Au cours d'une première séance qui s'est tenue dans la matinée, la commission procède à la nomination de rapporteurs sur les textes suivants.
Roger Madec est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 1145 (A.N., XIVe lég.), relative à l'élection des conseillers de Paris (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
Virginie Klès est nommée rapporteur sur le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes (sous réserve de son dépôt).
Hugues Portelli est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 664 (2012-213), habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens (procédure accélérée).
La commission décide de se saisir pour avis du projet de loi n° 1015 (A.N., XIVe lég.), relatif à la consommation (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
Nicole Bonnefoy est nommée rapporteure pour avis.
Durant la discussion du projet de loi sur l'élection des sénateurs, M. Richard avait proposé de créer un groupe de travail sur les tranches démographiques prises en compte pour la désignation des électeurs à l'élection des sénateurs. Le but est de lisser les effets de seuil.
La question est de savoir si la représentation doit se faire, non par population, mais par taille de communes. Nous pourrions travailler dans la perspective de la deuxième lecture du texte au Sénat.
Selon moi, le groupe de travail ne peut exister que s'il y a consensus sur sa création.
Je suis totalement opposé à cette proposition, sur la forme et sur le fond : sur la forme, ce serait doubler le débat de la commission par un groupe de travail ; sur le fond, j'ai voté par solidarité avec mon groupe le texte du Gouvernement, qui diminue la part des petites communes ; j'ai dit qu'il m'était impossible d'aller plus loin.
Je suis favorable à cette proposition. Pourquoi refuser de réfléchir à la question ? Nous verrons bien si nous débouchons sur un accord.
Nous y avons réfléchi trente-six fois et nous avons toujours conclu que tout changement se ferait aux dépens des petites communes. Changer les règles pour les prochaines élections me paraît franchement risqué, d'autant que le collège électoral des sénateurs a déjà été profondément modifié, jusqu'à 25 % dans certains départements-. Cela me paraît, pour le moins, prématuré.
Faut-il vraiment changer la donne entre les deux lectures du texte ? Je m'interroge. Mais nous pouvons y réfléchir.
Le problème tient à cette tranche bizarre de 9 000 à 10 000 habitants, les grandes communes étant plus avantagées que les petites. Réfléchir sur cette aberration ne constitue pas un scandaleux complot contre les petites communes.
Je suis évidemment favorable à cette proposition. La tranche des 9 000 à 10 000 habitants est la seule à ne pas exister dans le code général des collectivités territoriales, s'agissant de la composition des conseils municipaux.
Le cadre normal du débat parlementaire est de déposer des amendements, non de créer un groupe de travail.
Cette proposition a été faite en séance ; elle est loin d'être stupide.
Si M. Sutour m'avait fait la grâce de lire le courrier que j'ai envoyé aux membres de la commission, il aurait constaté que la modification envisagée augmenterait la représentation des petites communes.
Au nom de la philosophie des lumières, je demande que l'on lise tous les éléments avant de conclure ! Modifier les tranches aboutirait automatiquement à une hausse du nombre des délégués des petites communes.
Pour ma part, je ne souhaite pas que cette modification s'applique aux prochaines élections.
Comme la question a été évoquée en séance, j'ai cru devoir vous saisir. Le groupe de travail n'a de sens que s'il y a consensus sur a création ; comme ce n'est pas le cas, j'en tire deux conclusions : d'une part, chacun pourra déposer des amendements lorsque le texte reviendra devant le Sénat ; d'autre part, une fois le texte voté, la commission, si tout le monde en est d'accord, pourra créer un groupe de travail, d'autant qu'il s'agit d'une structure informelle. Les défenseurs du monde rural, dont je suis, pourront alors s'exprimer à loisir.
Je remercie M. Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, président de la commission pour la transparence financière de la vie politique, et M. Jean Lessi, secrétaire général de cette commission, de nous rejoindre.
Quels sont vos commentaires et critiques sur les deux projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique ?
Je m'exprimerai en tant que président de la commission pour la transparence financière de la vie politique. A ce titre, je m'intéresserai particulièrement aux dispositions visant le patrimoine des dirigeants publics.
Les textes comportent des avancées extrêmement significatives qui rejoignent nos propositions faites le 15 mai dernier en séance plénière.
Après sa création par la loi du 11 mars 1988, la commission pour la transparence financière de la vie politique n'a vu ses pouvoirs renforcés que par la loi du 14 avril 2011. Autrement dit, pendant 25 ans, la commission n'a pas disposé des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission de contrôle. Même significatives, les avancées peuvent toutefois être encore améliorées.
En premier lieu, la Haute autorité, qu'il est proposé d'instituer en remplacement de la commission pour la transparence financière de la vie politique, doit disposer d'un pouvoir de communication général de l'ensemble des informations détenues par l'administration fiscale sur l'assujetti, y compris les documents relatifs aux donations. La Haute autorité doit avoir un accès direct à ces éléments. Déléguer cette mission à l'administration fiscale, placée sous l'autorité de l'exécutif, pose un problème de principe et d'efficacité.
Pour détecter les stratégies de contournement, la Haute autorité doit également pouvoir étendre ses investigations aux patrimoines des proches de l'assujetti : le conjoint au sens le plus large du terme, mais aussi les enfants mineurs. Dans ses 14ème et 15ème rapports, la commission pour la transparence financière insiste sur ce point. Au nom de notre expérience accumulée, cette extension, qui resterait limitée à des cas exceptionnels, me paraît indispensable.
Ensuite, l'article 13 du projet de loi ne donne pas à la Haute autorité des pouvoirs d'enquête, mais seulement celui de procéder à des vérifications, ce qui ne lui permet pas d'accéder à tous les documents et à tous les locaux professionnels. Nous ne demandons pas des pouvoirs de perquisition ou de saisie ; mais de pouvoir recueillir rapidement des éléments pertinents. Naturellement, cela se ferait avec l'accord des personnes visées.
J'en viens aux dispositions sur la Haute autorité. Nous devrons traiter 7 000 dossiers dans des délais très courts. Dès lors, il faudra prévoir des titulaires et des suppléants et permettre à la Haute autorité de se réunir en formation restreinte : 5 membres dont le président.
Quelques remarques supplémentaires sur des dispositions techniques. D'abord, je m'interroge sur la réalité de l'effet de simplification qu'induira la dispense de double déclaration dans les six mois, qui a été rétablie en première lecture conformément au souhait de la commission, dès lors que la date butoir de dépôt de la déclaration de situation patrimoniale de sortie est avancée à six mois au plus tard avant la fin du mandat ou des fonctions. Il faut éviter de multiplier inutilement les dépôts de dossiers !
Ensuite, les délais impartis à la Haute autorité pour rendre publiques les déclarations de situation patrimoniale et d'intérêts des membres du Gouvernement et des parlementaires, trois et six semaines, apparaissent singulièrement brefs, surtout s'il y a procédure contradictoire. Il ne peut à nos yeux s'agir que d'un premier contrôle formel ne faisant pas obstacle à des investigations complémentaires.
Il faudra enfin revoir les dispositions transitoires opportunément introduites à l'article 22 : je propose que les nouvelles compétences de la Haute autorité ne s'exercent que sur les mandats entamés avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, pas à ceux achevés avant cette entrée en vigueur.
Au total, ces deux projets de loi constituent un remarquable progrès. J'espère que mes remarques contribueront à l'améliorer.
Combien avez-vous constaté de cas d'enrichissement malhonnête liés au mandat ? Autrement dit, les parlementaires sont-ils une population à risque ? La publicité va-t-elle susciter une explosion de vertu dans notre pays ? Enfin, que penser, au regard de la séparation des pouvoirs, de ce système confiant à une autorité administrative le contrôle de la vie politique ? Dans d'autres pays, ces pouvoirs sont souvent confiés aux assemblées elles-mêmes...avec des résultats variables : aux Etats-Unis, deux sénateurs ont été sanctionnés en 25 ans, dont un pour harcèlement sexuel.
M. Sauvé a rappelé les grandes étapes de la législation : depuis la loi de 1988, nous avons fait de grands progrès. Que la Haute autorité ait accès à tous les dossiers fiscaux, y compris au fichier des hypothèques, ne me choque pas. Donc, d'accord pour renforcer les pouvoirs de la commission. En revanche, un droit de visite dans les locaux professionnels porterait atteinte à la vie privée ; nous empiétons sur la procédure judiciaire, seule garantie des libertés fondamentales. Il faut le consentement des intéressés ? Soit, mais que se passe-t-il s'ils refusent ? Jusqu'où doivent aller les pouvoirs de cette Haute autorité ?
Vous proposez d'étendre la déclaration de patrimoine au conjoint et aux enfants mineurs, mais la personne a-t-elle les moyens de connaître tous les intérêts de son conjoint ?
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a instauré un plafond de 7 500 euros pour un don à l'ensemble des organisations politiques. Comment veiller à son respect ?
En outre, toute personne physique, quelle que soit sa nationalité, peut faire un don. Avez-vous rencontré des problèmes liés au fait que le donateur était étranger ? Lorsque celui-ci n'est pas imposable en France, comment vérifier l'origine des fonds ?
Les conjoints n'apprécient pas forcément de se voir soumis à l'obligation de transparence financière. Comment définissez-vous les « cas litigieux » qui justifieraient l'extension du contrôle aux enfants mineurs ? Quel sera le lien entre la Haute autorité et les bureaux des assemblées qui peuvent déjà se pencher sur les problèmes déontologiques ?
La commission Jospin a recommandé l'élargissement de la saisine de la Haute autorité à tous les citoyens. Qu'en pensez-vous ? La Haute autorité ne doit-elle pas, dans certains cas, pouvoir saisir directement le Conseil constitutionnel, sans passer par le bureau des assemblées ? Enfin, quel est votre avis sur les propositions des associations concernant les lobbies ?
Ces textes viseront environ 7 000 personnes. Mais certaines dédicaces laissent penser que certains magistrats pourraient être utilement concernés par ces textes : le juge des expropriations, par exemple.
Les déclarations de patrimoine seront accessibles à tout citoyen ; en revanche, leur publication entraînera des sanctions. Je vous défie de faire respecter cette disposition et de punir celui qui diffusera l'information sur internet ou qui répandra un tract anonyme dans les boîtes aux lettres avant une élection. Il y aurait pourtant une solution simple : toute consultation en préfecture devrait être assortie de l'obligation de prouver son identité qui serait consignée.
Ce qui est blessant pour un parlementaire, c'est que ce débat repose sur l'idée que notre honnêteté est discutable. Mais dès lors que la discussion est lancée, la seule façon d'en sortir par le haut, c'est de mettre en place un système de vérification aussi efficace que possible. Nous remplissons consciencieusement nos déclarations, mais nous savons que si un de nos excellents amis fait une déclaration insincère, il ne se passe rien ! La demande du président Sauvé de se voir communiquer les documents fiscaux est donc parfaitement fondée : c'est la seule façon de vérifier qu'une déclaration est honnête.
Pourquoi accorder un délai de 60 jours à l'administration fiscale pour communiquer les documents ? Surtout, pourquoi n'accorder que trois semaines à la Haute autorité pour publier une déclaration alors même qu'elle aurait des doutes ?
Enfin, le critère de la nomination en conseil des ministres est-il pertinent pour distinguer les fonctionnaires soumis à certaines obligations ? D'autres porteurs d'autorité risquent d'échapper au contrôle.
Des déclarations publiques, consultables mais non publiables : le dispositif adopté par l'Assemblée nationale me paraît aussi curieux qu'à M. Pillet. Celui qui aura consulté la déclaration pourra informer un journaliste...
Et rien n'empêche un site hébergé en Belgique, en Suisse, ou aux îles Caïman de publier ces déclarations.
Par ailleurs, la question de la fusion de la commission pour la transparence avec la commission nationale des comptes de campagne peut se poser.
Monsieur Collombat, la commission pour la transparence, avec les pouvoirs extrêmement modestes qui étaient les siens durant vingt-cinq ans, a procédé à 14 défèrements au parquet, dont 6 parlementaires.
A la suite, le parquet n'a engagé aucune poursuite pénale car l'enrichissement inexpliqué n'est pas un délit. Néanmoins, plusieurs de ces personnes ont été pénalement condamnées pour des motifs liés à la moralité personnelle.
Quelle est la portée de la publicité ? Je me suis exprimé sur ce sujet dans un entretien au Monde début avril 2013 : c'est le seul entretien que j'ai donné à la presse. Selon moi, la publicité n'est pas nécessaire à l'efficacité des contrôles, mais elle peut favoriser la sincérité des déclarations. La commission de la transparence ne fait pas de recommandation sur ce sujet : c'est au législateur de trancher cette question politique.
Dans un souci de séparation des pouvoirs, le Conseil d'Etat a ajouté au projet de loi du Gouvernement la saisine des bureaux des assemblées parlementaires par la Haute Autorité. Du reste, le pouvoir de sanction des parlementaires appartient aux seuls bureaux des assemblées.
La commission pour la transparence financière de la vie politique a veillé à la séparation des pouvoirs sous l'angle du respect des libertés individuelles, du domicile et de l'autorité judiciaire. D'où, Monsieur Hyest, des pouvoirs d'enquête très restreints, compatibles avec les principes constitutionnels qui encadrent les pouvoirs des autorités indépendantes. Les pouvoirs de la Haute Autorité resteraient alors moindres que ceux de l'Autorité des marchés financiers ou de l'Autorité de la concurrence.
La vérification de la situation des conjoints et des enfants mineurs, Monsieur Leconte, ne peut porter que sur la situation patrimoniale, en aucun cas sur les intérêts. Nous ne faisons aucune proposition relative aux déclarations d'intérêt.
L'article 11 ter dépasse le champ de compétences de la commission pour la transparence financière de la vie politique : je n'ai aucune lumière sur la question du plafond de 7 500 euros à propos duquel M. Leconte m'a questionné.
Nous n'avons pas rencontré de problèmes liés à l'origine des dons de non-résidents pour une raison simple : nous n'avons aucune compétence sur ce sujet.
Madame Tasca, il est des situations dans lesquelles nous avons identifié des enrichissements qui n'apparaissent pas : il paraît donc légitime de les rechercher dans le patrimoine des conjoints et des enfants mineurs des assujettis. Pour 6 000 assujettis et 25 000 personnes concernées depuis la création de la commission, je n'ai eu connaissance que de cinq cas... Ces recherches ne seraient pas élargies aux collatéraux, aux enfants majeurs et aux ascendants ; je tenais à le préciser ici publiquement.
Si la commission pour la transparence financière de la vie politique n'a pas de pouvoir, elle a de la mémoire. Elle a, dans son histoire, posé des questions embarrassantes.
Pour moi, la Haute Autorité est pourvoyeuse d'information pour les bureaux des assemblées. Le projet de loi pourrait peut-être être complété pour prévoir les suites données par les bureaux des assemblées à ces éléments. Sur ce sujet la commission pour la transparence financière de la vie politique n'a fait aucune observation.
Madame Assassi, tous les citoyens peuvent écrire à toute autorité publique. Faut-il aller jusqu'à un droit de saisine général ? La commission ne l'a pas proposé et ne le souhaite pas.
S'il y a saisine du Conseil constitutionnel, cela doit passer par le truchement des bureaux des assemblées. Je ne vois pas en quoi la saisine par la Haute autorité serait utile.
Le lobbying est un problème spécifique. Je me suis penché, avec le Premier président Migaud et le premier président Magendie, sur la question des conflits d'intérêt. En revanche, la commission pour la transparence financière n'a pas de recommandations sur ce sujet, même s'il mérite réflexion.
Monsieur Pillet, il est des personnes qui disposent de pouvoirs de décision supérieurs à ceux d'un membre de cabinet ministériel : le Gouvernement prépare un projet de loi et un projet de loi organique sur la déontologie des fonctionnaires et des magistrats, qui devrait concerner d'importantes populations.
La société de l'information rend effectivement malaisé le respect des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale. La traçabilité de consultations en préfecture ne résoudra pas le problème : il suffira de communiquer l'information à un tiers.
Monsieur Richard, ce qui vaut pour les parlementaires vaudra demain pour les hauts fonctionnaires et les juges. Il est blessant que notre honnêteté puisse être suspectée. Cependant, dès lors qu'on légifère, le système doit être crédible et efficace ; il ne faut surtout pas prêter le flanc aux critiques subies par la commission de la transparence depuis 25 ans.
La Haute Autorité doit disposer des informations détenues par les services fiscaux. Soixante jours, c'est un peu long, mais pas démesuré. Le délai de réponse -trois semaines pour les membres du Gouvernement, six pour les parlementaires- est très court et n'autorise qu'un contrôle sommaire. Il faudra préciser que la Haute Autorité n'est pas dessaisie une fois ce délai passé... Au-delà, son travail se poursuit.
Faut-il fusionner la Haute Autorité et la Commission des comptes de campagne ? Cela dépasse nos attributions. Disons qu'une telle fusion n'apparaît pas indispensable.
Si le contrôle des variations patrimoniales est impossible après les délais que vous mentionnez, quel en est l'intérêt ?
Le contrôle de situation à l'entrée et à la sortie de fonctions est très bref ; le contrôle de la variation se mesure, quant à lui, en mois. Nous n'avons ainsi pas terminé les contrôles issus de la fin de la législature précédente. Il ne faut pas que la Haute Autorité soit déchue de ses pouvoirs de contrôle au terme du délai de six semaines ! Ne fermons pas le contrôle dans le temps : entre six semaines et cinq ans, il y a un juste milieu. Il faut laisser du temps aux échanges et au débat contradictoire.
Nous recevons trois associations, qui oeuvrent en matière de transparence de la vie publique :Transparency international, Anticor et Regards citoyens.
Je vous remercie pour votre invitation. Acteur dans le monde des ONG depuis une dizaine d'années, je n'ai jamais vu cette qualité de concertation avec les décideurs publics au Gouvernement ou au Parlement : soyez-en remerciés. Les associations portent les attentes de la société civile : accorder du temps à l'échange et à l'écoute, comme vous le faites, est remarquable.
Les projets de loi votés en première lecture à l'Assemblée nationale hier comportent des avancées majeures dans le sens de la transparence. On a progressé davantage en quelques mois que depuis 20 ans sur ce terrain. Si ce texte aboutit, si le Sénat l'enrichit, la France sera enfin dotée d'un dispositif parmi les meilleurs en Europe après avoir été longtemps en retard par rapport aux grandes démocraties de l'Europe, notamment du Nord. Nous disposerons enfin d'une définition des conflits d'intérêts, d'une Haute autorité, de déclarations d'intérêt, du renforcement des règles relatives aux partis politiques, de la protection des lanceurs d'alerte, de la possibilité donnée aux associations d'agir en justice : autant de progrès qui devraient faire évoluer les comportements et les pratiques dans toute la société.
Qu'attendons-nous de la Haute assemblée ? D'abord, consolider le texte de l'Assemblée nationale et l'améliorer. Deux points sont d'une grande portée politique et symbolique : la publication des patrimoines et les incompatibilités entre un mandat parlementaire et certaines activités professionnelles.
Sur le premier point, nous avons entendu les réticences, les craintes. Un compromis a été trouvé à l'Assemblée nationale. Il serait bien que le Sénat rouvre ce dossier. De fait, le texte issu de l'Assemblée nationale ne répond pas aux attentes de nos concitoyens et on peut avoir des doutes sur le caractère opérationnel du dispositif retenu, à l'ère de l'internet... Nous proposons, pour notre part, que soient publiées au Journal officiel les déclarations complètes - activités, revenus, patrimoine - de tous les parlementaires le même jour. Ce serait une véritable opération de transparence. Ne redoutons pas les réactions démagogiques : les médias ont commenté les patrimoines des membres du Gouvernement pendant à peine 48 heures ! Pourquoi ne pas nous donner pour ambition d'être les meilleurs en matière de transparence ?
Les incompatibilités sont un sujet complexe. On ne peut contester que l'exercice professionnel, rétribué, de certaines activités de conseil peut poser problème et donne le sentiment qu'il y a conflit avec les fonctions de parlementaire...
La solution de l'Assemblée nationale nous paraît intéressante. La loi ne peut tout régler ; les règlements des assemblées, les codes de déontologie ont aussi leur rôle à jouer.
Anticor a fêté son dixième anniversaire l'an dernier, dix ans de promotion de l'éthique dans la vie politique.
C'est la première fois qu'une telle fenêtre d'opportunité est ouverte pour améliorer le dispositif. Nous saluons les avancées, mais regrettons qu'elles ne soient pas plus significatives. Pour remédier à l'image très dégradée de la vie politique, nous avons un devoir d'audace, d'ambition.
La création de la Haute Autorité est une bonne chose. Cette institution doit avoir des moyens propres, d'enquête notamment, comme d'autres autorités administratives indépendantes. Sa composition diffère peu de celle de la commission pour la transparence financière de la vie politique, même si l'Assemblée nationale a ajouté au collège deux personnalités qualifiées, non rémunérées.
S'agissant des incompatibilités, l'activité annexe d'un parlementaire ne doit pas être plus importante que son activité principale. L'Assemblée nationale n'a pas adopté un amendement que le Sénat s'honorerait de voter : nous suggérons en effet que la rémunération de l'activité annexe ne puisse excéder celle de l'activité principale.
Enfin, le texte mentionne les députés : j'imagine que ces obligations s'appliqueraient pareillement aux sénateurs ?
Dans le cadre de notre activité - qui se distingue de celle du lobbying parce qu'elle est entièrement publique - nous avons publié un certain nombre d'amendements sur notre site. D'abord, sur les inéligibilités. L'Assemblée nationale a renoncé à l'inéligibilité définitive. La réélection de personnes condamnées donne une image détestable de la vie politique... Nous estimons qu'un candidat à une fonction élective doit, tout comme les candidats à une fonction publique, avoir un casier judiciaire vierge de condamnation pour atteinte à la probité. C'est une condition d'aptitude, non une sanction. Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de la condition de « bonne moralité », dans le cas des magistrats.
Deuxième sujet, les lanceurs d'alerte. Les exemples sont nombreux de lanceurs d'alerte qui se sont retrouvés dans des situations difficiles : je pense aux salariés d'UBS, aux policiers de la brigade anti-criminalité de Marseille et à d'autres. Le soutien ne doit pas seulement viser l'annulation des sanctions prises contre eux : il faut une protection comparable à celle des témoins. Le service central de prévention de la corruption pourrait être investi d'une telle mission.
Troisième sujet, le contrôle des lobbyistes, à l'intérieur des enceintes parlementaires mais aussi à l'extérieur. Le lobbying est une pathologie de la démocratie, une confiscation de la décision publique.
Nous nous inspirons du modèle canadien en proposant notamment de sanctionner les lobbyistes manquant à un code de déontologie.
Je vous remercie de nous recevoir. Regards citoyens travaille depuis 2009 à valoriser l'action des parlementaires, notamment sur les sites nosdéputés.fr et nossenateurs.fr.
Nous avons formulé dix propositions sur les deux projets de loi, au travers d'amendements publiés sur notre site. Tous n'ont pas intéressé l'Assemblée nationale en première lecture. Je compte sur votre sagesse !
Les progrès en matière de transparence sont indéniables. La Haute Autorité contrôlera, efficacement, 7 000 décideurs publics - cela ne nous paraît pas excessif. Les actuelles difficultés de fonctionnement seront corrigées avec la possibilité de recourir à des rapporteurs par exemple. Pourquoi limiter l'alerte citoyenne aux seuls électeurs ? C'est alourdir la procédure, par une vérification d'inscription sur les listes électorales.
A côté de l'alerte, on pourrait imaginer une simple demande d'avis, car le conflit d'intérêts est une notion bien complexe.
Il y a eu des progrès à l'Assemblée nationale, mais aussi des reculs. La transparence ne doit pas être vécue comme une punition mais comme un effort démocratique, qui valorise le travail des élus. Allons plus loin. Les déclarations de patrimoine ne doivent pas être rendues publiques car elles n'ont de sens qu'accompagnées de déclarations de patrimoine par les proches, or il y a là une atteinte à la vie privée, pour une utilité faible. Ce n'est pas la richesse mais l'enrichissement qui importe, donc l'évolution du patrimoine qui doit faire l'objet d'un contrôle par la Haute Autorité. Il faut également faire une large publicité aux déclarations d'intérêts et aux votes lors des scrutins publics.
En revanche, nous suggérons une large diffusion des déclarations d'intérêt. Le Sénat a été précurseur en la matière en les publiant sur son site, tandis que l'Assemblée nationale les enferme dans un coffre-fort. L'affaire du Mediator a entraîné une opération transparence dans le monde de la santé, avec des déclarations d'intérêts plus stricts pour les membres des agences.
Le CNIL a proposé, pour empêcher toute réutilisation automatique, une publication sous forme d'image, ce qui empêche une libre réutilisation de ces données publiques, ne serait-ce que pour les rendre accessible aux non-voyants.
Nous avions proposé un amendement précisant que « la réutilisation devait s'entendre au sens de la loi Cada de 1978 ». L'ensemble des membres du G8, dont le président de la République française, dans une déclaration relative à l'open data, se sont prononcés dans le même sens. L'amendement que nous suggérions a reçu un avis favorable du ministre, mais défavorable du rapporteur à l'Assemblée nationale, qui jugeait la rédaction imprécise. Nous soumettrons une nouvelle rédaction à votre commission.
Pour finir, nous avons quelques observations à faire sur la loi Cada, plus précisément sur la publicité des votes au sein de deux assemblées, qu'il s'agisse des positions de chacun lors des votes à l'Assemblée nationale, ou du respect des règles en matière de délégation de vote au Sénat. A quoi s'ajoute la question longtemps taboue du lobbying. La régulation du lobbying est devenue indispensable après le volet pharmaceutique de l'affaire Cahuzac, la mise en cause d'une sénatrice pour ses liens avec un lobbyiste dans l'affaire Mediator, ou la révélation par France 2 des liens entre l'industrie du tabac et des parlementaires. Comme au Québec, confions à la Haute Autorité la tenue d'un registre.
Je vous remercie pour ces exposés portant sur des points qui, pour être intéressants, ne relèvent pas forcément du champ de ces deux projets de loi.
En fins observateurs, pensez-vous que les astreintes à la probité et la délinquance financière sont plus préoccupantes au Parlement qu'au sein du pouvoir exécutif, administratif ou encore des autorités dites indépendantes ? Franchement, je n'ai pas l'impression que le Parlement soit un nid d'atteintes à la probité. Vos propositions conduisent-elles au triomphe de la vertu ? Ou ne vont-elles pas plutôt affaiblir encore le pouvoir du Parlement ? On avance vite sur la transparence de la vie publique, moins sur les paradis fiscaux. Comme cela est curieux... Nous sommes tous pour la vertu mais faut-il, au prétexte de redorer le blason terni de la démocratie, réduire les pouvoirs qu'il reste au Parlement ? L'enfer est pavé de bonnes intentions...
Ne pensez-vous pas que certaines dispositions de ce texte, si elles étaient développées à terme, iraient à l'encontre du principe de la séparation des pouvoirs ?
Comment contrôler le respect du plafond de dons aux partis politiques ? Je songe aux micro-partis créés pour recevoir des fonds. Concrètement, il faudrait une liste des donateurs... Cela me semble délicat ! Est-il logique qu'une personne étrangère puisse financer un parti politique en France ?
Enfin, faut-il étendre les contrôles aux proches des personnes s'engageant en politique ? Là encore, on entre dans une zone dangereuse.
Tout le monde convient que le lobbying pose problème. J'ai été, dans une autre vie, député européen, soumis à des règles de transparence exigeantes, issues de la tradition anglo-saxonne. Or l'existence d'un registre des lobbyistes n'empêchait pas des entreprises d'offrir des buffets à tous les étages, ce qui n'est absolument pas le cas au Sénat. Et comment contrôler l'influence sur tel ou tel dans le cercle privé, quand il n'y a pas de témoin ?
On ne peut ignorer le discrédit de la classe politique dans la société. Or, après les espoirs de publication des patrimoines, le texte donne le sentiment d'une reculade.
Je me suis plié au jeu de la transparence, au niveau local et j'ai naïvement publié, dans la presse régionale, le patrimoine que j'ai constitué avec mon épouse. D'autres ont extrait la part de leur conjoint, arguant parfois du régime matrimonial... Attention à ne pas passer du mariage pour tous au mariage pour personne dans la classe politique !
Quid des collaborateurs parlementaires ? Et des hauts fonctionnaires ? L'amendement d'Anticor, pour contourner le problème posé par les inéligibilités, me semble habile. Dans les conditions d'éligibilité, on inclut l'absence de condamnation pour atteinte à la probité publique. Mais des manquements à la probité privée sont mis sur le même plan. Un consensus est possible, mais j'aurais aimé avoir quelques éléments complémentaires.
Le regard des associations complète utilement le nôtre : il reflète, à tout le moins, les attentes de la société. Pratiquez-vous les comparaisons internationales ? Qu'en est-il du contrôle de la transparence chez nos voisins ? Que pensez-vous de la composition de la Haute Autorité ? Comment contrôler plus efficacement le lobbying ?
Personne n'est contre l'indépendance. En revanche, on peut s'interroger sur un dispositif construit autour d'une Haute Autorité qui ne relève ni du judiciaire ni du politique.
La loi oblige seulement à déclarer les noms des collaborateurs parlementaires. C'est peut-être un peu court. Que proposez-vous ?
Etre parlementaire est un métier à plein temps. Pour autant, si l'interdiction de cumul avec une profession a été écartée à l'Assemblée nationale, c'est qu'alors, les agriculteurs, les membres des professions libérales ou les professeurs d'université auraient été exclus des mandats parlementaires. Dès lors, on refuse seulement aux parlementaires d'entreprendre une nouvelle activité pendant leur mandat. Ils peuvent en revanche poursuivre celle qu'ils avaient auparavant. Est-ce juste ? Disons plutôt qu'une nouvelle activité professionnelle ne doit pas entrer en conflit avec l'activité parlementaire.
Le meilleur moyen de contrôler le lobbying est de rendre systématiquement public tout contact entre les parlementaires et les lobbyistes - c'est ce que nous faisons en ouvrant toutes nos auditions et en publiant dans nos rapports la liste des personnes rencontrées dans le cadre de nos travaux.
Enfin, il y a une limite à la transparence : la vie privée. J'ai refusé, lors de la déclaration d'intérêt au Sénat, de déclarer les revenus de mes enfants. Je ne veux pas savoir combien ils gagnent, j'estime que cela relève de leur vie privée.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Collombat : la transparence n'est pas la probité, laquelle concerne tous les citoyens. Le projet de la Commission européenne, en 2010, qui portait sur l'état du système national d'intégrité, visait treize catégories d'acteurs : gouvernements, parlements, entreprises, monde financier, associations, etc. Il n'y a aucune raison de se focaliser sur les parlementaires. Cela dit, parce qu'ils tiennent leur mandat du peuple, ils ont un devoir d'exemplarité. Rien de nouveau dans cela : Tocqueville et Montesquieu l'ont dit il y a longtemps.
Qui a la légitimité ? C'est le peuple. Voilà le coeur du débat. Et le peuple ne donne pas forcément sa confiance aux meilleurs : la démocratie n'est pas un régime parfait, on le sait depuis Platon ! Je signale, surtout, que les scandales concernent rarement des parlementaires.
La transparence a une limite : la protection de la vie privée. Il faut trouver le point d'équilibre. Le Parlement a imposé la transparence aux administrateurs de société et à leurs proches, ascendants et descendants ; et une transparence totale, sur les revenus de toute nature, aux présidents de sociétés cotées en bourse. C'est très bien ainsi ! J'ai prévenu mes enfants de ne faire aucune transaction sur une société où je siège, et voilà tout.
Le lobbying s'exerce aussi hors du Parlement, dans les cabinets ministériels et les administrations. Le registre des lobbyistes qui existe à l'Assemblée nationale depuis 2009 et au Sénat depuis 2010 ne suffit pas. En janvier, nous avons publié des recommandations sur l'encadrement de cette activité, en insistant sur la traçabilité des décisions et l'équité d'accès, c'est-à-dire le partage du droit d'expression. Il est normal de défendre les intérêts des entreprises, de faire entendre son point de vue... si les autres le peuvent aussi. Plus récemment, nous avons salué l'initiative du député Sirugue ; le Sénat pourrait reprendre ses préconisations.
Madame Tasca, il ressort des comparaisons internationales que la France et la Slovénie sont les seuls pays à ne pas publier les déclarations de revenus et d'intérêt des parlementaires ! Nous sommes loin des pratiques scandinaves. Pour les inégalités, le système américain, qui pose une interdiction générale avec des exceptions très encadrées en termes de rémunération et de temps passé, nous semble bon.
Une plus grande proportion de personnalités qualifiées à la Haute Autorité renforcerait la transparence. Pour garantir leur indépendance, portons le délai de viduité après l'exercice d'un mandat de trois à cinq ans.
Monsieur Collombat, la transparence va dans le sens d'un renforcement du pouvoir du Parlement. Elle est nécessaire, au vu de la grave crise de confiance envers les politiques. Nous demandons, non la publication des revenus et du patrimoine, mais le contrôle effectif de leur évolution.
Anticor lutte contre la montée des extrêmes. Vous nous dites : « Regardez les autres ». Certes, il y a du travail à faire dans les milieux économiques et financiers, mais cela ne doit pas empêcher de nous intéresser aux élus.
Autoriser les parlementaires à exercer certaines professions, notamment celles qui exigent une pratique régulière, est utile pour limiter la professionnalisation du milieu politique. Le parlementaire doit pouvoir renouer avec son métier d'origine à la fin de son mandat - nous sommes pour l'interdiction du cumul des mandats, y compris dans le temps, afin que les politiques ne soient pas, par manque de pratique de leur métier d'origine, coincés dans le milieu politique.
Nous sommes partis du texte sur la fonction publique pour proposer un alignement des fonctions électives. La liste des infractions visées est strictement identique à celle des cas où une association peut se constituer partie civile.
Nous suivons Anticor : il faut limiter les revenus annexes, à une fois ou une demi-fois l'indemnité parlementaire, tout en autorisant bien sûr les activités bénévoles.
Nous proposons, je le répète, la publication, non des patrimoines, mais de leur évolution au cours du mandat. La publication des noms des collaborateurs parlementaires représente déjà un immense progrès. Nous pourrons aller plus loin en demandant une déclaration de patrimoine des collaborateurs.
Enfin, nous proposons, avec Transparency international, un nouveau registre pour les lobbyistes. Le registre actuel repose sur la base du volontariat, s'y inscrire n'apporte rien aux lobbyistes. Le registre devrait contenir, non seulement les noms, mais aussi les frais engagés, ce qui couvrirait les buffets européens dont a parlé M. Béchu.
Ce type de loi ne redorera pas le blason du Parlement. Au journal de 20 heures, on ne félicitera pas les 99,9% des parlementaires qui auront respecté les règles, on pourfendra le 0,1% restant. Quant à balayer devant sa porte, fort bien : mais j'ai l'impression qu'on balaye devant celle du Parlement pour ne pas avoir à le faire devant celle des autres !
Nous consacrons aussi beaucoup de notre temps et de notre énergie à la lutte contre les paradis fiscaux !
Nous avons le plaisir d'accueillir le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, M. Alain Vidalies.
J'ai acquis la conviction que le mot de transparence n'est qu'un avatar de la souveraineté du peuple. Relisez les débats de février et mars 1988 sur la loi de transparence financière de la vie politique. Quelles brillantes interventions du rapporteur Jacques Larché et des sénateurs Michel Dreyfus-Schmidt ou Charles Lederman !
Tous les grands scandales politico-financiers ont conduit à changer les lois ; c'est le scandale de la garantie foncière en 1971 qui a ainsi provoqué l'instauration de la déclaration de patrimoine.
Ce texte ne fait pas exception. Le Président de la République a demandé au Gouvernement d'améliorer notre législation à la suite de l'affaire impliquant l'ancien ministre du budget. Le groupe de réflexion du Sénat sur les conflits d'intérêt a nourri nos travaux ; le texte peut encore être amélioré, notamment sur la question du lobbying, champ qui n'a pas été abordé à l'Assemblée nationale.
Un mot sur les nouvelles déclarations d'intérêt, d'activité et de patrimoine, qui s'imposent à plus de 7 000 responsables publics. Cette préoccupation existe depuis le 14 mai 1793 ! L'Assemblée nationale a trouvé un équilibre satisfaisant mais perfectible. Un droit d'alerte du citoyen est créé. Le délit de publication non autorisée du patrimoine d'une personne peut susciter des interrogations ; il mérite d'être précisé. Autre avancée, la protection des lanceurs d'alerte. Le financement de la vie publique doit aussi être rendu plus transparent. Je salue le travail de Gaëtan Gorce sur ce sujet, à l'occasion de la loi de finances pour 2013, comme les suggestions du groupe écologiste, en réaction à la multiplication des micro-partis.
La notion de conflit d'intérêts sera définie pour la première fois dans la loi, nous en débattrons lors de l'examen des amendements. Il faut faire régresser la zone de non-droit. Le Gouvernement propose donc que les déclarations d'intérêt soient obligatoirement publiées. Pour la première fois, un système de déport sera mis en place, imposant aux personnes concernées -membres du Gouvernement ou d'autorités indépendantes- par un conflit d'intérêts de s'abstenir : on ne peut être juge et partie. Cette mesure a-t-elle vocation à s'appliquer aux parlementaires ? Sous quelle forme ? La réponse n'est pas aisée. La séparation des pouvoirs est une borne indépassable.
La Haute Autorité disposera de pouvoirs effectifs et d'une autonomie financière, comme le proposait M. Gélard dans son rapport sur les autorités administratives indépendantes. Son président sera nommé par décret, selon la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution. La Haute Autorité aura un rôle élargi par rapport à l'ancienne commission, elle disposera des services fiscaux et d'un pouvoir d'injonction. Je ne sais pas s'il est possible de faire davantage en la matière, mais les délais impartis peuvent peut-être être mieux calibrés, selon qu'il s'agit de nominations au Gouvernement ou des autres déclarations...
M. Sauvé préconise une culture déontologique. Nous proposons de renforcer la répression pour garantir l'indépendance des parlementaires vis-à-vis des intérêts extérieurs. Relisez les débats sur la proposition de loi organique de 1995, devenue l'article L. 146-1 du code électoral, qui fixe un certain nombre d'incompatibilités. Le texte peut être amélioré sur ce point.
Le projet de loi met en oeuvre l'engagement 49 du Président de la République sur l'inéligibilité, renforce la répression du pantouflage et introduit, sous une forme adaptée, la notion de parjure dans notre droit. Beaucoup reste à faire, nos concitoyens nous regardent.
J'ai participé à tous les débats sur ces thèmes. La loi de 1988 et celle de 1990 qui l'a beaucoup modifiée visaient à remédier au scandale du financement de la vie publique. La France a avancé progressivement s'agissant des incompatibilités. Le scandale de la garantie foncière fut très particulier puisqu'un parlementaire faisait... de la publicité ! L'originalité, ici, est d'agir sur la transparence en réaction à une affaire de fraude fiscale - qui n'aurait pas été davantage découverte avec de telles mesures.
Dans le rapport du groupe de travail sur les conflits d'intérêt des parlementaires en 2011, nous étions partisans de l'autonomie du Parlement : à lui de faire sa police. Donner plus de pouvoirs à la Haute Autorité, d'accord, dès lors qu'elle est indépendante et que son action ne porte pas atteinte à la vie privée ni aux libertés publiques. Je doute quand même que l'on résolve toutes les questions. On va beaucoup demander à la grande majorité, qui est honnête. Qu'arrive-t-il à ceux qui commettent des infractions pénales ? En 25 ans d'activité de la commission pour la transparence financière de la vie publique, 6 défèrements au parquet sur des situations de parlementaire, zéro condamnation...
Toutes ces lois ont eu pour origine un scandale, avez-vous dit. Tenons-nous en aux plus récents : ils concernaient un ministre du budget, une ministre des finances, puis, plus récemment, un autre ministre du budget. Mais en quoi ces affaires concernent-elles le Parlement ? En quoi le pantouflage a-t-il sa place ici ? Pouvez-vous en dire plus sur la notion de parjure que vous semblez vouloir rétablir ?
Le plafond global des dons aux partis politiques fixé à 7 500 euros par donateur a été introduit à l'Assemblée nationale. Comment le contrôler ? En outre, ne devrait-on pas limiter les donateurs aux résidents fiscaux en France ?
Je me félicite que ces textes nous soient présentés, même s'ils le sont après un scandale. Ces mesures sont intéressantes. Il fallait répondre à une demande citoyenne. Il reste toutefois beaucoup à faire, je fais confiance à la sagesse du Sénat pour renforcer encore la souveraineté du peuple. La Haute Autorité doit avoir les moyens pour assumer ses missions. Faut-il la doter d'un pouvoir d'investigation et d'enquête ?
Il faut mieux définir la notion de conflit d'intérêts.
Le lobbying a été longtemps un sujet tabou. Or ces comportements nuisent à la démocratie. Il faudra y travailler plus précisément. J'espère que le débat sera l'occasion d'y répondre.
Mieux vaut que le lobbying soit officiel et réglementé que souterrain. On n'empêchera jamais les influences, autant que les choses soient transparentes.
La transparence absolue peut avoir des effets néfastes. Chacun a droit à sa vie privée, à son intimité. Qu'est-ce que le lobbying ? Nous sommes nombreux à défendre des idées ; l'essentiel est que tout soit explicite dans l'activité parlementaire. Un rapporteur reçoit les lobbyistes es qualité.
Soit dit en passant, je déteste recevoir des questions écrites toutes faites et des amendements pré-rédigés. Ce n'est pas sain. Nous sommes là pour écouter, réfléchir et rédiger nos propres amendements !
La question du déport mérite d'être regardée de près, le cas du Conseil constitutionnel et du Parlement ne sont pas équivalents. Au Parlement, l'adoption d'un texte peut tenir à une voix !
Dans le texte de l'Assemblée nationale, la consultation à la préfecture est limitée aux électeurs du département. Or, les parlementaires sont des élus de la Nation. Je suis également hostile au fichage des gens qui consulteront ces informations, exerçant ainsi un droit.
Le rapport sénatorial sur les conflits d'intérêts évoquait la question du déport. La décision politique résulte d'un débat où les points de vue particuliers se confrontent. Attention, en revanche, à ne pas nommer un rapporteur qui aurait un point de vue biaisé. Mais exiger que chaque atome parlementaire soit exempt de toute contamination n'a aucun sens !
Des améliorations sont possibles et souhaitables dans l'élaboration de la décision publique. En raison du principe de l'autonomie parlementaire, certaines décisions ne peuvent figurer dans la loi et relèveront des bureaux de vos assemblées.
La déclaration à une autorité indépendante existe depuis 1986 : c'est un acquis collectif.
L'Assemblée nationale a pris une règle importante sur le financement des partis politiques. On a trop longtemps fermé les yeux sur l'optimisation des règles de financement. Des partis politiques se sont créés, dont l'existence était seulement connue des quelques parlementaires concernés ! Il fallait mettre fin à cela, comme à l'utilisation astucieuse faite de la différence de traitement entre métropole et outre-mer. Faut-il créer des liens organiques avec la commission de contrôle des comptes de campagne ? La question mérite d'être posée. On peut aussi imaginer un registre des donations.
Je comprends votre préoccupation sur les dons par des personnes non imposables en France. Revenons-y lors de l'examen de vos amendements.
Le débat est ouvert sur les définitions. Sur les moyens, la réponse du Gouvernement est claire : les moyens de la Haute Autorité seront à la hauteur des besoins.
Je suis à la disposition du Sénat, dont j'attends les propositions avec grand intérêt.
J'ai cité les trois grandes affaires des cinq dernières années ; elles sont toutes liées à l'exécutif, aucune ne concerne le Parlement.
L'article 13 prévoit l'approbation des nominations visées sauf en cas d'opposition à la majorité des trois cinquième des suffrages exprimés, dont bientôt celle du président de la Haute Autorité. En réalité, cela interdit quasiment de contester une nomination. Ne faut-il pas modifier cette règle et envisager un renforcement du pouvoir du Parlement en cette matière ?
Les conflits d'intérêts et les risques sont bien plus importants pour les élus locaux que pour les parlementaires, qui ne gèrent aucun budget. Les parlementaires impliqués dans des affaires le sont en tant qu'élus locaux. Or, la garantie de l'autonomie ne s'applique pas aux élus locaux - qui sont soumis au contrôle de légalité et à l'autorité du préfet. La gestion locale doit être contrôlée de très près.
M. Hyest a répondu à M. Collombat. Il n'est pas juste de dire que les parlementaires ne sont jamais concernés.
L'inaction n'est pas une option. On ne peut ignorer la réalité, qui est terrible. A la question : « Pensez-vous que les élus sont honnêtes ou corrompus », 88 % des Français répondent « corrompus » dans un récent sondage !
Certains exploitent cette défiance, c'est leur fonds de commerce. La parole politique doit être à nouveau écoutée. Ignorer ce que disent les Français conduit aux résultats électoraux de Villeneuve-sur-Lot.
Je ne vais pas faire acte de contrition parce qu'une personnalité nationale a fauté gravement, en étant qui plus est ministre du budget. Nous n'avons pas à nous sentir coupables.
Le Président de la République a décidé, à la suite de ces événements, de proposer ces deux projets de loi. Il nous appartient de faire la meilleure législation possible.