La commission auditionne M. Serge Bergamelli, directeur général du Centre national d'enseignement à distance (CNED).
Nous recevons M. Serge Bergamelli, directeur général du Centre national d'enseignement à distance (CNED), dans le cadre de nos travaux préparatoires à l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
L'article 10 du projet de loi relatif aux missions du service public du numérique éducatif prévoit que le CNED assure notamment « l'instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire », prolongement « numérique » du service public de l'enseignement à distance. Or, dans son rapport de 2013, la Cour des Comptes a considéré que le CNED avait du mal à remplir efficacement cette mission. Que répondez-vous à ces critiques ? Comment vous semble-t-il possible d'assumer une mission élargie au numérique, notamment au regard de la formation de vos personnels ? Comment imaginez-vous l'articulation de votre action en matière d'enseignement en ligne avec celle du Centre national de documentation pédagogique (CNDP) ?
Merci de m'accueillir. J'ai pris la direction du CNED, établissement public administratif, il y a environ un an. L'établissement a en effet été cité dans le rapport de la Cour des comptes, car la transition vers le numérique avait pris du retard ; elle constitue l'objet essentiel du projet d'établissement « CNED 24/24 » adopté le 6 décembre dernier. Alors que le flux physique de papier était constitutif de l'établissement, celui-ci doit aujourd'hui se muer en établissement en ligne. Le numérique est au coeur de la transformation vers un établissement public connecté. Mes deux prédécesseurs avaient engagé une mutation progressive vers une formule associant papier et numérique, avec des outils de formation en ligne pour l'instruction obligatoire mais aussi le post-bac, l'enseignement supérieur, la préparation des concours. Le projet stratégique, approuvé par la tutelle, vous sera communiqué.
Comme bien des opérateurs de l'État, le CNED, qui occupait encore une position centrale au début des années 2000, est de plus en plus concurrencé par des opérateurs privés - sur les segments rentables. Comment prendre le virage du numérique, passer d'un établissement physique à un établissement en ligne, ouvert 24 heures sur 24, sachant que le CNED compte plus de 20 000 inscrits à l'international, répartis sur tous les fuseaux horaires ? Nous devons mettre en ligne la totalité de notre portefeuille de formations, et, au-delà, refondre complètement ce même portefeuille. Qu'est-ce qu'apprendre à l'ère du numérique ? Qu'est-ce qu'apprendre avec des outils en ligne ? Cette mutation est sensible car elle entraîne d'autres questions : qu'est-ce qu'un enseignant connecté ? Qu'est-ce qu'un enseignant tuteur, qu'est-ce que coacher un élève à Melbourne ou à Tananarive ?
Le passage au numérique, c'est l'inscription en ligne, le paiement en ligne, le travail sur une plateforme d'apprentissage en ligne, mais surtout, pour la moitié des personnels, c'est une mutation radicale du métier, d'autant plus délicate qu'elle renvoie à la définition même de l'enseignant. Qu'est-ce qu'être enseignant au XXIe siècle ? Qu'est-ce qu'être enseignant quand on n'a pas l'élève devant soi ?
Le CNED n'est pas visible car il n'est pas emblématisé par un lieu physique. De cet éloignement nous pouvons faire une force. La connectivité et la mobilité permettent déjà de penser ce que le CNED peut apporter via les technologies. Aujourd'hui, nos formations interrogent les nouvelles manières d'apprendre. Historiquement, le CNED ne s'adressait pas aux enseignants : c'était le rôle du centre national de documentation pédagogique (CNDP). La mission du CNED était d'apporter des contenus, de la grande section de maternelle au master, à ses inscrits. Nous avons entamé la bascule numérique de nos formations, nous réécrivons tous nos contenus des classes de sixième, de seconde et de sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Dès lors que les contenus sont écrits en numérique, peuvent-ils avoir une autre finalité, une autre utilisation ? Tous les cours du CNED sont déjà disponibles en ligne en format Pdf ; le corps enseignant vient y chercher des contenus. Faut-il réserver les nouveaux contenus numériques aux 72 000 élèves relevant de l'inscription obligatoire, les encapsuler dans les établissements, ou pouvons-nous en faire bénéficier d'autres personnes ? Les recteurs posent la question de l'accès des établissements physiques à ces contenus.
Le CNED s'est construit sur le modèle de l'empêchement : il s'adressait aux élèves « empêchés » qui ne se trouvent pas dans les établissements physiques, qu'ils soient enfants du voyage, malades, en mobilité ou dans des pays où aucune offre n'existe. Les professeurs sont aussi pour moitié des enseignants qui ne peuvent plus être en présentiel.
La demande croissante d'accéder à nos contenus de la part de publics qui ne sont pas « empêchés » - une académie de sportifs de haut niveau, par exemple - est impensée. Comment formuler l'interdit, le blocage ? Porter des contenus pour répondre à cette demande pose la question du service public numérique de l'éducation. M. Peillon nous a demandé de nous pencher sur l'accompagnement personnalisé des élèves - en d'autres termes, le soutien scolaire, qui est aujourd'hui un marché concurrentiel. Le CNED accompagnera 30 000 élèves qui entrent en sixième sans maîtriser les acquis fondamentaux en apportant gratuitement des contenus. Le CNED n'est pas un éditeur public, même s'il possède la bibliothèque de contenus la plus exhaustive qui soit dans toutes les matières. Nous avons présenté un dossier pour numériser ce patrimoine. Nous disposons d'un volume significatif de contenus pédagogiques scénarisés, plus qu'une simple académie ou une université. Comment le valoriser à l'ère du numérique ? Il faut aller au-delà du PDF, vers une vraie réécriture numérique. Qu'est-ce qu'apprendre à l'ère du numérique ? Absorber des contenus éditoriaux scannés ou utiliser des « exerciseurs », des outils d'évaluation, de remédiation, de suivi en ligne ?
Le métier est en train de changer. Voilà pourquoi on retrouve le CNED dans le service public numérique éducatif. Nous sommes détenteurs de savoirs de qualité, mais sous une forme datée. Nos contenus sont réalisés par des enseignants rémunérés au standard du marché. Ce sont les mêmes qui publient chez les éditeurs privés. À qui destiner ce corpus de formations pour qu'il se transforme en apport numérique ? En matière de soutien scolaire, nous sommes aussi mobilisés sur l'apprentissage de l'anglais au primaire et apportons gratuitement des contenus aux établissements. Le CNED doit vivre dans le monde physique et en même temps exister en ligne, avec une activité numérique 24 heures sur 24. D'où les questions d'identification, d'authentification, de confidentialité, et tout ce qui en découle...
et qui nous montre bien que le CNED est à la croisée des chemins. Les questions que vous posez se retrouvent en filigrane dans la loi sur la refondation de l'école, à commencer par l'évolution du métier d'enseignant. Le défi est de passer du maître qui délivre un savoir au maître-tuteur, accompagnateur, stimulateur. Peut-être pourrez-vous servir d'aiguillon, aider à la réflexion...
Quid de la frontière juridique ? Il s'agit d'une ressource publique, alimentée par des fonds publics. Comment, dans un monde ouvert et perméable, maintenir une barrière à l'accès aux savoirs ?
Le soutien scolaire est aujourd'hui malheureusement un marché livré à la concurrence, avec une sélection par l'argent qui pénalise les familles modestes. Le service public de l'éducation peut-il y trouver sa place ? Le CNED ne peut-il ouvrir une brèche, par exemple en apportant un service éducatif dans les internats de l'Éducation nationale ?
Le CNED a évolué progressivement, d'abord en numérisant les contenus papier, puis en proposant d'autres contenus. C'est le chemin que devront suivre les enseignants dans leurs classes, afin de concevoir un contenu plus pertinent. Vous êtes en quelque sorte un laboratoire qui peut apporter des réponses, faire des propositions pour ce service public de l'Éducation nationale auquel nous sommes très attachés.
Nos 1 167 enseignants ne sont qu'exceptionnellement en contact avec les élèves. Nous pensons l'empêchement comme un levier. Nous élaborons un plan d'équipement massif de ces enseignants, en intégrant des solutions logicielles liées à leur handicap. Les contenus du CNED sont au même standard que tous les manuels classiques, mais séquencés autour de l'idée que l'enfant n'est pas présent et qu'il est seul.
Les professeurs affectés au CNED viennent du système éducatif traditionnel. Le passage de l'établissement physique à autre chose n'est ni simple ni évident. Mes équipes qualifient le système classique, normé, rythmé par les horaires, de « système industriel ». Chez nous, le temps d'apprentissage des enfants n'est pas le temps horaire. Il ne suffit pas d'enseigner pour que les élèves apprennent, il faut se poser la question de la posture à adopter pour que l'enfant apprenne à distance. Le soutien scolaire, par exemple, mobilise des plages horaires de 17 heures à 21 h 30, car il faut être disponible au moment où les enfants le sont. C'est délicat, et nous avançons sur la base du volontariat. Les représentations du métier sont confrontées aux attentes des inscrits. La posture du tuteur n'est pas celle de l'enseignant ; il part d'une évaluation. Nous mobilisons ainsi 75 % de professeurs des écoles pour faire du soutien en sixième qui peut faire appel à des contenus de CE2. Cela peut être vécu comme une dépossession, un professeur des écoles n'étant pas un capésien... Nous nous heurtons aux représentations et pratiques culturelles.
Vous avez parlé de tuteur ; on parle de plus en plus de « coach »...
Rassurez-vous : nous n'employons pas le terme anglo-saxon de « coach » ; nous parlons d'accompagnants. Ce n'est pas le même métier que celui d'enseignant ; l'évolution de l'un à l'autre n'est pas simple.
Un mot sur la frontière entre public et privé. Comment articuler notre intervention dans le monde concurrentiel de l'édition ? Un opérateur public n'a pas vocation à concurrencer le privé ; au contraire, on nous demande d'aider la filière industrielle à se développer et se structurer. Pas question, par exemple, de nous substituer aux entreprises qui conçoivent des avatars. Je n'ai pas à perturber le monde de l'édition mais à répondre aux acteurs publics qui demandent à accéder à nos contenus.
En matière de soutien, nous offrons aux industriels une plateforme pour qu'ils puissent trouver un marché, en évitant de mettre le doigt dans la réécriture logicielle et de faire un métier qui n'est pas le nôtre. C'est vrai aussi pour le CNDP.
Faut-il changer les statuts de l'établissement public pour pouvoir déborder le champ des élèves empêchés ?
Avant mon arrivée, le CNED proposait un soutien scolaire payant, dans le champ marchand. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de vendre un contenu aux familles mais d'apporter des solutions aux chefs d'établissements. Les statuts ne m'empêchent pas de le faire, puisque le CNED assure à la fois l'instruction obligatoire et des activités qui sont dans le champ concurrentiel, dans la mesure où des entreprises privées ont développé une offre. Il y a vingt ans, le CNED avait le monopole de la préparation au concours de professeur des écoles. Le secteur concurrentiel s'est développé sur un socle public.
Quid des empêchés induits par le système, comme ces élèves de seconde qui ne peuvent suivre un enseignement de latin, de grec ou de LV3 dans leur établissement ?
Les enseignants du CNED sont parfois des personnes en situation de handicap ou pour lesquelles un rapport plus distancié aux élèves est nécessaire. Sont-ils les mieux armés pour mener à bien cette révolution numérique ?
Envisagez-vous d'intégrer les jeux vidéo dans vos outils pédagogiques, ou de vous orienter vers une approche pédagogique par problème, comme à l'université de Louvain ?
On mesure le défi que représente le passage d'un établissement physique à un enseignement en ligne. Vous avez évoqué les moyens humains, financiers, technologiques. Quelle est votre politique de formation en direction des postes adaptés ? Si l'on étend les missions du CNED pour en faire un outil d'accompagnement, il faut une réflexion sur les mécanismes de l'échec scolaire et les solutions à y apporter. Vous parlez de mutation radicale du métier d'enseignement : c'est un choc, positif ! Enfin, quel est le périmètre de la gratuité ?
J'ai une reconnaissance personnelle à l'égard du CNED, et j'ai pu constater de visu la qualité des corrections, toujours encourageantes, portées sur les copies. L'enfant trouve en son correcteur un ami, et il y a souvent un report affectif sur cet adulte qu'il ne connaît pas. Je veux dire mon admiration pour la méthodologie, la pédagogie du CNED en matière d'enseignement des langues anciennes. En tant que professeur de lettres classiques, je suis l'alliée du CNED !
Merci, monsieur le directeur général, pour votre exposé très complet. J'aurais mille questions à vous poser... Les échanges papiers sont-ils totalement abandonnés ? Comment former des enseignants qui sont souvent de passage, dont l'affectation au CNED, liée la plupart du temps à la maladie, est temporaire ? Quelle formation, quelle information pour les accompagnants qui sont physiquement aux côtés des élèves ? Pour les plus jeunes, l'enseignement à distance ne fonctionne que s'il y a un accompagnant. Comment font les bateliers, les populations illettrées ?
Ne pourrait-on développer l'enseignement à distance dans les établissements en complément de l'enseignement public classique, notamment en milieu rural, dans les classes uniques ? Il pourrait être intéressant de disposer d'un outil permettant à l'enfant de travailler seul, sur le modèle des fiches de jadis, l'enseignant jouant le rôle d'accompagnateur.
Le CNED vit un moment charnière qui va lui permettre d'élargir ses missions. La question des options dans les établissements qui ne peuvent ouvrir de classes a été évoquée. Ne pourrait-on également utiliser les outils numériques en cas d'absence du professeur ? On sait combien il est difficile de trouver des remplaçants. Pourquoi ne pas utiliser ces outils ? Sous quelle forme ? La scolarité n'est gratuite que jusqu'à 16 ans ; au-delà, faut-il payer les enseignements dispensés par le centre ? Quel est le champ de la gratuité ? L'Australie a développé l'éducation numérique depuis longtemps : y a-t-il des bonnes pratiques dont nous pourrions nous inspirer ? Enfin, quel est le budget du CNED et le nombre d'élèves inscrits ?
Le CNED accueille 1 167 professeurs affectés par la commission académique pour des raisons personnelles, souvent liées à une pathologie, un handicap ou un empêchement. Je n'ai pas accès aux dossiers médicaux. Les postes en réemploi, qui ne retourneront jamais dans le système éducatif traditionnel, ne sont plus que 80. Les textes de 2007 ont instauré deux types de postes : les postes adaptés de longue durée (PALD), de quatre ans renouvelables, et les postes adaptés de courte durée (PACD), d'un an renouvelable. Souvent, les PALD sont renouvelés et certains professeurs ont du mal à retourner dans le système dit classique. Certains basculent du PACD au PALD. Mais la philosophie est que l'affectation doit rester transitoire et ouvrir sur une nouvelle carrière.
Dans les centres de Toulouse ou de Rouen, 40 % des jeunes sont issus des populations de l'itinérance et des gens du voyage. Être affecté au CNED en raison d'un handicap personnel ne signifie pas que l'enseignant soit au fait des réalités des élèves ; il faut une formation au handicap des professeurs handicapés. Je présenterai un plan de formation des enseignants lié à leurs propres spécificités.
Historiquement, le CNED était marqué par l'anonymat, protecteur des uns et des autres. La ventilation aléatoire des copies visait précisément à empêcher le face à face. Or un tuteur apparaît nominativement, et les familles souhaitent connaître l'identité de l'enseignant. La formation est la vraie réponse, et nous avons présenté un dossier au ministère pour mieux former nos enseignants au handicap des élèves ou aux spécificités de certains publics. Nos contenus peuvent être excellents, emblématiques de la République, calqués sur ceux d'établissements haut de gamme, mais n'être pas adaptés aux besoins d'un public composé à 40 % de gens du voyage...
Les enseignants nommés seraient peu ou mal intégrés, a dit la Cour des comptes La critique est recevable. Nous ciblons l'adaptation des postes de travail sur les PALD, car un an, c'est trop court. La formation aux nouveaux métiers relève de la négociation syndicale, car il s'agit du statut de l'enseignant, du découpage horaire... Historiquement, le CNED avait une école d'ingénierie de la formation à distance, nous la réactivons.
La subvention de l'État représente 70 millions d'euros sur un budget global de 137 millions. Sur 1 167 enseignants, le CNED en rémunère 660, en PALD, à hauteur de 44,5 millions d'euros. Les enseignants en PACD demeurent rémunérés par les académies ; nous ne les inspectons pas, le suivi sanitaire et social est effectué par les commissions rectorales.
Il n'est pas question d'aller vers le zéro papier. Historiquement, le CNED comptait huit chaînes d'impression. Le papier régresse mais ne disparaît pas : nous sommes dans une logique d'hybridation, pour sortir de l'univoque du flux papier. Ceux qui le souhaitent peuvent commander l'impression. Nous conservons une structure papier, car il faut prendre en compte l'attente des inscrits. Historiquement, le CNED était un gigantesque centre de tri : 890 000 copies arrivaient à Rouen chaque année ! Aujourd'hui, 30 % des copies de collège et de lycée sont envoyées et corrigées en ligne, sur PDF. Nous pensons atteindre 50 % de copies dématérialisées d'ici deux ans. Cela donne lieu à un débat pédagogique, parfois très clivé, le centre de Toulouse ne voulant pas renoncer à l'écriture cursive.
À la rentrée, nous lançons un accompagnement à l'apprentissage de l'anglais dans le primaire, en ouvrant un espace pour les parents. Dans le premier degré, les familles peuvent bénéficier d'heures de présence de professeurs itinérants, sous forme de tutorat.
La question des compléments d'enseignement est la plus délicate. Notre conviction est que l'enseignement en ligne n'est plus uniquement dédié aux élèves du CNED, même si cela peut susciter interrogations et inquiétudes. Les élèves des établissements physiques sont de plus en plus équipés, connectés ; ils apprennent de plus en plus en ligne et accèdent aux contenus dans l'espace numérique de travail (ENT) de leur lycée. Cela ressemble furieusement à ce qui se passe chez nous.
Historiquement, le CNED permettait de suivre des enseignements dans des matières non proposées sur place : on peut suivre un enseignement de japonais en Ariège. Je serai toutefois prudent sur la question de l'hybridation, car ces choix relèvent de la tutelle et de la représentation nationale. Historiquement, le CNED n'a pas été conçu pour proposer des cours à la carte, même s'il le fait, notamment pour les enfants scolarisés à l'étranger dans des établissements locaux. Le CNED n'est qu'un outil. Quels enseignements en présentiel, quels enseignements en ligne, comment apprend-on en présentiel, comment apprend-on en ligne ? La technologie ouvre des perspectives, mais la réponse doit être politique. La question des absences est tout aussi politique. Technologiquement, nous pouvons suppléer aux absences des professeurs, mais s'inscrire dans une logique de substitution ou d'éviction risquerait d'entraîner des conflits.
La situation doit être analysée globalement. Le CNED, complément à l'enseignement public ? Dans le cas du soutien scolaire, oui. C'est l'un des défis posés par l'expérimentation, qui concerne 200 élèves, 45 enseignants et 9 établissements : les enseignants des établissements identifient les élèves ne maitrisant pas les acquis et les remettent entre les mains de mes tuteurs. Nous testons comment cette hybridation entre des enseignements présentiels et en ligne peut fonctionner, en préservant les cultures et les identités de chacun.
Nous venons en second après le monde physique ; nous n'avons pas vocation à l'inquiéter, mais à chercher la complémentarité. Mais cette évolution prendra du temps... Et la simple idée que des enfants soient scolarisés chez nous en soutien scolaire a donné lieu à de vifs débats, d'autant que certains estiment que c'est au marché de répondre à cette situation. Le fait que ce soutien soit assuré par des enseignants affectés au CNED a rassuré, mais il faut prouver que le travail en présence et en ligne profite à tous.
La notion de complément est donc délicate à manipuler : la décision n'appartient pas à un opérateur public, mais à la sphère politique ; je ferai la même réponse sur les absences.
L'Australie et la Nouvelle-Zélande, effectivement, offrent des exemples intéressants, mais dans un autre schéma caractérisé par l'autonomie des établissements et la communauté des enseignants de la même matière. L'établissement dispense des cours, mais c'est aussi un réservoir de contenus auquel la communauté des élèves peut accéder.
J'en arrive au périmètre de la gratuité. Les textes sont clairs : gratuité jusqu'à 16 ans, perception d'une redevance ensuite, afin de couvrir une partie des charges, comme l'impression des contenus.
La subvention s'élevait à 70 millions ; après le coup de rabot, elle atteint 69 millions. Elle couvre l'instruction obligatoire jusqu'à 16 ans pour les élèves scolarisés à Toulouse (école primaire), Rouen (collège) et Rennes (lycée). Au-delà, il y a toutes les préparations aux concours, qui sont désormais dans le champ concurrentiel, sauf pour certaines agrégations rares : les recettes ne couvriront jamais les coûts de certaines disciplines. Mais c'est la finalité de l'opérateur public...
Je n'ai pas répondu sur les jeux vidéo : toutes les études montrent que les coûts d'investissement sont très élevés pour un segment très court. Je ne suis pas contre, mais je n'ai pas les moyens aujourd'hui.
Merci de nous avoir éclairé les champs du possible. Effectivement, c'est au politique de choisir les grandes orientations.
La commission nomme Mme Dominique Gillot rapporteure sur le projet de loi n° 835 (AN - XIVe lég.), relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).