Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Chaussade, directeur général exécutif de Suez Environnement.
a tout d'abord rappelé qu'après avoir longuement débattu du projet de fusion entre Gaz de France (GDF) et Suez, dans des conditions plus apaisées qu'à l'Assemblée nationale, le Sénat avait majoritairement approuvé le principe même de cette opération industrielle. Relevant que de nouvelles modalités, tenant à la mise en bourse d'une partie du capital de Suez Environnement, avaient été définies par le gouvernement pour faire aboutir ce processus de rapprochement, il a remercié M. Jean-Louis Chaussade de venir présenter à la commission les détails de ce processus, en relevant que le groupe Suez allait conserver une influence au sein de Suez Environnement.
Après avoir souligné que les conseils d'administration de GDF et de Suez avaient approuvé, le 2 septembre 2007, les nouvelles lignes du projet de fusion tenant compte des orientations fixées par le Président de la République, notamment les conditions de parité d'échange des actions et la part de l'Etat au sein du capital de la nouvelle entité, M. Jean-Louis Chaussade, directeur général exécutif de Suez Environnement, a détaillé les modalités de mise en bourse de celui-ci.
Peu avant la fusion effective entre GDF et Suez, soit à la fin du premier semestre 2008, 65 % du capital de Suez Environnement sera distribué aux 450.000 actionnaires de Suez, le groupe conservant les 35 % restants. Ainsi, le marché ne sera pas sollicité lors de cette opération, ce qui devrait limiter les risques dans le contexte d'agitation actuelle des marchés financiers. Par ailleurs, Suez restera l'actionnaire de référence de Suez Environnement aux côtés de ses grands actionnaires, Albert Frère, la Caisse des dépôts et consignations et Areva notamment, afin de créer un pôle de stabilité dans l'actionnariat de la nouvelle entité. De plus, le pacte d'actionnaires qui les lie les oblige à conserver les actions de Suez Environnement pendant une durée de trois ans pour bénéficier d'un cadre fiscal favorable, ce qui renforcera la stabilité de l'entreprise.
Après avoir ajouté que l'introduction en bourse de Suez Environnement n'emporterait aucune conséquence sur les contrats passés notamment avec les collectivités territoriales, il a précisé que M. Gérard Mestrallet demeurerait le président de cette nouvelle entreprise et que lui-même conserverait ses fonctions actuelles, tout comme les équipes en place.
Présentant ensuite les activités de Suez Environnement dans les domaines de l'eau et de la propreté, exercées par l'intermédiaire de trois filiales, la Lyonnaise des eaux, Sita et Degrémont, M. Jean-Louis Chaussade a indiqué que l'entreprise avait pour mission de répondre aux besoins fondamentaux en services environnementaux et contribuer à atteindre les objectifs définis par les politiques de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.
Puis il a présenté les grands chiffres de Suez Environnement pour l'année 2006. L'entreprise emploie plus de 60.000 personnes, dont 30.000 en France, dessert 68 millions d'habitants en eau potable, offre à 44 millions de personnes des services d'assainissement et à 47 millions des services de propreté, et a investi 56 millions d'euros dans les activités de recherche et développement. Par ailleurs, son chiffre d'affaires s'est élevé à 11,4 milliards d'euros et devrait dépasser les 12 milliards en 2007 et son résultat brut d'exploitation a atteint 2 milliards d'euros, le résultat net se montant à 1 milliard. En définitive, Suez Environnement, présente dans 50 pays, devrait figurer parmi les 35 plus grandes sociétés françaises, l'entreprise devenant alors l'un des deux leaders mondiaux dans le domaine de l'environnement.
a également expliqué que les besoins en matière de services environnementaux étaient en croissance dans le monde, favorisant ainsi l'émergence de quelques grands groupes dans ce secteur, notamment en Asie. Puis il a indiqué que, sur le marché français, Suez Environnement était le deuxième acteur dans les métiers de l'eau avec une part de marché de 20 %, derrière Veolia et devant le groupe Saur.
Puis il a relevé que le groupe avait activement participé aux travaux du Grenelle de l'environnement et avait, dans ce cadre, formulé un certain nombre de propositions s'articulant autour de trois thèmes. Pour réduire la consommation d'énergie, Suez Environnement envisage de développer des usines d'eaux résiduaires à « énergie positive », ce qui suppose de conduire d'importants travaux de recherche. En matière de recyclage, déjà largement effectif pour des matières premières comme l'acier, les métaux non ferreux, le papier, un effort particulier doit être réalisé pour le plastique. Enfin, à propos du traitement des eaux résiduaires, secteur dans lequel la France est en retard par rapport à ses engagements communautaires, il est proposé que les usines de traitement puissent être financées en partie par des acteurs privés ou que ces eaux puissent être réutilisées dans les régions en déficit hydraulique.
a ensuite évoqué la répartition géographique des activités de l'entreprise, celles-ci s'exerçant à 79 % en Europe, tout en notant que les Etats-Unis, l'Australie, le Moyen-Orient et l'Asie constituaient des zones du monde où Suez Environnement, déjà présente, entendait continuer son développement. Il a relevé que l'Inde, pays où le groupe est peu développé, et la Chine, dont le gouvernement a annoncé son intention d'investir 300 milliards d'euros au cours des cinq prochaines années pour la construction de stations d'épuration, constituaient des cibles privilégiées. En Chine, les préoccupations en matière d'environnement, notamment de qualité des eaux, sont devenues particulièrement prégnantes, le pays craignant que sa croissance ne soit remise en cause par la poursuite du modèle actuel de développement qui ne maîtrise pas les pollutions de toutes origines.
Puis il a souligné que Suez Environnement était un partenaire historique des collectivités territoriales, considérant que le modèle des délégations de service public, qui permet au délégataire de conserver un contrôle de l'activité tout en offrant une haute qualité de service aux usagers, expliquait vraisemblablement le leadership français dans les métiers du secteur de l'environnement. L'Espagne, où Suez Environnement a racheté un acteur important de la filière, et l'Italie ont opté pour ce modèle. Il a estimé que ce mode de gestion répondait à l'ensemble des besoins des collectivités territoriales, même si d'autres modèles peuvent également bien fonctionner, comme au Moyen-Orient ou en Algérie, où le groupe ne fait qu'administrer des investissements réalisés par la puissance publique.
Dans ces conditions, il a expliqué que Suez Environnement souhaitait poursuivre son développement en Europe, en particulier dans les pays de l'Est, mais aussi en Australie, où l'eau fait cruellement défaut ou en Afrique du Nord et investissait à cet effet. La forte progression du marché des services environnementaux ainsi que la technicité des savoir-faire et le besoin d'une solide assise financière, points forts de l'entreprise, lui garantissent une croissance soutenue.
En conclusion, M. Jean-Louis Chaussade s'est déclaré confiant quant au succès de l'opération d'introduction en bourse du capital de Suez Environnement compte tenu du contexte porteur dans lequel elle évolue, de l'existence d'un pôle d'actionnaires de référence stable et des synergies importantes subsistant avec le groupe Suez. Il a estimé que la fusion entre GDF et Suez permettrait de donner naissance à deux grands acteurs de l'économie, l'un dans le domaine de l'énergie, l'autre dans celui de l'environnement.
Après avoir, d'une part, rappelé que les élus locaux avaient été préoccupés par la fusion entre Suez et GDF et, d'autre part, estimé nécessaire l'existence d'une véritable concurrence entre les prestataires de services aux collectivités territoriales, M. Dominique Braye a, en tant que président du groupe d'études sur la gestion des déchets, posé une série de questions :
- les objectifs du Grenelle de l'environnement en matière de recyclage des déchets sont-ils suffisamment ambitieux ?
- la mise en oeuvre de la responsabilité élargie du producteur (REP) est-elle de nature à répondre à la problématique de la maîtrise des coûts, ou d'autres voies doivent-elles être explorées ?
- si la « valorisation-matière » prend normalement le pas sur la valorisation énergétique, celle-ci ne saurait pour autant être négligée : est-il dès lors responsable d'instaurer une taxe sur les incinérateurs, quand bien même son taux serait en définitive moindre que celui proposé à l'origine ?
- quel est l'état de la réflexion sur la production d'énergies renouvelables à partir des déchets ? Des dispositions seraient-elles susceptibles de figurer dans un futur projet de loi en ce domaine ?
- les difficultés de mise en oeuvre de la tarification incitative ne s'opposent-elles pas à sa généralisation au-delà de quelques petites collectivités territoriales ?
s'est interrogé sur la part du milliard d'euros résultant de la différence entre l'Earningo before interest, taxes, depreciation and amortization (EBITDA) de Suez Environnement (deux milliards) et son résultat d'exploitation (un milliard), revenant à l'Etat français au titre de l'impôt sur les sociétés.
Il s'est inquiété de la très faible proportion que représentent les 56 millions d'euros investis par l'entreprise dans la recherche et développement (R&D), au regard des 11,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires (CA) consolidé annuel de l'entreprise,
A contrario, il a souligné la très importante marge bénéficiaire dégagée -de l'ordre de 10 % (un milliard d'EBITDA rapporté à 11,4 milliards de CA)- chiffre difficile à comprendre pour les consommateurs, confrontés à un enchérissement régulier du prix de l'eau, et qui pourrait conduire nombre de collectivités territoriales à réexaminer, après les élections municipales, les conditions de gestion des services concédés.
S'appuyant sur l'exemple du renouvellement des contrats relatifs aux ordures ménagères dans le département de Saône-et-Loire (pour une grande partie desquels n'est proposée qu'une seule offre, celle du sortant, à des tarifs en très forte augmentation, pouvant aller jusqu'à + 50 %), M. René Beaumont a appelé au maintien de la concurrence sur l'ensemble du territoire et pour tous les types de services environnementaux. A défaut de quoi, les collectivités territoriales seront contraintes de se tourner vers la régie, qui lui semble pourtant un mauvais système. Par ailleurs, la diminution régulière de la capacité d'investissement de ces collectivités et le coût croissant des équipements de traitement des déchets supposent de développer des partenariats public-privé (PPP). Enfin, sans négliger l'intérêt du traitement sélectif des déchets, l'incinération reste nécessaire, la Suisse, pays exemplaire en matière environnementale, valorisant, par exemple, l'intégralité de ses déchets par leur transformation en énergie.
Après s'être étonné de la permanence de la polémique entre régie et délégation de service public alors même qu'une récente étude de l'UFC Que choisir renvoyait dos à dos ces deux modes de gestion en matière de services environnementaux, M. Bruno Sido a demandé si l'objectif de « bon état écologique des eaux », fixé à l'horizon 2015, pourrait être atteint et, dans l'affirmative, à quel niveau devrait s'élever le coût moyen de l'eau pour y parvenir. Par ailleurs, il a souhaité savoir si la France manquait d'eau potable ou risquait d'en manquer à l'avenir.
s'est interrogé sur le traitement des boues de station d'épuration, observant que l'épandage, bien que la meilleure solution, était de plus en plus difficile à mettre en oeuvre compte tenu des contraintes environnementales croissantes. A contrario, l'incinération semble une technique aberrante pour un produit par définition essentiellement constitué d'eau. Après avoir souligné que les frais de traitement des ordures ménagères constituent désormais le poste principal des impositions locales, il a souhaité connaître les produits les plus difficiles et coûteux à traiter et éliminer. Enfin, il s'est interrogé sur la composition de l'actionnariat de la Lyonnaise des eaux.
a souhaité savoir quelle était la balance des pertes et des gains entre régies et délégations au secteur privé lors des renouvellements de contrats par les collectivités territoriales. Ayant observé que beaucoup de marchés publics étaient contestés, ce qui induisait des retards parfois longs dans la mise en chantier des travaux, elle s'est demandé s'il s'agissait d'un nouveau mode de gouvernance dans ce domaine. Enfin, après s'être interrogée sur la perspective d'un saut technologique, important et à terme rapproché, dans le tri des déchets ménagers, elle s'est inquiétée de la définition du terme « producteur » utilisé dans le concept « REP », craignant qu'il s'agisse de l'usager, c'est-à-dire du citoyen, et non du fabriquant.
En réponse à ces questions, M. Jean-Louis Chaussade, directeur général adjoint de Suez en charge de Suez Environnement, a apporté les précisions suivantes :
- le producteur dont la responsabilité doit être élargie est bien le consommateur ;
- l'expérience allemande démontre qu'une REP excessive, faisant porter l'essentiel des coûts sur le consommateur, peut conduire à des comportements d'évitement affectant le fonctionnement même du dispositif, alors que l'absence de toute imposition spécifique à la « production » de déchets déresponsabilise les acteurs ; il faut rechercher une répartition équitable des coûts qui en fasse peser une part raisonnable sur les « producteurs », sachant que les difficultés techniques pour élaborer un tel dispositif de suivi individuel sont très grandes ;
- dans le débat sur la taxation des incinérateurs et celle des décharges, il convient d'inciter toute la chaîne à trier en instituant des taxes différentielles selon le niveau de tri, la plus lourde taxation s'appliquant sur les déchets non triés, quel que soit leur mode d'élimination ;
- la valorisation peut être, successivement, « matière », agricole puis énergétique, cette dernière couvrant la production de biogaz dans les décharges et d'électricité et/ou de chaleur dans les incinérateurs (les 56 incinérateurs gérés par Suez Environnement produisent ainsi annuellement 350 MW électriques et 850 MW de chaleur, soit environ autant qu'une tranche nucléaire) ; le débat du Grenelle sur l'incinération n'est pas achevé car, au regard des normes de sécurité aujourd'hui mises en oeuvre dans les équipements, les « grandes peurs » n'ont plus lieu d'être, les dioxines libérées par une installation étant inférieures à celles émises par un feu de cheminée ;
- les marges nettes de Suez Environnement sont inférieures à 5 ou 6 % par an et son effort de recherche, significatif : au-delà de la difficulté à calculer le ratio de recherche-développement au regard des capitaux engagés, qui s'élèvent à 8,3 milliards d'euros, le dispositif de R&D s'appuie sur 400 chercheurs en France et, surtout, sur des alliances avec d'autres opérateurs, en France ou à l'étranger, qui démultiplient les effets de levier ; la période est propice aux ruptures technologiques, notamment pour améliorer le mode de consommation durable de l'eau ou de l'électricité (compteurs « intelligents ») et il est indispensable de poursuivre les efforts de R&D ;
- Suez Environnement est favorable à la concurrence sur le terrain, qui est nécessaire pour les entreprises parce qu'elle constitue un aiguillon technologique et commercial et permet de répondre au mieux aux attentes des consommateurs ; M. Jean-Louis Chaussade avait d'ailleurs en son temps exprimé son opposition à la fusion de Suez Environnement avec son principal concurrent, l'existence d'un « grand champion national » ne lui paraissant pas du tout favorable aux intérêts des clients français, notamment les collectivités territoriales ;
- le développement des PPP est effectivement indispensable dans une période de restriction de l'argent public et de besoins croissants d'investissements ;
- s'agissant du prix de l'eau et du coût de son assainissement, il est nécessaire de comprendre que la diminution de la consommation urbaine ne conduira pas à une réduction des prix, dans la mesure où l'essentiel des charges sont des coûts fixes : usine de traitement, réseaux d'adduction, personnels ;
- outre que la France ne manque pas d'eau, et en tout cas d'eau potable, et que, sous réserve de quelques lieux particuliers, elle ne court pas ce risque avant longtemps, il convient de retenir que seulement 15 % environ de la consommation résulte de la demande humaine, 15 % de l'activité industrielle, et le solde, soit 70 %, de l'activité agricole : dès lors, la question de l'usage quantitatif de l'eau est une problématique essentiellement agricole ; pour autant, la responsabilité n'en incombe pas exclusivement aux exploitants agricoles, même si le recours à des techniques d'irrigation plus économes en eau pourrait être développé, par exemple pour la culture du maïs dans le Sud-Ouest de la France ;
- le traitement des boues passe en effet de moins en moins par l'épandage ; le compostage semble constituer la meilleure solution car il s'agit d'un produit élaboré et traçable, qui peut être retiré du marché en cas de problème écologique (par exemple, la présence excessive de métaux lourds) ; le séchage et l'incinération nécessitent de lourds investissements techniques ;
- Suez est actionnaire à 100 % de la Lyonnaise des eaux ;
- le taux de progression de la production annuelle d'ordures ménagères, de l'ordre de 1,5 %, est légèrement inférieur à celui de la croissance économique ; la question des déchets domestiques est relativement résiduelle dans la problématiques des déchets, les ordures ménagères ne représentant que 30 millions de tonnes (MT) par an, alors que les déchets industriels s'élèvent à 90 MT, les déchets du bâtiment à 350 MT et les autres types de déchets également à 350 MT ; le recyclage des matériaux est essentiel dans les secteurs marchands, par exemple pour les industries aéronautique (300 Airbus vont prochainement arriver en fin d'exploitation), navale (les bâtiments de guerre de la Marine) ou automobile (un million de véhicules obsolètes à traiter) et il ne peut être efficace que s'il est mis en oeuvre de manière très « fine », allant jusqu'à une séparation très minutieuse des produits et matériaux ;
- la répartition entre délégations de service public et régies est globalement stable : dans la distribution de l'eau, elle est de l'ordre de trois quarts contre un quart et dans l'assainissement, la répartition est 50-50 ;
- Suez Environnement est fondamentalement opposé à la contestation systématique des marchés publics, préjudiciable à tous les acteurs en raison de l'instabilité juridique et des retards dans les travaux qu'elle induit : aussi les recours intentés par l'entreprise sont extrêmement peu nombreux, de l'ordre d'un par an en moyenne ;
- l'automatisation du tri est une technologie qui s'améliore régulièrement mais, comme en témoigne l'exemple des bouteilles d'eau minérale, dont les matières et les couleurs sont très différenciées, les difficultés techniques et pratiques restent extrêmement nombreuses.
après avoir souligné que les problématiques de l'eau et de l'assainissement n'avaient pas le même contenu en milieu urbain et en zone rurale, s'est interrogé sur la rationalité d'imposer au traitement des déchets de classe 3 des obligations telles que celle impliquant des transports longs pour aller les déposer dans les déchetteries autorisées. S'agissant de l'épandage, et malgré l'importance des efforts fournis par le secteur agricole, il a observé que les réticences grandissaient, notamment pour les produits d'appellation d'origine contrôlée, pour lesquels les producteurs ne peuvent prendre le risque de se voir reprocher d'utiliser des boues comme engrais.
Ayant estimé que la responsabilité des restrictions à l'usage agricole des boues incombait directement aux acheteurs de fruits et légumes, M. Gérard César a observé que dans un département comme les Landes, dont le sol est très sableux, l'arrosage du maïs n'est pas inquiétant, dans la mesure où l'eau revient très rapidement à la nappe phréatique. Par ailleurs, il a demandé quelles étaient les perspectives d'utilisation des torches à plasma et s'est interrogé sur la présence de Suez Environnement sur le marché italien des déchets ménagers.
Après avoir indiqué que sa société n'intervenait pas au sud de Rome, M. Jean-Louis Chaussade, directeur général adjoint de Suez en charge de Suez Environnement, a précisé que le prix de l'eau en France n'avait pas progressé plus rapidement que l'inflation, observant au passage que le volume fourni avait baissé, et que ce prix était plutôt inférieur à la moyenne européenne. Il a toutefois souligné que le coût de l'eau devrait nécessairement augmenter plus vite s'il est demandé au consommateur de supporter les coûts auparavant financés par l'impôt et dès lors que les moyens techniques deviennent plus nombreux et efficaces, donc plus onéreux.
Ayant reconnu que les règles relatives à certains déchets de classe 3 pouvaient être contestées, il a cependant relevé qu'une partie des difficultés pourrait se régler par l'émergence d'un marché des déchets : ainsi, depuis deux ou trois ans, les déchetteries ne collectent presque plus de bois, ce matériau étant à nouveau utilisé par les consommateurs pour leur chauffage.
Il a fait valoir que le compostage constituait le meilleur compromis entre les impératifs économiques et les contraintes environnementales : cette technique élimine les bactéries pathogènes, permet le suivi des matières polluantes telles que les métaux lourds et son produit fini est aisément substituable aux engrais chimiques.
En ce qui concerne l'irrigation du maïs, M. Jean-Louis Chaussade a précisé qu'il ne stigmatisait pas l'ensemble des producteurs ni la culture en tant que telle, mais plutôt certaines techniques traditionnelles d'apport de l'eau, l'arrosage en milieu de journée étant par exemple à proscrire, puisque 40 % de l'eau s'évapore avant même d'avoir touché le sol.
Enfin, il a indiqué que la torche à plasma, qui est une technique de vitrification des déchets, est une méthode intéressante à plus d'un titre, mais dont le coût reste prohibitif.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Barnier sur le projet de loi n° 149 (2007-2008) relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Après avoir rappelé, à titre liminaire, le calendrier législatif du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM), M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié le ministre de venir s'exprimer devant la commission et d'avoir convié les présidents des commissions des affaires économiques des deux assemblées à l'accompagner au dernier Conseil des ministres « Agriculture » de l'Union européenne.
Soulignant que cette initiative était sans précédent sous la cinquième République, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a regretté que le Parlement ait été, jusqu'alors, insuffisamment et tardivement informé de l'actualité normative européenne. Il a déclaré souhaiter mieux l'associer dorénavant, en envoyant par Internet à l'ensemble des parlementaires les comptes rendus des Conseils des ministres « Agriculture », le jour même de leur tenue, en offrant à deux parlementaires -un député et un sénateur, de la majorité pour l'un et de l'opposition pour l'autre- la possibilité d'assister auxdits Conseils et en associant une délégation plus large de parlementaires aux travaux avec les institutions européennes et leurs principaux acteurs. Insistant sur l'importance et les pouvoirs croissants du Parlement européen, notamment dans le secteur agricole, du fait de l'utilisation de plus en plus fréquente de la procédure de codécision, il a fait observer que ses travaux étaient déjà largement avancés sur le thème du bilan de santé de la politique agricole commune (PAC).
Soulignant, à titre d'introduction sur les OGM, que l'agriculture mondiale devrait, selon les projections de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), doubler sa production pour nourrir neuf milliards d'individus en 2050, il a insisté sur la nécessité d'intégrer le dossier des OGM dans une réflexion plus large tenant compte des perspectives de croissance forte de la demande alimentaire mondiale dans les prochaines décennies.
Appelant à donner la priorité à la recherche et à l'innovation en vue de conserver une indépendance nationale sur les biotechnologies, il a dit avoir approuvé la décision de doter de 45 millions d'euros les programmes de recherche sur les biotechnologies végétales et souhaité que soient encouragées toutes les formes de recherche, dont celle en plein champ, en 2008. Désirant que de nouveaux essais en plein champ puissent être autorisés, il a rappelé la nécessité de créer une commission ad hoc d'évaluation pour permettre de délivrer de nouvelles autorisations en attendant que la Haute autorité fonctionne. En effet, les modalités de constitution du comité de préfiguration ne lui permettent pas de jouer ce rôle et la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire n'a pas été renouvelée. Il a indiqué que les grands principes d'action devaient être l'analyse de la stabilité du gène étudié, l'étude des disséminations possibles et des précautions prises pour éviter tout risque environnemental, ainsi que l'étude de la toxicité vis-à-vis des populations non cibles.
Précisant qu'une dizaine de dossiers était en attente d'autorisation, il a appelé à restaurer la confiance en recourant à cinq instruments :
- une loi, qui respecte les grands principes évoqués lors du Grenelle de l'environnement : précaution, transparence et indépendance de l'expertise ; tel est l'objet du prochain examen parlementaire, qui débutera le 5 février prochain ;
- une procédure d'évaluation par la Haute autorité, qui donne lieu à des analyses complémentaires scientifiques d'une part, et socio économiques d'autre part ;
- une décision de nature politique, au regard de ces analyses ;
- une mutualisation de la réflexion à l'échelle européenne ;
- le maintien d'une capacité à anticiper et suivre l'utilisation du progrès scientifique, à travers la mise en place d'un comité de biovigilance compétent au-delà des seuls OGM, et notamment pour les produits phytosanitaires.
S'agissant du projet de loi qui a été soumis à l'examen de la commission, le ministre a rappelé qu'il prévoyait d'encadrer la culture des OGM sur la base des principes définis lors du Grenelle de l'environnement : responsabilité, précaution, transparence et libre choix.
Il en a détaillé certaines dispositions portant sur :
- la Haute autorité (article 2), qui regrouperait l'ensemble des expertises jusqu'alors réalisées par divers organismes. Après avoir noté que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) conservait son mandat d'évaluation du risque sanitaire, il a souhaité que soient distingués les avis des collèges scientifique et sociopolitique de la Haute autorité ;
- la biovigilance (articles 2 et 6), qui dépassait les seuls OGM.
Il a souhaité le maintien du comité de bio vigilance et de sa distinction d'avec la Haute autorité ;
- la transparence (article 6). Estimant que cacher des informations était illusoire et ne pouvait qu'entretenir les peurs et inquiétudes dans l'opinion publique, il a formé le voeu que celles-ci ne soient pas réservées aux seules personnes à même de prouver qu'elles en ont besoin, du fait des complications administratives que cela entraînerait. Il a tenu à ce que soient rappelées, et le cas échéant appliquées, aux personnes demandant des informations sur les plantations d'OGM, les sanctions prévues en cas de harcèlement ou de dégradation ;
- la responsabilité (article 5). Convenant que devait être précisé le champ d'application du principe de la responsabilité de plein droit dans le temps, dans l'espace et dans le calcul de l'indemnisation, il a estimé que l'obligation pour les producteurs de souscrire à une garantie financière ne devait pas être écartée de fait par une carence d'offre de produits assuranciels.
Jugeant que l'année de suspension des cultures d'OGM décidée par le Président de la République devait être utilisée pour aller au terme de l'évaluation scientifique et du débat, il a prôné la mise en place d'une structure à cet effet, à l'instar de la commission nationale du débat public dont il a rappelé avoir été à l'initiative en 1995.
A l'issue de cet exposé, un large débat s'est ouvert.
Relayant les propos de M. Jean-Paul Emorine, président, sur la nécessité de procéder avec prudence en matière d'organisation de débats publics, M. Jean Bizet, rapporteur, a évoqué les 70 % des personnes sondées émettant des craintes quant à la présence d'OGM dans les produits alimentaires. Il a cependant tenu à souligner qu'un tiers uniquement de l'opinion était opposée de manière ferme et irrévocable à l'achat de produits alimentaires issus de la culture d'OGM. Insistant sur le caractère irrationnel de certains des arguments invoqués, il a craint que l'objectif de transparence justifiant l'organisation de débats publics ne soit détourné et ne permette d'amplifier telle une « caisse de résonance » la position des opposants à la culture d'OGM. Evoquant les dangers de l'apparition d'un espace de non-droit lié à cette opposition, il a fait valoir que la destruction illégale de plants d'OGM ne devait pas demeurer impunie et que la transparence des cultures OGM à l'échelle de la parcelle ne pouvait s'imaginer sans sanction systématique des destructions.
Insistant sur la nature stratégique du dossier, il s'est montré particulièrement inquiet de l'éventuelle réaction commerciale des autorités américaines à la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde. Rapportant les chiffres fournis la veille par Mme Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture, lors d'un entretien à Bruxelles, il a précisé que le coût d'une telle réponse américaine pour l'ensemble des pays européens ciblés, dont la France fait partie, pourrait atteindre 800 millions à un milliard de dollars par an. Ces rétorsions devraient surtout frapper les exportations vers les Etats-Unis de produits français de qualité (vins, champagnes, fromages AOC, foie gras...).
S'agissant des dispositions du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, M. Jean Bizet, rapporteur, s'est déclaré particulièrement favorable aux dispositions de nature institutionnelle telles que la mise en place d'une structure d'évaluation spécifique, tout en invitant à bien préciser son positionnement à l'égard de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et à externaliser le comité de vigilance. Espérant que cette nouvelle structure contribuerait à rétablir la confiance, il a cependant regretté que les avis, notamment de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), de l'AFSSA, et de l'Institut national de recherche agronomique (INRA), soient aujourd'hui insuffisamment pris en compte.
Puis, évoquant la responsabilité de plein droit pour le préjudice économique qui pourrait résulter de la présence accidentelle d'OGM dans des cultures conventionnelles et biologiques, M. Jean Bizet, rapporteur, a fait valoir la nécessité de protéger les agriculteurs par la mise en place d'un fonds public d'indemnisation à titre transitoire, dans l'attente d'un engagement à terme des assureurs privés sur ce dossier.
Il a conclu en réaffirmant sa confiance dans l'action gouvernementale, sans exclure toutefois le maintien de sa vigilance sur quelques dispositions particulières, notamment en matière de distances et de seuils, dans le souci de rendre possibles tous les types de cultures.
s'est appuyé sur son expérience locale pour mettre en garde contre les dérives possibles des débats publics. Il a également attiré l'attention du ministre sur les dangers de pousser la transparence jusqu'au niveau de la parcelle.
évoquant la question des distances d'isolement entre cultures OGM et non OGM, a suggéré de s'inspirer de l'exemple des cultures de semences.
après avoir confirmé la nécessité d'accroître la transparence pour atténuer les peurs, s'est déclaré prêt à prendre quelques risques en matière d'OGM si aucun danger n'était avéré et si ces technologies pouvaient contribuer à nourrir la population mondiale.
a émis des réserves sur la pertinence d'une stratégie de diffusion massive d'OGM dans l'agriculture française, considérant que la division internationale du travail ainsi que la théorie des avantages comparatifs recommandent la spécialisation économique de la France dans l'agriculture de qualité. Il a reconnu que la France ne pouvait échapper aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, mais a suggéré de jouer avec ces règles avec la même habileté que le font les Etats-Unis. Il a par ailleurs évoqué la valeur des distances d'isolement entre cultures, estimant à 200 voire 300 mètres la moyenne européenne en la matière.
Après avoir remercié M. Michel Barnier, de son initiative tendant à associer les parlementaires aux travaux du Conseil européen, M. Jean-Marc Pastor a fait observer que la commission des affaires économiques avait la chance de compter parmi ses membres le président du comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM et il a regretté que ce collègue soit absent. Revenant sur les enjeux en matière de transparence, il a fait référence au rapport d'information dont il avait été rapporteur et qui avait été adopté à l'unanimité en 2003 par la commission et à sa proposition de plan d'occupation des champs. Enfin, invoquant le principe de précaution, il a estimé que sa mise en oeuvre requérait du temps et qu'il ne serait pas absurde de reporter l'examen du projet de loi.
Réaffirmant son attachement au principe de précaution et se félicitant de la décision prise d'activer la clause de sauvegarde prévue à l'article 23 de la directive 2001/18/CE qui oblige la Commission européenne à s'emparer du dossier sur les éventuels risques sanitaires et environnementaux du maïs Bt MON 810, M. Philippe Darniche a estimé que la responsabilité sociale consistait à rester prudent sur les OGM jusqu'à l'obtention de certitudes scientifiques. Il s'est ensuite insurgé contre les menaces de sanctions américaines. Il a enfin interrogé le ministre sur l'avancement de la recherche et l'existence de programmes européens en ce domaine.
Soulignant la complexité de la situation tant d'un point de vue technique que politique s'agissant du positionnement de la France sur l'échiquier européen, Mme Evelyne Didier a sollicité l'avis du ministre sur le poids de la France dans l'alimentation mondiale. Elle a également fait allusion à l'existence d'autres techniques que les biotechnologies pour améliorer les plantes, notamment la sélection assistée par marqueurs. Enfin, elle a fait valoir la diversité des positions prises par les différents pays européens sur le dossier des OGM.
après avoir rappelé que le revenu des agriculteurs était en augmentation de 94 % par rapport à 2006, alors que celui des éleveurs bovins était en diminution de 23 %, a tenu à souligner que deux tiers des tourteaux d'oléagineux, lesquels sont importés et utilisés dans l'alimentation des bovins à hauteur de 25 %, incorporaient des OGM.
En réponse à M. Jean Bizet, rapporteur, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a précisé que la surveillance biologique du territoire relevait du ministère de l'agriculture.
Revenant sur la proposition d'isolement des cultures, évoquée par MM. Daniel Soulage et Jacques Muller, M. Michel Barnier, ministre, a précisé que les périmètres exigés autour des cultures OGM allaient de 25 mètres au Royaume-Uni, en Espagne et aux Pays-Bas, jusqu'à 500 voire 800 mètres dans certains pays européens. Il a indiqué qu'en tout état de cause, selon les études disponibles, avec une distance de 50 mètres, le taux de présence fortuite d'OGM dans les récoltes des parcellaires mitoyens ne dépassait pas le seuil de 0,9 % déclenchant l'obligation d'étiquetage de la présence d'OGM dans le produit, puisque aucune contamination n'avait été observée sur un espace de 22 000 hectares cultivés en France avec du maïs Bt MON 810. La seule interrogation concernait éventuellement les effets de la culture d'un tel maïs sur la vie des abeilles, sans qu'aucune mortalité n'ait cependant été constatée.
est revenu sur l'inquiétude formulée par M. François Fortassin quant au manque d'information publique, en insistant sur la nécessité de rétablir un climat de confiance entre les autorités et l'opinion publique.
En réponse aux craintes formulées par M. Jean-Paul Emorine, président, MM. Jean Bizet et Charles Revet, quant à la difficulté d'organiser des débats publics renforçant la transparence et l'efficience de l'action publique, M. Michel Barnier, ministre, a jugé que l'organisation de tels débats s'imposait, eu égard à l'impératif de transparence. Il a alors mis l'accent sur la nécessité d'en être les acteurs plutôt que de les subir.
Répondant à M. Jacques Muller, il a confirmé que le dossier des OGM était d'une portée stratégique pour le positionnement de l'agriculture française, notamment en matière d'alimentation animale. Il a également affirmé vouloir lui aussi tirer l'agriculture française vers le haut.
A l'adresse de M. Philippe Darniche, il a convenu qu'il manquait des programmes européens de recherche sur les questions soulevées par les biotechnologies.
En réponse à Mme Evelyne Didier, M. Michel Barnier a précisé qu'il s'agissait moins de nourrir la population mondiale que de fournir aux pays en développement une aide à la création d'un système agricole capable d'assurer leur propre subsistance. Il a illustré son propos par les importations sénégalaises massives de riz à hauteur de 80 % de leurs besoins.