Mes chers collègues, je vous propose de commencer par le second point de l'ordre du jour.
Nous avons engagé un travail sur le sujet de la simplification. Après notre déplacement à Londres, nous avions déposé une proposition de loi constitutionnelle pour instaurer le principe de compensation de toute norme nouvelle par la suppression d'une autre de charge équivalente -« one in, one out »-, principe que nous avait inspiré notre déplacement à Londres en avril 2015. Hélas, celle-ci n'a que peu de chances d'aboutir.
Aussi, je suggère que nous préparions un rapport, qui reprendrait notamment les enseignements tirés de nos déplacements en Europe sur ce sujet, en vue de faire des propositions d'ici à la fin de la session.
Il convient donc de nommer les rapporteurs devant la Délégation. Je propose un binôme composé d'Olivier Cadic, qui avait pris l'initiative d'organiser ce déplacement à Londres pour rencontrer les entreprises françaises, et de moi-même. En êtes-vous d'accord ?
M. Olivier Cadic et Mme Elisabeth Lamure sont nommés rapporteurs en vue de l'élaboration d'un rapport d'information sur les moyens d'alléger la charge administrative des entreprises pour leur simplifier la vie.
Nos collègues Claude Nougein et Michel Vaspart nous présenteront, la semaine prochaine, un rapport d'étape sur la transmission et la reprise d'entreprises. Afin de nourrir notre réflexion sur ce thème, nous avons demandé à Atexo et Datastorm de nous produire une étude évaluant plusieurs pistes de réformes envisageables en ce domaine.
L'étude que nous avons réalisée ces trois derniers mois, à la demande de la Délégation, visait à faire une évaluation prospective de l'impact de quatre projets de réforme tendant à favoriser la reprise et la transmission d'entreprises.
Pour conduire ces travaux, nous avons exploité un certain nombre de sources de données, dont beaucoup d'études et de baromètres parus notamment dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), les études réalisées par les syndicats interprofessionnels des conseils en fusion-acquisition, celles de la Direction générale du Trésor, les études régulièrement publiées par le groupe BPCE l'Observatoire (Banque Populaire - Caisse d'Épargne) sur les transmissions d'entreprise et une étude spécifique de l'Unedic sur l'impact du dispositif d'aide à la reprise ou à la création d'entreprise.
Ces travaux ont été menés sous la direction de M. Stéphane Auray, professeur des universités, macro-économiste, en poste à l'École nationale de la statistique et de l'analyse de l'information, près de Rennes.
Le rapport contient un certain nombre d'informations sur les estimations du nombre de reprises et de transmissions d'entreprise, que celles-ci soient réalisées par des salariés, au sein de la famille, etc. J'ai essayé de regrouper de manière assez synthétique l'ensemble des informations actuellement disponibles.
Malheureusement, je n'ai pas eu accès à toutes les données auxquelles j'aurais souhaité accéder, notamment à des données retraitées par le cabinet Altarès pour le cabinet du Premier ministre. Altarès n'a jamais répondu à ma demande. Sa base de données est pourtant intéressante, car un peu plus « microstructurée » : les chiffres d'affaires et le type de repreneur des entreprises reprises ou transmises y figurent de manière précise.
Néanmoins toutes les informations dont j'ai pu disposer par ailleurs semblent converger dans leur évaluation du nombre de reprises, quelle que soit leur nature.
La première mesure que l'on nous avait demandé d'évaluer était un passage de 75 à 90 ou 100 % de l'abattement Dutreil. Selon les données de BPCE L'Observatoire, il y a eu, en 2013, 55 transmissions familiales d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), 2 642 de petites et moyennes entreprises (PME) et 8 750 de très petites entreprises (TPE). Nous avons cherché à évaluer le coût, en termes de recettes fiscales, de la mise en place de la mesure. Nous avons repris le montant moyen de la transaction par catégorie d'entreprise qui figure dans l'étude du BODACC et nous avons supposé que les transmissions concernaient environ 1,5 enfant. En utilisant le barème progressif du système d'imposition, le passage de l'abattement Dutreil de 75 % à 90 % donne un coût fiscal implicite moyen, pour chaque transmission, de 73 000 euros par ETI, de 6 500 euros par PME et de 3 100 euros par TPE, soit un coût fiscal total de 48,3 millions d'euros par an. En cas de passage à 100 %, le coût fiscal passerait à 61,3 millions d'euros, soit un coût fiscal additionnel de 13 millions d'euros.
Il est possible que ces chiffres soient légèrement erronés au niveau des arrondis -l'ajustement pourrait être de 3 ou 4 millions d'euros-, mais l'ordre de grandeur semble correct.
Notre évaluation n'est pas négative, mais elle est relativement mitigée, puisque, avec le taux de 75 % du pacte Dutreil actuel et compte tenu de la progressivité de l'impôt, l'économie fiscale est d'ores et déjà, pour les cédants, de 85 %. Le passage à 90 ou 100 % aurait donc des conséquences quelque peu marginales.
Par ailleurs, il semble que l'abattement existant ne concerne que les transmissions familiales. Il faudrait peut-être réfléchir à un dispositif un peu plus global.
À ce point de mon discours, je tiens à préciser que chacune des mesures dont nous avons étudié les incidences concerne des individus totalement différents dans le paysage de l'économie française. Il ne faut donc pas chercher à les comparer entre elles.
La deuxième mesure, très intéressante, consiste en un déblocage anticipé de l'aide à la reprise ou à la création d'entreprise (ARCE) des demandeurs d'emploi accompagnés.
Selon une étude de l'Unedic, réalisée en 2011, 12 % des 110 000 projets de reprise ont été aidés, soit 13 200 projets. On note également que 95 % des projets démarrent effectivement et que seuls 4 % de ces projets ne touchent pas le second versement ; si les montants de l'aide ont varié au fil du temps, cette dernière fait toujours aujourd'hui l'objet de deux versements successifs de même montant.
Nous avons utilisé l'étude de la Direction générale du Trésor pour ce qui concerne le taux de survie des entreprises à cinq ans, lequel se situe à environ 62 %. Pour évaluer l'impact de la mesure, nous avons envisagé deux hypothèses pour l'augmentation du taux de reprise à cinq ans : une hypothèse basse, à 65 %, et une hypothèse haute, alignée sur le taux de survie des reprises par des salariés - c'est-à-dire le plus favorable -, à 75 %.
La mise en place de la mesure permettrait de préserver 361 TPE et 1 152 emplois dans l'hypothèse basse et 1 565 TPE et 4 992 emplois dans l'hypothèse haute. Le coût de financement par emploi s'élèverait à 437 euros dans l'hypothèse basse et à 80 euros dans l'hypothèse haute. Les résultats sont donc relativement intéressants, en termes de nombre d'emplois et d'entreprises préservés, pour une mesure en définitive peu coûteuse.
La troisième mesure - le développement du crédit-vendeur - est très différente. Il s'agit d'échelonner le paiement des impôts sur les plus-values de cession des TPE. Je rappelle que cette mesure est en place depuis janvier 2016.
Pour en mesurer l'impact, nous avons cherché à calculer le nombre d'entreprises reprises ayant moins de 10 salariés et - c'est là que le bât blesse - un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros potentiellement éligibles à ce dispositif. Malheureusement, je n'ai pas pu accéder aux chiffres d'affaires exacts des entreprises reprises. Malgré tout, on sait que près de 86,5 % des entreprises reprises sont des TPE, et on peut légitimement supposer que, parmi celles-ci, le nombre de TPE ayant un chiffre d'affaires supérieur à 2 millions d'euros reste relativement faible. J'ai donc décidé, de manière un peu arbitraire, de réduire très faiblement le chiffre à 85 % des reprises, de manière à aboutir à une évaluation correcte.
Dans ce cas de figure, toutes les reprises sont potentiellement concernées : 85 % des 39 835 reprises peuvent bénéficier du crédit-vendeur, soit 33 860 unités. Là aussi, j'ai envisagé plusieurs configurations : divers taux de recours au crédit-vendeur, entre 10 % et 100 %, et diverses distributions de durée pour les crédits-vendeur mis en place, avec des durées variant de un à cinq ans.
Les résultats sont relativement faibles, mais assez significatifs. Évidemment, plus les durées sont longues, plus la survie est importante - c'est l'hypothèse de départ -, mais, de manière très intéressante, plus le dispositif est utilisé, plus les reprises pérennisées seront importantes. En termes de nombre d'emplois préservés, les chiffres peuvent aller de quelques milliers à plusieurs dizaines de milliers. La mesure nous semble donc positive, compte tenu de son coût relativement mesuré.
La quatrième mesure consiste en un allégement de la fiscalité pour les donations partielles à des salariés, une mesure qui nous a semblé très intéressante. Nous avons dû considérer le nombre d'entreprises qui n'avaient pas été reprises et qui avaient donc naturellement disparu du marché, sur la base de données produites par l'Observatoire CRA (Cédants & repreneurs d'affaires) et datant de 2014. Cette étude montre qu'environ 11 500 entreprises ne sont pas reprises chaque année, sur un total d'environ 45 000 entreprises à reprendre.
Nous avons réfléchi à partir de l'hypothèse de travail suivante : les entreprises qui n'ont pas été reprises auraient-elles éventuellement pu survivre ? Sans être schumpétérien, on sait que le phénomène de création-destruction d'entreprises suscite en général un grand dynamisme dans les économies, quelles qu'elles soient, en termes de PIB, ou encore d'emplois. Autrement dit, les destructions d'entreprises ne sont pas nécessairement négatives.
Cette hypothèse étant relativement « forte », nous en avons envisagé une seconde pour évaluer l'impact de la mesure dans un intervalle limité. Que se passerait-il si la mesure permettait de préserver entre 1 à 10 % maximum des TPE concernées non reprises qui auraient disparu ? Dans ce cas de figure, 1 150 entreprises, au mieux, pourraient être sauvées via cet allégement. Nous avons dû inférer le nombre d'emplois sauvegardés de l'effectif moyen des transmissions figurant dans l'étude de la Direction générale du Trésor, soit environ 3 700 emplois dans le meilleur des cas.
In fine, cette mesure reste relativement positive : son coût direct est nul, puisque les entreprises concernées auraient disparu si on ne l'avait pas mise en place. Avec un avantage fiscal potentiel de l'abattement de 300 000 euros, le manque à gagner fiscal serait de l'ordre de 35,3 millions d'euros - mais je souligne que les recettes fiscales actuelles sont nulles, puisque les entreprises ne sont pas reprises.
Toutefois, le manque à gagner fiscal pour les entreprises qui auraient bénéficié de cette mesure et qui auraient, de toute façon, procédé à une donation sans l'abattement n'a pas pu être évalué : nous ne sommes pas capables de dire, de manière suffisamment désagrégée, quelles entreprises ont été transmises à des salariés, à des personnes physiques tierces ou à de la famille. Mon intervalle de confiance aurait dû s'établir entre 15 et 100 % des entreprises - en d'autres termes, quasiment toutes les entreprises.
Sur le pacte Dutreil, vos chiffres me paraissent totalement surprenants. Je ne les comprends pas du tout !
J'ai bien conscience que, si l'on ne distingue pas, parmi les entreprises qui subissent une transmission chaque année, les milliers de TPE des PME et des ETI, l'impact des mesures ne semble pas très fort. Dans notre rapport, nous pensons cibler plus spécialement les ETI.
Beaucoup de rapports ont été produits sur les TPE. Celui de notre collègue députée, Mme Dombre-Coste, est d'ailleurs excellent.
Par rapport aux autres pays européens, la France a un problème important avec les ETI. La transmission de ces entreprises est très problématique. Je rappelle que les ETI emploient plus de 250 personnes et ont un chiffre d'affaires de plus de 50 millions d'euros. Je ne vois donc pas comment l'impact fiscal d'une augmentation de l'abattement « Dutreil » peut être de 73 000 euros pour une ETI. L'administration fiscale, qui a toujours tendance à enjoliver les choses, vous dira qu'une belle ETI, comme on en voit dans nos provinces, avec 800 ou 900 salariés, des usines, un fonds de commerce, peut très vite valoir 100 millions d'euros. Par ailleurs, toutes les études ont prouvé, y compris celle du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire, que la taxation de la donation ou de la succession en matière d'entreprises soumises au pacte Dutreil s'élève à 11 %, quand elle est de 0 % dans beaucoup d'autres pays européens, sauf en Espagne ou aux Pays-Bas, où elle s'élève à 3 %. Le calcul est simple : il résulte de l'application de l'abattement de 75 % et du taux de 45 %.
Comment les héritiers d'une ETI valorisée à 100 millions d'euros peuvent-ils payer 11 millions d'euros à l'État ? En pratique, la question se pose. Il n'est pas facile de sortir plus la somme nécessaire en dividendes !
Pour ma part, je préférerais une exonération à 100 %, mais assortie d'une obligation de détention des titres durant huit ans. Les héritiers peuvent vendre avant l'expiration du délai de huit ans, mais ils doivent alors payer - ce qu'ils peuvent faire, en touchant le produit de la vente : il ne s'agirait pas de contourner la loi. Le risque, c'est que la génération suivante n'ait pas les moyens de payer et que l'entreprise soit alors vendue à un fonds de pension étranger ou à un fonds d'investissement. C'est un véritable problème.
S'agissant de l'étude, je ne vois pas comment vous aboutissez au chiffre de 73 000 euros. Selon moi, l'économie s'élève à 11 millions d'euros. C'est mathématique ! À moins qu'il ne s'agisse d'ETI « à la casse », qui ne valent rien... En ce cas, que le taux soit de 75 ou de 100 % ne change pas grand-chose.
Les ETI qui m'intéressent sont les ETI prospères. Souvent, ce sont des entreprises familiales. Or, dans les entreprises familiales, on ne distribue pas de dividendes ! On garde les résultats en fonds propres, ce qui augmente les réserves. Et, plus on augmente les réserves, moins on distribue, plus l'entreprise vaut cher.
Pour résumer, la succession oblige à vendre. C'est un problème, surtout dans les régions isolées : lorsqu'une entreprise de 800 ou de 900 personnes doit être vendue, c'est une catastrophe pour le territoire en question. Je l'ai vécu dans ma région et mon collègue rapporteur, dans la sienne.
Pour finir, vous démontrez que les transmissions familiales ne sont pas nécessairement plus efficaces en termes de survie ou d'emplois que les transmissions à des tiers. Nous avons entendu exactement le contraire lors de certaines auditions. M. Alain Tourdjman, spécialiste en la matière, nous a présenté des études très approfondies et très pointues prouvant que le taux de survie d'une ETI, après transmission familiale, est de 100 % à cinq ans.
Vous avez exprimé une idée intéressante : selon vous, le dispositif ne devrait pas être réservé aux seules transmissions familiales ; il devrait éventuellement être ouvert à des transmissions aux salariés. Je suis bien d'accord, à condition que les salariés aient les mêmes contraintes que les héritiers familiaux, à savoir conserver les titres un certain nombre d'années. Sinon, il y aurait un contournement de la loi.
Encore une fois, le problème concerne ceux qui sont condamnés à vendre parce qu'ils n'ont pas la trésorerie pour payer la succession.
Je conteste donc complètement vos chiffres. Cela dit, je veux bien que vous me les expliquiez !
Enfin, additionner des chiffres concernant indifféremment les ETI, les PME et les TPE revient à additionner des choux et des carottes.
On ne nie pas qu'il existe des ETI qui peuvent être transmises familialement alors qu'elles valent plus de 100 millions d'euros. Comme l'a expliqué Stéphane Auray, nous n'avons pas eu accès aux données détaillées. Les bases ont été « privatisées » à tort.
En revanche, les chiffres disponibles auprès des différents organismes qui collectent ces statistiques font état d'une valeur de transmission moyenne, pour les ETI, définies comme des entreprises de plus de 250 salariés sans contrainte sur le chiffre d'affaires, de 465 669 euros. C'est le montant moyen des transactions.
Je vous avoue que je trouve, moi aussi, que le chiffre est assez surprenant.
Vous remarquerez que les chiffres sont relativement stables au cours du temps. Le montant moyen des transactions a même un peu baissé à la suite de la récession engagée voilà quelques années.
Malgré tout, dans l'étude du BODACC, comme dans d'autres, le montant moyen des transactions des entreprises de plus de 250 salariés s'élève à 523 654 euros en 2011 et à 465 669 en 2015.
Ces chiffres pourraient laisser penser que l'administration fiscale ne fait pas son travail.
Je ne fais qu'exploiter les données existantes.
Les reprises au tribunal sont-elles incluses dans les statistiques ? Elles peuvent les fausser.
Nous devrons relire l'étude du BODACC pour vous répondre.
Pour avoir été chef d'entreprise et donc repreneur d'entreprise, j'avoue que je suis abasourdi par ces chiffres.
Le nombre de transactions s'est élevé, en 2015, à 1 013. Est-ce à partir de ce chiffre que vous avez calculé le montant moyen ?
Oui.
Effectivement, monsieur Nougein, nous additionnons des données relatives à des entreprises de taille différente, mais ces données peuvent être additionnées.
Pour ce qui concerne le sujet assez polémique et discuté du taux de survie des entreprises, nous avons utilisé les études de la BPCE : elles exploitent les chiffres de la base SINE de l'INSEE et démontrent que les entreprises transmises à titre familial survivent plus longtemps, même si la différence est très légère avec les autres types de transmission. Cependant, on mélange divers effets : ainsi, le fait d'être salarié de l'entreprise a un effet important sur son taux de survie. Une fois les différents effets neutralisés, on s'aperçoit que le taux de survie n'est pas nettement supérieur en cas de transmission familiale.
Sur le fait qu'il faudrait sans doute étendre l'abattement Dutreil, qui permet de s'affranchir d'une grosse part de la fiscalité, nous vous rejoignons complètement.
Il faut en général distinguer la lecture de données brutes et l'utilisation d'un modèle qui permette d'exploiter ces données.
En l'occurrence, les données brutes nous montrent que le taux de survie d'une entreprise reprise de manière intrafamiliale est relativement proche de celui d'une entreprise reprise par des salariés, et le modèle qui permet d'exploiter ces données met en évidence qu'il n'y a pas tellement de différence entre les deux cas - le taux ne s'élève, ni dans l'un ni dans l'autre, à 100 %.
Je partage tout à fait cet avis. Cela a d'ailleurs été expliqué par M. Alain Tourdjman. Effectivement, quand une entreprise tenue familialement n'a pas d'excellents résultats, on peut penser que le chef d'entreprise ne voudra pas la transmettre à sa famille.
Il existe de nombreuses réalités qui peuvent modifier la lecture des données brutes.
Certes, mais il n'y a pas de modèle actuellement. C'est ce qui est apparu lors de l'audition de M. Alain Tourdjman, qui a tout de même passé beaucoup de temps sur le dossier qu'il nous a remis.
En données brutes, on s'aperçoit que les transmissions familiales survivent mieux que les transmissions non familiales. Certes, il y a des corrections à apporter, mais, à ma connaissance, M. Alain Tourdjman ne les a pas mesurées.
Je voudrais revenir sur le document que vous nous avez présenté. Il va falloir que nous recoupions les différentes données dont nous disposons, celles que vous nous avez présentées aujourd'hui étant très différentes de celles qui ont pu nous être communiquées lors des auditions.
Nous avons utilisé les données de BPCE.
J'insiste sur ce qu'a dit mon collègue. Nous avons trouvé beaucoup d'informations et de documents sur les TPE. Aujourd'hui, le problème de la transmission-cession de TPE est assez bien maîtrisé, même s'il y a certainement des choses à améliorer. C'est beaucoup moins vrai pour ce qui concerne les PME et les ETI, pour lesquelles nous avons des difficultés à entrevoir des améliorations.
Nous avons quelques pistes.
Concernant le crédit-vendeur, on nous a dit qu'il était actuellement peu utilisé. Pourquoi ? Le fait que celui qui vend paie l'impôt immédiatement et perçoive les recettes de sa vente sur la durée du crédit-vendeur peut notamment être un frein.
Nous devions évaluer l'impact de la mesure, pas le nombre d'utilisations du crédit-vendeur. Il faut réfléchir à l'extension de la mesure à tous les types d'entreprises. Demeure, comme toujours, le problème de la transmission de l'information : les repreneurs d'une entreprise connaissent-ils tous les outils mis à leur disposition ? Ce n'est pas évident.
J'insiste, nous avons utilisé l'ensemble des données qui étaient à notre disposition : celles du BODACC, de BPCE, de l'Observatoire CRA... Nous n'en avons négligé aucune. Nous avons vraiment cherché à ne pas avoir de parti pris dans l'exploitation des données brutes.
On compare des choses qui ne sont pas tout à fait comparables.
Dans les PME ou les ETI, une partie de la transmission familiale ne se voit pas. Souvent, une part de la transmission est progressive : elle s'organise sur cinq ou dix ans, avec des donations, des augmentations de capital, une répartition familiale, de manière que, le jour de la succession, celui qui a transmis l'entreprise conserve une part résiduelle -éventuellement, uniquement en jouissance, et non en nue-propriété.
Les transmissions familiales vertueuses, qui se font dans la durée, avec une certaine préparation, sont exclues des statistiques. Les transmissions aux salariés peuvent aussi avoir été préparées à l'avance, principalement lorsqu'il s'agit de TPE, où l'ambiance est parfois presque « familiale ». En revanche, les transmissions à des tiers sont souvent brutales. Les vendeurs sont souvent désemparés quand il faut transmettre l'entreprise, avec des périodes d'hésitation parfois un peu longues, ce qui nuit à la solidité de l'entreprise.
C'est pourquoi il est difficile d'établir des comparaisons entre les différents types de transmission.
On ne peut que souscrire pleinement à cette très bonne remarque.
Si l'on m'avait fourni des données très désagrégées, si j'avais eu accès aux chiffres d'affaires, nous aurions sans doute pu faire beaucoup mieux. Hélas, je n'ai pas eu ces informations de l'administration fiscale.
L'exonération jusqu'à 500 000 euros de la plus-value réalisée en cas de cession de l'entreprise dans les deux ans suivant la prise de la retraite n'est pas inintéressante pour la solidité des entreprises : elle évite de les vider de leurs moyens financiers, même si elle n'est pas forcément favorable à l'acquéreur. Il faudrait étudier si relever ce montant d'exonération pourrait faciliter les choses.
Les actionnaires ont le choix entre deux solutions s'ils ont des réserves : soit ils distribuent des dividendes, ce qui met à sec la trésorerie de l'entreprise, et ils la vendent alors moins cher, soit ils laissent le capital dans l'entreprise. L'exonération est alors intéressante pour eux.
Des propositions ont pu être formulées. Ainsi, les notaires ont formulé dix propositions pour faciliter la transmission des entreprises. Ils proposaient, par exemple, de remplacer, en cas de donation à des salariés, l'abattement général de 300 000 euros sur la valeur de l'entreprise par un nouvel abattement individuel de 50 000 euros pour les donations consenties aux salariés qui disposeraient de cinq ans d'ancienneté et s'engageraient à conserver les titres reçus pendant quatre ans.
Je le répète, nous aurions besoin d'une base de données beaucoup plus « micro », avec des données individuelles par entreprise et, surtout, des données fiscales. Au contraire, nous avons été obligés de travailler sur des montants moyens, qui, de manière générale, tendent à nous faire dire que les mesures sont toutes relativement positives, à l'exception du passage à 90 % du taux du pacte Dutreil, qui a été évalué moins positivement.
Si ce taux passait de 75 à 100 %, cela ne coûterait que 61 millions d'euros et permettrait de sauver 200 000 ou 300 000 emplois en France. En prenant cette mesure tout de suite, nous ferions oeuvre utile ! Reste à voir si l'administration fiscale tiquera... En tout état de cause, nous n'aurons pas à vendre toutes les grosses ETI à des groupes étrangers.
Même si nos chiffres vous ont semblé peu crédibles, notre conclusion semble vous paraître intéressante, compte tenu du montant en jeu.
Messieurs les rapporteurs, je vous rejoins complètement sur un point : sur ce sujet, le paysage des TPE a été bien plus exploré que celui des ETI.
Pour celles-ci, on souffre du fait que quelques transactions ou donations s'élèvent à plusieurs dizaines, voire centaines de millions d'euros. Cette forte volatilité fait perdre leur sens aux statistiques.
Faute de source statistique, on ne peut guère faire mieux que des simulations et se baser sur ce qui a pu advenir par le passé.
Il faut tout de même noter que nous concluons à un coût modéré, parce que nous ne disposons pas des montants correspondant aux transactions concernant les grosses entreprises - mais peut-être n'y en a-t-il pas eu entre 2010 et 2015.
Si nous avions disposé des montants précis relatifs aux ETI, notre évaluation aboutirait peut-être à un coût beaucoup plus élevé.
Au final, notre évaluation fait donc état de la fourchette basse du coût.
Si j'ai bien compris, pour n'avoir pas disposé des chiffres que vous auriez souhaité avoir, vous avez travaillé sur la base de simulations.
J'aurais souhaité disposer de données entreprise par entreprise, transaction par transaction, cession par cession, avec les chiffres d'affaires, le nombre d'employés, etc. J'aurais alors pu concevoir un modèle. Mais j'ai dû utiliser des données agrégées, par catégorie ou encore par type de repreneur.
En tout état de cause, l'ensemble des études que nous avons utilisées convergent pour ce qui est du nombre de reprises intrafamiliales ou de reprises par des salariés.
Par exemple, sur le montant des transactions, qui nous a tous surpris, disposez-vous de l'écart entre le montant le plus bas et le montant le plus élevé ?
Non. Cela fait justement partie des données que j'avais demandées à Altarès.
Le rapport entre le montant moyen pour les TPE de moins de 10 salariés, qui peut être considéré comme relativement plausible, et les ETI, pose problème.
Les données que nous avons demandées à Altarès relèvent des services du Premier ministre. Nous avons adressé notre demande à la Direction de l'information légale et administrative (DILA) qui l'a transmise à Altarès. En l'espèce, l'administration a laissé partir des données pour ne pas avoir à en assurer la gestion et en a perdu la maîtrise. Voilà pourquoi je parlais de privatisation des données publiques. Je n'accuse pas la DILA, qui a essayé de nous aider.
Mes chers collègues, pourrait-on formuler une demande officielle d'accès à ces données ? Si celles-ci sont publiques, nous devrions pouvoir y avoir accès !
Cela serait tout à fait normal.
Je remercie MM. Ravel et Auray de leur travail, qui nous a parfois laissés perplexes, mais que nous allons bien évidemment exploiter.
MM. Benoît Ravel et Stéphane Auray quittent la salle de réunion.
Si vous le souhaitez, mes chers collègues, nous pouvons procéder à un débriefing sur ce que nous venons d'entendre.
En effet.
Je fais cependant remarquer qu'ils ne font pas de distinction entre les industries de services et les usines fortement capitalisées.
Qu'il y ait 55 transmissions familiales d'ETI chaque année me paraît peu, mais possible. Ce n'est pas tous les jours qu'une entreprise passe d'une génération à une autre.
Si l'on part du principe que les ETI emploient, en moyenne, entre 1 000 et 2 000 salariés - il n'y a pas de statistiques à ce sujet -, il faut aller en bourse tout de suite si le montant moyen des transactions s'élève à 465 000 euros... Le cours va flamber !
Je n'accorde aucune valeur à ce chiffre.
Il y a peut-être une explication. Il y a, parmi les ETI que nous connaissons moins, beaucoup d'entreprises familiales, avec des transmissions progressives, dont on ne connaît pas forcément la valeur - elle n'est pas répertoriée -, contrairement aux cessions sèches.
Les chiffres qui nous ont été présentés n'ont tout de même pas été inventés ! C'est un vrai mystère.
Une grosse partie des ETI sont organisées autour d'une société-mère, une holding. Je ne sais pas comment cette réalité a été interprétée par les auteurs de l'étude.
Nous pouvons leur transmettre rapidement quelques questions et leur demander de confirmer et, éventuellement, d'affiner leurs résultats, compte tenu de la perplexité que ceux-ci nous ont inspirée.
Je me réjouis que l'on puisse transmettre toutes les ETI de France à titre gratuit pour un coût de 61 millions d'euros pour le budget de l'État ! Quand on pense au nombre d'emplois que ces transmissions permettraient de sauver... Il faut se lancer tout de suite !
Le nombre d'emplois sauvés catégorie par catégorie est théorique.
Lorsqu'une entreprise meurt, ce sont souvent les entreprises « à côté » qui récupèrent la part de marché. Si c'est une ETI, il peut y avoir une déperdition de savoir-faire. S'il s'agit de PME ou de TPE, cela crée de l'emploi pour les entreprises qui demeurent.
Ce n'est vrai que pour les entreprises qui ne sont que sur le marché intérieur. Il en va différemment pour celles dont l'export représente 30 ou 40 % du chiffre d'affaires.
Souvent, il n'y a, par territoire, qu'une ETI sur un marché. Sa disparition a des conséquences en termes d'emploi, mais aussi d'aménagement du territoire, notamment dans des départements comme la Creuse, la Haute-Vienne ou la Corrèze, que nous connaissons bien.
Messieurs les rapporteurs, vous nous indiquerez la semaine prochaine, lors de la présentation de votre rapport d'étape, si vous avez eu des réponses de la part des auteurs de l'étude et comment vous avez traité leurs chiffres.
Nous pouvons également demander la transmission des données publiques à l'organisme qui n'a pas voulu les communiquer.
En effet, il faut engager une démarche officielle. Si ces données sont publiques, il n'est pas logique qu'on ne puisse pas les récupérer !
Nous pourrions peut-être demander à Bercy ce qu'ils pensent du coût du passage à 100 % de l'abattement Dutreil.
Le rapport final est prévu pour le début de l'année 2017. Nous avons hâte d'en avoir un premier aperçu la semaine prochaine, à l'occasion de la présentation du rapport d'étape. Je sais, messieurs les rapporteurs, que vous avez déjà beaucoup travaillé.
La réunion est close à 14 heures 35.