Nous allons procéder à l'audition de Thierry Mandon.
Je suis très heureux que notre premier Vice-président, Rémy Pointereau, soit parmi nous, puisque les aspects relatifs à la simplification des normes de cette audition concernent particulièrement le groupe de travail qu'il anime sur ce sujet.
La démarche de réforme de l'Etat nous intéresse par ailleurs de manière générale car je suis convaincu qu'elle constitue un point de départ indispensable : il ne peut y avoir de réforme des territoires réussie sans que ne s'opère, dans le même temps, un repositionnement de l'Etat. Dans le contexte de crise et de difficultés que nous connaissons, cette réforme peut également offrir l'opportunité d'une remise en question des pratiques, comme nous le faisons quotidiennement dans nos territoires. Si ces interrogations sont partagées avec l'Etat, elles peuvent produire des résultats intéressants pour l'avenir.
Je laisse maintenant la parole à M. le Secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat et à la simplification, Thierry Mandon.
Merci, Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis extrêmement heureux d'échanger avec vous sur la simplification, en général, et plus particulièrement, celle qui intéresse les collectivités territoriales - thématique pour laquelle s'ouvre une phase de mise en oeuvre et non plus de simple diagnostic.
Je me réjouis également d'évoquer en premier lieu la question de la réorganisation territoriale de l'Etat. Cette réforme, au moment où les collectivités sont appelées à se réorganiser, constitue effectivement une nécessité absolue.
Le Gouvernement a choisi de repenser assez profondément l'organisation de l'Etat territorial. Ce choix s'articule avec la réorganisation des collectivités et, parfois, l'évolution de leurs missions. C'est donc toute l'action publique qui est appelée à se réformer. Compte tenu de l'importance des enjeux démocratiques, cette réforme réclame une grande précision et de nombreux échanges. Les Français ont besoin d'une puissance publique proche et efficace.
S'agissant du travail que nous menons en matière de réforme de l'Etat, les arbitrages gouvernementaux seront connus dans les prochaines semaines. La réorganisation des préfectures de région et des préfectures départementales sera notamment évoquée lors du conseil des ministres du 22 avril. Lors du conseil du 29 avril - ou du conseil suivant, début mai - seront traitées les questions relatives aux missions de l'Etat et à l'évolution de certains organismes ou de certaines commissions locales ou nationales.
L'ensemble de ces éléments fait partie du chantier de réorganisation profonde de l'action de l'Etat dans les territoires, engagé depuis un an, dont je souhaite vous présenter les principes.
Premièrement, il s'agit d'opérer une clarification entre, d'une part, ce qui relève des missions stratégiques de l'Etat et sera positionné au niveau des nouvelles préfectures de région et, d'autre part, ce qui relève de l'opérationnel et se situera au niveau départemental. La consolidation de ce niveau départemental, à laquelle nous travaillons avec Bernard Cazeneuve, constitue d'ailleurs l'un des points les plus importants du mandat qui m'a été confié.
La réorganisation des préfectures de région représente un aspect central de ce travail. Un préfet préfigurateur sera désigné pour chacune des pré-régions lors du Conseil des Ministres du 22 avril. Ces 13 préfets préfigurateurs seront chacun accompagnés d'un directeur de projet et d'équipes qui examineront toutes les conséquences de la réorganisation territoriale dans un calendrier courant jusqu'à la fin d'année 2015. Un premier temps de décision est fixé en juillet 2015.
La mission de ces équipes de préfiguration est une mission de modularité, qui sera adaptée aux spécificités de chacun des territoires. On peut imaginer en effet que les schémas d'organisation diffèrent selon les régions, autour du principe de base que j'ai mentionné : l'échelle régionale constitue le niveau stratégique et l'échelle départementale le niveau opérationnel.
La charte de la déconcentration, qui réglera les rapports entre les administrations déconcentrées et les administrations centrales, constitue le deuxième élément de cette réforme de l'Etat. Nous sommes conscients que, ces dernières années, les équipes de l'Etat territorial ont pu souffrir d'une surabondance de contrôles de la part des administrations centrales ou d'un manque d'autonomie sur des questions purement opérationnelles. La réforme de l'Etat déconcentré doit donc être accompagnée d'une régulation des rapports entre administrations centrales et déconcentrées, au bénéfice de ces dernières, qui doivent disposer de plus de moyens.
Le troisième élément que je souhaite évoquer avec vous est relatif aux missions. Le travail de concertation mené depuis un an nous a permis de réfléchir aux missions de l'Etat, de vérifier, pour chacune d'entre elles, si elles sont toujours pertinentes et surtout d'évaluer si leur cadre d'exercice était toujours approprié. Un grand nombre d'ateliers, réunissant l'ensemble des acteurs, ont été organisés dans les territoires et ont donné lieu à 560 propositions d'évolution des missions de l'Etat.
Une soixantaine de ces propositions recouvrent de très forts enjeux et débouchent, de fait, sur un nouveau « pacte » entre l'Etat et les collectivités. Il peut s'agir de transferts ou de partages de missions ou encore de nouveaux modes d'exercice de celles-ci.
Par exemple, en ce qui concerne les questions relatives à l'emploi, la loi définit désormais un nouveau cadre de coopération territoriale entre l'Etat et ses opérateurs, notamment Pôle Emploi, les régions, dont les compétences ont été précisées et renforcées, et l'ensemble des acteurs du développement économique, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Ainsi, la création d'une nouvelle instance, le Comité Régional de l'Emploi, de la Formation et de l'Orientation Professionnelle (CREFOP) permet-elle un copilotage par les présidents de conseils régionaux et les préfets de région, de l'élaboration et de la mise en oeuvre des schémas régionaux économie-emploi-formation, qui constituent des outils de territorialisation de la politique de l'emploi.
Le quatrième pan de cette réforme repose sur la réorganisation des grandes fonctions supports de l'Etat que sont l'informatique, les achats et l'immobilier. Il s'agit, d'une part, de mieux coordonner ces fonctions au niveau interministériel et, d'autre part, de faire en sorte que « l'écho » de cette organisation interministérielle soit plus fort dans les territoires.
Les évolutions que seront appelés à connaître les organismes ou les administrations apparentées à des organismes tels que l'INSEE constituent un cinquième aspect de la réforme. Ces organismes seront amenés à suivre les mêmes principes de réorganisation que ceux définis pour l'Etat territorial.
Enfin, le sixième et dernier point consiste en un rapprochement des cartographies des différents services de l'Etat pour aboutir à une organisation cohérente.
Ces projets sont en cours mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une réforme relativement profonde de l'Etat de proximité, conduite dans un souci de lisibilité, d'efficacité et de cohérence avec la réorganisation des collectivités territoriales. Il s'agit aussi de donner à l'Etat dans les territoires, et d'abord dans les départements, un peu plus de moyens que ces dernières années.
En ce qui concerne la simplification, je me suis rapproché de M. Vallini, Secrétaire d'état à la Réforme territoriale, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, afin de proposer une méthode. Elle se construit sur un champ déjà structuré par le Conseil National d'Evaluation des Normes. Nous travaillons actuellement à préciser cette méthode avec les équipes de M. Vallini.
Il apparaît que les problématiques des maires ruraux doivent être traitées séparément de celles des maires des autres communes. Nous nous interrogeons également sur la composition des groupes de travail. J'estime, pour ma part, qu'il est préférable de travailler avec des maires plutôt qu'avec des associations d'élus.
Une première série de mesures devrait être annoncée en septembre ou en octobre prochains. Il convient d'inscrire ce travail dans une démarche où chaque mesure est pré-instruite par les administrations concernées, de façon à ce que nous puissions être assurés à 90 % de sa faisabilité et qu'elle puisse être mise en oeuvre dans un délai de 6 à 9 mois.
Sur ce sujet, nous devons restaurer la confiance dans la parole publique.
Merci, Monsieur le Ministre. Avant de donner la parole à Rémy Pointereau, je souhaiterais poser une question. Certes, nous comprenons que vous n'ayez pu nous apporter plus de détails compte tenu de l'avancement du processus décisionnel. Cependant, pouvez-vous nous indiquer si la réorganisation de l'état déconcentré se traduira, sur certaines compétences, par une diminution de l'investissement de l'Etat concomitamment à la montée en puissance des territoires, et notamment des régions ?
Je voudrais également faire une remarque sur la différenciation de démarches que vous avez évoquée entre les maires ruraux et ceux d'autres communes. J'appelle à la vigilance, à titre personnel, sans engager la délégation sur ce point, car beaucoup s'abritent aujourd'hui derrière la ruralité pour freiner des évolutions ou faire passer des messages politiques.
Il convient de rappeler que, pour 90 % ou 95 % de son territoire et de sa population, la France est structurée par l'urbain et le périurbain, comme on peut le voir, notamment, avec les communautés de communes. Seuls les territoires profondément ruraux, qui sont certes présents mais relativement peu nombreux, ont besoin d'une réponse qui leur soit spécifique. Je vous engage donc, à titre personnel, à faire la part des choses et ne doute pas de votre vigilance sur ce point.
Je laisse maintenant la parole à Rémy Pointereau afin de réagir sur la question de la simplification.
Merci, Monsieur le Ministre, pour vos propos qui témoignent d'une réelle volonté de simplifier les normes. Lors des dernières élections sénatoriales, on a pu constater combien cette problématique des normes et de la simplification était importante pour nos élus : elle constitue, pour eux, une priorité qui passe avant même la question de la baisse des dotations.
Ils expriment clairement le souhait de disposer de normes adaptées à leurs possibilités, qui rendent leur quotidien plus facile et qui, peut-être, soient proportionnées à la taille et aux enjeux des territoires. Il me semble que la volonté du Président Larcher est de faire du Sénat, qui représente les collectivités, un moteur dans ce domaine. C'est pourquoi il a confié une mission de simplification à la délégation des collectivités territoriales.
Le travail sur le stock des normes va sans doute prendre beaucoup de temps. Il sera en particulier effectué avec la Commission Consultative d'Evaluation des Normes présidée par Alain Lambert. Néanmoins, il convient de ne pas omettre la question du flux, les deux sujets devant être traités de front.
Un travail a déjà été mené sur la transition énergétique, avec mon collègue Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres. Nous avons pu constater la difficulté de cette tâche : nous autres, parlementaires, sommes aussi émetteurs de normes. Nous avons donc dû nous montrer extrêmement vigilants sur tous les sujets qui touchaient aux normes, au cours de l'examen de ce texte, et nous estimons avoir accompli 50 % de notre mission, même si nous avons laissé échapper quelques normes supplémentaires.
Je souscris à l'idée qu'il convient de ne pas travailler sur des blocs. De nombreux collègues ont déjà effectué des travaux conséquents, tels qu'Eric Doligé qui a travaillé sur toutes les normes qui s'appliquent aux collectivités territoriales, avec 200 propositions de mesures. On peut également citer les travaux réalisés par Jean-Pierre Vial ou encore par Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault. Je pense donc qu'il faut travailler par thème.
Comme vous le savez, le Président Larcher a lancé une enquête auprès des maires, au moment du Congrès des Maires de France, sur les priorités des élus.
Il me semble donc qu'une piste de travail cohérente consisterait à orienter notre action en fonction des priorités des élus. Celles-ci portent d'abord sur l'urbanisme, puis sur l'environnement et l'accessibilité. Nous allons ainsi lancer dès maintenant un travail sur les sujets liés à l'urbanisme et à la construction, dans l'idée de communiquer des éléments en septembre.
J'espère que nous pourrons continuer à échanger et à travailler avec des élus de terrain, point sur lequel je vous rejoins également. Pour ma part, j'ai constitué un groupe de travail sur le sujet dans mon département ; il est composé de maires de communes petites et moyennes et je peux constater à quel point il est important d'initier la réflexion à partir du terrain. Bien qu'un travail soit réalisé au sein des associations d'élus, il ne permet pas toujours d'aller au fond des sujets.
Je rappelle que le coût induit des normes s'élève à environ 1,2 milliard d'euros et que le retard apporté au lancement de projets représente un facteur important de ralentissement de la croissance. En effet, un point de croissance est peut-être perdu à cause de la lenteur de la mise en oeuvre des projets.
Je souhaiterais donc savoir comment vous envisagez la suite de vos échanges avec la délégation pour que nous puissions avancer le plus vite possible, afin que le Sénat puisse jouer pleinement son rôle sur ce sujet qui le concerne particulièrement.
Merci, Monsieur le Ministre, pour ces annonces extrêmement intéressantes. Je crois qu'en dépit de notre diversité politique, nous sommes en phase sur ces sujets et que nous appelons tous de nos voeux une évolution de la présence territoriale de l'Etat.
Nous souhaitons tous également avancer sur la question des normes. Je pense que nous nous rappelons tous l'ouvrage de Guillaume Poitrinal, Plus vite ! La France malade de son temps, qui met en évidence l'impact que l'inflation normative peut avoir sur la mise en oeuvre des projets dans notre pays.
Il s'agit cependant d'une tâche très vaste... Notre collègue faisait référence au rapport d'Eric Doligé. Or je me souviens que, le jour même de la sortie de ce rapport, il y a 4 ou 5 ans, le ministère de l'Education nationale mettait en place une nouvelle norme ayant trait à la restauration scolaire et que nous étions tous sollicités par des élus locaux confrontés à des difficultés dans sa mise en place.
Les rapports constituent donc une piste de réflexion intéressante mais encore faut-il qu'ils soient suivis d'une application concrète. J'apprécie donc, Monsieur le Ministre, de vous entendre souligner le fait que les décisions prises en 2015 devront être mises en application dans des délais brefs.
S'agissant de la réforme de l'Etat, nous savons tous que l'effort demandé aux collectivités territoriales afin qu'elles évoluent dans leur architecture et leurs missions est nécessaire. Une évolution parallèle des services de l'Etat est tout aussi indispensable.
Je souhaiterais en outre revenir sur l'exemple de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), même si nous n'avons pas été entendus sur ce point dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la réforme territoriale. La DETR pourrait être largement simplifiée et gérée, non pas par un service en préfecture, mais par les départements, qui constituent les premiers partenaires des communes sur ce plan et qui disposent de leurs propres services.
Il en est de même pour la gestion du revenu de solidarité active (RSA) : la prise en charge du versement de cette allocation par les départements n'apporte aucune véritable valeur ajoutée. En revanche, les départements peuvent en apporter une lorsqu'ils conduisent des politiques d'insertion. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas imaginer que la gestion technique du RSA, le versement de l'allocation, revienne aux services de l'Etat afin que les départements puissent se concentrer sur la politique d'insertion de proximité ?
Je souscris tout à fait à l'idée d'un copilotage entre les préfets et les conseils régionaux sur les schémas régionaux économie-emploi-formation mais j'aimerais également savoir comment vont se situer les départements dans le cadre du développement de la politique d'insertion. Il me paraît souhaitable de réfléchir à la manière dont les départements pourraient être associés à la politique d'emploi en général, la politique d'insertion constituant un volet de celle-ci.
Bien qu'elle ait été prise par un Gouvernement que je combattais, j'ai soutenu, à titre personnel, la décision de diminuer le nombre de sous-préfectures, notamment sur le territoire dont je suis élue. Il ne s'agit pas ici d'un enjeu politique mais d'efficacité.
J'ai également voté avec plaisir la réforme des régions. Je suis élue d'une région qui n'avait, à l'évidence, pas la masse critique nécessaire à la mise en oeuvre d'un certain nombre de politiques. Je suis heureuse que le Limousin fasse maintenant partie de cette grande région Poitou-Charentes-Limousin-Aquitaine et j'y vois d'importantes possibilités de développement.
Je n'oublie pas, cependant, qu'elle suscite de nombreuses inquiétudes dans les territoires, particulièrement sur la question de l'éloignement des services de l'Etat, car ceux-ci contribuent à la cohésion républicaine.
J'ai regretté que la révision générale des politiques publiques (RGPP), au lieu de s'attaquer à la question des services centraux, ait contribué à réduire très fortement la présence de l'Etat en région. J'ai pu le constater en présidant une maison départementale de personnes handicapées pendant plusieurs années, où il était difficile de mettre en place des commissions efficaces puisque les représentants de l'Etat, faute d'être assez nombreux, ne pouvaient être présents aux réunions.
Je conclurai en soulignant, Monsieur le Ministre, que la réforme de l'Etat ne doit pas signifier moins d'Etat en région mais mieux d'Etat en région.
Je voudrais dire en introduction que la démarche que vous décrivez, Monsieur le Ministre, me semble être la bonne. Nous attendons maintenant d'en voir la traduction.
Comme cela vient d'être indiqué, nous sommes confrontés à une grande inquiétude face à la réorganisation induite par la mise en place des grandes régions. Je ne partage pas l'enthousiasme de ma collègue, même si nous sommes dans la même région. Je suis, pour ma part, élu dans le Poitou-Charentes et nous sommes assez inquiets d'être inclus dans cette très grande région Poitou-Charentes-Limousin-Aquitaine. Cette inquiétude concerne également l'organisation des services de l'Etat puisqu'on constate qu'à l'heure actuelle, les fonctionnaires de l'Etat rencontrent également des difficultés pour trouver leur place dans cette nouvelle organisation.
Il est vrai que nous n'avons aucune habitude de travail, aucune histoire en commun et que nous faisons parfois face à une incohérence territoriale dans la mise en place de ces régions.
Parallèlement, se pose également la question des sous-préfectures et du besoin de proximité par rapport aux centres de décision. Il est certain qu'il est nécessaire de revoir leur structure et leurs missions, mais elles demeurent des outils de proximité qui correspondent à un besoin dans un contexte d'éloignement des centres de décision.
Je souhaite également évoquer l'enjeu que représentent les transferts de charges et l'inquiétude qu'ils suscitent puisque, par le passé, quels que soient les gouvernements, la redistribution de compétences vers les collectivités ou les compétences nouvelles qui leur ont été attribuées ont toujours été accompagnées de transferts de charges.
Je voudrais conclure en soumettant une idée. Nous percevons tous la nécessité d'une remise à plat des normes et nous savons que le chemin est long jusqu'à l'obtention d'un impact significatif sur la société et sur le fonctionnement des collectivités. Au-delà du problème des dotations, la capacité d'investissement est largement bloquée ou saturée par les nombreuses contraintes réglementaires et procédurales. Le problème se pose dans une moindre mesure pour les grands projets, pour lesquels il est plus facile de trouver des solutions.
En revanche, en ce qui concerne les projets intermédiaires, on s'aperçoit que de nombreux blocages se sont créés, notamment à travers des décisions contradictoires prises par les différents acteurs garants de l'application des normes.
Je suis persuadé que disposer sur les territoires, que cela soit à l'échelon régional ou départemental, d'un coordinateur ou d'une coordinatrice des projets d'investissement qui aurait pour mission, sans déroger à la loi, de mettre en cohérence l'application de la législation sur le territoire, participerait de la démarche de simplification et contribuerait à amplifier l'investissement public et privé. La mise en place de cette coordination pourrait compléter la réforme normative dans la mesure où de nombreux textes sont aujourd'hui contradictoires, notamment en matière d'urbanisme et d'environnement.
Merci, Monsieur le Ministre, pour ces informations, qui me rassurent en tant que maire d'une commune de 900 habitants située en périphérie de Rouen, dans une grande intercommunalité.
Nous sommes actuellement confrontés à une situation où tout bouge en même temps, très vite. Nous sommes en ce moment en discussion sur la loi Macron et nous avons des amendements relatifs à l'urbanisme qui sont l'expression d'inquiétudes légitimes.
Etant élue dans ce qui est encore la Haute-Normandie, je constate que les perspectives de réorganisation des services administratifs soulèvent la question de la proximité. L'inquiétude se traduit souvent, en ce qui concerne le choix à faire entre Rouen et Caen pour la localisation du centre administratif, par cette question : combien de kilomètres pour se rendre à la préfecture ? La notion de proximité me semble donc devoir être placée au centre de la réflexion.
Je souhaite également revenir sur la question de la ruralité : que met-on exactement sous ce vocable ?
Cette notion recouvre, en France, un spectre très large, qu'il s'agisse des communes très rurales, des communes situées en zone rurale mais déjà impactées par l'étalement urbain ou encore de celles mal dénommées « rurbaines ». Toutes ces situations relèvent, pour les élus, de problématiques différentes. Il faut espérer que cette réforme permette à ces communes de se coordonner et de trouver des solutions qui répondent à leurs spécificités.
Enfin, je profite de cette intervention pour faire un constat. Les élus sont, certes, demandeurs de simplifications, mais ils sont, dans le même temps, soumis à un nombre croissant de procédures administratives ou de procédures juridiques engagées par des particuliers. Le besoin de réduction des normes s'ajoute donc à celui d'une protection des élus vis-à-vis de la loi. Le maire, aujourd'hui, surtout lorsqu'il est élu d'une petite commune et n'a pas de services à sa disposition, a besoin de réponses normées face à ce risque juridique. Je souhaitais donc soulever cette situation paradoxale.
Merci, Monsieur le Ministre, pour cette présentation. Je vais dans un premier temps aborder la question des pertes d'emploi qui risquent d'être induites par cette réforme. Les avez-vous quantifiées ? Pouvez-vous, dans la continuité de cette question, nous éclairer sur l'avenir des sous-préfectures et sur la différence entre sous-préfecture et Maison de l'Etat, concept qui semble encore flou à ce jour ?
Pour ma part, je suis sénateur de la Somme, et la Picardie, comme vous le savez, est appelée à être intégrée au Nord-Pas-de-Calais, ce qui paraît cohérent au point de vue géographique, culturel, historique ou encore économique. Nous allons, néanmoins, appartenir à une région dont la capitale, Lille, est excentrée par rapport au reste de cette nouvelle entité territoriale. Pour Amiens, il ne s'agit pas de contester le choix de Lille comme capitale, mais de soulever la question de la complémentarité et du maintien de services de l'Etat dans la proximité. Il me semble que la question de la proximité est également centrale du point de vue de la lutte contre le vote extrémiste.
Enfin, je m'écarte légèrement du sujet qui nous occupe aujourd'hui pour aborder une question à laquelle je suis particulièrement sensible, celles des micro-communes rurales. Mon département comprend 782 communes, dont 752 qui sont considérées comme rurales par l'INSEE, parce que leur population se situe en deçà des 2 000 habitants. Parmi ces dernières, 117 communes comptent moins de 100 habitants. L'une d'entre elles, par exemple, compte 5 habitants pour un budget de moins 10 000 euros !
Il me semble que nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur l'avenir de ces micro-communes. Il ne s'agit pas d'imposer leur suppression mais de les inciter à mutualiser, voire à fusionner, afin de redonner du sens à la notion de commune.
Merci à tous pour ces interventions. Il est évident que nous envisageons tous ces problématiques à la lumière de nos expériences dans nos départements. Dans mon département, les communes sont moins nombreuses mais beaucoup d'entre elles sont composées de quelques centaines d'habitants et s'interrogent sur leur pérennité.
Ma deuxième remarque concerne, à la suite de l'intervention de Marie-Françoise Pérol-Dumont, la répartition des missions entre Etat et département. Il me semble important d'avoir de plus en plus à l'esprit les perspectives offertes par les agglomérations, les communautés urbaines ou les réseaux de communes. Cette réflexion sur le partage de compétences entre les départements et ces nouvelles entités est également à mener.
Les résultats des dernières élections, notamment en milieu rural, doivent également nous interpeller. Ce vote que nous avons subi témoigne d'un sentiment d'abandon et d'exclusion dans ces territoires, à travers la moindre présence des services publics ou des commerces.
Il me semble important de travailler sur cette question et de garder à l'esprit que l'éloignement des centres de décision peut être déstabilisant pour les populations. Disposer d'agents de développement dans ces territoires pourrait être une piste de travail. Je souhaite enfin souligner que l'Etat a pour responsabilité de maintenir un tissu et un maillage en termes de services publics sur les territoires, notamment ruraux.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, vos différentes interventions montrent que nous sommes ici face à des enjeux cruciaux de reconquête démocratique, vis-à-vis de territoires et de populations qui peuvent se sentir abandonnés. Il s'agit également d'opérer une correction de trajectoire par rapport aux politiques qui ont été menées sur de longues séquences, avec l'ensemble des gouvernements qui ont travaillé sur l'évolution de l'Etat territorial au cours des 15 ou 20 dernières années. Ces politiques ont parfois, voire souvent, été un peu rapides, brutales et autoritaires alors que notre société était soumise à des chocs importants, qu'ils soient économiques, sociaux ou culturels. Ces mouvements forts, conjugués à de nouvelles attentes des individus, ont pu fragiliser la puissance publique et susciter certaines formes d'incompréhension.
Je pense que, sur ces sujets, il faut croire en la puissance publique. Nous sommes tous conscients du rôle essentiel de l'Etat pour la cohésion sociale.
Dans le cadre de la réforme à laquelle j'ai travaillé avec Bernard Cazeneuve et que je présente au Conseil des Ministres, c'est une démarche de pragmatisme qui a été adoptée et nous gardons à l'esprit la nécessité de prendre en compte la diversité des territoires.
S'agissant de la revue des missions, notre priorité porte sur la clarification. Par exemple - et je sais que Mme la Sénatrice Pérol-Dumont connaît bien ce sujet pour avoir exercé des responsabilités départementales à cet égard - les départements sont en charge de la politique famille tandis que l'Etat, via la préfecture, est chargé chaque année d'établir un schéma sur la politique de l'enfance et de la famille. Quelle en est l'utilité ? Voici un sujet sur lequel nous pourrions faire évoluer les choses. D'autres exemples similaires pourraient être cités dans le domaine du handicap.
Cette clarification induit-elle une réduction de voilure ? La vérité m'oblige à dire que ce n'est pas l'objectif de la réforme. Il s'agit avant tout d'enjeux de repositionnement et de clarification et non pas d'une démarche visant à alléger le périmètre d'engagement de l'Etat. Dans certains secteurs, tels que l'intelligence économique, que vous connaissez bien, Monsieur le Président, l'Etat devra même se réinvestir car il est actuellement en-deçà de ses missions.
Sur la question préfecture/sous-préfecture, que nombre d'entre vous ont évoquée à raison, et sur celle de la répartition des effectifs, il est évident que le passage à 13 régions implique un redéploiement. À terme, moins d'agents travailleront dans les préfectures en régions tandis que l'Etat bénéficiera dans le département de surcroîts d'effectifs, que cela soit au niveau des préfectures ou des sous-préfectures. Il convient de dire très clairement que la réforme territoriale n'a pas pour objectif d'identifier des capacités d'économie supplémentaires en termes d'effectifs.
La situation des sous-préfectures doit être évaluée de façon très détaillée, département par département. L'un des enjeux des sous-préfectures, composées quasi exclusivement de services administratifs, est leur absence de rapport à l'usager. Les Maisons de l'Etat ont pour objectif de réintroduire dans les sous-préfectures existantes des fonctions d'accueil de l'usager, de délivrance de titres, etc... C'est en ce sens qu'elles contribuent à une plus grande proximité. Il peut, cependant, y avoir une évolution de la carte des sous-préfectures, qui est à étudier.
Concernant la préoccupation de Mme la Sénatrice Tocqueville au sujet des relations de l'Etat territorial et des petites communes, un travail est en cours, dans le cadre de la revue des missions, pour doter à nouveau les préfectures d'outils de conseil destinés à ces communes. Ces outils ayant été fragilisés avec la suppression des DDE, il est maintenant nécessaire de récréer les conditions de l'accompagnement des maires de petites communes.
Sur la protection juridique des élus, je vous invite à vous rapprocher de la Direction générale des collectivités locales (DGCL), qui travaille actuellement sur les moyens de sécuriser l'activité des maires et sur leur accompagnement juridique.
Je veux redire mon engagement sur la simplification. Toutes les propositions abouties, susceptibles de donner lieu à un texte, sont les bienvenues, dans un calendrier qui doit effectivement être fixé à l'automne prochain. Je propose d'ailleurs à M. Pointereau de se rapprocher de mes équipes de la mission simplification, qui mènent un important travail, dont vous devez pouvoir être tenu mieux informés. Il semble important que vous disposiez de la cartographie des sujets sur lesquels nous avons ouvert des chantiers.
Je propose que nous saisissions l'occasion pour prévoir prochainement une séance de travail réunissant Rémy Pointereau, ainsi que certains membres du groupe de réflexion qu'il anime, et les collaborateurs du Ministre.
Il m'importe avant tout que les actions soient mises en oeuvre. Je suis très ouvert aux formes que cela peut prendre, y compris aux propositions de lois, parlementaires ou sénatoriales. Il est important que nous travaillions en bonne intelligence.
Je souhaite aussi évoquer les sous-préfets simplificateurs, qui sont au nombre de 44 et que leur discrétion honore... Je ne vous cache pas qu'il serait souhaitable de faire le point sur ce dispositif et, le cas échéant, de le rendre plus opérationnel.
Enfin, je voulais vous présenter un dispositif très prometteur, actuellement expérimenté dans trois régions et que nous souhaitons généraliser : le certificat de projet. Délivré par le préfet dans un délai de 3 mois, il a valeur de rescrit et fige le droit pour 18 mois prolongeables de 6 mois, ce qui constitue une perspective très sécurisante pour l'investisseur.
Je souhaite indiquer qu'avec le Président Bockel, nous présentons une proposition de loi sur la saisine du Conseil national d'évaluation des normes par les élus locaux. Elle sera examinée au Sénat fin mai.
Je me permets de poser une dernière question sur la capacité des élus locaux à défendre leurs projets face à des mobilisations telles que celles des « zadistes ». Comment l'Etat envisage-t-il de mieux accompagner les élus confrontés à ce type de manifestations ?
La consultation des populations est aujourd'hui menée trop en amont ou trop en aval. Nous voulons repositionner l'enquête publique là où elle est vraiment utile. Nous travaillons également sur la question du contentieux et avons mis en place un dispositif de cristallisation des moyens qui demande encore à être développé. La période contentieuse sera également réduite et les recours d'instances limités pour certains projets. Je vous remercie pour ces échanges passionnants.