Vous étiez tous impatients : nous abordons enfin le projet de loi de finances, avec l'analyse des principaux équilibres du budget de l'année 2018.
Nous avons récemment examiné la loi de programmation des finances publiques et détaillé à cette occasion les aspects conjoncturels. Je serai donc bref sur ce sujet. L'Insee a clairement établi que l'Europe bénéficiait d'une embellie conjoncturelle, ce que le commissaire européen Pierre Moscovici nous a confirmé hier. Dans sa lettre à la Commission européenne, le Gouvernement fait état de recettes conséquentes, de TVA notamment, qui facilitent le retour du déficit sous le seuil des 3 % du PIB.
Après une nouvelle année décevante, l'économie française présentait à l'issue de l'exercice 2016 une capacité de rebond supérieure à celle de ses principaux voisins, avec un écart de production deux fois plus important que la moyenne européenne. Déjouant les prévisions initialement pessimistes, l'économie française semble enfin s'orienter depuis le printemps 2017 vers une reprise solide. Pour ne donner qu'un chiffre, le nombre de déclarations d'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) s'est établi en septembre 2017 à un niveau qui n'avait jamais été atteint. Dans ce contexte, le Gouvernement a de nouveau relevé sa prévision de croissance pour l'année 2017, qui s'établit désormais à 1,7 %, contre 1,5 % initialement. L'Insee considère que la croissance atteindra les 1,8 % : la reprise est solide.
Cette accélération de la croissance s'accompagnerait en outre d'un dynamisme des prélèvements obligatoires, qui augmenteraient plus rapidement que le PIB. Ainsi, la trajectoire du Gouvernement est désormais fondée sur une hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 1,3 en 2017, soit 0,3 point au-dessus de son niveau initial. En 2017, l'amélioration du contexte macroéconomique a ainsi grandement facilité la tâche du nouveau Gouvernement.
Au total, l'effet de l'amélioration de la conjoncture observée depuis le printemps sur le niveau du déficit 2017 peut être estimé à 0,4 point de PIB. En l'absence d'embellie conjoncturelle, la prévision de déficit public pour 2017 serait ainsi nettement supérieure au seuil de 3 % du PIB, en dépit des mesures de redressement mises en oeuvre par le Gouvernement à la suite de la publication des résultats de l'audit des finances publiques par la Cour des Comptes : le rabot sur les APL et les autres mesures d'urgence sont restées inefficaces.
Le président du Haut Conseil des finances publiques avait décrit un scénario macro-économique raisonnable. Les hypothèses de croissance et d'élasticité retenues pour 2017 sont prudentes. S'agissant de la croissance, le Gouvernement est ainsi, ce qui est rare, plus pessimiste que l'Insee, qui a révisé à 1,8 % sa prévision. Il est vrai qu'une hausse du PIB de 0,22 % au dernier trimestre serait suffisante pour atteindre 1,8 % de croissance sur l'année. L'objectif est plus qu'atteignable. Le Gouvernement est très prudent.
S'agissant de l'élasticité des prélèvements obligatoires, le Haut Conseil des finances publiques estime que « des évolutions plus favorables ne sont pas à exclure », en particulier pour les prélèvements sociaux et surtout la TVA. En matière de recettes, une bonne surprise à l'issue de l'exercice 2017 est donc possible.
Pour donner un ordre de grandeur, une révision du taux de croissance à 1,8 % en 2017 se traduirait par une amélioration du solde public d'environ 1,4 milliard d'euros, tandis qu'une élasticité des prélèvements obligatoires supérieure de 0,1 au niveau attendu permettrait un recul du déficit de 2,5 milliards d'euros, toutes choses égales par ailleurs.
Pour 2018, le présent projet de loi de finances fait l'hypothèse d'un maintien du taux de croissance à 1,7 %, en ligne avec les prévisions. Pour l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB, l'estimation du Gouvernement peut même être qualifiée de prudente : après avoir atteint 1,2 en 2016 et 1,3 en 2017, elle reviendrait à 1,0 en 2018.
S'il apparaît aujourd'hui raisonnable, le scénario macroéconomique sur lequel est construit le projet de loi de finances pour 2018 est naturellement entouré de risques, à la hausse comme à la baisse. J'ai choisi d'envisager deux scénarios alternatifs extrêmes fondés sur les prévisions des instituts de conjoncture privés les plus pessimistes et les plus optimistes. S'il faut en croire une vieille plaisanterie, les économistes ont été inventés pour que les météorologues se sentent moins seuls... J'ajouterais que si le pire n'est pas toujours sûr, le meilleur n'arrive pas toujours ! La sensibilité du solde au scénario retenu est importante : le déficit atteindrait 1,9 % du PIB dans le scénario favorable, contre 2,9 % du PIB dans le scénario défavorable.
Quant à la trajectoire budgétaire pour 2018, le Gouvernement prévoit un recul du déficit public de faible ampleur, alors même que le contexte conjoncturel est très favorable. Alors que le déficit devait initialement se réduire de 0,3 point de PIB, l'amélioration ne serait finalement que de 0,1 point de PIB, après prise en compte du contentieux lié à l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. À l'issue de l'exercice, le déficit atteindrait ainsi 2,8 % du PIB, soit un niveau très supérieur à celui de l'ensemble de nos principaux voisins. Le commissaire européen aux affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, nous le rappelait encore hier : la France est le mauvais élève de l'Europe. Tous les pays ont sensiblement amélioré leur solde public sauf la France et l'Espagne. Pour la première fois depuis la crise, le déficit de l'Espagne s'établirait à un niveau inférieur à celui de la France. Un tel niveau de déficit étant insuffisant pour réduire la dette, la France serait le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d'endettement ne diminuerait pas en 2018.
Si la réduction du déficit public prévue l'an prochain apparaît modeste, encore est-il nécessaire de préciser qu'elle résulte pour partie de l'amélioration de la conjoncture. En 2018, le solde conjoncturel s'améliorerait ainsi de 0,2 point de PIB, tandis que le déficit structurel, corrigé par les effets de la conjoncture et des mesures ponctuelles et temporaires, ne se réduirait que de 0,1 point de PIB.
Là encore, la réduction du déficit structurel anticipée par le Gouvernement apparaît significativement inférieure à celle prévue par les principaux pays de la zone euro qui demeurent éloignés de leur objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, à l'exception de l'Espagne.
En outre, elle apparaît difficilement compatible avec nos engagements européens. Pierre Moscovici nous a en effet rappelé hier que le volet préventif n'était pas moins exigeant que le volet correctif. La commission européenne a adressé une lettre au Gouvernement à ce sujet. En 2018, l'écart par rapport à l'objectif fixé par le Conseil européen atteindrait 0,5 point de PIB, soit la déviation maximum autorisée sur deux années. Autrement dit, la France aura épuisé dès l'exercice 2018 ses marges de manoeuvre, au risque de conduire la Commission européenne à ouvrir à son encontre une procédure pour déviation significative à l'issue de l'exercice 2019.
À cet égard, il doit être souligné que la réduction du déficit structurel prévue par le Gouvernement, aussi modeste soit-elle, n'est nullement garantie. En effet, tant l'OCDE que le FMI anticipent en 2018 une dégradation du déficit structurel de la France dans leur scénario central, contrairement au Gouvernement.
Ce redressement limité de la situation structurelle des comptes publics tient d'une part à la volonté louable du Gouvernement de ne pas différer la nécessaire baisse des prélèvements obligatoires ; d'autre part, au choix critiquable de reporter une part significative de l'effort de maîtrise de la dépense.
L'an prochain, le Gouvernement entend procéder à une baisse significative des prélèvements obligatoires, pour près de 7 milliards d'euros. Ce choix tranche avec la politique de choc fiscal menée lors du précédent quinquennat, dont nous avions souligné les effets délétères sur la compétitivité de l'économie et le consentement à l'impôt. Le « ras-le-bol fiscal » est une formule que je n'ai pas inventée.
Si les modalités et la composition des baisses d'impôts apparaissent critiquables - nous y reviendrons -, j'observe qu'elles devraient faire reculer la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale. Malheureusement, ces baisses d'impôts s'accompagnent d'un effort de maîtrise de la dépense plus faible qu'escompté.
Dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques, le Gouvernement s'était donné l'objectif inédit de stabiliser la dépense publique en volume en 2018. Cette ambition louable et inédite est finalement revue à la baisse avec une croissance de la dépense publique en volume de 0,5 %. Cela représente 14 milliards d'euros d'économies, contre 20 milliards d'euros dans le scénario initial.
Pour réaliser les 14 milliards d'euros d'économies prévues, tous les sous-secteurs des administrations publiques sont naturellement mis à contribution. S'agissant des collectivités territoriales, les économies en dépense intégrées aux prévisions pour 2018 sont supérieures à celles exigées dans le cadre du mécanisme de contractualisation. En effet, le Gouvernement fait l'hypothèse d'une croissance en valeur des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales de 0,5 %, et non de 1,2 % comme il l'avait prévu au titre de la contractualisation. En complément des économies prévues dans le cadre du mécanisme de contractualisation, il compte ainsi l'an prochain sur un effort supplémentaire réalisé sur une base volontaire par les collectivités territoriales pour respecter sa trajectoire de dépense, en lien avec la faiblesse de l'inflation.
S'agissant des administrations de sécurité sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 intègre un montant d'économies de 5,4 milliards d'euros sur le champ du régime général, dont 80 % concernent l'Ondam. Or, s'agissant de l'Ondam, la plupart des mesures proposées relèvent de leviers traditionnels déjà largement exploités (baisse des prix des médicaments, développement des génériques, etc.) et dont le potentiel d'économies finira par s'amoindrir.
Quant au budget de l'État, l'exercice 2018 devrait voir une dégradation marquée du déficit budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une détérioration significative du déficit budgétaire de l'État, qui passerait de 76,5 milliards d'euros en 2017 à 82,9 milliards d'euros en 2018. Cette dégradation résulte pour 6,6 milliards d'euros de la hausse des dépenses et pour 10 milliards d'euros de mesures nouvelles en recettes, cependant plus que compensées par l'évolution spontanée de ces mêmes recettes qui devrait atteindre 10,2 milliards d'euros en 2018.
Au total, les recettes de l'État devraient donc contribuer à améliorer le solde de 200 millions d'euros tandis que la dynamique des dépenses le dégraderait de 6,6 milliards d'euros - conduisant à relativiser l'affirmation du Gouvernement selon laquelle l'augmentation du déficit résulterait exclusivement des mesures de baisse d'impôt supportées par le budget de l'État.
Ainsi, la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité pèse pour 1,5 milliard d'euros, tandis que la hausse de la contribution au budget européen représente 2,3 milliards d'euros. Le troisième programme d'investissements d'avenir conduit à augmenter les dépenses de 1,1 milliard d'euros. Enfin, les dépenses pilotables de l'État devraient progresser de 1,7 milliard d'euros par rapport à l'exécution prévisionnelle pour 2017 qui intègre déjà un dérapage de 4,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
La décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 relative à la contribution de 3 % sur les dividendes conduit à revoir à la hausse la prévision de déficit pour 2018 de 4,5 milliards d'euros au regard des mesures déjà annoncées par le Gouvernement. Au total, le déficit budgétaire de l'État serait donc dégradé de 10,5 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2017.
L'évolution du déficit budgétaire renvoie évidemment à la dynamique des recettes et des dépenses. Les recettes totales nettes de l'État, globalement stables, devraient s'élever à 302 milliards d'euros en 2018 soit une très légère diminution de 0,4 %. Cette évolution recouvre une hausse de 2 % des recettes non fiscales et une baisse de 0,5 % des recettes fiscales nettes de l'État.
Cette réduction résulte de plusieurs mouvements de sens contraire. Les mesures nouvelles représenteraient une baisse de 10 milliards d'euros, contre une évolution spontanée de 10,2 milliards d'euros. La suppression de la taxe de 3 % sur les dividendes diminuerait de 1,8 milliard d'euros les recettes fiscales de l'État quand les mesures de transfert auraient un impact positif de 200 millions d'euros.
La baisse de 0,5 % des recettes fiscales nettes de l'État recouvre des mouvements contrastés selon l'impôt considéré. Ainsi, la taxe sur la valeur ajoutée augmenterait de 2,3 milliards d'euros et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques croîtrait fortement, quand l'impôt sur le revenu serait quasiment stabilisé.
Les principales mesures nouvelles prévues par le projet de loi de finances pour 2018 représentent une réduction des impôts d'environ 5,5 milliards d'euros. En effet, le chiffre d'une réduction des impôts d'environ 10 milliards d'euros intègre l'incidence de mesures qui ont en réalité été adoptées sous la précédente mandature. Je vois que Claude Raynal, thuriféraire du gouvernement précédent, m'approuve.
Les mesures proposées par l'actuel Gouvernement n'ont quasiment aucun impact sur l'impôt sur les sociétés en 2018 et devraient même finalement contribuer à l'alourdir en raison de l'incidence de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés. De même, plus de la moitié de la réduction de l'impôt sur le revenu découle de mesures dont la mise en oeuvre avait été décidée sous la précédente mandature. L'accélération de la hausse de la composante carbone et de la convergence entre le diesel et l'essence fait peser une charge supplémentaire de 3,2 milliards d'euros sur les contribuables.
La diminution résultant des propositions du Gouvernement concerne la catégorie des autres recettes fiscales nettes, qui intègre la réforme de la taxe d'habitation (soit moins 3 milliards d'euros en 2018), le remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'impôt sur la fortune immobilière, IFI (soit moins 3,2 milliards d'euros) et la suppression de la contribution de 3 % sur les dividendes (moins 1,8 milliard d'euros).
Bien évidemment, nous parlons du seul budget de l'État mais il faudrait tenir compte des hausses de prélèvements inscrites dans le PLFSS pour être complet - mais nous en avons parlé hier - notamment la hausse de CSG dont le rendement net des allègements de charges est de près de 5 milliards d'euros et la hausse des droits tabacs pour 500 millions d'euros. Nous avons adopté hier un bon amendement pour protéger les retraités de la hausse de la CSG.
S'agissant des dépenses, le budget de l'État est incontestablement plus sincère, avec moins de sous-budgétisations, mais il reste peu ambitieux en matière d'économies. En 2018, les dépenses totales de l'État connaîtraient une hausse de 7,3 milliards d'euros portée par la hausse des crédits des ministères de 4,4 milliards d'euros, par un relèvement du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (+ 1,5 milliard d'euros) et le début des décaissements en crédits de paiement au titre du troisième programme d'investissements d'avenir. Je rappelle que l'année dernière, le programme d'investissement d'avenir était doté d'autorisations d'engagement (AE) mais de zéro crédits de paiement (CP), ce qui était pour le moins étrange. Au total, les dépenses croîtraient de 0,7 % en volume.
La hausse des crédits des ministères entre la loi de finances initiale 2017 et le projet de loi de finances pour 2018 résulte pour plus de 95 % de la correction des sous-budgétisations relevées par notre commission et ses rapporteurs spéciaux, dont Philippe Dallier et Roger Karoutchi, lors de l'examen du PLF 2017 et confirmées par la Cour des comptes dans son audit des finances publiques de juin : les mesures de rebasage représentent ainsi 4,2 milliards d'euros.
Plus de la moitié des dépenses qui n'étaient pas budgétées à un niveau adéquat au regard des besoins portaient sur la politique de l'emploi (contrats aidés, prime à l'embauche), le budget des armées (opérations extérieures et intérieures, masse salariale) et la politique de solidarité et de santé publique (en particulier concernant l'allocation aux adultes handicapés et la prime d'activité).
Des efforts restent à fournir, en particulier concernant le budget de la Défense. La ministre des armées, Florence Parly a reconnu ici-même que le niveau de budgétisation initiale des dépenses liées aux opérations extérieures demeurait insuffisant. À cet égard, les plafonds de crédits proposés au vote du Parlement pour 2018 présentent indéniablement moins de biais de construction que le budget présenté, sous la précédente mandature, pour 2017, dont la sincérité contestable avait motivé le refus du Sénat de l'examiner...
Manifestement, cela fait rire Claude Raynal ! Est-ce si drôle que cela ?
Malgré le surcroît de charges lié à la construction d'un budget plus sincère, la hausse des dépenses en 2018 n'était pas inéluctable et trouve sa principale explication dans la mise en oeuvre d'un programme d'économies très modeste. D'après le projet de budget pour 2018, seules trois missions devraient voir leurs dépenses diminuer d'un montant supérieur à 100 millions d'euros. Les économies sont en fait ciblées sur les deux missions « Travail et Emploi » et « Cohésion des territoires » et sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » qui subit un effet calendaire plus qu'un véritable effort d'économies.
La masse salariale devrait connaître une nouvelle hausse en 2018, progressant de 1,6 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2017. C'est une augmentation moins marquée que le dérapage des dépenses de personnel en 2017, dont la croissance devrait atteindre 5,8 %, un montant inédit sur les quinze dernières années. Le précédent gouvernement a en effet ouvert les vannes - Claude Raynal rit moins - alors que tous les pays faisaient un effort de maîtrise des dépenses publiques.
La hausse des dépenses de personnel résulte à hauteur de 0,3 milliard d'euros de la hausse des effectifs. Il y a eu des créations de postes liées à la sécurité, mais la progression provient également des mesures catégorielles (+ 600 millions d'euros) et du glissement-vieillesse technicité (+ 300 millions d'euros). Tous les coûts ne sont pas reportables, notamment pour le ministère de l'éducation nationale.
Par conséquent, il n'est pas impossible que la hausse des dépenses de personnel soit en réalité supérieure aux 2,1 milliards d'euros budgétés par le projet de loi de finances pour 2018. En effet, une partie des mesures décidées sous la précédente mandature se traduira en hausses budgétaires pour 2018. Lorsqu'on crée des postes de policiers, de gendarmes, de magistrats, ou de militaires, l'impact est pluriannuel et la montée en charge progressive du fait de la nécessité de former le nouveau personnel.
Cependant, la hausse de la masse salariale aurait pu être contenue grâce à un programme résolu de réduction de postes au sein de la fonction publique. Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait souhaité réduire le nombre d'agents publics de 120 000 emplois sur la durée du quinquennat, dont 50 000 postes dans la fonction publique d'État. Une telle diminution supposerait, si l'effort était équitablement réparti sur chacune des années de la période, une suppression nette d'environ 10 000 postes par an de 2018 à 2022.
L'exercice 2018 est très en-dessous de ce quantum puisque le solde global des créations et suppressions d'emplois devrait s'élever à seulement 1 600 emplois équivalents temps plein en 2018 dont l'impact en équivalents temps plein travaillé (ETPT) serait limité à 682 ETPT, soit moins de 2 % de l'objectif prévu sur le quinquennat.
L'effort très limité sur les effectifs de l'État en 2018 se traduit, au regard des hausses enregistrées dans le courant de l'année 2017, par une augmentation nette de 16 008 ETPT et de 8 677 ETPT hors effets de périmètre.
L'impact de l'extension en année pleine des schémas d'emploi de 2017 est particulièrement marqué pour le ministère de l'éducation nationale, avec une hausse de 7 774 ETPT. Il est également significatif pour le ministère de la justice (+ 1 119 ETPT) et celui des armées (+ 783 ETPT).
Au total, le budget 2018 présente de réels motifs de satisfaction - en particulier concernant l'amélioration de la sincérité de la budgétisation initiale - mais aussi des carences substantielles : un plan d'économies modeste, des baisses d'impôt dont l'effet réel sur le pouvoir d'achat des ménages reste à démontrer, un déficit fortement dégradé, sans parler du contentieux sur la taxe de 3 %.
Enfin, il convient de mentionner le « Grand plan d'investissement » (GPI), lancé par le Gouvernement, avec de grandes ambitions affichées mais des moyens finalement assez limités. Sur les 57 milliards d'euros affichés, figurent en effet 10 milliards d'euros qui correspondent en réalité au « recyclage » du PIA 3 et 12 milliards d'euros à des redéploiements de crédits déjà existants.
En outre, une partie des initiatives annoncées ne fait finalement que prolonger des dispositifs déjà existants, tout en leur donnant effectivement les moyens de se poursuivre. S'agissant du projet de loi de finances pour 2018, certains crédits sont simplement labellisés GPI mais n'ont finalement rien de différent de ce qu'ils étaient auparavant, par exemple les crédits de fonctionnement du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique.
Ce rapport est fort détaillé. En ce qui concerne l'augmentation de la masse salariale, je voudrais rappeler qu'un rapport d'information a été publié récemment. Il faudrait définir l'incidence de la durée du temps de travail rapportée aux effectifs sur la masse salariale de l'État.
La TVA est la première source de recettes. Comment son produit est-il réparti en fonction des différents taux ?
En aparté, nous nous disions avec mon collègue Pascal Savoldelli qu'il nous fallait redoubler d'efforts pour entendre ce genre de discours : tout commence bien avant de devenir anxiogène. « Déficit dégradé », « manque d'ambition », « prévisions fragiles », « maîtrise en demi-teinte » : pour un peu, on prendrait la fuite ! Nous restons là parce que nous sommes des élus engagés. Notre Alain Gillot-Pétré de la finance a cité moult prévisions ; il a omis de mentionner les agences de notation qui nous abreuvaient de données il y a quelques années avant de disparaître soudainement. Où sont-elles donc passées ? La France s'apprête à réemprunter 195 milliards d'euros l'an prochain selon Les Échos. Qu'en pensent-elles ? Pour aller mieux, je lis Le Monde...
Merci au rapporteur général d'avoir salué l'effort de double sincérité sur les hypothèses et sur les inscriptions budgétaires, même s'il faut ajouter en reprenant Pierre Dac que « la prévision est difficile surtout quand elle concerne l'avenir ». C'est quand la situation s'améliore qu'il faut mener les réformes structurelles et les baisses d'impôt. Je n'ai pas la même lecture que vous sur le solde budgétaire de l'État. Les principales mesures sur les recettes compensent leur évolution spontanée. Autrement dit, les réformes fiscales corrigent une amélioration liée à la conjoncture. On peut contester les choix fiscaux du Gouvernement. En revanche, les réformes entraînent une dynamique à long terme sur le potentiel de croissance, les hypothèses de recettes et la réduction du déficit.
S'agissant de la masse salariale, je constate que nous sommes favorables aux économies en général et moins favorables aux économies en particulier, car lorsque nous examinons les missions une par une, nous regrettons toujours les réductions de personnel. Efforçons-nous d'être cohérents : où faut-il réduire le personnel et dans quelles proportions ?
Merci de ce moment ! Deux moments me réjouissent chaque année : l'examen de ce rapport et de celui du président du Haut Conseil des finances publiques. Vous avez comme toujours démontré votre art de la synthèse et de la nuance... J'écoute toujours avec un certain amusement ce vieux refrain selon lequel quand ça va mal, c'est à cause du gouvernement et quand ça va mieux, c'est grâce à la conjoncture. La reprise est plus vigoureuse qu'anticipée, je vous l'accorde. Pour autant, vous ne pouvez pas dire qu'entre 2012 et 2017 ce n'est pas la conjoncture mais le gouvernement qui était mauvais. En 2012, le taux de croissance était à 0 %, résultant de l'action du gouvernement précédent. Si l'on a aujourd'hui une meilleure conjoncture et de meilleurs résultats, c'est grâce à l'action menée par le gouvernement, ces dernières années.
Le mot « sincérité » a un sens très précis en matière financière. Vous mentionnez dans votre présentation, censée illustrer la « sincérité » de ce budget, des corrections de sous-budgétisations : 800 millions d'euros, 500 millions d'euros et 1,3 milliard d'euros pour les Opex, car la ministre de la défense souhaite que tous les ministères participent à la régulation de ces dépenses. C'est énorme, direz-vous sur un budget de 236 milliards d'euros ? Cela équivaut à cinq pour mille. Et c'est sur ce chiffre qu'on nous parle de sincérité ! Gardons la mesure : il ne s'agit pas de sincérité mais de corrections à la marge.
Vous qualifiez les hypothèses de croissance de « sincères ». Que dire de celles qui ont précédé ! En 2017, le Gouvernement faisait une hypothèse de croissance de 1,5 %. À l'époque, vous l'aviez jugée inatteignable. Idem pour le Haut Conseil des finances publiques. Non seulement la prévision du Gouvernement était juste, mais il a même fait mieux avec 1,7 % de croissance. Plutôt que d'insincérité, mieux vaudrait parler de très grande prudence !
Quant à votre tableau sur les mesures anciennes et nouvelles, il faut prendre en compte pour l'interpréter le fait qu'un certain nombre d'évolutions sont liées aux positions du gouvernement précédent, comme la pente du taux d'imposition des entreprises. Laissez-moi vous le redire : les mesures comme la suppression de l'impôt sur la fortune ou celles qui portent sur le plan forfaitaire unique sont extrêmement onéreuses. Elles auraient pu être décalées dans le temps, ce qui aurait dégagé 5 milliards d'euros d'économies.
Éric Bocquet a déjà commenté avec humour les « économies insuffisantes » ou les « réformes structurelles que l'on attend toujours ». Vous n'entrez jamais dans le détail. Parler d'économies insuffisantes est trop générique ! La seule fois où vous avez voulu vous montrer concret, vous avez diminué toutes les dépenses et nous n'avons pas voté votre budget. Sur la base de quelle réforme pouvez-vous imaginer des économies légitimes ?
Quant aux suppressions de postes, il est grand temps de traiter la fonction publique avec plus d'égards. Commencer par réformer les structures de l'État avant d'envisager la suppression des fonctionnaires. Dans votre présentation, vous expliquez que l'évolution totale de la masse salariale entre 2008 et 2012 est de - 6,6 %. Le président Sarkozy s'est excusé publiquement pour sa politique de suppression de postes en matière de défense et de sécurité. « J'ai eu tort » a-t-il dit, car au moment des attaques terroristes, il n'y avait plus assez d'effectifs pour contrôler la situation. L'analyse devrait être plus qualitative que quantitative. Si les dépenses salariales remontent aujourd'hui, personne ne peut contester leur utilité, puisqu'elles contribuent à renforcer la sécurité et la défense, ce que nous avons approuvé sur tous les bancs de notre assemblée.
J'ai écouté avec attention ce rapport objectif. Que deviendra le budget de l'État quand les voitures ne rouleront plus à l'essence ou quand les gens ne fumeront plus, ne boiront plus et ne joueront plus aux jeux ? J'entends dire partout qu'il faut réduire le nombre de fonctionnaires. En tant qu'élu de l'Ardèche, je m'aperçois qu'il n'y a pas pléthore de fonctionnaires. Certes, il existe quelques doublons, mais on ne réduira pas la masse salariale de l'État si l'on ne touche pas aux agences. Pourquoi des ARS, des agences de bassin ou des DREAL ? Redonnons toutes ces compétences à l'État, nous réaliserons ainsi des économies et nous pourrons mieux payer les fonctionnaires. C'est une piste en vue de réduire la masse salariale, à laquelle doit venir s'ajouter une réflexion sur l'augmentation du temps de travail. Regardons aussi le nombre de fonctionnaires dans les ministères, notamment à Bercy !
Je m'inquiète pour Claude Raynal ! Il met beaucoup de passion à défendre la politique menée sous le quinquennat précédent, mais il devrait envisager la situation avec plus d'objectivité. Le rapporteur général a bien fait la part des choses : ce budget est plus sincère que le précédent. C'est le cas de la mission dont je m'occupe. En ce qui concerne les aides personnelles au logement (APL), l'estimation est meilleure, ce qui ne me fait pas avaliser la baisse de 1,7 milliard d'euros. Les prévisions sont aussi prudentes. Le Gouvernement se garde-t-il un peu de carburant ? En ce qui concerne les collectivités locales, je ne crois pas du tout que l'on pourra tenir la dépense à 0,5 %, notamment parce que l'inflation sera d'environ 1 %. Par ailleurs, on entre en deuxième partie de mandat, c'est la période où l'on inaugure des équipements nouveaux. À partir de quand les grandes collectivités seront-elles amenées à signer les contrats de maîtrise de la dépense ? Qui sera pénalisé si cette maîtrise n'est pas effective ? J'aimerais que l'on nous éclaire sur le calendrier. L'État attend beaucoup des collectivités locales en matière de maîtrise de la dépense, je crains que celle-ci ne puisse être au rendez-vous.
Je dirai un mot sur la baisse des APL. Trois missions diminuent pour 1,7 milliard d'euros. Pour moi, il ne s'agit pas d'une baisse de dépense publique. On transfère seulement sur les bailleurs sociaux cette diminution de charges pour l'État. L'autofinancement des bailleurs s'en trouvera réduit entre deux tiers et trois quarts, ce qui aura des conséquences. C'est à mes yeux une mauvaise manière de faire, qui n'est pas sans risque sur notre capacité à construire. Si l'embellie en matière d'immobilier subissait le contrecoup de cette décision, c'est toute l'économie qui s'en porterait mal.
Je suis perplexe. Certes, cela va mieux, ce qui fera plaisir à Claude Raynal ; pour autant, à en croire le rapporteur général, il faut faire plus. Quelle est la part de réformes structurelles ? Est-elle suffisante ? Est-on prêt à en payer le prix ? Ce qui est en débat, c'est l'ampleur de l'effort. Un certain nombre d'indicateurs ne sont pas négatifs : baisse des prélèvements obligatoires, amélioration de l'ajustement structurel, effort de maîtrise de la dépense publique. Comment le Sénat peut-il donner des signaux clairs sur la valeur ajoutée de son travail ? Il importe d'aller plus loin dans la direction donnée, qui est plutôt positive. Certes, la conjoncture budgétaire s'améliore. Tant mieux ! C'est l'art budgétaire que de faire avec ce que l'on a.
Le rapporteur général peut-il compléter sa présentation par une sociologie de la charge de la dépense publique ? Un ancien ministre des finances avait parlé de ras-le-bol fiscal. Si j'avais le goût de la provocation, je dirais : enfin un Gouvernement qui fait quelque chose pour les riches !
Plus gravement, le sentiment de ras-le-bol fiscal est né d'une réalité : pour les contribuables qui participent massivement au financement de la dépense publique, les taux de prélèvement dépassent très largement les 60 % si l'on tient compte de l'impôt sur le revenu, de la TVA, de la TIPP, de l'ISF et de la taxe foncière.
En matière de dépenses, il faut s'attaquer à la durée du temps de travail. Je suis rapporteur spécial de l'enseignement scolaire. Le Gouvernement n'a pas une conception globale. L'enseignement représente un peu plus de la moitié des fonctionnaires civils de l'État. Il n'y a aucun signal fort, aucune prise de conscience de l'évolution du coût de l'offre de l'enseignement dans notre pays, qui est insuffisante dans le primaire et excessive dans le secondaire. Nous voulons supprimer des postes ? Réfléchissons plutôt à des gains de productivité de 10 % en cinq ans dans ce secteur qui représente la moitié de la fonction civile de l'État. Ce serait possible à condition d'engager le mouvement dès la première année de ce quinquennat, ce qui n'est manifestement pas le cas.
Je remercie Gérard Longuet qui vient de faire un très beau cadeau d'anniversaire à Éric Bocquet en s'exclamant : enfin un Gouvernement qui pense aux riches !
Mes chers collègues, les fonctionnaires sont au service de notre population et de nos territoires. En fin de compte, ils ne sont pas si nombreux et nous sommes bien contents de les trouver au quotidien. Si l'ancien gouvernement a augmenté les recrutements, notamment dans l'éducation nationale, c'était pour compenser toutes les suppressions de postes. Cette politique a permis notamment à l'actuel Gouvernement le dédoublement des classes dès cette rentrée scolaire. On peut réfléchir à des gains de productivité du personnel enseignant. Certes, ils représentent la moitié des fonctionnaires de l'État, mais nous en avons besoin. Claude Raynal a rappelé les erreurs de Nicolas Sarkozy : oui nous avons recruté 10 000 policiers, mais Sarkozy en avait supprimé 9 000 !
D'où venons-nous et où voulons-nous aller ? Il y a effectivement du mieux, mais nous sommes les derniers de la zone euro en matière de déficit. Nous sommes aussi les champions d'Europe, avec le Danemark, en matière de dépense publique, sans parler du chômage ! Tout cela est le fruit des politiques précédentes. Au cours des cinq dernières années, nous avons fait moins bien que l'ensemble de nos partenaires européens, y compris la Grèce, l'Espagne et le Portugal. L'échec est patent sur tous les sujets, en particulier en matière de sécurité.
Que faire ? Il faut d'abord regarder ce qui fonctionne dans les autres grands pays européens. Les Allemands, les Anglais, les Italiens, les Espagnols ont engagé des réformes. La sociologie de la dépense publique m'intéresse, notamment par rapport à nos voisins européens. Il importe d'avoir une vision d'ensemble, qu'il s'agisse du temps de travail, de l'organisation interne et surtout des résultats. L'éducation, par exemple, constitue une dépense pour l'État, mais aussi pour les collectivités et pour les parents ! Il faut envisager le coût, les résultats et les axes d'amélioration. Intéressons-nous à ce qu'ont fait les autres pays, en tenant compte de notre histoire particulière et de notre géographie. On part de tellement bas qu'il y a un effet de rattrapage. C'est heureux. Tirons-en le meilleur profit pour engager les réformes de structure. Cela n'apparaît pas clairement dans ce projet de loi de finances.
J'ai retenu deux chiffres. Tout d'abord, notre déficit public représente 30 % des recettes publiques. Dans le secteur privé, ce serait une dégradation, mais ici il semble y avoir accoutumance, puisque cela fait trente ans que nous consolidons cette dette. Je m'attendais à trouver un redressement dans ce budget. Or la situation s'est dégradée. C'est ma première déception.
J'ai ensuite retenu les chiffres des trois derniers quinquennats pour la fonction publique : on constate une stabilité sous Chirac, un effort sous Sarkozy et une dégradation sous Hollande. J'ignore si Nicolas Sarkozy a présenté ses excuses, mais je sais que le pouvoir sortant a explosé. Pourtant, on entend Bernard Cazeneuve ou Michel Sapin expliquer sur les ondes ce qu'il aurait fallu faire !
Comme mon collègue, je me demande s'il y a dans ce projet de loi de finances insincérité ou correction à la marge. Le rapport de la Cour des comptes parle d'insincérité. Un trou de 9 milliards d'euros apparaît brutalement dans les finances publiques. Le Parlement peut-il poursuivre en responsabilité des ministres des finances qui ont failli ? C'est une question qui se pose bien souvent dans le secteur privé.
Par ailleurs, j'entends parler d'une baisse tendancielle des prélèvements obligatoires. Cela tient-il compte des 10 milliards d'euros qui surgissent dans le collectif budgétaire ?
Chaque année, Monsieur le Rapporteur général, vous évoquez le problème des taux d'intérêt. Aujourd'hui, il ne semble plus y avoir d'incertitude sur les taux. Pouvez-vous préciser votre point de vue ? En matière de recettes, on évoque généralement la TVA nette. Il serait intéressant de connaître la TVA brute. Les entreprises privées investissent-elles ? En matière de masse salariale publique des mesures sont reportées, notamment le « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Je ne suis pas sûr que les différents ministères aient intégré cette stabilisation. Avez-vous des informations ?
On nous présente les embellies. Cela ne masque-t-il pas la problématique de la reprise de l'inflation et du coût de l'argent, à la fois à court terme pour le Gouvernement et pour les collectivités locales ? Actuellement, le loyer de l'argent se situe autour de 1 % et il risque de monter à 4,5 % en 2022. Ce budget n'anticipe pas assez sur ces deux éléments. De plus, l'effort reposera à hauteur de 33 % sur les collectivités locales, ce qui est énorme. Certains observateurs parlent de 25 milliards d'euros. Cela aura une influence sur la capacité d'investissement des collectivités. Ces deux points sont en contradiction avec l'embellie de ce budget.
On parle beaucoup de l'endettement public, mais il faut aussi avoir des éléments d'appréciation sur l'endettement privé. Il y a peu de jours, j'ai présenté un rapport établissant que sur 115 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements, 90 % des remboursements et des dégrèvements vont aux sociétés. La dette privée a augmenté de 2007 à 2017 de 34 points du PIB. Elle représente aujourd'hui 130 % du PIB. On parle d'accoutumance et de ras-le-bol fiscal, mais où va l'argent que l'État donne aux entreprises ? Certaines d'entre elles se lancent dans des aventures financières. Il y a donc deux courbes à comparer, y compris à l'échelle européenne.
Si les collectivités avaient augmenté leur masse salariale de la même manière que l'État, elles auraient eu du mal à contribuer à l'investissement ! En 2018, l'État augmentera sa masse salariale de 1,6 % alors que l'on demande aux collectivités de contraindre leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 %. Quand on sait que la masse salariale compte pour plus de 50 % dans la dépense des collectivités, on mesure combien l'objectif sera difficile à atteindre, d'autant que certaines mesures récentes viendront aggraver la situation comme le transfert du PACS, des changements de prénom, la dépénalisation du stationnement, etc.
Je me félicite de l'objectivité du rapporteur général. Ce budget va dans le bon sens, mais je partage les observations de Christine Lavarde. Il serait utile que l'État fasse le même effort de maîtrise que les collectivités territoriales.
Certains ont exprimé des frustrations. Je précise que nous n'en sommes pas encore à l'examen des articles fiscaux de première partie de la loi de finances. Nous sommes ici sur le cadrage macroéconomique.
J'éprouve comme vous les plus grands doutes sur la capacité des collectivités territoriales à réaliser les économies ambitieuses qui leur sont demandées, d'autant qu'un certain nombre de mesures nationales impactant leurs budgets ont été annoncées. Les objectifs sont donc ambitieux et le mécanisme de contractualisation est plus que flou.
Sur le cadrage macroéconomique, je maintiens mes propos. Les doutes que nous avons émis sur le précédent budget tenaient au fait que les hypothèses retenues n'étaient pas conformes à celles des différents économistes. Il y avait également une sous-budgétisation chronique et répétée. Le Gouvernement a d'ailleurs dû prendre des mesures d'urgence. Il existait donc des éléments d'insincérité, comme l'a souligné la Cour des comptes. Aujourd'hui, tout cela a été corrigé.
Le Gouvernement ne profite pas de cette embellie. Quoi qu'il en soit, il a raison de ne pas repousser les mesures fiscales en fin de quinquennat. Il est important de ne pas attendre pour engager les baisses d'impôts.
En revanche, comme vous, je regrette le manque d'ambition en matière de maîtrise de la dépense. Il y a peu de réformes structurelles. Je pense, par exemple, au temps de travail dans la fonction publique. La Cour des comptes a établi que seuls 400 000 fonctionnaires, sur les 2 millions que compte l'État, travaillaient 1 607 heures. S'ils travaillaient tous 1 607 heures, cela ferait des gains considérables ! Notre commission avait adopté à mon initiative en novembre 2015 un amendement pour que les fonctionnaires travaillent 37,5 heures par semaine. Quelle horreur ! Pourtant, la Cour des comptes chiffrait cette économie à 5 milliards d'euros.
Je répondrai à mon collègue de l'Ardèche que ce n'est pas dans les territoires que se pose le problème de l'évolution de la fonction publique. Pensez-vous que la France est mieux administrée avec les ARS, les agences de bassins et les opérateurs de l'État qui ne maîtrisent ni les plafonds d'emplois ni les ratios de mètres carrés ? La création des DREAL est-elle un progrès ? Aujourd'hui, les préfets sont déresponsabilisés. Nous assistons à une sorte d'atomisation.
En ce qui concerne les missions de l'État, les conséquences de la décentralisation n'ont pas été tirées. L'État doit-il encore gérer les routes ? Sommes-nous satisfaits de l'existence des directions interdépartementales des routes ? L'État doit-il intervenir aux côtés des départements sur le handicap ? Il existe aujourd'hui un certain nombre de doublons.
Gérard Longuet a parlé de l'enseignement. Nous entendrons le ministre cet après-midi. Nous proposons de multiples options dans le secondaire alors que nous accusons du retard dans le primaire. Notre pays est-il mieux administré qu'il y a vingt ans ou que les pays voisins ? Nous consacrons 2 points de plus de PIB que l'Allemagne à la fonction publique et 4 points de plus aux retraites. Faisons-nous mieux que les Allemands ? Concrètement, avec moins de moyens, nous pourrions mieux administrer ce pays.
Je suis déçu qu'Éric Bocquet n'ait pas posé sa question habituelle sur le diktat des institutions européennes ! Pour parler clairement, je ne me soucie pas tant de la règle des 3 % ; ce qui m'inquiète plutôt, c'est le comparatif avec les autres pays. Savoir que nous sommes le dernier élève de la classe, que notre situation est moins bonne que celle de la Grèce, de l'Espagne, de l'Italie ou du Portugal, je me pince ! Cela signifie que les autres ont été capables de faire des efforts que nous n'avons pas encore consentis ! Aujourd'hui, tous les pays font un effort en matière de désendettement, sauf la France. La dette publique approche 100 % du PIB. Le risque de remontée des taux aux États-Unis est réel. Concrètement, en 2027, il nous faudrait trouver 17,7 milliards d'euros de plus chaque année. Ce jour-là, la France sera clairement incapable de payer.
Le meilleur ami de notre ancien Président de la République, François Hollande, je l'ai souligné, c'est la finance qui a été anesthésiante pendant cinq ans et lui a servi des taux d'intérêt bas. La France a augmenté son stock de dettes comme jamais, servie par des marchés gavés de liquidités. Rappelons que la dette est le deuxième poste du budget de l'État après l'éducation nationale, mais il pourrait devenir le premier. Nous devons nous inquiéter de laisser une telle dette à nos enfants.
Quant à la responsabilité des ministres, elle relève de la Cour de justice de la République, mais elle sera prochainement supprimée. Dans les démocraties, la meilleure des sanctions est celle des urnes. En l'occurrence, le Président de la République avait lui-même tiré les conséquences de la situation en ne se représentant pas.
La commission donne acte au rapporteur général de sa communication.
Cette année, deux réformes sont attendues dans le projet de loi de finances : la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et sa transformation en impôt sur la fortune immobilière (IFI) ; et l'instauration du PFU, le prélèvement forfaitaire unique. Cette politique est justifiée par l'engagement de campagne du Président de la République d'exonérer « tout ce qui finance l'économie réelle ». On a parlé de rente immobilière. Le sujet étant d'actualité, il m'a semblé intéressant d'examiner la notion de rente immobilière. La rente immobilière est-elle un mythe ou une réalité ? L'immobilier est-il une classe d'actifs improductifs qui permet à ses détenteurs de bénéficier d'une rente ?
À l'inverse, les valeurs mobilières contribueraient seules à la croissance de l'économie réelle et devraient voir leur taxation allégée. La question n'est pas nouvelle. La notion de rente immobilière renvoie à celle de surprofit : la rente correspond, dans la théorie économique, à une situation dans laquelle le prix d'une marchandise est fixé à un niveau supérieur à celui qui résulterait d'une concurrence pure et parfaite sur le marché considéré.
Du point de vue de l'investisseur, l'existence d'une rente immobilière devrait donc, en principe, se traduire par une rentabilité avant impôts anormalement élevée, par comparaison aux principales classes d'actifs concurrentes - actions, obligations et placements monétaires. Or, sur une longue période, l'immobilier ne présente pas une rentabilité anormale. Celle-ci provient de deux sources : le gain en capital et le rendement. Il est toutefois nécessaire de comparer cette rentabilité par type de placement.
Les actions présentent un taux plus élevé que les autres classes d'actifs en raison de la prise de risque. S'agissant du placement en logement, la mesure de la rentabilité est particulièrement complexe et doit prendre en compte les frais de transaction, le taux de vacance ainsi que le poids des charges pesant sur les propriétaires, qui grèvent le rendement et faussent les comparaisons avec les autres classes d'actifs. L'immobilier est le seul actif taxé tout au long de sa vie : droits de mutation, taxe foncière, ISF, plus-value, droits de succession, impôts sur le revenu, CSG, etc. A contrario, les actions ne sont pas ainsi taxées.
Les différentes études économiques montrent que l'investissement en logement présente sur une longue période un niveau de rentabilité et de volatilité cohérent, en contradiction avec l'idée qu'il existerait une rente immobilière. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable situe la rentabilité du logement locatif sur longue période à un niveau intermédiaire entre les actions et les obligations.
Néanmoins, au cours des vingt-cinq dernières années, l'immobilier est le secteur qui a connu la rentabilité la plus performante. Entre 1990 et 2015, la rentabilité du logement locatif apparaît comparable à celle des actions - 6,2 % par an - en dépit d'un niveau de volatilité significativement inférieur. La surperformance de l'immobilier au cours de la période s'explique non par le rendement, mais principalement par la hausse des prix, notamment en Île-de-France. Le niveau de progression du prix des logements en France est supérieur à celui des autres pays, en particulier ceux de la zone euro.
D'après une étude récente de la Banque de France, la progression rapide des prix observée en France jusqu'à la crise correspondait à une phase de rattrapage par rapport aux autres pays de la zone euro. En tout état de cause, il apparaît paradoxal de s'interroger sur l'existence d'une rente immobilière au moment même où la rentabilité du logement locatif apparaît désormais significativement inférieure, en France, à son niveau tendanciel sur une longue période.
Par ailleurs, la fiscalité française n'apparaît pas particulièrement biaisée en faveur de l'immobilier. Avec 68 milliards d'euros de prélèvements liés au logement, le poids des prélèvements opérés sur les logements est en progression sur les dix années passées. Les prélèvements liés au logement suivent la même évolution que celle des prélèvements obligatoires, augmentant de près de 200 % en trente ans.
Les prélèvements sur le patrimoine immobilier représentaient environ 3,3 % du PIB de la France en 2015 et 7,2 % de l'imposition totale, selon les chiffres de l'OCDE. Entre 1995 et 2015, la part des prélèvements sur le patrimoine immobilier est en hausse de 28 % par rapport à l'ensemble des recettes fiscales et de 39 % au regard du PIB.
Du point de vue des comparaisons internationales, la France apparaît ainsi en deuxième position parmi les pays de l'OCDE, derrière le Royaume-Uni, et bien avant les États-Unis et l'Allemagne. Notre pays aime donc taxer l'immobilier. Pourtant, c'est un actif qui participe à la richesse nationale.
J'ai souhaité réaliser des simulations afin de comparer la fiscalité avant et après les réformes envisagées par le Gouvernement. Nous avons pris l'exemple d'un ménage médian et d'un ménage très aisé, et nous avons comparé un placement immobilier et un placement en valeurs mobilières. Dans la quasi-totalité des cas, le taux global d'imposition est plus élevé pour l'immobilier. Évidemment, après la réforme prévue par le Gouvernement, ce taux explose de manière assumée. Nous avons aussi envisagé le cas de l'optimisation fiscale et réalisé une simulation en Pinel. En matière de valeurs mobilières, nous avons choisi un placement en actions optimisé, c'est-à-dire un PEA, un plan d'épargne en actions. Avec la réforme, le taux d'imposition sera de 16 points plus élevé pour l'immobilier que pour les autres actifs.
Le Gouvernement assure que l'immobilier serait improductif. Ce secteur contribue pourtant à 18 % de la valeur ajoutée, et génère 8 % des emplois, en France comme, à quelques légères variations près, dans l'Union européenne. Le Gouvernement répond que les gains de productivité y seraient plus faibles qu'ailleurs. Certes, la bulle immobilière espagnole a mobilisé d'importants volumes de capitaux avant de retomber. Désormais, aussi bien en valeur ajoutée qu'en part dans l'emploi, la contribution de l'immobilier se stabilise et l'on n'a pas observé de déformation de la structure de l'économie au profit de la construction. Le Gouvernement explique alors que l'immobilier aurait un effet d'éviction sur le financement des entreprises. Là aussi, les études économiques infirment cet argument. La dynamique du crédit à l'habitat n'a pas empêché la croissance de l'endettement des entreprises, dont la part dans le PIB a augmenté de plus de 20 points et la part des crédits à l'habitat dans le financement bancaire - 57 % - ne présente pas de caractère atypique en France.
Au niveau microéconomique, les estimations suggèrent même qu'une hausse de l'immobilier favoriserait l'investissement des entreprises, puisqu'elle rehausse la valeur des biens immobiliers qu'elles apportent sous forme de garantie auprès de leurs établissements bancaires. Bref, sur le plan de l'efficacité économique, il ne semble exister aucun motif valable justifiant de pénaliser ou de freiner l'investissement immobilier en France.
Au-delà de l'efficacité économique, l'évolution du marché du logement français suscite également des inquiétudes sur le plan des inégalités. Si la hausse des prix de l'immobilier constitue un motif légitime d'inquiétude s'agissant des bailleurs, la situation est plus nuancée s'agissant des propriétaires occupants, qui représentent 84 % des transactions. En cas de revente, les propriétaires-occupants doivent en effet le plus souvent se reloger à un prix qui a augmenté. En outre, en l'absence de revente, les caractéristiques du marché hypothécaire français ne permettent pas aux propriétaires occupants de tirer parti de la hausse de leur patrimoine immobilier afin de consommer davantage, puisque le crédit hypothécaire rechargeable est interdit chez nous.
Le tableau que vous trouverez dans ma présentation montre que le logement représente une proportion très faible de la richesse patrimoniale des ménages les plus aisés, alors qu'il constitue l'essentiel de la richesse des ménages de la classe moyenne patrimoniale. Voilà pourquoi le rendement de l'IFI ne sera que de 850 millions d'euros, contre 4 milliards d'euros pour l'ISF. En l'absence de hausse des prix de l'immobilier, la hausse de la concentration patrimoniale observée en France aurait été substantiellement plus élevée.
Le taux de propriétaires parmi les jeunes ménages modestes a été divisé par deux en l'espace de seulement 40 ans, tandis que celui des ménages aisés a augmenté de plus de 50 % au cours de la même période.
Sans nier les conséquences néfastes de l'inflation immobilière, notamment en Île-de-France, il faut les ramener à leur juste proportion. Il est temps de s'écarter des faux débats sur l'existence d'une rente immobilière et de s'intéresser au contraire aux vrais problèmes, qui demeurent. Un groupe de travail sur le financement et la fiscalité du logement avait été constitué à l'automne 2015 au sein de notre commission des finances et avait formulé des recommandations, dont certaines restent à mettre en oeuvre.
Il convient, tout d'abord, de remédier au phénomène de rente foncière pour les terrains nus devenus constructibles, dont les propriétaires bénéficient d'un effet d'aubaine. Accès à la propriété des jeunes générations, PTZ, équilibre entre ancien et construction... Autant de sujets à aborder. Chaque ministre du logement a laissé son nom à un dispositif fiscal, mais ces dispositifs bénéficient davantage aux promoteurs qu'aux particuliers ! Un quart des Français sont logés dans le parc locatif privé ; celui-ci se dégrade et doit être mieux mobilisé.
Le PFU laisse l'immobilier de côté. Et l'IFI est une erreur. Si quelqu'un place un million d'euros dans un gros diamant, un lingot d'or ou des bons du Trésor américains, est-ce plus utile à l'économie française que d'investir dans des terres agricoles, une boutique ou un appartement qui logera une famille ? Mieux vaudrait supprimer complètement l'ISF... On peut vivre sans diamant, mais pas sans toit ! A la question « Y a-t-il une rente immobilière ? », je réponds donc : non !
La décomposition du patrimoine par type d'actif selon le niveau de richesse, illustré dans votre diaporama, montre bien que la concentration de la fiscalité sur l'immobilier ne permet pas de toucher la totalité des patrimoines de manière équitable.
Le graphique que vous mentionnez est déjà connu. Un autre concerne la très longue période. À propos de vos conclusions...
Elles nous agréent : tous ces sujets sont sur la table. Nous ne partageons pas, en revanche, votre proposition - orale - de supprimer totalement l'ISF. Le graphique décomposant la richesse patrimoniale par décile montre bien que plus on est riche, moins la part de l'immobilier dans le patrimoine est importante. Quiconque est normalement constitué doit en déduire qu'il faut continuer à taxer les actifs financiers ! Les grandes fortunes, souvent, louent leur immobilier à des sociétés extérieures. La question est donc de réintroduire l'ISF.
Ce rapport montre que le Gouvernement s'appuie sur quelques idées reçues. Comment la rentabilité est-elle calculée ? La vacance inclut-elle les incidents de parcours ? Deux ans d'impayés de loyers, une procédure, cela peut coûter cher...
Le Gouvernement, en supprimant l'APL accession ou en suscitant des difficultés avec les bailleurs sociaux, n'incite pas à investir dans ce secteur. C'est nous faire prendre un gros risque, car au sortir d'une crise très rude nous avons besoin de construire.
On parle souvent, à propos d'immobilier, de gestion « en bon père de famille ». Dans les zones où les loyers sont très bas, les bailleurs privés peuvent être considérés comme des bailleurs sociaux. L'équilibre entre Paris et le reste de la France est menacé par la baisse de la démographie en zone rurale. Pas sûr que les propriétaires en zone rurale continueront d'investir dans leur bien.
Le sujet n'est pas facile. J'attire toutefois votre attention sur le fait que le graphique dont nous parlons, tiré du livre de Thomas Piketty, grossit considérablement la part des déciles supérieurs.
Je vous l'accorde. Mais pour des très riches, l'immobilier a beau ne représenter qu'une petite fraction de leur patrimoine, sa valeur peut être considérable.
L'arbitrage entre placements financiers et l'immobilier, avec des taux d'intérêts faibles, est favorable à l'immobilier. Or un investissement locatif est moins intéressant pour le financement de l'économie. Il faut agir sur les choix individuels. À cet égard, les pistes que vous proposez sont intéressantes.
Plus on est pauvre, moins on a de capacité d'arbitrage. Même pour les classes moyennes supérieures, en région parisienne, la résidence principale constitue la quasi-totalité du patrimoine. On ne peut donc pas parler d'effet d'éviction.
Nous devons veiller aux équilibres territoriaux. En zone rurale, ce secteur a un fort impact sur l'activité. L'addition des mesures prises risque d'accroître la fracture territoriale en pénalisant les territoires ruraux. Quant à l'ISF, il faut le maintenir ou le supprimer, pas le réduire à un produit de 850 millions d'euros.
Un mot n'a pas été prononcé, celui de résidence principale. Parfois, la survalorisation des lieux où certains de nos compatriotes résident par tradition familiale les expose à une imposition sans proportion avec leurs revenus.
La commission donne acte de sa communication à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Nous examinons désormais le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2017, déposé en urgence par le Gouvernement pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 relative à la contribution de 3 % sur les montants distribués.
Au total, les éléments nouveaux par rapport à l'estimation révisée du solde 2017 présentée dans le projet de loi de finances pour 2018 entraînent une dégradation nette du solde budgétaire de l'État de 400 millions d'euros, portant le déficit à 76,9 milliards d'euros.
Ces dépenses sont portées par la mission « Remboursements et dégrèvements » ; elles dégradent le solde de 5 milliards d'euros par rapport à l'estimation révisée associée au projet de loi de finances pour 2018. En outre, la censure intégrale du dispositif conduit à son abrogation anticipée alors qu'il devait être maintenu jusqu'au 31 décembre 2017, ce qui réduit les recettes de l'État d'environ 200 millions d'euros, détériorant le déficit d'autant.
Si. Mais pas pour ces 200 millions d'euros de recettes ni pour un remboursement dès 2017. Pour 2018, une provision de 300 millions d'euros a été inscrite.
En prononçant la non-conformité à la Constitution de la contribution de 3 %, la décision du Conseil constitutionnel entraîne deux conséquences. La première est relative au champ des réclamations, puisque l'ensemble des contributions versées à compter de 2015 peut faire l'objet d'une réclamation jusqu'à la fin de l'année 2019. La seconde est relative à la comptabilisation du coût du contentieux : en faisant naître une créance des entreprises sur l'État, la déclaration d'inconstitutionnalité se traduit par une comptabilisation de remboursements dès 2017.
Le montant de 5,7 milliards d'euros provisionné par le Gouvernement sur la période 2018-2021 est donc insuffisant et le calendrier de paiement, trop tardif : le coût des contentieux est revu à la hausse de 4,3 milliards d'euros, totalisant 10 milliards d'euros répartis à égalité sur 2017 et 2018.
Afin de compenser la baisse des recettes, le Gouvernement prévoit la création de deux contributions exceptionnelles et ponctuelles sur l'impôt sur les sociétés (IS), dont le rendement attendu s'élève à 4,8 milliards d'euros en 2017 et à 600 millions d'euros en 2018. Cela représente environ 10 % du montant brut de l'IS.
Il y aurait ainsi une majoration du taux d'IS avec deux tranches : une première majoration de 15 % du taux d'IS pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros, une seconde majoration de 15 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 3 milliards d'euros.
Ces contributions permettraient de contenir la dégradation du déficit budgétaire de l'État et la détérioration du solde public effectif qui, en l'absence de compensation, se serait élevé à 3,1 % du PIB.
Il s'agit de conserver l'espoir d'une sortie de la France en 2018 du volet correctif, ce qui est indispensable pour renforcer sa crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens.
Cette mesure de rendement s'accompagne d'importants biais, puisque 223 sociétés sur les 318 redevables seront perdantes, car ceux qui seront taxés ne bénéficieront pas forcément du remboursement. L'industrie, le commerce et les services financiers sont particulièrement concernés. Le produit est fortement concentré, puisque 30 sociétés payeront 71 % des recettes prévues. Il est très difficile de mieux cibler le dispositif sans risquer une nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement a choisi la simplicité en créant une taxe additionnelle sans toucher à l'assiette. Il avait songé à un mécanisme de plafonnement, mais le Conseil d'État a jugé cela contraire à la Constitution.
Il faut souligner de plus que les entreprises devront acquitter des montants élevés selon un calendrier très contraint - alors même que le projet de loi de finances prévoit une baisse de l'IS ! Le collectif budgétaire qui sera présenté mercredi prochain pourrait être l'occasion pour le Gouvernement de calculer sa vraie marge de manoeuvre. Compte tenu de l'acquis de croissance au troisième trimestre 2017, la croissance devrait s'établir à 1,8 % en fin d'année. De même, l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB devrait être supérieure au montant retenu. Le ministre l'a d'ailleurs confirmé tout récemment en réponse au courrier de la Commission européenne sur le budget 2018 : « les derniers encaissements comptables recueillis à fin septembre indiquent le dynamisme de certaines recettes, en particulier la TVA », et il mentionne une « élasticité des recettes plus élevée très probable ».
Bref, les rentrées fiscales et sociales devraient être meilleures qu'attendu : l'effet positif sur le solde d'une hausse de 0,1 point du coefficient d'élasticité des recettes à la croissance peut être estimé à 2,5 milliards d'euros.
Je vous propose donc - à défaut de pouvoir réviser les paramètres de la nouvelle contribution - d'ajuster la contribution des grandes entreprises au montant strictement nécessaire au respect de nos engagements européens en réduisant de moitié la contribution exceptionnelle qui leur est demandée. C'est l'objet de mon amendement, qui est un amendement d'appel. Si le Gouvernement refuse, il devra s'expliquer sur la raison pour laquelle il n'intègre pas les prévisions plus optimistes parues récemment. Serait-ce pour constituer un matelas de précaution ?
En tous cas, nous devons rembourser, et rapidement. Le choix proposé par le Gouvernement n'est pas aberrant. Il laisse 5 milliards d'euros à la charge du contribuable, et réduit de 5 milliards d'euros ce que toucheront, globalement, les entreprises. Il est normal que la somme soit ainsi partagée. Recettes supplémentaires ? La TVA évolue de manière erratique : une croissance de 1,7 % la fait croître de 5 % ! Si nous percevons 2,5 milliards d'euros de plus, l'ardoise se réduit à 7,5 milliards d'euros, ce qui devrait faire deux parts de 3,75 milliards d'euros chacune. Je comprends que le Medef pousse des cris d'orfraie, mais ce prélèvement n'aura lieu qu'une fois. Nous voterons donc ce projet de loi de finances rectificative tel quel.
La situation est ce qu'elle est. Le Gouvernement propose une solution pragmatique et efficace, qui ne creuse pas le déficit. Les prélèvements concerneront les plus grosses entreprises, dont le chiffre d'affaires se compte en milliards d'euros. Quant à ce qui sera pris sur le budget de l'État, cela ne dégradera pas la situation en 2017, et ne fera croître le déficit que de 0,2 point de PIB en 2018. C'est une solution raisonnable et équilibrée.
Les propos de Vincent Delahaye sont caricaturaux. Les premiers débats remontent à 1979, et la taxe sur les OPCVM, a dû être remplacée en 2012, en catastrophe, par cette taxe sur les dividendes. Cela concerne donc nombre de gouvernements. Nous en sommes donc à la troisième taxe. Nous nous féliciterons si elle n'est pas, à son tour, censurée. Quant au contribuable... Les entreprises ont payé 10 milliards d'euros de trop, on les leur rend : en somme, c'est un prêt gratuit !
En tous cas, ce ne sont pas les contribuables qui paient.
Je ne suis pas d'accord avec votre amendement. Vous aviez vous-même proposé que tout gain inattendu soit consacré à la diminution du déficit. En revanche, nous ne nous opposons pas à la solution proposée par le Gouvernement - en espérant que le Conseil constitutionnel ne s'y opposera pas !
La recherche en responsabilité, laissons-la de côté ! Que cette affaire nous incite à ne plus voter de dispositions sur la constitutionalité desquelles nous aurions des doutes.
L'amendement du rapporteur général est intéressant, surtout comme amendement d'appel. Il est un peu facile d'aller chercher dans les poches des grandes entreprises les sommes dont on a besoin. L'impôt sur les sociétés, que le Gouvernement veut réduire, va être porté à des sommets qu'on n'a pas vus depuis longtemps. Posons la question au Gouvernement. J'appelle mon groupe à voter en faveur de cet amendement.
En cours de finances publiques, on apprenait qu'un bon impôt a une base large, un taux faible et pas d'exceptions... Les intérêts moratoires de 4,8 % sont élevés. Parlons-en en séance. Pour le coup, c'est un bon placement ! Je ne voterai pas l'amendement, car un projet de loi rectificative n'a pas pour objet de revoir les hypothèses macroéconomiques. D'ailleurs, 1,7 % correspond encore à la moyenne des prévisions. N'y touchons pas. Souvenons-nous, enfin, de la surtaxe Juppé en 1995, de celle créée par Dominique Strauss-Kahn en 1997 ou de celle de François Fillon, en 2011. Ce dispositif est donc bien connu.
Je ne voterai pas l'amendement du rapporteur, mais je m'abstiendrai. Je n'avais pas voté cette taxe, et je ne vois pas pourquoi la faute de l'État devrait être assumée par les entreprises, fût-ce pour moitié. C'est un très mauvais réflexe, bien malheureux à l'heure où la stabilité fiscale et budgétaire revêt une telle importance. Le Gouvernement utilise, en effet, des recettes du passé. Grosses entreprises, footballeurs ou taxe à 75 % : c'est la même déplaisante méthode !
Ces 9 milliards d'euros ne sont pas un cadeau aux entreprises mais un juste retour des choses ! Le milliard d'euros d'intérêts moratoires génèrera 350 millions d'euros d'impôt sur les sociétés supplémentaire. En a-t-il été tenu compte ?
Le Gouvernement invoque l'urgence car il souhaite faire passer le déficit public sous les 3 % du PIB - ce qui justifie d'examiner les hypothèses de croissance. Ce qui est gênant, c'est que ce ne sont pas les mêmes qui paieront et qui percevront un remboursement.
L'amendement n° 2 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2017 tel que modifié par l'amendement qu'elle a adopté.
La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :
aff. soc.) 1 Favorable Article 10 Fixation d'objectifs en matière de finances des collectivités territoriales et mise en place d'une procédure de contractualisation Auteur N° Avis de la commission M. PATRIAT 46 Défavorable M. GABOUTY 48 Défavorable M. GABOUTY 50 Défavorable M. SAVARY 7 Favorable M. SAVOLDELLI 15 Favorable M. REQUIER 40 Favorable M. GABOUTY 49 Défavorable M. SAVOLDELLI 27 Défavorable M. RAYNAL 10 rect. Défavorable M. GABOUTY 47 Défavorable M. SAVARY 5 Sagesse M. SAVOLDELLI 13 Sagesse M. REQUIER 38 Sagesse M. SAVARY 6 Demande de Retrait M. SAVOLDELLI 14 Demande de Retrait M. REQUIER 39 Demande de Retrait M. SAVOLDELLI 26 Défavorable Article additionnel après article 10 Auteur N° Avis de la commission M. SAVARY 11 rect. Demande de Retrait Article 11 Objectif de diminution des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de sécurité sociale Auteur N° Avis de la commission M. WATRIN 28 Défavorable M. VANLERENBERGHE
aff. soc.) 3 Favorable Article 25 Rapport sur l'exécution de l'objectif d'évolution de la dépense locale Auteur N° Avis de la commission M. SAVARY 8 Sagesse M. SAVOLDELLI 16 Sagesse M. REQUIER 41 Sagesse Article 27 Bilan annuel de la mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques Auteur N° Avis de la commission M. VANLERENBERGHE
Nous sommes heureux d'accueillir Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Je rapporte la mission « Outre-mer » avec Nuihau Laurey, qui m'a demandé de l'excuser auprès de vous pour son absence ; je vous transmettrai également ses principales observations. Cette mission, qui ne rassemble que 13 % des crédits de l'État en faveur des outre-mer, constitue le « bras » budgétaire de l'intervention de l'État dans ces territoires. Elle en est donc aussi le « bras » le plus visible.
Les crédits de la mission « Outre-mer » sont, à bien des égards, indispensables pour ces territoires qui, faut-il le rappeler, souffrent d'importants handicaps structurels liés à leur éloignement de l'hexagone, à la faiblesse de leurs marchés locaux et à leur tissu économique composé pour l'essentiel de très petites entreprises. Les données socio-économiques des outre-mer sont pour le moins inquiétantes : PIB par habitant inférieur de près de 40 % à celui de la métropole, persistance d'un fort taux de chômage, notamment chez les jeunes, augmentation de la mortalité infantile dans certains territoires, traduisant de graves difficultés sanitaires, retard dans le domaine de l'éducation, etc.
L'année 2017 est, à mon sens, particulièrement révélatrice de ces fragilités : je pense au mouvement social survenu en Guyane, qui n'est qu'un symptôme des difficultés de ces territoires, mais également à l'ouragan Irma, qui nous rappelle la prégnance des risques naturels auxquels sont confrontées ces collectivités.
Le travail accompli est certes considérable, mais beaucoup reste à faire. C'est pourquoi les ultramarins sont particulièrement attentifs aux évolutions des crédits de cette mission. Il faut souligner d'emblée que les crédits sont maintenus au-dessus du seuil des 2 milliards d'euros, puisqu'ils s'élèveront à 2 104 milliards d'euros en AE et 2 068 milliards d'euros en CP. À périmètre constant, il est en hausse de 3,6 % en AE et de 4,3 % en CP par rapport à 2017. On ne peut que s'en réjouir.
En tout état de cause, il convient d'insister sur le fait que ce budget, le premier du quinquennat, constitue un « budget de transition » ne présageant qu'en partie des priorités futures. Pour les prochains projets de loi de finances, le Gouvernement s'est en effet engagé à s'appuyer sur le Livre bleu Outre-mer, qui résultera des Assises des outre-mer, lancées par le Gouvernement 4 octobre 2017, afin d'ouvrir un temps d'échange et de réflexion avec l'ensemble des ultra-marins.
Cette « transition » entraine nécessairement quelques doutes.
La compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques outre-mer représentera cette année une dépense de 1,079 milliard d'euros en AE, soit plus de la moitié des crédits prévus au sein de la mission « Outre-mer » en 2018 et 81,2 % des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». Ces exonérations ont connu de multiples recentrages depuis 2014, ce qui a entraîné une baisse importante de la dépense associée ; de plus de 36 % entre 2014 et la prévision de dépenses pour 2018. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit, cette année, aucun recentrage des exonérations. Selon le Gouvernement, elle devrait toutefois faire l'objet d'un « réexamen » à l'automne 2019. Nous serons particulièrement vigilants quant à ce que cette réforme soit favorable à l'emploi outre-mer, le chômage culminant encore aujourd'hui à 20 % en moyenne dans ces territoires.
Ce budget présente également, reconnaissons-le, plusieurs motifs de satisfaction.
Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées entre l'État et les collectivités d'outre-mer sont en hausse et s'élèvent à 152 millions d'euros en AE et 157 millions d'euros en CP (contre 136 millions d'euros en AE et 148 millions d'euros en CP en 2017), soit une hausse de 12 % en AE et de 6 % en CP. Cette hausse est particulièrement bienvenue, alors que de nombreux contrats ont fait l'objet d'un important sous-financement les années passées.
Le fonds exceptionnel d'investissement sera maintenu sur l'ensemble du quinquennat. Ses crédits sont en augmentation de 3 % en AE et stables en CP. Surtout, le Gouvernement s'est engagé à un maintien de sa dotation au niveau de 2018 sur l'ensemble du quinquennat. Nous avions souligné, dans le rapport d'information que nous lui avons dédié l'an dernier, l'utilité de cet instrument. Nous serons donc particulièrement vigilants quant au respect de la promesse du Gouvernement.
Ce budget conforte le service militaire adapté, qui a atteint en 2017 l'objectif fixé : former 6 000 jeunes ultramarins et leur permettre une insertion dans le monde professionnel. Ses crédits sont en augmentation de 4,16 % en AE et 4,25 % en CP, et le ratio d'encadrement a été amélioré.
Mon collègue Nuihau Laurey souhaitait toutefois appeler notre vigilance sur certains points. Si les crédits de paiement dédiés à la construction neuve seront en augmentation, il faut reconnaître que les crédits affectés au logement, dans leur ensemble, sont en baisse (de 8,13 % en AE et de 1,57 % en CP). En 2018, le Gouvernement prévoit la construction de 5 870 logements locatifs sociaux et très sociaux et 3 550 réhabilitations de logements. Cette prévision reste inférieure au nombre de réhabilitation et de constructions annuelles nécessaires pour atteindre l'objectif fixé par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de 2017. Cette baisse de crédit est donc préoccupante, étant donné l'ampleur des besoins en logements et l'augmentation des coûts de construction.
Les crédits destinés à la continuité territoriale sont en baisse de 1,3 % en AE et en CP. Cette poursuite de la baisse des crédits traduit le retrait de l'État dans l'effort de désenclavement des collectivités ultramarines, alors même que le financement de la continuité territoriale faisait partie des promesses de campagne.
Enfin, le dernier motif de préoccupation porte sur la programmation triennale 2018-2020, qui prévoit une augmentation des crédits de 0,5 % en valeur (contre une augmentation de 3 % en moyenne pour les missions du budget général), ce qui équivaut à une baisse en volume de 2 %.
Cette programmation pourrait être insuffisante pour donner les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires. Par ailleurs, il serait justifié que la pertinence de cette programmation puisse être réévaluée après la tenue des Assises des outre-mer.
Aussi, c'est bien conscients des carences de ce budget, mais également du fait qu'il s'agisse d'une « transition » que nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » sans modification.
Je succède à Serge Larcher en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur ce budget, que nous examinerons la semaine prochaine. À ce stade, il m'est donc difficile d'exprimer un commentaire général. Je puis toutefois vous faire part de quelques observations, puisque c'est la dixième fois que je dois me prononcer, comme parlementaire, sur le budget de l'État et sur celui de la mission « Outre-mer ». Pendant ces dix ans, c'est la seule mission qui n'a jamais diminué. Le rapporteur spécial a justement observé que ce budget n'est pas le seul des outre-mer : c'est une mission à périmètre variable. Il suffit de jouer sur ce périmètre pour la rééquilibrer : telle est l'impression que j'ai eue.
Dans certains secteurs, les crédits diminuent, comme l'a noté le rapporteur spécial, notamment la continuité territoriale ou le logement, où les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer ne sont pas respectés.
Je m'interroge, à propos des Assises des outre-mer dont on parle beaucoup, sur le fait de savoir s'il ne s'agit pas d'une année perdue, au sens budgétaire, à l'exception de quelques crédits concernant la Guyane. C'est un avis provisoire. Sur le CICE et la CSG, je suis également inquiet, surtout pour les collectivités, comme la mienne, qui n'ont pas d'autre ressource fiscale : l'État semble revenir sur cette compétence transférée.
Aucun crédit supplémentaire nécessaire pour la reconstruction post-cyclonique n'apparaît à ce budget. Sont-ils ailleurs, ces crédits correspondant aux annonces médiatiques ? je pose cette question davantage pour la collectivité voisine de Saint-Martin, puisque Saint-Barthélemy assume sa responsabilité conformément à son statut.
Je ne peux donc pas donner d'avis. Je présenterai mon rapport le 15 novembre. Il est difficile de ne pas voter un budget en augmentation.
Oui, c'est un budget à périmètre variable, qui prend une tournure particulière cette année, en raison des événements climatiques. Il est vrai que des annonces importantes ont eu lieu. On sait qu'à Saint-Martin, le taux d'assurance est peu élevé et que certaines constructions ont été réalisées sans permis de construire. Le fonds de secours prévu dans la mission « Outre-mer » ne s'élève qu'à 10 millions d'euros et sera rapidement épuisé. Nous interrogerons donc le Gouvernement. Reconstruire vite, comme il l'a annoncé, nécessitera des moyens que les assurances seules ne pourront assumer au regard des règles actuelles.
Je salue les efforts de l'État. Comment sont ressenties sur place les Assises des outre-mer, qui devraient aboutir à un livre bleu outre-mer ? La population est-elle impliquée ?
Un plan d'urgence a été décidé au printemps, de 1,086 milliard d'euros. De nombreuses propositions ont été faites par le collectif guyanais « Pou La Gwiyann dékolé ». Un groupe de suivi devait être mis en place. Y a-t-il déjà un début de mise en place concrète de ces mesures ? Où en est-on ?
Merci à Georges Patient, dont le rapport est plus sincère et plus vrai que ceux que j'ai pu lire à l'Assemblée nationale. Je partage ce qu'a dit Michel Magras, sauf la conclusion. Je ne pourrai voter ces crédits. Je ne partage pas votre optimisme. Depuis Christian Paul, on avait déjà atteint près de 2 milliards d'euros. Cette mission stagne, or il faut des moyens autres pour répondre aux besoins.
Je ne suis pas sûr que ce soit un budget de transition, je parlerais plutôt de pérennisation de la stagnation. Le périmètre m'étonne. L'exécution budgétaire diminue de 90 millions d'euros sur les lycées, collèges et autres écoles. On nous présente un budget initial qui n'est presque jamais exécuté comme le Parlement l'a voté. Sauf erreur, il y a une vraie baisse de la mission.
On a pris une loi sur le logement outre-mer. Dans ce budget, ce n'est pas une transition à cet égard, mais un désengagement, en dépit des urgences mobilisatrices. Prenons l'article 52 du présent projet de loi. Les aides personnalisées au logement (APL) ne s'appliquent pas outre-mer, or ces territoires les financent. Certes, notre plafond est plus faible qu'en métropole, mais dès que nous dépassons, de 20 %, nous finançons le fonds national des aides à la pierre, dont nous ne bénéficions pas. On nous l'a refusé lors de la discussion de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. C'est difficile à accepter.
Quelle est la véracité des chiffres ? Quant au fonds exceptionnel d'investissement, pour lequel François Hollande s'était engagé à hauteur de 500 millions (tout en n'atteignant que 250 millions d'euros), nous sommes à 250 millions... soit très loin du compte : l'effet de levier ne jouera pas !
Le Président de la République, alors candidat, s'est engagé à hauteur d'un milliard pour les outre-mer, et au total pour 2,5 milliards d'euros ; plus la Guyane, cela fait 4,6 milliards d'euros, sans compter le financement d'Irma et de Maria. Or il n'y a rien sur les autres missions. Georges Patient, qui est guyanais, connaît les insuffisances. Je ne peux donc pas voter cette mission. Ce n'est pas un budget de transition. Le Gouvernement n'a pas encore intégré dans son logiciel le fait qu'appliquer à des situations différentes des règles identiques constitue une discrimination. Lorsqu'on nous dit « Père Noël », « fainéants », l'on n'a pas pris la mesure de la situation vécue dans tous les outre-mer.
Dans quelle mission sont inscrits les crédits dévolus à la reconstruction ? Je souligne la diversité des territoires, notamment en matière de sécurité. Les budgets dans ce domaine sont-ils dans cette mission ? Ces territoires souffrent d'une discrimination à cet égard par rapport à Paris en particulier. C'est scandaleux.
Rapporteur de la mission « Immigration, asile et intégration », je voulais savoir ce qui est prévu, pour Mayotte et la Guyane en particulier. Autre question sur le développement de ces territoires : Quid des recherches pétrolières en Guyane, qui pourraient être une chance inouïe pour ce territoire et la franque ?
Le montant des crédits exprime la légitime solidarité de la Nation à l'égard des outre-mer. Je note une augmentation significative des crédits relatifs à la circulation routière et au stationnement, de 35,6 %, à hauteur de 241 millions d'euros. Sans doute a-t-elle une explication.
Je préside l'Association nationale des élus du littoral et rencontre à ce titre les élus locaux. Je reviens d'une mission à La Réunion. On est sans doute plus dans la réaction que dans l'anticipation, face aux enjeux considérables de ces territoires. Ainsi, à La Réunion, le chantier gigantesque de la route du littoral répond aux problèmes d'érosion. Le Conservatoire du Littoral a réalisé des expertises sur les risques à long terme de submersion du littoral en Guadeloupe ou en Martinique, qu'il faut aussi anticiper dans ces budgets.
Nous pourrions ouvrir un débat général sur les problèmes des outre-mer, mais concentrons-nous sur ce budget, qui, je l'ai dit, représente 13 % des crédits alloués aux outre-mer. En dehors de ces deux programmes, il faut aller chercher un peu partout l'ensemble des crédits de l'État, qui s'élèvent à 21 milliards d'euros, y compris les 4 milliards d'euros de dépenses fiscales.
J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un budget de transition. Le Président de la République, en Guyane, a laissé entendre que les priorités de la politique outre-mer surgiraient des Assises, ce qui a été diversement perçu. Ainsi, dans mon territoire d'origine, ceux qui ont signé les accords sont contre ces Assises, préférant travailler dans le cadre d'états généraux qu'ils ont déjà lancés. D'autres mêmes ont laissé entendre que ces Assises seraient une façon de gagner du temps pour le Gouvernement. Celui-ci a déclaré que les deux milliards d'euros supplémentaires, en sus du plan d'urgence d'un milliard, devraient être étudiés dans le cadre de ces assises, priorité du Gouvernement. À Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire de la ministre, ces assises n'ont pas été mises en place. En Guadeloupe, en Martinique, je ne sais ce qu'il en est au juste. À La Réunion, elles ont démarré (Michel Magras était réservé sur ces assises).
Un calendrier a été établi par le Gouvernement, de telle sorte que les projets présentés cette année soient actés dans la loi de finances pour 2019. Le Président de la République a même évoqué la possibilité d'une loi.
Je n'entre pas dans le détail de l'analyse de Victorin Lurel, qui a été ministre. Pour le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), on peut considérer qu'il augmente par rapport aux sommes effectivement mises à disposition lors du quinquennat précédent. Pour le logement, des crédits seront encore ajoutés dans le courant de l'année. La ligne budgétaire unique est très critiquée : les engagements seront maintenus, wait and see !
Quant à la sécurité et à l'immigration, ces crédits ne figurent pas dans cette mission. Pour la Guyane, les engagements du plan d'urgence ont été pris. Des mesures fortes ont été annoncées par le Président de la République lors de sa visite en Guyane : le RSA serait repris, avec un temps de présence de quinze ans, au lieu de cinq ans, et les paiements seront effectués par carte, et non pas en espèces ou par virement, ce qui a paru satisfaire la population guyanaise.
Nous demandons l'approbation de ces crédits.
Je ne jette pas la pierre au ministère des outre-mer, qui connait bien les réalités ultramarines, et est confronté tous les ans aux arbitrages budgétaires. Il ne peut faire inscrire au budget tout ce qui correspond aux besoins réels. Souvent, nous, parlementaires, devons arbitrer des différends entre son approche et celle de Bercy.
Il est vrai que l'on s'intéresse de plus en plus à l'outre-mer, si l'on prend en considération le nombre de lois votées, peut-être que les délégations y sont pour quelque chose... Sur les Assises, je considère simplement qu'il y a une année budgétaire perdue. Les deux territoires cyclonés, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, en ont été exclus.
Enfin, je dois remercier nos amis guadeloupéens et martiniquais, qui ont réagi très vite, mais aussi toutes les collectivités et départements de France, qui ont agi, ainsi que la Fondation de France, l'agence française de la biodiversité et la Croix-Rouge.