre commission à y procéder. Malgré des rappels à vos services, il semble que rien n'ait été fait en ce sens. Le confirmez-vous ? Si tel est le cas, pensez-vous tenir votre engagement ? La donation-partage, qui intéresse des millions de Français, constitue un élément essentiel de la transmission de nos entreprises, ce qui est, à mes yeux, un sujet important.
Je reviendrai sur les écarts constatés entre les chiffres qui nous ont été donnés en novembre et ceux que vous avez communiqués en janvier. À l'instar du rapporteur général, je suis surpris de ce décalage en deux mois seulement. Vous dites que les recettes au titre de l'impôt sur les sociétés ont été meilleures que prévu. Mais les sociétés transmettent leur déclaration de résultats sur l'exercice précédent avant la fin du mois de juin.
Vous avez parlé d'économies de gestion à hauteur de 1 milliard d'euros. D'où viennent ces économies, qui n'étaient pas connues en novembre ?
Par ailleurs, ne connaissait-on pas non plus en novembre le montant du produit de la privatisation de la Française des jeux ?
Je comprends que l'on prévoit les choses concernant les intérêts de la dette. Concernant la taxe sur les services numériques, il a été annoncé que la France allait la suspendre à partir de 2020. Quand allez-vous présenter un projet de loi de finances rectificative ou un texte qui permette au Parlement d'acter cette suspension ?
Je poserai deux questions sur le logement. La réforme des aides personnalisées au logement (APL), la fameuse contemporanéisation, dont la mise en oeuvre avait été annoncée pour le 1er janvier 2020, a été décalée au début de l'année 2020 : 900 millions d'euros d'économies étaient attendus l'an dernier et avaient été intégrés dans le collectif budgétaire, qui n'ont pas été réalisées. On nous annonce à nouveau un décalage au 1er avril. Je n'irai pas jusqu'à dire que les élections municipales n'y sont peut-être pas étrangères... Même si je ne doute pas qu'il s'agisse d'une réforme extrêmement compliquée, quelle est votre visibilité en la matière, monsieur le ministre ?
Après le débat que nous avons eu en séance publique sur les 500 millions d'euros qui doivent être prélevés en 2020 sur Action Logement, j'ai lu aujourd'hui que le Gouvernement envisageait de ponctionner la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et ainsi de prélever 600 millions d'euros par an sur Action Logement pour financer la réforme des retraites. Qu'en est-il exactement ? Certes, il y a quelques milliards dans les caisses d'Action Logement, mais cet organisme a pris des engagements pour financer de nombreux projets. Est-il opportun de le ponctionner ?
J'ai lu dans un journal que la France pouvait s'enorgueillir d'avoir le déficit budgétaire le plus élevé de la zone euro. Le confirmez-vous ?
Ma deuxième question porte sur le résultat de vos réformes. Le produit de l'impôt sur le revenu est supérieur aux attentes. Est-ce lié à vos réformes ? À l'évolution des salaires ? Au prélèvement à la source et à un meilleur recouvrement ? La lutte contre la fraude fiscale donne-t-elle de meilleurs résultats et contribue-t-elle à la réduction du déficit ?
Les recettes fiscales sont plus dynamiques que prévu. Vous avez indiqué que vous mainteniez votre prévision de déficit pour 2020 à 2,2 % du PIB. Maintenez-vous aussi votre prévision de croissance, en dépit du contexte international et de l'impact des grèves ?
Vous vous êtes réjoui de la baisse du déficit ; mais, en fait, cette baisse est le fait du déficit conjoncturel tandis que le déficit structurel est resté quasiment stable, ce qui n'est pas conforme à la loi de programmation des finances publiques. Envisagez-vous de remettre en cause vos objectifs de réduction du déficit structurel dans la prochaine loi de programmation des finances publiques ou entendez-vous vous donner les moyens de le diminuer ?
Selon vos déclarations en octobre, les redressements en matière de contrôle fiscal étaient en nette hausse au cours des neuf premiers mois de l'année. Cette tendance est-elle confirmée pour l'année entière ? L'assouplissement du verrou de Bercy contribue-t-il à cette évolution ou bien est-ce le fruit d'une meilleure sélection des contrôles grâce au data mining ?
On ne peut que se réjouir de la baisse de 5 milliards d'euros du déficit. Si j'ai bien compris, 3 milliards sont dus aux privatisations, 1,4 milliard aux recettes supplémentaires de l'impôt sur le revenu et 600 millions à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Mais qu'en est-il des recettes de TVA, bon indicateur de l'activité économique ?
L'instauration du prélèvement à la source a-t-elle eu un impact sur les dons en 2019 ?
Enfin, quel est l'état d'esprit des fonctionnaires du ministère ? Les réductions de postes ont-elles entamé leur moral ?
Ma question portera sur Action Publique 2022. Présentée comme un gisement d'économies dans le programme national de réforme (PNR) de la France de 2018, cette action de transformation avait disparu dans le PNR présenté en avril 2019. Où en est-on aujourd'hui ? Ce programme est-il tombé aux oubliettes ?
Monsieur Husson, 820 millions d'euros ont été versés au titre de la prime à la conversion, contre 596 millions prévus en loi de finances initiale. On n'a donc pas fait d'économies en la matière puisque l'on dépense plus que ce qui était prévu ! De même, pour le bonus, on a dépensé 62 millions de plus que prévu - je n'ai pas les chiffres pour le malus, mais je vous les transmettrai.
Nous sommes en discussion avec Bruxelles sur le projet de contribution française au budget européen. Le Président de la République a expliqué dans un discours récent nos priorités pour l'Union européenne. Je rencontrerai bientôt le nouveau commissaire chargé du budget. En ce qui concerne notre contribution, nous sommes à 21 milliards d'euros en exécution, avec 421 millions d'euros non exécutés, qui s'expliquent principalement par des moindres corrections sur années antérieures. Nous avons prévu d'augmenter notre contribution, mais nous devons aussi en rediscuter pour savoir qui financera le ticket britannique, comment il fonctionnera, et comment seront financées les nouvelles orientations.
Concernant la donation-démembrement, la publication au BOFiP interviendra vendredi. Cette question a fait l'objet d'une large concertation avec tous les acteurs. Je vous confirme que le commentaire ira dans le sens du communiqué de presse et de la réponse écrite que je vous ai adressée - cette dernière est publiée au Journal officiel et est d'ores et déjà opposable aux contrôleurs. Des instructions ont été données à la DGFiP pour lutter contre la fraude, dans le respect des intentions du législateur et du Gouvernement sur l'abus de droit et sur la donation-partage.
Monsieur Delahaye, je ne partage pas votre analyse sur l'impôt sur les sociétés (IS) : celui-ci, en effet, est quasiment contemporain. Il donne lieu à cinq versements, le dernier ayant lieu après le 15 décembre, moment aussi où nous connaissons les chiffres de la TVA. C'est pour cette raison que les dégels de crédits n'interviennent que dans les tout derniers jours de l'année. L'IS est quasiment contemporain avec une régularisation en n+1, ce qui explique que l'on ne connaît pas exactement les montants de l'IS au moment de l'examen du projet de loi de finances rectificative en novembre.
Mais on ignore le montant du cinquième acompte ! Je ne connais les chiffres de l'IS que le 15 décembre. Il en va de même pour la TVA, qui est, je le précise, conforme aux prévisions du Gouvernement, à 200 millions d'euros près : 129,2 milliards d'euros en loi de finances initiale, contre 129 milliards en exécution. Nous ne connaissons les chiffres qu'en fin d'année, ce qui pose un problème à la fois au Parlement, pour connaître les chiffres définitifs, et au Gouvernement, pour savoir s'il peut dégeler les crédits. En tout cas, nous inscrivons dans le budget les prévisions de la DGFiP. Peut-être pourra-t-on parler un jour d'un taux de recouvrement pour l'IS, comme dans certains pays, qui fixent des objectifs en la matière ; mais notre système est complexe à cet égard à cause de la multiplication des niches à l'IS...
Le milliard d'économies est constitué en grande partie de crédits gelés que nous n'avons pas dégelés. Ils sont ventilés entre tous les ministères. On note une petite sous-exécution au ministère de la justice, car des projets pénitentiaires n'ont pas vu le jour pour de multiples raisons.
Nous avons encaissé le produit de la privatisation de la Française des jeux en 2019, pour un montant de 1,9 milliard d'euros.
Monsieur Dallier, la conférence de financement va régler les questions de financement des retraites. En tout cas, je n'ai pas lu l'article que vous évoquez et je n'ai pas participé à des réunions où l'on aurait fait un lien entre Action Logement et les retraites.
La contemporanéisation des APL est une réforme complexe, qui est effectivement retardée. La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a besoin d'encore un peu de temps pour ajuster son système informatique. Cela coûte environ 100 millions d'euros par mois, même si le ministre du logement a indiqué que cela coûtait un peu moins. Il estime que ce retard coûtera entre 200 et 300 millions d'euros pour le début d'année, contre 700 millions l'an passé.
M. Bascher a posé une question rhétorique sur le budget : il en connaît parfaitement la réponse, je n'y répondrai donc pas ! Même si les taux d'imposition n'ont pas augmenté, l'impôt sur le revenu est plus dynamique, car beaucoup de Français ont retrouvé un emploi ou ont vu leur salaire augmenter ; l'impôt sur le revenu bénéficie aussi de l'effet décalé, à cause de l'année fiscale blanche en 2018, du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR), et donc du recouvrement, en 2019, des impôts sur les revenus exceptionnels de 2018.
Sur la fraude, je n'ai pas encore les chiffres précis ; je vous les adresserai dès que j'en disposerai. Nous pensons que les chiffres seront meilleurs que les années précédentes. Je vous confirme la tendance qui se dessinait en octobre, lorsque j'annonçais une hausse des recettes de 40 % par rapport à 2018. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons : le data mining nous aide à mieux cibler les contrôles ; nous avons augmenté de 7 % le nombre de vérificateurs ; le desserrement du verrou de Bercy a incité les contribuables qui avaient déjà eu des pénalités de 40 % pour manquement délibéré au cours des dernières années à mieux payer leurs impôts pour éviter une transmission au parquet ; en tout cas la nouvelle procédure du plaider-coupable, instaurée par la loi relative à la lutte contre la fraude, que nous avions d'ailleurs coconstruite avec le Parlement, a fonctionné, rapportant plus de 500 millions d'euros cette année.
Nous avons aussi réglé des contentieux importants, comme celui avec Google.
Je tiens à souligner que nous avons été sincères dans nos présentations. Tous les gouvernements communiquent volontiers sur les notifications, mais celles-ci ne représentent pas nécessairement les rentrées d'argent dans les caisses de l'État. Or, la loi de finances que je vous ai présentée contient les deux.
Nous maintenons nos prévisions de croissance. Nous avons foi en notre activité économique. Malgré les grèves, le mouvement des « gilets jaunes », les mesures fiscales d'urgence débloquées, le déficit a été conforme à nos prévisions de déficit, avec des recettes fiscales en hausse. Cela montre la robustesse de notre économie. Les mesures structurelles que nous avons prises, sous l'impulsion du Président de la République, ont contribué à faire baisser le chômage, à obtenir un taux de croissance parmi les plus élevés d'Europe - il est plus élevé qu'en Allemagne notamment -, à voir nos recettes fiscales croître, alors que nous baissons les impôts. Tout cela démontre le dynamisme économique de notre pays. Nous avons raison de croire en nos prévisions de croissance, comme le font les agences de notation, la Banque de France, le Fonds monétaire international, l'Insee, la Commission européenne, etc. Même si nul ne sait, par définition, ce qu'il adviendra en 2020, l'économie française est robuste, elle crée des richesses, et le chômage baisse.
Je ne comprends pas très bien le débat sur le déficit structurel et le déficit nominal. Ce dernier est la différence entre les recettes et les dépenses. Il baisse alors même que nous baissons les impôts ! Nous avons réalisé des mesures de baisse des dépenses publiques très importantes, que vous avez d'ailleurs combattues. Je ne vous le reproche pas, mais il est paradoxal de nous reprocher ensuite que le déficit structurel ne baisse pas assez vite ! Surtout, lorsque nous présentons le budget de la Nation à Bruxelles, nous devons en même temps présenter une liste de réformes, à laquelle la Commission européenne est très attentive.
Nous avons sorti la France de la procédure de déficit excessif. Passer de 3,4 % à 2,2 % du PIB en deux ans et demi me paraît être un mouvement significatif, même s'il est vrai qu'il n'est pas à la hauteur de la loi de programmation des finances publiques. Comment faire plus ? En augmentant les impôts, ce qui, à notre sens, n'est pas souhaitable ? En accélérant les baisses de dépenses ? Nous aurons évidemment cette discussion lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.
En ce qui concerne Action publique 2022, je peux vous dire, madame la sénatrice, que le ministère de l'action et des comptes publics suit précisément la feuille de route définie par le Premier ministre : amélioration des procédures de recouvrement, ce qui constitue une grande simplification ; suppression de 10 000 postes, ce qui a des conséquences sur le moral des agents, mais qui est un objectif que nous tenons ; évolution de la fiscalité locale ; zéro cash dans l'administration ; prélèvement à la source ; renforcement de la lutte contre la fraude ; augmentation des dotations destinées à payer les dettes informatiques de la direction générale des finances publiques ; rapprochement entre la direction générale des douanes et droits indirects et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), sur laquelle nous travaillons actuellement.
Vincent Delahaye vous avait également posé une question sur la suspension de la taxe GAFA en 2020.
Il me semble que le ministre de l'économie et des finances a déclaré que la France suspendrait cette taxe le jour où il en existerait une au niveau européen ou dans le cadre de l'OCDE, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Si je vous annonce que des contrôles sont réalisés au titre de 2019, c'est que j'ai de la suite dans les idées...
Elle n'est donc pas suspendue en 2020 dans le cadre des négociations avec les États-Unis ?
Je le redis, le jour où un tel impôt existera au niveau européen ou dans le cadre de l'OCDE, nous retirerons à son profit la taxe que nous avons mise en place. Le ministre de l'économie et des finances travaille sur ces questions avec nos partenaires et, dans l'attente des résultats, nous avons recouvré cette taxe en 2019 et nous le ferons en 2020 dans l'hypothèse, je le répète, où les travaux en question n'aboutiraient pas.
La réunion est close à 20 h 30.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.