La commission examine tout d'abord le rapport de M. Simon Sutour et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 556 (2012-2013) présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie.
Nous examinons tout d'abord le rapport de Simon Sutour la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau autorisant les officiers d'état civil à célébrer des mariages dans les annexes de la mairie.
Espérons que cette proposition de loi ne sera pas comme beaucoup d'autres satellisée dans la stratosphère, mais parviendra au bout de la navette, car elle répond à un problème concret, soulevé par de nombreux élus. Le droit en vigueur impose que les mariages soient célébrés dans le bâtiment de l'hôtel de ville ou les dépendances appartenant au même ensemble immobilier. Les dérogations à ce principe, très peu nombreuses, sont strictement encadrées : l'article 75 du code civil prévoit la célébration au domicile ou à la résidence de l'un des époux uniquement en cas d'empêchement grave ou de péril imminent de mort de l'un des futurs époux. Une troisième hypothèse est prévue par l'instruction générale relative à l'état civil : si, en raison de travaux sur les bâtiments de la mairie ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période, les célébrations peuvent se dérouler ailleurs.
Le souci qui domine est de limiter les risques de perte ou de destruction des registres de l'état civil qui peuvent se produire à l'occasion de leur déplacement. L'utilisation désormais fréquente de feuilles mobiles du registre, ainsi que la dématérialisation de la conservation des données, font disparaître toute raison valable de refuser une évolution des textes.
La proposition de loi autorise les mariages dans des annexes de la mairie. Cette possibilité devrait faire l'objet d'une délibération du conseil municipal transmise au procureur de la République. De nombreuses communes souhaiteraient en effet, pour des raisons pratiques - une salle des mariages exiguë ou difficilement accessible aux personnes à mobilité réduite par exemple - pouvoir célébrer des mariages en dehors de l'hôtel de ville.
Dès 2012, lors de l'examen de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, nous avions en commission donné un avis favorable à un amendement autorisant la célébration de mariages dans une annexe de la mairie pour les communes de moins de 3 500 habitants. Cet amendement avait été retiré avant la séance.
Je recommande l'adoption du texte sous réserve d'un amendement, auquel l'auteur a donné son accord. Il inscrit ces dispositions dans le code général des collectivités territoriales plutôt que dans le code civil, dont l'article 75 ne doit pas être alourdi. La disposition nouvelle trouverait mieux sa place parmi les articles du code des collectivités territoriales relatifs aux attributions du conseil municipal. Distinguer dans le code civil les mariages célébrés à la mairie et ceux célébrés dans un autre local amoindrirait l'unité et la portée symbolique des termes utilisés. Tout mariage sera célébré, quel que soit le lieu choisi, dans la « maison commune », lors d'une cérémonie républicaine, en présence de l'officier d'état civil. Les termes de « mairie » ou de « maison commune » devraient donc s'entendre désormais de l'hôtel de ville, mais également du local affecté à la célébration de mariages.
Je vous proposerai en outre de remplacer l'expression « annexe de la mairie » par « local adapté à la célébration de mariages » car, dans le code général des collectivités territoriales, la notion d'annexe de mairie désigne les annexes des communes déléguées créées au sein de communes nouvelles, ou les annexes de quartier dans les communes de plus de 100 000 habitants. La portée de la présente proposition de loi en serait nettement limitée : aucun mariage ne pourrait être célébré hors de l'hôtel de ville dans les nombreuses communes qui n'ont pas d'annexes !
La proposition de loi prévoit une simple transmission de la délibération du conseil municipal au procureur de la République. Dans la mesure où nous passons d'une interdiction de principe de la célébration de mariages hors de la mairie à la mise en place d'une possibilité pour le conseil municipal de choisir librement le lieu de ces célébrations, je vous proposerai d'introduire une autorisation préalable du procureur : il est indispensable qu'il contrôle le lieu choisi et garantisse une certaine pérennité de son affectation.
Je vous proposerai enfin de renvoyer à un décret la fixation des conditions que doit satisfaire le local : être conforme à la solennité qui s'attache à la cérémonie du mariage et être doté, notamment, des symboles républicains.
Merci pour ce rapport, qui éclaire un sujet dont l'importance symbolique ne doit pas être sous-estimée.
Voilà une heureuse initiative. Je m'étonne toujours qu'il soit aussi laborieux et difficile de mettre en oeuvre ce qui relève du bon sens. Malgré l'argumentaire de notre rapporteur, je préfère la rédaction initiale. Pourquoi une autorisation du procureur de la République serait-elle nécessaire ? Par ailleurs, le texte risque d'attendre sa deuxième lecture un certain temps ; s'il faut en outre un décret pour qu'il entre en application, nous ne sommes pas au bout de nos peines, alors que l'affaire n'est pas compliquée... Le conseil municipal est bien capable de désigner un local approprié. Pourquoi les collectivités devraient-elles toujours demander une permission ? Il est vrai que la compétence générale a du plomb dans l'aile...
Pour toute question pouvant entraîner des contentieux sur la validité des mariages, et pour l'organisation des cérémonies matrimoniales, le procureur de la République est généralement compétent. C'est plutôt ne pas prévoir son intervention qui serait surprenant.
On pourrait envisager que le procureur soit simplement tenu informé. S'il doit faire le tour de toutes les salles annexes de toutes les mairies, pour autoriser celle-ci et refuser celle-là, cela prendra des années... et pendant ce temps il ne pourra se consacrer à d'autres tâches.
Il faut déjà six mois pour obtenir l'agrément d'un policier municipal...
Prévoyons plutôt que, sauf opposition de sa part, l'affectation du local choisi par le conseil municipal est acquise.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Une précision, cependant : le conseil municipal désignera-t-il une fois pour toutes un local pour les mariages, ou autorisera-t-il au coup par coup qu'ils aient lieu ici ou là, par exemple dans la salle de classe de l'enseignante qui en aura fait la demande ?
Ce texte est intéressant par la question qu'il pose, puisque des mariages sont très souvent célébrés dans les mairies annexes des communes nouvelles ou dans les mairies d'arrondissement des grandes villes comme Lyon ou Paris. Je suppose qu'il n'est pas possible dans ces cas-là de célébrer un mariage à la mairie centrale sans autorisation du procureur.
Un seul point de la proposition de loi me contrarie : le maire célèbre les mariages en tant qu'agent de l'État, non de la commune ; il relève donc de l'autorité du procureur de la République. N'est-il pas dommage d'introduire le conseil municipal dans les actes d'état civil, où il n'a rien à faire ?
Il s'agit en effet d'une question de principe importante. On pourrait cependant arguer que, s'agissant de l'affectation, même temporaire, de locaux appartenant au patrimoine de la commune, il n'est pas absurde que le conseil municipal se prononce.
Cette proposition de loi répond à des besoins qui se rencontrent principalement dans les petites communes, où la salle des mariages de l'hôtel de ville est exigüe. Évitons de trop en alourdir le contenu : si le décret fixant les conditions à remplir par le local n'est jamais publié, on attendra longtemps l'entrée en vigueur.
Il est important que le conseil municipal soit associé, sans quoi l'on pourrait craindre que certains élus - une petite minorité, certes - décident de renvoyer tel ou tel mariage, pour telle ou telle raison, à un lieu annexe. Je n'en dirai pas plus.
C'est une question que plusieurs d'entre nous, dont moi, avaient proposé au Gouvernement de régler depuis des années. Ce n'est jamais arrivé, signe que le bon sens ne s'impose que grâce au Sénat... Il est dommage qu'il faille en arriver à une proposition de loi pour une affaire si simple. Mon intervention informelle avait surtout été guidée par le souci de l'accessibilité des locaux aux personnes handicapées : que la mère du marié en fauteuil roulant ne puisse assister à la cérémonie est déplorable. La proposition de loi y remédiera, en attendant que les communes disposent des fonds pour mettre tous leurs locaux aux normes. Que la décision soit confiée au conseil municipal ou au maire, celui-ci pourra toujours en recevoir la délégation. Entre l'autorisation du procureur et sa simple information, il existe une solution intermédiaire : l'avis.
La cérémonie civile est souvent la seule, désormais, qui consacre les mariages. Beaucoup de maires ont donc à coeur qu'elle soit entourée d'une certaine solennité. Pour les maires, les mariages présentent le charme peu commun que leurs administrés viennent à la mairie contents, et en repartent contents. En plus des textes obligatoires, d'autres sont parfois lus et accompagnés de musique, afin de donner à cette circonstance le caractère d'une véritable cérémonie, non d'une simple formalité. « Un local adapté » signifie donc : approprié à la dignité et à la solennité d'un mariage civil dans la République.
Les règles d'accessibilité des lieux publics ne seront-elles pas désormais contournées au prétexte d'un « empêchement grave » ?
Je suis agréablement surpris de l'intérêt que suscite ce texte. Il s'agit bien de désigner un local une fois pour toutes, non au cas par cas. Je me suis beaucoup interrogé avant de vous faire ces propositions.
J'ai retenu l'intervention en amont du procureur de la République pour cadrer les choses ; celle du conseil municipal est importante pour la publicité qu'elle confère. Je maintiens donc mon amendement en l'état.
Je suggère un complément : l'expression « tout local adapté à la célébration de mariage » serait opportunément précisée par les mots : « par sa solennité et son accessibilité ». Ce sont deux objectifs concrets.
Ne convient-il pas d'écrire « les conditions auxquelles doit satisfaire... » plutôt que « les conditions que doit satisfaire... » ?
Nous pourrions suivre la suggestion de M. Hyest. Que faut-il entendre par ailleurs au juste par la « solennité » d'un lieu ?
Quand on connaît l'état de certaines mairies, on peut craindre que le procureur n'exige pour une annexe un état de décoration que l'hôtel de ville lui-même ne peut s'offrir. Gardons-nous d'aboutir à un texte qui compliquerait encore la situation et rendre plus difficile la célébration des mariages.
Je mets donc au vote l'amendement n° 1 de notre rapporteur sous-amendé par M. Hyest.
Nous n'avons pas tranché la question de l'autorisation du procureur de la République. Ne vaut-il pas mieux en rester à une simple information ?
J'approuve la première partie de l'amendement du rapporteur mais pas la seconde. Je ne vois pas pourquoi on laisserait au pouvoir réglementaire le soin de fixer des conditions pour le local. On va vers des complications...
Accepteriez-vous, monsieur le rapporteur, de supprimer le dernier alinéa de votre amendement ?
Pour des raisons d'accessibilité ou d'espace, certains maires célèbrent déjà des mariages hors de leur mairie. Des procureurs de la République en ont-ils déjà fait un motif de nullité ? Ils ont mieux à faire ! Contentons-nous de leur avis, sans leur demander une autorisation.
Le vote vous le dira.
L'amendement n° COM-1 rectifié est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
- Présidence de M. Philippe Bas, président, et de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -
Jean-Jacques Hyest est nommé rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 350 (2015-2015) présentée, en application de l'article 73 quater du Règlement, par M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires européennes, relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un Acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne.
Nous nous sommes saisis d'une proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes. Compte tenu de l'investissement des membres de la commission des affaires européennes, nous avons proposé que nos travaux leur soient ouverts, et j'ai demandé à Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, de bien vouloir co-présider cette séance avec moi.
L'article 88-4 de la Constitution dispose que le Gouvernement nous soumet les projets d'actes législatifs européens et autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne. Les résolutions du Sénat en matière européenne portent en principe sur ces projets, ou sur tout document émanant des institutions de l'Union européenne. La proposition se rattache plutôt à cette dernière catégorie. Si nous l'adoptons, nous la soumettrons au vote du Sénat, même si le règlement de notre Haute Assemblée prévoit que trois jours après son adoption par notre commission, la résolution deviendrait de droit résolution du Sénat.
Au lendemain des attentats odieux survenus dans notre pays, la Commission européenne a entrepris de recenser les dispositions législatives pertinentes afin de les compléter. Je remercie la conférence des présidents d'avoir inscrit la résolution à la séance publique du 1er avril. Nous recevrons le 30 mars le président de la commission des affaires européennes du Bundesrat, Peter Friedrich, le représentant de la chambre des Lords, Lord Boswell, le représentant du Folketing danois, celui du Saeima de Lettonie et celui du Sénat espagnol. Ils ont vécu sur leur sol des drames analogues. Ils seront à nos côtés pour assurer à nos concitoyens que nous mettrons tout en oeuvre pour les protéger. Nous venons de rencontrer à Bruxelles le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, qui approuve notre résolution.
La menace terroriste à laquelle font face les États de l'Union européenne s'est récemment aggravée. Certains de leurs ressortissants ou de leurs résidents, parfois mineurs, rejoignent des zones où opèrent des groupes terroristes et leur retour pose des questions pour la sécurité. Cette proposition de résolution européenne synthétise les travaux de la commission des affaires européennes sur les domaines dans lesquels le cadre juridique ou la coopération pourraient être améliorés. Présentée en application de l'article 88-4 de la Constitution, elle invite les institutions de l'Union à adopter un « Acte pour la sécurité intérieure ». C'est ambitieux.
Elle préconise d'améliorer les mécanismes existants, comme Europol et Eurojust : la transmission d'informations par les États devrait être plus systématique. Les moyens matériels de ces deux structures doivent être renforcés : Eurojust ne traite aujourd'hui que 1 576 dossiers, à grande majorité bilatéraux, alors que tout l'intérêt de ce dispositif est de traiter des dossiers impliquant plusieurs États. Le nombre de réunions de coordination est limité et les équipes communes d'enquête, qui favorisent l'échange d'informations sans passer par les canaux traditionnels de l'entraide judiciaire, sont encore peu utilisées. L'activité d'Eurojust ne concerne que très marginalement des dossiers liés au terrorisme : 17 en 2013, sans doute davantage en 2014.
Le « code frontières Schengen » donne de larges marges de manoeuvre aux États. Les auteurs de la résolution souhaitent qu'à droit constant, des « indicateurs de risque appliqués uniformément par les États membres » permettent d'exercer des contrôles approfondis de ressortissants de l'espace Schengen lorsqu'ils y entrent ou en sortent.
La première stratégie de l'Union européenne contre la radicalisation et le recrutement de terroristes date de 2005. En 2010, un programme plus complet, mêlant approche policière et approche préventive, a été développé par le biais de groupes thématiques, touchant différents aspects de la lutte contre la radicalisation. L'efficacité de cette initiative étant conditionnée par la participation des États membres, les auteurs de la résolution préconisent de l'intensifier. La résolution rappelle enfin l'importance d'une diplomatie active de l'Union à l'égard de ses voisins et des pays limitrophes de zones où opèrent des groupes terroristes, au Maghreb notamment. Les délégations du service d'action extérieure de l'Union européenne restent très orientées sur la politique de développement et de coopération et sont peu sensibilisées aux questions de sécurité.
Le texte recommande également une évolution du cadre juridique. L'Union européenne veille à l'élaboration d'une définition uniforme et exhaustive du terrorisme par les États. La décision cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme en donne une définition précise, empruntée aux traditions des États membres. Cette directive a été révisée et complétée par la décision cadre du 28 novembre 2008 afin d'ajouter aux infractions terroristes de nouveaux comportements comme l'apologie d'actes terroristes et le prosélytisme en faveur de tels actes.
Toutefois, le phénomène nouveau de nationaux ou de résidents européens s'enrôlant dans des groupes terroristes, identifié comme une menace particulière par l'ONU dans la résolution du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité, justifie des évolutions du cadre juridique. Un Comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes a été constitué le 11 février 2015 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, afin de rédiger un protocole additionnel à la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme.
Afin de pouvoir mener des contrôles permanents sur les personnes définies selon les critères objectifs mentionnés, il est nécessaire de réformer le « code frontières Schengen », sans en modifier l'équilibre général. L'espace Schengen a suscité l'essor d'un système d'information commun, plus efficace qu'une juxtaposition de systèmes indépendants.
La résolution préconise en outre l'adoption rapide de la directive relative à un « Passenger Name Record européen », système d'exploitation et de partage des données recueillies par les transporteurs auprès des passagers au stade de la réservation commerciale. Cette appellation désigne en réalité un mécanisme de coopération entre des PNR nationaux, non la création d'un instrument européen unique. Un premier projet de directive en date du 6 novembre 2007 ayant été abandonné, une nouvelle proposition de directive est en cours de discussions au Parlement européen. Le 2 février 2011, la commission des libertés civiles du Parlement européen a rejeté ce texte. Le 24 février 2015, Timothy Kirkhope, rapporteur du texte pour la commission des libertés civiles a présenté un nouveau rapport. Dans sa résolution du 15 mars 2015, le Sénat a appelé à l'adoption rapide de cette directive en constatant que le système proposé respectait bien les droits des personnes concernées.
En préconisant de conférer à Frontex, l'agence européenne pour la gestion des frontières extérieures, un rôle particulier dans la lutte contre le terrorisme par la création d'un corps de gardes-frontières européens, le texte rejoint les conclusions du Conseil sur le terrorisme et la sécurité des frontières des 5 et 6 juin 2014. Cette recommandation répond aux préoccupations suscitées par le retour de nationaux ou de résidents qui ont rejoint des zones où opèrent des groupes terroristes.
Le texte appelle enfin à mettre en place un parquet européen en application de l'article 86 paragraphe 4 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à étendre « sans délai » ses compétences à la criminalité grave transfrontière. La forme collégiale et décentralisée préconisée par le texte est conforme à la position précédemment exprimée par votre commission sur ce sujet.
En conclusion, les auteurs de la résolution rappellent que la lutte contre le terrorisme doit respecter les valeurs de l'Union européenne et de l'État de droit. D'une manière générale, je souscris à ces demandes. À juste titre, la résolution insiste sur l'importance de mieux faire fonctionner ou d'améliorer à droit constant les dispositifs existants, en renforçant l'implication des États. Toutefois, la coopération entre Eurojust et Europol est également largement perfectible. Ainsi, Eurojust n'accède pas de manière privilégiée aux fichiers d'analyse d'Europol, notamment à ceux dédiés à la lutte contre le terrorisme. La convention entre ces deux structures devrait être révisée rapidement pour y remédier.
Une résolution européenne s'adresse à la fois au Gouvernement, qu'elle incite à soutenir une politique dans les enceintes européennes, et aux institutions européennes. De ce point de vue, les alinéas 49 et 50, relatifs au droit de la nationalité, qui se bornent à rappeler la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et le droit international applicable, doivent être supprimées car l'Union européenne n'est que très indirectement concernée par le droit de la nationalité des États membres. Les institutions européennes pourraient s'étonner que le Sénat les ait insérés...
Alors me voilà d'accord avec Gilles de Kerchove. Ouvrir un débat sur la déchéance de nationalité affaiblirait sans profit notre résolution sur le terrorisme. Je présente également un amendement rédactionnel. Sous ces réserves, je vous propose d'adopter la proposition de résolution.
Je remercie le président Hyest qui s'est livré, comme à son habitude, à un examen approfondi du texte qui lui était soumis.
Je me réjouis que la commission des affaires européennes nous ait fait cette proposition et ait élaboré un texte aussi complet. Le plan d'action est très ambitieux ; pour des raisons de clarté, il conviendrait d'établir un calendrier et de déterminer les questions à examiner en priorité. Nous en parlerons à l'occasion du débat programmé.
Le moment est venu d'armer notre Gouvernement dans le débat européen sur ces sujets. Le projet de résolution insiste sur la nécessité d'actions communes. L'absence d'une volonté d'action commune constitue précisément la faille la plus visible de la construction européenne et ce, dans de nombreux domaines déterminants tels le droit social ou le droit fiscal. Puisse l'urgence attachée à la lutte contre le terrorisme nous permettre de susciter enfin cette convergence ! De ce point de vue, le projet de résolution, même s'il n'est pas très orthodoxe, est utile.
Les intentions des auteurs de la résolution ne peuvent qu'être partagées. En revanche, je suis réservé sur l'usage préconisé d'indicateurs de risques : il ne faudrait pas que cela s'apparente à des contrôles au faciès... Les textes que nous examinons mettent en avant des problèmes policiers et évacuent l'aspect idéologique du phénomène ; or, le terrorisme est une forme très particulière de délinquance. Pour y répondre, il est indispensable d'élaborer un contre-discours, à l'image de ce qui est pratiqué dans d'autres pays.
J'insiste dans le rapport sur le soutien au développement de réseaux européens visant à sensibiliser au phénomène de radicalisation et à proposer des solutions. Cela figure à l'alinéa 52 de la résolution. Colette Mélot a travaillé sur le sujet. Nous devrons le répéter dans le débat.
La lutte contre la radicalisation est également abordée ailleurs, par exemple à propos de la place d'Internet dans le combat contre le terrorisme.
Je propose un amendement rédactionnel concernant l'alinéa 10 et un second amendement, déjà évoqué, visant la suppression des alinéas 49 et 50.
Les amendements n° COM-1 et COM-2 sont adoptés.
Ces alinéas ne comportent pas de recommandation en faveur d'une initiative européenne. Les retrancher de la résolution ne la vide d'aucune proposition.
La déchéance de nationalité est une matière délicate. Notre droit la prévoit notamment à l'égard d'auteurs de crimes constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou d'actes de terrorisme. La personne concernée ne doit pas être titulaire de la nationalité française depuis plus de quinze ans. Les conditions sont rigoureuses. Dans sa décision QPC Ahmed S. du 23 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a décidé qu'il n'était pas possible de prendre en compte des crimes ou délits moins graves que ceux déjà visés, ni d'allonger la période probatoire de nationalité. La déchéance de nationalité n'est pas une peine prononcée par un juge. Elle résulte d'un décret du Gouvernement, pris après avis conforme du Conseil d'État, juge de l'excès de pouvoir. Selon moi, nous sommes allés au plus loin de ce qu'il est possible de faire dans le respect de la Constitution. Notre rapporteur a souligné que ce sujet n'a qu'un rapport indirect avec le droit européen. La citoyenneté européenne découle de la possession de la citoyenneté d'un État membre. Lorsqu'un citoyen français, titulaire d'une autre nationalité d'un État non membre de l'Union européenne, perd sa nationalité française, il perd sa citoyenneté européenne par voie de conséquence. La Cour de justice de l'Union européenne veille à ce que la déchéance de nationalité a été prononcée dans le respect des principes fondamentaux du droit européen. Je soutiens sans réserve l'amendement de notre rapporteur.
Il est exact que le droit de la nationalité n'est pas un droit européen. Le droit d'accorder ou de retirer la nationalité, c'est-à-dire de reconnaître les siens, est une des premières prérogatives de l'État à qui il incombe de protéger ses ressortissants. Ce droit peut être interétatique si cela est prévu par une convention mais il ne relève pas du champ de compétence communautaire. La France a rarement ratifié des clauses conventionnelles limitant sa liberté en matière de déchéance de nationalité. La principale garantie accordée, à savoir l'interdiction de retirer sa nationalité à un citoyen qui ne possède pas d'autre nationalité, résulte d'une loi française et non d'engagements internationaux. Nous aurons sans doute l'occasion bientôt de discuter à nouveau de ces questions. La résolution est une invitation à agir. Or, nous ne demandons pas à l'Union européenne d'agir dans le domaine de la nationalité. Je partage donc l'opinion de notre rapporteur.
Tout décret de déchéance de nationalité qui conduirait à ce qu'un ancien ressortissant français devienne apatride serait illégal. J'ajoute qu'il est souvent difficile d'avoir une certitude quant à l'existence d'une seconde nationalité.
Je comprends la rationalité de votre réflexion. Le point 50 n'a pas sa place dans une résolution européenne. Toutefois, je ne regrette pas de l'avoir rédigé car le sujet fera l'objet de discussions ultérieures. Par pragmatisme, je souscris à la suppression de cet alinéa. Je me réjouis de l'esprit qui a présidé à nos réflexions dans nos commissions respectives. La résolution vise à armer davantage le Gouvernement, ce qui n'est pas chose facile. Nous sommes sous une menace constante. Il ressort de nos contacts avec M. de Kerchove et M. Claude Moraes, président de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, qu'il existe une carence au niveau communautaire sur la coordination et l'échange des informations. Ce projet de résolution invite le Gouvernement à jouer davantage ces cartes afin d'être plus opérationnel.
La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est levée à 15 h 20