La commission a procédé tout d'abord à l'audition de M. Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France (BNF).
a indiqué que, compte tenu du soutien apporté par la commission au projet Europeana par le passé, de l'importance du débat actuel sur la numérisation des livres et imprimés, et de la demande formulée par M. Jack Ralite, la commission avait tenu à entendre les différents protagonistes.
a rappelé que son institution avait été pionnière en la matière, en démarrant la numérisation de ses oeuvres en 1997. Il a précisé que l'opération concernait presqu'exclusivement les oeuvres ou documents entrés dans le domaine public (c'est-à-dire antérieurs à la première guerre mondiale) afin de respecter les délais de prescription des droits.
Il a relevé que si 24 millions de pages de textes, imprimés, livres ou périodiques avaient été numérisés au cours des trois dernières années, seuls 30 à 40 000 livres et une infime partie des collections de journaux, pourtant fragiles, étaient concernés.
Il a fait également état du lancement d'un programme de numérisation des collections spécialisées (telles qu'estampes, cartes ou partitions musicales).
Au total, l'ensemble des frais afférents à ces opérations, y compris le stockage, s'élèvent à 6 ou 7 millions d'euros par an, financés via le Centre national du livre (CNL), un tel financement sur fonds publics n'ayant pas d'équivalent dans le reste de l'Europe. Ceci explique d'ailleurs que le projet Europeana soit composé, pour l'essentiel, de documents numérisés par la France.
Pour ce qui concerne l'accès payant aux oeuvres protégées par le droit d'auteur, une expérimentation est en cours, le CNL subventionnant les projets des éditeurs. Relevant que seulement 215 000 de ces ouvrages sont accessibles, il a souligné l'absence de base légale en vue de protéger les quelques millions d'oeuvres orphelines. Des propositions en vue d'y remédier seront avancées en 2010.
Puis M. Bruno Racine, président de la BNF, a apporté des précisions concernant Europeana : à l'inverse de Gallica, il ne s'agit pas d'une bibliothèque numérique, mais d'un portail d'accès aux ressources numériques des différents pays européens et d'un moteur de recherche. Les documents ainsi accessibles sont essentiellement des images, la numérisation de ces dernières étant moins onéreuse que celle des livres et imprimés. Ce projet s'intéresse par conséquent davantage aux fonds des musées qu'à ceux des bibliothèques. Par comparaison, le projet de Google Livres concerne sept à dix millions de livres et imprimés. Un partenariat a déjà été conclu avec de grandes bibliothèques mondiales, telles que, pour la partie francophone, Lausanne, Gand et bientôt Lyon.
Le président de la BNF a ensuite exposé que s'il avait défendu l'idée d'une numérisation sélective des oeuvres, voilà deux ans et demi, il était désormais convaincu que l'internaute souhaitait pouvoir accéder à l'exhaustivité des oeuvres. Alors qu'un tel projet paraissait utopique, Google serait susceptible de le réaliser en une dizaine d'années.
S'il a exclu l'idée de confier la totalité d'un programme de numérisation à un partenaire privé, la BNF devant rester maîtresse de sa politique de numérisation, il a jugé que le recours à un tel acteur pouvait intervenir en complément d'une politique réalisée grâce aux subventions publiques et aux ressources propres de l'établissement.
S'agissant de la presse, il a jugé nécessaire de changer d'échelle, les crédits alloués à cette fin par le CNL (6 millions d'euros) s'avérant insuffisants.
Il a évoqué la possibilité de confier à un partenaire privé la numérisation d'un certain nombre de collections et d'engager des discussions avec Google pour ce qui concerne les ouvrages français déjà numérisés.
Puis il a fait valoir la possibilité de mettre en oeuvre un schéma au niveau national, afin que d'autres grandes bibliothèques nationales, universitaires ou de grandes villes, puissent profiter des marchés négociés par la BNF.
a rappelé les réflexions relatives à l'inscription d'un projet de numérisation, notamment de la presse, dans le cadre du grand emprunt, sachant que la numérisation et la conservation (presque aussi coûteuse) de 20 % des collections concernées (couvrant la période 1870 - 1939) sont estimées à 40 millions d'euros.
Il a souligné ensuite, hormis la Norvège, qu'aucun autre Etat européen n'avait l'intention de lancer un tel programme, les autres bibliothèques nationales ayant conclu un partenariat avec une entreprise privée ou étant en pourparlers. Il a donné l'exemple du Danemark et de la Belgique, à qui la société américaine ProQuest propose, à titre de contrepartie, un accès gratuit aux oeuvres numérisées par ses soins pendant dix ans et un accès payant dans les autres pays pendant cette période.
Il a aussi cité le cas de :
- la Grande-Bretagne, où un partenariat devrait être conclu pour la numérisation de la presse, l'accès auxdites collections étant gratuit pendant dix ans ;
- l'Italie, en cours de négociation avec Google pour la numérisation des fonds de 50 bibliothèques dépendant de l'Etat.
a jugé nécessaire la définition d'une charte déontologique de partenariat entre les institutions publiques patrimoniales et les partenaires privés, afin de définir les contreparties dont ces derniers, qui supporteraient le coût de la numérisation des oeuvres, pourraient bénéficier durant un temps limité. A défaut d'une réflexion sur les conditions d'acceptabilité d'un tel partenariat, notre pays risquerait de perdre son avance et le projet Gallica serait menacé.
Avec le partenariat envisagé avec Google, la BNF se verrait confier les ouvrages français tombés dans le domaine public et que l'entreprise a déjà numérisés. Par ailleurs, sans perturber le fonctionnement de la BNF, la numérisation des quelque 300 000 ouvrages détenus en double exemplaire serait confiée à Google.
évoquant l'accord conclu entre la Bibliothèque de Lyon et Google, s'est inquiété du risque que cette entreprise puisse, en captant un fonds d'oeuvres, en déposséder la bibliothèque concernée.
a fait part de son émotion à l'annonce du processus de partenariat engagé par la BNF, regrettant qu'une telle démarche n'ait pas été précédée par une décision politique, inspirée par une vision de long terme, s'agissant de l'avenir de la « mémoire de la famille humaine ».
Evoquant ensuite la charte déontologique souhaitée par le président de la BNF, il a rappelé l'avoir appelée de ses voeux depuis des années. Il a souhaité que la France ne s'engage pas dans la marchandisation de sa mémoire et s'est inquiété des arguments avancés par l'avocat de Google pour contester la compétence du juge français dans ce domaine.
Rappelant les principes qui président aux classements effectués par les moteurs de recherche et qui sont inspirés d'une simple démarche commerciale, et non culturelle, il a jugé scandaleux qu'une partie de l'appareil d'Etat s'engage dans cette voie sans recourir à un arbitrage politique préalable.
s'est inquiété, ensuite, de la constitution d'un immense oligopole américain couvrant les secteurs de la culture - Google captant environ la moitié du marché publicitaire sur internet - et il a formé le voeu que la France s'engage dans une autre démarche.
Enfin, après avoir demandé des précisions sur le contenu de l'accord conclu entre la Bibliothèque de Lyon et Google, il a souhaité que la France prenne l'initiative de réunir une conférence européenne sur cette question essentielle.
a alors proposé que la commission auditionne le directeur de la Bibliothèque de Lyon.
a suggéré également l'audition du commissaire européen à la culture sur cette question.
replaçant ce sujet dans le cadre du débat général sur l'impact de la révolution numérique pour la culture, s'est étonné de la justification des démarches entreprises, qui laisserait supposer son caractère inéluctable. Il a demandé si la liste des principes intangibles d'un éventuel partenariat était déjà établie. Puis, il s'est inquiété du fait que Google pourrait détenir la mémoire universelle, les bibliothèques nationales n'étant que des partenaires.
Il a jugé que l'exclusivité dont Google bénéficierait pendant une certaine période constituerait, pour cette société, une immense contrepartie, lui permettant de capter une part croissante du marché publicitaire. A cet égard, il a rappelé le débat actuel sur la participation des moteurs de recherche et des fournisseurs d'accès à internet au financement de la création.
S'insurgeant contre la dénonciation de poètes chinois par des moteurs de recherche, il a souhaité que le respect de principes éthiques leur soit imposé comme condition à tout partenariat éventuel.
Enfin, il a évoqué la possibilité que des fonds publics permettent, dans un cadre mondial et surtout européen, de procéder à la numérisation des oeuvres, sans qu'il soit besoin de conclure de tels partenariats.
a apporté aux orateurs les éléments de réponse suivants :
- la Bibliothèque de Lyon est la seule bibliothèque municipale à avoir conclu un accord avec Google mais des négociations sont en cours avec une bibliothèque universitaire ;
- les discussions de la BNF avec Google n'ont porté que sur une base technique ;
- il paraît peu pertinent d'évoquer la propriété de la mémoire collective, dans la mesure où c'est la propriété d'un fichier numérique qui y donne accès. Certes, le moteur de recherche est dépositaire de cette mémoire pendant la période d'exclusivité (de 20 ans à Lyon), mais les partenaires retrouvent ensuite leur liberté. Or, il faudrait plus de 20 ans à notre pays pour réaliser une opération de numérisation d'une telle ampleur ;
- néanmoins, dans le cadre des réflexions sur le grand emprunt, il a été proposé d'y consacrer 100 millions d'euros, ce qui ne permettrait toutefois de réaliser que 5 à 15 % de l'objectif, sur cinq ans ;
- il était envisageable de mobiliser les Européens sur le sujet voilà cinq ans. Tel n'est plus le cas aujourd'hui, compte tenu à la fois de leur manque de volonté politique et des dispositions alternatives retenues par nos voisins.
La commission a ensuite entendu M. Jean-Noël Jeanneney, ancien président de la Bibliothèque nationale de France.
Après avoir évoqué l'accueil privilégié que lui avait réservé la commission des affaires culturelles, en janvier 2006, lors d'une précédente audition et le soutien explicite apporté à ses thèses qui s'était avéré très utile dans la poursuite de son « combat », M. Jean-Noël Jeanneney a précisé, tout d'abord, qu'il s'était imposé un devoir de réserve à l'égard des orientations de son successeur à la présidence de la Bibliothèque nationale de France. Or, l'apparent revirement de la position de la BNF concernant la numérisation des collections par rapport à une ligne qu'il avait considérée comme définitive et soutenue par la représentation nationale, l'a conduit à intervenir publiquement au mois d'août dernier. Il a indiqué aussi que, dans le cadre d'une invitation qui lui avait été faite par la Bibliothèque nationale de la Diète au Japon, ses interlocuteurs, bibliothécaires, universitaires, éditeurs, lui avaient fait part de leur incrédulité et de leur stupéfaction à propos de l'abandon de cette ligne de conduite par la France.
Il a fait remarquer que les thèses qu'il défendait concouraient à lutter contre le monopole culturel, conformément aux résolutions adoptées par l'UNESCO en 2005, et que le brusque revirement de notre pays, s'il se produisait effectivement, interviendrait au moment où la situation hégémonique de Google, au niveau mondial, est remise en cause. Puis, il a dénoncé la violation des règles les plus élémentaires du droit d'auteur, héritées du XIXe siècle, par Google qui s'est approprié un nombre considérable d'ouvrages non libres de droits, afin de les mettre en ligne dans une proportion de 30 à 40 % de leur contenu.
Il a mentionné les protestations qui se manifestaient en Europe et au Japon de la part des éditeurs contre Google, notamment concernant l'accord passé par les éditeurs américains avec ce dernier qui conduirait à numériser des livres originaires d'autres pays sans l'accord des éditeurs concernés.
Exposant les dimensions culturelles, financières, économiques et politiques de cette question, mais aussi citant la responsabilité de l'Etat, il a défendu la ligne adoptée entre 2005 et 2007, dans ses précédentes fonctions de président de la Bibliothèque nationale de France, après avoir levé toute ambiguïté sur les reproches qui lui étaient parfois adressés sur son éventuel positionnement antiaméricain et son hostilité supposée vis-à-vis des nouvelles technologies.
Dans une présentation qu'il a souhaité novatrice de sa position, M. Jean-Noël Jeanneney a organisé sa réflexion autour de « 3 V », à savoir « le grand risque qui est celui du vrac, accru par la vitesse et qui pose immédiatement la question de la validation ». Il a fait observer que la question fondamentale qui se pose est celle du classement, c'est-à-dire de l'ordre des propositions qui sont faites aux utilisateurs sur Internet, principalement aux enseignants et aux journalistes qui, en tant que médiateurs de la connaissance, s'appuient essentiellement sur ce type de ressources documentaires.
Contestant la volonté de Google d'organiser l'information du monde, il a déclaré se méfier d'une forme de bonne conscience associée à la prospérité économique. Il a réfuté aussi le fait que le souci commercial et le succès conduisent à organiser la nature de l'offre.
Il a fait observer également que dans le domaine du numérique la gratuité n'existait pas, puisque son financement repose soit sur le paiement à l'acte, soit sur le contribuable, soit sur le consommateur par l'intermédiaire de la publicité. Il a mis en avant le rôle d'organisation, d'incitation et de validation des institutions nationales dans ce domaine à partir de toutes les compétences, notamment celles des bibliothécaires.
Au regard de l'évolution rapide des technologies, il a insisté sur le problème de la pérennité des oeuvres et de leur migration sur différents supports. Partant du principe d'une adaptation du contenu à chaque support, il a déclaré accorder davantage sa confiance à une institution qui a vocation à pérenniser les oeuvres qu'à une entreprise. Il a cité en exemple la politique de conservation et de mise en ligne de l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Il a considéré, par ailleurs, que le cadre institutionnel était plus adapté à une collaboration européenne, concrétisée ainsi par la mise en oeuvre du projet de bibliothèque européenne intitulé Europeana.
Concernant la défense de la francophonie, il a indiqué qu'avait été lancé avec les Canadiens, les Suisses, les Belges et les pays francophones d'Afrique un projet de réseau francophone avec une attention particulière à la numérisation des journaux. Il a rappelé la dotation spécifique apportée par le Sénat, qui a contribué à la numérisation d'une vingtaine de journaux nationaux et régionaux à partir du milieu du XIXe siècle.
Enfin, il a réfuté l'objection sur le caractère trop centralisateur du projet initial, en soulignant la nécessité d'une collaboration étroite, notamment avec les éditeurs, en mettant en place un système de micro-paiement pour valoriser le stock important d'oeuvres qui ne sont plus disponibles en librairie et difficiles d'accès, et avec les grandes bibliothèques régionales. Il a estimé également que l'objection qui tend à considérer que l'Etat n'a pas les compétences techniques nécessaires pour entreprendre ce travail était contredite par l'existence d'entreprises françaises et européennes qui s'étaient préalablement lancées dans la numérisation.
Pour conclure, il a relativisé la question du coût de la numérisation, en indiquant que la Diète au Japon avait récemment décidé de multiplier par cent le crédit accordé à sa bibliothèque nationale, à hauteur de 90 millions d'euros pour numériser 900 000 ouvrages en japonais dans les deux ans à venir.
Il a rappelé que le soutien particulier que lui avait apporté l'ancien président de la République avait permis de dégager alors une enveloppe budgétaire supplémentaire de 10 millions d'euros par an qui permettait la numérisation de 100 000 à 150 000 ouvrages.
Après des applaudissements nourris des commissaires, un débat s'est engagé.
a remercié le président pour l'organisation de cette audition qui permet à la commission de réaffirmer ses convictions et de jouer pleinement son rôle de garant de la protection de la mémoire collective.
a rappelé qu'il avait défendu devant le Parlement la loi sur le dépôt légal, qui relève entre autres de l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Il a estimé préoccupant le déséquilibre existant au sein de la base Europeana en faveur des archives audiovisuelles au détriment des documents écrits.
a souhaité disposer d'éléments d'information sur le modèle économique cité en référence.
a indiqué que l'étude qu'il avait menée à l'époque comprenait deux volets : l'estimation du coût financier pour la Bibliothèque nationale de France de la numérisation, et la capacité matérielle à déplacer les ouvrages pour conduire l'opération. Les moyens nécessaires à la saisie des livres en cause avaient pu être ainsi dégagés, pour un coût estimé à 10 millions d'euros par an, jugé suffisant compte tenu des économies d'échelle réalisables en raison du nombre de livres numérisés. Une collaboration avec les éditeurs avait également été envisagée pour les mettre en situation de partenaires. Il a mentionné enfin la récente création d'une commission, présidée par l'éditeur Claude Durand, pour engager une réflexion sur la numérisation des livres.
Reprenant les propos de M. Bruno Racine sur le caractère nécessairement exhaustif de la numérisation des collections et la nécessité de recourir à des prestataires extérieurs, alors que les bases Gallica et Europeana se développent lentement, M. Jacques Legendre, président, a souhaité connaître le sentiment de l'ancien président de la Bibliothèque nationale de France sur ce sujet. Il a rappelé également l'enthousiasme de la commission chargée de la culture de l'Assemblée du Conseil de l'Europe et de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, suscité par le lancement du projet Europeana, tout en déplorant un contenu actuellement plus axé sur l'image que sur l'écrit.
Evoquant le nombre de titres parus depuis l'invention de l'imprimerie - de l'ordre de 120 à 150 millions -, M. Jean-Noël Jeanneney a considéré que l'exhaustivité en la matière n'avait aucun sens et qu'une réflexion sur la détermination de critères était essentielle. Il a suggéré ainsi la numérisation de tous les livres ayant porté le développement de notre culture occidentale, de ceux qui ont été particulièrement traduits ainsi que des traités de droit, pour oeuvrer à la préservation du droit continental contre le droit anglo-saxon.
Il a précisé que la base Europeana avait été initiée avec les Hongrois et les Portugais avec une approche des titres par arborescence, pour regretter ensuite l'abandon d'une telle ambition et la marginalisation progressive du volume de livres disponibles.
Il a jugé inquiétants les propos de Mme Viviane Reading, commissaire européenne responsable de la société de l'information et des médias, sur la nécessité de faire évoluer la législation relative aux droits d'auteur en Europe et de signer des accords avec des partenaires privés compte tenu des aspects financiers en jeu.
a souhaité savoir si les bibliothèques du Sénat et de l'Assemblée nationale pourraient contribuer au développement du processus de numérisation des collections des bibliothèques nationales.
Approuvant cette idée, M. Jean-Noël Jeanneney a reconnu avoir échoué dans sa tentative à convaincre les présidents respectifs des deux assemblées de l'utilité d'entreprendre rapidement la numérisation de l'ensemble des débats parlementaires.
a précisé que cette opération était désormais en cours de réalisation et qu'une réflexion sur la numérisation des fonds de la bibliothèque du Sénat était engagée.
a mis en garde contre le danger de la marchandisation de tout ce qui touche à l'imaginaire et à la création. Il a insisté en outre sur la nécessité d'entreprendre une action commune sur le plan européen.
Soulignant que plus de la moitié des documents figurant sur la base Europeana étaient d'origine française, M. Jacques Legendre, président, s'est interrogé sur l'attitude de plusieurs pays européens qui optent désormais plutôt pour des solutions d'ordre commercial.
A cet égard, M. Jean-Noël Jeanneney a distingué l'attitude de la Grande-Bretagne, qui tend à opter pour des solutions autonomes, de celle des autres pays européens et a insisté sur la nécessité de donner confiance aux autres pays européens dans la possibilité d'affirmer leur destin.
La commission a ensuite entendu M. Philippe Colombet, directeur du projet Livre Google France.
a exprimé la préoccupation de la commission devant le débat sur un projet de partenariat entre la Bibliothèque nationale de France (BNF) et Google. Il a souhaité connaître le point de vue de Google sur la numérisation des richesses des grandes bibliothèques, sur le rôle de l'entreprise et sur les conditions matérielles et surtout légales de la réalisation de ce projet.
Après avoir remercié le président et les membres de la commission de l'avoir invité, M. Philippe Colombet a brièvement présenté son parcours, notamment dans le secteur de l'édition, et son rôle chez Google. Il a retracé l'historique de développement du projet Google Livres, né au milieu des années 1990 alors que les deux fondateurs du groupe, Larry Page et Sergey Brin, étaient étudiants à Stanford et qu'ils se demandaient comment rendre une bibliothèque accessible au plus grand nombre. Il a précisé que c'est en 2004, après la création du moteur de recherche de Google, que le projet Google Livres a été présenté au salon des éditeurs de Francfort.
a présenté, ensuite, la politique de Google Livres en matière d'ouvrages publics : l'idée maîtresse part du constat que l'information disponible est de deux natures, la première étant l'information en ligne donc déjà accessible sur l'internet, la deuxième étant de nature analogique et correspondant aux archives, journaux, thèses et livres. Il a souligné le paradoxe de la situation puisque l'information la plus accessible, car déjà sur la toile, ne représenterait que 10 à 15 % de l'information globale, l'essentiel de la connaissance venant des livres. Il a ainsi résumé l'objectif de Google Livres qui est de permettre aux internautes d'accéder à ces contenus analogiques, et pour cela de rendre possible leur identification par le moteur de recherche. L'enjeu est ainsi celui de la visibilité des contenus académiques, universitaires et grand public.
Il a évoqué la perspective de numérisation de plusieurs dizaines de millions de livres, jusque dans 40 langues différentes, qui ne peut s'inscrire que dans une logique de partenariat, Google n'étant ni une bibliothèque ni un éditeur. Le projet Livres vise à répondre aux besoins propres des partenaires de Google, c'est-à-dire, pour ce qui concerne les ouvrages tombés dans le domaine public, à concilier les deux axes de conservation et de visibilité des contenus.
Pour illustrer l'objectif de conservation, M. Philippe Colombet a fait référence à la bibliothèque de Gand dont les ouvrages, destinés à une numérisation, ont failli être détruits à la suite d'une inondation importante. Il a ainsi estimé que Google Livres rend un premier service de mémoire en garantissant la conservation d'un patrimoine souvent unique. Il est ensuite revenu sur l'objectif de visibilité qui tend à rendre ces fonds accessibles au plus grand nombre, et a cité le témoignage du directeur de la Bibliothèque de Lyon relatif aux chercheurs qui utilisent au quotidien Google pour leurs travaux à partir d'ouvrages anciens numérisés, illustrant ainsi l'intérêt de ces nouvelles technologies pour les ouvrages appartenant au domaine public.
Il a indiqué que Google, après avoir numérisé un ouvrage, en transmet une copie à la bibliothèque partenaire qui peut ainsi alimenter sa propre bibliothèque numérique, tandis que le référencement par le moteur de recherche en garantit la visibilité. Le partenariat s'inscrit donc dans une démarche de « maximisation » de la rencontre entre les « curieux » (chercheurs, étudiants) et les contenus, à l'instar de la logique du « Guichet du savoir » de la Bibliothèque de Lyon.
a insisté en outre sur l'importance de l'enjeu de développement d'un espace francophone pour Google Livres, le français étant la quatrième langue de recherche après l'anglais, l'espagnol et l'allemand. Il a précisé que cet enjeu était une priorité depuis 2005 pour Google qui doit s'efforcer de proposer un contenu reflétant cette réalité. Aujourd'hui trois bibliothèques francophones ont établi un partenariat avec Google Livres et représentent environ 100 000 livres pour la Suisse, 300 000 en Belgique et entre 400 et 500 000 ouvrages issus de la Bibliothèque de Lyon. Il a détaillé les grandes lignes du projet de cette dernière, avec la mise en place d'un centre de numérisation à la charge de Google employant des salariés locaux pour une durée qui variera entre 5 et 10 ans. Il a souligné l'attachement de Google à ne pas laisser s'imposer une prédominance de la langue anglaise dans l'offre de contenus.
a abordé le second volet du projet Google Livres qui concerne les partenariats avec les éditeurs pour l'accès aux livres sous droits. Faisant référence à un échange avec des lycéens de la ville de Verdun ayant eu lieu la veille, il a noté qu'un programme de livres numériques qui ne prendrait pas en compte ces ouvrages ne répondrait pas aux besoins des internautes. Il a ajouté que les objectifs d'un éditeur diffèrent de ceux d'une bibliothèque puisque l'intérêt de la conservation s'efface au profit de celui de la commercialisation. Dans cette perspective, Google Livres propose à l'éditeur partenaire de choisir les titres des livres publiés qui sont affichés à l'issue d'une recherche à partir d'un nom d'auteur, l'internaute ayant ensuite la charge de se procurer lesdits ouvrages auprès d'une librairie réelle ou virtuelle. Il a précisé que pour aider l'internaute à se décider dans l'achat d'un livre, Google Livres lui permet d'en feuilleter 20 % du contenu. Après avoir rappelé le caractère gratuit du service de référencement dans le moteur de recherche proposé par Google Livres, il a enfin précisé qu'il existe aujourd'hui 10 millions de livres numérisés et référencés avec une part croissante d'ouvrages français.
après avoir souligné l'atout majeur que représente l'arrivée d'internet, s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles de tels projets peuvent être menés aujourd'hui. Evoquant la controverse judiciaire aux Etats-Unis, où Google a été attaqué sur le fondement de la violation des droits d'auteur, et l'action des éditions « la Martinière » en France, il s'est étonné des arguments de l'avocate de Google ayant remis en cause la compétence de la justice française ainsi que l'étendue de la protection des droits d'auteurs sur les versions numériques de leurs oeuvres. Il s'est ensuite inquiété de la procédure d'affichage des résultats d'une recherche qui traditionnellement correspond au plus grand nombre de requêtes et risque de faire abonder dans un sens déjà connu. Il a enfin demandé que soit communiqué à la commission l'accord entre Google et la Bibliothèque de Lyon, dans un esprit de transparence et pour mettre fin aux controverses et inquiétudes suscitées par un tel partenariat.
a reconnu que les auteurs et éditeurs américains avaient exprimé leur désaccord sur la façon dont Google avait numérisé des livres sans les consulter. Il a cependant rappelé la démarche de Google, initiée dès 2005, pour imaginer un accord satisfaisant toutes les parties et proposant un nouveau modèle d'accès aux livres épuisés. Il a rappelé que selon le principe du « fair use » ou « usage raisonnable », jamais une page entière n'a été rendue accessible tandis qu'était donnée l'indication pour se procurer le livre. Il a noté que le juge américain et le département de la justice ont souligné, si un accord était finalement trouvé, les progrès qui seraient alors réalisés par rapport à ces oeuvres épuisées pour définir un modèle d'offre légale rémunérant leurs auteurs et les éditeurs. Il a ajouté qu'après une étude des droits d'auteur en Europe, Google a conclu que les partenariats devaient se concentrer sur les livres libres de droits, et que si certains ouvrages européens étaient concernés, c'était en leur qualité d'ouvrages appartenant à des bibliothèques américaines. Il a enfin proposé de relayer la demande de la commission auprès de la Bibliothèque de Lyon pour que le contrat de partenariat avec Google soit rendu public.
a fait part de son scepticisme sur le projet de partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, qui pourrait la déposséder de son patrimoine, et demandé si Google avait une compétence exclusive sur la technologie utilisée pour numériser les ouvrages. Il a également souhaité savoir si, sur le long terme, Google était le seul à pouvoir techniquement lire et exploiter la copie transmise à la bibliothèque.
a précisé que tous les partenaires actuels avaient antérieurement un projet interne de numérisation de leurs fonds. Si Google possède ses propres logiciels, d'autres sociétés ont les compétences pour effectuer ce même travail et peuvent d'ailleurs répondre aux appels d'offre. Cependant, Google contribue à l'assurance de la visibilité des ouvrages qui justifie de tels investissements dans les projets de numérisation.
a réagi en évoquant une sorte de « chantage », estimant que l'accessibilité devrait être toujours garantie, même pour les ouvrages numérisés par d'autres sociétés.
a alors souligné que l'intérêt d'un partenaire est de maximiser les chemins d'accès et que la liberté de choix qu'il est bien normal de défendre n'empêche pas d'utiliser le portail de Google Livres.
a demandé des précisions sur la part de livres français dans les 10 millions d'ouvrages aujourd'hui numérisés.
a souhaité connaître la durée de l'exclusivité figurant dans l'accord avec la Bibliothèque de Lyon, puis souligné l'antinomie d'un système visant à numériser des ouvrages libres de droits et reposant financièrement sur la publicité.
a souhaité savoir comment Google Livres travaillait avec les collectivités territoriales.
s'est interrogé sur la nécessité de l'exhaustivité de la numérisation d'un fonds de bibliothèque. Il a aussi demandé comment Google conciliait la logique consistant à orienter les internautes vers les pages les plus intéressantes commercialement avec la qualité du contenu attendue dans la recherche d'un savoir.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- il est difficile de donner un chiffrage précis compte tenu de l'évolution quotidienne des fonds numérisés ; les partenariats avec les bibliothèques de Gand, Lausanne et Lyon représentent entre 900 000 et un million d'ouvrages ;
- on constate le grand engouement pour les livres anciens ;
- toutes les universités françaises ont une maison d'édition et elles ont choisi le référencement de leurs ouvrages dans le moteur de recherche ;
- le chantier de numérisation de la bibliothèque de Lyon devrait s'étaler sur dix années ;
- la durée des opérations dépend également de la capacité des bibliothèques à faire la sélection des ouvrages, Google n'ayant aucune compétence pour choisir les livres devant être numérisés ;
- les fichiers transmis aux partenaires ont un caractère tout à fait standard ; ces derniers sont invités à en choisir le format, généralement très stable au regard de l'évolution technologique des 20 dernières années ;
- Google opte principalement pour une approche contractuelle classique, mais n'écarte pas les appels d'offres publics, qui ont d'ailleurs débouché sur quelques partenariats comme à Lyon ou en Bavière ;
- les bibliothèques peuvent adopter différentes stratégies en fonction de l'ampleur de leur fonds. Google Livres ne souhaite pas effectuer ce choix qui est laissé aux partenaires ;
- aucune page de publicité ne figure en face des résultats pour les oeuvres appartenant au domaine public, tandis que cette possibilité est laissée au choix des éditeurs.
Au cours de la même séance, la commission a procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a nommé :
sur la proposition de loi n° 590 (2008-2009) de M. David Assouline visant à réguler la concentration dans le secteur des médias ;
sur la proposition de loi n° 612 rectifié (2008-2009) de M. Yvon Collin relative au service civique ;
sur la proposition de loi n° 633 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.
La commission a ensuite désigné M. Yves Dauge comme candidat proposé à la nomination du Sénat pour siéger comme membre titulaire au conseil d'administration de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.