La commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010 de M. François Patriat, sur les crédits du compte spécial « Participations financières de l'Etat ».
En préambule, M. François Patriat, rapporteur, a indiqué qu'il s'agit d'un compte d'affectation spéciale retraçant les opérations de gestion des parts que l'Etat détient dans le capital d'entreprises publiques, comme EDF, ou d'entreprises privées, comme Renault. Ce compte retrace à la fois les dépenses, notamment les prises de participation, ainsi que les recettes liées à ces participations. Il s'agit des dividendes perçus par l'Etat et du produit de la vente des participations à l'occasion d'ouvertures de capital ou de privatisations. Le fonctionnement de ce compte est très simple puisqu'un euro de recette permet de réaliser un euro de dépense.
Puis, M. François Patriat, rapporteur, a expliqué que, cette année, il avait décidé de donner une tonalité particulière à l'examen de ce compte en analysant le rôle effectif de l'Etat dans la stratégie des entreprises dans lesquelles il détient une participation. Il lui est ainsi apparu que, si l'Etat se comporte comme un actionnaire cherchant avant tout à défendre ses intérêts patrimoniaux, il n'en demeure pas moins que sa mission est caractérisée par certaines spécificités.
Il a ensuite formulé plusieurs observations relatives au compte d'affectation spéciale :
- le niveau d'information du Parlement reste très limité sur des projets d'évolution de la structure du capital d'entreprises qui constituent pourtant des fleurons de l'industrie française. Cette exigence de transparence vis-à-vis de la représentation nationale trouve néanmoins des limites liées à la nature même des opérations réalisées dans le cadre de ce compte ;
- l'architecture du compte pour 2010 reste inchangée, les programmes 731 et 732 étant toujours pilotés par l'Agence des participations de l'Etat (APE), bras séculier de l'Etat en la matière. Les priorités budgétaires demeurent elles aussi inchangées, la très grande majorité des crédits, soit 80 % des 5 milliards d'euros de ce compte, étant consacrée au désendettement public. On peut s'interroger sur l'efficacité de ce mécanisme eu égard à l'ampleur du déficit public estimé pour 2010 à 116 milliards d'euros.
Abordant ensuite l'exercice par l'Etat de sa mission d'actionnaire, il a précisé que celui-ci dispose d'un portefeuille très diversifié, constitué de non moins de 55 unités contre 51 en 2007, représentant un total de bilan combiné de 539 milliards d'euros. S'agissant plus précisément des sociétés cotées, il a constaté un bilan en demi-teinte, du fait de la baisse de la valeur des participations de l'Etat dans les entreprises cotées en bourse, passant de 128,5 à 104,6 milliards d'euros entre septembre 2008 et septembre 2009. La valeur de marché de ce portefeuille a donc diminué de 24 milliards d'euros et ne représente plus que 14,8 % de la capitalisation du CAC 40 au 15 septembre 2009 contre 17 % un an auparavant.
Néanmoins, si la crise économique a fait chuter la valeur du portefeuille de l'Etat, ses dividendes résistent. Ils devraient s'établir en 2009 à 4,9 milliards d'euros contre 5,6 milliards en 2008 et traduisent le pragmatisme de l'Etat, qui a accepté de recevoir des dividendes sous forme d'actions de certaines entreprises qui souhaitent préserver leur trésorerie et leurs fonds propres.
Malgré la baisse en valeur des dividendes, le taux de distribution est, quant à lui, de l'ordre de 60 % contre 40 % en 2008. Si le Gouvernement soutient qu'« il s'agit d'un taux en ligne avec celui observé sur le CAC 40 », il s'agit surtout d'un taux record, jamais atteint depuis la création de l'APE en 2003, et en décalage avec la volonté affichée du Président de la République de minorer la rémunération des actionnaires au profit de l'investissement et des salariés.
S'agissant de la gouvernance des entreprises à participation publique, M. François Patriat, rapporteur, a pris bonne note que ce sujet constitue « un point d'attention permanent de l'Etat », comme l'a rappelé M. Bruno Bézard, directeur général de l'APE, lors de son audition. Par ailleurs, il s'est félicité de l'institution par le pouvoir constituant d'une nouvelle procédure modifiant les conditions dans lesquelles s'exerce le pouvoir de nomination du Président de la République en matière de direction d'entreprises publiques revêtant une importance particulière dans la vie économique et sociale de la Nation.
Pour autant, il a souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur les nombreuses carences qui existent encore en matière de gouvernance. S'agissant de la composition des conseils d'administration, il a dénoncé la sous représentation manifeste des femmes dans ces structures, la parité étant loin d'être respectée, puisque les conseils d'administration des entreprises du périmètre public comptent seulement 101 femmes contre 789 hommes, soit un rapport de 1 à 8.
S'agissant ensuite du niveau de rémunération des dirigeants d'entreprises relevant du portefeuille de l'Etat, il a souligné le malaise qu'il provoque dans l'opinion publique, rappelant que, très récemment, M. Gérard Larcher, président du Sénat, admettait que ce sujet « devait être mis sur la table ». M. François Patriat, rapporteur, a donc suggéré la mise en place d'une mission d'information sur cette question le plus rapidement possible, rappelant à cet égard que de nombreux élus se sont étonnés des conditions posées par M. Henri Proglio pour assurer la présidence d'EDF, à savoir un doublement du salaire attaché à cette fonction. Ne contestant nullement les grandes qualités de ce dirigeant, il a souhaité voir relayé l'émoi de l'opinion publique sur ce sujet, au moment même où les Français doivent affronter la crise.
En définitive, il a souligné que les entreprises du secteur public doivent être aussi bien gérées que celles du secteur privé. Dans cette perspective, il a indiqué avoir consacré un large développement à la stratégie de l'Etat actionnaire à travers deux exemples : la SNCF confrontée à la redéfinition de ses objectifs stratégiques dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) présenté il y a un an par le Président de la République comme « un fonds souverain à la française ». L'impératif de bonne gestion n'est en rien opposé à celui du développement industriel des entreprises dont l'Etat est actionnaire.
A cet égard, le retour de l'Etat dans la politique industrielle, marqué notamment par la création du FSI, est positif si l'objectif est bien de faire face aux enjeux du futur et de préparer l'avenir en opérant les révolutions industrielles qui s'imposent dans différents secteurs. En revanche, on peut être plus réservé s'il s'agit de multiplier les participations minoritaires comme cela est le cas du FSI aujourd'hui, sans vision pour l'Etat propriétaire.
Pour toutes ces raisons, M. François Patriat, rapporteur, a proposé à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire de s'abstenir quant à l'adoption des crédits inscrits au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » pour 2010.
a fait observer que les enjeux liés aux participations financières de l'Etat n'étaient pas du tout anecdotiques malgré leur faible poids budgétaire. Ainsi, le débat sur la présence de l'Etat dans les grandes entreprises, trouve une actualité certaine avec le récent examen par le Sénat du projet de loi réformant le statut de La Poste.
Par ailleurs, il a souhaité connaître la liste précise des entreprises faisant partie du périmètre de l'Agence des participations de l'Etat (APE) afin de bien mesurer l'influence de l'Etat dans des secteurs très diversifiés.
L'examen de ce compte d'affectation spéciale permet également de s'interroger sur le niveau pertinent de la participation de l'Etat dans les différentes entités de son périmètre, et d'arbitrer, selon la nature des entreprises, en faveur ou non de leur privatisation.
Faisant état de son expérience de membre du conseil d'administration de la SNCF représentant l'Etat, il a reconnu que si celui-ci était très présent, il ne pouvait en dernier ressort décider seul puisque, pour le seul groupe SNCF, il existe plus de 700 filiales. Il a toutefois considéré que l'Etat pouvait parfois avoir un rôle déterminant, comme l'a illustré l'intervention en faveur d'Alstom, pour un montant de 800 millions d'euros.
Enfin, il a estimé qu'il pourrait s'avérer pertinent pour la commission d'auditionner l'année prochaine M. Bruno Bézard, directeur général de l'APE, sur ces sujets.
a indiqué que la liste précise des entreprises dans lesquelles l'Etat détient une participation figure sous forme de tableau dans l'avis qu'il présente et qu'un chapitre particulier est consacré à la SNCF ainsi qu'à ses filiales. S'agissant du rôle de l'Etat actionnaire, l'APE, notamment en la personne de son directeur général, participe activement et avec discernement à de nombreux conseils d'administration.
Prenant bonne note du retour de l'Etat dans la politique industrielle, M. Michel Teston s'est toutefois interrogé sur la lisibilité de l'intervention publique en la matière et il a indiqué que le groupe socialiste suivrait le rapporteur en s'abstenant de voter les crédits de cette mission. Par ailleurs, il a estimé que le Parlement devait se saisir pleinement de la question du rôle de l'Etat dans la politique industrielle, reconnaissant que, dans le contexte de croissance des prises de participation étrangères dans les entreprises françaises, ce sujet revêtait une importance stratégique.
a reconnu que cette question méritait, en effet, un vrai débat au sein de la commission compte tenu notamment des enjeux que représente ce sujet en matière d'emploi.
a fait observer que son avis budgétaire précédent avait été l'occasion d'apporter des éclairages particuliers sur la stratégie de l'Etat actionnaire pour les entreprises AREVA et La Poste, faisant valoir à cet égard que ces sujets avaient trouvé une actualité ces derniers jours, notamment s'agissant de la reprise d'une filiale d'AREVA.
Cette année, en choisissant de s'intéresser à la SNCF et au Fonds stratégique d'investissement (FSI), il a souhaité démontrer la nécessité pour l'Etat de se comporter en actionnaire stratégique influençant directement la politique industrielle de la France.
Contre l'avis du rapporteur qui a proposé de s'abstenir sur l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » pour 2010, la commission a émis un avis favorable.
La commission a ensuite examiné le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010 de M. Claude Lise sur les crédits de la mission « Outre-mer ».
A titre liminaire, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a souligné que l'effort de la nation en faveur des collectivités ultramarines dépassait le strict cadre de la mission « Outre-mer », dotée d'environ 2 milliards d'euros de crédits budgétaires pour 2010 et à laquelle sont rattachées des dépenses fiscales dont le montant s'élève à 3,46 milliards d'euros. Le document de politique transversale (DPT) relatif à l'outre- mer, annexé au projet de loi de finances pour 2010, reflète en effet l'importance de l'action de l'État en outre-mer : celui-ci devrait consacrer l'an prochain, hors dépenses fiscales, plus de 13 milliards d'euros à l'ensemble de ces territoires.
a également relevé que l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » par la commission de l'économie intervenait quelques jours après les annonces faites par le Président de la République en conclusion du premier Conseil interministériel de l'outre-mer.
Il a tout d'abord relevé que le budget 2010 intervenait dans un contexte très particulier : l'année 2009 a été marquée par une crise d'une gravité historique dans les départements d'outre-mer. Après un premier mouvement social à la fin de l'année 2008 en Guyane, les départements antillais ont connu une véritable explosion sociale. La Guadeloupe puis la Martinique ont été touchées par une grève générale, s'appuyant notamment sur des revendications relatives au coût de la vie et au pouvoir d'achat. Cette grève a paralysé l'économie des deux départements pendant de longues semaines et la crise n'a finalement été résolue qu'au début du mois de mars 2009 par la signature d'accords entre les collectifs, l'État et les collectivités territoriales.
L'année 2009 a également été marquée par l'adoption de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), promulguée le 27 mai 2009. Engagement de campagne du Président de la République, elle a été votée à la suite du conflit social et enrichie afin de répondre aux revendications des collectifs antillais. M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a rappelé que cette loi comprenait de nombreuses mesures, dont la mise en place des zones franches d'activité (ZFA) dans les quatre départements d'outre-mer et la réorientation du dispositif de défiscalisation en matière de logement vers le logement social.
L'année 2009 a enfin été ponctuée par plusieurs initiatives de réflexion sur la situation de l'outre-mer. Le Président de la République a lancé, en février 2009, les États généraux de l'outre-mer auxquels la population ultramarine a participé et qui ont été organisés autour de huit thèmes. Le Conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre s'est appuyé sur leurs travaux pour annoncer de nombreuses mesures devant constituer un « plan de modernisation de l'outre-mer et une redéfinition de ses relations avec la métropole ».
a également salué les travaux de la mission commune d'information sénatoriale sur la situation des départements d'outre-mer qui, au terme d'un important travail d'écoute, a formulé des analyses et cent propositions très pertinentes. Il a appelé de ses voeux un véritable suivi en 2010 de la mise en oeuvre de ces propositions.
Après avoir rappelé ce contexte, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a estimé que le budget 2010 n'était pas à la hauteur des enjeux, en dépit d'une augmentation de plus de 6 % des crédits de la mission par rapport à 2009.
Il a tout d'abord relevé que la LODEOM restait aujourd'hui largement inapplicable, faute de publication de nombre de mesures d'application.
Il a ensuite estimé que l'augmentation de près de 10 % des crédits du programme « Emploi outre-mer » était essentiellement liée au nouveau dispositif d'exonération de charges sociales et devrait être relativisée eu égard à la sous-budgétisation persistante du remboursement de ces exonérations de charges par l'État aux organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, il a indiqué craindre que l'augmentation limitée des crédits destinés au service militaire adapté (SMA), dans le cadre du plan « SMA 6 000 » lancé par le Président de la République, ne conduise à une détérioration de la qualité de la formation dispensée dans le cadre d'un dispositif dont le succès est pourtant unanimement reconnu.
Puis il a attiré l'attention de la commission sur deux éléments relatifs au programme « Conditions de vie outre-mer » :
- il a souligné que la priorité de ce programme restait le logement, qui représente près du tiers des crédits. Le caractère central de la ligne budgétaire unique (LBU) en matière de politique de logement outre-mer est maintenu mais la question des dettes de l'État à l'égard des bailleurs sociaux reste entière ;
- il a regretté le manque de moyens destinés au renforcement de l'insertion régionale des collectivités d'outre-mer dans leur environnement régional, renforcement que la mission d'information sénatoriale a pourtant appelé de ses voeux. Les crédits destinés à l'insertion régionale diminuent de 3,5 % dans le budget 2010.
Enfin, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a souhaité porter une attention particulière sur deux questions centrales pour les collectivités d'outre-mer :
- il a souligné que, malgré leur situation financière très difficile, les collectivités territoriales, notamment les conseils régionaux et généraux, jouaient en outre-mer un rôle majeur en matière de soutien à l'activité économique. Ainsi, les collectivités départementales des DOM consacrent près de 350 euros par habitant à des dépenses d'investissement contre environ 290 en métropole, et les collectivités régionales 370 euros par habitant contre 130 euros en métropole ;
- il a estimé que l'organisation des transports était un enjeu majeur dans les DOM, saluant l'adoption d'un amendement qu'il avait déposé sur le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, habilitant le conseil général de la Martinique à déterminer un périmètre unique et une autorité organisatrice unique des transports urbains. Il a relevé le caractère ubuesque de la situation actuelle en Martinique où coexistent seize autorités organisatrices des transports.
En conclusion, il a estimé que le budget pour 2010 n'était pas à la hauteur des attentes exprimées au cours de l'année 2009, ni des ambitions affichées par le Président de la République en conclusion du Conseil interministériel de l'outre-mer. En conséquence, il a proposé à la commission de ne pas émettre d'avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010.
a rappelé que la secrétaire d'État à l'outre-mer avait été promue ministre à la suite du Conseil interministériel de l'outre-mer.
Après avoir salué la qualité de la présentation du rapporteur pour avis, M. Michel Teston s'est interrogé sur l'efficacité du dispositif de défiscalisation en matière de logement social mis en place par la LODEOM et sur les débats institutionnels actuels en outre-mer.
Après avoir indiqué avoir été dès l'origine sceptique quant à l'efficacité du dispositif de défiscalisation en faveur du logement social, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a souligné que, dans la pratique, l'élaboration de projets associant défiscalisation et LBU était d'une grande complexité. Il a estimé que la réhabilitation des logements et la viabilisation devaient constituer de véritables priorités.
S'agissant du volet institutionnel, il a rappelé que des débats avaient lieu aujourd'hui en Guyane et en Martinique, portant sur le passage du régime de l'article 73 de la Constitution à celui de l'article 74. Deux consultations auront donc lieu au mois de janvier 2010 : la première portant sur le passage au régime de l'article 74 ; la seconde porterait, en cas de vote négatif lors de la première consultation, sur la mise en place d'une collectivité unique avec une assemblée unique dans le cadre actuel de l'article 73.
a estimé que le régime de l'article 74 de la Constitution ne fonctionnait pas bien à Saint-Pierre-et-Miquelon où des conflits existent entre le pouvoir exécutif local et les services de l'État. Il a donc considéré que, plus que le régime de l'article 74, c'est le statut de la collectivité qui importe. Il a estimé que les difficultés de l'outre-mer n'étaient pas dues à un manque de moyens et qu'il voterait en conséquence les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010, mais qu'il était nécessaire de faire tomber certaines barrières administratives existantes. Il a enfin exprimé son accord avec le rapporteur pour avis en faveur d'une meilleure insertion régionale des collectivités ultramarines.
a indiqué que le passage au régime de l'article 74 devrait permettre aux exécutifs locaux des départements concernés de disposer des outils réglementaires nécessaires et déploré la « diabolisation » opérée aujourd'hui par certains autour de ce dispositif. Il a regretté le manque d'éléments précis portant sur les moyens correspondant aux mesures annoncées par le Président de la République en conclusion du Conseil interministériel de l'outre-mer, estimant cependant qu'il en avait assuré une réelle promotion en présentant ces territoires comme un atout pour la France et après avoir reconnu certaines erreurs dans la politique que l'État y avait menée.
Il a indiqué être partisan d'un rattachement du ministère de l'outre-mer au Premier ministre, comme l'a d'ailleurs proposé la mission d'information sénatoriale. La promotion de la secrétaire d'État de l'outre-mer au rang de ministre s'accompagne de son maintien sous la tutelle du ministre de l'intérieur, qui constitue le ministère du droit commun par excellence, alors que, bien souvent, la politique en faveur de l'outre-mer implique du « sur-mesure ».
a relevé que le dispositif de défiscalisation conduisait aujourd'hui à construire des logements sociaux à un prix plus élevé dans les départements d'outre-mer par rapport au prix valable en métropole.
a confirmé l'inefficience actuelle du dispositif de défiscalisation en matière de logement social et la complexité de son maniement en lien avec la LBU. Il a considéré que le coût élevé de construction des logements sociaux outre-mer était dû au prix du foncier, dû lui-même à l'étroitesse des territoires ou aux effets pervers de la défiscalisation. Il a également mis en avant le manque de prise en compte des réalités locales, notamment dans la fixation des prix-plafonds.
En réponse à M. Alain Houpert qui relevait que ces surcoûts pouvaient être également liés au prix des matériaux, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a relevé que le décret portant sur l'aide au fret instituée par la LODEOM n'avait pas encore été publié.
Contre l'avis du rapporteur pour avis, qui avait proposé de s'abstenir, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », le groupe socialiste s'abstenant.
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Dominique Braye, rapporteur, sur la proposition de loi n° 631 (2008-2009) relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement.
a indiqué que le Sénat est saisi d'un nouveau texte sur le logement, sept mois seulement après l'adoption de la loi de mobilisation pour le logement qui comporte pas moins de 124 articles, et dont la mise en application effective est conditionnée par l'élaboration de 65 mesures d'ordre réglementaire. Or le Conseil d'Etat a déploré très fortement, dans son dernier rapport public, l'instabilité législative chronique dont souffre la politique du logement et souligné que les collectivités territoriales et les services déconcentrés peinent à appliquer les nouvelles dispositions, qu'il leur faut parfois six ou sept ans pour mettre en oeuvre.
Après avoir donné acte aux auteurs du texte que ce dernier n'a manifestement pas pour ambition de bouleverser les mesures récemment adoptées, il a regretté, pour celles qui lui paraissent opportunes sur le fond, qu'elles n'aient pas été présentées à l'occasion du dernier texte relatif au logement et relevé que d'autres, en revanche, ont déjà été présentées et repoussées par le Sénat, les arguments donnés alors restant valables aujourd'hui.
Indiquant que la proposition de loi vise essentiellement à augmenter l'offre de logements abordables par la lutte contre la vacance et la mobilisation du parc privé, il a estimé que l'intention affichée est louable, dans un contexte où on compte encore un nombre trop important de « mal logés, de non-logés et d'hébergés », mais relevé qu'il n'est pas certain que les solutions proposées soient à la hauteur de l'enjeu. S'agissant de son contenu, il a précisé les éléments suivants :
- l'article 1er vise à lutter contre la vacance des logements, lorsqu'elle est considérée comme « anormalement longue ». Pour cela, il permet au maire, lorsqu'un logement a été vacant durant cinq ou huit années consécutives selon les cas, de déclencher une procédure au terme de laquelle l'expropriation du bien peut être effectuée afin de l'affecter au logement social ;
- l'article 2 concerne la taxe annuelle sur les logements vacants et tend, d'une part, à élargir à toutes les communes soumises à l'obligation de 20 % de logements sociaux l'application automatique de ladite taxe et, d'autre part, à doubler les taux applicables ;
- l'article 3 précise que le droit de préemption urbain peut être exercé pour assurer le relogement des occupants d'un immeuble faisant l'objet d'une déclaration d'insalubrité ou d'un arrêté de péril et pour transformer les biens préemptés en logements sociaux et élargit la liste des délégataires du droit de préemption à tous les organismes HLM ;
- l'article 4 prévoit que, jusqu'au 16 mars 2012, les personnes reconnues comme prioritaires par une commission de médiation au titre du droit au logement opposable ne pourront pas être expulsées tant qu'aucune offre de logement ne leur aura été proposée ;
- l'article 5 vise à mobiliser l'ensemble du parc privé conventionné avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans le cadre du droit au logement opposable en précisant que le préfet pourra imposer un demandeur au propriétaire quel que soit le niveau des loyers prévus par la convention.
S'agissant du problème soulevé par les deux premiers articles, relatifs à la lutte contre la vacance, M. Dominique Braye, rapporteur, a rappelé que le Conseil d'Etat a estimé qu'il ne s'agit que d'un « remède palliatif » à ne pas surestimer. Le nombre de logements vacants s'avère en effet très difficile à quantifier et celui des logements que l'on peut effectivement remettre sur le marché encore davantage. Le nombre de logements vacants est actuellement estimé entre 1,8 et 2,5 millions, soit un taux de vacance compris entre 6,1 % et 8,1 %. Mais toutes les études s'accordent sur le fait que cette vacance est difficile à mesurer car les sources sur lesquelles s'appuient ces estimations ont généralement été constituées pour analyser ou gérer des logements occupés, ce qui peut conduire à une surestimation de la vacance. A titre d'exemple, des logements peuvent être inscrits dans les fichiers EDF alors qu'ils sont très dégradés voire détruits.
En outre, il existe de multiples causes de vacance. Il faut notamment tenir compte :
- des intentions et contraintes propres à chacun des propriétaires et de l'existence d'une vacance « frictionnelle » ou encore « de rotation » normale ;
- de l'état physique des logements, certains étant trop dégradés pour faire l'objet d'une opération de réhabilitation économiquement rationnelle ;
- et, enfin, de la localisation du parc vacant, qui ne recoupe pas nécessairement la carte des besoins.
a ensuite expliqué que la proposition de loi propose deux outils pour lutter contre la vacance. L'article 1er prévoit une procédure d'expropriation des logements vacants. Outre les objections de fond qu'une telle procédure peut soulever en termes d'atteinte au droit de propriété, il a souhaité soulever le problème de l'inadaptation de l'instrument à l'objectif et, en définitive, les difficultés pratiques auxquelles une commune souhaitant l'utiliser risquerait de se heurter. Cette procédure suppose en effet d'abord d'avoir identifié les logements ou immeubles vacants. Or le bilan très complet dressé sur l'utilisation de la réquisition à Paris en 1995 et sur les tentatives effectuées en 2001 montre qu'il a été extrêmement difficile d'identifier les biens susceptibles d'être réquisitionnés à partir des fichiers fournis par Bercy. En outre, la collectivité devra acquérir au prix du marché des logements à transformer en logements sociaux. Dans ce cas, la procédure d'expropriation ne présente pas tellement plus d'avantages que l'utilisation du droit de préemption pour faire du logement social, possibilité qui existe déjà aujourd'hui. Enfin, cette procédure pourrait s'avérer source de contentieux et même d'insécurité juridique pour les communes. En effet, le juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une déclaration d'utilité publique, effectue un bilan coûts/avantages de chaque opération et met en balance les inconvénients, qui peuvent être l'atteinte à la propriété privée et le coût financier, et les avantages, qui s'apprécient notamment au regard de l'utilisation possible d'autres instruments. Enfin, d'après l'ANAH, la cible des logements vacants à remettre sur le marché concerne en réalité les logements vacants depuis 1 à 2 ans, pour lesquels il faut mener une politique active d'incitation à la remise sur le marché, ce que fait cette agence par le biais notamment du conventionnement avec travaux qui prévoit une prime en cas de remise sur le marché d'un logement vacant depuis au moins un an.
Pour toutes ces raisons, M. Dominique Braye, rapporteur, a proposé à la commission de ne pas adopter l'article 1er et indiqué être en revanche plus favorable au second outil proposé par la proposition de loi, à travers la taxe sur les logements vacants. Cette taxe, instituée en 1999 dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, a manifestement permis une baisse significative de la vacance. Entre 1999 et 2005, le taux de vacance a ainsi baissé de pourcentages compris entre 12,5 et 48 % pour ces huit agglomérations alors qu'il ne baissait que de 8,5 % pour la France entière. Sans aller jusqu'à la généraliser à toutes les communes soumises aux obligations de 20 % de logements sociaux comme le propose l'article 2, il peut être opportun de l'étendre aux grandes agglomérations dont le marché du logement est très tendu, étant précisé que les agglomérations de plus de 200 000 habitants sont aujourd'hui au nombre de 30.
Pour cela, il faut non pas modifier la loi mais le décret visé à l'article 252 du code général des impôts, afin d'étendre la liste des agglomérations concernées, et la commission peut demander au Gouvernement de s'y engager très rapidement afin d'inclure de nouvelles agglomérations caractérisées par une tension locative importante. En revanche, il est inopportun de doubler les taux de cette taxe comme le propose l'article 2, puisqu'elle fait la preuve de son efficacité avec les taux actuels.
Abordant ensuite le paragraphe I de l'article 3, M. Dominique Braye, rapporteur, a relevé que cette disposition paraît satisfaite par le droit en vigueur dans la mesure où la préemption pour faire du logement social est déjà possible à l'heure actuelle. L'article L. 314-2 du code de l'urbanisme prévoit qu'au moins deux propositions de relogement doivent être faites aux occupants d'un immeuble qui va être détruit. Néanmoins, le II de ce même article comporte une avancée intéressante, puisque les délégataires du droit de préemption urbain (DPU) se limitent aujourd'hui aux offices publics d'HLM et aux sociétés d'économie mixte lorsqu'elles sont concessionnaires d'une opération d'aménagement. Or il peut être opportun de permettre aux communes qui le souhaitent de déléguer leur DPU à toutes les familles HLM, et la commission pourrait s'engager à soutenir, à l'occasion d'une réforme du droit de préemption urbain prochaine, un dispositif étendant la liste des délégataires du DPU dans le sens préconisé par l'article 3.
S'agissant de l'article 4, relatif au moratoire sur les expulsions locatives, il a relevé qu'on ne peut qu'être sensible à la philosophie qui sous-tend cet article : pourquoi expulser des locataires reconnus prioritaires par les commissions de médiation, qu'il faudra en conséquence reloger ? Après avoir rappelé que l'accent a été mis, au cours des dernières années, sur le développement de la prévention des expulsions, il a indiqué que sur 130 000 contentieux assortis d'une demande de commandement de quitter les lieux, environ 10 000 expulsions étaient au final exécutées. En outre, il existe déjà des possibilités de maintenir les locataires expulsés dans les lieux sans léser le propriétaire, notamment en proposant à celui-ci de signer un bail avec une association qui sous-louera le logement : cette mesure fait partie des missions visées par l'intermédiation locative telle que décrite par la circulaire du 5 mars 2009 et est appelée à se développer.
a ensuite estimé que, pour quelques cas qui seraient visés en pratique, l'inscription dans la loi d'un tel moratoire constitue un signal très négatif pour les locataires aussi bien que pour les propriétaires. Elle va à l'encontre de dispositifs très récemment adoptés, comme la réduction de 3 à 1 an des délais que le juge peut accorder pour l'exécution des jugements d'expulsion, adoptée dans la loi du 25 mars 2009, qui vise à sécuriser les bailleurs. Les bailleurs privés sont essentiellement des petits propriétaires, puisque 60 % d'entre eux n'ont qu'un seul bien et, pour eux, la stabilité de la règle juridique est particulièrement importante. L'adoption de l'article 4 serait de nature à altérer leur confiance et pourrait conduire, à l'opposé des objectifs du présent texte, à augmenter la vacance. En outre, cet article, qui ne prévoit pas d'indemnisation des propriétaires, leur fait supporter la charge des impayés de loyer alors qu'actuellement le refus d'accorder le concours de la force publique est indemnisé par le juge administratif sur le fondement d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques. Pour cette raison même, on peut avoir des doutes sur la constitutionnalité de l'article 4 au regard du droit de propriété, puisqu'il procède en quelque sorte à une réquisition de fait, sans indemnisation financière des propriétaires.
Abordant enfin l'article 5, M. Dominique Braye, rapporteur, a jugé quelque peu irréaliste et contre-productif d'appliquer la possibilité pour le préfet d'imposer un locataire reconnu prioritaire dans le cadre du droit au logement opposable (DALO) à tous les logements conventionnés quel que soit le niveau de loyer. Irréaliste, car les niveaux de loyer intermédiaire (inférieurs de 10 à 15 % aux loyers de marché) ne sont pas adaptés à la situation des familles les plus en difficulté. Contre-productif, car de telles contraintes risquent également de dissuader les propriétaires de conventionner avec l'Agence. Or le nombre de logements conventionnés reste faible et, surtout, ne concerne pas assez les départements où les préfets ont le plus besoin d'une offre complémentaire pour la mise en oeuvre du DALO. Enfin, d'après une étude qualitative très récemment réalisée par l'ANAH, sur 13 départements enquêtés, le préfet n'utilise le droit de réservation sur les logements très sociaux que dans 2 cas, ce qui illustre la difficulté de l'opération.
Pour l'ensemble de ces raisons, M. Dominique Braye, rapporteur, a proposé de ne pas adopter la proposition de loi, sous réserve, d'une part, de l'engagement du Gouvernement à étudier un éventuel élargissement de la taxe sur les logements vacants et, d'autre part, de celui de la commission à soutenir l'extension des délégataires du DPU à toutes les familles d'organismes HLM.
a relevé que l'article 1er ne concerne que les logements assujettis à la taxe sur les logements vacants depuis trois ans, ce qui exclut les logements ne pouvant être rendus habitables qu'au prix de travaux importants, ceux ayant été loués pendant une période de 30 jours consécutifs dans l'année ou encore dont la mise en location a fait l'objet d'annonces dans des agences immobilières. Précisant que la procédure peut être interrompue à tout moment par le maire, il a souligné qu'il s'agit surtout d'une « arme dissuasive » destinée à faire réfléchir les propriétaires. Rappelant que la taxe sur les logements vacants a permis la remise sur le marché de 100 000 logements, il a pris acte de la proposition du rapporteur de l'étendre à de nouvelles agglomérations tout en soulignant l'intérêt qu'il y aurait à l'élargir également à des agglomérations de plus de 100 000 habitants, caractérisées par un marché du logement tendu.
Il a ensuite estimé, à propos de l'article 3, qu'il y a une carence juridique sur la question du relogement des expulsés dans le cadre d'une démolition. Enfin, abordant l'article 5, il a estimé que l'application du droit au logement opposable dans des délais très courts doit conduire à envisager une mobilisation plus importante du parc privé. Il a, à cet égard, insisté sur les avantages de l'intermédiation locative.
a rappelé que l'investissement dans la pierre est aujourd'hui essentiellement le fait des classes moyennes et qu'il convient de protéger davantage les petits propriétaires qui font face à des impayés. Il a également relevé que l'exercice du droit de préemption peut contribuer à l'augmentation du prix du foncier.
a évoqué le problème de la longue vacance des biens durant les opérations de succession et appelé de ses voeux un dispositif permettant leur location et leur entretien durant ce délai.
En réponse aux différents intervenants, M. Dominique Braye, rapporteur, a indiqué les éléments suivants :
- au regard des critères d'application de la taxe sur les logements vacants, on peut penser qu'il serait facile pour un propriétaire d'échapper à une procédure d'expropriation ;
- les communes qui le souhaitent peuvent mettre en place la taxe d'habitation sur les logements vacants depuis plus de cinq ans ;
- la procédure prévue par l'article 1er, sans enquête publique et avec une compétence liée du préfet, pose des problèmes du point de vue du droit de propriété ;
- l'équilibre entre bailleurs et locataires est très fragile, le fait que ces derniers soient très protégés par les lois ayant conduit à une fuite des investisseurs institutionnels ; les petits propriétaires sont quant à eux très dépendants des loyers pour l'équilibre budgétaire de leur investissement ;
- les personnes expulsées doivent se voir proposer des offres de relogement en cas de démolition de leur immeuble ;
- sur l'article 5, il faut développer l'intermédiation locative, qui permet aux propriétaires de s'en remettre entièrement à une association ; en outre, il conviendrait de permettre, comme dans les autres pays européens, aux bailleurs privés de choisir sur une liste les locataires prioritaires au titre du DALO au lieu de s'en voir désigner un seul.
a de nouveau insisté sur l'insuffisante protection des petits propriétaires et des petites communes, en cas de problème locatif.
Suivant la position de son rapporteur, la commission n'a pas établi de texte. En conséquence, la discussion en séance portera sur le texte initial de la proposition de loi.