Au cours d'une première réunion tenue à l'issue de la séance du matin, la commission poursuit l'examen des amendements sur le projet de loi n° 713 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme des retraites dans le texte n° 734 (2009-2010) adopté par la commission le 29 septembre 2010 dont M. Dominique Leclerc est le rapporteur.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU GOUVERNEMENT
Le Gouvernement vient de déposer deux amendements qui répondent notamment aux sollicitations de la commission sur la retraite des femmes. Je laisse le ministre vous en exposer la teneur.
L'amendement n°1182 maintient à soixante-cinq ans l'âge d'annulation de la décote pour les parents de trois enfants sous réserve qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants et qu'ils soient eux-mêmes nés avant 1955. Cette mesure s'appliquera surtout aux femmes nées entre 1951 et 1955, qui accusent un retard de durée d'assurance par rapport aux hommes. Des mesures ont pourtant été prises dans les années 1970 pour compenser l'interruption de leur carrière en raison des enfants : ce fut le cas de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), destinée à corriger ces situations. Mais pour ces générations, le retard n'est que partiellement compensé et la réforme aurait obligé à retarder le départ en retraite au-delà de soixante-cinq ans.
Les critères liés à l'interruption d'activité professionnelle seront fixés par décret ; ils devraient prévoir une interruption d'activité d'un an, dans les trois ans suivant la naissance de l'enfant. Enfin, le dispositif s'appliquera aux parents qui adoptent, le délai de trois ans commençant alors à la date d'adoption. Nous estimons que 135 000 femmes sont concernées par le dispositif.
L'amendement n° 1181 maintient également à soixante-cinq ans l'âge du taux plein pour les parents d'enfants handicapés, dans les mêmes conditions que pour la majoration d'assurance créée en 2003 par M. Fillon, c'est-à-dire pour les parents qui bénéficient de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) pour un handicap d'au moins 80 %, rendant nécessaire la présence d'un tiers pour l'éducation de l'enfant.
Ces deux mesures représentent une dépense globale de 3,4 milliards d'euros. Nous les finançons par une augmentation de 0,2 point du prélèvement sur les revenus du capital et du patrimoine, qui passe à 2,2 % et par une hausse de deux points du prélèvement forfaitaire sur les plus-values immobilières, qui passe à 19 %.
Merci, monsieur le ministre, de répondre par ces amendements à notre préoccupation constante pour plus d'équité. J'avais moi-même déposé des amendements dans ce sens ; je les avais retirés en commission faute d'estimations chiffrées et parce qu'ils risquaient l'irrecevabilité financière de l'article 40. Mon geste a donné alors lieu à des interprétations qui ne comptent pas, au regard du résultat. Vous estimez que 135 000 femmes sont concernées, vous évaluez le coût et vous le financez dans des conditions qui respectent le cadre initialement prévu : c'est de bonne législation.
Le Sénat est particulièrement attaché à la politique familiale, qui est une réussite de notre pays. La réforme des retraites est d'origine gouvernementale, nous acceptons ses principes et elle a son économie. Le rôle du Parlement, dans ces conditions, n'est pas de sortir de ce cadre, mais d'y rechercher des aménagements pour plus d'équité et de justice et de réparer en particulier des situations qui sont ressenties comme injustes par nos concitoyens. Ceci est d'autant plus vrai au moment où, du fait de la crise, on leur demande plus d'efforts.
Le Gouvernement a répondu à nos attentes, c'est le fruit de notre dialogue qui, je l'espère, y gagnera en sérénité : avis favorable aux deux amendements.
Les membres du groupe UMP les adopteront. Merci, monsieur le ministre, d'avoir entendu le Sénat.
Ces deux amendements contredisent tout ce qu'on a pu entendre à propos d'un blocage du Gouvernement : voici un geste en direction des familles, ce n'est pas rien, et voici refermée la parenthèse ouverte par notre surprise de voir le rapporteur retirer ses amendements. Je me réjouis donc de cette avancée pour les familles et aussi, particulièrement, de son application aux parents qui adoptent. J'ai honte d'entendre dire que ces avancées ne représenteraient « rien du tout ».
Ces mesures ne représenteraient rien ? Je n'ai pas la même vision que vous de la situation des familles ni des parents d'enfants handicapés ! Merci au ministre pour ces amendements très importants, nous les voterons et chacun prendra ses responsabilités.
Ces amendements méritent notre attention mais ils ne vont pas assez loin, parce qu'ils ne corrigent pas les disparités professionnelles criantes entre les sexes, qui se répercutent dans les pensions. Vous vous félicitez de ce que 135 000 femmes soient visées, quand elles sont des millions à subir des carrières incomplètes et de maigres retraites. Votre dispositif est insuffisant aussi pour les parents d'enfants handicapés. Nous allons donc sous-amender le dispositif proposé pour le rendre plus juste.
Le rapporteur nous rappelle que ce texte est celui du Gouvernement, mais il faut dire aussi que les économies en sont le maître mot et qu'on peut avoir une autre vision des choses. Ces deux amendements représentent-ils des avancées ? Je crois surtout qu'ils vont contribuer aux inégalités. On aidera les parents jusqu'aux dix-huit ans de l'enfant handicapé, mais la charge des parents dure bien au-delà : des maladies, des accidents, des besoins peuvent survenir après cet âge et les parents continuent d'assister leur enfant même devenu adulte. La mesure reste donc insuffisante, de même que l'est la définition du handicap.
Notre groupe tenait à ce que la réforme n'aggrave pas la situation des parents qui interrompent leur activité pour élever leurs enfants, ou qui élèvent un enfant handicapé. C'est le but de ces deux amendements, nous nous en félicitons et nous les voterons. Ils pourraient cependant être sous-amendés, sur la définition du handicap et aussi sur la période prise en compte, étant entendu que la charge d'un enfant handicapé s'étend évidemment au-delà de la majorité de l'enfant.
Je m'étonne qu'on parle d'une avancée : la borne d'âge à soixante-cinq ans existe déjà pour les parents de trois enfants. Il ne s'agit donc pas d'un mieux mais du simple statu quo !
Monsieur Gournac conteste le fait qu'on puisse trouver que ces deux amendements représentent peu de choses...
Mais il faut bien les replacer dans leur contexte : maintenir les soixante-cinq ans pour les parents de trois enfants et pour les parents d'enfants handicapés, c'est bien la moindre des choses ! Nous avions des amendements dans le même sens, ils sont passés à la trappe selon une tactique politique classique : s'assurer des voix centristes...
Nous sous-amenderons parce que ces amendements sont particulièrement restrictifs, aussi bien sur la condition d'âge de l'enfant, que sur la définition du handicap. La mesure s'appliquerait aux seuls parents d'enfants « lourdement handicapés » ? Il y a de plus en plus de naissances de grands prématurés, qui peuvent occasionner des handicaps légers. Et quand on ne s'occupe pas suffisamment de ces bébés, leur état se dégrade, un retard dans le développement psychomoteur se répercute dans l'apprentissage de la parole et le petit handicap se transforme progressivement en handicap lourd.
Parce qu'elle figure à l'article L. 544 du code de la sécurité sociale.
Justement, c'est parce qu'elle est dans notre législation qu'il faut la préciser !
Monsieur Lorrain, pourquoi vous braquez-vous ? Vous étiez favorable au fait de reconnaître la pénibilité psychologique des métiers des travailleurs sociaux, ce qui aurait conduit à ouvrir une brèche que le Gouvernement aurait aussitôt dénoncée, lui qui ne cherche qu'à démontrer qu'on ne peut faire d'exception pour personne sans en faire pour tout le monde. Ou bien votre impatience n'est-elle que l'expression d'un machisme qui vous fait penser que les « bonnes femmes » ne peuvent pas s'empêcher de parler linge et couches ?
Nous sous-amenderons donc, et nous espérons le soutien d'une bonne partie d'entre vous.
Madame Le Texier, vos amendements n'ont pas été passés à la trappe, comme vous le dites : je vous rappelle que, au cours d'une précédente réunion, la commission a émis un avis de sagesse pour tous les amendements portant mesure d'âge, y compris les vôtres bien sûr, justement pour ne pas entraver le débat.
Je me réjouis que le Gouvernement ait entendu le Sénat et je fais confiance à notre rapporteur pour rappeler en séance publique combien la commission a compté dans ces avancées.
Bien sûr, certains veulent aller plus loin, et nous pourrions tous nous montrer généreux pour complaire à telle partie de la population, mais comment financer ? Nous devons rester dans les limites de l'équilibre financier de la réforme.
Monsieur le ministre, avez-vous veillé à ce que l'amendement n° 1182 respecte bien les règles européennes, en particulier l'égalité entre les sexes ?
Ma deuxième question porte sur l'année de référence de l'assiette sur laquelle vous vous appuyez pour financer les 3,4 milliards. Notre contestation des chiffres avancés par le groupe socialiste dans son projet alternatif de taxation des banques a suscité une polémique dans les médias. Mais le fait est que selon l'année que l'on retient, le produit attendu n'est pas le même. Entendons-nous donc sur la référence, afin d'éviter de réactiver des polémiques stériles en séance.
Je m'interroge, enfin, sur un dernier point. Dès lors que nous prenons des mesures pour les parents de trois enfants et d'enfants handicapés, ne serait-il pas juste de nous pencher sur la situation des familles qui, avec l'augmentation, depuis vingt ans, de l'espérance de vie, se trouvent confrontées à la perte d'autonomie de leurs ascendants, sachant qu'un nombre croissant pourrait se trouver dans ce cas ? Le Gouvernement a-t-il pesé la question ? Ne serait-il pas bon que le comité de pilotage soit chargé d'y réfléchir ?
Nous ne sommes pas en commission pour soulever des polémiques mais pour faire des observations. J'observe qu'après que tous nos amendements sur la question du handicap ont été frappés d'irrecevabilité, sous le coup de l'article 40, une source de financement a miraculeusement jailli... Si avancée il y a, c'est par rapport à un recul initial, donc on en revient à la situation première. Cela étant, nous nous en réjouissons, puisqu'aussi bien nous obtenons satisfaction...
La remarque d'Alain Vasselle sur les parents dépendants, dont le nombre pourrait bien aller croissant, est pertinente. Le sujet n'aurait-il pas toute sa place dans la loi sur la dépendance ?
Nous proposerons de sous-amender ces dispositions, mais sans nous attacher aux mots : nous sommes d'accord sur la cible, étant entendu que le terme d'« assurés », qui désigne les hommes et les femmes, lève le risque d'inconstitutionnalité.
Je serai enfin attentif à l'assiette et aux chiffres qui seront retenus dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je suis le premier à m'irriter de voir les chiffres maintenus dans le flou alors que pour être sûrs de parler de la même chose, on a besoin qu'ils soient précis, objectif facile à atteindre pour peu que l'on définisse précisément l'assiette.
Si la notion de handicap n'est pas définie dans l'amendement, nous savons à quoi nous en tenir : nous avons tous entendu le ministre... Seuls les médecins peuvent décider. J'ajoute que les parents d'enfants handicapés connaissent de gros problèmes de garderie : on manque de place dans les centres adaptés.
L'autre question qui me préoccupe est celle de la tranche d'âge retenue pour les mères de trois enfants. Considère-t-on que pour celles nées au-delà de 1955, les problèmes sont levés ? On peut toujours demander plus, mais est-ce réaliste ? comme le disait M. Vasselle : j'observe que lorsqu'il soulève le problème des parents dépendants, il ne se pose pas la question du financement.
Je rejoins les préoccupations d'Alain Vasselle sur la majoration de durée d'assurance. Ce débat sur la retraite des mères de famille aura eu l'avantage de faire prendre conscience à beaucoup de femmes qui ne l'avaient jamais mesuré qu'il leur fallait attendre soixante-cinq ans pour bénéficier d'une retraite sans décote. L'amendement qui nous est proposé met à égalité les mères qui ont continué à travailler et celles qui se sont arrêtées, en prouvant à celles qui ont fait ce dernier choix qu'elles n'ont pas été désavantagées.
Je remercie l'opposition pour la mesure de ses propos sur un sujet douloureux, qui touche des populations fragiles. Pour être le maire d'une commune qui compte trois centres d'accueil pour enfants handicapés, je sais ce que peuvent être les difficultés des parents.
Ce texte ne vise à rien d'autre qu'à assurer la sauvegarde de notre régime par répartition, condamné à mort, si nous ne faisons rien, par les déficits qui le grèvent. Les mesures que nous prenons ici peuvent paraître en retrait sur ce que nous souhaiterions tous, mais il faut les placer en regard de l'exigence d'équilibre. Chacune doit être jugée à l'aune du réconfort qu'elle apporte, mais aussi des besoins de financement.
Vous vous interrogez sur la définition retenue pour l'enfant handicapé : ce sera la même que celle qui prévaut pour l'attribution de la MDA, telle que définie par la loi Fillon de 2003. Peuvent être bénéficiaires de l'allocation pour éducation les parents d'enfants souffrant d'un handicap à 80 %, à quoi peut s'ajouter un complément si le handicap requiert la présence d'un tiers, obligeant un parent à interrompre sa carrière. Voilà qui répond à des situations réelles.
Les mères de famille ? Vous savez comme moi que la discussion au Sénat aura eu le mérite de faire bien mesurer le distinguo entre les générations. Parce que la difficulté est transitoire, nous nous sommes efforcés de cibler les catégories objectivement pénalisées, et c'est pourquoi nous avons retenu la génération 1951-1955. En revanche, pour les parents d'enfants handicapés, la mesure est pérenne.
Vous m'interrogez sur le financement. Le calcul de l'assiette tient compte des augmentations d'impôt déjà programmées, soit un produit attendu, à compter de 2011, de 340 millions par an.
Alain Vasselle a raison d'attirer l'attention sur les risques de sanction constitutionnelle ou européenne au motif de discrimination : c'est bien pourquoi nous nous sommes bien gardés d'écrire « mères » pour retenir « assurés ».
Gisèle Printz se demande s'il faut qualifier nos propositions d'avancées ou de recul. Nous présentons là un texte, hors tout débat sémantique, de projection vers l'avenir. La modification des règles qu'il engage aura un impact sur l'ensemble de la population, étant entendu que l'objectif est d'assurer l'équilibre à l'horizon 2018. Sans les mesures financières prévues, nous ne serions plus en mesure de servir les pensions à cette date. Toutes les dérogations que nous mettons en place sont donc nécessairement des avancées, qui exceptent de l'effort commun les populations qui méritent de l'être.
Et que l'on ne nous reproche pas, comme on l'a entendu naguère à l'Assemblée nationale, de déposer nos amendements au lendemain d'une manifestation. Le Sénat n'examine pas ce texte sous la pression de la rue. Nos amendements viennent du dialogue fructueux que nous avons mené avec ses membres.
Alain Vasselle m'a interpellé sur le financement de nos propositions, comme si nous n'y avions pas songé... Si l'on ne nous avait pas refusé d'exposer ces propositions en début d'examen du texte, on en aurait vu toute la cohérence.
Le caractère purement transitoire de la mesure en faveur des femmes est inacceptable.
Certes. Seront exonérées les seules femmes des générations 1951-1955 ayant interrompu leur activité professionnelle, sans que l'on sache combien de temps et dans quelles conditions, puisque c'est le décret qui le précisera.
Je me félicite de l'esprit dans lequel nous avons conduit nos débats : puisse-t-il prévaloir en séance. Mon avis reste favorable aux deux amendements.
J'ai été déconcertée par le blocage de la discussion, en séance, sur l'article 1A, les débats s'étant focalisés en réalité sur les bornes d'âge. Cette constatation me conduit à vous indiquer que je demanderai l'examen en priorité, à partir de 16 heures, des articles 5 et 6.
Nous sommes radicalement opposés à cette demande, qui n'est rien d'autre qu'une manoeuvre politique inspirée par le Gouvernement !
Pourquoi pas par le Président de la République, pendant que vous y êtes !
Vous ne croyez pas si bien dire, je viens de signer un éditorial intitulé « L'Elysée outrage le Parlement ». Extraire, comme on vous demande de le faire, ces deux articles emblématiques, c'est abréger le débat de manière inadmissible.
L'opposition ne parle, en séance, que des bornes d'âge ! Je me suis dit « Allons-y », pour crever l'abcès, et retrouver plus de sérénité dans la discussion.
Je proteste contre cette façon de faire. Vous voulez faire voter ces deux mesures emblématiques avant la grève du 12 octobre, c'est clair. Vous nous annoncez à 13 heures que l'on va attaquer l'examen de ces articles à 16 heures. C'est bien maltraiter, et les membres de la commission et le rythme parlementaire. Vous ne nous laissez pas le temps de respirer. La moindre des choses serait au moins de nous laisser un délai jusqu'à demain. Et là, ce n'est pas le Gouvernement que l'on peut accuser : laissez-nous au moins le temps de préparer nos interventions.
Si vous persistez dans votre décision, je le considèrerai comme un incident de plus. Je vous demande d'allonger le délai, ne serait-ce que pour ne pas nous mettre face à des difficultés d'intendance : il est 13 heures...
Je puis comprendre que nos collègues de la majorité aient été irrités par les interventions de ce matin, mais je rappelle que c'est la décision du président de séance, hier soir, de soumettre à scrutin public, contre toutes les règles, l'ajout d'une séance samedi, qui a mis le feu aux poudres. Après quoi le ministre est arrivé ce matin avec deux amendements qui auraient pu être présentés depuis longtemps à la commission, car chacun sait qu'ils étaient tout prêts... Et comment supporter sans broncher, après avoir vu rejeter sans discussion tous nos amendements, de nous entendre dire que nous n'avons aucune proposition à avancer !
Je soutiens la proposition de notre présidente. Je n'ai pas le sentiment que nos collègues de l'opposition ne soient pas prêts, au vu de ce que j'ai entendu depuis deux jours... Laissons là les procès d'intention. La majorité, dites-vous, monsieur Godefroy, veut faire voter les articles 5 et 6 avant la manifestation du 12 octobre ? Sans doute, de même que vous souhaitez qu'ils ne soient pas votés avant cette date...
Je suis le plus ancien des membres de cette commission. J'ai vécu les ordonnances de 1981 et présidé la commission spéciale pour les questions sociales. Je puis vous dire que le temps qui nous était imparti était très court et que les dispositions tombaient d'heure en heure. En ce temps-là, ça se passait ainsi !
Les règles doivent être respectées. Vous comprendrez que lorsqu'elles ne le sont pas, l'opposition exprime son désaccord. On commence par tenter de nous faire adopter une modification de l'ordre du jour en séance publique. Puis le ministre arrive ce matin avec de nouvelles propositions, comme si elles venaient de sortir du chapeau, alors que je l'ai entendu, ici même, aborder auparavant la question : pourquoi n'y a-t-il pas eu alors discussion ? Ce n'est pas une façon de travailler. En demandant la priorité sur les articles 5 et 6, vous ajoutez à la confusion. Comprenez donc notre irritation. Vous ne créez pas les conditions d'un climat apaisé en séance...
Je porte à mes aînés tout le respect qui leur est dû, monsieur Cantegrit, mais est-il bien judicieux de justifier encore le comportement de la majorité par un épisode remontant à vingt-neuf ans ? Si vous estimez que les débats ont été en ce temps mal organisés, est-ce un argument pour recommencer ? Plus vous utiliserez d'artifices, plus nous serons tentés de répondre par les mêmes voies. Vous déplorez le retard que prennent les débats ? Mais ce n'est pas nous qui avons décidé ce matin que le ministre allait faire une longue déclaration et porter deux amendements. Je vous demande, madame la présidente, de retarder au moins votre décision.
Nous vous demandons solennellement que ces deux articles soient débattus demain. Vous savez que l'examen de ce texte requiert un engagement complet. En ajoutant à l'ordre du jour, selon des modalités qui transgressent toutes les règles, une séance samedi, avant d'annoncer une nouvelle Conférence des Présidents, vous ne faites qu'exaspérer les esprits. Nous mettre ainsi devant le fait accompli, c'est prendre le risque d'alimenter la colère.
Je vois se profiler une situation comparable à celle qu'a connue l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une bonne chose. Si nous avons perdu une grande partie de la soirée d'hier, ce n'est pas notre faute mais celle de la majorité et de son président de séance. Et rebelote ce matin, avec le ministre qui a monopolisé le débat.
Madame la présidente, je comprends que vous vous sentiez responsable de la bonne marche des débats, mais je vous engage à rester celle que vous êtes et que nous avons su, sans flatterie, apprécier pour ses qualités d'écoute et son absence de sectarisme. Rien ne vous oblige à taper du poing sur la table. Sinon, on risque le bazar !
J'ai entendu vos arguments : je demanderai une priorité, non pour 16 heures, mais pour 21 heures 30.
Il est vrai que vous n'êtes pas responsables du retard pris dans la discussion mais ce qui m'a le plus gênée, c'est la violence des interventions que j'ai entendues en séance. J'ajoute que si nous devions siéger samedi, la présidence s'est engagée à trouver des chambres d'hôtel pour ceux qui ne sont pas parisiens.
Ce n'est pas une simple question de chambres. On n'arrive plus à organiser notre emploi du temps. N'aviez-vous donc pas anticipé que l'opposition, sur ce texte, se montrerait combative ?
La décision ne revient pas à la seule Conférence des Présidents : c'est le Gouvernement qui est maître de l'ordre du jour. Pour permettre à chacun de préparer le débat, je vous propose d'annuler la réunion prévue ce soir et de reporter l'examen de la suite des amendements extérieurs à la suspension de lundi soir. Si nous avions des sous-amendements à examiner sur les articles 5 et 6, je demanderais de courtes suspensions de séance.