Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 6 décembre 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Le 22 novembre dernier, le Gouvernement a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale son « projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants ». Sans attendre que l'Assemblée en ait achevé l'examen, j'ai souhaité que notre commission entame ses travaux sur ce texte dès à présent.

Notre rapporteur, Jacques Grosperrin, a été nommé la semaine dernière. Ses auditions, ouvertes à l'ensemble des membres de la commission, ont débuté hier et se poursuivront tout au long du mois de décembre.

Notre première audition en commission sur ce texte est consacrée aux établissements principalement concernés par la réforme : les universités, représentées par M. Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU) et les lycées, représentés par M. Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN).

Debut de section - Permalien
Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN)

Le SNPDEN est la première organisation représentative des personnels de direction de l'éducation nationale. Je suis, par ailleurs, proviseur d'un lycée polyvalent à Marseille, regroupant 2 400 élèves, 315 enseignants et 80 autres personnels. Le SNPDEN considère qu'à ce stade, le projet de loi devrait permettre une affectation pacifiée dans le supérieur, après les aléas de la dernière campagne des admissions post-bac (APB).

Plusieurs points attirent favorablement notre attention : la disparition du tirage au sort, un travail plus coopératif de l'ensemble des acteurs, un travail sur ce qui est attendu d'un jeune bachelier à son entrée dans le supérieur, et, enfin, une offre supplémentaire dans les filières en tension. Je vous rappelle qu'en cette dernière rentrée, 6 000 lycéens étaient sans affectation. Toutefois, si le constat avait été fait trois ou six semaines plus tard, le problème aurait vraisemblablement disparu, - je l'ai constaté dans mon établissement. Il s'agit, en effet, d'un problème conjoncturel d'affectation des bacheliers à la rentrée qui se résorbe au fil du temps, à vitesse variable selon les filières. Le SNPDEN est donc favorable aux principes généraux de ce texte.

Nous sommes en revanche plus dubitatifs sur les mesures qui concernent le lycée, à la fois sur leur contenu, sur leur faisabilité ainsi que sur leur calendrier. Nous nous interrogeons en particulier sur la date de démarrage choisie : le 21 janvier 2018. Une foultitude d'annonces et de prescriptions nous a été faite, sur des supports divers, mais le tout manque de cohérence.

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

La CPU est favorable à ce projet de loi, dont le point principal, la disparition du tirage au sort dans les filières en tension dans les universités, est très positif. Il ouvre de surcroît des perspectives de rapprochement entre les différents acteurs de l'enseignement supérieur : les lycées, les universités et les acteurs des autres ministères. Toutefois, les délais de mise en oeuvre nous semblent extrêmement courts pour cette année, d'autant que beaucoup d'inconnues subsistent. La réforme ne pourra vraisemblablement pas se mettre en place, dans toute son ampleur, dès l'année prochaine. Cette réforme doit donc être pensée dans la durée et il ne faudra pas en attendre trop de résultats avant deux ou trois ans.

Le texte confère un rôle très important aux recteurs et je regrette qu'en revanche il ne donne pas plus de marques de confiance aux universités. Or, la réforme ne pourra se mettre en place que dans un climat de confiance mutuelle entre recteurs et universités.

Enfin, il ne nous semble pas souhaitable de multiplier les contraintes de niveau législatif. Il a en effet été démontré, par exemple dans le cas du master, qu'il était bon de laisser aux universités l'autonomie et la capacité de fixer leurs programmes. Les dernières études sur l'insertion professionnelle des jeunes issus de nos masters sont là pour le prouver.

En conclusion, je vous demande de faire confiance aux universités pour la mise en oeuvre de cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Le projet de loi aboutit à transférer une charge auparavant assumée par l'algorithme d'APB sur les équipes des universités qui vont devoir, dans les filières en tension, examiner les dossiers de tous les candidats. C'est une bonne chose mais les universités sont-elles en mesure d'absorber cette nouvelle charge de travail ? L'avez-vous chiffrée ?

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

Il est certain que c'est en partie une nouveauté pour nos établissements. Les instituts universitaires de technologie (IUT), qui sont une composante de nos établissements, ont déjà cette expertise. Et nous estimons que la charge de travail pour l'entrée dans une licence devrait être comparable à celle que nous connaissons pour l'entrée dans un diplôme universitaire de technologie (DUT). Nous espérons que les outils qui seront mis à notre disposition seront les mêmes qu'actuellement pour les filières sélectives, afin de faciliter la tâche de nos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Quel bilan avez-vous tiré de l'application de la loi sur la sélection en master et en particulier de l'application du « droit à la poursuite d'études » ? Ne craignez-vous pas que le dispositif du présent projet de loi, qui confie à nouveau au recteur le soin de proposer une formation aux candidats qui n'auraient eu aucune proposition d'admission via Parcoursup, n'aboutisse à une nouvelle « usine à gaz » ?

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

L'affectation en début d'année dans les masters n'a pas été aussi fluide qu'espéré mais nous ne pourrons en faire véritablement le bilan que l'année prochaine. S'agissant de l'affectation en licence, il ne nous semble pas souhaitable que le recteur affecte dans nos filières, sans échange avec nos établissements. Il nous paraît donc très important que le dispositif prévu ne soit pas une affectation « sèche ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Tous les bacheliers 2018 qui le souhaitent pourront-ils être inscrits dans une formation du supérieur avant le début de l'année universitaire ? Quant aux universités, seront-elles toutes en mesure de proposer des parcours personnalisés dès la rentrée 2018 ?

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

En ce qui concerne les inscriptions, nous devons encore améliorer notre fonctionnement. Il y a notamment un travail à accomplir avant la rentrée pour disposer d'une information fiable sur les places disponibles.

Pour répondre à votre deuxième question, la création de parcours personnalisés nécessite une ingénierie pédagogique que nous ne sommes pas à même de mobiliser pour créer de nouveaux programmes dès l'année prochaine. En revanche, nous pourrons nous appuyer sur les programmes existants que nous aménagerons si besoin. La véritable mise en place des parcours personnalisés se fera à la rentrée suivante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Quelle est la place des bacheliers professionnels et technologiques dans les sections de techniciens supérieurs (STS) et les IUT ? Combien sont-ils chaque année à ne pas obtenir de places dans ces filières et à se retrouver affectés par défaut en licence générale ? Avec quels résultats ? Quelles sont les solutions les plus adaptées selon vous : le passage du DUT ou du brevet de technicien supérieur (BTS) de deux à trois ans ou bien un plan massif de création de nouvelles places en IUT et en STS ?

Debut de section - Permalien
Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN)

Les parcours des bacheliers technologiques sont extrêmement divers : certains trouvent quasi automatiquement leur place dans un BTS ou un IUT tandis que d'autres rencontrent d'immenses difficultés. À titre d'exemple, l'université d'Aix-Marseille a mis en place, avec nos lycées, un système de passerelle permettant aux étudiants en difficulté en cours de premier trimestre en IUT d'intégrer un BTS.

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

Dans mon établissement, certaines filières comptent jusqu'à 20 % d'étudiants titulaires d'un bac technologique et 5-6 % de titulaires d'un bac professionnel. Dans la grande majorité des cas, il s'agit d'étudiants dont ce n'était pas le premier choix.

La réforme a vocation à éviter ces situations puisque, en l'absence de classement des voeux exprimés, elle devrait permettre d'accueillir les étudiants dans la filière de leur choix. Mais c'est surtout la question des moyens alloués qui se pose. On peut espérer que la réforme améliore le processus de l'affectation mais elle ne résoudra pas le problème du nombre de places et de leur financement.

Comment faire pour augmenter le nombre de places sans moyens supplémentaires ? Surtout que les formations de DUT coûtent en moyenne plus cher que les formations de licence générale, même STAPS. Pour accueillir plus de jeunes, allons-nous devoir réaliser des arbitrages en faveur des formations les moins onéreuses ? Est-ce l'objectif de la Nation ? Or la probabilité d'augmenter le nombre de places en DUT me semble très faible compte tenu des moyens qui nous ont été promis pour l'année prochaine.

Le passage du DUT de deux à trois ans nécessitera une transformation très profonde car aujourd'hui, les IUT sont devenus des « classes préparatoires bis » avec un objectif de poursuite d'études dans les écoles d'ingénieurs et les masters des universités. Remarquons également que les programmes des DUT ne sont pas véritablement adaptés aux bacheliers technologiques.

Pour accueillir plus d'étudiants en DUT, il faudrait donner explicitement à ces formations un objectif d'insertion professionnelle à bac + 3, comme le souhaitent les milieux socio-professionnels. Les contenus pédagogiques de DUT, qui font l'objet d'un cadrage national, doivent également évoluer. C'est donc l'État, et non les universités, qui dispose actuellement des moyens de faire évoluer les choses. Vous comprendrez donc qu'il y a une tension entre cadrage national et capacité à accueillir plus d'étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Quel regard portez-vous sur la contribution créée à l'article 4, son montant et ses finalités ?

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

Si la promesse de moyens supplémentaires est tenue, nous y sommes évidemment favorables. Il ne me paraît pas choquant que son montant puisse être variable selon le niveau d'études. Certains établissements avaient déjà mis en place des politiques fortes en matière culturelle et sportive, appuyées sur l'engagement d'étudiants volontaires ; dans ces établissements, il conviendra d'évaluer l'impact de cette contribution sur les activités culturelles et sportives et la participation des étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Il me semble, comme vous, qu'il serait probablement prématuré d'envisager une évaluation du dispositif dès la prochaine rentrée compte tenu du calendrier de mise en oeuvre.

Les délais d'affectation nous préoccupent. Ce n'est pas la même chose pour un étudiant de connaître son affectation en juillet ou de l'apprendre en septembre, quand ce n'est pas en octobre ou en novembre. Avez-vous un éclairage à nous apporter sur ce point ?

Le « oui-si » est l'une des innovations du projet de loi. Comment vous préparez-vous à la mise en place, dès l'année prochaine, de ces périodes de remise à niveau à l'université ?

La nomination d'un deuxième professeur principal dans les classes de terminale dès décembre 2017 se fait-elle sans difficultés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Nous identifions les mêmes éléments positifs dans cette réforme et partageons vos réserves concernant le calendrier de sa mise en oeuvre. L'année à venir sera sans doute la plus critique.

Les décisions concernant l'orientation doivent-elles relever du conseil de classe ? Ne serait-il pas plus efficient qu'une petite équipe, constituée en particulier du chef d'établissement et des professeurs principaux, prépare la décision, quitte à ce que cette dernière soit ensuite soumise au conseil de classe pour validation ?

S'agissant des filières en tension, et plus particulièrement de la question des « attendus », les difficultés à connaître précisément les métiers de demain poseront problème. Envisagez-vous de guider un élève qui ne remplirait pas les attendus au départ ? Il ne faudrait pas que les enseignants soient, au final, placés devant une responsabilité qui n'est pas la leur : leur rôle doit se limiter à orienter sans prescrire.

Je m'étonne qu'il ne soit jamais fait mention des conseillers d'orientation. Seront-ils associés à cette réforme ?

Avez-vous défini des critères au niveau national pour la nomination des futurs directeurs d'études ou le choix des profils sera-t-il laissé à l'entière liberté de chaque établissement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Même si les sénateurs ont la réputation de prendre le temps de la réflexion, le temps presse pour cette réforme après l'échec d'APB lors de la dernière rentrée. L'évolution démographique laisse peu d'espoir sur le fait que la situation puisse s'améliorer d'elle-même, avec l'entrée à l'université des générations nées dans les années 2000. C'est l'avenir de nos étudiants qui est en jeu. Je m'interroge : le baccalauréat aura-t-il encore un sens à partir du moment où l'entrée à l'université se fera sur la base du dossier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Plusieurs tribunaux administratifs ont jugé que le tirage au sort était illégal : permettez-moi de ne pas considérer que la suppression d'un dispositif illégal constitue un progrès en soi.

Cette réforme sera probablement regardée avec intérêt par les enseignants et les étudiants car ceux-ci sont dans une insatisfaction totale à l'égard des conditions matérielles qui sont les leurs actuellement. Je pense que, pour cette raison-là, il ne devrait pas y avoir de mobilisation contre la réforme.

Sur le fond, peut-on se satisfaire d'un projet qui part du principe qu'il n'est pas possible de donner à tous les étudiants une formation à l'université ? Et où iront les bacheliers technologiques et professionnels qui ne seront pas acceptés à l'université et qui n'auront pas de place dans les filières technologiques et professionnelles ? Nous avons besoin d'un nouveau projet de société. Notre système d'enveloppe fermée pose un vrai problème ne serait-ce que compte tenu de la poursuite de l'augmentation du nombre des étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

L'enveloppe de crédits n'est pas fermée, elle est en augmentation dès 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

La question du baccalauréat soulevée par Françoise Laborde est une vraie source de préoccupation car on sait bien que les dossiers des élèves n'auront pas la même valeur selon l'établissement d'origine. Attention à ne pas sacrifier une référence républicaine essentielle pour le respect de l'égalité, à savoir le concours.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Quel bilan tirez-vous du dispositif « meilleurs bacheliers » ? Êtes-vous favorable à son élargissement aux formations non sélectives ? Ce dispositif vous semble-t-il compatible avec le système mis en place à l'article 1er du projet de loi ?

Je m'étonne que le Gouvernement ne conduise pas une réflexion sur une refonte profonde de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP). En tant que mère de famille d'un élève en terminale, j'ai pu constater combien cet organisme était absent et déconnecté des métiers du futur. Il pourrait pourtant jouer un rôle important pour aiguiller les élèves.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Il faudra attendre que la réforme se mette en place pour en mesurer les résultats. Il n'y a pas de raison d'être trop pessimiste car les emplois évoluent et les jeunes seront amenés à changer de métier. Et le paysage des formations ne sera complet qu'après la réforme de l'apprentissage et de la formation continue que nous attendons.

Tout cela me semble positif, la procédure APB a été réformée et on tient compte de l'orientation au lycée.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Ce projet de loi est louable et recueille l'assentiment de beaucoup d'entre nous mais nous craignons que la première année de sa mise en oeuvre soit difficile et que les jeunes bacheliers en fassent les frais. Les informations disponibles sont encore très floues et l'attente des jeunes et de leurs familles est forte. La jeunesse est souvent maltraitée ainsi qu'on l'a vu avec le tirage au sort pour l'accès à certaines formations supérieures. Les nouvelles places envisagées devront impérativement être ouvertes là où existent des débouchés professionnels. Je prends pour exemple des témoignages recueillis hier au Salon nautique selon lesquels il y aurait 400 emplois non pourvus en Vendée dans l'industrie nautique, la plasturgie, etc. À quand des formations en adéquation avec les emplois ? Les jeunes sont trop souvent seuls face à leur orientation - et se tournent parfois vers des bilans de compétences payants - alors qu'il existe de nombreux organismes dont on ne sait à quoi ils servent. Il y a des économies à faire.

Debut de section - Permalien
Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN)

Nous sommes inquiets du processus d'affectation « au fil de l'eau » dans Parcoursup, compte tenu des délais envisagés de réponse. Le risque existe que les bons élèves reçoivent plusieurs propositions et restent dans l'expectative le temps de faire leur choix, ce qui se répercuterait sur les établissements. Ce risque de mauvaise régulation pourrait créer plus de difficultés que le nouveau système n'en résoudrait. On a le sentiment que la procédure APB a été tuée pour des raisons politiques alors qu'elle ne fonctionnait pas si mal. Certes, 6 000 bacheliers n'ont pas pu être affectés cette année mais des centaines de milliers ont été correctement affectés. C'est l'alimentation d'APB qui posait problème mais pas le système en lui-même qui était maîtrisé par les différents opérateurs.

Concernant le second professeur principal, nous avons attendu trop longtemps les dispositions réglementaires d'application. Ce qui m'inquiète en tant que proviseur, c'est l'épuisement rapide du vivier : au mois de juin de chaque année, entre un quart et un tiers des enseignants répond favorablement à l'appel à candidatures mais il est difficile d'en trouver davantage.

Concernant le rôle du lycée dans l'orientation, on oublie trop ce qui a déjà été fait. Il y a déjà un quasi trop-plein d'informations adressées aux élèves de terminale dont la difficulté concerne plutôt le décryptage de ces informations. A ce stade de l'année, la plupart des élèves de terminale savent déjà souvent ce qu'ils veulent faire.

Les psychologues de l'éducation nationale (PsyEN) sont en nombre insuffisant. Néanmoins, ils sont largement mobilisés actuellement par les centres d'information et d'orientation (CIO) pour accompagner la réforme.

Concernant le rôle du conseil de classe, nous avons des réserves sur le degré de formalisation qui lui sera demandé car j'ai calculé qu'il aurait 4 200 avis à formuler chaque année dans mon lycée. Un travail préparatoire devra donc être mené par une équipe chargée de pré-instruire les avis avant le conseil de classe, celui-ci ne se prononçant que sur les cas problématiques. Les enseignants ne diront pas « non » mais conseilleront en fonction du parcours de l'élève et des prérequis pour inciter dans le choix. C'est d'ailleurs ce qui se fait déjà.

Concernant l'ONISEP, le problème tient d'abord à la mission de cet organisme qui est de diffuser un catalogue des formations existantes et rien de plus.

Par ailleurs l'articulation entre la mise en oeuvre des nouvelles dispositions et le calendrier de Parcoursup nous inquiète. Nous connaissions bien la procédure APB. Si l'ergonomie du nouveau système est similaire, nous pourrons transférer les informations relatives à nos formations et nos établissements sans problème. S'il faut refaire toute cette présentation dans le nouveau système d'ici le 15 janvier 2018, je ne garantis rien. Enfin je ne sais pas aujourd'hui quelles informations il me sera possible de transmettre aux parents d'élèves pour leur expliquer les principes de cette orientation, comme cela se fait normalement au mois de janvier. Je vais attendre une consolidation du dispositif avant de m'adresser à eux.

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

Les difficultés rencontrées avec APB ne sont pas liées à l'outil lui-même mais à l'inadéquation du nombre de places disponibles dans les universités au regard des demandes. Il est arrivé à d'autres outils informatiques de connaître des « accidents industriels » ; ce n'est nullement le cas de la plateforme APB.

Le classement des voeux induit par l'outil pouvait conduire les lycéens à ériger des stratégies complexes pour leurs choix d'orientation. Avec la réforme, qui supprime l'ordonnancement des voeux en amont, les jeunes seront invités à réfléchir plus finement à leur choix d'avenir dans le supérieur.

Par ailleurs, alors qu'avec APB il était impossible de comprendre pour quelle raison tel lycéen était refusé dans une formation alors que son camarade, de niveau égal, était accepté, la nouvelle plateforme permettra d'expliquer la décision d'orientation au regard des prérequis de l'élève, de sa domiciliation, etc.

Pour ces différentes raisons, la réforme proposée me semble aller dans le bon sens même s'il conviendra d'être vigilant sur la question des délais de réponse.

La mise en place des dispositifs d'accompagnement pour les élèves acceptés sous condition dans une formation sera lancée dès la rentrée 2018 mais ne sera pleinement effective qu'après quelques années ; en effet, les établissements ont besoin de savoir si le nouveau système va modifier ou non le niveau et les parcours des étudiants accueillis, afin de pouvoir adapter les outils de mise à niveau aux besoins.

Je suis pour ma part très favorable à un renforcement du lien entre l'université et l'enseignement secondaire au travers d'outils comme les avis donnés par le conseil de classe de terminale sur les choix d'orientation des élèves. Cette mesure, qui peut sembler difficile à mettre en place par les lycées, me semble tout à fait intéressante.

En ce qui concerne les directeurs d'études, je ne crois pas nécessaire de leur attribuer un statut ni de confier cette fonction à des personnels spécifiques. Il me semble logique qu'ils soient recrutés parmi les enseignants du supérieur, qui pourront ainsi se réapproprier les questions d'orientation.

La réforme qui nous est proposée n'empêche nullement l'université d'accueillir tous les étudiants. Elle propose en revanche un accompagnement adapté à ceux qui en ont le plus besoin.

J'ai néanmoins quelques regrets, notamment le fait que le baccalauréat n'ait pas été mieux pris en compte dans les prérequis demandés aux élèves. À cet égard, je suis favorable à l'extension du dispositif « meilleurs bacheliers » à l'ensemble des filières, y compris non sélectives, de l'enseignement supérieur. Imaginez que certaines mentions très bien sont aujourd'hui refusées en STAPS !

S'agissant de l'ONISEP, l'établissement a fait des efforts.

Les universités ne se désintéressent pas des débouchés professionnels des formations qu'elles proposent. Dans les universités, 91 % des diplômés de master s'insèrent sur le marché du travail. La filière STAPS connaît un franc succès sur le marché du travail : ses diplômés ne sont pas cantonnés au métier de professeur d'éducation physique et sportive, ils se retrouvent désormais dans le monde du management du sport, de la kinésithérapie, etc.

Enfin, je partage vos préoccupations s'agissant du développement de bilans de compétences payants proposés à des lycéens ou des préparations privées à l'entrée en PACES (première année commune aux études de santé) que nous avions évoquées lors d'une précédente audition : le service public devrait pouvoir accompagner tous les jeunes en matière d'orientation.

Debut de section - Permalien
Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN)

S'agissant des difficultés rencontrées par les établissements pour recruter un second professeur principal, permettez-moi de partager avec vous les résultats d'un sondage en ligne que nous avons réalisé hier auprès de nos adhérents chefs d'établissement : pour 15 % des établissements ayant répondu, le recrutement est terminé ; dans 40 % des cas, il est en cours ; 30 % des sondés ont déclaré avoir des difficultés de mise en oeuvre et 15 % avouent n'avoir rien entamé.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

J'aimerais revenir sur le calendrier contraint de la réforme : Parcoursup doit être mis en service dès le 15 janvier 2018, date à laquelle nous n'aurons pas encore examiné le projet de loi. Que répondra-t-on aux interrogations des lycéens et de leurs familles ? On est dans le flou ! Et comment les lycées vont-ils pouvoir mettre en place les deux semaines consacrées à l'orientation en si peu de temps cette année ?

Le Gouvernement a annoncé près d'un milliard d'euros de crédits supplémentaires et la création de 2 500 emplois sur la durée du quinquennat pour accroître les capacités d'accueil et accompagner les étudiants. Où sont ces crédits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Nous sommes au mois de décembre et nous discutons encore des modalités d'affectation des élèves de terminale ! Pour avoir été professeur jusqu'en septembre dernier, je mesure les inquiétudes liées à l'orientation et l'affectation des élèves.

S'agissant de la procédure proprement dite, je m'interroge sur la réponse « oui si » qui pourra être donnée au candidat. Quels types de dispositifs de remise à niveau seront-ils proposés ? Par ailleurs, ne faudrait-il pas prévoir un nombre minimal de voeux à formuler sur Parcoursup ?

Quant à la formation à l'orientation, qui doit avoir lieu bien avant le premier semestre de la classe de terminale, quel est le rôle des psychologues de l'éducation nationale (PsyEN), anciennement conseillers d'orientation-psychologues (COP) ? En effet, les professeurs ne sont pas, à mon sens, les mieux placés pour parler des formations de l'enseignement supérieur et des métiers, la plupart n'ayant jamais mis les pieds dans une entreprise.

Je ne supporte pas d'entendre dire que les élèves sont seuls face aux choix d'orientation. Depuis la classe de seconde, les professeurs principaux se bagarrent, parfois en vain, pour que les élèves s'y intéressent.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

N'oubliez pas que les jeunes de province ont souvent plus de difficultés à accéder aux informations sur les métiers du futur que ceux de la capitale.

Pourriez-vous nous en dire davantage sur les difficultés que rencontrent les lycées pour trouver des professeurs principaux supplémentaires ? À quelles réticences les proviseurs se heurtent-ils ?

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Les universités sont-elles en capacité d'assurer les visites médicales des étudiants étrangers, dont la responsabilité leur a été transférée de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sans les moyens afférents ?

Je souhaiterais également avoir l'avis de M. Vincent sur le rôle joué, dans l'orientation des élèves, par les centres de documentation et d'information (CDI) des lycées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

L'article 4 du projet de loi crée une contribution en faveur de la santé et de la vie étudiantes. Celle-ci devrait être collectée par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) avant d'être reversée aux établissements. Garantit-elle le maintien des politiques de prévention actuellement menées en faveur des étudiants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Sur l'orientation, ne devrait-on pas réfléchir à un travail de longue haleine, très en amont de la classe terminale, sur la connaissance de soi, des métiers et du système éducatif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

Le projet de loi renvoie à l'autorité académique de nombreuses prérogatives, dont celle de veiller à la mobilité géographique des étudiants. Or, le nombre et la qualité des formations sont très variables d'une académie à une autre. Avec une priorité académique, certaines formations sous tension pourraient être inaccessibles aux bacheliers provenant d'autres académies. Comment apprécier le facteur géographique dans les affectations ?

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

N'oublions pas qu'APB n'est que le nom d'une plateforme. L'outil informatique sous-jacent est bien entendu conservé dans Parcoursup et tous les acteurs y retrouveront les données sur les établissements actuellement disponibles sur APB.

S'agissant du milliard d'euros annoncé dans le cadre du Plan Étudiants, nous sommes dans l'attente de plus amples précisions. En tout état de cause, les moyens qui sont consacrés à ce Plan dans le projet de loi de finances pour 2018 ne sont pas à la hauteur des attentes des établissements.

Les dispositifs de remise à niveau qui seront mis en place à la rentrée 2018 par les universités seront ceux qui existent déjà, certes améliorés mais de manière cosmétique. Il nous faudra plus que quelques mois pour bâtir et mettre en place tous les nouveaux dispositifs.

Il me semble indispensable que les enseignants du secondaire, en lien avec les conseillers d'orientation, connaissent mieux l'enseignement supérieur et les formations qui y sont proposées afin de mieux préparer les jeunes qui se destinent à une poursuite d'études post-bac.

S'agissant de la visite médicale pour les étudiants étrangers, nos universités n'ont malheureusement pas les moyens de l'assurer, avec les risques sanitaires que cela comporte.

S'agissant du reversement aux établissements du produit de la contribution à la vie étudiante prévue à l'article 4 du projet de loi, promesse nous a été fait que nos établissements bénéficieraient de plus de moyens qu'auparavant.

Les quotas maxima d'étudiants hors académie seront délicats à mettre en oeuvre, il y a un équilibre à trouver entre souci de proximité pour accueillir les étudiants de l'académie et, pour les autres, souci d'ouvrir l'accès à des formations peut-être inexistantes dans leur académie de résidence.

Debut de section - Permalien
Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN)

Les deux « semaines de l'orientation » en classe de terminale ne seront, très probablement, ni deux semaines d'affilée consacrées exclusivement à l'orientation, ni la somme d'heures éparses égrenées tout au long de l'année. Mais nous tacherons de regrouper des actions que nous conduisons déjà.

À l'origine, le choix du nom des « conseillers d'orientation » était malheureux car il laissait penser que seuls ces professionnels étaient responsables de l'orientation, alors que tous les enseignants, et tout particulièrement les professeurs principaux, savent aujourd'hui que l'orientation fait partie intégrante de leurs missions. C'est d'ailleurs la lourdeur et la complexité de cette charge qui expliquent le peu d'appétence des enseignants pour cette fonction de professeur principal.

Quant aux centres de documentation (qui sont aujourd'hui de plus en plus de véritables « centres de ressources »), ils participent certes à la mission d'orientation des élèves sans pour autant que celle-ci ne constitue leur coeur de métier.

Il n'est pas utile de poser la question de l'orientation de façon toujours plus précoce : pour que les élèves y soient réceptifs, il faut qu'ils s'y intéressent. C'est souvent le cas à partir de la classe de 1ère car les notes qu'ils y obtiennent sont intégrées dans APB et donc comptent pour leur orientation future.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il me semble que c'est très en amont qu'il faut aborder la question de l'orientation avec les élèves, comme l'avait bien montré notre collègue Guy-Dominique Kennel dans son rapport consacré à l'orientation.

N'y aurait-il pas une révolution culturelle à opérer au sein des ÉSPÉ (écoles supérieures du professorat et de l'éducation) pour sensibiliser davantage enseignants et futurs enseignants à la problématique de l'orientation ?

Debut de section - Permalien
Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU)

Je crains malheureusement qu'en matière d'orientation il n'existe pas de solution miracle. Les ÉSPÉ ont effectivement leur rôle à jouer, notamment sous la forme de formation continue et d'accompagnement des professeurs principaux.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 10.