Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement, sur la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir et la procédure d'évaluation des investissements publics.
Comme il est de coutume depuis l'instauration, en 2010, du premier programme d'investissements d'avenir (PIA), nous entendons ce matin le commissaire général à l'investissement, Louis Schweitzer.
Avec le premier, puis le deuxième, programme d'investissements d'avenir, 47 milliards d'euros sont dédiés à l'investissement, dans de nombreux secteurs de l'économie et selon des règles de gestion extrabudgétaires. Les projets avancent, puisque 36,9 milliards d'euros étaient engagés à la fin de l'année 2015, pour un total de 31 milliards d'euros contractualisés. Les décaissements s'élevaient, quant à eux, à 13,9 milliards d'euros.
Je rappelle que deux rapports ont récemment été publiés sur les investissements d'avenir, l'un par la Cour des comptes et l'autre par un comité d'experts constitué par France Stratégie, à la demande du commissariat général à l'investissement.
Avant que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui suivent attentivement la mise en oeuvre des investissements d'avenir dans leurs missions respectives ne vous interrogent en détail, je commencerai par quatre questions, pour amorcer votre propos liminaire. Que sait-on à ce jour du troisième programme d'investissements d'avenir ? Quelles conséquences tirez-vous, ou allez-vous tirer, des rapports d'évaluation que j'ai cités ? Comment s'articulent les investissements d'avenir et le plan Juncker ? Quel bilan tirez-vous de la procédure d'évaluation des investissements publics, qui a été confiée au commissariat général à l'investissement ?
Avant de vous donner la parole, je salue la présence d'Alain Chatillon, membre du comité de surveillance des investissements d'avenir, au même titre que Jean-Léonce Dupont et, au sein de notre commission, Fabienne Keller et Jacques Chiron.
Comme vous l'avez rappelé, le programme d'investissements d'avenir a été créé à l'initiative du président Sarkozy et mis en oeuvre par une commission présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, lesquels sont encore coprésidents du comité de surveillance des investissements d'avenir, chargé de veiller à la continuité de l'action du commissariat général à l'investissement. Cela vaut d'être noté, car il n'est pas fréquent de voir ainsi la continuité d'une action assurée sous l'autorité de ses fondateurs mêmes.
Le PIA 1, ouvert en 2010, comprenait 35 milliards d'euros, et le PIA 2, 12 milliards d'euros, affectés à des investissements d'avenir - investissements au sens large puisque l'on y inclut des dépenses d'enseignement supérieur et de recherche, considérant à juste titre que ces dépenses, bien qu'étant, juridiquement parlant, de fonctionnement, n'en représentent pas moins un investissement important pour l'avenir de notre pays. Les domaines concernés sont l'enseignement, la formation, la recherche, la valorisation de la recherche et la modernisation de l'économie.
Ces crédits, votés dans le cadre du budget de l'Etat, sont cependant préservés de la régulation budgétaire, ce qui permet de s'engager sur plusieurs années : ils sont immédiatement reversés à des opérateurs en étant déposés sur des comptes du Trésor.
Si certains de ces crédits prennent la forme classique de subventions ou d'avances remboursables, et pèsent immédiatement sur le déficit de l'État, une part importante d'entre eux - 18,3 milliards d'euros -, affectés à l'enseignement supérieur et à la recherche, sont des dotations non consommables : dans ce cas, seule est versée une somme annuelle calculée sur la base du taux d'intérêt des obligations du Trésor, soit 3,4 % pour le PIA 1 et 2,5 % pour le PIA 2. Ceci explique que, sur 47 milliards d'euros de crédits ouverts, bien qu'ayant engagé 38,1 milliards d'euros et contractualisé avec les bénéficiaires pour un peu plus de 32 milliards d'euros au 31 mars 2016, nous n'ayons décaissé que 14,5 milliards d'euros. Par nature, certaines sommes se décaissent, en effet, sur plus de trente ans.
Viennent enfin des dépenses en fonds propres, l'État investissant en « investisseur avisé », parallèlement aux investisseurs privés, ainsi que des prêts, pour un peu moins de 9 milliards d'euros. Si ces sommes entrent bien dans le déficit au sens budgétaire, elles n'entrent pas dans le déficit public au sens de la comptabilité nationale, sur lequel est calculé le fameux critère des 3 % : les prêts et les fonds propres n'interfèrent donc pas sur le déficit maastrichtien.
La philosophie du PIA se résume en trois mots : excellence, innovation, coopération. L'exemple des Idex, c'est à dire des universités reconnues comme instituts d'excellence, en fournit une illustration. Dans le cadre du PIA 1, il en existe huit : Bordeaux, Toulouse, Marseille, Strasbourg, et, à Paris, Sorbonne Université, Paris-Saclay, Paris Sciences et Lettres, Sorbonne Paris Cité. Quels critères s'appliquent dans ce cadre ? En premier lieu, nous allons à l'excellence. Les crédits du PIA allant à l'enseignement supérieur ne sont pas répartis également entre toutes les universités mais bien alloués à des universités considérées comme excellentes au rang mondial. En deuxième lieu, nous appuyons l'innovation : nous allons vers des universités orientées à la pointe de la recherche, et pas seulement celles qui assurent un bon enseignement. En troisième lieu, nous favorisons la coopération : la création des Idex vise précisément à assurer un rapprochement entre universités et grandes écoles, ce qui ne va pas toujours de soi, ainsi qu'entre universités et monde économique, ce qui est moins dans la tradition française que dans d'autres pays.
Ajoutons que le PIA est un process. Les bénéficiaires ne sont pas choisis, comme de coutume, par l'administration ou au travers de critères mécanistes, mais sur la base d'avis d'experts ou de jurys internationaux et, à l'issue d'un processus interministériel prenant la forme d'un comité de pilotage, par décision du Premier ministre. Tel est le cas pour les Idex choisis dans le PIA 1 qui passent, cette semaine même, devant un jury international, à la suite de quoi le processus que je viens de décrire suivra son cours pour confirmer ou non ces initiatives.
Le PIA a souvent été considéré comme une procédure certes remarquable, mais trop lente. Nous nous efforçons donc de réduire les délais, qui ne sont plus désormais que de trois mois entre le dépôt d'un projet et son agrément. Si bien que le PIA 1 et le PIA 2 seront presque en totalité engagés mi-2017. D'où une interrogation : fallait-il lancer un PIA 3 ? Ce n'était pas initialement prévu, étant entendu que les PIA 1 et 2 ont été conçus comme des procédures d'exception, visant à préserver notre potentiel de croissance et les investissements d'avenir en un temps de rigueur budgétaire. Mais le fait est que nous ne sommes pas au bout de cette période, et nous n'avons pas de raison de penser qu'elle se terminera en 2017 ou en 2018. Ainsi, les circonstances que j'espère exceptionnelles et qui avaient justifié la naissance des PIA 1 et 2 sont, reconnaissons-le, toujours d'actualité et appelées à s'inscrire dans la durée, ce qui pose avec d'autant plus d'acuité la question du PIA 3. Encore fallait-il cependant, avant que de s'y lancer, s'assurer que le PIA 1 et le PIA 2 répondent bien aux objectifs fixés. C'est pourquoi nous nous appliquons à nous-mêmes les règles que nous appliquons à tous les bénéficiaires de crédits, en nous soumettant à une évaluation par un comité d'experts internationaux, que nous avons demandé à France Stratégie de désigner. Ce comité, présidé par Philippe Maystadt, ancien Vice-Premier ministre de Belgique et ancien président de la Banque européenne d'investissement (BEI), a procédé à un examen, qui s'est étalé sur six mois. Jugeant que le PIA répondait à son double objectif, à savoir d'aller à l'excellence, à l'innovation, à la coopération, et d'avoir une action transformante sur un certain nombre d'institutions et d'organismes en France, le comité s'est déclaré favorable à un PIA 3, non sans relever, néanmoins, un certain nombre d'insuffisances et de faiblesses. Nous prenons en compte ces observations et nous efforçons d'y remédier. Certaines de ces dérives, cependant, ne relèvent pas du commissariat général à l'investissement, ainsi que le souligne le comité. Un exemple, également identifié par la Cour des comptes : l'imputation sur le PIA d'investissements certes porteurs d'avenir mais qui auraient dû être portés par le budget général. Ainsi en est-il des avances remboursables à Airbus pour financer l'Airbus 350 qui, toutes justifiées qu'elles soient, ont été imputées sur le PIA bien qu'elles n'aient pas été décidées dans le cadre du process que je vous ai décrit. Ainsi en est-il également du soutien à des investissements du commissariat à l'énergie atomique dans le nucléaire militaire. Pour vous donner un ordre de grandeur, j'indique que tels investissements, qui n'entrent pas dans les objectifs initiaux du PIA, représentent 20 % des sommes engagées.
Quelles pourraient être les orientations du PIA 3 ? Sachant que le Gouvernement n'a décidé pour l'heure que d'un montant qui s'élève à 10 milliards d'euros, et du fait que le programme serait soumis au Parlement en 2016, je précise que les réflexions que je vais vous livrer sur la façon dont pourrait se répartir cette somme n'ont pas reçu sanction officielle. La répartition en nature de crédits que nous envisageons semble cependant, pour une large part, faire consensus au sein du Gouvernement - mais, en tout état de cause, je n'ignore pas qu'en cette matière, c'est le Parlement qui a le dernier mot. Sur ces 10 milliards d'euros, 4 milliards d'euros pourraient aller à des subventions et avances remboursables - soit des crédits pesant sur le déficit au sens de Maastricht. Viendraient ensuite 2 milliards d'euros, non plus en dotations non consommables, dans la mesure où les taux d'intérêt des obligations du Trésor, soit la somme effectivement versée, sont tombés à moins de 2 %, mais en dotation décennale, soit une dotation versée par dixième sur dix ans. Enfin, 4 milliards d'euros pourraient prendre la forme de fonds propres, lesquels ne pèsent pas sur le déficit maastrichtien. Ceci sous deux conditions. Il s'agit, en premier lieu, de s'assurer que l'État investisse avec une perspective de rentabilité analogue à celles d'un investisseur privé. Pourquoi l'État irait-il investir ? Car en matière d'innovation, il est à même, pour peu qu'existe une espérance de recette, de prendre des risques plus importants qu'un investisseur privé. Les experts s'accordent à souligner que le problème ne tient pas tant, en France, à une insuffisance de l'épargne...
Cette épargne ne va pas, en effet, dans les investissements innovants à risque. L'objectif, avec ces 4 milliards d'euros de fonds propres, serait que l'État investisse dans des domaines à risque où l'espérance de gain est élevée. La deuxième condition est que cet investissement soit fait aux côtés d'investisseurs privés, s'engageant pour plus de la moitié du total. L'idée, pour résumer, est que l'État investisse comme un investisseur privé, aux côtés d'investisseurs privés, la seconde condition ayant de surcroît le mérite de garantir que la première est bien remplie.
Vous noterez que nous n'envisageons pas de prêts, car aux taux d'intérêt actuels, il ne serait pas justifié d'engager ainsi les crédits de l'État. Nous proposons en revanche que 500 millions d'euros, pour moitié en subvention, pour moitié en fonds propres, soient affectés en codécision avec les régions. Cela est déjà le cas dans le PIA 2, mais pour 50 millions d'euros, soit un montant beaucoup plus modeste. C'est une procédure qui fonctionne bien. L'État mettrait donc 500 millions d'euros, les régions étant invitées à mettre autant, et la décision serait prise conjointement, au niveau régional, par le représentant de l'État et le représentant de la région, sur instruction de la Banque publique d'investissement, chargée de garantir qu'il s'agit d'un investissement intelligent, le commissariat général à l'investissement se bornant à vérifier que l'esprit du PIA - excellence, innovation, coopération - est bien respecté. L'avantage d'une telle procédure tient à la proximité de la décision et au raccourcissement des délais, qui ne dépassent pas six à huit semaines. Pour les petites et moyennes entreprises, c'est là une condition essentielle.
Dans le PIA 1, on a créé beaucoup d'institutions : sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), instituts de recherche technologique (IRT), instituts pour la transition énergétique (ITE), instituts hospitalo-universitaires (IHU), instituts d'excellence (Idex). Pour le PIA 3, notre idée est de conforter les institutions existantes, quand elles le méritent, plutôt que d'en créer encore de nouvelles. Nous proposons toutefois de préserver la faculté de créer une SATT en Normandie, région qui n'en avait pas demandé dans le PIA 1 et qui souhaite en créer une, si les universités suivent. Les IHU, qui associent médecins, universités, recherche et entreprises, fonctionnent fort bien. Faut-il en créer de nouveaux ? Le débat reste ouvert. On pourrait imaginer d'en créer jusqu'à trois, sachant que ceux qui existent déjà, comme l'institut du cerveau et de la moelle épinière de la Salpétrière, celui de Marseille sur les maladies infectieuses, ou celui de Bordeaux, qui travaille sur le rythme cardiaque, sont véritablement à la pointe de la recherche.
Sur le fond, les orientations s'inscrivent très largement dans la continuité du PIA 1 et du PIA 2. L'enseignement supérieur et la recherche, l'enseignement, la valorisation de la recherche absorberaient un peu plus de la moitié des 10 milliards d'euros, le reste allant au soutien à l'économie et aux entreprises pour un peu moins de la moitié. L'effort en faveur du numérique, de la transition énergétique et de l'économie circulaire serait poursuivi. On s'efforcerait de l'accentuer dans deux domaines d'excellence de la France, les industries agro-alimentaires et le tourisme. Ce sont des domaines peu soutenus dans les deux premiers PIA, où l'image de la France rayonne dans le monde entier. Il ne s'agit pas, bien évidemment, de construire des hôtels, mais de pousser l'innovation. Je pense notamment aux sites de réservation de chambres d'hôtel, alors qu'actuellement c'est à une société californienne que profitent 10 % à 20 % du montant de chaque réservation en France.
J'indique, pour finir, que nous procédons à une évaluation constante de nos investissements, qui sont examinés, au bout de trois ou quatre ans, par un jury international.
Merci de cet exposé complet. Je limiterai mes questions au suivi parlementaire de l'exécution des PIA. La Cour des comptes a souligné la faiblesse des décaissements, sur laquelle vous êtes revenu. Est-il envisageable de nous mettre en mesure de retracer les décaissements par mission, pour assurer un meilleur suivi de l'exécution des crédits ?
Dans son rapport, la Cour des comptes recommande d'« élargir le périmètre des normes de dépenses aux décaissements annuels effectués par les opérateurs dans le cadre de la mise en oeuvre du PIA ». Qu'en pensez-vous ?
Qu'en est-il, enfin, de l'articulation du PIA avec le plan Juncker ? A la question que je vous avais posée l'an dernier, vous m'aviez répondu que les aides ne se recoupaient pas. Pouvez-vous me confirmer qu'aucun projet ne bénéficie à la fois des aides du PIA et de celles du plan Juncker ? Avez-vous, à l'inverse, des exemples de projets rejetés au titre du plan Juncker et qui auraient pu bénéficier du relai du PIA ?
Les questions que je me pose trouvent réponse dans le cadre des réunions du comité de surveillance auquel j'ai l'honneur de participer, aussi me contenterais-je ici de saluer la qualité du travail, essentiel pour notre pays, que mènent Louis Schweitzer et l'équipe de grande qualité qui l'entoure.
En ces temps de doute, il est toujours rassurant d'entendre des propos bienveillants.
Je m'associe, comme membre du comité de surveillance, à cet éloge.
Je m'en tiendrai à deux questions. Que pensez-vous de l'analyse du comité d'experts constitué par France Stratégie, selon laquelle, concernant les cofinancements, les fonds du PIA feraient parfois double emploi avec ceux du privé, au risque d'effets d'aubaine ou d'éviction dans le soutien au développement des entreprises ? France Stratégie semble préconiser, pour l'éviter, une analyse actualisée des défaillances du marché.
Parmi les résultats que ce comité d'experts estime positifs, figure le fonds SPI (sociétés de projets industriels), dont la plus-value serait « indéniable » car couvrant une « défaillance de marché pour le passage à l'industrialisation des nouvelles technologies ». Le comité d'experts préconise notamment que le fonds SPI soit abondé, « compte tenu de la forte intensité capitalistique de l'étape d'industrialisation et de la difficulté de trouver suffisamment de fonds privés pour cette phase ». Avec le rapporteur général, nous sommes quelques-uns à nous être déplacés, durant l'interruption des travaux du Sénat du mois d'avril, à Seattle et à San Francisco, où nous avons pu constater la qualité du travail mené par la Bpifrance et Business France pour accompagner les jeunes PME (petites et moyennes entreprises) et TPE (très petites entreprises) françaises dans leur développement et leur installation sur le marché nord-américain. Les chefs d'entreprises françaises n'ont pas manqué de le souligner. En revanche, le comité d'experts de France Stratégie reste réservé quant à votre idée d'étendre le champ du fonds à « l'accompagnement des stratégies de croissance externe internationale des PME françaises ». Il juge qu'il s'agit d'un métier différent et que la défaillance de marché est alors moins évidente. Que pensez-vous de cette analyse ? Votre point de vue a-t-il évolué à ce sujet ?
Comment s'opère, enfin, au sein de Bpifrance, que la Coface intègrera cette année, le partage entre ce qui relève du fonds SPI et des aides à la croissance internationale ? D'une manière générale, les PIA peuvent-ils être utilisés pour soutenir l'exportation ? Avec quels instruments ?
Une précision, tout d'abord, pour répondre à votre interrogation, Madame la Présidente, sur l'évaluation des investissements publics. Le commissariat général à l'investissement a reçu mission de tenir le registre des investissements dont le financement public dépasse 20 millions d'euros et de procéder, pour les investissements ayant un financement public de plus de 100 millions d'euros, à une contre-expertise. Nous avons ainsi contre-expertisé une quarantaine de projets, représentant plus de 40 milliards d'euros, depuis l'institution de cette procédure. Nous rendons soit un avis favorable, soit un avis favorable assorti de recommandations, soit un avis favorable assorti de réserves, soit même parfois un avis défavorable. Cet avis est joint à l'enquête publique, que le Conseil d'Etat ne manque pas de contrôler de près, comme la déclaration d'utilité publique qui lui fait suite. Il est important que le commissariat général à l'investissement ne se contente pas de procéder aux décaissements dans le cadre du PIA, mais exerce aussi un contrôle sur la pertinence des investissements publics.
J'en viens aux questions du rapporteur général. Les redéploiements de crédits du PIA, s'ils modifient la destination des fonds, sont soumis au Parlement. Dans ceux qui ont été opérés - étant entendu que certaines des dérives relevées par la Cour des comptes figuraient dans les programmes initialement votés, je précise que sur un total de 4 milliards d'euros, 2,4 milliards d'euros réorientés conduisaient à sortir de l'esprit du PIA mais ont été validés par le Parlement dans une loi de finances rectificative, tandis que 1,3 milliard d'euros, réaffectés, le respectaient. Les redéploiements ont été en grande majorité soumis au Parlement. Je rappelle également que nous établissons un compte rendu trimestriel, que nous adressons aux commissions des finances des deux assemblées.
Sur l'élargissement du périmètre des normes de dépense à l'exécution annuelle du PIA par les opérateurs, préconisé par la Cour des comptes, le commissariat général à l'investissement n'a pas d'opinion à émettre. Le ministère du budget estime qu'il ne faut pas suivre la recommandation de la Cour des comptes, considérant que dès lors que ces crédits ont été versés dès le départ à un opérateur, ils ne sont plus dans le champ de la norme de dépense. Le commissariat général à l'investissement ne peut que s'incliner devant son expertise.
J'en arrive au plan Juncker, coordonné, en France, par le commissariat général à l'investissement. On dit souvent que la France peine à décrocher des crédits européens mais le fait est que pour le plan Juncker, nous sommes excellents. Nous sommes le pays d'Europe qui a obtenu le plus de crédits et de projets, au point que certains craignent que cela puisse poser un problème politique. Je n'y vois, pour ma part, qu'un juste retour.
Il n'y a pas de recoupement entre les projets PIA et ceux du plan Juncker. Ce dernier couvre des projets que le PIA ne couvre pas - par exemple le financement des infrastructures de transport - et inversement : nous finançons, ainsi, l'enseignement supérieur et la recherche, les dépenses par subvention, ce que le plan Juncker ne fait pas. Même dans le domaine économique, un partage s'opère. Nous finançons davantage en amont, dans l'innovation, tandis que le plan Juncker finance plutôt la diffusion. Ainsi, quand le plan Juncker finance des éoliennes terrestres, au titre de la transition énergétique, nous privilégions le financement d'éoliennes maritimes flottantes ou hydroliennes, une technologie non établie, plus innovante, à risque plus élevé.
C'est un de nos partenaires. Bref, il n'y a pas de recoupements, et nous y veillons.
Je remercie Alain Chatillon et Jacques Chiron de leurs éloges, au nom de la petite équipe de trente-cinq personnes du commissariat général à l'investissement, qui est effectivement remarquable.
En réponse à Jacques Chiron, je tiens à souligner que les dépenses visées sont des dépenses en fonds propres, qui ne pèsent pas sur le déficit au sens de Maastricht. Je rappelle que notre opérateur, qui prend les décisions, est le plus souvent la Bpifrance. J'ajoute qu'une étude réalisée par le cabinet McKinsey et un rapport de l'Inspection générale des finances ont visé à répondre aux questions que vous vous posez. Je pense qu'il n'y a jamais d'effet d'éviction mais qu'il est effectivement des domaines, comme le numérique ou les biotechnologies, où le financement privé est, en France, adéquat. Pas toujours à toutes les étapes, cependant. À la première, qui est la moins rentable, il arrive que l'on trouve des vides. De même pour la dernière étape : à la différence des États-Unis, où, quand une société a commencé de grandir, elle n'a aucune peine à trouver des investisseurs sur les marchés financiers, en France, les introductions en bourse sont plus rares et les actionnaires privés beaucoup plus réticents. On n'y trouve pas, comme outre-Atlantique, de ces business angels prêts à prendre de gros risques dans des projets où l'on peut gagner ou perdre beaucoup.
Ce à quoi nous veillons, avec la Bpifrance, c'est à ne pas intervenir là où le privé est capable de le faire, mais nous avons le sentiment qu'en France, il est moins tonique, face à l'investissement à risque, qu'aux États-Unis ou en Grande Bretagne, sans parler d'Israël. Notre volonté est donc clairement d'aller où l'on constate des défaillances du marché.
Il n'y a guère d'inquiétude à se faire sur les règles de partage entre fonds : la Bpifrance étant notre opérateur, nous les définissons avec elle. Les fonds propres du PIA, conjugués à ses fonds propres, lui donnent une puissance de feu accrue.
Les sociétés de projet industriel sont un axe important de notre action. Vous vous interrogez sur la stratégie de croissance hors de France. L'objectif du PIA est clairement de soutenir l'investissement en France. Nous ne sommes pas nationalistes mais nous sommes territoriaux. Cependant, il est des cas où la croissance passe par la capacité exportatrice, et il n'est pas à mes yeux illégitime, quand un investissement à l'étranger a un impact sur l'emploi en France, que le PIA, via les fonds propres, le soutienne.
Sachant que votre temps est contraint et compte du nombre des demandes de parole, qui montre combien votre audition était attendue, j'appelle chacun à s'en tenir, dans le temps qu'il nous reste, à l'essentiel et suggère que vous nous transmettiez par écrit les réponses que vous n'auriez pas le temps de livrer oralement.
La Cour des comptes estime que les retours sur investissement devraient être mieux adaptés aux différents types de projets, pour réduire certains effets pervers. Comment entendez-vous y répondre ? Peut-on aujourd'hui identifier les retours sur investissement ?
J'ajoute une observation. Il n'est que partiellement vrai de dire, comme vous l'avez fait, que les crédits du PIA échappent à la régulation budgétaire. La semaine dernière, lors de la discussion sur le pacte de stabilité à l'Assemblée nationale, la rapporteure générale, Valérie Rabaud, a indiqué qu'il y aurait 400 millions d'euros de décaissements en moins pour permettre de tenir les nouveaux engagements pris par l'État sur le budget 2016.
Je ne doute pas que les PIA fonctionnent, que vous obteniez des résultats, que les engagements soient tenus et que l'innovation semble fonctionner mais n'avez-vous pas le sentiment, en revanche, sachant que l'investissement public, en France, se porte dans l'ensemble assez mal, que l'effet d'entrainement prévu n'est pas au rendez-vous, et que les PIA fonctionnent en vase clos ? Comment faire en sorte que le fonctionnement du PIA influence davantage l'investissement public dans son ensemble ? Je m'en tiendrai là et vous ferai passer par écrit la question que souhaitait vous poser Marie-Hélène Des Esgaulx.
J'ai bien compris pourquoi vous envisagez de passer, au vu de la faiblesse des taux des obligations du Trésor, de dotations non consommables à des dotations décennales, mais cela ne concernera-t-il que les 2 milliards d'euros du PIA 3 ou également les 18,3 milliards d'euros des dotations non consommables des PIA 1 et 2, qui seraient convertis en dotations décennales ?
Tout particulièrement concerné, comme sénateur de la Haute-Garonne, par l'aéronautique et le spatial, j'insiste sur ce que représentent les PIA pour cette industrie lourde, qui travaille sur des cycles longs. L'effort engagé sera-t-il poursuivi ?
Vous avez évoqué la création, dans le cadre du PIA 3, d'une SATT supplémentaire. Or, le rapport du comité d'experts institué par France Stratégie montre que si certaines de ces SATT fonctionnent bien, tel n'est pas le cas de toutes, du fait d'un certain nombre de rigidités. Pensez-vous apporter des modifications et des assouplissements au fonctionnement des SATT ?
Ma question est complémentaire. J'ai vécu, dans ma région, le montage de ces projets de SATT et d'Idex, assez long et complexe. Ne pas envisager de créer de nouvelles structures me paraît une bonne chose. Les nouvelles régions, avec des pôles de compétitivité plus nombreux, vont atteindre une taille qui leur donnera plus de force d'innovation et démultipliera l'effet de levier du PIA. Pour avoir travaillé sur les cancéro-pôles, j'ai pu mesurer leur capacité d'innovation, mais quid des résultats, notamment en termes de valorisation de la recherche, en aval, en direction des entreprises ? Dispose-t-on d'une évaluation ?
Je m'associe aux jugements positifs sur le PIA. Considérez-vous que le système des SATT a permis de simplifier la nébuleuse des structures internes aux universités pour la valorisation de la recherche ? Va-t-on vraiment vers la simplification ?
L'absence d'un Idex Lyon-Saint-Etienne pose un vrai problème à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Loin de moi l'idée d'interférer dans l'examen du dossier, mais tous les élus de la région se demandent comme moi si cet Idex verra le jour. Faut-il fusionner les universités lyonnaises pour avoir une chance ? On a le sentiment, de fait, que la question de la gouvernance est centrale.
Ma question porte sur le fond d'accélération biotech santé (Fabs) de soutien aux start up de biotechnologies. L'idée, excellente, est de permettre aux start up, souvent performantes, de franchir le cap de la diffusion de leur recherche. Or, ces start up sont souvent rachetées par des groupes nord-américains, qui prospèrent sur une recherche créée ailleurs, ce qui n'est pas sans incidence sur le coût de certains médicaments - voir la campagne actuelle sur les coûts des médicaments anti-cancéreux. Comment faire pour que les brevets restent en France et que des industries capables de faire prospérer ce que découvrent nos chercheurs se développent en Europe ?
Les réflexions du comité institué par France Stratégie et de la Cour des comptes me portent à m'interroger sur l'efficacité des PIA et son évaluation. Je pense, par exemple, au programme Nano 2017 de la société STMmicroelectronics. A-t-on des éléments d'évaluation qui permettraient de déterminer son apport au regard de ce qui se faisait auparavant ? Quid de son efficacité sur l'emploi et de la dynamique économique que suscitent de tels projets ?
Le rapport du comité présidé par Philippe Maystadt conclut que les PIA ont fait bouger les lignes dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'Idex Paris-Saclay aurait ainsi notamment permis une certaine intégration des établissements autour de grands projets. Votre appréciation va-t-elle dans ce sens ? Sachant que l'Idex Paris-Saclay connaît quelques difficultés, la Communauté d'universités et établissements (ComUE) vous paraît-elle le bon outil d'intégration ? Les PIA ne pourraient-il inciter à l'intégration et pénaliser, à l'inverse, ceux qui ne jouent pas le jeu ? Je poserai mes deux autres questions par écrit.
Une question sur le Fonds d'aide à la rénovation énergétique, le FART, qui intervient en complément des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour la rénovation thermique des logements privés. On a du mal, dans ce domaine, à trouver le rythme de croisière en matière de financement. L'Anah a connu, dans les années passées, de grosses difficultés de financement, si bien que les dossiers des particuliers se sont accumulés. En décembre dernier, les crédits du FART ont été abondés de 50 millions d'euros mais depuis, les objectifs sont passés de 50 000 à 70 000 logements rénovés par an. Va-t-on à nouveau demander d'augmenter les crédits ? Comment éviter que cette dépense de guichet ne connaisse des à-coups, au détriment des particuliers qui déposent des dossiers ?
Vous avez évoqué les industries agro-alimentaires. La France, deuxième exportateur mondial en ce domaine il y a quelques années, a reculé au cinquième rang, auquel nous nous maintenons, au reste, en raison de nos exportations d'alcool. Sur quel type de projets s'orientent les choix du PIA et lesquels, en ce domaine, jugez-vous stratégiques ?
Merci de la clarté de votre propos. Comme Roger Karoutchi, je m'interroge sur le réel effet d'entraînement du PIA sur l'économie française. Alors que la France, tant pour le PIA que pour le plan Juncker est, ainsi que vous l'avez rappelé, porteuse d'un certain nombre de projets, on constate que les crédits ne sont pas consommés. Est-ce à dire que ces projets peinent à se concrétiser ?
Comme Yannick Botrel, je me réjouis que des projets touchant à l'agriculture et à l'agro-alimentaire puissent être soutenus, car cela est essentiel pour notre pays. Les professionnels nous disent clairement que l'effort de recherche pour trouver des alternatives aux pesticides reste très insuffisant, ce qui pèse sur la qualité de notre alimentation. Il y a là des besoins réels.
Dans sa communication du 26 novembre 2014 sur le plan d'investissement pour l'Europe, la Commission européenne indiquait que pourrait être établi un « système de certification européenne pour les projets d'investissement viables remplissant certains critères ». Une telle logique de « labellisation » des investissements se développe-t-elle en France ?
Ensuite, le déploiement du plan Juncker s'est accompagné de la mise en place d'une plateforme de conseil en investissement s'appuyant sur la Banque européenne d'investissement (BEI), la Commission européenne, ou encore les banques de développement nationales. Pour les porteurs de projets français, et notamment des plus petites entreprises, quel bilan tirez-vous de l'accessibilité et de l'efficacité de cette plateforme ? Quel rôle exact Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations jouent-elles dans ce dispositif ?
J'aimerais quant à moi vous interroger sur des actions qui me semblent un peu au point mort. Je pense à l'action « Ville durable et solidaire », pour laquelle seuls 3 millions d'euros ont été engagés fin 2015 sur une enveloppe initiale de 321 millions d'euros, ou encore de l'action « Usage et technologies du numérique ». Faut-il en conclure que ces actions sont plus difficiles à mettre en oeuvre ? Notre collègue Jean Germain avait dit ici ses réserves sur le nouveau rôle confié à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) de co-investisseur d'opérations réalisées pour le développement de l'activité économique et commerciale des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Michel Berson m'interroge sur les retours sur investissement. Dans les investissements d'avenir, le retour n'est pas immédiat. Un exemple, les avances remboursables que nous consentons à l'aéronautique. Leur remboursement se fait sur trente à quarante ans, délai qu'exige le succès d'un programme commercial. À cinq ans de la fondation du PIA, le taux de retour apparent est donc relativement faible. La Cour des comptes a souligné que nous intégrions dans ce retour le remboursement des prêts : il est vrai que c'est un peu contestable. Il reste que le taux de retour de tels investissements ne peut être comparé à celui d'investissements classiques.
S'agissant du rythme de décaissement, il n'y a pas de contrainte. Nous constatons les décaissements, qui sont quelquefois plus longs que prévu parce qu'il s'agit de programmes qui sont plus longs à se mettre en place.
Je ne pense pas que le PIA n'ait pas d'effet d'entraînement. En termes de co-investissement, nous sommes à un peu plus de un pour un : sur 31 milliards d'euros de PIA contractualisés, il y a eu 33 milliards d'euros de co-investissement, dont 22 milliards d'euros viennent du privé. Et il faut tenir compte du fait que pour l'investissement universitaire, il n'y a pas, pour l'heure, de co-investissement. Il y a donc bien un effet d'entraînement. Je ne porterai pas de jugement sur l'investissement public en général, et ne saurais parler que des projets que nous apprécions en tant qu'évaluateurs et contre-expert.
Les dotations décennales du PIA 3 iront à des actions nouvelles, Monsieur Raynal, tandis que les dotations non consommables des PIA 1 et PIA 2 continueront de produire leurs effets. Certains versements ont vocation à devenir perpétuels, d'autres ont vocation à durer dix ans.
Nous sommes très attentifs à l'aéronautique et au spatial, mais certaines dépenses relèvent du budget général. Nous ne sommes amenés à intervenir que sur des dépenses supplémentaires, dans l'esprit du PIA, pour développer de nouvelles technologies, comme le satellite électrique.
Les SATT ont en effet donné lieu, Philippe Adnot, à un certain nombre de critiques. Créer un organisme lié aux universités et aux organismes de recherche afin de mieux valoriser économiquement le produit de la recherche est un principe qui fait l'objet d'un accord. Dans les SATT existantes, il est vrai que le management a été de qualité variable. Par ailleurs, quand le lien avec les universités est trop lâche, cela ne fonctionne pas. Je suis également convaincu que la tutelle administrative sur les SATT n'a pas toujours incité à l'efficience et a parfois pu conduire les universités à considérer que la SATT n'était pas l'instrument efficient qu'elles attendaient. Nous avons été attentifs à tous ces points, nous avons lu le rapport de Suzanne Berger sur les dispositifs de soutien à l'innovation en France, consulté les présidents d'université dont certains, comme c'est le cas à Strasbourg, sont satisfaits de l'outil, d'autres moins ; nous allons proposer une série de mesures pour corriger les déficiences constatées et simplifier les SATT. Quand un instrument est nouveau, on n'atteint pas la perfection du premier coup. Je fais observer, par ailleurs, que les organismes de recherche nationaux disposent aussi de systèmes de valorisation nationaux. Nous nous attachons à donner plus de souplesse aux SATT, mais je pense qu'il fallait les créer, car la recherche universitaire avait besoin d'être mieux valorisée en aval.
Les nouvelles régions donnent en effet un cadre plus puissant, François Patriat, au PIA. C'est pourquoi nous proposons de multiplier par dix l'enveloppe gérée en codécision avec les régions. D'autant qu'une réforme des pôles de compétitivité est en cours qui doit aussi prendre en compte cette nouvelle ampleur des régions.
L'évaluation des PIA ? Le comité présidé par Philippe Maystadt, qui a procédé à un examen à mi-parcours du programme, selon ses propres termes, a rappelé qu'une évaluation, s'agissant des effets des investissements d'avenir, serait prématurée, et serait plutôt appelée à prendre place en 2020, voire en 2030.
C'est au jury international, Maurice Vincent, qu'il reviendra de trancher, en février prochain, sur la création d'un Idex Lyon-Saint-Etienne. Il est vrai que la gouvernance des structures compte beaucoup, associée à l'existence d'un potentiel de niveau international. Je dois dire que les jurys internationaux sont souvent perplexes face aux organigrammes nébuleux de nos universités... D'expérience, la complexité des organisations n'est pas nécessairement un facteur d'efficacité.
Oui, Francis Delattre, nous devons être soucieux, pour l'accélération des start up, d'assurer un accompagnement à toutes les étapes. Nous disposons de mécanismes assez intelligents, qui permettent de donner jusqu'à 200 000 euros en subvention pour creuser une idée, jusqu'à 2 millions d'euros en avance remboursable pour passer au prototype, et de mettre jusqu'à 20 millions d'euros de fonds propres pour le passage à la commercialisation. Cela est-il de nature à éviter l'expatriation de projets, et de brevets ? Je l'espère. On commence à reconnaître, si j'en crois les échos qui me reviennent, qu'une start up peut prospérer et se développer en France. C'est un domaine où l'on est bien meilleurs que les Allemands. En revanche, je crains que cela n'ait pas d'incidence sur le prix des médicaments. Le coût de développement d'une molécule atteint le milliard d'euros : c'est affaire de très grandes entreprises, qui ont, quinze ans durant, un monopole sur leur produit et arrivent ainsi à obtenir des prix très élevés. Je fais toutefois observer que les prix en Europe restent moitié moindres de ceux que l'on constate aux Etats-Unis, pays du libéralisme.
Marie-France Beaufils s'interroge également sur l'efficacité du PIA. Je l'ai dit, l'impact macroéconomique du programme n'est pas encore perceptible. Rapporté à l'échelle des investissements en France, le montant dépensé - 14 milliards d'euros sur six ans - reste très modeste : un peu plus de 2 milliards d'euros par an.
Concernant Nano 2017, c'est un programme que la Cour des comptes a classé parmi les dérives, la décision n'ayant pas été prise selon les procédures classiques du PIA. Au terme du programme actuel, qui se termine l'année qui vient, il y aura une évaluation à mener. Je n'ai pas la compétence technique pour décider ici si les choix opérés sont les plus pertinents, les plus porteurs d'avenir.
L'Idex Paris-Saclay a-t-il fait évoluer les choses ? Je le pense, Michel Berson. Les huit Idex choisis dans le cadre du PIA 1 sont actuellement évalués. Paris-Saclay et les autres SATT sont auditionnés cette semaine par le jury international, aussi vous comprendrez que je me garderai de préempter son avis, qui sera rendu à la fin de la semaine. Trois options sont ouvertes. Si tout se passe bien, le jury peut décider que la dotation non consommable, autrement dit la rente de 3,4 %, devienne permanente. S'il estime, à l'inverse, que l'Idex a échoué, il peut décider de tout arrêter. Enfin, il peut considérer que la période écoulée a marqué des progrès, mais qui demandent à être confirmés, et décider de prolonger la période probatoire.
S'agissant d'inciter les établissements à l'intégration et de pénaliser au cas contraire ? Le PIA peut conduire à des changements, mais pas à modifier les dispositions législatives ou réglementaires qui définissent la gouvernance des universités.
Le FART, Philippe Dallier, finance, comme vous l'avez vous-même souligné, une action de guichet, pour l'isolation thermique de logements privés. C'est une action certes utile, mais loin de l'esprit du PIA. Or, celui-ci se trouve appelé à y contribuer en partie, eu égard à la difficulté des temps. Que dire de plus ?...
Les industries agricoles et alimentaires ont été de fait, Yannick Botrel, très négligées dans le PIA 1. Une première action a été menée dans le PIA 2, par FranceAgriMer, à l'initiative de Stéphane Le Foll. Nous avons souhaité l'orienter, dans l'esprit du PIA, vers le soutien à l'innovation. La chance a voulu que l'on ait demandé un rapport, et notamment élaboré par le président de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), François Houllier, et à Pierre Pringuet, qui a été longtemps le patron de Pernod-Ricard, qui propose beaucoup d'actions dans l'esprit du PIA et de nature à soutenir nos industries agricoles et alimentaires. Il est en effet regrettable que notre rang décroisse, dans ce domaine où la France excelle, et qui se trouve pourtant dépassée par l'Allemagne ou les Pays-Bas en termes d'exportations. Le rôle du PIA est de faire en sorte d'inverser la tendance et j'espère que le PIA 3 s'inspirera de ce rapport pour redynamiser le secteur.
Sur le projet de système de certification européenne je vous adresserai, François Marc, une réponse écrite plus précise que je ne pourrais le faire ici.
La plate-forme de conseil en investissement a eu ce résultat positif que la France est, comme je l'ai dit, le pays qui a reçu le plus de crédits du plan Juncker. Le système de la BEI, cependant, n'est pas adapté pour traiter de petits projets émanant de PME. Un effort est donc engagé pour regrouper les demandes, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations, et je crois que ce système fonctionne bien.
Vous m'interrogez, madame la présidente, sur les actions qui ont, il est vrai, mis du temps à démarrer ; Ainsi, en est-il de l'action « Ville durable », car il s'agit d'un domaine où l'innovation implique une approche conjointe de nombreux partenaires. Fin 2015, nous avons désigné vingt territoires lauréats qui recevront, dans un premier temps, une aide à l'ingénierie, pour transformer l'idée en projet concret avant de recevoir, dans un deuxième temps, si tout se passe bien, l'ensemble des crédits de subvention. C'est certes un projet lent à démarrer, mais qui, loin d'être abandonné, réussit bien et lancera une dynamique d'innovation urbaine, une voie que nous continuerons à suivre dans le PIA 3. Un rapport a montré que l'on peut développer des territoires d'innovation, à la fois efficaces au plan environnemental et de nature à améliorer la qualité de vie des habitants, en augmentant ce que l'on appelle le « reste à vivre » des ménages.
Je vous remercie de ces réponses, et nous lirons avec intérêt les compléments écrits que vous nous adresserez.
J'ai reçu la candidature de notre collègue Philippe Dominati pour le rapport sur la proposition de loi tendant à assurer à la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale.
Après celle sur le logement, voilà la deuxième de nos propositions de loi dont le rapport échappe à notre groupe. Nous sommes surpris que le rapport ne nous soit pas attribué et nous interrogeons.
La coutume de notre commission veut que le rapporteur spécial soit désigné quand une proposition de loi relève de son domaine. Les auditions du rapporteur sont ouvertes à tous les commissaires et, en tant qu'auteur de la proposition de loi, vous disposerez d'un important temps de parole.
M. Philippe Dominati est nommé rapporteur de la proposition de loi tendant à assurer à la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale.
Le 11 avril dernier, quelques jours après la révélation dans la presse des Panama Papers, j'ai diffusé un communiqué de presse dans lequel j'annonçais que, dans la continuité de ses travaux en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, la commission des finances procéderait à l'audition d'institutions financières et des autorités chargées de la régulation financière et du contrôle fiscal, afin de mieux appréhender les montages identifiés par les Panama Papers ainsi que les lacunes juridiques susceptibles de les avoir rendus possibles, et d'en tirer les conséquences utiles. J'indiquais également qu'en préambule de ces auditions, je recevrais le lendemain le directeur général de la Société Générale : nous étions en période de suspension des travaux du Sénat et, en liaison avec le rapporteur général, j'ai considéré que, compte tenu de la gravité des informations parues dans la presse, l'impossibilité de le convoquer pour une audition plénière devant la commission ne devait pas empêcher que M. Oudéa vienne donner des éléments d'explication au Parlement. Je lui ai indiqué que notre rencontre n'avait pas vocation à remplacer son audition publique en commission. Les révélations de la presse nourrissent des inquiétudes légitimes de nos concitoyens sur le système financier en général et sur cette banque en particulier, car elle constitue un acteur économique important dans notre pays. Ces inquiétudes appellent des explications.
En liaison avec le rapporteur général, j'ai élaboré un premier programme d'auditions qui nous occupera au moins jusqu'au début du mois de juin. Mercredi prochain, le 4 mai, nous entendrons deux représentants de la direction générale des finances publiques : le chef du service du contrôle fiscal et le sous-directeur des relations internationales, pour évoquer le contrôle fiscal, l'échange d'informations entre administrations fiscales et la liste des États et territoires non coopératifs. Mercredi 11 mai, nous entendrons Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale. Mercredi 18 mai, nous entendrons le secrétaire général de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui contrôle l'activité banque privée des banques françaises, ainsi que le procureur de la République financier. À une date restant à déterminer, enfin, nous entendrons le président de la section française de Transparency International ainsi que le directeur de Tracfin. Il va de soi que s'il se révèle utile d'entendre d'autres acteurs, nous ne nous en priverons pas.
Je rappelle que la Société Générale est une grande banque : 146 000 salariés présents dans 66 pays, dont 29 000 collaborateurs en France, et 2 246 agences ; 31 millions de clients, dont 8 millions de clients particuliers et 466 000 clients professionnels en France ; 25,6 milliards d'euros de produit net bancaire. Elle est une des trente banques d'importance systémique mondiale identifiées par le Conseil de stabilité financière. Notre devoir est de tirer les choses au clair.
La réunion est levée à 10h40.