Séance en hémicycle du 14 février 2013 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • gynécologie
  • gynécologue
  • gynécologues médicaux
  • médecin
  • spécialité

La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

J’ai reçu avis de la démission de Mme Hélène Masson-Maret, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et de Mme Sophie Primas, comme membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.

J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire ;

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Hélène Masson-Maret, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale.

L’auteur de la question et la ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 ; il importe que chacun des orateurs respecte son temps de parole.

La parole est à Mme Michelle Meunier. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la ministre, la gynécologie médicale est une spécialité à laquelle les femmes françaises sont très attachées, puisque 60 % d’entre elles consultent régulièrement un ou une gynécologue. Ces professionnels assurent une prise en charge des femmes tout au long de leur vie pour les questions relatives à la contraception, à l’obstétrique, aux infections sexuellement transmissibles, à l’éducation à la sexualité et à la prévention, à la ménopause, aux dépistages de cancers, à l’accompagnement des couples infertiles, à la procréation médicalement assistée, etc. Leur complémentarité avec les chirurgiens gynécologues, les obstétriciens, les sages-femmes, les médecins généralistes et les pharmaciens assure un maillage pertinent, au service de la santé des femmes.

Après la réforme de l’internat de 1984, la gynécologie médicale a été supprimée du cursus universitaire. Cette décision a entraîné la forte mobilisation que l’on sait pour demander son maintien. Cette discipline a été rétablie en 2003 par la création du diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale. Toutefois, la situation nous oblige à rester vigilants, puisque le nombre de gynécologues médicaux formés ne permettra pas de compenser les départs à la retraite prévisibles : près de 60 % des professionnels actuellement en fonction cesseront leur activité d’ici à 2020.

Les organisations professionnelles demandent l’ouverture de quarante postes d’internat par an, au lieu de trente aujourd’hui, ainsi que la construction d’un véritable parcours hospitalo-universitaire, pour donner à cette discipline toute son importance au sein du système de santé.

À l’heure où des questions de santé publique se posent à propos de certaines pilules contraceptives, cette spécialité médicale représente une sécurité pour les femmes, pour peu, évidemment, que l’on contrôle son indépendance à l’égard des laboratoires.

Madame la ministre, comment comptez-vous traiter la question du renouvellement des gynécologues médicaux, afin de compenser les nombreux départs à la retraite prévisibles ? Ne pensez-vous pas envisageable de confier à ces professionnels un rôle de santé publique auprès de l’ensemble des prescripteurs de leur territoire, en termes notamment de conseil, d’information, de formation ou de gestion de forums d’échanges ? §

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

J’observerai tout d’abord que la santé des femmes est une question qui concerne la moitié de la population française ! On ne peut donc considérer qu’il s’agisse d’un enjeu mineur pour notre système de santé.

Vous avez raison de souligner, madame la sénatrice, que les femmes françaises sont particulièrement attachées à la gynécologie médicale : 93 % d’entre elles souhaitent pouvoir consulter un médecin formé dans cette spécialité qui renvoie à l’intime. C’est une aspiration des femmes à laquelle je suis sensible. Je tiens à exprimer devant vous ma volonté de faire en sorte qu’elles puissent accéder, lorsqu’elles le souhaitent, à un gynécologue médical.

Comme vous l’avez indiqué, nous sommes confrontés à un problème de démographie, puisque 78 % des gynécologues médicaux ont plus de 55 ans, contre 42 % seulement des autres spécialistes. Cette situation recouvre un enjeu important pour les années à venir. Elle s’explique par l’arrêt de la formation de gynécologues médicaux entre 1984 et 2003.

La première mesure à prendre est donc de consolider la gynécologie médicale en tant que spécialité médicale à part entière. C’est la raison pour laquelle, madame la sénatrice, j’ai retiré le projet de décret qui visait à rendre automatique l’agrément pour la gynécologie médicale des services de gynécologie obstétrique. Je le répète, la gynécologie médicale doit être reconnue comme une spécialité à part entière. Cela implique de prendre des mesures fortes en la matière, si nous voulons que la démographie médicale soit à la hauteur des attentes des Françaises dans les années à venir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la ministre, je vous remercie de la précision de vos réponses, qui me donnent entière satisfaction.

Je salue votre volonté d’inscrire la gynécologie médicale dans le paysage de la santé publique. Cela répond tout à fait aux attentes des femmes de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la ministre, je me réjouis que le groupe CRC ait proposé à la conférence des présidents d’inscrire à l’ordre du jour une séance de questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale. J’ai apprécié les réponses que vous avez apportées à ma collègue Michelle Meunier.

Comme cela a été dit, cette spécialité a connu, entre 1987 et 2003, un arrêt du recrutement, et partant un tarissement de l’offre de soins à destination des femmes, voire sa totale disparition, dans certains départements et selon les années.

Pourtant, la gynécologie médicale, parce que c’est une spécialité dédiée aux femmes, à tous les stades de leur vie, parce qu’elle ne se réduit ni à l’accouchement ni à la chirurgie, est une spécialité indispensable. Elle est essentiellement préventive et permet la réduction des risques ; elle évite par conséquent certaines dépenses de santé liées à une prise en charge tardive.

Dans l’intérêt des femmes et de la société tout entière, il est donc impératif que le nombre d’internes en gynécologie médicale corresponde réellement aux besoins. Or, l’année dernière, trente postes seulement ont été créés, soit le même nombre que l’année précédente.

Selon l’atlas de démographie médicale publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins, cette situation a conduit, dans le département dont je suis l’élue, le Val-de-Marne, à une diminution de quelque 9 % du nombre des gynécologues médicaux, les nouvelles installations ne compensant pas les départs à la retraite, ainsi que l’a déjà signalé Michelle Meunier.

Dans les jours à venir, vous aurez, madame la ministre, à déterminer le nombre de postes d’interne à ouvrir pour l’année 2013-2014, afin de répondre aux besoins des femmes. Pourriez-vous nous donner dès aujourd’hui des indications sur ce point ? Par ailleurs, comment comptez-vous aider les agences régionales de santé, les ARS, à prendre les bonnes décisions ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Madame la sénatrice, je voudrais de nouveau insister sur l’importance de la relation entre les femmes et les gynécologues médicaux, dont la nature s’explique d’ailleurs aussi par le fait qu’il s’agit d’une profession très féminisée, à hauteur de 70 %.

Vous avez raison de souligner que l’on a cessé de former des gynécologues médicaux pendant plus de dix ans, ce qui a contribué aux difficultés démographiques auxquelles nous sommes confrontés.

Lors de l’année universitaire 2011-2012, on comptait quatre-vingt-un internes en gynécologie médicale, dont vingt seulement en dernière année d’internat. En 2004, année de la création du diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale, seize places d’interne étaient offertes à l’examen classant national. En 2012, j’ai demandé l’ouverture de trente places, afin d’engager un renouveau de l’offre.

Les simulations démographiques dont nous disposons montrent, en effet, qu’il faut de quarante-cinq à cinquante places à l’examen classant national pour maintenir une densité raisonnable de gynécologues médicaux, soit de sept à huit spécialistes pour 100 000 femmes de 15 ans ou plus.

J’ai donc demandé au président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé d’accorder une attention particulière à l’évaluation régionale des besoins. Je lui ai également demandé de poursuivre le renforcement de la gynécologie médicale, d’augmenter le nombre de places à l’examen classant national d’ici à 2016, l’objectif étant bien d’arriver à quarante-cinq places à cette échéance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la ministre, je me réjouis que vous partagiez notre préoccupation et que vous ayez pris de premières mesures allant dans le bon sens.

Je me permets toutefois d’insister pour qu’un réel suivi soit assuré. En effet, les chiffres fournis par les ARS sont parfois étonnants : par exemple, il n’y aurait pas lieu d’ouvrir des postes en Auvergne, alors qu’il n’y a dans cette région que 0, 5 gynécologue médical pour 5 000 femmes, contre 0, 8 en Île-de-France. Je me méfie donc un peu de ces chiffres.

Une véritable action politique est nécessaire. Il semble que vous partagiez ce point de vue. Il conviendra de faire fi des arguments relatifs à une prétendue insuffisance des stages de terrain en CHU, alors que ceux-ci doivent être nécessairement pourvus.

À mon sens, ce n’est pas un hasard si l’on peut observer, en France, un recul des cancers du sein ou de l’utérus : cela tient à la pratique des gynécologues médicaux, qu’il convient donc de former en plus grand nombre. Nous comptons sur vous, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Madame la ministre, les difficultés de la gynécologie médicale décrites par mes collègues sont symptomatiques d’un problème plus large : l’insuffisante prise en considération de la spécificité du corps des femmes par la médecine, domaine dans lequel la pratique et la recherche ont longtemps été des champs d’activité exclusivement masculins.

L’une des illustrations les plus marquantes de cette réalité réside dans le fait que bon nombre de prescriptions médicales destinées aux femmes reposent sur des essais entièrement conduits sur des hommes ou des animaux mâles. Les spécificités des femmes excluent celles-ci de ces essais cliniques, que les variations de leur cycle hormonal rendraient plus complexes, et donc plus coûteux.

Ainsi, 79 % des médicaments antidouleurs ne sont testés que sur des hommes ou des animaux mâles. Même quand il s’agit d’étudier des pathologies reconnues comme affectant différemment les deux sexes, la parité n’est pas respectée : par exemple, la majorité des anxiolytiques sont très peu testés sur les femmes, qui souffrent pourtant 2, 25 fois plus souvent de problèmes d’anxiété que les hommes.

C’est dans ce contexte général que nous constatons l’insuffisance du nombre de postes de gynécologie médicale ouverts chaque année à l’internat de médecine, surtout comparé au nombre de départs à la retraite. Par exemple, sur les 875 gynécologues exerçant aujourd’hui en Île-de-France –soit 0, 8 praticien pour 5 000 femmes en âge de consulter –, 48 % partiront à la retraite dans les cinq ans.

Or, vous le savez, cette spécialité médicale est la seule à suivre les femmes d’un bout à l’autre de leur vie. C’est notamment grâce à la gynécologie médicale que les femmes de notre pays bénéficient d’une espérance de vie record, en particulier du fait d’un dépistage précoce des cancers féminins et d’un suivi de la qualité de la contraception.

En conséquence, les difficultés d’accès à une consultation régulière de gynécologie médicale posent des problèmes croissants en matière de suivi des femmes, et donc de prévention, ce qui constitue un risque pour leur santé, est source de fortes inégalités et, de surcroît, pèsera à long terme sur nos finances publiques.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à ces problèmes ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Madame la sénatrice, je tiens à souligner l’importance que j’accorde à la prise en compte de la spécificité des déterminants de santé pour les femmes.

Je veux réaffirmer ma détermination s’agissant de la démographie médicale. En 2011, il y avait vingt-sept postes ouverts en gynécologie médicale à l’examen classant national ; alors que l’on m’avait proposé de maintenir ce chiffre pour 2013, il sera porté à trente, avec une perspective de quarante-cinq postes en 2016.

Au-delà de ces éléments quantitatifs, il est vrai que nous sommes confrontés à des défis de plus en plus importants en matière de santé des femmes. Jusqu’à présent, ces dernières étaient protégées de certaines maladies, en raison de comportements plus « vertueux ». Mais, aujourd'hui, alors que le cancer du poumon régresse chez les hommes, sa prévalence augmente de manière très significative chez les femmes, qui se sont mises massivement à fumer. La progression de certaines pathologies est tout à fait préoccupante. Par ailleurs, 16 % des femmes renoncent à des soins ou à des démarches de prévention, contre 11 % seulement des hommes.

En ce qui concerne les essais cliniques, je souhaite porter deux éléments à votre connaissance, madame la sénatrice.

Tout d’abord, il faut avoir conscience que certains essais cliniques ne peuvent être menés sur des femmes en âge de procréer. C’est une limite dont nous devons tenir compte.

Pour autant, il convient de mieux prendre en compte la spécificité des femmes dans les protocoles d’essais cliniques. Les décisions doivent être prises à l’échelon européen. La France, qui est fortement engagée sur ce dossier, a obtenu que soit organisé un Conseil européen consacré à la santé, qui se tiendra le 28 juin prochain. Il portera notamment sur les conditions de la réalisation d’essais cliniques sur les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Madame la ministre, je vous remercie des décisions et des engagements que vous avez pris. Comme vous l’avez dit, nous partons de loin. Il faudra du temps et de la détermination dans la durée pour rétablir une situation à peu près satisfaisante.

Je visitais ce matin un centre de santé situé à Saint-Denis. Dans cette ville de 100 000 habitants, il ne reste plus qu’une seule gynécologue médicale. Parfois, inégalités médicales, sociales, territoriales se cumulent.

Je vous remercie de prendre le problème à bras-le-corps, madame la ministre.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Les menaces qui pèsent sur l’avenir de la gynécologie médicale pourraient fragiliser toute la politique de santé menée en faveur des femmes depuis des décennies dans notre pays.

Les résultats obtenus grâce à un suivi médical régulier et de qualité sont tout à fait remarquables. En vingt ans, par exemple, le nombre de cancers du col de l’utérus a été divisé par quatre, et la mortalité par deux. En outre, les Françaises bénéficient d’un des meilleurs taux de survie à cinq ans pour le cancer du sein.

La gynécologie médicale, qui est fortement préventive, est au cœur de la réussite de cette politique de santé à destination des femmes. Pourtant, l’existence de cette spécialité est menacée. Nous constatons sur notre territoire une véritable pénurie de gynécologues, en particulier dans les zones rurales, une fois de plus désavantagées. Mon département, le Tarn-et-Garonne, compte seulement deux praticiens exerçant la gynécologie médicale, soit 1, 26 pour 100 000 femmes, la moyenne régionale s’établissant à 6, 2 pour 100 000 femmes, avec une très forte concentration dans l’agglomération toulousaine.

À ce propos, nos collègues Hervé Maurey et Jean-Luc Fichet ont remis la semaine dernière leur excellent rapport sur les déserts médicaux. Ils ont bien décrit cette problématique, qui concerne toutes les spécialités. S’agissant de la gynécologie médicale, toutefois, il faut garder à l’esprit qu’un handicap supplémentaire existe : l’absence de délivrance de diplômes entre 1986 et 2003 n’a pas été sans conséquences sur les effectifs. Cette spécialité a accumulé un retard, au cours de cette période, que la fixation à trente postes du numerus clausus ne permettra pas de combler. Madame la ministre, la santé des femmes sera en danger si vous n’agissez pas, notamment, sur le numerus clausus : que comptez-vous faire à cet égard ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Monsieur le sénateur, comme j’ai eu l’occasion de le préciser à Mme Cohen, je suis déterminée à faire en sorte que la gynécologie médicale soit clairement reconnue en tant que spécialité à part entière.

Dans cette perspective, j’ai fait retirer un projet de décret tendant à accorder automatiquement à des gynécologues-obstétriciens la reconnaissance de leur qualification en gynécologie médicale, comme si cette discipline ne présentait pas de spécificité.

En outre, j’ai d’ores et déjà relevé le numerus clausus pour les années 2012 et 2013, la poursuite de sa montée en puissance étant prévue pour les années suivantes. Comme je l’ai indiqué, vingt-sept postes ont été ouverts à l’examen classant national en 2011, trente en 2012 – alors qu’il m’était proposé d’en rester à vingt-sept –, et trente-cinq le seront en juin 2013. Le président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé et moi-même avons réfléchi aux moyens de porter le numerus clausus à quarante-cinq postes, sans doute en 2016, peut-être plus tôt.

C’est par une telle démarche, volontariste et déterminée, que nous serons à même de répondre aux difficultés que vous évoquez. Elles se posent non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les zones urbaines, l’âge moyen des gynécologues médicaux étant de sept ans supérieur à celui des autres spécialistes. L’enjeu, particulièrement important pour notre pays, est bien identifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

J’évoquerai un autre motif d’inquiétude, concernant l’attitude de l’administration hospitalière. Je m’interroge sur la volonté parfois à peine voilée de responsables de centres hospitaliers de fermer les consultations de gynécologie médicale, parce qu’elles ne s’inscrivent pas bien dans la démarche de rationalisation des soins.

La plupart des spécialités ont une approche centrée sur les organes, reposant sur des actes techniques ; les coûts sont ainsi quantifiables. En revanche, la gynécologie est fondée sur une approche globale, prenant à la fois en compte le corps biologique, le corps social et le corps affectif de la femme, ce qui n’est pas compatible avec la tendance actuelle à fragmenter la prise en charge des patients pour un meilleur contrôle des soins, dans une optique d’économies.

Il faut reconnaître que le cabinet du gynécologue est aussi un lieu de dialogue. Cela représente un coût, certes, mais qui peut aussi engendrer in fine un réel bénéfice si l’on raisonne en termes d’itinéraire de santé tout au long de la vie. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Madame la ministre, vous avez déjà largement répondu à la question que je souhaitais poser, mais peut-être pourrez-vous m’apporter quelques éclaircissements supplémentaires.

Aujourd'hui, la France compte 1 000 gynécologues. Selon des projections, ils ne seront plus que 600 en 2015 et 180 en 2020, pour le même nombre de patientes. Les délais pour obtenir un rendez-vous sont de plus en plus longs. Selon les territoires, il faut parfois attendre jusqu’à six mois.

Un tel manque d’effectifs est fortement préjudiciable au suivi de la santé des femmes. D’après les données de l’Institut national d’études démographiques, 12, 2 % des jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans ont déclaré, en 2010, ne pas avoir de suivi habituel, contre 6, 9 % en 2000.

Pourtant, cette spécialité médicale est la seule qui garantisse aux femmes un suivi personnalisé, notamment en matière de prévention et de dépistage de certaines maladies. Cette démarche fonctionne très bien dans notre pays : en effet, le nombre des cancers du col de l’utérus y a été divisé par quatre en vingt ans ; la France est le pays où l’on pratique le moins d’hystérectomies, tandis que le taux de survie à cinq ans au cancer du sein des femmes françaises, qui s’établit à 84 %, est l’un des meilleurs en Europe.

Vous avez indiqué que, pour pallier le manque d’effectifs, le numerus clausus serait relevé à trente postes en 2013 et passerait à trente-cinq en 2015. Toutefois, cette augmentation n’est peut-être pas suffisante. J’appelle votre attention sur le fait que de plus en plus de femmes d’âge mûr préfèrent consulter un gynécologue médical plutôt qu’un obstétricien. À partir d’un certain âge, on n’a pas forcément envie de se retrouver dans une salle d’attente en compagnie de femmes enceintes jusqu’aux dents ! §

Par ailleurs, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », prévoit de recourir à des prévisions quinquennales du nombre d’internes à former. Vous nous avez déjà répondu sur ce point ; je vous en remercie, madame la ministre.

Des années d’action obstinée ont abouti à la création d’un diplôme spécifique de gynécologie médicale, le 1er février 2013. Ce combat a exprimé de manière éclatante l’attachement des femmes à cette spécialité « sur mesure » pour elles. Aujourd'hui, cet attachement demeure. Je le répète, les femmes d’âge mûr préfèrent consulter un gynécologue : à chacun son champ de compétence.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Madame la sénatrice, je partage votre constat. Comment en est-on arrivé là ? Il est parfois utile de faire un peu d’histoire.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

C’est Mme Michèle Barzach, ministre de la santé du gouvernement Chirac, qui a supprimé la spécialité de gynécologie médicale en 1986 ; elle-même était pourtant gynécologue.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé du gouvernement Fillon, a consacré la fin de la gynécologie médicale en réduisant le nombre de places à l’examen classant national et en considérant que cette spécialité n’avait pas de raison d’être. Selon elle, la gynécologie médicale étant de plus en plus spécialisée, la discipline devait se développer dans le cadre de projets cliniques à l’hôpital renvoyant à des problématiques très spécifiques, tandis que, en ville, les femmes pouvaient se tourner vers d’autres professionnels.

À mon sens, cette approche exclusivement hospitalière de la gynécologie médicale a contribué à peser sur la démographie de cette profession et à constituer le problème auquel nous sommes aujourd'hui confrontés.

J’ai la volonté de faire en sorte que les femmes puissent trouver en ville un gynécologue médical, selon des modalités qu’il convient évidemment d’organiser et d’aménager. Grâce aux mesures que j’ai commencé de prendre, nous devrions avoir formé, à la fin de l’année 2016, dans la perspective de l’examen classant national de 2017, 50 % de gynécologues médicaux de plus que si nous en étions restés au numerus clausus de 2011. Par cette démarche volontariste, nous aurons ainsi, me semble-t-il, franchi une étape importante. §

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Madame la ministre, beaucoup de questions ayant déjà été posées sur la gynécologie médicale stricto sensu, je voudrais évoquer les patientes et les obstétriciens.

Il serait, me semble-t-il, nécessaire de clarifier le rôle de chacun des professionnels de santé parties prenantes à la gynécologie, les choses devenant de plus en plus confuses dans l’esprit de la patiente. Celle-ci doit-elle s’adresser à un gynécologue médical libéral, à un gynécologue obstétricien, libéral ou en établissement, à un généraliste ayant suivi un cursus d’un an en gynécologie ou à une sage-femme, si elle est enceinte ?

Il me semblerait utile que la spécificité du rôle de chacun de ces professionnels, ainsi que la complémentarité de ces derniers, apparaissent plus clairement et soient mieux connues. Pour faciliter la compréhension du système par les patientes, ne devrait-on pas réserver le titre d’obstétricien au médecin qui pratique les accouchements et qui opère en gynécologie ?

Par ailleurs, si le nombre d’obstétriciens continue de diminuer aussi rapidement qu’à l’heure actuelle, qui assistera les parturientes ? Qui prendra en charge les grossesses et les accouchements pathologiques, de plus en plus nombreux en raison de l’augmentation du nombre des grossesses tardives ? En outre, la baisse du nombre d’obstétriciens ne va-t-elle pas aggraver davantage encore l’actuelle surcharge de travail des services de maternité, dont les moyens ne s’accroissent pas au même rythme que l’activité ?

Enfin, comment distinguer plus clairement le gynécologue médical, qui a suivi quatre années de spécialité, du médecin généraliste, qui n’en a suivi qu’une ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Madame la sénatrice, le plus important à mes yeux est de garantir aux femmes la possibilité d’accéder au professionnel de leur choix parmi ceux qui sont identifiés comme aptes à répondre à leurs besoins.

Certaines femmes se tournent spontanément et naturellement vers leur médecin généraliste, pour des raisons de suivi global et d’accompagnement personnel. Cette attitude est très positive. En effet, les médecins généralistes sont aussi capables d’informer les patientes, d’assurer la prévention et le suivi, en matière par exemple de grossesse ou de contraception.

D’autres femmes, en revanche, font clairement la distinction entre leur suivi médical général et leur suivi gynécologique, qu’elles préfèrent confier à un gynécologue médical.

C’est cette possibilité de choix qu’il s’agit de garantir. Pour cela, il convient de permettre une bonne coopération entre les professionnels, afin que les femmes puissent être suivies tout au long d’un parcours coordonné et maîtrisé. Par exemple, une femme dont la grossesse a été identifiée par un médecin généraliste doit pouvoir choisir d’en confier le suivi à un gynécologue ou à une sage-femme, avant de faire éventuellement le choix de recourir à un gynécologue obstétricien.

Chaque médecin ayant une spécificité, nous devons assurer aux femmes une liberté de choix. Or cette liberté était menacée par la baisse du nombre de gynécologues médicaux : un nombre croissant de femmes désireuses de consulter un gynécologue médical n’en avaient de facto plus la possibilité. C’est à cette situation qu’il s’agit de remédier ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne suis pas absolument certaine que l’ensemble des femmes sachent bien faire la distinction entre le gynécologue médical et le gynécologue obstétricien. En outre, comme l’a signalé M. Collin, on constate désormais, à l’hôpital, une certaine tendance à considérer que la gynécologie stricto sensu prendrait trop de temps. Dans ces conditions, n’y aurait-il pas lieu de distinguer plus précisément entre les gynécologues et les obstétriciens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Madame la ministre, les Français sont très attachés à leur système de santé. Ils pressentent que seule une organisation publique de la santé est de nature à garantir le principe essentiel de l’égal accès aux soins de tous les citoyens. Or l’exercice de ce droit universel n’est pas toujours assuré ; en particulier, des inégalités territoriales sont à l’œuvre et certaines zones sont, hélas ! touchées par la désertification médicale.

L’organisation de la gynécologie médicale dans notre pays n’échappe pas à ce constat. De nombreux collègues s’étant déjà exprimés sur ce problème, j’ai quelque scrupule à y revenir, d’autant que vous avez, par vos précédentes réponses, largement éclairé le débat. J’observe simplement que la convergence de nos questions illustre bien la prégnance de cette difficulté sur nos territoires.

Pour ma part, je voudrais insister sur le rôle central de la gynécologie médicale en termes de prévention. Cela est vrai, par exemple, en matière de cancers gynécologiques ou d’interruptions volontaires de grossesse, dont le nombre connaît une augmentation préoccupante dans un certain nombre de territoires ; mon département, le Doubs, ne fait pas exception à cet égard.

Madame la ministre, il convient de pallier ces inégalités territoriales. Quelle analyse faites-vous de la situation sur ce plan et quelle politique envisagez-vous de mener pour permettre aux femmes de notre pays d’accéder à la gynécologie médicale dans des conditions d’équité renouvelées ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Monsieur Jeannerot, le fait est que la gynécologie médicale est une spécialité de premier recours, à laquelle les femmes doivent pouvoir accéder dans des conditions satisfaisantes sur les plans géographique et financier.

Aujourd’hui, les femmes de 19 à 69 ans consultent un gynécologue une fois tous les dix-huit mois en moyenne, mais il est évident que ce chiffre cache des disparités importantes.

Nous devons faciliter l’accès des femmes à un gynécologue, notamment pour les motifs de prévention que vous avez bien soulignés, monsieur le sénateur. La prévention, en effet, est une exigence dans notre pays. Dans le débat extrêmement vif sur la contraception, sa nature et sa qualité qui se tient actuellement, est apparue clairement l’importance du dialogue entre la femme et son médecin pour une bonne prise en compte des facteurs de risques personnels et des antécédents médicaux.

Je profite de cette occasion pour rappeler que, dans le débat actuel sur la pilule, nous devons être attentifs à ne pas remettre en cause le principe même de la contraception : les controverses sur certaines pilules ne doivent en aucun cas conduire des femmes à prendre le risque d’une grossesse non désirée. L’échange avec le médecin doit permettre de lever les doutes et les inquiétudes des femmes sur le caractère adapté de leur contraception au regard de leurs antécédents médicaux, de leur histoire, de leur projet de vie.

Je suis attachée à ce que soit garantie la possibilité, pour les femmes, d’accéder à un gynécologue médical partout sur le territoire. Si les femmes sont à moins de trente minutes en moyenne d’un gynécologue médical, les délais d’accès à la consultation sont longs. À cet égard, le pacte « territoire-santé », destiné à renforcer la médecine de proximité sur tous les territoires, en particulier dans le monde rural, concerne bien évidemment aussi la gynécologie médicale. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Madame la ministre, je vous remercie des espérances et des assurances que vous nous donnez, notamment au travers du pacte « territoire-santé ».

Lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, nous avions fortement regretté, entre autres critiques de fond, l’absence d’un volet important consacré à la santé publique dans ce texte que l’on voulait fondateur. En effet, la prévention est une composante essentielle d’une politique de santé publique : merci, madame la ministre, d’avoir souligné qu’elle est une exigence et de nous avoir garanti qu’elle serait assurée dans l’avenir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la ministre, je vous remercie des réponses concrètes que vous avez déjà apportées à mes collègues ; je pense qu’elles satisfont la plupart d’entre nous.

L’augmentation du numerus clausus à trente-cinq postes en 2013 et à quarante-cinq postes en 2016 est une mesure positive. Reste que quarante-cinq postes à l’échelle nationale, cela fait moins d’un gynécologue pour deux départements.

Madame la ministre, vous avez eu raison de souligner que la situation des villes n’est pas moins préoccupante que celle des campagnes. C’est ainsi que mon département, le Val-de-Marne, ne compte plus que trente-six gynécologues ; ils ne seront plus que vingt-neuf en 2017. J’ai calculé que chaque gynécologue devrait accueillir soixante-cinq patientes par jour ouvré pour que toutes les femmes de plus de 15 ans puissent être reçues une fois dans l’année ! Le problème est d’autant plus aigu que la moyenne d’âge des gynécologues de mon département est très élevée : 59 ans, aucun d’entre eux n’ayant moins de 50 ans.

Dans ces conditions, la situation du Val-de-Marne me semble préoccupante : comment pourrons-nous faire face, dans l’avenir, à une demande qui n’est déjà pas satisfaite à l’heure actuelle ?

Mon second et principal sujet de préoccupation a trait à la situation des jeunes filles, mise en lumière par le rapport d’information sénatorial sur la sécurité sociale et la santé des étudiants.

Les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé, les SUMPS, proposent des consultations qui rencontrent un grand succès. La moitié d’entre elles sont des consultations de gynécologie lorsque les SUMPS sont des centres de soin, ce qui n’est pas toujours le cas. À Créteil, par exemple, où le SUMPS n’est pas un centre de soins, les étudiantes doivent se tourner vers le secteur privé. Or, selon l’assurance maladie en ligne, un quart seulement des gynécologues médicaux relèvent du secteur 1 et 10 % d’entre eux ne prennent pas la carte Vitale…

Dans notre rapport d’information, nous avons préconisé l’application de tarifs opposables pour les étudiants dans certaines spécialités, parmi lesquelles la gynécologie. Madame la ministre, comptez-vous suivre cette recommandation ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Madame Procaccia, j’entends bien votre préoccupation quant aux perspectives démographiques dans le domaine de la gynécologie médicale.

Pour autant, on ne peut pas considérer que, dans une année, toutes les femmes voudront accéder à un gynécologue médical ou en auront besoin. Votre calcul, qui aboutit à un nombre de consultations quotidiennes absolument démesuré, ne tient pas compte du fait que les femmes peuvent aussi consulter une sage-femme, un médecin généraliste ou un autre spécialiste.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, la proportion de médecins qui relèvent du secteur 2 et pratiquent des dépassements d’honoraires est très importante dans cette spécialité. C’est un simple constat, il ne s’agit pas de stigmatiser certains ou de les mettre à l’index. Je souhaite que la dynamique positive qui s’engagera dans la suite de la négociation sur l’avenant n° 8 à la convention médicale portant sur les dépassements d’honoraires et la revalorisation du tarif opposable permette de faciliter l’accès de toutes les femmes à la gynécologie médicale. Les raisons financières ne sont pas les seules à prendre considération, mais elles existent.

Pour le reste, le rapport d’information du Sénat sur la sécurité sociale et la santé des étudiants comporte des propositions intéressantes et utiles, auxquelles nous devons réfléchir ensemble.

Pour améliorer la prise en charge des jeunes filles et des femmes ayant recours à une contraception, pour mieux adapter la contraception à la diversité des situations des femmes et pour relever les défis posés par la démographie, nous devons essayer d’avancer ensemble, sans a priori. Il nous faut trouver les solutions les plus appropriées pour chaque territoire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la ministre, je n’avais nullement l’intention de stigmatiser les médecins. Je souhaitais simplement appeler l’attention sur les difficultés rencontrées par les jeunes filles et les étudiantes, en particulier dans un département comme le mien où la plupart des spécialistes relèvent du secteur 2. Leur faciliter l’accès aux soins doit être l’une de nos préoccupations.

Dans le Val-de-Marne, les gynécologues obstétriciens sont au nombre de quarante-sept et leur moyenne d’âge est à peine inférieure à celle des gynécologues médicaux : pour cette profession aussi, les perspectives démographiques tracées par les projections du Conseil national de l’Ordre des médecins sont inquiétantes.

Je vous remercie d’avoir signalé qu’en milieu urbain les difficultés étaient aussi importantes que dans les zones rurales. Il faudrait en tenir compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la ministre, le constat est incontournable : l’exercice de la gynécologie médicale se heurte à une difficulté, le manque de praticiens.

Vous avez répondu aux interrogations concernant l’augmentation du nombre de postes d’interne ouverts dans cette spécialité. Il faudrait également renforcer les formations post-internat.

Pour ma part, je souhaiterais aborder la notion de partage des tâches, qui a souvent été invoquée dans le passé pour justifier le blocage des ouvertures de postes.

Certes, les médecins généralistes peuvent assurer la prise en charge des patientes, même si leur formation n’est pas totalement équivalente à celle des spécialistes. Toutefois, sur le plan pratique, on sait à la fois l’insuffisance du nombre des généralistes et la réduction de leur temps d’activité effective. Si 100 % des gynécologues médicaux pratiquent des frottis, 10 % seulement des médecins généralistes sont dans ce cas.

Certes, des gynécologues obstétriciens abandonnent leur activité chirurgicale et d’accouchement pour réaliser des actes médicaux. Mais pourquoi font-ils ce choix après avoir suivi des études de spécialité chirurgicale ? C’est souvent pour des raisons liées aux conditions de travail et au poids de la responsabilité civile. Il conviendrait d’ailleurs de s’attarder sur ce sujet.

Certes, dans le cadre de la loi HPST, les sages-femmes ont vu leur champ de compétence élargi. Mais, sans nier leur professionnalisme, je rappelle qu’elles ne sont pas médecins. Les événements récents montrent, par exemple, que la prescription de pilules est un acte médical non anodin, qui doit tenir une place majeure dans la discipline de gynécologie médicale. Je n’évoquerai pas le cas des pharmaciens ou des infirmières.

Or, en termes de santé publique, le suivi de la femme sur le plan gynécologique et dans sa globalité – de la jeune fille pubère, voire pré-pubère, à la femme âgée, souvent oubliée – mérite toute notre attention.

J’en veux pour preuve le fait que, dans un rapport récent sur la vaccination contre le papillomavirus, la Cour des comptes oppose le coût de la vaccination des jeunes filles à celui du dépistage organisé systématique. Encore faut-il pouvoir organiser ce dépistage et assurer un suivi régulier, ce qui est le rôle des gynécologues médicaux.

Madame la ministre, ma question sera la suivante : quelle est votre vision de la délégation des tâches dans ce domaine ? Je poserai en outre une question d’actualité : la décision prise de dérembourser la pilule Diane 35, sans pour autant la retirer du marché, est assez peu lisible ; pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Madame la sénatrice, en ce qui concerne les transferts de tâches, il convient de faire attention aux mots employés : je suis tout à fait favorable à l’organisation de parcours de soins, afin que, en cas de besoin, une femme puisse être suivie de façon fluide par différents différentes catégories de professionnels de santé.

Les sages-femmes ne sont pas des professionnelles paramédicales : elles font bien partie des professions médicales, même si ce ne sont pas des médecins. J’insiste donc sur la spécialité reconnue par nos textes aux sages-femmes, qui jouent un rôle tout à fait important.

Par ailleurs, quel que soit l’âge de la vie, les femmes doivent pouvoir être suivies et prises en charge, depuis la première contraception jusqu’à la prévention du cancer du sein, le risque croissant avec l’âge. Il est important qu’elles puissent toujours compter sur le bon conseil au bon moment.

En matière de contraception, il convient de faire la distinction entre les pilules de troisième et quatrième générations, d’une part, et la Diane 35, d’autre part. Des mesures de nature différente ont d’ailleurs été prises.

Dans notre pays, la Diane 35 n’est pas considérée comme un contraceptif : c’est un médicament contre l’acné qui a été prescrit comme contraceptif hors du champ de son autorisation de mise sur le marché. Ce médicament est suspendu dans l’attente d’une décision européenne orientant la définition de son champ de prescription pour l’avenir.

Pour les pilules de troisième et quatrième générations, la décision de déremboursement renvoie non pas à une analyse du risque, mais au fait qu’elles ne présentent pas d’avantage médical par rapport aux pilules de deuxième génération. Il n’est donc pas utile que la collectivité prenne en charge leur remboursement. Il appartient au médecin, en relation avec sa patiente, de déterminer la contraception la plus adaptée. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je remercie Mme la ministre de sa réponse. Compte tenu de tout ce qu’on peut lire à propos de ces pilules, il était important d’obtenir cette clarification de votre part.

S’agissant des pilules de troisième génération, toutefois, il nous a été signalé qu’elles pouvaient avoir des indications très précises sur le plan médical, ce qui aurait peut-être pu justifier leur remboursement dans de tels cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Didier Guillaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article 5 du décret n° 83-975 du 10 novembre 1983 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, M. le Premier ministre, par lettre en date du 12 février 2013, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission compétente sur le projet de nomination de M. André Syrota à la présidence de cet institut.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.

Nous allons procéder à la seconde délibération.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement :

« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le Sénat a précédemment supprimé l’article 1er A.

L'amendement n° A-1, présenté par M. Raoul, au nom de la commission, vise à le rétablir dans la rédaction suivante :

Après le premier alinéa de l'article L. 100-1 du code de l'énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - lutter contre la précarité énergétique ; ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La commission des affaires économiques, qui s’est réunie durant la suspension de la séance, a décidé de présenter cet amendement, qui se justifie par son texte même.

Debut de section - Permalien
Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Une explication de texte me semble nécessaire pour les nombreux lecteurs du Journal officiel, qui autrement ne comprendront pas forcément pourquoi cet amendement a été déposé.

Il vise à rectifier un vote émis un peu rapidement, hier, par la majorité sénatoriale. L’article 1er A tendait à préciser que la précarité énergétique constituait un objectif de la politique énergétique menée par le Gouvernement. Avec une spontanéité qui n’a d’égale que notre sincérité §nous, sénateurs de l’opposition, avons immédiatement levé la main pour voter cette disposition, qui correspondait tout simplement à nos convictions.

Voyant cela, les membres de la majorité ont immédiatement pensé qu’ils devaient voter contre !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je rappelle que c’est moi qui ai relevé cet incident.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Si je ne l’avais fait, il est probable que le texte qui sera transmis à l’Assemblée nationale n’aurait pas comporté de mention de la précarité énergétique. Je souhaite simplement que M. le rapporteur reconnaisse que c’est l’opposition qui a signalé à la majorité son erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Que puis-je faire ? Me mettre à genoux pour implorer votre pardon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous ne l’avons pas suivie dans cette voie, de façon que nos débats puissent aller à leur terme dans la sérénité.

Telles sont les quelques précisions que je souhaitais apporter, afin que les citoyens de notre pays puissent avoir connaissance des égarements dans lesquels tombe parfois la majorité de la Haute Assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mon cher collègue, en ce jour de Saint-Valentin, jouer les vierges et martyrs vous sied peu ! C’est ce que l’on appelle un rôle de composition…

Vous sous-estimez la majorité : l’erreur de vote que vous vous glorifiez d’avoir relevée ne nous avait pas échappé. Nous avons aussitôt compris notre méprise, liée au fait que vous n’avez guère soutenu, au cours du débat, que des amendements de suppression. En vous voyant lever les mains aussi vite, nous avons obéi à une sorte de réflexe pavlovien… Je vous en donne acte, vous avez immédiatement relevé notre erreur, bien entendu avec un certain plaisir. En tout état de cause, nous allons maintenant y remédier !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je voudrais simplement signaler à M. Lenoir que, en rappelant l’erreur commise par la majorité lors du vote sur l’article 1er A, lui-même a fait un lapsus en déclarant que la précarité énergétique était un objectif de la politique du Gouvernement, alors qu’il voulait bien sûr parler de la lutte contre la précarité énergétique ! Tout le monde peut donc se tromper ! Il est assez normal que surviennent parfois de tels incidents, car nous travaillons beaucoup. Il convient à mon sens de ne pas y insister outre mesure.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En conséquence, l'article 1er A est rétabli dans cette rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le Sénat a précédemment adopté l’article 6 dans la rédaction suivante :

I. – Le titre III du livre II du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Le chapitre unique devient le chapitre Ier et son intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions générales » ;

2° Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Service public de la performance énergétique de l’habitat

« Art. L. 232 -1 A . – Le service public de la performance énergétique de l’habitat assure l’accompagnement des consommateurs souhaitant diminuer leur consommation énergétique. Il assiste les propriétaires et les locataires dans la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement et leur fournit des informations et des conseils personnalisés.

« Art. L. 232 -1 et L. 232 -2 . – (Supprimés) »

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la création d'un service public d'aide à la réalisation de travaux d'efficacité énergétique des logements résidentiels. Ce rapport fait notamment état des moyens spécifiques affectés par l'État par rapport aux besoins identifiés.

Ce rapport définit :

1° Les différents volets du service public de la performance énergétique de l'habitat ;

2° Les modalités d'implication des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes compétents en matière de distribution publique d'énergies de réseau mentionnés à l'article L. 2224-34 et des structures locales ayant contractualisé avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie à des fins de conseil en économie d'énergie et de résorption de la précarité énergétique dans le service public de la performance énergétique de l'habitat et la répartition de leurs compétences respectives.

III. – Le titre II du livre III du code de la construction et de l'habitation est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Service public de la performance énergétique de l'habitat

« Art. L. 326-1. – Les dispositions relatives au service public de la performance énergétique de l'habitat sont énoncées aux articles L. 232-1 A, L. 232-1 et L. 232-2 du code de l'énergie. »

L'amendement n° A-2, présenté par M. Raoul, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Après le mot :

énoncées

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

au chapitre II du titre III du livre II du code de l’énergie.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’adoption de l’amendement n° 87.

Debut de section - Permalien
Delphine Batho, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de coordination avec la suppression du bonus-malus.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je constate que cet amendement, comme le précédent, a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

L'article 6 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je voudrais tout d’abord saluer le côté beau joueur de nos collègues de l’UMP, qui ont eu l’élégance de voter l’amendement n° A-1.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Certains articles ont été adoptés, d’autres ont été rejetés, et nous avons même procédé à une seconde délibération : je souhaiterais donc, avant que n’intervienne le vote final, faire le point sur l’état du texte, afin d’écarter toute ambiguïté.

Les articles 1er, 1er bis, 1er ter et 1er quater ont été supprimés, ce qui signifie que le vote du Sénat ne portera pas sur le dispositif du bonus-malus qui, quoi qu’il arrive, ne figurera pas dans le texte qu’adoptera sans doute tout à l’heure le Sénat ; il portera, pour l’essentiel, sur le titre II, ainsi que sur les articles relatifs aux objectifs de la politique énergétique et l’article 2.

Nous avons adopté un certain nombre d’amendements, provenant d’ailleurs de toutes les travées de notre assemblée, tendant à l’inscription de la péréquation parmi les principes de la politique énergétique, à l’amélioration de l’article 2 et des rapports qu’il prévoit, à la sécurisation juridique du mode de nomination des membres du collège de la CRE, à la suite de la décision de décembre 2012 du Conseil constitutionnel, à la meilleure prise en compte des distributeurs dans le mécanisme de valorisation de l’effacement de consommation électrique, à la rationalisation du raccordement pour le transport d’électricité d’origine renouvelable, au rallongement des délais de mise en œuvre de l’expérimentation sur la tarification de l’eau, à la fixation d’une règle de compromis s’agissant des dispositions relatives à l’implantation de parcs éoliens – le nombre de mâts ne devra pas être inférieur à trois ou la puissance devra atteindre 6 mégawatts au minimum –, règle assortie de la possibilité d’étendre les parcs existants.

Bien que nous ayons déjà voté ces améliorations, elles ne pourront être reprises par l’Assemblée nationale que si nous adoptons l’ensemble du texte tel que je viens de le décrire. Je sais que tout le monde ne partage pas cette analyse de la « jurisprudence » de la nouvelle lecture, mais je souhaite insister sur le fait que nous avons opté pour une démarche de prudence. Je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte ainsi rédigé.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite d’avoir pu participer à ce débat, le sénateur de la dernière cuvée que je suis ayant été frustré de n’avoir pu s’exprimer lors de la première lecture !

Dans le Lot, comme dans beaucoup de départements ruraux, nous avons peur de perdre des sous-préfectures. J’ai dit, sous forme de boutade, aux sous-préfets de mon département que le meilleur moyen de défendre les sous-préfectures, c’est de les faire travailler ! Il en va de même pour le Sénat, qui doit marquer son empreinte face à l’Assemblée nationale en produisant des propositions de loi.

Sur le fond du présent texte, il est clair, madame la ministre, que le bonus-malus ne séduit pas les foules. Il s’agit d’une idée généreuse, mais sa mise en œuvre serait très compliquée : l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions ! En tant que président de la fédération départementale d’énergies du Lot, je vois mal comment on pourrait appliquer et expliquer à nos concitoyens un tel dispositif, dont je comprends le principe mais qui repose sur un mode de calcul extrêmement complexe.

Je ne sais pas si le nom de M. Brottes restera attaché à la loi, car on s’aperçoit que, curieusement, les textes peu satisfaisants perdent souvent leur appellation originelle… Nous verrons bien ce que feront les députés de cette proposition de loi.

Je tiens néanmoins à relever deux points positifs.

Il s’agit, tout d’abord, de l’extension des tarifs sociaux de l’électricité. Cependant, il est un peu inquiétant que cette mesure soit adossée à la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, ce qui entraînera une augmentation de 0, 7 % des tarifs de l’électricité. Certes, cela reste relativement modeste, mais les ressources destinées aux investissements dans les réseaux et les énergies renouvelables, notamment, s’en trouveront amoindries, dans la mesure où l’augmentation annuelle des tarifs est globalement limitée à 2 % ou à 3 %.

Le second point positif tient à l’expérimentation de la tarification progressive de l’eau. Cette mesure est une bonne chose, sachant qu’il reviendra aux collectivités territoriales de décider une modulation en tant que de besoin, selon les circonstances locales.

Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, dont le rôle de modérateur n’était guère confortable. Amené à défendre des positions qui n’étaient pas forcément les siennes, il était en quelque sorte assis sur une chaise électrique !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Le groupe du RDSE, à majorité radicale de gauche, votera à la quasi-unanimité cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de l’examen de la proposition de loi Brottes, le groupe UDI-UC se réjouit que le Sénat ait montré une fois de plus qu’il n’acceptait pas les injonctions et refusé de se dessaisir de son rôle de législateur.

En définitive, beaucoup de points de consensus ont pu être trouvés sur ce texte qui a profondément évolué. Lors de la discussion générale, le calendrier quelque peu rocambolesque retenu pour l’examen de cette proposition de loi a été beaucoup critiqué. Nous n’avons pas très bien compris pourquoi il avait été décidé de recourir à la procédure accélérée, pourquoi la mise en œuvre de la tarification progressive a été reportée, pourquoi ce texte nous était soumis alors qu’était lancé simultanément un grand débat sur la transition énergétique. Bref, quelles sont les motifs d’une telle désorganisation ?

Au final, les articles 1er à 1er quater ont été supprimés, ce qui nous convient tout à fait dans la mesure où le dispositif de bonus-malus était injuste. Son application aurait même été facteur de précarité énergétique : Valérie Létard est souvent montée au créneau sur ce thème. Par ailleurs, il n'arrivait pas du tout au bon moment, car il faut d’abord accompagner les ménages, surtout ceux en situation de précarité ; c’est d’ailleurs une des recommandations du Conseil économique, social et environnemental. Enfin, ce dispositif était très complexe, comme toutes ces mesures qui, au moyen d’un outil unique, visent deux objectifs différents, en l’occurrence un objectif écologique et un objectif social.

Par conséquent, nous nous réjouissons qu’une large majorité se soit dégagée au Sénat pour supprimer les articles relatifs au bonus-malus.

Les autres dispositions de la proposition de loi nous conviennent tout à fait, en particulier l’extension du champ des bénéficiaires du tarif de première nécessité pour l’électricité et celui de la « trêve hivernale » à l’ensemble des ménages, la valorisation des effacements de consommation électrique.

Plusieurs amendements du groupe UDI-UC améliorant le texte ont été adoptés. À cet égard, nous saluons le travail du président-rapporteur, Daniel Raoul, qui a toujours recherché le consensus.

S’agissant de l’éolien, le groupe UDI-UC se félicite que le Sénat ait adopté une position médiane…

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

… sur la question du nombre minimal de mâts devant être installés sur un site donné. Personnellement, ce n'est toutefois pas nécessairement l’option que j'aurais retenue : j’aurais préféré que l’on n’impose aucun seuil !

En conclusion, cette proposition de loi ayant été vidée des éléments qui nous apparaissaient négatifs, la quasi-totalité des sénateurs du groupe UDI-UC s'abstiendront. À titre personnel, bien que la règle des trois mâts ne me convienne guère, je voterai en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, parce que je considère qu'il faut absolument assouplir les règles relatives à l'éolien.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme l'a fort bien expliqué hier mon collègue Ronan Dantec, le groupe écologiste salue la discussion de cette proposition de loi comme une première étape dans la mise en place du dispositif législatif complet qui accompagnera la mise en œuvre de la transition énergétique.

Cette proposition de loi vise à traiter un certain nombre d’urgences, notamment sociales : je pense en particulier à la nécessité de protéger les 8 millions de personnes qui vivent en situation de précarité énergétique.

Elle permettra également plusieurs avancées majeures sur la voie de la transition énergétique, notamment en définissant enfin un régime pérenne pour l’effacement diffus, d’une importance centrale pour les économies d’énergie et l’équilibre du système électrique.

Nous regrettons toutefois la suppression des premiers articles du texte, portant sur le mécanisme du bonus-malus, car ce dispositif présente un caractère incitatif en matière d’économies d’énergie.

Nous nous félicitons de l’adoption de mesures positives concernant l’éolien, mais nous déplorons vivement la modification de l’article 15 visant à revenir sur la suppression de la règle des cinq mâts, mesure que nous avions saluée comme une grande avancée pour cette filière industrielle d’avenir.

Nous espérons fortement que ces thèmes seront abordés à brève échéance, dans le cadre du grand débat sur la transition énergétique, étant conscients que l’examen de la présente proposition de loi s’inscrit dans une démarche plus globale qui aboutira l’automne prochain.

En tant qu'écologistes souhaitant la mise en place d’une nouvelle politique industrielle visant à assurer la transition énergétique, nous sommes favorables à ce que soit facilité le développement de la filière éolienne, en particulier par la suppression d’un certain nombre de contraintes pesant encore sur elle.

Ce matin, le débat a notamment porté sur la suppression des zones de développement éolien, mesure présentée par certains comme antidémocratique et attentatoire aux prérogatives des collectivités locales. J'observe que nos collègues de l'opposition, qui se font aujourd’hui les défenseurs du droit des collectivités à refuser l’implantation d’éoliennes, ne manifestaient pas le même souci de voir respecter l’échelon de décision local lorsqu’il s’agissait de construire à toute force des centrales nucléaires… À l'époque, on invoquait la nécessité d’assurer l'indépendance énergétique nationale. Le développement de l'énergie éolienne répond à cette préoccupation, dans une perspective de durabilité. Cette filière industrielle est aujourd'hui menacée : si nous ne faisons rien, ce sont 11 000 emplois qui risquent de disparaître. Il faut huit ans dans notre pays pour mener à son terme une procédure de création d’un parc éolien, contre quatre ans en moyenne en Europe. Il est urgent de prendre des mesures : l’intérêt national doit prévaloir sur les intérêts locaux. En tant qu'écologiste conscient de la nécessité d’opérer rapidement la transition énergétique, j’estime qu’il faut favoriser au maximum le développement des énergies renouvelables.

Le groupe écologiste se félicite que le Sénat ait pu cette fois prendre toute sa part dans ce riche débat. En dépit des regrets que j’ai exposés, nous mesurons les aspects positifs de cette proposition de loi, que nous voterons unanimement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Madame la ministre, voilà quelques mois, vous regrettiez que l’adoption d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité mette prématurément fin au débat dans notre assemblée. Cette fois, le débat est allé jusqu’à son terme et le Sénat, dans sa diversité, est appelé à voter un texte profondément modifié.

Les sénateurs de l’ensemble des groupes ont développé des arguments pour expliquer les déficiences du dispositif du bonus-malus. En particulier, l’effet rebond du bonus a été unanimement critiqué. De manière générale, ce dispositif est complexe, injuste, contre-productif au regard des objectifs sociaux et écologiques affichés. Il nie la réalité vécue par un grand nombre de nos concitoyens, parmi lesquels les locataires, en position défavorable dans leur rapport de force avec les propriétaires et dont la consommation réelle ne pourra être estimée dans le cadre d’un chauffage collectif.

De plus, tous les usagers ne sont pas à égalité pour appréhender un dispositif aussi complexe. Avant de sanctionner, il est nécessaire d’informer, de former, d’accompagner l’ensemble des ménages et de leur proposer de véritables outils en matière de rénovation thermique.

Enfin, ce dispositif porte en lui les prémices d’une déconstruction de notre modèle énergétique et sa promotion donne à supposer qu’un système totalement décentralisé serait plus performant.

Nous sommes évidemment très satisfaits de l’élargissement du champ des bénéficiaires des tarifs sociaux et de l’extension à l’ensemble des consommateurs de la trêve hivernale. Ces mesures urgentes étaient très attendues ; nous les avons enfin adoptées.

S’agissant de l’effacement de consommation électrique, nous regrettons de ne pas avoir été compris et suivis ; nos amendements étaient pourtant « eurocompatibles ». En effet, l’effacement s’inscrit dans un processus global de maîtrise de la demande énergétique. C’est pour cette raison qu’il doit être placé sous maîtrise publique et, surtout, qu’il ne doit pas permettre un mouvement spéculatif qui ne profiterait qu’à très peu d’entreprises et serait, à terme, préjudiciable à tous : collectivités locales, particuliers, entreprises. Une maîtrise publique est nécessaire pour que l’État puisse être le garant de la sécurité, de la stabilité des réseaux et de l’indépendance énergétique de la France. Nous porterons cette exigence lors du grand débat sur la transition énergétique, ainsi qu’à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi sur l’énergie que vous nous avez annoncé, madame la ministre.

Enfin, un développement de l’éolien serein, transparent et pertinent nécessite la remise à plat de l’ensemble des outils juridiques. Il ne pourra se faire sans être accepté et compris par nos concitoyens, ainsi que par les élus locaux.

Le Sénat a amélioré les dispositions retenues par l’Assemblée nationale en mettant en avant la nécessité de réfléchir en termes de puissance, et non pas seulement de nombre de mâts. Il a également souligné le besoin de renouer un débat territorial menacé par la suppression des ZDE.

Je conclurai en félicitant notre rapporteur, qui a su nous conduire à un consensus. En dépit des réserves que nous avons exprimées, nous voterons ce texte, rééquilibré grâce à nos débats, pour donner une voix forte au Sénat. Elle sera, je l’espère, entendue par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte va sortir considérablement modifié de nos travaux. Pour autant – mais je ne vais pas répéter ce que j’ai déjà dit au cours de la discussion générale –, je n’ai pas changé d’avis : seul l’article 3 relatif à l’extension des tarifs sociaux avait un caractère véritablement urgent, compte tenu de la situation économique et sociale de notre pays et de l’accroissement du chômage. Cette disposition a un tel caractère d’urgence que, si la présente proposition de loi n’avait pas été soumise à notre examen – cette hypothèse fut un moment envisagée –, nous étions prêts, mes chers collègues du groupe CRC, à voter votre petite proposition de loi courte de trois articles qui contenait cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cela étant, le Sénat a décidé de supprimer l'article 1er. Nous contestions ce dispositif instaurant un bonus-malus et nous le contestons toujours. Si je le précise, c’est parce que nous savons parfaitement – ne soyons pas hypocrites ! – que l’Assemblée nationale rétablira cet article, qui est inconstitutionnel à nos yeux, notamment parce qu’il remet en cause la péréquation territoriale. C’est la raison pour laquelle, je vous l’annonce dès à présent, nous saisirons le Conseil constitutionnel.

Le Sénat a également amélioré les dispositions relatives à l'éolien. J’en profite au passage pour vous féliciter, monsieur le rapporteur, du sérieux de votre travail et du ton très correct que, vous, vous avez adopté tout au long de ce débat. Je n'en dirai pas plus… Nous avons pleinement soutenu votre amendement instaurant la règle des trois mâts, mais je crains fort que le texte qui sera soumis à la commission mixte paritaire après son passage à l’Assemblée nationale soit celui de la proposition de loi initiale de notre collègue député François Brottes. Madame la ministre, en vous prononçant contre cet amendement, vous avez annoncé en quelque sorte la couleur…

Autrement dit, mes chers collègues, les sept députés et sept sénateurs qui composent la CMP auront à discuter non pas du texte issu des travaux du Sénat, mais d’une proposition de loi qui comprendra de nouveau son article 1er. Je crois qu’alors le vote ne sera pas le même dans tous les rangs de toutes les familles politiques. J’ajoute que la proposition de loi comprendra aussi un article 15 dans une rédaction malheureusement différente de celle du Sénat.

Même si nous considérons, pour des raisons qui ne plaisent pas à tous, que le texte auquel nous avons abouti est meilleur, le groupe UMP y reste hostile. Nous voterons donc contre et nous défendrons cette position lors de la CMP, qui promet d’être compliquée à gérer dans tous les groupes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou . Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un débat qui fut intéressant, riche, passionné parfois, et émaillé par les citations littéraires de notre collègue Lenoir, qui n’a pas hésité à faire appel à Edmond Rostand ou à Franz Kafka. Voilà quelques instants, Ladislas Poniatowski, lui, aurait pu évoquer Stendhal, avec les rouges et le noir.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Je veux sans attendre remercier notre rapporteur pour avis, Michel Teston, fidèle à son sérieux habituel, et notre rapporteur, Daniel Raoul, qui a fait la démonstration non seulement de sa culture scientifique, mais aussi de ses aptitudes et de sa finesse politiques. Je n’aurais garde d’oublier Roland Courteau, qui avait antérieurement fait la preuve de son talent de parlementaire mais qui n’a pu être des nôtres aujourd'hui pour des raisons personnelles. Il le regrette, et nous aussi.

Je tiens également à vous remercier, madame la ministre, de la qualité de vos réponses, aussi précises qu’argumentées. Vous avez démontré vos compétences pédagogiques ainsi que votre détermination politique à dire ce qui était vrai.

Cette proposition de loi, faut-il le rappeler, a une double origine.

Tout d’abord, elle vise à répondre à une urgence sociale : lutter contre la précarité énergétique, qui touche un nombre considérable de personnes. François Hollande avait pris des engagements sur ce sujet lors la campagne pour l’élection présidentielle, et les Français les ont fort majoritairement approuvés.

Ensuite, elle tend à inscrire l’action publique dans la perspective de la transition énergétique, que nous appelons tous de nos vœux.

C’est pour répondre à cette double nécessité que le groupe socialiste a travaillé, dans le cadre de choix éminemment politiques, au sens le plus littéral du terme, à savoir la gestion de la cité. Nous n’avons malheureusement pas été assez nombreux à partager cette ambition : avec l’adoption des amendements de suppression de l’article 1er, le débat a été tronqué, ce qui nous laisse un fort goût d’inachevé.

Comme je l’appréhendais dès la discussion générale, nous n’avons pas eu la possibilité d’examiner l’article 1er, ni a fortiori de le voter.

Paradoxalement, alors même que l’article 1er avait été supprimé, il a continué à être évoqué, y compris par les principaux artisans de sa sanction. J’en déduis que, là comme ailleurs, ou peut-être même plus qu’ailleurs, il y avait matière à discussion, d’autant que personne dans cet hémicycle, même pas les membres du groupe socialiste, n’était assujetti à l’obligation d’émettre un vote précis sur cet article. J’en veux pour preuve le fait que nous n’avons pas ménagé nos efforts pour proposer notre propre rédaction.

Je le répète, je ne peux que regretter l’absence de discussion sur cet article. L’intelligence collective de cet hémicycle nous aurait peut-être permis d’aboutir à un texte sensiblement différent de celui qui a été retenu par l’Assemblée nationale, à un texte susceptible d’emporter les suffrages de la majorité des membres de notre assemblée. Mais peut-être existait-il, je ne veux pas l’affirmer avec certitude, la volonté prédéterminée de sanctionner l’article 1er, certes, mais également, d’une certaine façon, le Sénat et le travail parlementaire.

Il s’agit donc d’un acte manqué qui marque une approche fortement réductrice de la nature même du débat.

Nous avions pourtant une double opportunité : traiter l’urgence sociale, en fixant des tarifs sociaux et une trêve hivernale ; nous engager résolument sur la voie de la transition énergétique. Les personnes vulnérables auraient pu envisager la perspective, à court terme, d’un confort de vie accru, d’un meilleur accès à l’énergie grâce à l’allégement de leur facture énergétique. N’oublions pas non plus, d’ailleurs je vous en remercie, madame la ministre, la perspective de la mise en place d’un service public de la rénovation thermique, qui aurait pu nous permettre d’orchestrer de façon intelligente l’ensemble du dispositif.

Cette proposition de loi, premier pas vers la transition énergétique, vise aussi à contribuer à la relance du secteur du bâtiment, qui en a bien besoin, et à permettre l’éclosion de nouvelles filières. Nous aurions pu, par exemple, assurer la continuité de la filière éolienne, voire provoquer un rebond de ce secteur d’activité qui est actuellement en panne.

Notre discussion n’a donc pas pu porter tous ses fruits, même si, par ailleurs, nous nous réjouissons, pour employer une terminologie médicale, que le traitement symptomatique des tarifs sociaux et de la trêve hivernale ait pu être abordé d’une manière précise.

En ce qui concerne l’étiologie, c’est-à-dire les causes des problèmes, notre assemblée reprendra la main avec le débat, qui a été annoncé par Mme la ministre, sur la transition énergétique et avec la discussion du projet de loi qui en découlera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. En dépit de tous les regrets que je viens d’exprimer, nous voterons sans ambiguïté la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir . Je veux au préalable féliciter notre rapporteur, Daniel Raoul, pour le travail qu’il a accompli. Il l’a fait avec un enthousiasme bien dissimulé

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je n’utiliserai pas de mots aussi agressifs que ceux que nous avons entendus au cours de notre discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Une opinion subtile et nuancée emporte toujours quelque vague soupçon d’hypocrisie, disait Jean Paulhan. Et de l’hypocrisie, il y en a finalement eu beaucoup à gauche de cet hémicycle !

Vous êtes satisfaits, mes chers collègues. Mais c’est un peu comme si vous admiriez une bouteille d’une grande année, ornée d’une belle étiquette… mais une bouteille vide. Vous allez voter un texte vidé de son contenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Pourtant, vous le savez fort bien, l’Assemblée nationale rétablira l’article 1er, que vous avez rejeté. Vous pourrez alors jouer les Ponce Pilate et dire : « Ce n’est pas nous ! » Mais si ce n’est vous, ce sont donc vos frères, vos camarades députés socialistes, qui détiennent la majorité absolue à l’Assemblée nationale…

Alors, pourquoi agir ainsi ? Pour le comprendre, il faut se souvenir de l’adoption par le Sénat, à l’automne dernier, de l’exception d’irrecevabilité sur la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Ce vote a heurté le Gouvernement – c’était la première fois que cela se produisait, il y a eu d’autres cas depuis lors –, et vous ne vouliez pas recommencer.

Je ne voudrais pas abuser des citations littéraires, monsieur Mirassou, mais permettez-moi quand même de citer Michel Audiard, qui, dans Les Tontons flingueurs, fait dire à Lino Ventura : « Ah ! Si c’est une œuvre, alors là, c’est autre chose ». Finalement, vous avez bien œuvré pour que le Gouvernement ne soit pas meurtri une nouvelle fois.

Sauf si le Conseil constitutionnel, que nous allons saisir, fait droit à notre demande, le texte qui sortira de l’Assemblée nationale aura des conséquences qu’il faut dénoncer.

Une première conséquence est que la péréquation tarifaire à laquelle nous sommes attachés depuis le Conseil national de la Résistance sera mise par terre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Le kilowattheure ne sera pas vendu au même prix sur tous les points de notre territoire. Il y aura autant de tarifs que de communes. Nous ne pouvons pas accepter que vous fouliez au pied ce principe républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Ce texte aura une autre conséquence. Dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, François Brottes explique benoîtement que le dispositif, s’il était adopté, permettrait d’augmenter le prix de l’électricité au profit d’un certain nombre de consommateurs.

Mme la ministre a indiqué que 75 % des consommateurs bénéficieraient d’un bonus, parce qu’ils se situeraient en dessous des normes fixées par cet ensemble administratif que nous avons dénoncé, sur la base d’informations collectées par cet organisme ad hoc que j’ai dénommé pendant le débat. Cela signifie que les 25 % des consommateurs restants vont seuls supporter l’augmentation à venir des prix de l’électricité, qui devraient être relevés de 30 % d’ici à 2017. Le calcul est simple : ces consommateurs verront leur facture d’électricité multipliée par deux.

Mes chers collègues, vous allez rentrer ce soir dans vos départements la conscience tranquille, en vous disant que le texte qui a été adopté par la majorité, peut-être avec l’apport d’autres voix, ne compromet pas l’essentiel.

Pourtant, il eût fallu résister. C’est ce que nous avons fait en première lecture. Il fallait faire front et même organiser la fronde. Encore eût-il fallu que vous prissiez la pleine mesure des conséquences, qui sont très lourdes, et nous ne cesserons de vous les rappeler. Vous en prenez la responsabilité ! Nous, nous prenons nos responsabilités en vous indiquant ce qui va se passer. Nous voterons donc contre cette proposition de loi avec beaucoup de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Voici le résultat du scrutin n° 102 :

Nombre de votants346Nombre de suffrages exprimés315Majorité absolue des suffrages exprimés158Pour l’adoption176Contre 139Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je veux remercier tous ceux qui ont participé à ce débat, que ce soit en commission ou dans cet hémicycle, et leur exprimer ma gratitude pour les mots gentils qu’ils m’ont adressés. J’aimerais partager ceux-ci avec notre collègue Roland Courteau, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui pour des raisons personnelles, car nous avons travaillé ensemble en amont, lors de la première lecture.

Je ne dois pas être un bon pédagogue, monsieur Poniatowski, car je croyais avoir précisé au cours de la discussion générale qu’il s’agissait d’une nouvelle lecture, et non d’une deuxième lecture. La proposition de loi ne sera donc pas examinée en commission mixte paritaire. Par conséquent, l’Assemblée nationale sera libre de retenir ou de rejeter nos modifications.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul, rapporteur. Enfin, je tiens à remercier tout particulièrement Mme la ministre, même si nos avis ont parfois divergé. Je le regrette, mais je lui sais gré de nous avoir aidés à aboutir à ce texte.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Delphine Batho

Je remercie tous les présidents de séance qui se sont succédé pour présider nos débats. Je tiens également à saluer M. Raoul pour la qualité de nos échanges et le travail qui a été accompli depuis cette fameuse première lecture du texte au Sénat.

Le débat en nouvelle lecture s’est déroulé dans un climat profondément différent, extrêmement constructif, serein. Il est aussi le fait des échanges approfondis que nous avons eus entre-temps. J’ai moi aussi une pensée pour le sénateur Roland Courteau, dont un certain nombre d’amendements ont été repris.

Enfin, je remercie le groupe socialiste de son soutien ainsi que les membres des autres groupes qui sont intervenus avec conviction dans la discussion de fond qui s’est nouée.

Il était pour moi très important que le Sénat adopte cette proposition de loi, même amendée. Pour plaisanter, je pourrais dire qu’une troisième lecture aurait peut-être permis d’adopter le bonus-malus.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Delphine Batho

La cohérence de cette proposition de loi, c’est la lutte contre la précarité énergétique, beaucoup d’entre vous l’ont dit. Cette précarité est un véritable scandale, et l’avancée sociale majeure de ce texte est l’extension des tarifs sociaux à 8 millions de Français.

À l’issue de ces débats, que ce soit sur la question de la précarité énergétique, des économies d’énergie, de la pointe électrique, je veux croire que nous serons capables de nous rassembler lors des prochaines étapes de la transition énergétique.

En attendant, je remercie l’ensemble du Sénat pour les discussions que nous avons eues durant ces deux jours.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi portant création du contrat de génération.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique et une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- Mme Hélène Masson-Maret, membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire ;

- Mme Sophie Primas, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Hélène Masson-Maret, démissionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 février 2013 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

Le texte des questions figure en annexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

À quatorze heures trente :

2. Débat sur les nouveaux défis du monde rural.

À dix-sept heures :

3. Débat sur la politique étrangère.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures cinquante-cinq.