Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Nous devons désigner des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Grâce à la sagacité du Sénat, l'adjectif a été supprimé en deuxième lecture ; l'Assemblée l'a néanmoins repris. Nous considérons que l'égalité se suffit à elle-même. Je propose les candidatures de Jean-Pierre Sueur, Virginie Klès, Michelle Meunier, qui est rapporteure pour avis, Jean-Jacques Hyest, André Reichardt, Muguette Dini et Cécile Cukierman, comme titulaires, et celles de Esther Benbassa, Yves Détraigne, Patrice Gélard, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Thani Mohamed Soilihi et Catherine Troendlé, comme suppléants.
La commission des affaires sociales, à laquelle appartient Mme Dini, avait reçu délégation de la commission des lois pour certains articles. Par ailleurs, le groupe UDI-UC a désigné comme candidat suppléant M. Yves Détraigne, qui est membre de notre commission.
Mmes Virginie Klès, Michelle Meunier, Cécile Cukierman, MM. Jean-Jacques Hyest, André Reichardt et Mme Muguette Dini sont nommés candidats titulaires et Mme Esther Benbassa, MM. Yves Détraigne, Patrice Gélard, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Thani Mohamed Soilihi et Mme Catherine Troendlé sont nommés membres suppléants.
Conformément à ce qu'avait envisagé le Bureau de notre commission en octobre dernier, je vous propose la constitution d'une mission d'information afin d'examiner la situation, notamment l'avenir institutionnel, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Wallis et Futuna. Du 26 juillet au 5 août prochain, je conduirai une délégation, composée de nos collègues Catherine Tasca et Sophie Joissains, qui se rendra dans ces deux territoires.
Il en est ainsi décidé.
Puis la commission entend M. Jacques Toubon, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de Défenseur des droits en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
À la suite du décès du regretté Dominique Baudis, le Président de la République a proposé la candidature de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits. M. Toubon nous rappellera les étapes de son parcours avant de nous exposer sa conception des fonctions auxquelles il aspire ; il répondra ensuite à vos questions. Le vote aura lieu à bulletin secret et s'additionnera à celui de nos collègues de l'Assemblée nationale.
Le Président de la République m'a manifesté sa confiance en proposant ma candidature aux fonctions de Défenseur des droits. C'est un honneur particulier pour moi que d'être entendu ce matin par votre commission. Je garde un excellent souvenir de notre collaboration, lorsque j'étais député, président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, ou membre du gouvernement. Notre travail était acharné ; il mobilisait le partage de nos compétences au-delà des clivages partisans. J'adresse d'emblée une pensée affectueuse et reconnaissante à Dominique Baudis, qui a su installer le Défenseur des droits dans le paysage des institutions françaises. J'ai fait l'objet de vives critiques publiques récemment ; elles m'ont donné l'occasion de dire ma vérité. Je n'y reviendrai pas, sauf si vous le souhaitez, bien évidemment.
Tout au long de ma vie publique, j'ai tenté d'apporter ma contribution à l'édifice juridique national. Trois moments en témoignent, qui correspondent aussi à des prises de position importantes du Sénat. Dans le domaine de l'éthique biomédicale, le Sénat, notamment au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, a largement contribué à diffuser les connaissances scientifiques et médicales, grâce aux travaux de sénateurs comme Franck Sérusclat ou le professeur Huriet, qui ont facilité l'élaboration d'une législation pionnière. Comme porte-parole de mon groupe à l'Assemblée nationale, j'ai pris une part active dans la recherche d'un équilibre entre le respect de la dignité humaine et l'exploitation des nouvelles connaissances et thérapeutiques médicales. L'indisponibilité du corps humain instaurée à l'article 16-7 du code civil est l'une de ces mesures équilibrées que nous avons su mettre en oeuvre. L'évolution a été considérable : la fécondation artificielle est installée dans les moeurs, la génétique a ouvert de nouveaux espoirs et concrétisé certains d'entre eux, l'égalité des droits est en marche, la recherche sur l'embryon fait l'objet d'un régime d'autorisation-exception que le Parlement a souhaité substituer à celui de l'interdiction-dérogation, et je ne parle pas du sujet brûlant de la fin de vie. J'ai suivi avec attention la marche de notre pays, celle d'autres pays européens, des États-Unis, du Japon ou de la Corée, sur ces questions qui touchent à l'identité humaine, du début de la vie jusqu'à la mort, et qui engagent notre responsabilité devant l'humanité. Je sais les conséquences de ces évolutions sur le statut des personnes, en matière de filiation, notamment, comme l'ont montré de récentes décisions de justice. Le pouvoir politique devra y faire face, par la loi, si nécessaire. Le Défenseur des droits a déjà reçu des réclamations ; il en recevra plus encore. C'est dans un esprit serein et informé, inspiré par l'égalité et l'humanité que je souhaiterais les traiter.
Le droit pénal et la procédure pénale nous ont souvent réunis et je garde le vif souvenir de la discussion au Sénat en première lecture de mon projet de loi instituant l'appel en cour d'assises du tribunal criminel départemental - révolution judiciaire qui mettait fin à la souveraineté absolue du jury populaire qui caractérisait notre procédure criminelle depuis 1789. Sur la base des conclusions proposées par le Haut Comité, alors présidé par Jean-François Deniau, je vous avais proposé de faire appel du jugement criminel de première instance, d'obliger à motiver les arrêts, d'éviter le passage du dossier en chambre d'accusation, et d'abaisser à dix-huit ans l'âge requis pour être juré. Le débat, rude, ardent et argumenté, aboutit à un résultat qui était à la hauteur de la tâche. Vinrent la dissolution puis la cohabitation. La loi du 15 juin 2000 instaura l'appel d'une cour d'assises à une autre. C'est seulement depuis le 1er janvier 2012 que les jugements criminels sont motivés. Il a fallu du temps, certes, mais j'ai la faiblesse de penser qu'en 1996, j'ai engagé un progrès irréversible dans les droits fondamentaux reconnus au justiciable en France.
Les commissions du Sénat - celle des finances, de la culture, des affaires européennes ou des lois - sont à l'avant-garde pour analyser, préserver, améliorer, et quelquefois critiquer nos politiques culturelles, tant dans le monde physique que dans l'univers virtuel. L'exception culturelle acquise en 1994 est efficacement défendue depuis lors. Elle relève d'un droit fondamental, celui pour les artistes d'échapper aux impératifs du marché et du libre-échange. C'est avec ce même objectif que je me bats pour garantir la diversité culturelle sur les plateformes et les réseaux culturels. Un autre droit dont nous bénéficions est celui de parler et d'écrire en français, langue que pratiquent 99 % d'entre nous, qui est le trésor de chacun - même du plus démuni - et un vecteur du lien social. La loi du 4 août 1994, à laquelle on accole souvent mon nom, a accordé ce droit à l'emploi du français dans toutes les circonstances principales de la vie. Dans ces trois domaines, nous avons avancé ensemble.
Depuis dix ans, inspiré par mon expérience de maire du XIIIème arrondissement de Paris pendant dix-huit ans, et fort de mes convictions républicaines, je m'investis dans les questions relatives à l'immigration et à l'intégration. Au musée de l'histoire de l'immigration, au Haut Conseil à l'intégration, mon combat a toujours été celui des valeurs de tolérance et d'humanité contre le racisme et les inégalités. J'ai fait preuve d'un engagement constant pour défendre les principes du respect de la dignité humaine, de l'égalité pour tous, mais aussi du rejet des extrémismes, du racisme et de la xénophobie, par le droit. Mesdames et messieurs les sénateurs, si je suis investi des fonctions de Défenseur des droits, je ferai la guerre à l'injustice. Qu'elle soit ressentie ou subie, elle naît de l'inégalité et ne sera vaincue que par une réelle égalité des droits. Je ne conçois pas le rôle du Défenseur des droits selon son seul statut constitutionnel d'indépendance, dans une sorte de hautain isolement. Je l'imagine comme un chef de pupitre dans l'orchestre national de l'action publique, composé des députés, des membres du Conseil économique, des maires, des présidents des conseils généraux, mais aussi des associations, des chercheurs, et de vous, sénateurs, qui représentez quotidiennement nos collectivités décentralisées. Le renforcement de la coopération entre les élus et le Défenseur des droits sera l'une de mes priorités, si vous m'accordez votre soutien. Il s'agit de volonté politique. Sans être présomptueux, je crois que mon expérience politique m'a permis de connaître les Français. Je connais aussi les arcanes de l'État, celles de Strasbourg, de Bruxelles, de Luxembourg, dont l'influence s'accroît dans la pratique du droit. Cette expérience me donnera plus de force et d'efficacité pour accomplir ma mission.
La politique, c'est l'art de donner à chacun un commun sentiment d'appartenance, de tolérance, d'estime de soi et des autres, en somme une envie de vivre et de bâtir ensemble, quand la cité nous prend tous et toutes, également, en considération. Le Défenseur des droits doit devenir le généraliste de l'accès au droit et aux droits face à la montée des détresses, des précarités, des violences et du sentiment d'injustice et de discrimination. Cela implique d'assurer l'application générale et égale des droits existants et, plus encore, de promouvoir l'existence de ces droits et d'imaginer ceux qui seraient éventuellement nécessaires.
Si le Défenseur des droits ne doit négliger aucune de ses missions, certains champs d'action sont prioritaires. Dans les années qui viennent, les discriminations ressenties et subies par les personnes âgées dépendantes ou par celles atteintes de handicap, ainsi que les discriminations du fait de l'origine devront faire l'objet de toute notre attention. Les enfants seront notre deuxième priorité, notamment par le renforcement de l'application de la convention internationale signée en 1989, et par l'amélioration de la loi de 2007 sur la protection de l'enfance - la mort de Marina en 2009 et le rapport fait alors par le Défenseur des droits en montrent la nécessité. Les questions de filiation, d'état civil et de nationalité sont au carrefour de la fin des discriminations et de l'intérêt de l'enfant. Enfin, le recul dans l'effectivité du droit à l'avortement constitue pour moi une préoccupation majeure. L'ambiance n'est pas bonne à cet égard, ni au niveau national, ni au niveau international. La France doit être ferme sur cette question essentielle.
Chacun doit pouvoir connaître ses droits, les articuler, trouver auprès de qui ils pourront être exercés et réclamés s'ils ne sont pas reconnus. Former tous les agents de la fonction publique à la culture de l'accueil, raccourcir les délais pour le traitement des réclamations, donner au site du Défenseur des droits une forme et un contenu accessibles au grand public, tenter de supprimer l'angle mort du numérique, c'est-à-dire les 20 % de la population qui ne peuvent pas ou ne savent pas utiliser Internet pour effectuer leurs démarches, tels sont les grands chantiers d'action à envisager. Je poursuivrai également la négociation d'une convention de partenariat avec la Chancellerie, qui est le pilote ministériel de l'accès au droit, dans la ligne du décret d'Alain Juppé qui officialisa les maisons de la justice et du droit, en 1996.
Je voudrais utiliser une méthode partenariale, car le Défenseur des droits doit s'insérer encore davantage dans un environnement de relations étroites et permanentes avec les autres parties prenantes, et d'abord avec le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Il me semble indispensable de conduire une enquête sociologique sur les inégalités d'accès au Défenseur, pour identifier ceux qui en auraient besoin et qui n'y accèdent pas. Cette étude serait la première étape d'un observatoire indépendant des relations entre les services publics et les citoyens. Enfin, je suggèrerai au Gouvernement de faire du Défenseur des droits et de la promotion des droits une grande cause nationale en 2015.
Je suis fier d'avoir été choisi pour exercer les fonctions de Défenseur des droits. Je les remplirai en toute liberté, au-dessus des contingences et des intérêts. Soyez sûrs que si vous m'accordez votre confiance, je saurai m'en montrer digne.
Le 30 novembre 1995, je vous ai interrogé à l'Assemblée nationale lors des questions orales ; vous étiez alors garde des sceaux. Vous m'avez répondu que le Gouvernement n'était pas favorable à la proposition de loi instaurant le contrat d'union civile, car l'ordre public s'y opposait, mais qu'il fallait au contraire favoriser les mariages et les naissances qui contribuaient à construire une France plus forte. Est-ce toujours votre conception ?
La CEDH a rendu un arrêt où elle condamne le refus de la France de reconnaître la filiation des enfants nés par mère porteuse à l'étranger. Quelles évolutions législatives envisagez-vous pour faire reconnaître les droits de ces enfants ? La Constitution prévoit que la nomination aux fonctions de Défenseur des droits peut se faire sans obtenir la confiance de la majorité du Parlement. Si vous vous trouvez dans ce cas, comment comptez-vous remplir votre mission ?
Monsieur le ministre, vous souhaitez faire la guerre à l'injustice. Depuis la dernière réforme constitutionnelle, en 2008, la France a considérablement amélioré ses instruments pour la défense des droits, avec l'élargissement des pouvoirs du médiateur sous la forme du Défenseur des droits, et les questions prioritaires de constitutionnalité. La France reste néanmoins le seul pays d'Europe qui ne respecte pas le principe de confiance légitime, car l'État, de droite ou de gauche, a toute liberté d'action. On remet ainsi régulièrement en cause des dispositions règlementaires, en matière financière, fiscale ou sociale. C'est une atteinte portée à un principe fondamental de la démocratie. Que comptez-vous faire pour que les droits des citoyens soient pleinement respectés et que l'État se soumette à la règle ?
J'ai lu dans la presse que vous étiez favorable au droit de vote des étrangers et à la procréation médicalement assistée (PMA). Pouvez-vous nous le confirmer ? M. Schweitzer avait créé au sein de la Halde un comité qui réunissait les principales organisations LGBT qu'il présidait. Grâce à ces rencontres, la Halde a progressivement acquis une expertise sur l'homophobie. Comme Défenseur des droits, Dominique Baudis a souhaité conserver ce cadre. Il a présidé quasiment toutes les réunions du comité, qui a ainsi mis en oeuvre un certain nombre d'outils - lancement d'un groupe de travail sur les questions trans, prise de position de l'institution sur l'inclusion de l'identité de genre dans le droit, édition de plaquettes sur les discriminations des LGBT au travail. Avez-vous connaissance de ce cadre de discussion ? Souhaitez-vous le maintenir ? Sa suppression serait un très mauvais signe.
Monsieur le ministre, pensez-vous que la loi qui a créé le Défenseur des droits il y a quelques années en regroupant quatre institutions différentes était bonne ? Le regroupement doit-il s'arrêter là ou d'autres fusions sont-elles possibles ?
La communication de Dominique Baudis était trop restreinte vis-à-vis du grand public. Une action auprès des établissements scolaires contribuerait à la développer. Le regroupement des services jusqu'alors dispersés faciliterait également une communication plus efficace.
Je tiens à saluer la mémoire de Dominique Baudis, qui s'est toujours montré à l'écoute des parlementaires. Je reconnais les compétences et les qualités indéniables de M. Toubon. Cependant, je suis une élue communiste, et je ne partage pas ses choix d'hier sur la peine de mort, l'IVG ou l'homosexualité. Vous dites que vous voulez faire la guerre à l'injustice. C'est là une haute ambition. Il existe des océans d'injustice dans notre pays. J'ai lu dans la presse que vous étiez favorable au droit de vote des résidents étrangers pour les élections locales. Beaucoup partagent votre position, à commencer par le Président de la République. Comment la concrétiser ?
Ce n'est pas manquer de reconnaissance envers Dominique Baudis que de penser que l'institution du Défenseur des droits n'a pas encore trouvé sa maturité.
La lutte contre les discriminations n'a pas beaucoup gagné au passage de la Halde au Défenseur des droits. Je m'intéresse au milieu carcéral. Bien des progrès restent à réaliser en matière de déontologie de la sécurité. Quel est votre avis sur le sujet ?
Des jugements ont été portés sur votre action future qui se sont fondés sur des prises de position anciennes, lorsque vous étiez responsable du principal parti d'opposition dans les années 80. Pour rétablir l'équilibre, je souhaiterais dire que je vous ai vu comme secrétaire général aller parfois à contre-courant de votre base. Vous avez été le gardien et le pédagogue du cordon sanitaire entre la droite et l'extrême-droite...
Un fossé s'est creusé dans notre pays entre musulmans et non musulmans, durant la dernière décennie. Dans les cités, les gens ont appris à se connaître, à se supporter et à s'apprécier. Si la multiculturalité des cages d'escaliers est apaisée, d'autres clichés ont pris le relais, comme celui du musulman lié à Al Qaïda que véhiculent les médias. À la sortie des écoles, des mères de famille légèrement voilées sont agressées par des gens qui confondent le port ostentatoire du voile dans les établissements publics d'enseignement et la liberté de s'habiller comme on veut dans l'espace public. Malgré tous les dispositifs contre les discriminations mis en place par les pouvoirs publics, les incompréhensions se multiplient et le sentiment de discrimination s'accentue. La distinction entre la discrimination subie et la discrimination ressentie reste difficile à faire. Quels moyens nouveaux envisagez-vous de mettre en oeuvre pour améliorer la situation ?
Je salue, comme mes collègues, l'action de Dominique Baudis, même si beaucoup reste à faire. Je m'associe aux questions de mes collègues Lecerf et Gélard sur la déontologie de la sécurité et sur l'immobilier - sujet que j'ai largement évoqué dans mon avis budgétaire. Il est tout à fait souhaitable d'améliorer la communication du Défenseur des droits pour élargir l'accès au droit. Quelles mesures concrètes préconisez-vous ? Si la défense de la langue française est une belle cause, n'est-il pas plus urgent de lutter contre l'illettrisme, qui limite l'accès au droit ? Les enfants seront une de vos priorités, et vous mentionnez les questions d'état civil et de filiation. Ne devrait-on pas se préoccuper aussi d'autres questions, comme la séparation conflictuelle des parents ou les violences conjugales ? Quelle est votre position sur le recours aux tests osseux pour déterminer l'âge des mineurs en situation irrégulière ? Que pensez-vous de la révision de l'ordonnance de 1945 ? En matière d'éthique biomédicale, vous nous avez parlé de vie et de mort. Selon vous, quand commence la vie et quand finit-elle ?
Je vous remercie pour l'ensemble de ces questions. Monsieur Michel, nos débats ne datent pas d'aujourd'hui. J'ai un grand respect pour les positions qui sont les vôtres. Je me suis exprimé sur le Pacs en tant que ministre de la justice et au nom du gouvernement Balladur. J'ai effectivement exprimé l'opposition du gouvernement au contrat d'union civile, en employant l'expression « contraire à l'ordre public », qui n'a rien d'un jugement moral. L'ordre public, c'est l'ensemble des règles d'intérêt général qui régissent la vie en société et qui ne peuvent être contournées par un contrat, sous peine de nullité. Bien entendu, vingt ans ont passé et pour ma part, je n'ai aucune difficulté à dire que l'égalité entre tous qui a été instituée par étapes - le Pacs, puis le mariage pour tous - est une évolution positive de la société et du droit.
On m'a fait procès de certaines positions défendues dans le passé. La solidarité politique entraîne un certain nombre de votes, toutes convictions confondues. La vie politique est un exercice difficile. Je rappellerai avec bienveillance la séance qui s'est tenue le 9 octobre 1998, à l'Assemblée nationale. Le gouvernement Jospin y présentait le texte sur le Pacs. L'exception d'irrecevabilité déposée par le groupe libéral a été votée et le texte a été rejeté, car les députés de gauche n'étaient pas venus assez nombreux dans l'hémicycle. Le compte rendu des débats décrit parfaitement la scène. Je n'épilogue pas. La majorité et le gouvernement de gauche ont ensuite fait la loi sur le Pacs mais, ce jour-là, les députés socialistes n'étaient pas venus voter... La politique est une vocation dans laquelle l'exercice de la responsabilité peut conduire aux plus grandes exigences tout comme aux plus détestables caricatures.
Monsieur Leconte, j'ai dit clairement que le Gouvernement devait tenir compte de l'arrêt de la CEDH. C'est un débat difficile. Je suis hostile à la gestation pour autrui (GPA), car je suis hostile à la chosification du corps humain. Pour le reste, je me pose les mêmes questions que vous. L'égalité induit-elle nécessairement l'égalité devant les formes légalement admises de procréation artificielle ? C'est une vraie question. Le Défenseur des droits devra y réfléchir. Tout en respectant la loi, il pourra influencer le débat par ses observations. Enfin, si je suis désigné avec un nombre de voix favorables que certains jugeraient insuffisant, je m'efforcerai de justifier la confiance de ceux qui m'auront soutenu et de donner tort à ceux qui m'auront combattu. Mon seul programme sera de convaincre ; nous nous retrouverons pour faire le point.
Lorsque je dis qu'il faudra tenir compte de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, cela signifie que nos règles d'inscription à l'état civil devront être modifiées. La garde des sceaux a signé une circulaire sur les certificats de nationalité mais il faudra bien traiter de la question de l'identité figurant sur l'état civil.
Monsieur Cointat, la « confiance légitime » peut être traduite par un concept plus français, la sécurité juridique, qui a fait l'objet d'un certain nombre de décisions du Conseil constitutionnel, notamment en matière fiscale. Si le Défenseur des droits ne peut qu'appliquer les lois telles qu'elles ont été votées, il peut aussi marquer ses convictions, ses souhaits, ses propositions. Dans ce domaine, je suis prêt à en faire car beaucoup de nos concitoyens n'ont pas confiance dans leur justice. Il y a quelques années, le rapport annuel du Conseil d'État portait sur la question de la sécurité juridique : je m'y réfèrerai pour avancer mes propositions.
Je veux dire à M. Gélard, rapporteur et même « faiseur » de la loi sur le Défenseur des droits, qu'après trente-trois mois d'exercice de la fonction par Dominique Baudis, le regroupement a créé une sorte de force de frappe positive tant vis-à-vis de la société qu'à l'égard des pouvoirs publics : de nombreux avis, recommandations, observations, propositions ont été pris en compte par les tribunaux et par le Parlement.
Faut-il aller plus loin ? Je suis tenté de dire : qui trop embrasse mal étreint. Mais depuis la loi Tasca du 28 mai 2014, une incertitude demeure : les détenus peuvent faire appel au Contrôleur général mais aussi au Défenseur des droits. Les pouvoirs de l'un sont presque équivalents à ceux de l'autre et, en cas de double intervention, le message risque d'être brouillé vis-à-vis de l'administration pénitentiaire. Si je suis nommé, je renouvellerai avec Adeline Hazan la convention passée entre Jean-Marie Delarue et Dominique Baudis car je ne souhaite pas la fusion avec le Contrôleur général.
Aujourd'hui, le Défenseur est saisi de 100 000 réclamations, dont 80 000 concernent les relations entre les services publics et les citoyens et 20 000 concernent les discriminations, la déontologie de la sécurité et la défense des enfants. C'est beaucoup, mais ce n'est rien, compte tenu des aspirations de nos concitoyens et de leur sentiment d'injustice. Nous devrons expliquer à nos concitoyens qu'ils ont des droits et qu'ils peuvent les revendiquer. Les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat devront être bienveillantes à notre égard car nous ne comptons que 220 agents dans nos deux centres parisiens et un peu plus de 400 délégués bénévoles indemnisés sur le terrain : ce n'est pas assez face à notre future tâche.
Le Gouvernement a décidé de regrouper, fin 2016, les autorités administratives indépendantes, et donc les services du Défenseur des droits, dans les immeubles de la place de Fontenoy. L'économie de fonctionnement exige en effet que nous soyons regroupés ; j'espère que ce projet sera mené à son terme et je me battrai pour y parvenir.
Mme Assassi a évoqué mes positions passées : j'étais pour l'abolition de la peine de mort, j'étais favorable à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) ; j'ai d'ailleurs soutenu en 1974, lorsque j'étais au cabinet de Jacques Chirac, la dépénalisation de l'IVG voulue par Simone Veil. Enfin, j'estime que toutes les sexualités sont équivalentes pour peu qu'elles soient entre personnes consentantes et qu'elles doivent toutes être exercées dans la même liberté et la même égalité. Depuis que j'ai été élu maire du XIIIème arrondissement en 1983, je suis favorable au vote des étrangers aux élections locales car la participation civique et politique de tous ceux qui vivent, travaillent, payent des impôts dans une commune ou dans un département est un instrument de promotion et d'intégration mais aussi d'efficacité pour notre démocratie locale et nos collectivités décentralisées. Par ailleurs, nationalité et citoyenneté ont des liens historiques et politiques : la question est donc difficile à trancher. Comment peser ? En le disant, comme ce matin ; ma déclaration à l'Assemblée nationale n'a pas reçu une approbation unanime...
J'ai beaucoup travaillé sur ces sujets au titre de l'histoire de l'immigration et au titre de l'intégration sociale et culturelle. Les réponses juridiques ne peuvent être les seules, mais dans un pays de légalité comme le nôtre, où la citoyenneté crée l'espace de la vie, à l'image de Georges Braque lorsqu'il disait que « La sculpture découpe l'espace comme la musique découpe le silence », le Défenseur des droits, tout en respectant les textes, peut faire des propositions.
Je m'excuse auprès de Mme Benbassa à qui je n'ai pas fini de répondre. Le Défenseur des droits reçoit de nombreuses réclamations de transsexuels et de transgenres relatives, par exemple, aux questions d'état civil. Je ferai des propositions au Parlement et au Gouvernement sur ce sujet. Je poursuivrai l'action de Dominique Baudis sur le comité d'entente LGBT : je le maintiendrai, le réunirai et le présiderai.
Monsieur Lecerf, la déontologie de la sécurité est un domaine dans lequel le Défenseur des droits ne reçoit que peu de réclamations - environ 550 en 2013 -, mais il s'agit d'affaires lourdes. Jean-Marie Delarue a agi avec beaucoup de discernement en ce domaine, notamment après la circulaire d'août 2012 sur les évacuations. Des recommandations ont été adressées, par exemple pour les migrants de Calais : je crains fort que nous devions y revenir. En novembre 2012, un excellent avis sur le sujet a été rendu ; le Défenseur des droits doit renforcer sa présence en ce domaine, notamment en ce qui concerne les contrôles d'identité. Dès 2012, le Défenseur des droits avait étudié cette question. Un groupe de travail a été constitué et j'y participerai.
M. Grosdidier a posé des questions difficiles, s'agissant de la place de ceux qui professent la religion musulmane ou vivent dans cette culture. La reconnaissance et la prise en compte de l'origine parmi les critères de discrimination est une avancée, même s'il n'y a pas équivalence entre origine et religion. Je suis profondément laïque : j'estime que les droits de l'homme et du citoyen passent par les lois de la République et doivent s'appliquer à tous. En France, il ne peut y avoir de droits particuliers parce qu'on appartient à telle ou telle communauté. Récemment, la Cour de cassation a tranché l'affaire de la crèche Baby Loup. Nous serons amenés à présenter des observations devant les tribunaux saisis de plaintes en discrimination. Beaucoup de ces difficultés, de ces violences, de ces conflits, de ces revendications, de ces affirmations identitaires proviennent d'un sentiment d'injustice, d'où l'affirmation d'une différence.
Enfin, je vais répondre à Mme Klès, spécialiste du Défenseur des droits au Sénat. Bien sûr, l'illettrisme est un sujet essentiel. Lorsque j'étais garde des sceaux, j'ai demandé au professeur Alain Bentolila de mettre en place des programmes pour lutter contre l'illettrisme en prison. Au collège et au lycée, l'éducation aux droits doit être enseignée : on ne peut se contenter de la demi-heure hebdomadaire sur l'éducation civique.
En revanche, je ne peux vous répondre sur les tests osseux qui permettent de déterminer l'âge. Si je suis nommé Défenseur des droits, j'examinerai cette question pour vous apporter une réponse.
L'ordonnance de 1945 représente un formidable chantier. Mme la garde des sceaux m'a récemment dit que le projet de loi sur la délinquance des mineurs n'était pas enterré.
Elle a publié un communiqué la veille de la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier.
La vie et la mort ? Pour la vie, j'ai participé aux premières lois sur la bioéthique et j'ai suivi les travaux qui ont été faits jusqu'à la dernière loi relative à la recherche sur l'embryon, qui est conforme à mes convictions. Pour la mort, la loi Léonetti me semble une excellente base pour les travaux à venir.
Merci pour vos réponses précises et personnalisées.
La séance est levée à 10 h 50
La séance est ouverte à 10 h 50