La commission auditionne M. Bernard Pêcheur, président de la section de l'administration du Conseil d'Etat, accompagné de M. Alexandre Lallet, maître des requêtes au Conseil d'Etat, sur les conclusions de son rapport sur le droit d'association dans les armées.
Nous recevons aujourd'hui M. Bernard Pêcheur, Président de la section de l'administration du Conseil d'Etat, qui a remis, le 18 décembre dernier, un rapport au président de la République sur « le droit d'association professionnelle des militaires ». Ce rapport a été confié à M. Pêcheur peu de temps après la publication, le 2 octobre dernier, de deux avis de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamnant la France en raison de l'interdiction faite aux militaires de se syndiquer. Il s'agissait de réaliser une étude sur les conséquences de ces arrêts en droit français et de proposer, le cas échéant, une adaptation du dispositif juridique en vigueur.
Monsieur le Président, nous sommes particulièrement honorés de votre présence aujourd'hui car je crois que c'est la première fois que vous présentez publiquement votre travail. C'est pour nous un sujet particulièrement sensible dans la mesure où, d'une part, la France a été condamnée, d'autre part, la perspective de l'introduction du droit syndical dans les armées, alors que celles-ci sont sous tension du fait du nombre d'opérations extérieures engagées et des difficultés budgétaires, suscite des inquiétudes.
Dans ce contexte, vos propositions, qui sont approfondies et opérationnelles puisqu'elles comportent un avant-projet de loi, sont particulièrement importantes. Nous discuterons, bien entendu, avec l'exécutif des conclusions qui en seront tirées. Mais il nous importe de connaître votre analyse et la démarche qui a été la vôtre pour formuler ces propositions à partir de la position exprimée par la CEDH dans ses arrêts.
C'est un honneur pour mon collègue et moi d'être ici et ce sera effectivement pour nous la seule occasion - outre, une audition à l'Assemblée nationale - de nous exprimer publiquement sur ce rapport, qui appartient désormais au gouvernement. Ce rapport débute par une citation tirée du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2013, qui définit les deux fondements de la stratégie de défense et de sécurité de notre pays : « La France préservera sa souveraineté en se donnant les moyens de l'action et de l'influence ; elle contribuera à la sécurité internationale en inscrivant ses action dans une légitimité nationale et internationale ». Il se termine également par une citation, tirée du Fil de l'Epée (Charles de Gaulle, 1933) : « Certaine illusion pourrait donner à croire que le rôle des soldats, si vaste fut-il dans le passé, est en voie de disparaître et que l'univers d'à présent peut enfin se passer d'eux. Une telle théorie, répandue dans une génération dont le destin politique, social, économique, moral fut précisément réglé à coups de canon, est, par elle-même, assez singulière ». Nous rappelons ainsi que nos armées ont combattu, combattent et combattront et que notre état du droit traduit cette réalité.
Cette mission m'a été confiée à titre personnel, en tant que conseiller d'Etat et président du Haut Comité d'évaluation de la Condition militaire, et je l'ai acceptée comme telle, en choisissant moi-même pour m'accompagner dans cette mission mon collègue, M. Alexandre Lallet, maître des requêtes au Conseil d'Etat. Notre état d'esprit initial était de contester la position de la CEDH. Nous avions alors la conviction qu'il fallait demander le renvoi des arrêts devant la grande Chambre de la Cour.
Conformément aux recommandations de la commission présidée par M. Renaud Denoix de Saint Marc en 2003, l'interdiction d'adhésion à des groupements ou associations, prévue au niveau législatif par la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, avait en effet été débattue et confirmée en 2005 à l'occasion de l'examen et du vote de la loi de refonte du statut général des militaires (loi n° 2005-270 du 24 mars 2005). Cette loi avait en outre permis des évolutions en matière de concertation, de participation et de représentation : création d'un Haut Comité d'évaluation de la Condition militaire, développement des commissions participatives et des présidents de catégorie, qui représentent les militaires dans les unités, adaptation du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire. Par ailleurs, des évolutions étaient engagées dans la gendarmerie, dont les présidents de personnel sont élus depuis 2010. Nous pensions donc avoir atteint un juste équilibre entre discipline et dialogue.
Enfin, la question était beaucoup plus complexe que la Cour n'avait pu l'appréhender dans son approche, dans la mesure où nos armées conduisent des opérations militaires à l'extérieur mais aussi sur le territoire national (des gendarmes ayant, rappelons-le, été tués en Guyane dans le cadre de la lutte contre l'orpaillage). C'est pourquoi il nous est apparu nécessaire de faire dans notre rapport une mise en perspective de l'état du droit et de rappeler dans quelles circonstances il s'est cristallisé, en rappelant le rôle des armées françaises depuis la Révolution.
Fallait-il demander le renvoi devant la grande Chambre de la Cour? Quelles étaient les chances de succès de cette démarche et les objectifs poursuivis ? Et que faire si l'on ne le demandait pas ? Cela supposait d'engager une réforme ne conduisant pas à ébranler notre édifice militaire et qui soit suffisante pour qu'on n'ait pas à y revenir.
Concernant l'idée de demander le renvoi, nous avons changé d'avis par rapport à notre conviction initiale car nous n'avions aucune chance de gagner. Si nous avions eu une seule chance de l'emporter, nous aurions recommandé le renvoi. Ce n'était pas le cas.
Nous aurions pu faire valoir le manque de clarté de la motivation des arrêts, qui mélange droit d'association et droit syndical, mais cela ne nous donnait pas un intérêt à agir. En outre, l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales lui-même mêle les deux notions.
Sur le fond, nous n'avions pas davantage d'espoir de gagner, eu égard à la position qu'avait exprimée la Cour dans un arrêt de 2008 (CEDH, 12 novembre 2008, Demir et Baykara c/Turquie). Jusqu'alors, sur le fondement de l'article 11§2 de la Convention, la Cour admettait très largement la possibilité de « restrictions légitimes » à l'exercice du droit d'association. Mais à compter de cet arrêt de 2008, la CEDH a évolué vers une interprétation restrictive de cette notion, les exceptions devant être justifiées, nécessaires et ne pas porter atteinte à la substance du droit. Les exceptions sont donc de plus en plus limitées et elles ne peuvent affecter les « éléments essentiels de la liberté syndicale ».
Enfin, nous n'aurions eu aucun soutien de la part des autres Etats. En ce qui concerne le droit dans les Etats voisins, il faut noter que la Grande-Bretagne interdit le droit syndical mais tolère, sans l'autoriser formellement, l'activité d'une association professionnelle nationale, la British Armed Forces Federation (BAFF). L'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède admettent le droit syndical mais leurs armées n'assument pas les mêmes missions que les nôtres. Seule l'Italie est un peu comparable à la France puisqu'elle interdit le droit d'association et le droit syndical, tout comme les Etats-Unis.
Les propositions que nous faisons tiennent compte d'une double nécessité : faire évoluer le droit pour assurer sa conformité à l'article 11 de la Convention tout en respectant les limites et les principes fixés par la Constitution, notamment la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 28 novembre 2014, a affirmé le principe de « la nécessaire libre disposition de la force armée par le pouvoir exécutif ». Il existe donc un chemin étroitement borné, dans lequel s'inscrit la solution que nous proposons. La transposition pure et simple du droit syndical dans les armées, sans restriction, se heurterait au principe constitutionnel précité ; à l'inverse, son adaptation par des mesures restrictives conduirait à dénaturer le droit syndical, ce que condamnerait également le Conseil Constitutionnel. Il en serait de même s'agissant du droit de créer des associations régies par le droit commun. D'où notre proposition de créer des associations sui generis, régies par le code de la défense, et en tant qu'elles n'y sont pas contraires, par la loi de 1901 sur les associations.
Confirmant l'interdiction pour les militaires de créer et d'adhérer à des syndicats, le projet de loi autoriserait la création d'associations professionnelles nationales de militaires (APNM) dont l'objet serait exclusivement de préserver et promouvoir les intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire. Une définition de la condition militaire serait, à cet égard, introduite dans le code de la défense, à l'article L. 4111-1, permettant de délimiter le champ matériel aussi bien des associations professionnelles de militaires que du Haut Comité d'Evaluation de la Condition militaire et des instances de participation. Les associations professionnelles de militaires seraient exclusivement nationales. Elles seraient constituées par des militaires d'active et de la réserve opérationnelle, ainsi que par des fonctionnaires détachés dans les forces armées, à l'exclusion des retraités. Elles seraient ouvertes à tous les grades, ne devraient procéder à aucune discrimination et devraient respecter les principes fondamentaux de l'état militaire et les valeurs de la République. Leurs sièges sociaux se trouveraient en France. Les ANPM reconnues représentatives auraient des droits particuliers comme celui d'être entendues au niveau national (ministres, chefs d'états-majors...) ou de siéger dans les conseils d'administration de certains établissements publics tels que la Caisse nationale de sécurité sociale des militaires. Celles représentatives au niveau interarmées pourraient désigner des représentants au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) dans la limite d'un tiers, celles représentatives au niveau d'une armée ou d'une formation rattachée pourraient siéger au Conseil de la fonction militaire (CFM) correspondant. En aucun cas, elles ne pourraient siéger dans les instances locales de participation.
Je vous remercie. Il s'agit d'une innovation très importante : un droit d'association spécifique, répondant à un certain nombre de contraintes, et s'appuyant sur les piliers structurants que vous avez évoqués.
Je salue votre rapport et vous remercie pour la précision et la liberté de ton de votre présentation. Début octobre, nous avons été nombreux à partager votre première réaction. Il était donc important que vous puissiez nous faire part de votre analyse et des convictions que vous avez acquises au cours de votre travail.
L'adoption des propositions que vous nous présentez nous mettrait-elle à l'abri d'une nouvelle condamnation par la Cour européenne ? Serions-nous véritablement protégés par l'institution d'un droit d'association, qui ne serait pas un droit syndical ? Par ailleurs pourquoi préconisez-vous la mise en oeuvre de la procédure accélérée ?
La question d'un droit d'association dans l'armée se pose depuis longtemps. Il existe des associations d'anciens officiers et des associations de soutien à l'armée qui sont autorisées et permettent une expression publique. Je m'interroge sur l'influence, au sein de la Cour européenne des droits de l'homme, de juges issus de pays non directement concernés par les questions militaires.
Par ailleurs, il y a un risque que les futures associations prennent publiquement la parole, y compris devant les médias, par exemple pour commenter les propos du chef de l'Etat, s'exprimer sur un engagement extérieur de la France. Comment limiter ce risque ? Il faudra convenir des moyens d'éviter ce genre de situation.
Au moment où chacun sent bien la nécessité de conforter l'autorité de l'Etat et donc des moyens mis à sa disposition pour assurer sa sécurité, on ne peut que s'interroger sur les conséquences de cette réforme. Nous devons néanmoins respecter nos engagements et chercher une solution qui prenne en compte ces deux préoccupations. Dès lors, comment concilier le droit de ces associations de s'exprimer publiquement et leur non-ingérence dans la définition de la politique de défense ?
Les associations locales de militaires retraités nous ont alertés au sujet de ce projet dans la mesure où elles seraient exclues des nouvelles associations professionnelles. Quelle serait dès lors la place des retraités dans le nouveau dispositif ? Par ailleurs, n'y a-t-il pas un risque que le principe hiérarchique s'impose au sein de ces associations et réduise à néant le droit d'expression ?
La nouvelle loi nous mettra-t-elle à l'abri d'une condamnation ? Nous le pensons. Nous nous sommes entourés d'un certain nombre d'avis qui ont convergé avec notre analyse. En effet, la convention européenne des droits de l'homme ne distingue pas le droit syndical du droit d'association. Nous pouvons remplir nos obligations en garantissant la substance du droit prévu par l'article 11 de la Convention, et les moyens d'exercer ce droit, sans pour autant adopter le modèle du droit syndical.
Par ailleurs, plus le consensus sera fort sur ces questions qui touchent à l'identité d'un pays, plus la Cour sera sensible à la position adoptée par le législateur de ce pays.
Ce point est extrêmement important pour nous. Un consensus général donnera de la force à notre position.
Pourquoi aller vite ? Depuis le 3 janvier dernier, dès lors que la France n'a pas demandé le renvoi de l'affaire devant la grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme, la loi, c'est-à-dire l'article L4121-4 du code de la Défense, est contraire à la Convention. Toute association peut se constituer et demander au juge que des facilités lui soient accordées. A défaut de cadre juridique précis, c'est le juge qui devra alors fixer des limites au cas par cas, en s'appuyant sur les grands principes. Il est souhaitable que ce soit le législateur qui détermine rapidement et clairement le cadre d'exercice de ce droit d'association.
Quels sont les risques que présente l'évolution du droit proposée ? Le premier est celui d'une dérive syndicale, qui se traduirait par l'émergence d'un syndicalisme s'érigeant en contre-pouvoir, en contre-hiérarchie. Ce ne serait pas acceptable.
Le deuxième risque serait que les associations de militaires ne deviennent, en réalité, les instruments des états-majors. Une telle instrumentalisation de l'action des associations, pour obtenir gain de cause auprès des pouvoirs publics, est observée dans certains pays. Or le pouvoir civil doit conserver son autorité sur les armées.
Le troisième risque est celui d'une politisation de ces associations.
Il est indispensable, pour réduire ces risques, que le législateur réaffirme de grands principes : l'indépendance des associations vis-à-vis des partis, des confessions, de la hiérarchie et le respect par elles des obligations de l'état militaire.
Que faire pour empêcher que certaines associations ne viennent contester des orientations stratégiques ? C'est l'objet de la définition de la condition militaire, qui n'inclut ni la politique de défense ni la conduite des opérations, mais se rapporte aux hommes, c'est-à-dire au soutien, et notamment aux rémunérations.
Les choix budgétaires sont à la charnière de ce qui pourrait, ou non, être contesté par les associations. Le droit d'expression sera probablement utilisé dans le sens d'une augmentation des moyens. Mais il ne doit pas s'agir de contester les choix du Parlement. Le devoir de réserve sera réaffirmé. L'évolution proposée n'est pas sans risques ; c'est la moins mauvaise solution. La loi devra comporter un certain nombre de verrous pour cantonner l'expression des associations.
Plusieurs considérations nous ont conduits à ne pas prévoir la présence des retraités au sein de ces associations. D'une part, les retraités possèdent leurs propres associations, très attachées à la condition militaire, qu'ils ont souvent défendue, notamment dans la gendarmerie. Les retraités disposent aussi d'une instance, le conseil permanent des retraités militaires. D'autre part, si les militaires quittent le service pour la réserve, ils pourront siéger dans les associations. Mais il n'est pas souhaitable que des retraités, qui n'ont plus aucun lien, sinon affectif, avec l'état militaire, soient membres des associations, les armées n'ayant plus aucune prise sur eux. Les associations de militaires doivent être de nature purement professionnelle.
Et s'agissant du lien hiérarchique à l'intérieur de ces nouvelles instances ?
Les associations seront inter-catégorielles et inter-grades. Les militaires ne sont évidemment pas en nombre équivalent selon les grades. Les associations seront ouvertes à tous les grades et susciteront probablement l'émergence de leaders parmi les représentants de catégorie ayant déjà fait leurs preuves. Dans les unités, les présidents de catégorie sont élus. Ce sont des professionnels reconnus et légitimes. Il est souhaitable qu'ils s'investissent dans les associations.
Je reste sceptique, voire inquiet, à l'égard de certaines de vos propositions. La création d'associations professionnelles présente des risques que nous devons mesurer. Ces futures associations n'auront-elles pas tendance à défendre des idées politiques ? Quel sera le rapport entre elles et la presse ? Nous avons l'exemple des syndicats de policiers qui interviennent dans la presse dès qu'il y a un incident et qui jouent un rôle de communication. Lorsque nous nous rendons sur des théâtres d'opération extérieure, les soldats nous parlent de leurs difficultés, en termes de conditions de vie mais aussi de matériels ou équipements. Les associations évoqueront-elles ce type de sujets devant les journalistes ? On voit bien que cette évolution présente des limites et des dangers.
Nous appartenons tous à une ou à plusieurs associations et nous avons tous été à l'origine de la création d'au moins une d'entre elles. Nous savons bien comment elles fonctionnent. C'est pourquoi l'exposé des motifs de la loi et l'objet social des futures associations doivent être particulièrement clairs, notamment en ce qui concerne l'absence de position politique ou confessionnelle et le respect de la hiérarchie et des objectifs.
Je rejoins par ailleurs la question qui vient d'être posée en ce qui concerne les syndicats de police qui s'expriment devant les journalistes. Les associations de militaires seront-elles amenées à jouer un rôle similaire ?
Enfin, comment organiser les droits des fonctionnaires civils dans les armées et réciproquement ceux des personnels militaires détachés dans le civil ?
On assiste depuis plusieurs années au rapprochement entre la police et la gendarmerie. Dans ce droit fil, les associations de gendarmes n'auront-elles pas tendance à imiter les syndicats de police ?
Par ailleurs, que se passerait-il si nous ne donnions pas suite à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme ?
L'article 11 de la Convention évoque des « restrictions légitimes » aux libertés. La limitation à la liberté d'expression constitue-t-elle une restriction légitime au regard des enjeux que nous avons évoqués ?
Je regrette que nous n'ayons pas su traiter ce problème avant que la Cour ne statue. En tant que membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je participe à l'élection des juges de la Cour et il est vrai que nous assistons à une surreprésentation des petits Etats, dont la culture juridique ou militaire diffère profondément de la nôtre. Depuis la disparition de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), nous n'avons plus, à un niveau équivalent, de réflexion sur des problèmes de défense, ce qui est dommage. Il eut été préférable d'anticiper cet arrêt, par exemple en suscitant un débat approfondi au sein des instances du Conseil de l'Europe. Ce type de débat aurait permis d'éclairer le sujet d'un point de vue politique et historique, contribuant ainsi à la réflexion et aux délibérations des juges de la Cour dans le complet respect de leur indépendance. Nous prêtons souvent plus d'attention aux travaux du Parlement européen et aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne qu'à ceux du Conseil de l'Europe. Enfin, je redoute aussi, comme certains de mes collègues, l'évolution de ces associations vers un fonctionnement similaire à celui des syndicats de police.
Les responsables des futures associations verront dans la loi française une voie médiane vis-à-vis de la jurisprudence de la Cour et auront tendance à développer leurs propres prérogatives. C'est une évidence du simple point de vue de la sociologie des organisations ! Et donc un point de vigilance pour nous.
Peut-on imaginer que le nouveau contexte d'insécurité puisse amener la Cour à faire évoluer sa jurisprudence ?
Notre ordre constitutionnel et la Convention européenne des droits de l'Homme répondent à des logiques différentes. Le législateur français, comme celui de beaucoup d'autres pays, doit opérer une conciliation entre des principes de même force mais qui peuvent être antagonistes : la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, les libertés, la sécurité... La Convention n'a pas été conçue ainsi : elle pose d'abord le principe des droits de l'Homme, la puissance publique ne constituant en quelque sorte qu'une ingérence dans ces libertés.
En ce qui concerne la composition de la Cour, sur laquelle je ne saurais me prononcer mais qui peut en effet soulever des interrogations, il est clair qu'il existe des cultures juridiques, militaires ou historiques très différentes entre les Etats membres et qu'elles peuvent dépendre de la taille de l'Etat.
Si notre droit n'est pas adapté en conséquence de l'arrêt de la Cour, la France sera à nouveau condamnée.
En outre, le Conseil des ministres du Conseil de l'Europe peut saisir lui-même la Cour européenne des droits de l'Homme pour manquement.
Surtout, conformément à l'article 55 de la Constitution, les juges nationaux saisis d'un contentieux pourraient écarter l'application de la loi française et seraient amenés à élaborer au cas par cas une jurisprudence pour autoriser ou non telle ou telle association, tel ou tel syndicat.
Le juge national applique le droit européen, conformément à la Constitution.
Non. Nous saisissons l'opportunité de l'arrêt de la Cour pour améliorer plus largement notre droit, par exemple en renouvelant certaines instances ou en donnant une définition de la condition militaire. Mais il est vrai que la loi devra être particulièrement bien écrite pour que le cadre qu'elle fixe soit pleinement opérationnel dans la durée.
En ce qui concerne le rapprochement entre la police et la gendarmerie, je constate que, depuis 2009, les gendarmes ont en fait redécouvert leur « militarité », notamment parce qu'ils ne sont plus en concurrence avec les autres militaires sur le plan budgétaire. La participation de la gendarmerie aux opérations extérieures modifie également la perception des choses. Je suis donc plutôt optimiste.
Les fonctionnaires détachés dans les armées, par exemple les policiers détachés dans la gendarmerie, pourront, dans la proposition que nous faisons, adhérer à des associations professionnelles puisqu'ils font bien partie des armées. Nous proposons d'ailleurs un mécanisme de mise en oeuvre de la loi relative à la mobilité dans la fonction publique car des difficultés subsistent pour publier certains décrets d'application. Un militaire détaché dans le civil relève à la fois du militaire et du civil et pourrait donc se syndiquer à ce dernier titre.
L'usage qui sera fait de la liberté d'expression relève d'abord de la pratique et présente, il est vrai, un risque réel. Dans la rédaction que nous proposons, les associations ont pour seul objet de préserver et promouvoir les intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire, ce qui exclut les missions ou les opérations.
Je vous remercie. Nous voyons bien que nous sommes dans une forme d'impasse juridique mais que la solution est complexe à trouver et à mettre en oeuvre. Le contexte actuel ne facilitera pas l'émergence d'un consensus sur cette question.
Nous avons autorisé hier soir la prolongation de l'opération « Chammal » soutenant la lutte en Irak, à la demande de son gouvernement, contre le groupe terroriste Daech.
Nous abordons aujourd'hui nos relations avec l'Irak sous un autre angle puisque le Sénat est saisi de deux projets de loi autorisant :
- pour le premier (n° 116 - 2014-2015), l'approbation de l'accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Irak ;
- et pour le second (n° 117 - 2014-2015), la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Irak, d'autre part.
Ces projets de loi ont été adoptés par l'Assemblée nationale, saisie en premier, le 20 novembre 2014. Je donne la parole au rapporteur, notre collègue Claude Nougein.
Ces deux accords participent à la reprise des relations avec l'Irak, interrompues depuis la guerre du Golfe en 1990-91. Ils visent à fournir un cadre plus solide à la coopération opérée par l'Union européenne et par la France, rendu nécessaire par les nouveaux besoins apparus depuis 2003, lesquels s'apparentent à ceux des États en post-crise.
Les négociations en vue d'un accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et l'Irak ont été ouvertes en novembre 2006 ; l'accord signé le 11 mai 2012.
L'accord bilatéral est, quant à lui, au nombre de ceux signés en novembre 2009 à la suite de la visite des plus hauts dirigeants des deux Etats, à Paris et à Bagdad.
Depuis leur signature, le contexte intérieur irakien n'a pas facilité les actions de coopération mises en oeuvre.
La situation s'est de surcroît considérablement dégradée en 2014 avec les offensives de Daech, conduisant à une intervention militaire de la France et de certains pays membres de l'Union européenne aux côtés du gouvernement irakien. Elle a aussi conduit au remplacement, en septembre 2014, du gouvernement de M. Al-Maliki, très critiqué, dont le sectarisme a fourni un terreau propice à Daech pour étendre son emprise dans les régions sunnites. La réintégration des sunnites dans le jeu politique et institutionnel est donc cruciale. En outre, les relations entre le gouvernement fédéral et la région autonome du Kurdistan s'étaient fortement tendues, ajoutant un facteur d'instabilité supplémentaire.
Le gouvernement de rassemblement formé par M. Al-Abadi a obtenu la confiance du Parlement, à l'issue de tractations intenses. Chaque partie a dû se résoudre à d'importantes concessions et surmonter les divisions. Le nouveau Premier ministre se donne pour priorité la réconciliation, la consolidation de l'Etat de droit, une organisation plus décentralisée, la neutralité de la fonction publique et des forces de sécurité. Avec la région autonome du Kurdistan, la conclusion de plusieurs accords a réduit les différends.
Pour rétablir la souveraineté de l'Etat, il doit faire des concessions aux différentes composantes, sans susciter l'ire de la majorité chiite et de sa frange la plus radicale. On mesure la complexité de la tâche. Il aura besoin de l'appui de la communauté internationale. Il s'agit d'un objectif de la Conférence sur la paix et la sécurité en Irak, réunie à Paris le 15 septembre 2014.
Enfin cette situation de guerre civile a affaibli l'économie irakienne depuis 2013, ce qui fragilise davantage encore le pays.
Avec l'Union européenne qui dispose, depuis 2005, d'une délégation à Bagdad, les relations ont pris une forme classique.
Compte tenu de sa situation dans les années 1990 à 2003, de sa taille et de ses capacités internes, l'Irak n'a pu être associé à la démarche, alors en gestation, de partenariat avec les pays du sud et de l'est de la Méditerranée à l'instar de certains de ses voisins.
Depuis 2003, l'Union européenne a soutenu les efforts de reconstruction en engageant plus d'un milliard d'euros. Une des priorités était aussi la mission Eujust/Lex, dont le mandat s'est achevé en 2013, qui avait pour but de renforcer l'État de droit par des actions de formation des forces de police, de la justice ou de l'administration pénitentiaire.
Les relations vont donc déboucher sur la signature en 2012 de l'accord de partenariat et de coopération mais aussi sur un dialogue politique dont les axes prioritaires s'articulent autour de la gouvernance et l'état de droit, l'énergie durable, l'éducation et la formation professionnelle, et un volet société civile. L'Union européenne et l'Irak ont signé, en janvier 2010, un protocole d'accord relatif à un « partenariat énergétique stratégique ».
Toutefois, jusqu'à présent, les résultats ont été mitigés. Le niveau d'appropriation des programmes par les autorités a été plutôt faible. Très peu de projets ont été orientés vers les ONG et la société civile. Enfin, la dégradation de la situation sécuritaire freine les projets en cours et ne permet pas d'en lancer de nouveaux.
Avant le déclenchement de la crise actuelle, l'Union européenne était le deuxième partenaire commercial de l'Irak. En 2012, les échanges avaient atteint un montant total de 17,5 milliards d'euros dont 12,8 milliards d'euros d'importations, dominées à 99,7% par le pétrole. Pour ce motif, ils sont donc fortement déséquilibrés. Sur le marché irakien, l'Union européenne est devancée par la Turquie (26%) et par la Chine (15%).
Avec la France, les relations politiques ont été fluctuantes. Florissantes dans les années 1970 et 1980, elles se sont sévèrement dégradées depuis 1990 et ont eu quelques difficultés à redémarrer après 2003 en raison de la mauvaise compréhension de notre position lors de l'intervention militaire de la coalition menée par les Etats-Unis. Elles ont repris de façon plus forte à partir de 2009 et sont affermies aujourd'hui par le soutien militaire apporté dans la lutte contre Daech.
Sur le plan économique, le montant des échanges s'élève à 1,4 milliard d'euros, dont 500 millions d'exportations françaises (2% de part de marché). Les investissements français sont en stock de l'ordre de 2 milliards d'euros, si l'on y inclut les opérations réalisées par les filiales ou des structures de support à l'étranger.
Les relations culturelles sont à l'image des relations politiques : intenses dans les années 1970 et 1980, réduites à l'enseignement de la langue française au sein du centre culturel depuis les années 1990.
Il existe un Institut français à Bagdad et une antenne à Erbil depuis 2009.
Dans le domaine de la recherche, à travers l'Institut français du Proche-Orient et cinq missions de fouilles archéologiques, notre présence est surtout active dans la région autonome du Kurdistan.
L'enseignement du français reste difficile du fait de l'omniprésence de l'arabe et de l'anglais. Une centaine d'écoles (sur un total de 4 000 à 5 000) proposent le français comme seconde langue étrangère, et quatre facultés disposent de départements de français. Les moyens financiers de l'ambassade, surtout orientés vers les programmes de bourses, ne permettent pas de soutenir les établissements enseignant le français. En outre, le contexte sécuritaire ne permet pas l'envoi de lecteurs, de volontaires internationaux ou de stagiaires. Dans la région autonome du Kurdistan irakien, un contexte plus francophile facilite les actions mais les moyens financiers restant limités, l'initiative appartient donc aux communautés locales. Deux écoles primaires françaises ont été ouvertes, accueillant environ 200 élèves.
La formation des élites correspond à une forte attente des autorités pour la reconstruction du pays. Elle est susceptible de renforcer l'influence française. Deux programmes de bourses à coût partagé s'adressant à un public qualifié ont été mis en place avec les autorités centrales et avec le gouvernement régional kurde. Toutefois, le faible niveau linguistique et académique de certains boursiers, sélectionnés uniquement par la partie irakienne, la situation sécuritaire qui ne permet pas aux experts français qui devraient désormais participer à la sélection des candidats, et les problèmes financiers du gouvernement régional kurde, ont conduit à une suspension de ces programmes en 2014. Enfin, dans les domaines du renforcement de l'État de droit et de la gouvernance, la France soutient quelques ONG, finance des bourses et des formations au profit de journalistes, mais aussi dans le domaine de la sécurité.
Vous aurez remarqué que les actions, tant sur le plan économique que culturel, se sont développées plus facilement, pour des raisons historiques, pratiques et de sécurité, avec la région autonome du Kurdistan mais toujours en bonne intelligence avec les autorités fédérales de Bagdad. La France s'efforce de maintenir un équilibre entre les régions irakiennes.
Cette coopération est confortée par des accords bilatéraux :
- un accord COFACE qui engage la garantie du gouvernement irakien en cas de défaut de paiement et facilite ainsi les échanges ;
- un accord Agence française de développement qui a permis quelques actions de modeste envergure en raison de la situation sécuritaire et des réticences du gouvernement irakien à recourir aux prêts faiblement concessionnels ;
- un accord sur la protection des investissements qui sera prochainement soumis au Parlement, dont on peut regretter qu'il n'ait pas pu l'être en même temps que les deux projets de loi ;
- enfin, l'accord de coopération en matière de défense que le Sénat a examiné en 2011 sur le rapport de notre collègue Philippe Paul, et qui n'a toujours pas été ratifié par l'Irak, ce qui est dommage car certaines dispositions pourraient constituer un support juridique utile aux missions de conseil et de formation, actuelles et futures.
J'en viens maintenant aux grandes lignes des deux accords soumis à votre appréciation.
Celui avec l'Union européenne est bâti sur un canevas analogue aux accords traditionnellement conclus par l'Union avec des pays tiers. Il institue un dialogue politique structuré et régulier, facilite le commerce et les investissements, prévoit une coopération sectorielle étoffée et des actions plus spécifiques sur les questions de justice, de libertés et de sécurité.
La partie relative au dialogue politique réaffirme la question des droits de l'homme comme socle des relations et prévoit la mise en place d'échanges réguliers sur tous les sujets présentant un intérêt commun, en particulier la paix, la politique étrangère et de sécurité, le dialogue national et la réconciliation, la démocratie, l'Etat de droit, la bonne gouvernance... Elle prévoit également une coopération en matière de lutte contre le terrorisme qui repose en particulier sur des échanges d'informations, conformément au droit international et national, sur des actions de formation et sur des échanges d'expériences. Elle contient des stipulations dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, de la lutte contre la dissémination des armes légères et de petit calibre et de la lutte contre l'impunité pour les crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Dans chacun de ces domaines, l'Irak s'engage à adhérer aux instruments internationaux, à mettre en oeuvre les normes nécessaires en droit interne et à les appliquer effectivement, ce qui peut s'avérer hors de portée dans la situation actuelle pour la prolifération des armes légères et de petits calibres, par exemple.
Dans le domaine du commerce et des investissements, l'idée consiste à appliquer à l'Irak les règles applicables avec les pays-membres de l'OMC, alors que la candidature de ce pays n'a pas encore été examinée, tout en acceptant des mesures dérogatoires encadrées, limitées dans le temps et justifiées par la situation encore fragile de son économie. La partie comprend, entre autres, des dispositions sur la stimulation des investissements, mais sans prévoir de dispositions sur leur protection, ce qui rend possible et nécessaire d'opérer dans un cadre bilatéral. Je note aussi le soin particulier que les négociateurs de l'Union européenne ont attaché à la rédaction détaillée du volet sur l'ouverture des marchés publics. Il demeure néanmoins, semble-t-il, partiel car son application aux marchés des entités régionales ou locales reste discutable. Il est urgent que l'Union approfondisse cette question et que le Gouvernement y veille, l'ingénierie et la gestion des services aux collectivités locales sont des domaines d'excellence des entreprises françaises.
L'accord prévoit une coopération très étoffée dans un grand nombre de secteurs, que je n'énumérerai pas. Il s'agit, de fait, d'un appui technique à la mise en place de politiques publiques. Son montant restera modeste : de l'ordre de 75 millions d'euros inscrits pour la période 2014-2020 au budget de l'Union.
Enfin, le titre IV prévoit de façon spécifique les actions dans les domaines de la justice, des libertés et de la sécurité, en direction du système judiciaire, en matière de gestion des flux migratoires, de lutte contre la criminalité organisée et la corruption, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que contre les drogues illicites.
Comme la plupart des accords de ce type avec des pays tiers, il s'agit d'un accord dit « mixte », intervenant dans les domaines de compétence de l'Union européenne et de ses Etats membres. S'agissant des stipulations appartenant aux compétences exclusives, une clause permet leur entrée en vigueur à titre provisoire, dès lors que l'Union et le pays tiers l'ont ratifié - ce qui est le cas depuis 2012 - sans attendre l'achèvement des procédures par chaque Etat membre. À ce jour, 13 pays membres ont ratifié cet accord.
La constitution récente d'un gouvernement de transition en Irak et son engagement à inclure plus largement les minorités, rendent cet accord nécessaire. Il devrait renforcer la visibilité de l'action européenne et son influence. Surtout, l'Union européenne pourra l'orienter vers les secteurs les plus défaillants, en particulier l'état de droit, la police et la justice.
J'en termine par l'accord bilatéral de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement qui devrait à terme se substituer aux deux accords signés en 1969.
Il est proposé au Sénat d'en autoriser l'approbation cinq années après sa signature. Il n'a toujours pas été ratifié non plus par le Parlement irakien. Ceci traduit un relatif désintérêt des Parties. Celui-ci résulte des dérives du gouvernement Al-Maliki mais aussi de la situation sécuritaire qui relègue ces questions à l'agenda des priorités puisque le contexte ne permet guère de développer les actions de cette nature. Malgré tout, la volonté est de donner aux nouvelles autorités un signal positif. Les accords internationaux comme les lois sont autant des normes que des outils de communication....
On notera aussi que l'absence de ratification n'a pas empêché le développement de certains projets avec des résultats mitigés comme je vous l'ai précédemment exposé. L'accord permettra de répondre à la demande d'expertise attendue par l'Irak dans de nombreux domaines. Il comporte les stipulations traditionnelles destinées à faciliter la mise en oeuvre de la coopération, l'implantation et le bon fonctionnement des centres d'enseignement et des établissements scolaires mais aussi les travaux des missions archéologiques en Irak.
Il répartit les coûts entre les deux Parties, permet le libre transfert des sommes perçues ou versées au titre des activités de coopération (y compris les salaires), des exonérations et franchises de taxes pour les équipements d'appui et transactions de tout ordre dans le cadre des actions de coopération. Il facilite l'accueil des équipes d'assistance technique envoyées par la France pour accompagner les projets ainsi que le déplacement et le séjour des personnels concernés par l'accord.
On pourrait s'interroger sur le décalage entre les besoins prioritaires de l'Irak et l'examen de ces projets de loi, d'autant que la situation sécuritaire ne permet pas d'escompter leur mise en oeuvre avant plusieurs mois ou années.
Pour autant, ils offrent un cadre pour les développements futurs et seront pour certains aspects d'ores et déjà utiles aux autorités irakiennes pour stabiliser la situation politique et renouer le dialogue avec les minorités. Leur ratification permettra aussi d'afficher à l'égard du nouveau gouvernement une forme de bienveillance et d'encouragement et, au fur et à mesure de la stabilisation de la situation, de répondre plus facilement aux besoins structurels de l'Irak, et par conséquence de conforter et de développer nos positions sur le plan économique. Elle manifestera avec force notre volonté de continuer à agir sur le long terme en Irak.
Pour ces raisons, je propose à la commission d'adopter les deux projets de loi d'autorisation.
L'examen de ces projets de loi est concomitant de l'autorisation que nous venons de donner de prolongation de l'intervention militaire française en Irak. Je constate des délais extravagants, ceux extrêmement longs entre la signature de ces accords et leur inscription à l'ordre du jour - les torts sont sans doute partagés -, et ceux extrêmement courts laissés au rapporteur pour procéder à leur examen.
J'observe également le décalage créé par l'évolution de la situation de l'Irak entre le moment de la signature de ses accords et aujourd'hui ce qui rend leur application compliquée.
Je demanderai à mon groupe de s'opposer à l'examen de ces projets de loi selon la forme simplifiée compte tenu du contexte particulier de la situation en Irak.
Quelles seront les opportunités offertes aux entreprises françaises de concourir à des appels d'offres en Irak ?
Combien y-a-t-il de Français en Irak ? Comment est assurée leur sécurité ? Quelle est la situation actuelle des Chrétiens d'Irak ?
Je me réjouis de l'ouverture d'Instituts Français à Bagdad et à Erbil, ainsi que de la présence de deux écoles françaises. Je regrette qu'elles n'incluent pas le niveau secondaire.
Comparée aux autres régions d'Irak, la région autonome du Kurdistan était jusqu'à présent relativement sûre. Nous avions entrepris avec le conseil général de Dordogne une action de coopération décentralisée pour le développement touristique et la restauration de la citadelle d'Erbil. Pensez-vous qu'il sera possible aujourd'hui de poursuivre cette relation ?
J'ai participé à l'entretien entre le président du Sénat et le nouveau Premier ministre, M. Al-Abadi ; il faut espérer que les relations s'amélioreront car il semble faire preuve de moins d'ostracisme que son prédécesseur et que cela permettra une présence plus importante de la France en Irak qui est un pays au potentiel et aux ressources importantes.
Les conditions dans lesquelles nous examinons ces deux projets de loi illustrent parfaitement les dysfonctionnements dont nous avons rendu compte dans notre rapport d'information sur l'examen parlementaire des traités, publié en décembre 2014. J'ai engagé des discussions avec la présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou, et avec le Gouvernement, à ce sujet.
Les délais d'examen étaient extrêmement courts, nous avons pu bénéficier néanmoins du concours de trois sous-directeurs, deux du ministère des affaires étrangères et une de la direction générale du Trésor que j'ai pu auditionner la semaine dernière.
S'agissant des marchés publics, le texte devrait en faciliter l'attribution aux entreprises des pays membres de l'Union européenne, néanmoins nous avons décelé une fragilité s'agissant de son application certaine aux collectivités locales, l'Irak étant un état fédéral, ce qui est ennuyeux car nombre de services publics et d'équipements sont gérés par ces collectivités. Nous demandons que l'Union européenne approfondisse cette question.
317 Français sont recensés par le ministère des affaires étrangères comme résidant en Irak, contre 3 000 Irakiens vivant en France, mais dans ces situations troublées, je ne suis pas certain que cela corresponde à la réalité.
L'accord bilatéral contient un article favorisant le développement de la coopération décentralisée, mais la situation sécuritaire actuelle rend difficile la mise en oeuvre des projets.
Le nouveau gouvernement irakien semble plus attentif à travailler avec les minorités. La ratification de ces accords devrait permettre, le jour venu, lorsque la situation sera stabilisée, de redémarrer sans attendre la coopération sur des bases solides.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que les projets de lois précités.
Nous devons désigner un rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la République de Moldavie. Notre collègue Josette Durrieu, qui est spécialiste de longue date de ce pays, est légitimement candidate.
La commission nomme Mme Josette Durrieu rapporteur sur le projet de loi n° 198 (2014-2015) autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part.
Après un bref échange de vues, la commission juge préférable que ce texte soit examiné par le Sénat selon la procédure normale, plutôt que selon la procédure d'examen simplifié prévu par l'article 47 decies du Règlement du Sénat.
Monsieur le président, je voulais en questions diverses exprimer une difficulté sur la conciliation des agendas : nous sommes sollicités au même moment par diverses réunions, et les délégations programment parfois des réunions en même temps que les commissions auxquelles nous appartenons.
Oui, c'est d'ailleurs pourquoi nous tentons actuellement de limiter les auditions plénières de commission -ce qui n'est pas facile car il y a beaucoup de matière-, dans la lignée des travaux conduits par le groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, à l'initiative du président du Sénat.
En accord avec notre Bureau, je vous propose de réserver des temps lors de nos réunions de commission pour échanger entre nous sur les missions que les uns et les autres ont pu mener : nous pourrions nous garder ce temps de communication pour les sénateurs.
Je suis candidate pour inaugurer cette formule dès la semaine prochaine, dans la mesure où j'étais à la frontière turco-syrienne la semaine dernière.
Cela me semble d'autant plus judicieux que nous avons la semaine prochaine l'audition de l'ambassadeur de Turquie.
La commission procède ensuite à un échange de vues sur les décisions du Bureau pour les missions de la commission en 2015 et décide, compte tenu du fait que la mission en Iran comporte un volet défense (visite d'un salon d'armement et de la base militaire d'Abu Dhabi) en plus des entretiens en Iran proprement dits, que cinq sénateurs y participeront, trois sénateurs et non quatre participant en conséquence à la mission Conséquences géopolitiques du changement climatique. La commission prendra acte lors de sa prochaine réunion des compositions des délégations.
Merci d'avoir présenté clairement les différentes participations des sénateurs aux missions de la commission. Je pourrai moi-même faire des communications périodiques devant la commission sur mes activités en tant que vice-président de l'assemblée parlementaire de l'OSCE.
Bien volontiers. Sur les missions, nous pourrons communiquer en toute transparence sur notre programme de travail de l'année dès la semaine prochaine, sous forme de communiqué de presse.
Par ailleurs, j'ai eu un échange fructueux avec la présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale : nous sommes convenus de travailler plus ensemble. Deux événements pourraient être organisés conjointement, l'un autour du thème de la Méditerranée, qui se tiendrait à l'Assemblée nationale, l'autre, un colloque sur la diplomatie économique, qui se tiendrait au Sénat.
La séance est levée à 12 h 10.