La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Alain Thauvette, directeur général d'Euro Cargo Rail, sur le projet de loi n° 501 (2007-2008) relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.
Après que M. Jean-Paul Emorine, président, eut remercié de sa présence M. Hubert Haenel, auteur de deux rapports au Gouvernement sur le secteur ferroviaire, M. Alain Thauvette a présenté sa société, Euro Cargo Rail. Créée en 2005 sous la forme d'une société française à actionnaire unique anglais (EWS) dont le siège est situé à Paris, elle possède 91 locomotives (100 supplémentaires étant attendues en 2009-2010), gère 2 000 wagons, compte 750 employés répartis sur quinze zones assurant un maillage de l'ensemble du territoire et dispose de sept unités opérationnelles couvrant 85 % du réseau ferré national. Opérant des trains sur des distances de 100 à 1 200 kilomètres, elle aura transporté 2,5 milliards de tonnes par kilomètre en 2008 (contre 1,2 en 2007) et couvert 415 000 kilomètres par mois en moyenne. Prenant en charge la quasi-totalité des types de marchandises, à l'exception pour l'instant des produits chimiques, elle possède un organisme de formation agréé instruisant ses conducteurs, agents au sol et agents d'accompagnement.
Bien que globalement satisfait du projet de loi, M. Alain Thauvette a fait part de sa préoccupation sur certains éléments :
- les moyens budgétaires affectés à la future commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF) doivent être assez augmentés et le personnel en nombre suffisamment important pour garantir son indépendance à l'égard de la SNCF ;
- les pouvoirs de la CRAF doivent être renforcés pour s'assurer du traitement équitable entre les entreprises ferroviaires, dont la compétitivité ne doit pas être remise en cause par l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). La CRAF doit notamment être habilitée à régler les problèmes de discrimination concurrentielle pouvant survenir à l'occasion de la surveillance de l'application des règles de sécurité ;
- s'agissant de la tarification, la CRAF doit être reconnue compétente pour donner un avis sur le prix du péage et obligatoirement consultée sur le document de référence établi par l'Etat et Réseau ferré de France (RFF).
Soulignant que 50 % du trafic pris en charge par son entreprise provenait de la route ou de voies navigables, M. Alain Thauvette a indiqué que l'objectif de développement du rail, fixé entre autres dans le « Grenelle de l'environnement », ne pourrait sans doute pas être atteint au vu des seules dispositions du projet de loi.
Estimant trop élevé le barème d'accès aux gares de triage -tout comme celui permettant d'accéder au chantier du transport combiné, en croissance de 10 à 15 % ces dernières années- et jugeant qu'il devrait être gradué, il a indiqué que la CRAF aurait nécessairement à se prononcer sur ces barèmes. Enfin, il a dressé la liste des éléments sur lesquels il serait opportun de revenir, à savoir :
- réduire le délai de réponse aux demandes de sillons ;
- améliorer leur traçabilité ;
- intégrer la procédure des sillons de dernière minute à l'ordre de RFF ;
- exclure l'application de la tarification supplémentaire lors des demandes de modification ou de suppression de sillons lorsque RFF ou le gestionnaire d'infrastructure délégué (GID) en est à l'origine ;
- supprimer la proposition augmentant le délai de suppression d'un sillon de 30 à 120 jours ;
- suivre et contrôler la qualité de l'offre de sillons, notamment de longue distance.
a interrogé l'intervenant sur l'état du réseau, qui rendrait impossible de développer le fret, sur la possibilité de faire du fret avec des trains à grande vitesse (TGV), sur la gamme des appels d'offre auxquels la société Euro Cargo Rail répond ainsi que sur les facteurs de réussite de celle-ci et de l'opérateur historique SNCF.
l'a questionné sur la notion d'équité dans l'évaluation de la capacité de gestion des opérateurs, sur la préférence donnée à la route au détriment du rail pour un nombre important de transports de marchandises et sur les conditions, notamment législatives, du succès de l'activité « fret ».
Pointant la forte proportion des matériels de traction anciens et la nécessité de commander des équipements modernes, M. Michel Teston a souhaité connaître la part qu'Euro Cargo Rail comptait réserver à ce titre à l'industrie française et savoir si les opérateurs de proximité pour les lignes de faible trafic réservées au transport de marchandises, ayant parfois organisé des partenariats avec les régions sous forme de sociétés d'économie mixte (SEM), constituaient une concurrence menaçante pour la société. Enfin, il s'est inquiété des conditions de travail des salariés ainsi que de l'absence, dans le projet de loi, de la certification européenne pour les conducteurs de train figurant pourtant dans le troisième paquet ferroviaire.
Observant que l'intervenant avait parfaitement illustré le contenu de son rapport sur les problématiques du système ferroviaire français et plaidé à raison pour une autorité de régulation puissante, M. Hubert Haenel lui a demandé dans quelle mesure il serait nécessaire de modifier ledit système, qui résulte actuellement d'une loi de 1997, afin de permettre à l'autorité de régulation de gérer de façon détaillée le fonctionnement du réseau ferroviaire, que ce soit sur l'instruction et l'attribution des sillons ou sur la circulation des trains.
En réponse à ces différentes interventions, M. Alain Thauvette a apporté les précisions suivantes :
- l'état du réseau n'est pas bon et, s'il est utilisable, il nécessite néanmoins un entretien coûteux et tributaire de décisions d'investissement encore trop aléatoires et ponctuelles : aussi vaudrait-il mieux privilégier le renouvellement de tronçons stratégiques ;
- le fret par TGV devrait rester essentiellement cantonné à certains secteurs particuliers, comme l'acheminement de colis postaux, pour lequel ce mode de transport est économiquement pertinent ;
- la société Euro Cargo Rail est active sur tous les marchés des trains de fret, sur longues comme sur courtes distances. En revanche, faute de capacités de triage suffisantes à un coût abordable, elle ne propose pas d'offres dans le secteur du « wagon isolé » ; répondre aux demandes sur ce marché nécessiterait un maillage du territoire très dense : or, si le profit potentiel existe bien, les barrières à l'entrée restent encore trop dissuasives ;
- les différences entre Euro Cargo Rail et la SNCF tiennent essentiellement à la plus grande flexibilité du personnel de la première et à sa manière de gérer les relations avec les clients, particulièrement bien adaptée à leurs besoins et à leurs méthodes de travail ;
- le souhait d'une plus grande équité résulte des disparités de traitement observées avec l'opérateur historique national, par exemple dans les exigences de sécurité et dans la gestion des différents incidents ;
- le matériel roulant doit être adapté aux exigences techniques d'un réseau qui n'est électrifié qu'à 50 % et ne permet donc de se passer du diesel que sur certains itinéraires. Concernant plus précisément l'origine des locomotives, M. Alain Thauvette a insisté sur l'existence de commandes confiées à des constructeurs français et a rappelé l'origine franco-allemande des nouvelles motrices électriques commandées au groupe Bombardier ;
- les opérateurs de proximité ne connaîtront de succès que si ces sociétés locales ont déjà une bonne connaissance du chemin de fer, comme en Amérique du Nord, où elles sont constituées d'anciens cheminots ;
- à court et moyen termes, la reconnaissance mutuelle des compétences des conducteurs semble avoir plus de sens que l'instauration d'un permis de conduire européen ;
- si des erreurs ont inévitablement pu être commises, au début, dans la gestion des personnels, les conditions de travail sont bonnes désormais chez Euro Cargo Rail, toutes les organisations syndicales y étant d'ailleurs représentées ;
- en matière de réforme de l'organisation ferroviaire, la vraie question n'est pas tant de savoir dans quelle structure on affecte les 14 000 salariés de la SNCF affectés à la gestion des sillons, mais de mettre en place des réformes de fond et de parvenir à l'impartialité par un mode de fonctionnement indépendant de l'opérateur historique national.
Après avoir rappelé l'importance de la SNCF dans le paysage industriel français et son poids dans l'innovation, notamment à travers le TGV, M. François Fortassin s'est demandé si, pour l'intervenant, le vrai problème n'était pas finalement l'existence même d'un opérateur historique.
Insistant sur l'émulation nécessaire entre tous les acteurs du marché pour parvenir à un fret économiquement rentable, M. Alain Thauvette a répondu que, loin de souhaiter la disparition de la SNCF, il pensait au contraire que sa société pourrait l'aider à s'améliorer.
La commission a enfin procédé à l'audition de M. Cyrille du Peloux, directeur général de Veolia Transport, sur le projet de loi n° 501 (2007-2008) relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports, accompagné de M. Antoine Hurel, directeur général adjoint, président de Veolia Cargo.
a d'abord expliqué que l'entreprise était le premier opérateur mondial et européen privé dans le domaine des transports terrestres, notamment ferroviaires, présent dans huit pays. En France, outre ses activités de fret ferroviaire, la société assure, de manière marginale, des services de transport ferroviaire de voyageurs, notamment en Bretagne, exploite des lignes ferroviaires à vocation touristique et sera l'opérateur de la future ligne de tram-train reliant le centre de Lyon à l'aéroport Saint-Exupéry. S'agissant du fret ferroviaire, Veolia Cargo emploie 1.000 personnes en Europe, où elle exploite un trafic d'1,8 milliard de tonnes-kilomètre.
Il a ensuite indiqué que le chemin de fer jouait un rôle décisif en matière d'aménagement et de développement du territoire, répondait aux besoins de mobilité croissants de la population et était à la fois respectueux de l'environnement et peu consommateur d'espace. Relevant toutefois que la France accusait un retard par rapport à d'autres pays, notamment européens, en matière d'ouverture de ce secteur à la concurrence, il a jugé que, dans les pays où elle était pratiquée, cette évolution donnait pleine satisfaction. La concurrence a ainsi permis d'améliorer la qualité de service pour les voyageurs, de diminuer les coûts de transport et de favoriser la réalisation de gains de productivité et d'efficacité de la part de tous les opérateurs, qu'ils soient publics ou privés. Surtout, elle se traduit par une hausse de la fréquentation des transports régionaux ferroviaires : à ce titre, la croissance du trafic, exprimée en volume, est de l'ordre de 5 à 6 % par an dans les grands pays européens et a atteint 20 % dans des pays comme l'Australie ou la Grande-Bretagne qui a libéralisé son marché en 2000. Au demeurant, l'entrée de nouveaux opérateurs sur ce marché s'effectue dans le strict respect des normes de sécurité et de qualité définies par les autorités nationales, qui s'imposent à toutes les entreprises ferroviaires.
Faisant référence à l'Allemagne, pays où les transports ferroviaires ont été régionalisés en 1996 et où les Länder se sont vu reconnaître le droit de choisir leurs opérateurs par appel d'offres, il a fait valoir que Veolia Transport y était désormais le deuxième opérateur au plan national, présent dans huit Länder et possédant 8 % des parts de marché, sur les 15 % gagnés par les nouveaux opérateurs. Au-delà de légères difficultés rencontrées lors de la mise en place de l'autorité de régulation nationale, cette entrée sur le marché allemand s'est réalisée dans de bonnes conditions, notamment vis-à-vis de l'opérateur historique, la Deutsche Bahn. Veolia Transport entend d'ailleurs poursuivre son développement et répondra, en 2009, à une dizaine de nouveaux appels d'offres émanant de Länder. Au surplus, loin d'affaiblir la Deutsche Bahn, la mise en concurrence, qui a concerné aussi bien le fret que le transport des voyageurs, a permis de redonner un nouvel élan à la société, qui s'est ainsi fixé des objectifs ambitieux en termes de performance et de qualité de service.
Evoquant la question du marché français, M. Cyrille du Peloux a jugé décisif que l'autorité de régulation des activités ferroviaires, objet du projet de loi, soit mise en place rapidement, ceci constituant un préalable indispensable à l'organisation d'une réelle ouverture à la concurrence du marché. Les dispositions du texte sur la commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF) sont satisfaisantes, mais on peut s'inquiéter des retards pris par la discussion du projet de loi. En effet, au-delà du vote définitif de la loi, il sera ensuite nécessaire d'élaborer ses textes d'application, de nommer les membres de la CRAF et de procéder à son installation, autant d'étapes pouvant réclamer un délai supplémentaire d'environ une année.
La création d'un tel régulateur est au surplus justifiée par les difficultés rencontrées par les nouveaux entrants dans le secteur du fret ferroviaire. Il est en effet constaté une mauvaise qualité des réservations de sillon (l'utilisation d'une voie ferrée pour un train étant déterminée par l'attribution d'un numéro et d'un horaire), des règles de tarification d'utilisation des infrastructures peu claires, un manque d'étanchéité entre Réseau Ferré de France (RFF) et la SNCF, ce qui pose des problèmes de confidentialité des données commerciales, ainsi qu'un accès difficile à certaines infrastructures, comme les gares, entraînant des distorsions de concurrence. En définitive, il est nécessaire de favoriser l'émergence d'une autorité de régulation forte, disposant d'instruments d'intervention efficaces.
Au-delà du fret, l'avenir se caractérisera par l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, évolution qu'il a jugée inéluctable. Une première étape est d'ores et déjà prévue avec la libéralisation, au 1er janvier 2010, des lignes internationales. Il a, à ce titre, fait part de la préoccupation de Veolia Transport sur la transposition extrêmement restrictive de la directive 2007/58 du 23 octobre 2007 proposée par le projet de loi, qui confère à l'autorité administrative un pouvoir de blocage sur les liaisons transfrontières pour des motifs qui ne sont pas explicitement prévus par cette directive. Il conviendrait donc que la transposition reprenne la lettre même de la directive pour favoriser une réelle ouverture à la concurrence.
S'agissant de la mise en concurrence des services ferroviaires régionaux, dont les bénéfices dans les pays européens qui l'ont pratiquée sont avérés, M. Cyrille du Peloux a rappelé que cette évolution devrait avoir lieu à partir de la date d'application, en France, du règlement communautaire 1370/2007 relatif aux services de transport public de voyageurs, soit à compter du mois de décembre 2009. Toutefois, le règlement n'offre qu'une faculté aux régions et ne les contraint pas à procéder à une telle ouverture. Par ailleurs, la SNCF ayant conclu des contrats de longue durée avec les régions, l'ouverture à la concurrence sera d'autant plus compliquée à réaliser, ce qui risque de se traduire par des surcoûts pour les régions concernées, au détriment de la qualité de service pour les voyageurs.
Dans ces conditions, il a estimé souhaitable de modifier les dispositions de la loi d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 afin de les adapter aux évolutions du droit communautaire, un choix devant cependant être opéré entre deux options. Il est en effet possible de prévoir que la LOTI ne s'applique plus, au bénéfice de l'application du règlement 1370/2007, solution qui aurait la préférence de Veolia Transport, ou, comme le propose M. Hubert Haenel dans son rapport au Premier ministre, d'autoriser les régions à procéder, à titre expérimental, à des appels d'offres sur une partie de leur réseau ferroviaire.
Pour terminer, bien que le projet de loi ne s'attache pas à cette question, il a exprimé le point de vue de l'entreprise sur les rapports entre RFF et la SNCF, élément également abordé par le rapport de M. Hubert Haenel. A ce sujet, il apparaît indispensable à la fois de favoriser la continuité des fonctions, en confiant à RFF le soin d'attribuer les sillons et de gérer les circulations, tout en garantissant l'indépendance de la gestion des infrastructures par rapport aux opérateurs. Dans la même logique, il est également souhaitable de confier à RFF la gestion des gares.
Puis un large débat s'est instauré.
a demandé si Veolia Transport souhaitait que la commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF) devienne également un acteur économique à part entière en donnant son avis sur les programmes d'investissement des opérateurs ferroviaires, sur le budget de RFF et sur le document de référence du réseau (DRR). Il s'est par ailleurs interrogé sur la pertinence d'un financement de la commission par une partie des droits de péage du réseau. Puis il a demandé si la CRAF devait prendre en charge la gestion des gares afin d'assurer notamment la connexion entre les différents modes de transport. Enfin, il a souhaité connaître les objectifs de parts de marché de Veolia Transport dans les domaines du TGV et du trafic national et régional de voyageurs.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- il est indispensable que la CRAF joue pleinement son rôle en matière de régulation du secteur ferroviaire ;
- par ailleurs, compte tenu de la nécessité d'assurer une indépendance forte à la CRAF et de la mettre à l'abri de la régulation du ministère du budget, il ne serait pas illégitime de calquer son financement sur celui de l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), assuré par le prélèvement d'une partie des droits de péage ferroviaire ;
- se référant notamment à une récente décision de la communauté urbaine de Bordeaux, il a déploré que son entreprise perde certains appels d'offres relatifs à des services de bus ou de tramways à cause du critère de l'intermodalité qui ne peut être mis en avant que par la SNCF et ses filières, en raison du monopole sur le transport ferroviaire, alors que Veolia Transport présente des projets moins chers et d'un niveau techniquement supérieur. A cet égard, il a salué l'idée que la CRAF vérifie que les règles de sécurité imposées par l'EPSF n'aient pas comme objet ou comme effet d'évincer la concurrence de façon discriminatoire ;
- les gares devraient appartenir à RFF et non à la SNCF, comme c'est le cas aujourd'hui, ou à défaut, si la situation actuelle devait perdurer, la CRAF devrait assurer l'égalité de traitement entre les différents opérateurs ferroviaires ;
- se référant à l'exemple allemand, où les concurrents de la Deutsche Bahn n'ont accaparé que 15 % du marché des TER dix ans après la libéralisation de ce secteur, il a estimé que l'effritement des parts de marché de la SNCF, au moins jusqu'en 2015, sera très lent. En revanche, il est très difficile de prévoir l'évolution des parts de marché du transport par TGV, car personne ne dispose de suffisamment de recul en Europe. Certes, Veolia Transport a conclu une alliance avec Air France pour assurer les trajets sur des lignes à grande vitesse de moins de trois heures. Cette perspective est stratégique pour Air France, compte tenu de la compétitivité du TGV par rapport au trafic aérien domestique. Toutefois, sur ce segment, SNCF et Deutsche Bahn ne verront pas remise en cause leur hégémonie sur la scène européenne dans les années à venir ;
- abordant la question du transfert de personnels, il a plaidé pour que toute perte d'un marché s'accompagne d'un transfert automatique des agents, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail (ancien article L. 122-12). La poursuite des contrats de travail avec le nouveau titulaire du marché devra aller de pair avec la reprise des conditions salariales et de l'ancienneté des agents. Toutefois, le financement des régimes spéciaux de retraite SNCF, et plus généralement toutes les autres dispositions spécifiques à la SNCF, doivent rester à la charge de l'Etat. Il est nécessaire d'avoir une certaine souplesse dans l'application des dispositions du code du travail, afin de permettre à un agent de la SNCF qui refuse son transfert vers la nouvelle entreprise titulaire d'un marché, de conserver son emploi chez l'opérateur historique si celui-ci l'accepte.
a indiqué que les appels d'offres en Allemagne imposaient à l'entreprise Veolia tantôt de fournir elle-même le personnel nécessaire, tantôt de reprendre le personnel de la Deutsche Bahn. Comprenant les interrogations que suscite en France le transfert d'un marché ferroviaire régional, il a toutefois rappelé que plusieurs pays en Europe avaient déjà résolu ces difficultés depuis plusieurs années.
Rappelant son rôle comme rapporteur sur le projet de loi portant réforme portuaire, M. Charles Revet a souhaité connaître les suggestions de Veolia Transport pour relancer l'activité portuaire française. Puis il a demandé des précisions complémentaires sur le rôle de la CRAF en matière de contrôle des services de transport international de voyageurs. Enfin, il a souhaité savoir s'il était préférable de transférer les 14.400 cheminots SNCF affectés aux missions d'exploitation de l'infrastructure ferroviaire soit vers RFF, soit vers une nouvelle entité dénommée « Exploitation nationale des chemins de fer français » (ENCF) comme le préconise le rapport précité du sénateur Hubert Haenel, ou bien s'il convenait d'opérer dès maintenant le transfert intégral, au profit de RFF, des quelque 55.000 agents de « SNCF Infra », qui, en tant que gestionnaire d'infrastructure délégué pour le compte de RFF, s'occupe de l'entretien et de l'exploitation du réseau ferré français.
En réponse, M. Cyrille du Peloux a estimé que la création d'ENCF n'était pas pertinente, doutant de la possibilité pour la SNCF d'instituer une séparation absolue entre l'activité d'ENCF et les autres activités du groupe, compte tenu des habitudes prises par les entreprises publiques jadis en situation de monopole. Il a rappelé que des entreprises privées assuraient aussi des missions de service public.
a apporté les éléments de précision suivants :
- s'agissant du rôle de la CRAF en matière de contrôle des services de transport international de voyageurs, le Gouvernement a transposé, de manière trop restrictive, la directive 2007/58/CE. En effet, le texte communautaire veut éviter que l'ouverture de lignes internationales nuise à certains services publics existants. Ainsi, les autorités nationales peuvent « limiter » les dessertes intérieures assurées par un service de transport international de voyageurs, quand ce cabotage ne constitue plus une simple activité accessoire, mais devient l'objet principal du service. Autrement dit, si l'objet principal du service s'apparente à du cabotage déguisé permettant aux entreprises ferroviaires de desservir différentes gares françaises situées sur le trajet entre une ville française et une ville européenne, alors les autorités nationales peuvent intervenir sur ces dessertes internes. Or, l'article 1er du projet de loi dispose que la CRAF peut non seulement « limiter », mais aussi « s'opposer» à la création de ces dessertes ;
- dans le domaine portuaire, la France souffre de handicaps géographiques et industriels majeurs, mais la loi portant réforme portuaire a permis de faire sauter les verrous qui entravaient le développement des ports. Certaines lignes maritimes enregistrent des baisses de 30 à 40 % de leur trafic en raison de la crise économique actuelle, mais Veolia Transport a conclu de nombreux accords avec les armateurs pour dynamiser le fret ferroviaire les desservant.
a souhaité savoir quels seront les liens entre Veolia Transport et les opérateurs de proximité, institués à l'initiative des régions et qui seront en charge du transport de fret sur des lignes à faible trafic. Il a ensuite demandé des compléments d'information sur le transfert de personnels et notamment la pérennité des avantages liés aux régimes spéciaux de retraite. Par ailleurs, il a interrogé les représentants de Veolia Transport sur la nécessité de construire une Europe sociale ferroviaire favorisant une « harmonisation par le haut » du statut des agents. Enfin, il s'est demandé si Veolia Transport était une « entreprise citoyenne » soucieuse d'encourager les constructeurs français de matériels ferroviaires.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'entreprise Veolia Transport n'est pas hostile à l'existence d'opérateurs de proximité institués à l'initiative des régions ;
- les régimes spéciaux de retraite des cheminots doivent continuer d'être supportés par l'Etat, indépendamment de la qualité du titulaire d'un marché ferroviaire ;
- le groupe Veolia a noué des relations avec de très nombreux constructeurs, comme Alstom pour la France ou Bombardier pour le Canada. L'entreprise Veolia Transport tente donc de faire jouer la concurrence entre constructeurs, en choisissant le meilleur projet. En outre, elle se lie avec certains d'entre eux lorsqu'il s'agit de projets de partenariats public/privé particulièrement difficiles à mettre en place. Le processus industriel de construction de locomotives et de trains est très complexe, car les étapes de la construction d'un train concernent différents pays. Enfin, si l'idée de faire davantage travailler les entreprises françaises du groupe Bombardier est séduisante, cette décision ne relève pas, in fine, de Veolia Transport ;
- des avancées notables ont récemment été enregistrées sur la question de l'Europe sociale ferroviaire, mais il convient de garder à l'esprit la très forte hétérogénéité des conditions sociales en vigueur dans les Etats-membres. Ainsi, la Deutsche Bahn dispose de personnel sous statut, mais a créé une filiale avec des salariés de droit commun, de même que la SNCF avec sa filiale Keolis. En règle générale les salariés de Veolia Transport sont attachés à leur entreprise et bénéficient de conditions de travail et de rémunérations enviables.
a ajouté qu'un accord récent conclu au niveau européen entre la Communauté Européenne du Rail (CER) et les organisations syndicales adhérentes à la Fédération Européenne des Travailleurs des Transports (ETF), avait posé les premiers jalons d'une harmonisation sociale ferroviaire tout en préservant la compétitivité du secteur par rapport au transport routier.
a appelé de ses voeux une réduction significative du trafic de poids lourds sur les axes français. Il a plaidé en outre pour que le réseau ferroviaire français soit développé et mieux utilisé. Enfin, il a considéré qu'il n'était pas viable à long terme de privilégier exclusivement les convois de fret ferroviaire la nuit pour fluidifier le trafic, les protestations des résidents proches des voies de chemins de fer empruntées risquant, à terme, de limiter l'impact de cette mesure.
a fait valoir que le réseau ferroviaire français n'était aujourd'hui pas saturé, le taux d'utilisation des infrastructures en France étant l'un des plus faibles de l'Union européenne, hormis l'existence de goulets d'étranglement, comme le contournement de Lyon et celui de Paris. Les efforts financiers doivent être concentrés sur ces deux zones, et RFF doit réfléchir, en concertation avec les opérateurs ferroviaires et les élus locaux, aux moyens concrets nécessaires pour relancer le trafic de fret. S'agissant du coût d'accès à l'infrastructure ferroviaire, les péages en Allemagne sont deux fois plus élevés qu'en France, mais permettent dans le même temps une croissance deux fois plus rapide des opérateurs ferroviaires, car la qualité fournie par le gestionnaire d'infrastructures est élevée.
a rappelé que le fret ferroviaire français permettait l'acheminement, en moyenne annuelle, de 70 milliards de tonnes de marchandises dans les années 1970, contre seulement 40 milliards en 2007. Ces piètres performances renvoient tout d'abord au fait que le réseau français traverse trop souvent les villes au lieu de les contourner. Au surplus, on enregistre un nombre croissant de conflits d'intérêt entre les utilisateurs du fret et le développement du transport des voyageurs par les TER. Enfin, la dégradation du réseau ferroviaire français, mise en exergue par les audits de l'école polytechnique de Lausanne, n'est aujourd'hui contestée par personne. Néanmoins des solutions existent pour relancer l'activité du fret ferroviaire français : cadencement des trains, construction de lignes nouvelles pour contourner les points de congestion, utilisation d'itinéraires de contournement aujourd'hui inutilisés, ou encore utilisation accrue des trains de fret la nuit. Cette dernière piste de réflexion doit être explorée compte tenu du très faible nombre de trains circulant actuellement la nuit, les risques de nuisance sonore insupportable étant de ce fait à relativiser. Les marges de manoeuvre existent dans l'organisation et la gestion du réseau pour mieux concilier le transport des voyageurs et le fret ferroviaire.
a plaidé pour une concertation accrue entre les présidents de région, RFF et les opérateurs ferroviaires pour déterminer, ligne par ligne, les modalités de coexistence entre le trafic de voyageurs TER et le trafic de fret ferroviaire.