La commission entend MM. Christophe Lambert, président du Conseil national CER France, Philippe Boullet, directeur de l'offre et des compétences du Conseil national CER France, et Jean-Marc Seronie, directeur général du CER France Manche.
Merci, Messieurs, d'avoir accepté l'invitation de la commission de l'économie. Avant de vous donner la parole, notre collègue Michel Teston souhaite faire une brève remarque.
Je prie les représentants des CER de m'excuser pour mon intervention qui porte sur les réunions que notre commission a tenues la semaine dernière.
A la lecture des comptes-rendus des réunions au cours desquelles notre commission a examiné la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique et la proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen, je regrette que la position des différents groupes sur les différents amendements et articles n'apparaisse pas clairement.
Je vous demande donc, Monsieur le Président, que les comptes-rendus de la semaine dernière soient corrigés et que la position des groupes politiques puisse, à l'avenir, apparaître le plus clairement possible.
Je prends acte de cette observation. Les comptes-rendus des réunions de la semaine dernière seront rectifiés et on veillera, à l'avenir, à ce que la position des groupes apparaisse plus clairement.
Monsieur le Président, Messieurs les sénateurs, nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui. Le Conseil national CER France est un réseau associatif, regroupant 72 anciens centres d'économie rurale (CER) ou centres départementaux d'économie rurale (CDER), fédérés depuis 2006 sous son nom actuel.
CER France constitue le premier réseau associatif de conseil et d'expertise comptable et est spécialiste du conseil pluridisciplinaire au chef d'entreprise. Le réseau compte 700 agences en France, 11 000 collaborateurs, 320 000 clients chefs d'entreprise et a un chiffre d'affaires de plus de 600 millions d'euros.
CER France est actif sur trois marchés : le marché historique agricole, les artisans-commerçants-services et les professions libérales. Le groupe exerce trois métiers : le conseil, la gestion et l'expertise-comptable.
Notre présentation1(*) va être axée sur les dynamiques en cours dans les exploitations agricoles. Nous n'évoquerons pas l'actualité de la sécheresse, mais nous pourrons y revenir au moment des questions.
S'agissant des grandes cultures, la variabilité s'installe et change profondément la donne. Depuis 2005, on constate ainsi une variabilité importante des résultats des exploitations qui entraîne des écarts grandissants en matière de valorisation des produits : plus les opportunités sont fortes, plus les écarts de performance se creusent. De même, les écarts sont grandissants en matière de performances techniques : depuis 2007-2008, les écarts de consommation d'engrais par hectare augmentent fortement. Cette situation modifie sensiblement les choix technico-économiques des exploitations.
Pour chacune des productions, je vais évoquer, en guise de synthèse, les trois enjeux centraux : la pérennité, la compétitivité et le développement. S'agissant des grandes cultures, la question principale en matière de pérennité est la gestion de la variabilité. La problématique de la compétitivité est liée au changement du système de culture, qui va notamment avoir un impact sur le recours aux intrants. Enfin, s'agissant du développement, il faut sortir de la logique de la quête de l'économie d'échelle pour trouver, au travers de partenariats, le moyen d'augmenter la capacité de travail sans augmenter le risque.
S'agissant des fruits, des légumes et de la viticulture, le constat est celui d'une extrême diversité. L'arboriculture fait face à une tendance de long terme extrêmement défavorable, avec une très grande diversité de résultats : le quart supérieur des exploitations dégage 50 000 euros d'excédent, le quart inférieur 90 000 euros de pertes. Il convient d'élaborer une stratégie d'entreprise adaptée au marché.
La filière légumes a connu une campagne 2010 nettement meilleure que les campagnes des années précédentes, avec une amélioration du résultat. Les coûts de production se répartissent en trois tiers : les charges opérationnelles, les charges de structure et les coûts salariaux. L'amélioration s'est faite grâce à une augmentation du chiffre d'affaires.
La situation de la viticulture s'améliore en 2010, même si elle n'est pas similaire selon les circuits dans lesquels s'insère le viticulteur (coopératives, négoces, conditionnement). La question des coûts salariaux est fortement en débat en viticulture, mais elle doit être abordée avec prudence : tous les facteurs, c'est-à-dire à la fois le coût, la productivité du travail et le rendement technique, doivent être pris en compte.
Ces productions ont connu une succession de crises, notamment l'arboriculture. Les partenaires financiers jouent un rôle central en matière de pérennité. En matière de compétitivité, la problématique essentielle est celle du coût de la main-d'oeuvre, ainsi que la fidélisation de la main-d'oeuvre notamment saisonnière. Enfin, la crise et la restructuration de la filière, notamment dans la vallée du Rhône, sont les éléments centraux qui pèsent sur son développement.
S'agissant de la production laitière, on constate une triple variabilité (en matière de prix, de coût des intrants et de quantité de production) à gérer par trois France laitières. La crise des coûts a été longtemps masquée par la question des prix, mais il s'agit d'une question essentielle. Aujourd'hui les écarts se creusent en matière de résultats. Je souligne, enfin, que la situation financière des éleveurs se dégrade rapidement depuis 2009.
En guise de synthèse, pour assurer la pérennité des exploitations, il convient de trouver la souplesse dans le système d'exploitation. En matière de compétitivité, les indicateurs changent aujourd'hui. Enfin en matière de développement, on est plutôt dans une logique de restructuration.
S'agissant de la production porcine, la question du lien au sol est aujourd'hui centrale. Depuis quatre ans, la filière a connu une succession de crises de natures très différentes. On constate, notamment, des variations amplifiées des coûts des aliments. Si la situation des éleveurs était favorable au début de l'année 2007 avec un prix de vente supérieur au coût de revient, la situation s'est inversée entre septembre 2009 et mai 2009, pour se stabiliser dans un équilibre particulièrement précaire jusqu'à novembre 2010. Depuis lors, la situation est de nouveau défavorable. Parallèlement, les performances se sont améliorées avec, en quarante ans, la réduction d'un quart de l'aliment nécessaire pour produire un kilogramme de viande et, parallèlement, une augmentation du nombre de porcs produits par truie. La question du lien au sol est essentielle en matière de performance économique : les exploitations où le lien au sol est faible ont les coûts de revient les plus importants.
La filière porcine est confrontée, afin d'être pérenne, au défi de la gestion de l'autonomie alimentaire. Il s'agit aussi pour elle de faire face à une disparition des cycles et, donc à un développement de plus en plus risqué.
Le secteur de la viande bovine est segmenté : en jeunes bovins, la tendance est à l'hyper-technicité. L'activité des naisseurs n'est pas la même dans le grand bassin allaitant, et dans les autres zones qui ont tendance à décliner.
La viande bovine est marquée par une grande stabilité des prix de vente, tandis que les charges des exploitations, en particulier les charges de structure, sont en hausse tendancielle. La viande bovine ne connaît donc pas la forte variabilité des prix observée dans les autres productions agricoles.
On observe de grandes différences dans les résultats des exploitations spécialisées en viande bovine. L'un des enjeux pour ce secteur paraît donc devoir être la professionnalisation des exploitations.
On observe également dans le secteur de la viande bovine, comme dans celui du lait, qu'il faut atteindre un certain volume de production pour générer des revenus.
Enfin, on s'aperçoit que les aides de la politique agricole commune (PAC) territorialisées, comme l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), ont un grand impact sur les résultats des exploitations, en comparant par exemple les exploitations dans le Cantal et en Bourgogne.
Les exploitants disposent de peu de marges de manoeuvres en élevage. L'enjeu pour les exploitations est de pouvoir décaler les cycles de production. Mais cette stratégie a un impact sur les aides publiques qui génèrent des effets de seuils.
L'élevage est confronté également au défi de la mobilisation de capitaux de plus en plus conséquents.
Une des pistes à suivre pour les éleveurs est de mieux valoriser leur production, le cas échéant par des circuits courts.
Enfin, l'engraissement est confronté à un dilemme lorsque les prix des céréales fluctuent beaucoup : à chaque période il faut arbitrer entre la production de céréales pour la vente ou pour l'autoconsommation afin d'engraisser les bovins.
Pour conclure ce panorama des grands secteurs de la production agricole française, je remarque que 2009 était finalement une année de faibles revenus par rapport à 2008 et à 2010. A rebours des tendances passées, la variabilité est bien installée dans le paysage, en lait et en grandes cultures. Nous constatons aussi de très grandes disparités entre départements et à l'intérieur même des départements.
De ces constats nous tirons plusieurs enseignements pour le pilotage des exploitations agricoles.
Tout d'abord, le creusement des écarts entre exploitations révèle les bouleversements profonds du métier d'agriculteur. Les compétences techniques requises pour réussir en agriculture sont plus nombreuses qu'avant, ce qui implique d'améliorer l'accompagnement des agriculteurs, de favoriser les partenariats pour les agriculteurs isolés, et de trouver des voies honorables de sortie du métier pour ceux qui ne pourront pas poursuivre leur activité.
Par ailleurs, la grande variabilité des prix et des revenus impose plus de flexibilité dans les exploitations, pour s'adapter aux contextes changeants. Il faut viser la performance et savoir gérer les risques. Au passage, je remarque que la fiscalité agricole française n'est pas adaptée à la variabilité des revenus agricoles.
Si les effets de ciseaux entre charges et prix est fort, ils ne condamnent pas pour autant l'agriculteur. Ce nouveau contexte oblige simplement à mettre en place des stratégies permettant de mieux gérer les contraintes, y compris les contraintes agronomiques et environnementales.
Les agriculteurs doivent s'attacher à maximiser la valeur produite par unité de main d'oeuvre. Mais dans ce but, la recherche d'économies d'échelle par l'agrandissement de la taille des exploitations n'est pas toujours la bonne solution. Pour autant, la question du nombre d'agriculteurs sur le territoire reste posée : s'il est resté stable ces quinze dernières années, ce ne sera peut-être pas le cas dans l'avenir.
Nous nous sommes aperçus que la PAC réformée avec une baisse des aides à l'hectare aurait un effet fort sur le revenu des agriculteurs, mais moindre que les variations de prix observées sur les marchés ces dernières années. La baisse des aides à l'hectare pourrait être compensée par des aides territorialisées et par des choix nationaux qui seront vraisemblablement encore possibles. Les choix nationaux restent en effet déterminants : notons, ainsi, que le Danemark et la France ont la même PAC mais n'ont pas évolué de la même manière en termes de production laitière.
En conclusion, le monde agricole dispose de beaucoup de perspectives. Certes la mondialisation et la dérégulation des marchés exposent l'agriculteur à une volatilité plus forte mais les perspectives de hausse de la demande alimentaire mondiale à moyen terme devraient favoriser le développement futur de l'agriculture française, si elle sait s'adapter pour capter la croissance de la demande, tout en répondant au défi environnemental.
Je vous remercie pour cette présentation. L'analyse par Unité de travail humain (UTH) me paraît la plus pertinente, car la seule qui permette des comparaisons. Je m'interroge sur l'influence des structures d'exploitation sur les résultats : ce facteur joue-t-il ou pas ? Par ailleurs, j'aimerais que vous me précisiez ce que vous entendez par « déprofessionnalisation ».
La déprofessionnalisation en élevage en dehors du bassin allaitant du centre de la France constitue un cheminement, de l'activité laitière vers l'élevage de vache allaitante, prélude à la sortie du métier, avec plusieurs étapes intermédiaires comme la pluriactivité.
En ce qui concerne les structures, celles-ci peuvent être déterminantes selon la stratégie choisie : sur les productions liées aux cours mondiaux, l'enjeu est de faire du volume donc les meilleurs résultats seront obtenus dans les plus grandes exploitations. En revanche, dès que la production peut être mieux valorisée, la taille des structures n'est plus déterminante.
Si l'agrandissement des structures répond à une logique de recherche de masse critique, nous avons assisté ces dernières années à un plafonnement du phénomène d'agrandissement pour plusieurs raisons : d'une part les grandes structures sont plus difficilement transmissibles, et d'autre part, l'agrandissement a conduit à augmenter les ressources mais aussi les charges, en proportion. Le même système de production était simplement reproduit lors de l'agrandissement, sans gain de productivité.
Dans le secteur de la viande, nous observons des reconversions qui correspondent à des fins de carrière en « roue libre » des agriculteurs. Or, ceux qui ont fait le choix de se spécialiser en viande doivent gagner en technicité pour parvenir à la plus grande valeur ajoutée produite par UTH. La solution en viande bovine passe moins par l'augmentation des tailles des structures que par l'intensification du potentiel de production. Nous constatons par exemple que dans le massif central, le chargement en unités gros bovins (UGB) par hectare est extrêmement faible et pourrait être amélioré.
Très intéressé par cette présentation, j'ai toutefois quelques interrogations : les comparaisons par UTH prennent-elles en compte les exploitants familiaux de la même manière que les salariés ? Par ailleurs, quelles sont les raisons qui ont présidé à vos choix dans les départements laitiers que vous nous avez présentés ? Ensuite, vos analyses tiennent-elles compte des évolutions du bilan final des exploitations, après exercice. Prenez-vous en considération la mise au bilan du foncier ? Enfin, avez-vous étudié l'évolution des revenus par rapport aux capitaux propres, qui donne une idée de la rentabilité des investissements en agriculture ?
Concernant la politique des structures, je me félicite que nous ayons desserré la politique de contrôle des structures dans les lois agricoles successives, même si nous ne sommes pas allés au bout de la logique.
Même si votre présentation a montré que la PAC joue un rôle moins fondamental dans le revenu de l'agriculteur que l'évolution des prix sur les marchés, je reste convaincu de la nécessité de conserver à la PAC un rôle de filet de sécurité.
L'enjeu fondamental dans l'avenir me semble être la conciliation entre le revenu de l'agriculteur et le maintien d'une vie sociale de l'exploitant. Avoir des grosses exploitations peut nécessiter de tels sacrifices que ce modèle décourage les reprises. Il serait souhaitable de connaître le seuil au-delà duquel l'exploitation n'est plus vivable.
Concernant la vache allaitante, quel est la bonne taille des cheptels par UTH ?
Concernant le secteur laitier, je ne suis pas d'accord avec l'idée selon laquelle l'agriculteur dispose de la possibilité de faire varier les quantités produites. En conséquence, il faut une certaine stabilité car l'éleveur a peu de marges de manoeuvre.
Ensuite, je m'interroge sur le coût que représentent les mesures agro-environnementales dans les exploitations. Ces mesures constituent un handicap de productivité qui doit être compensé par les aides nationales et européennes.
Enfin, les conditions de commercialisation, à travers soit la coopération, soit le négoce privé de droit commun, ont-elles une influence sur le revenu des agriculteurs ?
Sans être un spécialiste des questions agricoles, je tire un enseignement de votre présentation : l'agriculteur qui a 35 hectares en Lot-et-Garonne est mal parti ! Pourtant, un acteur important n'a pas été évoqué : le consommateur. J'estime que les prix des produits à l'étal doivent avoir un rapport avec les prix en sortie de ferme. Or je m'étonne que la volatilité des prix agricoles ne se retrouve pas dans les prix appliqués aux consommateurs, qui eux, ne baissent jamais !
Je partage vos conclusions sur l'importance de la fiscalité agricole pour orienter les exploitations. Le forfait est, au demeurant, une survivance.
Mais un autre outil est important en agriculture : l'assurance. Une plus large diffusion des assurances a été encouragée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), avec le soutien financier d'aides européennes. Conseillez-vous à vos adhérents de souscrire des assurances. Un agriculteur est un chef d'entreprise et doit agir en responsabilité.
Par ailleurs, pensez-vous que le regroupement des producteurs a une influence sur le revenu de l'exploitant ?
Je m'interroge également sur les montages juridiques les plus pertinents pour les exploitants, notamment pour gérer le foncier.
Enfin, j'estime nécessaire d'évaluer les coûts des mesures environnementales par rapport à ceux supportés par les autres pays européens, et de compenser ces coûts.
Tout d'abord, je souhaite souligner le poids très important de la paperasse dans l'agriculture et insiste pour que les pouvoirs publics mettent en oeuvre la simplification des procédures.
Pour faire face aux fluctuations de cours des produits agricoles, je persiste à proposer la mise en place du mécanisme de report en arrière (carry-back) qui était appliqué sous la IVème République aux producteurs de laine par périodes de quatre ans. Cette solution était astucieuse car elle évitait de devoir mettre en place des plans d'aides à ces producteurs.
Votre présentation montre que les écarts de performance sont énormes entre exploitations agricoles. En grandes cultures, l'amortissement des investissements et les charges de structure représentent la moitié des dépenses. La taille des structures est donc déterminante pour leur équilibre financier.
En ce qui concerne la fiscalité agricole, elle mérite d'être revue même si elle a déjà évolué. Je rappelle que la suppression du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) a apporté davantage de rationalité. Mais la variabilité importante des prix agricoles justifie une évolution plus importante de la fiscalité agricole. Cette dernière permet déjà de passer des provisions pour variations de cours ou encore de calculer les revenus sur des moyennes mobiles.
Votre présentation a distingué les exploitants prospères, les exploitants moyens et ceux qui sont condamnés, et pour lesquels il faudra trouver une sortie honorable. Malheureusement, les exploitants en difficultés étant concentrés sur des territoires en difficulté, nous courrons dans ces territoires le risque d'une déprise agricole par les arrêts d'activité. Par ailleurs, je souligne que les agriculteurs vivent une révolution totale dans l'approche de la gestion, et l'enseignement agricole a un rôle fondamental à jouer pour accompagner cette révolution.
Depuis deux ans, on observe une baisse significative des revenus en viande bovine. Or l'Union européenne s'apprête à réviser les normes en matière de nitrates en réduisant la période d'épandage. Les éleveurs qui ont déjà supporté d'important frais de mises aux normes ne peuvent plus suivre.
La LMAP a encouragé les assurances, qui font l'objet de subventions publiques, mais ces subventions ne poussent-elles pas les assureurs à relever le niveau des primes ? En tout état de cause, le niveau de ces primes est élevé et dissuade souvent les agriculteurs de souscrire une assurance.
Enfin, je partage l'opinion de mes collègues selon laquelle une évolution de la fiscalité agricole est indispensable. La déduction pour aléas (DPA) ne suffit pas.
Votre présentation sur la viticulture a été très succincte, alors que ce secteur occupe une place non négligeable dans le paysage agricole français et connaît une crise depuis 2003. En Languedoc-Roussillon, les viticulteurs en difficulté sont très nombreux. Or, si vous avez analysé la situation des caves coopératives, vous ne nous avez pas indiqué si celle des caves particulières est identique.
Je partage l'idée que la fiscalité agricole doit être réformée. Au-delà de la fiscalité, nous devons aussi nous poser la question de l'adaptation de l'encadrement juridique des entreprises agricoles. L'assolement en commun, la société civile laitière, utile à l'installation progressive des jeunes, constituent des outils intéressants. Par ailleurs, l'enjeu fondamental pour l'avenir est de faciliter la transmission du capital lors des reprises d'exploitations, dans un contexte de hausse tendancielle des prix du foncier. La fiscalité a son rôle à jouer mais également la levée d'obstacles juridiques. Par exemple, j'estime nécessaire de faciliter la forme sociétaire en ne liant plus la possibilité de participation financière dans l'entreprise agricole au travail effectif sur l'exploitation.
Concernant le secteur du lait, je souligne que nous devons nous inquiéter du fait que la France ne remplisse pas son quota. La France s'affaiblit car des marchés restent à prendre, même en contexte de prix bas.
Nous avons centré notre présentation sur l'exploitation agricole plutôt que sur l'organisation des filières, et sur les flux de revenus plutôt que sur la situation financière des exploitations. Je précise, pour répondre à certaines interrogations sur la prise en compte du temps de travail dans les exploitations, que le travail caché, notamment l'aide des anciens, ne peut être calculé.
Concernant la fiscalité et les cotisations sociales, le CER travaille à des propositions qui seront présentées à l'automne 2011. Nous constatons en effet que la fiscalité agricole actuelle n'est pas adaptée à la forte variabilité des marchés et des revenus. Toutefois, baser la fiscalité sur des moyennes n'est pas la meilleure voie. Les provisionnements ou reports en arrière sont des mécanismes plus souples. Il nous semble nécessaire de permettre la création de réserves de trésorerie permettant de faire face aux conjonctures dégradées. Enfin, nous souhaitons un effacement des ruptures fiscales liées aux choix juridiques des exploitants.
Les revenus agricoles qui sont analysés sont ceux des exploitants agricoles, après application de toutes les charges, y compris celles provenant des salaires versés aux salariés sur l'exploitation. L'objectif est de parvenir en agriculture à un revenu moyen de l'exploitant équivalent au salaire moyen, soit 20 800 euros environ par UTH familiale. Ce chiffre est parfois contesté par les agriculteurs. Par ailleurs le temps de travail est très variable selon les exploitations.
Notre choix de vous présenter trois départements laitiers, Manche, Cantal et Haute-Savoie, correspond aux trois modèles laitiers présents sur notre territoire : la production de masse du bassin laitier de l'Ouest, la production de lait de montagne bien valorisé, la production laitière en zones défavorisées.
En ce qui concerne l'environnement, certaines mesures du second pilier sont bien adaptées, mais certaines mesures agro-environnementales sont mal définies. Par ailleurs, les contraintes administratives et les contrôles pointilleux découragent les agriculteurs de s'engager dans cette voie. On constate également des contradictions dans les normes environnementales applicables aux bovins, qui sont établies sur des critères partiels.
En grandes cultures, les contraintes environnementales ne pèsent pas de manière excessive sur le résultat des exploitations : celles qui résultent de la conditionnalité environnementale mise en oeuvre dans le cadre du 1er pilier de la PAC ont été globalement bien intégrées et les mesures agro-environnementales qui relèvent du 2ème pilier sont vues pour leur part comme un moyen de récupérer ce qui est prélevé à travers la modulation.
En revanche, les contraintes environnementales posent davantage de difficultés dans les productions fruitières ou légumières, pour lesquelles l'interdiction d'une molécule entraîne une impasse technique et donc des baisses de productivité dans certaines productions.
En ce qui concerne la viticulture, elle est segmentée sur deux marchés : en Europe les volumes consommés baissent mais la valeur produite par litre vendu s'élève. Les exploitations doivent donc s'adapter par le haut, par l'amélioration qualitative des productions. En revanche, hors d'Europe, le marché se développe en volume et en valeur et les exploitants isolés y seront peu à l'aise. Pour vendre hors d'Europe, le négoce doit se structurer et les coûts de production doivent être bien maîtrisés. Hors d'Europe, l'alliance entre le négoce et les producteurs est donc nécessaire.
La sécheresse actuelle montre que la DPA est un outil intéressant, mais l'obligation de réintégrer les sommes épargnées en cas de non utilisation est trop dissuasive et les plafonds multiples rendent le dispositif trop compliqué. Une piste d'amélioration pourrait consister à garantir des taux de prêts bancaires plus intéressants aux agriculteurs ayant choisi d'utiliser la DPA. En matière d'assurance récolte, il aurait fallu la rendre obligatoire.
Les circonstances actuelles démontrent qu'il est indispensable de s'assurer. Les primes sont prises en charge par la collectivité à hauteur de 65 %. Je compte sur vous pour passer ce message aux agriculteurs.
Sur la question du foncier, par ailleurs, nous préconisons de le faire de plus en plus porter par des fournisseurs de capitaux extérieurs, comme aux Pays-Bas et au Danemark. A cet égard, il serait souhaitable d'aller plus loin vers la cessibilité du bail rural.
Pour faire évoluer dans le bon sens les exploitations agricoles, il est fondamental de rendre celles-ci plus flexibles. Il faut aussi considérer les aides de la PAC non plus comme une compensation de la fin du soutien des prix agricoles en 1992, mais comme un stabilisateur des exploitations, leur permettant de prendre certains risques. Enfin, il est indispensable de gagner en visibilité sur la situation à court et moyen terme de l'exploitation.
Les CER ne sont plus des centres d'économie rurale mais des associations de gestion et de comptabilité. Le CER France est également un partenaire des pouvoirs publics, pour lesquels il fournit des données et des observatoires. Il établit régulièrement une note de veille économique.
Les territoires constituent la préoccupation permanente des CER. Notre contribution consiste à prendre en compte les dynamiques économiques des territoires et à apporter des solutions aux hommes et femmes qui y agissent.