Nous nous réjouissons du retour de notre collègue Jacques Mézard, que j'avais accueilli il y a peu dans la Manche, où il visitait en tant que ministre de la cohésion des territoires le regroupement pédagogique intercommunal Bourguenolles-La Lande-d'Airou.
Nous débutons ce matin l'examen des rapports pour avis sur le projet de loi de finances pour 2019, en commençant par celui de M. Jean-Yves Leconte sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et informations administratives ».
Le budget annexe « Publications officielles et informations administratives » est celui de la Direction de l'information légale et administrative (DILA), qui gère notamment le site www.service-public.fr.
La mission « Direction de l'action du Gouvernement » se décompose en trois programmes : d'abord le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », qui regroupe les fonctions de stratégie, de prospective et de coordination permettant le soutien au Premier ministre. On retrouve parmi les entités de ce programme le Secrétariat général du Gouvernement (SGG), le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui comprend en son sein le groupement interministériel de contrôle (GIC) et l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), le Secrétariat général des affaires européennes, France Stratégie, la Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC).
Deuxième programme de cette mission, le programme 308 « Protection des droits et libertés », qui regroupe les crédits dédiés aux autorités administratives indépendantes parmi lesquelles la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), le Défenseur des droits, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), la Commission du secret de la défense nationale (CSDN), et d'autres autorités administratives indépendantes.
Le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » regroupe, quant à lui, les crédits de fonctionnement et des crédits immobiliers locatifs. Je laisse de côté ce programme, qui a vocation à rejoindre l'an prochain le programme 307 « Administration territoriale », ce qui sera plus cohérent.
Le budget de la mission s'élevait dans le projet de loi de finances déposé à l'Assemblée nationale à 1,435 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,330 milliard d'euros en crédits de paiement. Cela représentait, à périmètre courant, une diminution de 10,66 % en autorisations d'engagement et de 10,16 % en crédits de paiement. À périmètre constant, les autorisations d'engagement diminuaient de 0,43 % et les crédits de paiement augmentaient de 0,95 % en raison de plusieurs mesures de transferts : d'une part, le transfert à Bercy d'une partie de la structure du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), d'autre part, la suppression du dispositif des loyers budgétaires - pour 136 millions d'euros en l'espèce -, qui apportait pourtant de la lisibilité et était plus conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
L'Assemblée nationale, le 16 novembre dernier, a adopté en seconde délibération une série d'amendements destinés à financer 236 millions d'euros d'augmentations de crédits : l'un d'eux diminue de 6,49 millions d'euros les crédits de paiement de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », dont 4,3 millions portant sur la coordination du travail gouvernemental, plus de 228 000 euros portant sur les autorités administratives indépendantes et près de 2 millions d'euros sur le programme 333.
Ce budget a été construit avec pour objectif le respect de la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, qui fixe le plafond de la mission au titre des crédits de paiement à 1,39 milliard d'euros. Il détermine des priorités financées grâce à des redéploiements en provenance du programme 333, mais aussi de la Direction des services administratifs et financiers (DSAF). Ces priorités sont, pour le programme 129, la sécurité et le numérique et, pour le programme 308, le renforcement des moyens accordés à la CNIL et à la CADA. À mon sens, des améliorations sont aussi souhaitables pour ce qui concerne le budget de la DILA, notamment pour mieux coordonner les publications des préfectures avec les informations publiées sur le site www.service-public.fr.
Sur le programme 129, le SGDSN bénéficie pour 2019 de moyens supplémentaires dans un contexte où la sécurité reste une priorité. L'ANSSI poursuit son développement au rythme de 25 emplois supplémentaires par an, contre 50 auparavant. En 2018, cette agence n'a pas pu pourvoir 17 des 25 postes qui lui étaient alloués faute d'enveloppe budgétaire suffisante, compte tenu des rémunérations pratiquées dans ce secteur. Elle ne peut suivre l'inflation des salaires, et le turnover y est important. C'est très regrettable, car elle est chargée non seulement de la protection des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale, mais aussi des opérateurs essentiels à l'économie et à la société. Elle doit être en mesure, d'une part, de faire face à des crises graves qui affecteraient simultanément plusieurs opérateurs et, d'autre part, de faire de la prévention pour permettre aux opérateurs de se protéger des attaques informatiques. En 2017, l'attaque dirigée contre l'Ukraine a eu un impact sur Saint-Gobain, qui se chiffre à plusieurs millions d'euros. Faire des économies sur l'ANSSI serait donc dangereux. Les 17 postes non pourvus en 2018 sont reportés en 2019 et s'ajoutent aux 25 prévus ; nous ne pouvons que saluer cette décision.
Autre bénéficiaire de moyens supplémentaires : le GIC, qui centralise les demandes d'autorisation de mise en oeuvre des techniques de renseignement. Là encore, on ne peut qu'approuver que le GIC, qui recueille et met à disposition des données brutes destinées aux services de renseignement, ait les moyens de travailler, ce qui constitue une garantie supplémentaire de respect de la loi sur le renseignement.
L'autre priorité est le numérique. Le SGMAP a été supprimé et ne reste dans le programme 129 que la composante DINSIC. Celle-ci est notamment chargée de coordonner les actions des administrations de l'État afin d'améliorer la qualité du service rendu par les systèmes d'information et de communication. Elle est chargée de la mise en oeuvre des opérations de mutualisation des systèmes d'information entre administrations. L'objectif est de permettre une circulation des données entre les ministères, ce qui n'est pas toujours le cas, faute d'harmonisation des systèmes d'information. La DINSIC va bénéficier de financements du Fonds pour la transformation de l'action publique pour un projet de « nuage » pour les données sensibles de l'État et un service de plateforme d'échange de données entre administrations. Enfin, les grands projets informatiques de l'État de plus de 9 millions d'euros sont également soumis à la DINSIC, afin d'éviter les dérives qui ont pu être constatées.
Nous avons aussi entendu en audition des représentants de France Stratégie, ancien Commissariat général au Plan, qui a évolué en une sorte de think tank placé auprès du Premier ministre. Cette mutation n'est toutefois pas aboutie. Aussi aurais-je tendance à recommander de le couper des différents hauts conseils qui lui sont rattachés et de lui donner plus d'indépendance.
Le SGAE, pour sa part, doit faire face à des dépenses de traduction importantes ; je m'interroge sur les moyens alloués en 2019 compte tenu du Brexit qui fera reculer l'usage de l'anglais au sein des institutions européennes. Ce pourrait être en effet l'occasion de mieux défendre l'usage du français et de promouvoir la francophonie.
J'en viens au programme 308. La CNIL bénéficie dans le PLF pour 2019 d'une création nette de 9 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Il s'agit en réalité de 15 postes supplémentaires compensés en partie par la perte de 6 emplois support au titre de la mutualisation. En effet, contrairement à ce qu'affirmait le Secrétaire général du Gouvernement l'an dernier, la mise en oeuvre du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), qui substitue des contrôles a posteriori aux autorisations a priori, entraîne un changement d'ampleur dans l'activité : les plaintes ont augmenté de 45 %, 14 000 délégués remplacent les 5 000 correspondants informatiques et liberté... Ce changement d'échelle justifie que des moyens complémentaires soient apportés à la CNIL.
La CADA, petite autorité, obtient un équivalent temps plein travaillé (ETPT) supplémentaire, ce qui permettra de faire face à l'explosion des demandes : de 500 dossiers par agent en 2015, nous sommes passés à 1 100 en 2017. Outre une attente du public en matière d'accès aux documents administratifs, la CADA constate que l'administration tend à ne pas faire droit aux demandes de communication de documents. Malgré des opérations de formation et sensibilisation auprès des administrations, la CADA n'est pas en capacité de respecter le délai réglementaire d'un mois qui lui est imposé pour traiter les demandes. Je souhaite que ce poste supplémentaire lui permette aussi de mettre à jour son site internet, pour assurer un meilleur suivi des décisions qu'elle a rendues et de leur respect par l'administration.
Je veux encore souligner le rôle essentiel, dans un contexte de budget de la justice contraint, du Défenseur des droits, autorité administrative indépendante de rang constitutionnel, ainsi que celui de la HATVP, dont le périmètre de contrôle s'est élargi et qui doit désormais - pour que ne se reproduise pas le cas de France Médias Monde - relancer les personnes soumises aux obligations déclaratives dont elle assure le respect.
Dernier point d'attention : le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Cette autorité mène, sous la présidence de Mme Adeline Hazan, le programme de 150 contrôles annuels lancé par son prédécesseur, M. Jean-Marie Delarue, qui a permis la visite de la totalité des établissements pénitentiaires, centres de rétention administrative et centres éducatifs fermés. De nouvelles visites ont lieu pour vérifier que les recommandations sont suivies d'exécution. Mme Hazan s'est engagée à visiter l'ensemble des lieux où sont pratiqués des soins sans consentement avant la fin de son mandat en 2020. Les délais de publication des rapports pourraient toutefois être réduits en adjoignant au CGLPL deux contrôleurs supplémentaires - j'y reviendrai.
Quelques réflexions en conclusion. Le CSA, autorité publique indépendante, est aujourd'hui exposé à un risque juridique lié à l'annulation par le Conseil d'État de l'une de ses décisions. La CNIL pourrait se trouver dans la même situation. Or ces autorités administratives indépendantes n'ont pas les moyens de faire face aux conséquences financières de telles annulations.
Les autorités administratives indépendantes sont aussi soumises aux mécanismes de régulation budgétaire comme la réserve de précaution et sont donc amenées à quémander auprès du SGG afin de pouvoir disposer de la totalité de leur budget. Or il n'y a pas de raison que ces instances, indépendantes pourtant, dépendent de l'exécutif sur leurs crédits de fonctionnement et de personnel. Ne pourrait-on pas voter un budget qui ne soit pas soumis à ces mécanismes ?
La commission des finances a déposé un amendement diminuant de 14 millions d'euros les crédits de cette mission, visant particulièrement ceux de l'ANSSI et des autorités administratives indépendantes. L'Assemblée nationale a adopté, quant à elle, l'amendement du Gouvernement, qui supprime 6,6 millions d'euros de crédits, dont 200 000 aux autorités administratives indépendantes. Je vous propose d'adopter un amendement attribuant l'équivalent de deux postes supplémentaires au CGLPL, pris sur les crédits du CSA, et, compte tenu du vote de l'Assemblée nationale, de défendre en séance publique le principe de la priorité des crédits de l'ANSSI, du GIC et des autorités administratives indépendantes, au niveau proposé initialement par le Gouvernement.
Je peine à voir la cohérence de ces actions. Il paraît que la LOLF rend le budget plus compréhensible : or plus je vis, moins je vois clair... Ce n'est certes pas le sujet de ce matin ; un jour, peut-être, y reviendrons-nous.
Je suis d'accord pour défendre l'ANSSI et le GIC, ainsi que pour voter l'amendement du rapporteur. S'agissant des autres autorités indépendantes, je demande à voir ! Ces autorités, qui grossissent et font ce qu'elles veulent dans leur coin, sont bourrées de conseillers d'État qui, eux ou leurs copains, invalident les décisions d'autres conseillers d'État...
Je voudrais remercier le rapporteur, dont le rapport clarifie nettement les enjeux. Après un accroissement important des moyens de cette mission entre 2014 et 2017, essentiellement lié au renforcement de la cyberdéfense, l'augmentation est plus modérée à périmètre constant. Les principaux bénéficiaires des augmentations sont le SGDSN, la CNCTR et la CSDN : nous soutenons le maintien de la priorité sécurité et défense. Concernant le programme 129, l'augmentation des dépenses de personnel est de nature différente. Concernant le Gouvernement, on constate une augmentation du budget à effectifs stables en raison d'un accroissement des rémunérations. En matière de sécurité et de défense, ce sont les effectifs qui tirent la hausse des crédits, en particulier dans le cas de l'ANSSI. Je rejoins le rapporteur, pour avoir travaillé sur ces questions au sein de la commission des affaires européennes : le rôle de l'ANSSI est fondamental. Et n'oublions pas la réforme de l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA), qui renforce les agences nationales pour autant qu'elles aient déjà une capacité de réaction, ce qui est le cas en France, en Allemagne, et dans une moindre mesure en Autriche et en Suède. Le groupe socialiste et républicain suivra la position du rapporteur et défendra le maintien des moyens.
Je partage votre appréciation très positive sur le rôle de l'ANSSI, qui n'a fait que croître ces dernières années. Je m'en suis mieux rendu compte au sein de la délégation parlementaire au renseignement, lorsque nous avons travaillé sur l'espionnage économique. Les intrusions numériques mettent en péril de grands groupes, qui peuvent de ce fait se trouver paralysés pendant plusieurs jours. C'est l'ANSSI qui les aide à mettre en oeuvre des systèmes de sécurité renforcés pour repousser les attaques, dont le nombre augmente exponentiellement. La rémunération d'ingénieurs de haut niveau par cette institution est un véritable sujet.
La menace pèse aussi sur les collectivités territoriales : une collectivité est attaquée chaque semaine ! Or, avec le RGPD, elles ont de nouvelles responsabilités comme désigner un responsable des données personnelles . Un travail de fond doit être fait en collaboration avec l'ANSSI.
Lors de la mise en oeuvre du RGPD en droit interne, nous avions d'ailleurs adopté, grâce à Mme le rapporteur Sophie Joissains, des dispositions destinées à compenser la charge nouvelle pesant sur les collectivités territoriales, auxquelles l'Assemblée nationale s'est hélas opposée. Le sujet aurait pourtant dû être consensuel. Nous sommes là bien dans notre rôle de représentants des collectivités territoriales.
L'amendement de notre rapporteur permettrait donc au CGLPL de recruter deux contrôleurs supplémentaires, au moyen de crédits pris sur le budget du CSA. Je confesse une légère hésitation, due à ma méconnaissance des besoins du CSA.
Je vous propose de défendre le principe selon lequel les AAI ne dépendent pas du SGG pour l'exécution de leur budget. Si le CSA ne subissait pas la réserve de précaution, il pourrait faire face à ses besoins. Je vous propose également de défendre en séance les crédits de l'ANSSI, du GIC et de l'ensemble des autorités administratives indépendantes.
Je suis d'accord concernant les crédits de l'ANSSI, du GIC et du CGLPL mais je ne défendrai pas les crédits des autres autorités !
Lorsqu'un organisme tel que le CGLPL a besoin de personnel, le ministère de la justice ne peut-il lui mettre à disposition ?
Nous nous sommes battus jadis pour que les AAI n'aient pas de personnels mis à disposition par les ministères qu'ils sont chargés de contrôler ! Lorsque mise à disposition il y a toutefois, les AAI choisissent elles-mêmes leurs candidats. La LOLF autorise la fongibilité, sous certaines réserves, au sein d'une même mission, mais pas entre deux missions différentes comme la mission « Justice » et la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Je suis favorable à la sanctuarisation des crédits de l'ANSSI, dont l'activité relève d'une extrême priorité. Peut-être devrions-nous l'exprimer plus clairement dans notre avis, pour transmission à la commission des finances.
L'ANSSI et le GIC ont notamment des problèmes de locaux : le GIC, pour accueillir les services de renseignement par exemple. Sanctuarisons les crédits de l'ANSSI et du GIC.
La CADA fait l'objet d'un nombre croissant de saisines et a rendu un nombre d'avis en hausse de 15 % à 20 % en trois ans. Cela répond à un désir profond de plus grande transparence, et ne concerne plus seulement les marchés publics et les questions d'urbanisme. La demande de transparence allant croissant, il faudra préciser davantage les conditions d'accès aux documents administratifs, tout en régulant un souhait qui doit être contenu. C'est le rôle de cette autorité, dont les moyens ne sont pas au niveau.
La commission adopte l'amendement LOIS.1 présenté par le rapporteur.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et informations administratives ».
La fonction publique compte 5,48 millions d'agents, répartis ainsi : 44 % pour l'État, 35 % pour les collectivités territoriales et 21 % pour la fonction publique hospitalière.
L'avis budgétaire « Fonction publique » porte prioritairement sur la fonction publique d'État, dont les plafonds d'emplois sont fixés par le projet de loi de finances.
De manière plus spécifique, le programme 148 intitulé « Fonction publique » concerne les actions interministérielles de gestion des ressources humaines. Piloté par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), il est intégré à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Comme chaque année, j'ai souhaité approfondir deux sujets d'actualité : le régime des primes des fonctionnaires et la gestion des emplois de direction dans la fonction publique territoriale.
Concernant les effectifs, je rappelle que le Gouvernement s'est engagé à supprimer 120 000 équivalents temps plein (ETP) pendant le quinquennat, dont 70 000 dans la fonction publique territoriale et 50 000 dans la fonction publique d'État. L'année dernière, j'avais déjà pointé les efforts insuffisants du Gouvernement, puisque seulement 1 660 équivalents temps plein (ETP) ont été supprimés en 2018. J'ai les mêmes réserves pour l'exercice 2019, puisque le projet de loi de finances (PLF) ne prévoit de supprimer que 4 164 ETP. Comme en 2018, ce sont surtout les opérateurs de l'État qui sont mis à contribution, non les ministères.
Deux ans après le début du quinquennat, ces efforts restent insuffisants, au point que l'on peut douter que le Gouvernement atteigne ses objectifs, car il faudrait pour cela supprimer 44 176 ETP d'ici à 2022, soit environ 14 725 ETP par an...
La masse salariale de l'État s'établit à 88,3 milliards d'euros hors pensions dans le PLF pour 2019, soit une hausse de 4,26 % par rapport à 2017. Pour la seule année 2019, la masse salariale progresse de 1,35 milliard d'euros, malgré le gel du point d'indice de la fonction publique. Cette évolution s'explique notamment par l'effet mécanique du glissement vieillesse-technicité (GVT), mais aussi par des choix politiques comme l'accord « Parcours professionnels, carrières et rémunération » (PPCR). La mise en oeuvre de cet accord devait s'étaler sur quatre ans, entre 2016 et 2020, mais le Gouvernement l'a reportée d'un an : l'année 2018 a donc constitué une année blanche et son application a été étendue jusqu'en 2021. Son coût total pour les trois versants de la fonction publique est estimé à 3,75 milliards d'euros.
Cette difficile maîtrise des effectifs et de la masse salariale de l'État s'accompagne d'incertitudes concernant la stratégie du Gouvernement pour moderniser l'action publique.
En octobre 2017, le Gouvernement a installé le Comité action publique 2022 (CAP 22). Le Premier ministre avait fixé un objectif ambitieux : « réfléchir sans totems, sans tabous au rôle de l'État et de la sphère publique dans la France du XXIe siècle, pour repenser les politiques publiques ». Force est de constater que ces ambitions ont été revues à la baisse, tant pour des maladresses de forme que pour des difficultés de fond.
Sur la forme, le Comité action publique 2022 a rendu ses conclusions en juin 2018, avec quatre mois de retard par rapport au calendrier initial. Pire, le Gouvernement n'a pas rendu publics ses travaux, qui ont finalement « fuité » dans la presse en juillet dernier. En outre, ce comité n'a reçu que huit employeurs territoriaux, ce qui paraît assez « léger » pour définir des préconisations plus proches des enjeux des élus locaux.
Sur le fond, le rapport du comité affiche un triple objectif : conforter la qualité du service public, améliorer les conditions de travail des agents et réduire la dépense publique. Ses propositions permettraient « d'améliorer les comptes publics d'une trentaine de milliards d'euros à l'horizon 2022 », sans précision sur les économies ainsi générées.
Au cours de la réunion du Comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 29 octobre dernier, le Premier ministre a déclaré que le Gouvernement reprendrait entre 60 % et 75 % des propositions du Comité action publique 2022. Il n'a toutefois pas détaillé la liste des préconisations retenues. Si le Gouvernement a annoncé des mesures nouvelles pour moderniser le service public, d'autres ne font que reprendre d'anciens engagements de l'État. Les perspectives de réforme des ministères et secrétariats d'État ont été fixées par les « plans de transformation ministériels ». Ces feuilles de route sont toutefois peu précises et ne comportent aucun élément chiffré ni aucun objectif calendaire.
Sur le plan budgétaire, le programme 148 ne couvre que les actions interministérielles de gestion des ressources humaines. Il comprend trois actions : la formation des fonctionnaires (40 % des crédits du programme), l'action sociale interministérielle (58 % des crédits), et l'appui et l'innovation des ressources humaines (2 % des crédits). Cette année, les fonds consacrés à l'apprentissage ne sont plus centralisés dans le programme 148, mais sont redéployés vers le budget de chaque ministère.
Ce programme appuie et complète les initiatives ministérielles, sans s'y substituer. À titre d'exemple, il ne représente que 15 % des crédits de l'action sociale, dont le financement relève principalement des ministères.
Doté de 206,91 millions d'euros dans le PLF pour 2019, le programme 148 est en baisse de 0,91 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cette tendance s'explique par les réformes envisagées pour les Instituts régionaux d'administration (IRA) et l'École nationale d'administration (ENA).
Entre 2016 et 2018, le programme 148 intégrait une enveloppe d'environ 30 millions d'euros pour développer l'apprentissage dans la fonction publique de l'État. Si l'objectif initial - atteindre les 10 000 apprentis en 2016 - n'a pas été atteint, les efforts consentis doivent être soulignés : l'État emploie 9 841 apprentis en 2018 contre 740 en 2012.
Dans le PLF pour 2019, les aides pour le recrutement des apprentis ne figurent plus dans le programme 148, mais sont réparties dans les budgets de chaque ministère. La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) n'a pas été en mesure de préciser l'enveloppe consacrée à l'apprentissage pour l'exercice 2019. On perd donc la visibilité concernant les objectifs de l'État, ce que je regrette.
Près de 90 % des crédits de la formation interministérielle sont destinés aux IRA et à l'ENA. La formation interministérielle est dotée de 82,48 millions d'euros dans le PLF pour 2019. Des projets de réforme permettent de dégager une économie de 1,92 million d'euros par rapport à l'exercice 2018.
La subvention pour charges de service public des IRA diminue de 2,70 % pour s'établir à 44,01 millions d'euros, grâce à une réforme de la scolarité qui sera mise en oeuvre en septembre 2019. Chaque année, les IRA accueilleront deux promotions d'élèves, pour un total de 820 étudiants, contre une promotion de 730 étudiants actuellement. La durée de la scolarité passera de douze à six mois ; elle sera suivie d'un stage de six mois, dont le coût sera pris en charge par l'administration d'accueil, et non par le programme 148.
Je me suis rendue dans les locaux strasbourgeois de l'ENA pour mieux apprécier la situation financière de l'école et ses projets de développement. J'ai rencontré le nouveau directeur, M. Patrick Gérard, très dynamique et qui a une grande ambition pour l'école.
Depuis 2013, l'ENA présente un déficit annuel compris entre 3,57 millions et 1,14 million d'euros, sur un budget total d'environ 40 millions d'euros. Pour la seule année 2017, son déficit s'est élevé à 2,84 millions d'euros. Deux facteurs expliquent ces difficultés financières : la réduction de la subvention de l'État et un développement insuffisant des ressources propres de l'ENA.
La subvention pour charges de service public constitue la principale source de financement de l'ENA : elle représente près de 80 % de ses recettes. Depuis 2010, cette subvention a été réduite de 19 %, pour s'établir à 30,17 millions d'euros en 2019. Le budget de l'ENA est particulièrement rigide : la rémunération de ses personnels et étudiants représente 74 % de ses dépenses. Il a donc subi un « effet ciseau », d'autant que l'État lui a confié de nouvelles missions de l'ENA et a augmenté le nombre d'élèves devant être accueillis, sans accroître sa subvention.
Pour compenser, l'ENA a multiplié ses actions de formation continue et de coopération européenne et internationale. Cette stratégie a permis à l'école d'augmenter ses ressources propres, qui atteignent 7,18 millions d'euros en 2018, en augmentation de 18,6 % par rapport à 2013. Elle a toutefois conduit à un éclatement de l'offre de formation de l'ENA et à la multiplication d'actions non rentables ou à faible valeur ajoutée.
L'ENA a financé ses déficits en puisant dans ses réserves. Sa structure financière reste saine, notamment parce que l'école n'a pas recouru à l'emprunt. De même, l'école a réalisé des efforts en matière de gestion en supprimant 42 emplois entre 2009 et 2018 et en réduisant ses dépenses de fonctionnement de 20 % depuis 2012.
Le nouveau directeur de l'ENA porte un plan de transformation pour concilier la maîtrise des dépenses et une stratégie ambitieuse de développement de l'école. Financièrement, l'ENA prévoit de revenir à l'équilibre budgétaire en 2020, sans qu'il soit besoin d'augmenter sa subvention pour charges de service public.
De même, l'ENA ouvrirait une seconde classe préparatoire intégrée (CPI) et un concours ad hoc serait organisé à titre expérimental pour que les scientifiques accèdent à la formation initiale de l'école.
Le programme 148 finance neuf prestations d'action sociale interministérielles, qui tendent à améliorer les conditions de vie des agents en matière de restauration, de logement, de loisirs et de prise en charge de la petite enfance. Dans le PLF pour 2019, les crédits consacrés à ces prestations sont stabilisés à 119,85 millions d'euros.
Le PLF pour 2019 maintient les trois outils d'appui aux ressources humaines du programme 148 pour un montant total de 4,58 millions d'euros : le fonds d'innovation RH, le fonds interministériel d'amélioration des conditions de travail et le fonds des systèmes d'information RH.
Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 148.
Je souhaitais également aborder les primes dans la fonction publique, en particulier le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP). Cet instrument, qui a vocation à se substituer à l'ensemble des primes et indemnités versées aux agents, a trois objectifs : harmoniser et simplifier le régime indemnitaire des agents, rendre le versement des primes plus transparent et valoriser leur engagement individuel et leur manière de servir.
Le RIFSEEP comprend deux composantes : l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et le complément indemnitaire annuel (CIA).
L'IFSE est fixée selon la nature des fonctions exercées par l'agent. Son montant est réexaminé au moins tous les quatre ans ou lorsque l'agent change de poste.
Le CIA valorise l'engagement professionnel de l'agent et sa manière de servir. Son montant est réexaminé chaque année, après l'entretien d'évaluation. Le CIA est une composante facultative du RIFSEEP : l'employeur décide, ou non, de le mettre en oeuvre en fonction de sa stratégie en matière de ressources humaines. Dans la fonction publique d'État, son montant est plafonné entre 10 % et 15 % du montant total du RIFSEEP ; ce plafond ne s'applique pas à la fonction publique territoriale.
Initialement, le RIFSEEP devait être généralisé dans la fonction publique d'État entre mai 2014 et janvier 2017. Actuellement, il ne couvre que 360 000 agents d'État, soit 23 % de l'effectif total, répartis dans 265 corps ou emplois. En moyenne, ce régime indemnitaire représente une prime annuelle d'un montant de 7 341 euros bruts par agent de l'État, dont 6 741 euros pour l'IFSE et 600 euros pour le CIA.
149 corps ou emplois de l'État sont aujourd'hui exclus du RIFSEEP, dont 55 qui dépendent des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Leur éventuelle entrée dans ce dispositif doit faire l'objet d'un réexamen avant le 31 décembre 2019.
Certaines exclusions se justifient par les spécificités des corps ou emplois concernés : militaires, policiers, surveillants pénitentiaires, douaniers... D'autres sont beaucoup plus étonnantes. Ainsi, plusieurs corps ou emplois de la haute fonction publique conservent un régime indemnitaire spécifique, et souvent plus avantageux : secrétaires généraux de ministère, directeurs d'administration centrale, inspecteurs généraux des finances, ingénieurs des mines... Cette exclusion, de fait, des hauts fonctionnaires de l'État paraît entrer en totale contradiction avec l'objectif d'harmonisation et de transparence du RIFSEEP, ce que l'on peut regretter.
Dans la fonction publique territoriale, le RIFSEEP est en cours de déploiement. À ce jour, 61 % des employeurs territoriaux l'ont mis en oeuvre, après avis de leur comité technique. Parmi eux, 42 % ont inclus un complément indemnitaire annuel (CIA) pour valoriser l'engagement personnel des agents.
De fortes disparités existent toutefois entre les différentes strates de collectivités territoriales. Paradoxalement, les collectivités de petite taille sont les plus engagées dans cette réforme : 81 % des communes de 3 500 à 20 000 habitants ont délibéré sur le RIFSEEP, contre seulement 55 % des communes de plus de 20 000 habitants.
La transposition du RIFSEEP s'avère particulièrement complexe pour les collectivités territoriales et leurs groupements. Les employeurs territoriaux peuvent toutefois s'appuyer sur l'expertise des centres de gestion.
En outre, les collectivités territoriales et leurs groupements sont victimes des retards de l'État : pour entrer dans le RIFSEEP, un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale doit attendre l'adhésion du corps équivalent dans la fonction publique de l'État. À titre d'exemple, les ingénieurs territoriaux ne sont toujours pas éligibles au RIFSEEP, les ingénieurs des travaux publics de l'État - corps équivalent - n'y ayant pas encore adhéré. Il en est de même pour les techniciens territoriaux, qui dépendent de l'adhésion des techniciens supérieurs du développement durable.
Cette situation constitue une source d'incompréhension pour les agents territoriaux et de complexité pour les employeurs. M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, a d'ailleurs reconnu que l'État a « encore du travail à accomplir » en cette matière. Il y a urgence à achever le déploiement du RIFSEEP, notamment dans les filières techniques, et de mieux accompagner les employeurs.
Le complément indemnitaire annuel valorise les résultats individuels des agents. Or, de nombreux employeurs publics souhaiteraient également une approche collective, pour valoriser les résultats du service, pas uniquement de ses membres.
Cette approche collective existe depuis la création en 2011 d'une prime d'intéressement à la performance collective (PIPC). Cette prime, qui n'a malheureusement pas été intégrée dans le RIFSEEP, n'est pas suffisamment lisible et son montant reste insuffisant. Dès lors, il me semble nécessaire de compléter le RIFSEEP en y ajoutant la possibilité de valoriser les résultats du service, ce qui fédérerait les agents autour de projets.
Je souhaitais, enfin, aborder les postes de direction de la fonction publique territoriale, aussi appelés « emplois fonctionnels ». On dénombre environ 7 500 emplois fonctionnels, répartis entre les collectivités territoriales et leurs groupements. Ils sont occupés par des fonctionnaires détachés - administrateurs territoriaux, ingénieurs en chef, attachés, ingénieurs - ou, plus marginalement, par des agents contractuels de droit public.
Le système des emplois fonctionnels donne entière satisfaction aux employeurs territoriaux. Le Gouvernement souhaite toutefois remettre en cause son équilibre, en élargissant les possibilités de recourir aux agents contractuels.
Je rappelle, qu'aujourd'hui, deux procédures sont ouvertes pour recruter un agent sur un emploi fonctionnel : soit le recrutement d'un fonctionnaire détaché de son administration d'origine, soit le recrutement direct d'un agent contractuel.
Le recrutement direct est réservé aux emplois fonctionnels les plus sensibles, en fonction de seuils démographiques fixés par la loi. Ainsi, seuls les communes et les EPCI à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants peuvent recruter un agent contractuel pour exercer la fonction de directeur général des services (DGS) ou de directeur général des services techniques (DGST). Dans la même logique, le recrutement direct d'un directeur général adjoint (DGA) est réservé aux communes et EPCI à fiscalité propre de plus de 150 000 habitants.
Actuellement, 88,5 % des emplois fonctionnels sont pourvus par des fonctionnaires par la voie du détachement ; seuls 11,5 % sont occupés par des agents contractuels.
Certes, le système des emplois fonctionnels reste complexe, car il combine trois seuils démographiques : le seuil de création du poste pour les collectivités territoriales, le seuil d'accès aux fonctions pour les fonctionnaires et le seuil d'ouverture au recrutement direct pour les agents contractuels.
Des simplifications semblent possibles, sans remettre en cause l'économie générale du dispositif ; le syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) propose ainsi de simplifier les seuils de création des emplois fonctionnels, notamment pour les petites communes.
Lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le Gouvernement et nos collègues députés ont retenu une réforme plus radicale, contre l'avis du Sénat et sans concertation avec les employeurs territoriaux, alors même qu'un projet de loi relatif à la fonction publique est en préparation. Il s'agissait d'ouvrir le recrutement d'agents contractuels pour les emplois fonctionnels des communes et EPCI à fiscalité propre de 40 000 habitants ou plus - contre plus de 80 000 ou de 150 000 habitants actuellement.
Ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif qu'elles constituaient un « cavalier » législatif.
Après avoir interrogé les syndicats des fonctionnaires territoriaux et le Gouvernement, je reste très réservée sur la multiplication des contrats pour les emplois fonctionnels. Nous en débattrons lors de l'examen du futur projet de loi relatif à la fonction publique.
À ce stade, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 148.
Je souhaite remercier Madame le rapporteur pour ce rapport très approfondi.
Merci de ce rapport sur un sujet technique, avec de nombreux chiffres.
Je vous remercie également d'avoir évoqué le nouveau régime indemnitaire des fonctionnaires, qui agite beaucoup les comités techniques paritaires dans les collectivités territoriales, notamment sur le sujet de la transparence. Qu'appelle-t-on « transparence » ? Une transparence bilatérale améliorée, entre le supérieur hiérarchique ou le maire et l'agent, dans le cadre de la notation, ou une transparence beaucoup plus générale, demandée par les syndicats, qui souhaitent rendre publiques toutes les primes ? Cette seconde interprétation représenterait une grave difficulté, notamment dans les petites communes.
Merci pour ce rapport, même si le groupe Socialiste et républicain ne partage pas l'ensemble de vos conclusions.
Le programme 148 met en oeuvre la politique de ressources humaines dans la fonction publique de l'État, et doit accompagner les mutations de celle-ci. Certains points sont clairs, comme la réduction des effectifs de la fonction publique, que nous contestons. Moins claires sont les modalités de cette réforme. Le Comité Action publique 2022 a réalisé un travail incertain, qui ne sera pas a priori poursuivi.
Nouveaux sont la multiplication des agents contractuels, la rémunération au mérite, l'encouragement à la mobilité et le dialogue social, avec notamment la fusion de certaines instances.
Sur le fond, le Gouvernement réagit à l'actualité immédiate, en arbitrant, d'un côté, sur les dépenses publiques et les choix fiscaux, et, de l'autre, sur le niveau des services publics, alors que nos concitoyens demandent le maintien de la qualité de ces services.
L'essentiel a été dit sur l'ENA et les IRA. J'attire l'attention de la commission sur l'action sociale du programme 148. Le pouvoir d'achat et les conditions d'exercice des missions sont des sujets épineux.
Enfin, nous sommes très circonspects sur la suppression des crédits du programme 148 dédiés à l'apprentissage, qui est un très mauvais signal.
Je souhaite également remercier Madame le rapporteur.
La séparation des crédits interministériels par rapport aux crédits des ministères n'est pas logique, sans compter le cas particulier de la très haute administration.
Limiter la modernisation de la fonction publique à la réduction des effectifs est une vision restrictive des choses.
Je souhaiterais savoir comment évolue la répartition des crédits dévolus aux fonctionnaires titulaires, d'une part, et les crédits alloués aux contractuels, d'autre part. Nous avons l'impression qu'un jeu subtil de vases communicants est en train de se produire...
J'émettrai deux suggestions : pour trouver de l'argent pour l'ENA, surveillons de plus près le remboursement des « pantoufles » lorsque les hauts fonctionnaires partent dans le secteur privé, notamment dans les banques. Actuellement, tout n'est pas comptabilisé, même si des efforts ont été réalisés. À quoi bon fabriquer des « gens d'exception » à l'ENA...
pour abonder le vivier de recrutement des chefs d'entreprise du CAC 40 ou des cadres bancaires ? Ce n'est pas la fonction initiale de l'ENA.
La rémunération et les primes des agents doivent être publiques ; actuellement nous ne connaissons pas ce que ces braves gens - dont beaucoup sont à Bercy - gagnent ; or, il ne s'agit pas de secrets d'État ! Si la rapporteur obtenait ces informations, je la féliciterais !
Je suis surpris que l'ENA connaisse autant de déficits budgétaires. Les prévisions financières étaient-elles de cet ordre ? Y a-t-il eu des dérapages lors de l'exécution budgétaire ?
S'agissant du RIFSEEP et de la transparence des primes, les collectivités territoriales et leurs groupements doivent délibérer sur les critères d'attribution, mais il n'y a pas de transparence sur le montant individuel donné à chaque agent ; cela relève de la vie privée.
Je déplore, comme notre collègue Jérôme Durain, la suppression des crédits du programme 148 dédiés à l'apprentissage. Ces crédits ont été répartis dans les autres programmes du projet de loi de finances pour 2019, mais on ne sait pas comment ils sont ventilés.
La pantoufle doit être remboursée à l'ENA lorsque l'élève quitte l'école ; mais après l'affectation au sein d'un ministère, cela dépend de chaque ministère.
Concernant le déficit de l'ENA, celui-ci est en partie dû à la réduction de la dotation de l'État, alors que ce dernier a demandé à l'école de recruter dix élèves supplémentaires par promotion. L'ENA a puisé dans ses réserves pour combler ses déficits.
Non. La dotation de l'ENA a même diminué depuis 2013.
L'ENA pourra combler son déficit en 2020, notamment en réduisant la durée de la scolarité.
La notion de déficit présente des spécificités lorsqu'on l'applique à un établissement public administratif. Il s'agit moins d'une mauvaise gestion de l'ENA que le fait que l'État, pour réduire ses dotations et réaliser des économies, demande aux établissements publics de réduire leur trésorerie sur plusieurs années.
Lorsque les disponibilités de l'ENA seront a minima, l'État ne pourra plus réduire les dotations sans remettre en question l'existence de l'établissement. Il s'agit donc plutôt d'une stratégie financière.
Non, elle a vendu ce bâtiment au début des années 1990, à la suite de son déménagement à Strasbourg.
Cela reste un appauvrissement, puisqu'une partie de cette vente abonde les crédits de fonctionnement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Notre commission des lois s'est saisie pour avis des crédits affectés au programme « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », au titre de ses compétences en matière de droit des entreprises, de simplification de leur environnement juridique, de protection économique et de sécurité des consommateurs, de régulation des marchés et de mise en oeuvre du droit de la concurrence.
Ce programme regroupe l'ensemble des crédits consacrés au soutien aux entreprises, auxquels s'ajoutent d'importantes dépenses fiscales - estimées en 2019 à 28,1 milliards d'euros - ainsi que les crédits destinés aux missions de protection des consommateurs et de régulation concurrentielle des marchés. Il relève du ministre de l'économie et des finances. Sa mise en oeuvre incombe, pour une large part, à la direction générale des entreprises (DGE) et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en administration centrale comme dans les services déconcentrés, ainsi qu'à l'Autorité de la concurrence.
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoyait initialement une diminution très forte des crédits, de 13,16 % pour les autorisations d'engagement et de 7,8 % pour les crédits de paiement, sur un périmètre quasiment inchangé par rapport à 2018. L'Assemblée nationale a ramené cette diminution à 10,9 % pour les autorisations d'engagement et 6,35 % pour les crédits de paiement, dont les montants s'élèveraient respectivement à 914 et 919 millions d'euros en 2019. Cette forte diminution est justifiée par la nécessité de réduire les déficits publics et de réorganiser les services de l'État pour qu'ils interviennent plus efficacement et à un moindre coût. Mon avis est favorable, puisqu'il s'agit de réduire les dépenses publiques, de réorganiser les services de l'État et d'être plus efficace à moindre coût, grâce à des partenariats avec d'autres acteurs.
Des trois administrations précitées, seule l'Autorité de la concurrence serait préservée. En effet, les crédits de paiement qui lui sont alloués s'élèveront à 22,6 millions d'euros en 2019, en hausse de 4,55 %, et retrouveront leur niveau de 2017, alors qu'en 2018 ces crédits étaient en baisse de 4,19 %. Ses effectifs seront eux aussi stabilisés, avec un plafond de 197 emplois correspondant également au niveau de 2017.
L'activité de l'année 2017 a été très soutenue pour l'Autorité de la concurrence, avec un record de 236 décisions d'autorisation de concentration, après 230 en 2016. Elle s'est située dans la moyenne en matière de pratiques anticoncurrentielles, avec 27 décisions. Depuis 2016, le faible taux de recours contre ses décisions suggère une meilleure acceptation par les entreprises concernées et des décisions mieux ciblées. Le taux de recours est de plus en plus faible depuis dix ans, passant de près de 34,3 % à 18,5 %.
En application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi « Macron », l'Autorité de la concurrence doit également rendre des avis sur les règles de détermination des tarifs et en matière de liberté d'installation de certaines professions réglementées juridiques et judiciaires. Cette activité consultative est très soutenue depuis 2017 - elle l'a été un peu moins l'année dernière.
Les avis sur la liberté d'installation doivent être rendus au moins tous les deux ans. S'agissant des notaires, l'Autorité de la concurrence avait proposé en 2016 la nomination de 1 650 nouveaux notaires d'ici à 2018. Son avis avait été suivi par le Gouvernement et plus de 36 000 candidatures avaient été enregistrées, exigeant un lourd processus de tirage au sort. À l'issue de ce processus suscitant certaines difficultés, 1 620 nouveaux notaires ont été nommés et 1 666 nouveaux offices créés - certains notaires intervenant dans l'un ou l'autre office. Le retard important qui subsistait l'année dernière a été comblé : à 30 notaires près, tous les offices ont été créés. Dans un deuxième avis en date du 31 juillet dernier, l'Autorité a proposé la nomination de 700 nouveaux notaires d'ici 2020. Le Gouvernement n'a pas encore pris l'arrêté requis, mais ce retard est compréhensible. Par comparaison, il a fallu un an pour prendre l'arrêté du 28 décembre 2017 sur les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, alors que l'avis datait de décembre 2016.
Comme en 2018, la DGCCRF connaîtra, en 2019, une baisse de 2,22 % de ses crédits de paiement et la suppression de 45 emplois, en administration centrale et dans les services déconcentrés. Son plafond d'emplois sera fixé à 2 959.
Pour que cette administration assure pleinement sa mission de contrôle et de protection des consommateurs, il importe de recentrer ses missions et de réorganiser ses services déconcentrés. Elle ne peut assurer le même travail avec des effectifs et un budget en baisse. Le Gouvernement veut une réorganisation structurelle. Compte tenu des choix opérés en matière de réforme de l'organisation territoriale de l'État, cette réorganisation attendue ne pourra se faire qu'au niveau départemental, alors qu'une régionalisation aurait peut-être été plus pertinente.
La direction générale des entreprises (DGE) connaîtra aussi une nouvelle diminution de ses effectifs en 2019, dans des proportions bien plus fortes que les années précédentes. Le plafond d'emplois sera réduit de 1 514 à 1 418. Cette réduction concernera essentiellement les services déconcentrés, et notamment les pôles 3E des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), avec un recentrage de leurs missions sur des services ciblés.
Une telle évolution tire les conséquences du manque de moyens de l'État et de la montée en puissance des régions dans le domaine du développement économique local. À titre personnel, je souscris à une telle démarche - et vous m'aviez suivi l'an dernier : il faut rationaliser le travail des acteurs chargés du soutien aux entreprises et de leur développement.
Je regrette cependant que la réforme des Direccte n'ait donné lieu à aucune concertation préalable avec les régions, méthode témoignant du manque habituel de coordination entre les services de l'État et les régions et les autres acteurs locaux.
Sur le terrain, sous l'effet des contraintes budgétaires, l'articulation entre les différents acteurs s'améliore, notamment entre les régions et les chambres de commerce et d'industrie dans le cadre de la mise en oeuvre - et non plus seulement de la conception - des nouveaux schémas régionaux du développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII).
L'année 2019 devrait aussi voir se concrétiser le partenariat « Team France Export »...
entre Business France et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), associant également les régions. D'après leurs représentants, les chambres des métiers et de l'artisanat n'ont pas le même traitement que les CCI, il apparaît en effet qu'elles ne sont pas toujours des interlocuteurs habituels des régions. La situation est sans doute perfectible dans ce domaine.
Compte tenu de l'ensemble de ces observations et de ces évolutions positives, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », inscrits au projet de loi de finances pour 2019.
Le programme « Développement des entreprises et régulations » regroupe les instruments de soutien aux entreprises, notamment les PME et les entreprises de taille intermédiaire des secteurs de l'industrie, du commerce, de l'artisanat, des services et du tourisme, et représente 60 % des crédits de la mission « Économie ». En 2019, dans le projet de loi de finances tel que déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, les crédits de paiement du programme s'établiraient à 905,5 millions d'euros, en baisse de 76,5 millions d'euros par rapport à 2018, soit 7,8 %. Outre la réduction globale des crédits, le Gouvernement supprime deux actions : le financement des entreprises via la suppression d'une subvention de 40 millions d'euros à BPI France au titre de son activité de garantie et de prêt aux entreprises, soi-disant en raison de l'amélioration du contexte économique, ainsi que la ligne sur le développement du tourisme, en raison d'une « refonte budgétaire ». Ces crédits auraient dû été transférés au Quai d'Orsay : c'est faux. Cette dernière subvention touchait deux associations importantes organisant des vacances pour les enfants défavorisés : Vacances et familles, à hauteur de 100 000 euros, et Vacances ouvertes, pour 40 000 euros.
Par ailleurs, nous regrettons la disparition du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), même si le programme « Action coeur de ville » est censé le compenser pour 222 villes.
Les notaires verront leur nombre augmenter et seront plus efficaces, mais cette réforme ne bénéficie pas au milieu rural, d'autant que ces notaires sont plus intéressés par des activités mercantiles que par le conseil.
Nous nous abstiendrons, voire voterons contre ce programme.
Les chambres des métiers et de l'artisanat tiennent particulièrement au Fisac, qui est en voie d'extinction. L'Assemblée nationale a rétabli ce fonds à hauteur des crédits prévus en 2018, tandis que la commission des finances du Sénat a porté la dotation du Fisac à 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, au-delà du niveau fixé par l'Assemblée nationale. C'est un programme cohérent, soutenu par toutes les chambres consulaires, qui ne comprennent pas pourquoi le Gouvernement crée l'opération « Action coeur de ville », tout en éteignant le Fisac, alors que celle-ci pourrait en faire partie.
Le Fisac n'a rien à voir avec les opérations « Action coeur de ville ». J'ai toujours défendu le maintien du Fisac. Les opérations « Action coeur de ville » regroupent des crédits d'Action logement, de la Caisse des dépôts et consignations, des fonds de l'État émanant de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Maintenir le Fisac serait utile, de même que la prime à l'aménagement du territoire (PAT), même si Bercy a toujours voulu supprimer ces deux dispositifs.
Le programme « Action coeur de ville » est présenté comme une réponse à la dévitalisation des centres-bourgs et des centres-villes. La justification n'est peut-être pas la bonne, mais les territoires ruraux le vivent très mal, d'autant que le Fisac est efficace.
Tout à fait, ce n'est pas la même chose. Le réseau consulaire ne comprend pas les raisons de l'opération « Action coeur de ville », qui ne concerne que 222 villes moyennes, ni la remise en cause du Fisac, alors que ce fonds concerne la ruralité. J'aurais préféré une politique de revitalisation Coeur de bourg, pour les villes moyennes et les cibles du Fisac.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ».
La réunion est close à 10 h 45.