Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 21 janvier 2019 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous achevons une nouvelle série d'auditions avec M. Benalla, puis M. Crase. Je vous rappelle notre mandat : d'une part, apprécier les conditions dans lesquelles des personnes étrangères aux forces de sécurité ont pu ou peuvent être associées à l'exercice des missions de maintien de l'ordre ou de protection de hautes personnalités, en l'occurrence le Président de la République ; d'autre part, vérifier la portée des sanctions prononcées en cas de manquement : tout a-t-il été mis en oeuvre pour les appliquer correctement ?

À ce titre, nous avons interrogé M. Benalla, en septembre dernier, sur la nature exacte de ses fonctions à l'Élysée, et en particulier sur l'étendue de sa mission, tant sur l'organisation et le fonctionnement général de la sécurité du Président de la République que sur la protection rapprochée du chef de l'État. Sauf s'il souhaite lui-même revenir sur ces différents points, il n'est sans doute pas indispensable de poser de nouvelles questions dans ce domaine. Nous ne refaisons pas l'audition du mois de septembre.

Nous avions aussi interrogé M. Benalla sur la réalité de la sanction qui lui aurait été infligée en mai 2018 après les fautes commises lors des manifestations du 1er mai à Paris et sur l'application de la mesure de licenciement pour faute prise à son encontre à la fin du mois de juillet, y compris la restitution - comme il se doit - de ses instruments de travail et l'abandon des facilités qui lui étaient accordées dans l'exercice de ses fonctions. Notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio lui avait notamment posé la question de ses passeports diplomatiques. Votre réponse, monsieur Benalla, a depuis lors été démentie par des informations parues dans la presse, puis par les réponses apportées à notre commission tant par le directeur de cabinet du Président de la République que par les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur. Vous aurez naturellement à vous expliquer sur ce point.

En revanche, nous n'avons pas reçu du Sénat le mandat d'interroger M. Benalla sur des questions importantes qui ont trait à la politique étrangère de la France et à la protection de nos intérêts fondamentaux à l'étranger. Ce que M. Benalla fait et dit quand il se rend à l'étranger au service d'hommes d'affaires ne nous est pourtant pas indifférent, et nous pourrons à tout le moins l'interroger sur l'observation par lui-même des règles déontologiques applicables à tout agent public après la fin de ses fonctions.

Alors qu'il nous avait déclaré n'avoir pas repris d'activité professionnelle en septembre, nous sommes fondés à lui demander à quelle date une collaboration s'est nouée avec son employeur actuel, si et quand la commission de déontologie de la fonction publique a été saisie et si elle s'est prononcée.

Par ailleurs, des informations font état de la participation de M. Benalla à la conclusion d'un contrat de protection de personnalités entre M. Crase et un oligarque russe, alors que M. Crase encadrait encore les réservistes de l'Élysée et que M. Benalla y était chargé de mission à la chefferie de cabinet. Nous nous devons de vérifier ces informations car, si elles étaient avérées, elles témoigneraient d'un point de vulnérabilité dans la sécurité du Président de la République, qui doit à l'évidence être à l'abri de toute influence extérieure.

Enfin, je signale que les investigations de l'autorité judiciaire se sont encore étendues depuis la dernière audition de M. Benalla, mais cela ne change naturellement rien à notre pratique, très soucieuse de l'indépendance réciproque des enquêtes judiciaires et parlementaires, qui doivent se combiner dans le respect mutuel de chaque institution. Nous ne poserons donc pas de questions sur d'éventuelles infractions pénales commises par M. Benalla, l'objet de notre enquête étant le fonctionnement de l'État dans les domaines couverts par notre mandat. La justice sanctionne des fautes individuelles lorsqu'elles présentent un caractère délictuel. Nous veillons de notre côté au bon fonctionnement de l'État ; nous sommes d'ailleurs les seuls, constitutionnellement, à être en mesure d'effectuer ce contrôle qui ne relève pas de la compétence de la justice. Il se peut que nous ayons à éclairer les mêmes faits, ici l'usage irrégulier de passeports diplomatiques, mais nous le ferons sous des angles différents : celui de l'infraction qu'a pu commettre le titulaire pour la justice, et celui des actions mises en oeuvre par l'État pour empêcher cet usage irrégulier de passeports diplomatiques pour ce qui concerne le contrôle parlementaire. Chacun respecte strictement son rôle ; le nôtre relève d'un droit fondamental des représentants de la Nation de veiller au bon fonctionnement des autorités publiques pour garantir le bon emploi des impôts que nous votons et prévenir les excès de pouvoir en veillant au respect de l'État de droit.

Cette audition est ouverte à la presse et au public. Elle sera diffusée en direct et en vidéo à la demande sur le site internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu publié.

Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission des lois, dotée des prérogatives d'une commission d'enquête, serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Alexandre Benalla prête serment.

Monsieur Benalla, si vous le souhaitez, mais vous n'y êtes pas contraint, je vous propose d'introduire cette audition par un propos liminaire à la suite duquel nous vous poserons des questions.

M. Alexandre Benalla, ancien chargé de mission à la présidence de la République. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaitais avant tout, en propos liminaire, remettre l'ensemble de cette affaire, dite « affaire Benalla », dans le contexte qui est le sien, celui des événements dits « du 1er mai » de la place de la Contrescarpe, sur lesquels, on est en train de le constater avec le temps qui passe, des contre-vérités et des approximations ont été relayées à la fois par la presse et par certains responsables politiques.

On m'a d'abord présenté comme le « tabasseur » des « gentils manifestants », des « opposants politiques » ou encore des « mangeurs de crêpes », comme ils se sont eux-mêmes présentés, en tronquant la réalité d'une situation qui était pour le moins assez tendue et, on est en train de le découvrir depuis plusieurs semaines, assez confuse. Dès le début, lors de mes différentes interventions médiatiques, à la fois au journal télévisé de 20 heures de TF1, dans Le Journal du dimanche et au journal Le Monde, je suis revenu sur ces événement et j'ai expliqué que les personnes qui étaient en face de moi n'étaient pas de « gentils manifestants », mais des lanceurs de bouteilles en verre sur des policiers, ce qui a été difficile à admettre pour un certain nombre de journalistes et de responsables politiques, mais s'est révélé constituer la réalité, dès lors que les vidéos sont sorties dans les médias après avoir été gardées sous le coude pendant quelques semaines. On y voit ces deux personnes en train de jeter des bouteilles en verre et d'agresser littéralement les policiers. Aujourd'hui, ces deux personnes, présentées comme de « gentils manifestants », sont convoquées par la justice pour répondre de faits de violences sur dépositaires de l'autorité publique.

Autre élément de contexte : Devais-je ou ne devais-je pas agir ? Ce n'est pas à moi de vous le dire aujourd'hui, ce n'est pas le sujet de cette audition, je l'ai bien compris. Ce sera à la justice de déterminer si je devais, comme je l'ai fait, contribuer à l'appréhension de ceux que je qualifie de « délinquants », car ils ont lancé des bouteilles sur des policiers. J'ai pensé bien faire, en vertu de l'article 73 du code de procédure pénale, selon lequel n'importe quel citoyen est autorisé à appréhender l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant. Or le jet d'une bouteille en verre sur des policiers constitue un délit ; il s'agit de violences volontaires sur dépositaires de l'autorité publique.

À l'issue de ces pseudo-révélations d'un grand quotidien du soir, il y a eu un déferlement médiatique, un déchaînement politique et un lynchage en règle, dont j'ai fait l'objet et je continue à faire l'objet depuis six mois, avec la construction d'un personnage - d'un « individu », selon quelqu'un que vous avez auditionné récemment et qui ne tarissait pas d'éloges me concernant en septembre - sa vision ayant apparemment changé assez rapidement. En six mois, on a construit ainsi un personnage que l'on dit « sulfureux », « diabolique », « infréquentable », tous ces qualificatifs étant employés à mon encontre. Je pense, très modestement, avoir contribué à la construction de ce personnage, par des propos que j'ai pu tenir et qui ont été cités hors de leur contexte, mais aussi par mon attitude, qui a pu parfois être jugée décalée. Je conçois que j'ai pu donner une mauvaise image de moi.

Mais je tenais devant vous, monsieur le président, à remettre dans son contexte cette pseudo-« affaire Benalla », dont le cheminement et la construction médiatico-politique n'avaient qu'un seul but : atteindre le Président de la République. Je pense que cela a marché et j'espère que cela va se terminer assez rapidement, pour mon pays et pour la réussite que je souhaite au Président de la République.

En l'espace de six mois, les choses ont bien changé ; elles ont évolué plutôt négativement en ce qui me concerne. Je dois le reconnaître, derrière la carapace, il y a un homme, sa femme, son fils âgé d'un mois et demi au moment du déclenchement de cette affaire, une situation professionnelle et personnelle assez troublée, qui ont fait que j'ai commis un certain nombre d'erreurs. Je les ai reconnues volontiers auprès de mon entourage et je les reconnais publiquement devant vous, comme je l'ai fait également devant la justice. Ces erreurs ont pu naître de rencontres, d'échanges avec certaines personnes, qualifiées de « sulfureuses », mais je tiens à vous dire que je rencontre qui je veux, quand je veux et dans le cadre que je veux, en fixant une limite morale que je garderai pour moi. Cependant, je n'accepte pas le personnage qui a été construit autour de moi et qui ne reflète pas qui je suis et ce que j'ai fait lorsque j'étais à la présidence de la République.

Je veux aussi rappeler devant vous que j'ai été recruté sur la base de mes compétences, qui n'ont jamais été, depuis le début de vos auditions, remises en cause par qui que ce soit. Je n'ai pas débarqué à l'Élysée par effraction. J'ai participé à une campagne électorale où j'ai exercé mes compétences, avec mes qualités et mes défauts. On m'a recruté sur la seule base de mes compétences et de mon savoir-faire.

Je demande juste un peu d'indulgence me concernant, de par le traitement médiatique, politique qui est le mien. La justice, qui fait son travail sereinement, a toute sa place dans notre pays pour faire la lumière sur tout ce qui m'a été reproché depuis le début de cette affaire. J'ai entendu un certain nombre d'approximations, de mensonges et de contre-vérités dans les précédents témoignages des personnes que vous avez auditionnées. J'ai un immense respect pour les fonctions que ces personnes occupent et, aujourd'hui, je ne vous parlerai pas de ce que je pense des hommes, dans la droite ligne de ce que je vous ai dit la dernière fois, monsieur le président Bas.

Je suis venu devant vous le 19 septembre, j'ai fait certaines déclarations. Je reste cohérent avec ces propos. J'ai pu entendre ici ou là que je n'avais pas été suffisamment clair sur certains points, que j'avais fait « de l'enfumage », etc. Aujourd'hui, je suis présent devant vous pour répondre à toutes les interrogations sur lesquelles vous m'avez jugé, peut-être, vague. Je veux juste vous confirmer mon propos, madame la sénatrice Eustache-Brinio, quand vous m'avez demandé si j'avais rendu mes passeports diplomatiques. Je ne me souviens pas des termes exacts de votre question, mais je me rappelle ma réponse : le 19 septembre, devant vous, sous serment, ayant répondu à l'ensemble des questions qui m'ont été posées, je vous ai dit : « ils doivent être dans mon bureau à l'Élysée et ils ont dû les restituer ». Je vous réaffirme solennellement, sous serment encore une fois, que le 19 septembre, mes passeports étaient à l'Élysée. Patrick Strzoda vous a affirmé que ces passeports avaient été utilisés entre le 1er et le 7 août, ce que je ne dénie pas ; c'est la réalité. Je les ai restitués, à la demande de la présidence de la République et du ministère des affaires étrangères, qui m'a adressé deux courriers, ainsi qu'un e-mail reçu de la part du général Bio Farina, le 30 juillet. J'ai restitué mes passeports, les clés de mon bureau, le badge d'accès à l'Élysée et j'ai récupéré d'autres affaires, comme un siège-auto, un chéquier, une paire de clés et un anorak. Je les ai restitués dans le courant du mois d'août 2018, sans être précis sur les dates pour l'instant, car une information judiciaire est en cours qui viendra confirmer mon propos.

Ces passeports m'ont été rendus à nouveau, alors que j'avais été contacté par un membre du personnel salarié de l'Élysée, début octobre 2018, avec un certain nombre d'éléments personnels - un chéquier, une paire de clés, comme je vous l'ai dit. J'ai constaté et l'on m'a fait savoir que ces passeports n'étaient pas désactivés ; sinon, je n'aurais pas voyagé avec ces passeports. Je reconnais là une faute de ma part, un manque de discernement peut-être, une erreur, sans doute. Je l'ai reconnu devant la justice et je le reconnais devant vous. Mais je ne pense pas que cela ne mérite toutes les proportions que cela a pris depuis le début de cette affaire.

Je vous le réaffirme solennellement, je ne vous ai pas menti le 19 septembre lorsque je vous ai dit que mes passeports étaient à l'Élysée. Je fais confiance à la justice, qui travaille sur les événements du 1er mai et fait émerger un certain nombre de vérités face aux mensonges, aux rumeurs, aux contrevérités qui ont été développés ici ou là ; elle fera de même sur cette affaire des passeports diplomatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur Benalla, alors que nous étions encore interrogés très récemment, Philippe Bas, Muriel Jourda et moi-même avons toujours maintenu la même position. Nous sommes ici rassemblés pour trouver la vérité et mettre à jour les dysfonctionnements qui ont eu lieu, en chercher les causes ; ensuite, nous ferons un rapport dans lequel nous dirons ce que nous aurons à dire. Nous respectons nous-mêmes le principe du contradictoire en auditionnant toutes les personnes que nous avons décidé d'auditionner. Pour le moment, nous en sommes là et nous n'allons pas au-delà, conformément à notre mission de parlementaires.

Concernant votre activité, quand vous étiez à l'Élysée, pouvez-vous confirmer véritablement que vous n'avez été en lien avec aucune société privée liée à des activités de sécurité, de défense ou d'autres domaines pendant que vous y exerciez vos fonctions ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vais réaffirmer solennellement devant vous que je n'avais alors aucun lien d'ordre professionnel avec une société de sécurité ou de défense. Néanmoins, tout le monde sait ici que je suis issu du milieu de la sécurité et de la protection des personnes et que j'ai travaillé dans un certain nombre d'entreprises auparavant. J'ai donc créé des liens d'amitié avec un certain nombre de personnes dans divers domaines, et pas seulement la sécurité et la protection physique des personnes, et je continue, encore aujourd'hui, car les vrais amis restent, malgré ce déchainement, à entretenir ces liens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le journal Libération a publié une déclaration de vous selon laquelle vous auriez organisé « deux ou trois rendez-vous à l'Élysée », pendant vos fonctions, avec M. Vincent Miclet. Confirmez-vous cela ? De quoi s'agissait-il ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je démens ces propos, et je ne commenterai pas les articles de presse, contenant tout et son contraire, et surtout beaucoup de contrevérités. Je n'ai jamais prononcé ces propos à Libération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je vous donne acte de votre réponse. Connaissez-vous M. Iskander Makhmudov ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne connais pas cette personne, si ce n'est à travers la presse, et je ne l'ai jamais rencontrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Étiez-vous informé de la collaboration de M. Crase avec M. Makhmudov ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je sais que M. Crase a eu des activités professionnelles, qu'il a créé une entreprise. J'étais au courant de ses affaires, car c'est un ami, je ne vais pas le cacher devant vous aujourd'hui. Toutefois, je peux vous affirmer que je n'ai jamais contribué à une quelconque négociation, conclusion, et que je n'ai jamais été intéressé au moindre contrat que M. Crase a pu passer avec qui que ce soit, et encore moins avec cette personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avez-vous eu des contacts avec une personne particulièrement proche de M. Makhmudov, ce qui justifierait que vous ne l'ayez pas vu personnellement ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je connais un certain nombre de personnes, on l'a tous lu dans des articles de presse, qui disent parfois des vérités, parfois des mensonges... Je connais beaucoup de gens, que j'ai rencontrés par mes anciens camarades, par mes anciennes fonctions ou par d'anciens emplois. On est un tout petit milieu et on se connaît absolument tous. Donc, je connais un certain nombre de gens, dans l'entourage de Vincent Crase ou de la société Velours pour laquelle j'ai travaillé. Je ne puis dire le contraire, vous pouvez aujourd'hui me le reprocher, mais oui, je connais beaucoup de gens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Comment se fait-il que, après avoir quitté vos fonctions, vous ayez été employé pendant un mois, pour un salaire qui est connu, par une société créée pour les besoins de la cause, me semble-t-il, dont l'actionnariat est assez léger, et qui est dirigée par une personne que vous devez connaître ? Quelle a été votre activité - éphémère - dans le cadre de cette société qui venait de naître ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vais répondre à cette question, même si je n'y suis pas obligé, parce que c'est une activité professionnelle que j'ai exercée à l'issue de mes fonctions à l'Élysée. Je vous avais dit lors de ma première audition que j'étais à Pôle emploi, mais j'ai essayé d'en sortir le plus rapidement possible. Je m'efforce de refaire ma vie professionnelle et personnelle par mes propres moyens, avec certaines personnes qui me veulent du bien - je les en remercie. Je suis profondément choqué que ces personnes soient jetées en pâture. Ce sont des entrepreneurs, sérieux, qui passent des contrats - et quand une entreprise passe un contrat, cela me fait plaisir -, qui emploient des gens, sur la base de leurs compétences. Je suis profondément choqué que le nom de leur société, leur prénom, leur nom, leur passé, etc. soient ainsi jetés en pâture. C'est irresponsable, de la part des médias qui, depuis six mois, me harcèlent, ainsi que mes proches ! Je demande juste qu'on me laisse tranquille : je travaille, j'essaie de gagner ma vie par moi-même, ne pas être à la charge de la société, et cette personne que vous évoquez est un de mes amis depuis plus de cinq ans - M. Crase la connaît aussi très bien, et c'est un concours de circonstances qui ne justifie pas qu'on aille chercher la petite bête... Cet ami m'a employé pour une mission qui restera confidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je me permets de vous demander quelle est la nature de l'activité qui a été la vôtre à ce titre en raison du fait que, lorsque l'on a servi dans un service public, en l'occurrence l'Élysée, ce que l'on fait après n'est pas indifférent, surtout si on a exercé des missions liées à la sécurité - vous savez qu'il y a une commission de déontologie... Je vous repose la question, avec insistance : quelle a été la nature de votre travail durant un mois au sein de cette société ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Pour des raisons de confidentialité évidentes, et dans la mesure où cela ne concerne pas aujourd'hui votre mission d'information, qui a les pouvoirs d'une commission d'enquête, je ne répondrai pas à cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur Benalla, c'est nous qui décidons si nos propres questions sont dans notre mandat ou pas ! Ce n'est pas à vous de le faire. Je vais vous préciser les choses, pour que vous les entendiez clairement. La sanction de licenciement pour faute qui vous a été infligée, comporte un certain nombre d'obligations pour vous. Si cette sanction est réelle, elle doit aller jusqu'au bout ; c'est la raison pour laquelle, comme vous le savez, vous deviez rendre tous les instruments et attributs de votre fonction, tels les passeports diplomatiques.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

C'est ce que j'ai fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C'est aussi pourquoi, ayant servi au plus haut niveau de l'État, à la présidence de la République, même si vous n'étiez pas l'un des principaux collaborateurs du chef de l'État, vous deviez respecter l'obligation de soumettre à la commission de déontologie de la fonction publique vos nouvelles activités. Tout cela a du sens. Le droit, ce ne sont pas simplement des règles que l'on pose pour embêter les gens. Pourquoi existent-elles ? Pour s'assurer que, rétrospectivement, la personne qui exerce une activité dans le secteur privé après avoir servi l'État ne puisse se trouver en situation de conflit d'intérêts. C'est aussi pour vérifier qu'à l'avenir les fonctions que cette personne exercera pour le compte d'une entreprise - par hypothèse « respectable », comme vous venez de le dire -, ne mettront pas en cause des informations acquises dans l'exercice de la fonction de service public antérieure.

Notre commission d'enquête s'intéresse tout à fait légitimement - M. Sueur est tout à fait dans son rôle en vous posant ces questions - à vos activités et aux conditions dans lesquelles vous les exercez. Il y a beaucoup de règles en France, il est vrai, mais elles ne sont pas toutes inutiles et dépourvues de sens... Celle-là a beaucoup de sens.

Je reformule la question de Jean-Pierre Sueur : avant de prendre une activité dans une entreprise, avez-vous, premièrement, saisi la commission de déontologie ? Avez-vous, deuxièmement, informé la présidence de la République que vous repreniez, pour vous-même et votre famille, une activité professionnelle, et la nature de cette activité ? C'est extrêmement important : c'est le respect des dispositions du décret du 27 janvier 2017.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Vous avez raison, c'est très important, à tel point que j'ai reçu le courrier de M. Strzoda m'indiquant que j'avais à saisir la commission de déontologie de la fonction publique, deux jours avant qu'il soit auditionné par vos soins, lors de sa dernière audition. Néanmoins, il serait intéressant de savoir combien de personnes ayant quitté l'Élysée, et ce depuis plusieurs mandats, ont saisi cette commission de déontologie pour exercer une activité professionnelle et créer leur entreprise. Pourquoi me demande-t-on, à moi, trois jours avant de venir devant une commission d'enquête, de saisir cette commission, ce dont je n'avais pas été informé, même s'il est exact que cette obligation était mentionnée dans mon contrat de travail ? Je ne l'ai pas fait, c'est une erreur de ma part, je le reconnais. Mais combien de personnes, en sortant de l'Élysée, saisissent cette commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur Benalla, vous n'avez pas de « phobie administrative »... Vous savez bien qu'il faut respecter un certain nombre de règles, qui figuraient de surcroît dans votre contrat de travail, comme vous venez de le rappeler. Ce n'est pas très compliqué à faire !

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

La situation, à l'issue de mes fonctions à l'Élysée, était un peu compliquée. Je n'ai pas été orienté vers cette commission de déontologie. J'aurais dû en effet, le 1er août, relire attentivement chaque paragraphe de mon contrat de travail et m'apercevoir que je devais saisir cette commission. Je ne l'ai pas fait ; c'est une erreur de ma part, mais j'avais d'autres priorités comme celles de mettre à l'abri ma femme et mon fils, de retrouver un appartement, un travail... Ce sont des situations un tout petit peu compliquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur Benalla, nous ne sommes pas là pour vous faire la morale, mais pour essayer d'obtenir des informations qui nous permettraient d'établir la vérité. Évidemment, quand on respecte les règles, on est mieux protégé. Depuis lors, avez-vous effectivement saisi la commission de déontologie ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Non, je ne l'ai pas saisie, mais mon avocate est en train de s'en occuper.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Mes questions porteront sur le port d'armes. Le préfet de police de Paris vous a délivré le 13 octobre 2017, outre un permis de port d'arme, une autorisation d'acquisition et de détention d'une arme de catégorie B, uniquement pendant la durée de vos fonctions à la présidence de la République. Selon mes informations, vous aviez déjà, depuis le mois de novembre 2016, une autorisation de détention d'armes de cette même catégorie au motif que vous pratiquiez le tir sportif... Avez-vous acquis une nouvelle arme, au titre d'une autorisation d'acquisition et de détention, délivrée par le préfet de police le 13 octobre 2017 ? Si oui, cette arme a-t-elle été acquise par vous-même à titre privé, ou par l'Élysée ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je répondrai très succinctement, parce qu'une information judiciaire est en cours sur les armes - le fameux selfie - ; je peux juste vous dire que j'ai moi-même acquis l'arme dans le cadre de cette autorisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Dans la mesure où l'autorisation était liée à vos fonctions à l'Élysée, avez-vous restitué cette arme ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Toutes les armes que je détenais de manière légale ont été saisies par la justice dans le cadre de l'information judiciaire qui est en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Le téléphone Teorem permet aux collaborateurs situés au plus haut niveau de l'État de passer des communications chiffrées. Selon les informations qui nous ont été données par M. Strzoda, directeur de cabinet du Président de la République, la présidence dispose de 30 combinés, et vous pouviez en utiliser un dans le cadre de vos fonctions à l'Élysée. À quelles fins ? Pour préparer des déplacements, pour communiquer avec le Président ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Le Teorem est en effet un outil mis à disposition d'un certain nombre de collaborateurs du Président de la République et d'autres administrations, qui permet des conversations téléphoniques sécurisées. Quand j'étais collaborateur du Président de la République, j'étais très soucieux des procédures et de la sécurité de mes communications. Un Teorem m'a été attribué dans le cadre des missions que je vous ai exposées lors de la première audition. Certains n'ont pas jugé utile d'en avoir un, préférant passer par des messageries cryptées bien connues telles que Telegram, WhatsApp, etc.

J'ai respecté les procédures : lors des discussions avec des préfets, des autorités de police ou de gendarmerie, ou d'autres personnes travaillant à l'Élysée, j'utilisais le Teorem qui avait été acheté, plutôt que de le laisser dans un carton.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cela veut dire que le chef de cabinet du Président de la République ne jugeait pas utile, pour ses propres communications avec les mêmes correspondants, d'utiliser un tel appareil ? C'est donc vous seul qui, de votre propre initiative, l'utilisiez ? Vous avez pensé que c'était utile, alors que d'autres pensaient que c'était inutile ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Vous avez parfaitement résumé la situation, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Doit-on saisir de vos propos, monsieur Benalla, que ce téléphone ne vous avait pas été attribué d'office et que vous l'aviez demandé ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Nous avons des postes fixes sécurisés, dans chacun de nos bureaux à la chefferie de cabinet. Les postes mobiles ne sont pas attribués de manière automatique, alors que, du fait de nos fonctions - habilitation, etc. -, nous pouvons demander ce type de mobile, en fonction de l'usage que l'on compte en faire. Pour ma part, je respecte les procédures de sécurité et j'ai utilisé ce téléphone pour avoir des conditions de sécurité maximum. D'autres ne l'ont pas jugé utile, il faudra leur poser la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question : l'aviez-vous demandé ou vous a-t-il été attribué d'office ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Il m'a été attribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Pouvez-vous confirmer que ce téléphone n'a pas été restitué lors de votre licenciement ? La restitution vous a-t-elle été réclamée après votre licenciement ? À quel moment ? Quelle diligence avez-vous accomplie pour que cette restitution ait lieu ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Dans le contexte général que j'ai exposé tout à l'heure, la situation après le 1er août était un peu confuse me concernant : j'ai déménagé en six mois plus de quatre fois ; mes affaires étaient dans des cartons... Ce téléphone ne m'a jamais été redemandé, et je ne savais pas, jusqu'au mois de décembre, que je l'avais encore en ma possession. C'est lors de mon dernier déménagement, le 20 novembre 2018 pour être très précis, que l'on m'a demandé la restitution d'un certain nombre d'effets qui n'avaient pas été rendus à l'Élysée, dont la carte professionnelle, le pin's et un certain nombre d'autres documents. Le Teorem n'était pas mentionné. Avec ma femme, j'ai procédé à un inventaire complet des affaires qui n'étaient pas encore déballées, et nous sommes tombés sur le Teorem. J'ai alors appelé mon avocate, qui a effectué les démarches auprès de M. Strzoda pour savoir comment nous pouvions restituer ce téléphone. Depuis, il a été restitué à l'Élysée.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Quel usage avez-vous fait de ce téléphone depuis votre licenciement ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vous l'ai dit, il n'y a eu aucun usage de ce téléphone : pendant les six mois qui se sont écoulés, avant que je ne fasse un inventaire complet des affaires qui étaient encore dans des cartons, je n'avais pas connaissance du fait qu'il était encore en ma possession. Il n'a jamais été utilisé depuis le mois de juillet 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'Élysée nous a affirmé vous avoir demandé de restituer ce téléphone le 4 octobre 2018. Cette date est un peu éloignée de celle de votre départ, et vous ne l'avez pas restitué le 4 octobre ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne sais pas qui a dit cela, et sur quelle base : ce téléphone ne m'a jamais été réclamé le 4 octobre. Apparemment, l'Élysée a découvert que j'étais en possession de ce téléphone quand mon avocate lui en a fait part.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En réalité, le téléphone a été « désactivé » le 4 octobre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C'est tout de même étrange : alors que vous avez quitté vos fonctions le 31 juillet, l'Élysée ne s'est rendu compte de cette affaire que le 4 octobre. De plus, si je comprends ce que vous dites, s'en étant rendu compte, l'Élysée n'a pas réagi auprès de vous pour vous demander de restituer ce téléphone.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne sais pas répondre à cette question ; je ne pense pas être le mieux placé pour y répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je vous pose à présent une question relative au port d'arme ; vous n'y répondrez peut-être pas, mais il pourrait être utile pour vous d'y répondre. Une perquisition a eu lieu - vous vous en souvenez. Les conditions dans lesquelles elle a été menée n'ont donné lieu à aucune instance judiciaire. Il a été question d'une armoire. Pouvez-vous nous en dire davantage sur son contenu ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

La perquisition a eu lieu sur instruction d'un magistrat,...

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

donc de la justice ; cette question concerne l'information judiciaire et l'instruction. Si la justice a des questions à me poser à cet égard, elle me les posera. Tout s'est fait dans un cadre légal : il y a eu une vraie perquisition à mon domicile, avec de vrais policiers. J'en suis le premier témoin. Tout a été fait conformément à la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

On a constaté que vous aviez une certaine appétence pour les passeports : après tout, chacun a ses marottes. Mais la situation est quand même un peu étrange pour ce qui concerne le passeport diplomatique dont vous avez demandé le renouvellement.

Premièrement, cette demande intervient après la sanction qui vous a été infligée, et après que vous avez été déchargé de la mission d'organisation des voyages du Président de la République. Cela peut sembler étrange : pourquoi avez-vous demandé ce passeport diplomatique, à ce moment-là, alors que vous n'aviez plus la fonction qui l'aurait justifié ?

Deuxièmement, vous n'êtes pas passé par le service du protocole de l'Élysée : pourquoi, puisque c'est la voie normale ? Vous avez obtenu le renouvellement du passeport très rapidement, auprès du ministère des affaires étrangères, qui - M. Le Drian nous l'a dit - en a d'ailleurs informé le service du protocole de l'Élysée. D'après nos informations, ce service n'a réagi d'aucune sorte.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je suis désolé, mais les conditions d'attribution, de détention, d'obtention et de restitution de ces passeports concernent l'information judiciaire en cours. Le juge d'instruction saisi m'interrogera à ce sujet. Je ne répondrai donc pas à ces questions devant votre commission. J'en suis désolé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur Benalla, vous êtes obligé de répondre à ces questions devant notre commission. Elles concernent le fonctionnement de l'État, et non pas des fautes que vous auriez pu commettre. Elles ne sont donc pas reliées à cette information judiciaire, à moins que l'on ait de cette dernière une compréhension particulièrement extensive.

Je vous précise, comme je l'ai dit plusieurs fois, que nos missions sont complémentaires. Nous pouvons nous intéresser aux mêmes faits, mais pas pour le même objet : la justice peut s'intéresser à l'utilisation que vous faites d'un passeport diplomatique si elle donne lieu à une infraction de votre part. Nous ne nous intéressons pas du tout à cela. En revanche, il est très important pour nous d'assumer notre mission constitutionnelle, sans en rien limiter les capacités d'action de la justice - nos missions sont complémentaires, et non concurrentes -, pour ce qui concerne les procédures administratives suivies. Nous voulons savoir comment cette attribution a eu lieu. Elle n'est pas poursuivie en tant que telle comme une infraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Non, pas l'attribution de ce passeport diplomatique. Nous sommes tout à fait d'accord pour que la justice vous pose des questions sur ce sujet. Mais, nous aussi, nous vous posons des questions à ce titre, et vous êtes obligé d'y répondre.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

J'ai bien entendu votre propos, monsieur le président Bas, mais je ne pourrai pas répondre à cette question, parce que, contrairement à ce que vous affirmez, la justice s'intéresse aux conditions de délivrance et d'obtention de l'ensemble des passeports, dans le cadre d'une information judiciaire qui est ouverte sur cinq motifs d'infraction et non seulement l'usage d'un passeport. J'ai été mis en examen pour usage abusif d'un document donnant une fonction, mais je suis placé comme témoin assisté sur quatre chefs d'inculpation. Ce n'est pas tant mon statut que l'ouverture d'une information sur ces cinq chefs d'inculpation qui m'empêche de répondre à votre question.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je pense qu'ils ont été rendus publics par le parquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Notre question ne porte pas sur l'usage d'un passeport. Elle ne porte pas sur les passeports de service, au titre desquels vous êtes témoin assisté. Elle porte sur les conditions d'obtention et de renouvellement d'un passeport, alors que vous étiez dans une institution, l'Élysée.

Ce n'est pas parce que la justice fait son travail que nous ne devons pas faire le nôtre. C'est très clair et il s'agit d'une question absolument essentielle pour aujourd'hui et pour demain : les commissions d'enquête parlementaires doivent pouvoir exercer leur mission constitutionnelle, qui est de contrôler le Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques. Or ce qui se passe à l'Élysée, notamment en matière de sécurité, relève de la politique publique.

À partir du moment où, au sein de l'Élysée, vous demandez et obtenez un tel passeport diplomatique, nous sommes en droit de vous interroger : pourquoi cette demande a-t-elle été formulée, alors que vous n'aviez plus de titre à disposer d'un passeport diplomatique ? Et pourquoi le service du protocole de l'Élysée a-t-il été contourné ? Ces questions sont très simples.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vais réitérer mon propos une troisième fois : la justice étant saisie des faits concernant les passeports au sens large - les passeports de service et les passeports diplomatiques -, s'intéressant également à leurs conditions d'obtention, et non pas simplement aux conditions d'utilisation de ces passeports, une information judiciaire étant ouverte, et étant, moi-même, très respectueux des institutions, je répondrai aux questions des magistrats instructeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce n'est pas être très respectueux des institutions que de refuser de répondre aux questions qui vous sont posées par une commission d'enquête parlementaire.

Vous avez une conception singulière de ce qu'est le respect des institutions... Respecter les institutions, c'est aussi savoir que l'autorité judiciaire n'a pas vocation à porter d'appréciation sur un dysfonctionnement administratif. En conséquence, c'est bien à nous de le faire. Chacun a son rôle complémentaire : la justice vérifiera si vous avez ou non commis des infractions. À ce titre, elle peut tout à fait chercher des informations dans tel ou tel domaine de l'action administrative, mais elle ne peut porter d'appréciation sur la régularité d'une décision administrative. Il s'agit là d'une évidence pour tout le monde, et vous, qui avez fait des études de droit, vous devriez le savoir aussi.

Je vois votre obstination à ne pas répondre aux questions de la commission d'enquête et je n'en comprends pas la raison. Je tenais à vous le dire.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je n'ai absolument rien à cacher quant à l'obtention et l'utilisation de ces passeports, et je serais aujourd'hui le premier ravi de pouvoir vous expliquer comment j'ai pu les obtenir, comment ils m'ont été délivrés et comment je les ai utilisés. Mais, dès lors que l'on suspecte que les conditions de délivrance ont donné lieu à une infraction pénale, l'on n'est plus dans un cadre administratif, mais dans un cadre judiciaire. Aujourd'hui, la justice cherche à savoir comment j'ai obtenu ces passeports. Je le réitère pour la quatrième fois : je ne pourrai pas répondre à cette question, qui est d'ordre, non administratif, mais judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La justice s'intéresse-t-elle vraiment aux conditions dans lesquelles vous avez obtenu le renouvellement de votre passeport diplomatique au mois de juin dernier ? Ce n'est pas ce que j'ai entendu.

Le directeur de cabinet du Président de la République a utilisé l'article 40 du code de procédure pénale, non pas pour l'attribution de ces passeports diplomatiques, mais pour la note à en-tête du chef de cabinet du Président de la République par laquelle a été demandée l'obtention de votre passeport de service, ce qui n'a rien à voir avec le renouvellement de votre passeport diplomatique au mois de juin dernier.

Nous en resterons là : je vous donne acte de votre refus de répondre, mais je tiens à vous dire que votre interprétation est erronée. D'ailleurs, vous n'avez pas à opposer votre propre interprétation à celle que nous faisons, au sein d'une commission d'enquête parlementaire : c'est notre rôle d'interpréter notre mandat et de définir le champ des questions que nous avons à vous poser et auxquelles vous pourriez répondre.

En commençant cette audition, j'ai précisé à quel point nous sommes attentifs à ce que, dans ce cadre, la séparation des pouvoirs soit respectée ; la conception que vous en affirmez est, de mon point de vue comme de celui des rapporteurs, abusive.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

J'ai bien entendu votre remarque. Je suis assez inquiet de constater que, devant votre commission, le directeur de cabinet du Président de la République a dit que je serais convoqué dans les toutes prochaines heures ; cela pose quand même question quant à l'indépendance des institutions. Aujourd'hui, vous m'expliquez que vous n'avez pas connaissance du fait que la justice s'intéresse aux conditions d'obtention et de délivrance de ces passeports. Je ne sais pas si vous avez eu accès au dossier judiciaire vous-même, mais cela me pose question.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je me fonde sur les chefs d'incrimination retenus par le parquet et rendus publics...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

À une certaine époque, pas moins de quatre ministres nous ont rappelé qu'il était tout à fait nécessaire que nous respections nos prérogatives. Nous ne pouvons qu'insister sur la grande nécessité de respecter l'indépendance de la justice, comme la justice se doit de respecter notre indépendance, et surtout comme le pouvoir exécutif se doit de respecter l'indépendance du pouvoir législatif.

Vous nous dites que, pour ces raisons liées à la justice, vous ne pouvez pas parler des passeports. Il y a là une petite contradiction avec votre déclaration préalable : vous avez commencé par nous parler de passeports. Vous nous avez dit, pour répondre à la question de Mme Eustache-Brinio, que, quand vous avez quitté l'Élysée, les passeports étaient restés dans votre bureau. Tout à l'heure, vous avez dit que les passeports étaient restés « à l'Élysée ». C'est une nuance qui a de l'importance. Pouvez-vous nous confirmer que les passeports sont restés dans votre bureau, à l'Élysée ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je n'ai pas répondu à votre question relative aux passeports, puisqu'elle s'inscrit dans le cadre d'une information judiciaire ouverte. Dans mon propos liminaire, j'ai évoqué ces passeports : je suis simplement resté cohérent avec des propos tenus publiquement à travers deux communiqués, l'un de moi, l'autre de mon avocate. Je n'ai donc fait que répéter mes propos publics, qui datent d'une quinzaine de jours et que vous pouvez trouver dans la presse. Je n'ai pas révélé de secret ; et, il y a quinze jours, je n'étais encore ni mis en examen ni placé sous le statut témoin assisté pour ce qui concerne les passeports.

Pour être encore plus précis que vous ne l'êtes, lorsque j'ai répondu à Mme Eustache-Brinio, j'ai dit : « je pense que mes passeports sont dans mon bureau à l'Élysée et qu'ils ont dû être restitués ». Le « je pense » est une nuance qui a une extrême importance. Penser n'est pas affirmer ; tout ce que je peux vous affirmer - je l'ai fait encore une fois sous serment aujourd'hui -, c'est que mes passeports étaient à l'Élysée le 19 septembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Une perquisition a eu lieu, et ensuite on vous a rendu les passeports. Pouvez-vous être plus précis ? Quelle personne vous a rendu les passeports, « au coin d'une rue », comme vous l'avez dit ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je le répète, une information judiciaire est ouverte. La justice exposera dans des conditions claires la manière dont les passeports ont été rendus, puis restitués, comment et par qui.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

M. Strzoda nous a expliqué que vous bénéficiiez de deux passeports de service, l'un délivré en 2016, lorsque vous travailliez à la délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer, et l'autre délivré le 28 juin 2018, dans le cadre de vos fonctions à l'Élysée. Si vous nous confirmez la détention de ces deux passeports, pouvez-vous nous expliquer quelle en était l'utilité, dans la mesure où vous disposiez déjà de deux passeports diplomatiques ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je suis désolé, mais je ne pourrai pas non plus répondre à cette question, qui porte sur une information judiciaire en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous avez une conception extrêmement large de l'information judiciaire. Je n'ai pas le pouvoir de vous faire parler si vous ne le souhaitez pas ; je ne peux que me rallier aux longues explications données par le président Bas et déplorer que vous ne souhaitiez pas répondre à la mission d'information.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

J'ai répondu de la manière la plus précise, complète et cohérente, depuis le début de vos auditions, à l'ensemble de vos questions. Je ne décide pas d'être mis en examen ou placé sous le statut de témoin assisté ; je ne décide pas qu'une information judiciaire soit ouverte ou non. Je respecte juste le cadre de ce qui m'a été conseillé par mon avocate : ne pas faire d'auto-incrimination.

Dès lors que je suis mis en cause par la justice - à ce titre, le statut de mis en examen ou de témoin insisté importe peu -, toutes les déclarations que je peux faire devant vous sous serment peuvent être retenues contre moi par la justice ultérieurement. Excusez-moi juste de respecter des principes qui me sont garantis par la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je suis d'accord avec vous sur ce point. Nous-mêmes, nous ne voulons pas que vous puissiez encourir le risque de l'auto-incrimination.

Cela étant, il s'agit du fonctionnement de l'administration : nous ne vous demandons pas de parler des actes que vous avez commis, mais de ceux qui ont été accomplis par des services de l'administration. Vous voyez bien la différence entre les deux. Il faut que vous cessiez de considérer que les deux enquêtes, parlementaire et judiciaire, devraient s'exclure l'une l'autre. Elles ne sont pas en concurrence, elles se complètent.

Nous sommes ici très heureux que la justice fasse son travail. Elle fait un travail que nous ne pourrions pas faire, et, de la même façon, nous en faisons un qu'elle ne pourrait pas faire non plus. C'est pourquoi, dans notre République, les dispositifs de contrôle sont multiples : à chacun son rôle.

Pour l'instant, nous allons nous en tenir là sur ce sujet : mes collègues vous poseront d'autres questions, et vous aurez alors de nouveau l'occasion de vous exprimer.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Vous me posez des questions sur l'administration. Les questions qui m'ont été posées me l'ont été directement, concernant des actes que j'aurais accomplis ou l'utilité que j'aurais pu avoir à me faire délivrer ces passeports.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

C'est la nature même de la question qui m'a été posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Non, parce que cela touche à votre fonction à l'Élysée. La question était : pourquoi auriez-vous eu encore besoin d'un nouveau passeport diplomatique au mois de juin, alors que - on nous l'a dit et vous ne l'avez pas démenti - que vous étiez déchargé de vos missions d'organisation des déplacements du chef de l'État à l'étranger ? C'est pourquoi j'estime que vous auriez normalement dû être en mesure de répondre à cette question simple, sans vous exposer au risque d'auto-incrimination.

Je peux déduire de votre non-réponse que la question vous gêne !

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Pas du tout ! Si des questions me gênaient, je vous l'aurais dit depuis longtemps ; je n'aurais pas répondu de manière aussi claire, longue et précise, que je l'ai fait depuis le 19 septembre.

Si votre question concerne le fonctionnement de l'administration, voici ce que je peux vous dire : ces passeports m'ont été délivrés normalement, sans qu'à aucun moment une objection quelconque intervienne, depuis que j'ai quitté mes fonctions ou alors que j'étais en fonction. C'est tout ce que je peux vous dire aujourd'hui.

Si l'administration avait jugé anormale la délivrance des passeports, elle l'aurait soulevé. Les passeports de service ont été annulés ; les passeports diplomatiques, je constate que non.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Et le service du protocole de l'Élysée, informé par le Quai d'Orsay du renouvellement de ce passeport diplomatique, ne vous a fait aucune observation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Entre le 1er août, date de votre licenciement, et le 31 décembre 2018, vous avez, d'après M. Strzoda, utilisé deux passeports diplomatiques une vingtaine de fois. Lors de ces déplacements, avez-vous, comme vous l'avez indiqué dans un communiqué de presse, toujours prévenu « la plus haute autorité française » ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne commenterai pas les articles de presse, mais uniquement mes propres déclarations. En l'occurrence, un communiqué qui était le mien.

J'ai avisé des personnes de l'ensemble de mes déplacements à l'étranger, par courtoisie républicaine. Je n'ai pas saisi la commission de déontologie de la fonction publique, mais j'ai un peu expliqué ce que je faisais depuis que j'avais quitté mes fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Ma question était plus précise : « la plus haute autorité française ».

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je parle, non pas d'une personne, mais d'une institution.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Des personnes travaillant pour la plus haute autorité française, c'est-à-dire des membres de la présidence de la République.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne souhaite évoquer ni leurs fonctions ni leurs noms ni leurs prénoms. Je suis désolé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

À quelle date avez-vous prévenu les personnes en question de votre déplacement au Tchad ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je suis désolé, mais je ne répondrai pas à cette question, qui concerne des déplacements postérieurs à mes fonctions à l'Élysée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce qui s'est passé après a un rapport avec ce qui s'est passé avant. Au cours des déplacements que vous avez faits récemment - vous avez tout à fait le droit de vous déplacer -, a-t-il été question de la sphère d'activité dont vous étiez chargé à l'Élysée ? Y a-t-il une connexion entre cette sphère d'activité et l'objet de ces déplacements, ou n'y a-t-il aucun rapport entre eux ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Il n'y a aucun rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Lorsque vous avez été reçu par des chefs d'État, l'ont-ils fait en lien avec certaines missions, dont vous pourriez ou non nous parler, ou en lien avec vos anciennes fonctions ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

J'ai été reçu en tant qu'Alexandre Benalla. Je n'ai pu changer ni de nom ni de prénom ! Malheureusement, et contre mon gré, mon nom a acquis une notoriété qui s'est répandue jusqu'en Afrique. Je n'ai jamais été reçu afin de remplir une quelconque mission pour mon ancien employeur ni pour occuper des fonctions ou un emploi, ou encore pour mener des discussions en rapport avec mes anciennes fonctions. Ces déplacements et ces rencontres avec certaines personnes ont été menés à titre privé, avec mon prénom et mon nom, en tant qu'Alexandre Benalla.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Sur votre propos liminaire, il est exact qu'il y a eu des violences lors des manifestations du 1er mai, telles que vous en faisiez état.

Premièrement, concernant les passeports, je voudrais vous interroger sur la pratique courante. Est-il, selon vous, pratique courante que des personnes ayant quitté leurs fonctions utilisent des passeports diplomatiques ou de service jusqu'à leur expiration ? Si c'est interdit, vous l'a-t-on dit ? Votre ancien employeur a porté plainte pour ce motif. En étiez-vous informé ? Seriez-vous la seule personne poursuivie pour avoir violé cette interdiction ?

Vous dites par ailleurs avoir informé la présidence de vos déplacements. Vous refusez néanmoins de nous donner les noms des personnes en question. À moins que vous ayez été en mission parallèle - pour la DGSE ou que sais-je -, je ne vois pas ce qui peut justifier un tel refus. MM. les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères, ainsi que M. le directeur de cabinet du Président de la République, nous ont dit que, quatre mois durant, ils ignoraient tout de vos déplacements à l'étranger, et qu'ils ne les avaient découverts que dans Le Canard enchaîné. Cela vous paraît-il vraisemblable ? Pouvaient-ils l'ignorer ? Marianne vous cite, disant « comme cela, ils sauront où je suis »...Vous paraît-il vraisemblable que notre ambassadeur au Tchad n'ait pas informé Paris de votre déplacement dans ce pays ? Vous paraît-il vraisemblable que M. le ministre des affaires étrangères ait tout découvert le 26 décembre, comme il nous l'a dit, sachant que le Président de la République était à N'Djamena le 22 décembre ?

Enfin, vous disiez vous-même avoir gêné dans vos fonctions. N'avez-vous pas le sentiment d'avoir gêné également plus tard ? Certains affirment que vous êtes « mort » aux yeux de l'Élysée ; selon d'autres, au contraire, vous auriez pu renseigner utilement le Président sur l'emploi des forces de l'ordre pendant les manifestations, ou encore, pourquoi pas, sur le Tchad, voire le rôle des Russes au Tchad... Il aurait été nécessaire, pour le Président, de le savoir, mais il n'aurait pu recevoir de telles informations par les voies officielles. N'avez-vous pas, alors, irrité certaines personnes ? Cela pourrait-il être à l'origine des ennuis qui vous sont faits et des informations qui nous sont données bien tardivement aujourd'hui ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

On ne m'a pas informé, par quelque moyen que ce soit, que je ne pouvais pas utiliser ces passeports. Je le confirme : ils m'ont été rendus au début d'octobre. Ils étaient utilisables : aucune mention n'avait été portée dessus, et aucun courrier m'enjoignant de ne pas m'en servir ne les accompagnait. C'est une connerie de ma part de les avoir utilisés, au vu de la polémique qui s'en est ensuivie.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vous ai déjà dit que je ne répondrai pas à cette question, monsieur le co-rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La présidence de la République, alors, nous aurait-elle menti ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je pense que l'enquête judiciaire déterminera la vérité avec les moyens qui sont les siens. Je vous affirme, sans porter aucune accusation, que j'ai rendu mes passeports à la fin du mois d'août et qu'ils m'ont été restitués au début d'octobre.

Concernant la pratique courante, j'ai entendu dire, à l'occasion de vos auditions, qu'une inspection générale avait été diligentée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ; elle a découvert qu'un certain nombre de passeports diplomatiques dont les titulaires avaient cessé leurs fonctions étaient toujours conservés, sinon utilisés, par ces personnes. Je suis incapable de vous dire si des personnes continuent de se servir de leurs passeports après la fin de leurs fonctions ; je vous répète juste les propos d'une personne que vous avez auditionnée : certaines personnes - dans plusieurs administrations, d'ailleurs - qui disposent de passeports diplomatiques ne restituent pas ces passeports en quittant leurs fonctions. S'en servent-elles pour voyager ? Je suis incapable de répondre à cette question.

Pour ma part, j'ai avoué de la manière la plus simple possible que j'avais voyagé avec ces passeports, et j'assumerai ma responsabilité devant la justice, qui me le reproche aujourd'hui. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

Pourriez-vous répéter vos autres questions ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur pouvaient-ils ignorer vos déplacements ? L'ambassadeur de France au Tchad a-t-il pu oublier de signaler à Paris que vous vous étiez rendu à N'Djamena le 12 décembre, alors que le Président de la République y allait le 22 ? Est-il vraisemblable que le ministre des affaires étrangères n'ait découvert votre déplacement que le 26 ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je n'en sais rien ; je ne suis pas dans la tête du ministre des affaires étrangères. J'ai lu une brève, dans le Canard enchaîné, selon laquelle la direction de la coopération internationale, service dépendant du ministère de l'intérieur, avait été informée de certains de mes déplacements à l'étranger ; elle n'aurait pas fait remonter l'information. Je peux vous affirmer que j'ai informé, par courtoisie, en mon nom propre et sous ma responsabilité, des personnes à la présidence qui devaient en connaître. Concernant les autres acteurs - ministres ou responsables d'administrations -, je ne sais pas quelles démarches ils ont prises ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Enfin, en détenant ou en révélant certaines informations, n'avez-vous pas indisposé la sphère administrative ou technocratique ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Merci de me donner cette chance de m'expliquer publiquement, clairement et sous serment. Je ne détiens aucun secret sur qui que ce soit, je ne fais aucun chantage. On essaie d'expliquer ainsi un certain nombre de dysfonctionnements de la part de l'État, ainsi qu'un certain nombre de négligences et d'erreurs et de fautes que j'ai commises, que je reconnais devant vous et que j'ai reconnues devant la justice. J'assume mes responsabilités, mais il ne faut pas en déduire que tout cela est dû à des secrets que je détiendrais. Je ne détiens aucun secret.

J'avais une fonction claire, que je vous ai décrite le 19 septembre ; j'ai rempli ma mission de manière claire et je ne suis pas parti en emportant des secrets sur qui que ce soit. J'essaie juste de reprendre une vie normale et de me refaire, par moi-même, sans demander l'aide de personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Pour les détenteurs de passeports diplomatiques ou de service, une note verbale du ministère des affaires étrangères est demandée pour l'obtention du visa d'entrée sur le sol tchadien. J'ai le document ici. Je précise que cette formalité est exigée tant pour les courts séjours que pour ceux de longue durée. Aviez-vous à disposition une note verbale pour l'entrée sur le sol tchadien ? Comment avez-vous pu produire un tel document ? Vous a-t-il été délivré par le Quai d'Orsay ? Si vous n'aviez pas ce document, expliquez-nous par quel moyen vous avez pu obtenir ce visa.

Je voudrais savoir, si possible, qui vous a restitué les passeports en octobre.

Ensuite, vous avez révélé dans la presse avoir eu des contacts avec le Président de la République jusqu'au 24 décembre, par la messagerie Telegram. Vos échanges étaient-ils d'ordre privé, ou d'une nature plus officielle ?

Enfin, votre épouse était salariée de La République en Marche (LaREM) lorsqu'ont éclaté les affaires qui vous concernent. Quelles étaient ses fonctions ? Est-elle toujours salariée de LaREM ? Avez-vous toujours des contacts avec le parti présidentiel ? Y exercez-vous des fonctions ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je n'ai pas connaissance de cette note verbale. Je suis entré au Tchad sans visa, avec un simple tampon. J'étais avec une délégation économique étrangère, comme je l'avais déjà précisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

C'est exigé pour les passeports de service et les passeports diplomatiques !

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je suis entré au Tchad sans visa. Il faudra peut-être poser la question à d'autres autorités. Moi, je n'ai pas fait de demande de visa pour aller au Tchad.

Pouvez-vous me rappeler votre deuxième question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Elle a pour objet la teneur de vos contacts avec la présidence lors de vos échanges par Telegram. Ces échanges étaient-ils privés, ou d'une nature plus officielle ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne commente pas les articles de presse. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai plus de contact avec qui que ce soit, à la présidence de la République ou au parti La République en Marche, depuis le 24 décembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Quant à votre épouse, est-elle toujours salariée de LaREM ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Ma femme n'a pas grand-chose à voir avec toute cette histoire. Je ne parlerai donc pas d'elle ici.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Si je vous posais la question que j'avais préparée, vous me répondriez, je le crains, ne pouvoir y répondre en raison de la procédure pénale en cours. J'aurais voulu savoir quelles raisons vous avaient poussé à solliciter quatre passeports en même temps ou les raisons pour lesquelles on vous les a attribués. Je vais néanmoins m'extraire totalement du cas Benalla et vous poser plutôt la question suivante : est-il habituel, pour des personnes remplissant les missions que vous nous avez dit remplir, d'avoir quatre passeports en même temps ? À quoi cela sert-il ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Ce n'est pas quatre, mais trois passeports. Le premier passeport de service m'a été attribué en 2016 dans le cadre d'autres fonctions. Sa restitution n'a jamais été demandée non plus à cette occasion. Il est habituel - le ministre des affaires étrangères vous a répondu, je pense, assez clairement sur ce point - de détenir deux passeports diplomatiques, pour des raisons liées aux demandes de visas. C'est fonctionnel. Quant au passeport de service, je le répète, je l'ai obtenu dans des conditions normales et pour des raisons normales. Je ne veux pas être affirmatif sur la question, mais certaines personnes détiennent plus de passeports diplomatiques que j'ai pu en détenir ; c'est quelque chose de normal. Dès lors que vous demandez à l'administration un certain nombre de documents, les contacts entre les administrations sont assez fluides. Si ma demande avait paru bizarre ou ubuesque, le ministère de l'intérieur n'aurait pas délivré le passeport en question.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Lors de vos vingt déplacements à l'étranger, étiez-vous seul, ou bien en délégation ?

Lors des passages aux frontières, tant à l'entrée qu'à la sortie du territoire, les fonctionnaires ne vous ont-ils posé aucune question ? N'ont-ils pas été surpris de quoi que ce soit relativement à vos passeports ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vais répondre à cette question, alors que je n'y suis pas obligé, dans la mesure où elle concerne mes déplacements privés à l'issue de mes fonctions.

Je me suis déplacé parfois seul, parfois en délégation ; je vous le dis sans vous donner les détails exacts de ces déplacements. Mes passeports, qui ont été utilisés vingt-trois fois, pour être tout à fait exacts, l'ont été simplement pour justifier de mon identité au passage de frontière. Ils ne m'ont fait bénéficier d'aucun avantage, sinon, à deux reprises, du fast track. Je suis passé plus rapidement, comme avec une carte premium. À une dizaine de reprises, je me suis déplacé en avion privé, avec les avantages que cela procure, mais je me suis soumis à l'ensemble des contrôles lors de ces déplacements. Le passeport diplomatique ne vous immunise absolument pas. Je suis passé sous les portiques de sécurité et mes bagages sont passés aux rayons X.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur Benalla, le porte-parole du Gouvernement a évoqué l'existence de dysfonctionnements à l'Élysée. Ces dysfonctionnements sont au coeur de notre travail parlementaire. Ils concernent des faits, comme les conditions d'attribution, de restitution ou de non-restitution de votre arme de service, de vos passeports, du téléphone Teorem, mais ils impliquent aussi que nous comprenions les mécanismes et les circuits décisionnels propres à l'Élysée, ainsi que les interactions qui existent entre les différents protagonistes de l'administration élyséenne.

Nous avons appris que vous auriez demandé au directeur de cabinet du Président de la République de réécrire votre lettre de licenciement. Est-ce vrai ? Vous est-il arrivé assez fréquemment d'imposer ainsi vos vues à M. Strzoda ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Si je comprends bien, monsieur le sénateur, vous n'avez qu'une seule question et celle-ci concerne ma lettre de licenciement.

Tout d'abord, je vous informe que cette lettre est sortie dans la presse, alors qu'il s'agit d'une pièce de l'instruction judiciaire en cours sur les événements du 1er mai. Il s'agit en réalité d'une exploitation de mon téléphone portable : j'ai envoyé un SMS à M. Strzoda l'informant que la lettre de licenciement qu'il avait écrite ne correspondait pas à la vérité et que je ne signerai que la réalité des faits. Je n'ai donc pas imposé mes vues ; j'ai juste exercé un droit, qui est le droit à la vérité.

La première mouture de la lettre de licenciement écrite par M. Strzoda indiquait que personne n'était au courant de mon stage d'observation à la préfecture de police le 1er mai, ce qui n'est malheureusement pas la réalité. J'assume mes responsabilités, mais je ne les assume que lorsque les faits réels sont écrits. Quand on écrit un mensonge, je le dénonce. Je vous fais simplement remarquer que le courrier a été modifié et qu'il a finalement relaté la réalité des faits, c'est-à-dire que mes autorités étaient au courant que j'allais aux manifestations du 1er mai en tant qu'observateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Monsieur Benalla, vous avez déclaré dans la presse que vous étiez resté en lien avec le Président de la République jusqu'au 24 décembre dernier. Vous avez dit que la teneur de vos échanges portait sur des faits sociétaux, sur votre manière de voir les choses, à propos des gilets jaunes, par exemple. Ces échanges auraient eu lieu par SMS. Or nous avons appris que le téléphone crypté Teorem que vous utilisiez avait été désactivé le 4 octobre. Cela veut-il dire que vos échanges ont eu lieu avec un téléphone que je qualifierai « de base » et, par conséquent, que le Président de la République utilise un téléphone ordinaire ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

J'ai eu un certain nombre d'échanges avec un certain nombre de personnes via des messageries cryptées. Cette information est sortie dans la presse dès le début du mandat du Président de la République, et même depuis le début de la campagne. Je n'ai eu aucun échange avec le téléphone Teorem depuis le 1er juillet dernier avec qui que ce soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je souhaite revenir sur les déclarations que nous a faites M. Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le 16 janvier dernier. Monsieur Benalla, le ministre nous a affirmé qu'une demande officielle de restitution de vos passeports diplomatiques vous avait été adressée le 26 juillet 2018 et que l'accusé de réception avait bien été retiré. Le 10 septembre, puisque vous n'aviez manifestement pas obtempéré, une nouvelle lettre vous a été transmise, laquelle n'aurait cette fois-ci pas été retirée. Entre-temps, le 1er août, vous avez été licencié. Vous nous avez dit tout à l'heure que, pendant quelques jours, vous aviez utilisé vos passeports diplomatiques dans le cadre d'une mission privée dont vous ne voulez pas révéler la teneur.

Ma première question est simple : comment vos passeports ont-ils été restitués à l'Élysée, puisque vous nous déclariez le 19 septembre dernier que ces passeports y étaient restés ? À cet égard, permettez-moi de vous dire qu'il semblerait que vos propos étaient plus nets lors de votre première audition que ceux que vous avez tenus tout à l'heure.

Ma seconde question est plus factuelle : connaissez-vous un certain Philippe Hababou Solomon ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Votre première question concerne-t-elle bien la restitution de mes passeports ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Oui, vous avez utilisé ces passeports pendant quelques jours au mois d'août, si j'ai bien compris.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Oui, du 1er au 7 août, pour être tout à fait exact.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Puis ceux-ci sont repartis à l'Élysée : comment ont-ils été retournés ? Êtes-vous vous-même passé à l'Élysée pour les rendre ? M. Strzoda nous a dit que vous n'y aviez pas mis les pieds depuis le 1er août.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Les propos de M. Strzoda ne sont pas tout à fait exacts. Sans entrer dans des détails qui, encore une fois, se rapportent à l'information judiciaire en cours, j'ai fait redéposer un certain nombre d'effets personnels, dont mes passeports diplomatiques, à un salarié de l'Élysée dans le courant du mois d'août, plutôt même vers la fin du mois d'août.

Concernant votre seconde question, je connais en effet M. Philippe Hababou Solomon, que j'ai rencontré après la fin de mes fonctions, en octobre 2018, pour être tout à fait exact.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

J'ai une première question toute simple. Vous nous dites que vous avez récupéré les passeports diplomatiques au début du mois d'octobre : pourquoi les avez-vous acceptés, alors qu'ils avaient manifestement un lien avec des fonctions que vous n'exerciez plus ?

Ma seconde question, même si je crains que vous ne souhaitiez pas y répondre, puisque vous faites aujourd'hui l'objet d'une enquête préliminaire pour faux et usage de faux, ce qui ne contrevient pas pour autant à l'activité de notre commission d'enquête, est la suivante : que pensez-vous de la déclaration de M. Strzoda laissant entendre que vous auriez fabriqué un faux pour demander un passeport de service au ministère de l'intérieur ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

En ce qui concerne la restitution de mes passeports, j'ai reconnu une erreur, que je reconnais encore une fois devant vous. Moralement, il aurait été plus prudent de laisser ces passeports dans le sac plastique où ils se trouvaient. Je ne l'ai pas fait ; il s'agit d'une bêtise que j'assume à 100 %.

Concernant votre seconde question, le seul constat que je dresse, c'est que je n'ai pas été mis en examen pour faux et usage de faux. Je n'ai pas d'autre déclaration à faire concernant les propos de M. Strzoda.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur Benalla, lorsque vous avez intégré le cabinet de la présidence de la République, il semblerait que vous n'ayez pas fait de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Vous auriez pourtant dû le faire, puisque les textes en la matière - nous les avons bien étudiés - sont très clairs.

Quelqu'un à l'Élysée vous a-t-il dit que vous auriez dû faire une telle déclaration à laquelle nous, parlementaires, sommes astreints, comme toute personne gravitant autour de l'exécutif ?

Vous allez bientôt faire une déclaration à la commission de déontologie, et ce six mois après la cessation de vos fonctions à l'Élysée. Quelqu'un vous a-t-il demandé ou a-t-il exigé de vous que vous fassiez cette déclaration ? Si oui, à quel moment ? Et pourquoi avez-vous mis autant de temps à la rédiger ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

En ce qui concerne la déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique que j'aurais dû faire préalablement à mon entrée à l'Élysée, la pseudo « affaire Benalla » a révélé que les chargés de mission n'y ont jamais été astreints et qu'il s'agissait d'une pratique courante depuis un certain nombre de quinquennats. Ce n'est qu'à la suite de cette affaire que le directeur de cabinet du Président de la République a demandé aux neuf autres chargés de mission de l'Élysée de remplir une telle déclaration.

Je tiens à vous informer que, au mois de septembre dernier, après avoir quitté l'Élysée, j'ai transmis une déclaration de cessation de fonctions à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Concernant l'obligation de saisir la commission de déontologie de la fonction publique, je n'ai, encore une fois, pris connaissance de cette obligation que trois jours avant l'audition de M. Patrick Strzoda par votre commission d'enquête, lequel m'a envoyé un courrier, que je pourrais éventuellement vous fournir si vous en avez besoin, dans lequel il m'informait qu'il était très important de saisir cette commission. Malheureusement, je n'ai pas relu mon contrat de travail au terme de mes fonctions ; j'en suis absolument désolé - il s'agit là encore d'une erreur de ma part.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il est vrai que ce courrier aurait certainement pu vous être adressé plus tôt, au mois de juillet par exemple,...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

ce qui ne vous dispensait pas pour autant de remplir vos obligations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Monsieur Benalla, j'ai bien noté que vous confirmiez avoir laissé vos passeports à l'Élysée et que vous refusiez de répondre à la question de savoir qui vous les avait rendus et comment ils vous avaient été restitués.

Vous avez été licencié le 24 juillet avec effet au 1er août.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Le fait que vous ayez continué à utiliser ces passeports diplomatiques m'interpelle : pourquoi, comme tous les citoyens de ce pays, comme moi, par exemple, n'avez-vous pas utilisé un passeport ordinaire pour voyager ? Pour quelle raison avez-vous estimé que votre passeport diplomatique était nécessaire pour vous déplacer ? On peut parfaitement se déplacer avec un passeport ordinaire : on passe les frontières, peut-être un peu moins rapidement, mais on les passe ! Qu'est-ce qui justifie que vous ayez absolument tenu à utiliser des passeports diplomatiques pour vos déplacements ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Absolument rien ne justifiait l'utilisation de ces passeports. Je le répète encore une fois, il s'agissait d'une bêtise, d'une erreur de ma part. J'ajoute que ces passeports ne m'ont pas facilité la vie plus que cela au moment du passage aux frontières. Je n'ai échappé à aucun contrôle, que ce soit les contrôles d'identité ou les contrôles des bagages. C'était une erreur de ma part.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur Benalla, je voudrais vous faire préciser quelques-uns des propos que vous avez tenus en réponse à notre collègue Esther Benbassa sur votre voyage au Tchad ; j'ai trois questions.

Première question : êtes-vous entré au Tchad avec votre passeport diplomatique, sans visa, comme vous nous l'avez dit, ou avez-vous présenté un passeport ordinaire aux autorités tchadiennes ? Deuxième question : des visas ont-ils été apposés sur votre passeport diplomatique depuis le 1er août ? Troisième question : avez-vous voyagé avec votre passeport diplomatique dans des pays où le titulaire d'un passeport diplomatique, contrairement à celui d'un passeport ordinaire, est exempté de demande de visa ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Pour répondre à votre première question, je suis entré au Tchad avec mon passeport diplomatique. Ensuite, je n'ai jamais fait l'objet de demande de visa avec ce passeport diplomatique.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne l'ai pas fait, madame, et on m'a accepté au Tchad. Il faudrait demander aux autorités tchadiennes la raison pour laquelle elles m'ont laissé entrer sur le territoire, mais, en tout cas, je n'ai pas été refoulé à la frontière.

Enfin, à ma connaissance, je n'ai pas voyagé dans des pays qui exemptent de visa les titulaires de passeport diplomatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur Benalla, à votre sortie du territoire français, aucun fonctionnaire de la direction centrale de la police aux frontières ou des services de la douane ne s'est opposé à l'utilisation de votre passeport diplomatique ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

À aucun moment, monsieur le président Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous avez donc utilisé ce passeport diplomatique pour sortir du territoire.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Il m'est arrivé de l'utiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur Benalla, vous nous avez dit tout à l'heure avoir restitué un pin's : est-ce celui du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) ?

Par ailleurs, en tant que collaborateur du Président de la République, vous bénéficiiez d'une habilitation secret-défense au terme d'une enquête menée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Quand avez-vous rempli et signé le formulaire de demande ? Combien de fois, quand et par qui avez-vous été auditionné pour obtenir votre accréditation secret-défense ?

Enfin, le début et la fin de votre accréditation secret-défense vous ont-ils été notifiés ? Si oui, quand ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

J'ai entendu et lu beaucoup de choses dans la presse : en aucun cas, le pin's porté par les membres du cabinet de la présidence de la République n'est similaire à celui du GSPR.

Le pin's du GSPR est de couleur noire, comporte les armoiries de la présidence et trois étoiles qui correspondent à l'acronyme de la protection rapprochée. Le pin's délivré au personnel du cabinet de la présidence, ainsi qu'à certains membres des services administratifs, comme les photographes ou les intendants, pour que ceux-ci soient plus facilement identifiables lors des déplacements du Président de la République, est rond. On y trouve les couleurs bleu blanc et rouge et la mention « présidence de la République ». Ce pin's est numéroté et attribué nominativement par le commandement militaire du Palais de l'Élysée, sur instruction du directeur de cabinet.

L'enquête d'habilitation secret-défense n'a pas été réalisée par le SGDSN, car ce service n'enquête qu'en cas d'accréditation « très secret-défense », niveau auquel je n'étais pas habilité. Pour ma part, j'ai été habilité par mon autorité d'emploi, c'est-à-dire le directeur de cabinet du Président de la République, sur rapport de la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, dont les enquêtes sont assez poussées, et dont je ne connais pas la teneur, ce qui est, par essence, le but que l'on vise quand on procède à ce type d'enquête.

Enfin, l'habilitation vous étant accordée dès lors que vous occupez certaines fonctions, elle devient caduque lorsque vous cessez de les occuper. C'est la règle dans l'administration : quand quelqu'un dispose d'un poste qui nécessite une habilitation secret-défense et qu'il le quitte pour prendre de nouvelles fonctions, il perd son habilitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Vous voulez dire que vous n'avez à aucun moment été auditionné en vue d'une habilitation secret-défense à votre arrivée à l'Élysée ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Sans trahir de secret en la matière, puisque je ne suis pas détenteur moi-même d'une telle habilitation, les services mènent des auditions uniquement dans le cas où ils identifient un problème. Ils vous demandent alors de vous rendre à une convocation à laquelle vous êtes tenu d'aller et de répondre à un certain nombre de questions sur des failles susceptibles de vous concerner. Dans la mesure où je n'ai pas moi-même été auditionné par ces services, c'est qu'il n'y avait aucune raison de douter ou de m'entendre sur des faits qui auraient été portés à leur connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur Benalla, à une question portant sur le téléphone Teorem, vous nous avez répondu tout à l'heure que vous aviez le souci du respect des procédures.

Ma question porte sur le moment où vous avez récupéré vos passeports diplomatiques. Vous avez déclaré qu'il vous arrivait d'informer certaines personnes très haut placées à l'Élysée de vos déplacements. Cette démarche résultait-elle d'une procédure ? Quelqu'un vous a-t-il demandé de le tenir informé de vos déplacements ? Dans le cas contraire, qu'est-ce qui peut expliquer votre démarche auprès de ces personnes, si ce n'est que vous souhaitiez que le Président de la République en soit informé ? Enfin, avez-vous informé ces personnes de votre déplacement au Tchad ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Pour répondre à votre question, je n'avais aucune obligation d'informer la présidence de la République de mes déplacements. Je l'ai fait par courtoisie et, paradoxalement, je l'ai fait pour éviter ce que l'on est en train de vivre aujourd'hui. L'erreur d'avoir utilisé les passeports n'a pas aidé en soi. Compte tenu de la notoriété que j'ai acquise à cause de cette affaire, je souhaitais que mes déplacements ne puissent faire l'objet d'aucune interprétation. En l'occurrence, je n'avais pas été informé du déplacement du Président de la République au Tchad trois semaines après mon propre déplacement. J'ai informé l'Élysée de mon déplacement au Tchad a posteriori, et non avant de m'y rendre. C'est d'ailleurs ce qui a provoqué toute cette histoire. Je n'avais aucune obligation à le faire ; je l'ai fait par courtoisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Vous avez donc informé la présidence de la République par courtoisie et pour que le Président de la République soit au courant.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je l'ai surtout fait pour que les services de l'Élysée et l'entourage du Président de la République soient informés de mes déplacements, et ce afin d'éviter toute confusion et de faire en sorte qu'ils soient avertis a minima de ce que je faisais après mon licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Je veux simplement revenir quelques instants sur l'utilisation du téléphone Teorem. On nous a expliqué qu'il existait 4 600 appareils en fonctionnement à l'échelon national, que l'Élysée se servait d'une trentaine de ces téléphones, et que leur utilisation impliquait que son correspondant dispose d'un appareil du même type. La procédure semble donc extrêmement encadrée et précise.

Je voudrais savoir si vous utilisiez fréquemment ce genre de téléphone et, le cas échéant, savoir avec quel type de correspondants vous échangiez. Comment expliquez-vous qu'un téléphone crypté aussi important et rare ait pu être égaré pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et que vous l'ayez retrouvé par hasard dans vos cartons, alors que vous semblez si soucieux d'être professionnel, de bien utiliser le matériel et de le rendre en temps voulu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il est vrai qu'il s'agit quand même d'un outil très précieux et rare !

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Tout à fait.

Tout d'abord, comme vous l'avez dit, il s'agit d'un outil qui a coûté très cher à l'État et qui est malheureusement très peu utilisé, alors qu'il est à la disposition de toutes les personnes qui en ont besoin. Je me déplaçais, j'organisais des déplacements et j'étais en lien avec les autorités préfectorales et les autorités de police - c'est avec ces personnes-là que j'échangeais.

Ensuite, je n'ai pas retrouvé ce téléphone par hasard. Après avoir reçu le courrier du directeur de cabinet, je voulais être sûr et certain que je n'avais plus rien en ma possession qui appartienne à la présidence de la République. Je l'ai retrouvé à la suite de mes propres recherches ; je l'ai rendu de manière spontanée, par le biais de mon avocate. En revanche, je ne sais pas pourquoi l'Élysée s'est rendu compte au mois d'octobre que ce téléphone n'était plus là. En tout cas, on ne m'a jamais sollicité pour que je le rende. Comme pour les passeports diplomatiques, après que le scandale a éclaté, je l'ai fait de ma propre initiative, via mon avocate.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur Benalla, vous avez été licencié le 1er août 2018. Vous bénéficiiez de passeports diplomatiques et de service liés à votre fonction. Pendant la période du 1er août au 31 décembre vous avez voyagé à vingt-trois reprises. Vous avez dit tout à l'heure que c'était pour mener des missions personnelles, dont vous considérez qu'elles ne regardent pas la commission. À partir du mois d'octobre, le Gouvernement vous demande à deux reprises de restituer ces passeports. Les lettres qui vous sont envoyées ne seront pas retirées. Vous êtes, semble-t-il, soucieux de la régularité des procédures, vous l'avez redit. Trouvez-vous normal de voyager à titre personnel avec des passeports qui étaient liés à la fonction que vous n'occupez plus ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Monsieur le sénateur, vous vous êtes égaré dans les dates : j'ai reçu les correspondances du ministère des affaires étrangères à la fin du mois de juillet 2018, ainsi qu'un mail du général Bio Farina, qui me demandait de restituer un certain nombre d'affaires, ce que j'ai fait dans le courant du mois d'août 2018. Et depuis que ces passeports m'ont été rendus début octobre 2018, je n'ai plus jamais reçu de relance de la part du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. On m'a rendu ces passeports en l'état, sans aucune interdiction de les utiliser, si ce n'est hors d'un cadre que je qualifierai de « moral ». C'était une bêtise de les utiliser, et j'en assume la responsabilité. Vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, ce n'était pas normal d'utiliser ces passeports. Je l'ai fait, et j'en assume la responsabilité devant vous et devant la justice également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci de votre réponse. Vous vous souvenez peut-être également - sans doute l'avez-vous appris - que le 10 septembre 2018, la chef du bureau compétent du ministère des affaires étrangères vous a écrit un deuxième courrier par lettre recommandée avec accusé de réception vous demandant de restituer ces deux passeports. D'après ce que l'on nous a dit, vous n'avez pas retiré ce courrier.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je n'en ai pas pris connaissance ; il n'a pas été retiré. C'était une période un peu compliquée, pour tout vous dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

M. Castaner, ministre de l'intérieur, nous a dit, lors de son audition du 16 janvier, que vous aviez fait une demande directement auprès du Quai d'Orsay pour obtenir un passeport de service. Il vous aurait été refusé parce que cette demande doit émaner de l'employeur. Vous auriez donc produit un document rédigé par vous- même sur un papier à en-tête du chef de cabinet, document non signé. Est-ce l'usage de produire un faux document pour arriver à ses fins ? Pourquoi avez-vous eu tant besoin de ce passeport de service à la fin du mois de juin 2018, alors que vos missions avaient été considérablement réaménagées, et que vous n'aviez plus besoin a priori de vous déplacer avec le Président de la République à l'étranger ? Enfin, avez-vous produit d'autres faux documents à d'autres moments durant vos missions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ma chère collègue, je ne crois pas que M. Benalla puisse nous répondre sur le fait qu'il aurait ou non produit des faux documents. Je lui ai rappelé tout à l'heure quelle était l'étendue de notre mission. Même si je comprends votre préoccupation, que vous n'êtes d'ailleurs pas la seule à avoir, ces questions sont susceptibles d'être tranchées par la justice, quand bien même M. Benalla n'a pas été mis en examen pour cette raison s'agissant de son passeport de service, comme il l'a relevé. Quant à son passeport diplomatique, il n'a jamais été allégué qu'il aurait commis un faux, du moins à notre connaissance. Il a simplement été souligné que ce passeport diplomatique a été renouvelé, à la suite d'une demande émanant de M. Benalla, lui-même, alors que, normalement, c'est le service du protocole de l'Élysée qui fait les demandes de renouvellement des passeports diplomatiques des collaborateurs du Président de la République,...

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Sur instruction du cabinet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

ce qui n'a pas été le cas. Cependant, M. Benalla, qui a une conception extensive du champ qui relèverait exclusivement de la justice, n'a pas voulu nous répondre sur ce point, alors même qu'aucun soupçon ne pèse sur lui à cet égard. En revanche, un soupçon pèse sur lui au sujet des passeports de service, puisque le directeur de cabinet du Président de la République a déclenché la procédure de l'article 40 du code de procédure pénale, même si M. Benalla n'est pas mis en examen à ce jour.

Monsieur Benalla, vous pouvez répondre à la question dans la mesure où vous le souhaitez.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Pour répondre partiellement à la question, ce n'est pas le service du protocole qui prend la décision d'octroyer ou pas un passeport diplomatique. Ce service fait simplement les démarches administratives sur instruction du cabinet du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Évidemment, mais il n'en reste pas moins exact que le renouvellement de votre passeport diplomatique n'a pas été demandé par le biais du service du protocole.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

En tout cas, ma demande a été suffisamment considérée pour donner lieu à une délivrance normale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Oui, c'est ce qu'a pensé le ministère des affaires étrangères,...

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Tout à fait. Et qui n'a pas trouvé à y redire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mais vous-même n'avez-vous pas eu l'idée que, compte tenu de l'évolution de vos fonctions, rien ne justifiait une demande de passeport diplomatique ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Monsieur le président Bas, je vous ai justement dit que j'avais répondu partiellement à votre question. J'en suis désolé, mais j'ai répondu partiellement à votre question.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Ce n'est pas le service du protocole qui prend la décision d'octroyer ou de délivrer un passeport diplomatique. Il a un rôle de transmetteur entre la présidence de la République et le Quai d'Orsay.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Et ce service n'a pas transmis la demande de renouvellement ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Exactement, il a simplement reçu l'information selon laquelle le passeport avait été renouvelé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Et vous avez fait votre demande directement au Quai d'Orsay ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Ce n'est pas exactement comme cela que cela s'est passé.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je le dirai à la juge d'instruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mais peut-être qu'elle ne vous le demandera pas ! Tandis que moi, je vous le demande.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

La question m'a déjà été posée lors de ma garde à vue, pour tout vous dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Certes, mais ce n'est pas une raison pour ne pas répondre.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Cela fait partie de l'information judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je reconnais que je reviens sur un aspect de nos échanges pour vous donner une ultime chance.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je comprends, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je le fais en réalité avec bienveillance, monsieur Benalla.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je l'imagine bien, et c'est pour cette raison que je préférerais répondre à la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous choisissez la personne à laquelle vous préférez répondre.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

En vertu des textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je suis tout de même obligé de vous rappeler que la personne qui refuse de déposer devant une commission d'enquête est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Nous aurons donc à délibérer de la manière dont vous nous avez répondu ou plutôt de la manière dont vous n'avez pas répondu à des questions dont je vous redis qu'elles relèvent de notre commission d'enquête, même si la dernière question a pu vous être posée...

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

dans le cadre d'une information judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Oui, mais le juge d'instruction vous a certainement posé aussi beaucoup d'autres questions sur des faits au sujet desquels vous nous répondez lorsque nous vous interrogeons. Même si les faits qui occupent la justice sont abordés sous un angle différent, ce sont en partie les mêmes que ceux sur lesquels nous mettons en oeuvre nos investigations. Il est donc bien normal qu'un juge d'instruction vous pose des questions dans un domaine pour lequel il n'estime pas devoir engager des poursuites, et que nous posions aussi des questions sur ces faits.

Mais j'ai déjà eu l'occasion de vous expliquer tout cela : je suis persévérant et vous êtes obstiné, si bien que nous n'arriverons pas à déboucher sur une réponse qui paraîtrait satisfaisante pour la commission d'enquête.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je comprends bien votre souci, monsieur le président Bas. Mon seul souci, c'est celui de la présomption d'innocence...

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

et de la non auto-incrimination.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

À partir du moment où je vous parle sous serment, il y a des choses que je ne peux pas vous dire.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Non, ce ne sont pas des propos mensongers, contrairement à ce que vous dites, madame la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il n'y a pas de poursuites engagées sur ce point, monsieur Benalla.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

C'est mon droit, et il faut juste le respecter. À partir du moment où une information judiciaire est ouverte contre vous, quel que soit votre statut, il y a des choses que vous pouvez dire et d'autres pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je suis très soucieux de votre droit, monsieur Benalla, sachez-le.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Merci, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je crois que la manière dont ces débats ont eu lieu l'atteste.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Bien entendu. Simplement, je vous le dis, il y a des questions auxquelles je ne peux pas vous répondre, et je réserve mes réponses à la justice ; j'en suis désolé. Je fais un choix, qui m'a été conseillé par mes avocats.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous comprenez que nous puissions aussi interpréter votre non-réponse au regard de nos prérogatives constitutionnelles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Et que nous puissions nous interroger sur les raisons profondes de cette non-réponse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Je me permets d'insister. Si vous ne pouvez pas répondre à l'ensemble de mes questions, peut-être pourriez-vous y répondre au moins en partie. Pourquoi aviez-vous besoin, le 28 juin 2018, d'un passeport de service, alors que vos fonctions avaient été modifiées, au point de faire une demande hors cadre ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Madame la sénatrice, votre précédente question pose quand même celle de la présomption d'innocence. Je vous fais remarquer, comme l'a dit le président Bas, que je n'ai pas été mis en examen pour faux et usage de faux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur Benalla, aviez-vous encore réellement besoin d'un passeport de service, le 28 juin dernier, pour l'exercice de vos fonctions ? Nous laissons totalement de côté le point de savoir si vous avez demandé ce passeport de service au moyen de ce que le directeur de cabinet du Président de la République a qualifié de « faux » ou pas ; nous vous demandons si, eu égard à la fonction que vous exerciez alors, il était justifié de disposer d'un passeport de service ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vais vous faire la même réponse - cela fait trois fois que vous me posez la question -, car une information judiciaire est en cours : j'ai reçu ce passeport de la manière la plus normale du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C'est tout de même curieux. En vérité, vous vous abritez derrière la mission de la justice quand cela vous arrange. Vous avez fait tout à l'heure un long développement pour justifier les actes du 1er mai qui vous sont reprochés. Pourtant, cette question, que nous ne vous avions même pas posée, relève intégralement de la justice. Et vous ne vous privez pas de porter une appréciation sur le rôle que vous avez eu et sur la justification de ce rôle au regard d'un article du code de procédure pénale que vous nous avez rappelé. Même si la justice a été saisie, vous êtes tout à fait à l'aise pour entrer dans des détails que nous ne vous demandons pas.

Mais, quand nous vous posons des questions ayant trait à votre mission à l'Élysée et aux raisons pour lesquelles vous pourriez avoir un passeport de service, vous vous abritez derrière une information judiciaire, alors même que, comme je l'ai dit et comme vous l'avez dit vous-même, vous n'êtes pas mis en examen, malgré le signalement au parquet effectué par le directeur de cabinet du Président de la République. Il y a, me semble-t-il, de véritables contradictions dans la manière dont vous utilisez le travail de la justice.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

L'utilisation de l'article 40 du code de procédure pénale a fort opportunément été rendue publique devant votre commission au moment même où le chef de cabinet était en train de déposer devant les policiers, à la veille d'une garde à vue qui vous a été annoncée. Je pense qu'il faudrait aussi soulever ce point. Quoi qu'il en soit, j'ai le droit à une défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Vous deviez être entendu, pas mis en garde à vue.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

On annonçait que j'allais être entendu dans les toutes prochaines heures, c'était à peu près compréhensible. J'ai droit à une défense. J'ai le droit de ne pas m'auto-incriminer. Vous avez le droit de me poser beaucoup de questions, et moi, je vous donne mes réponses, comme je l'entends.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C'est ce que nous constatons. Vous mettez donc en oeuvre votre stratégie de défense devant la commission d'enquête du Sénat, alors qu'elle ne s'intéresse nullement aux questions dont la justice est saisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Monsieur Benalla, êtes-vous en possession d'un passeport ordinaire comme tous les Français peuvent en avoir ? Si oui, pourquoi n'en avez-vous pas fait usage ? Vous avez dit que c'était une bêtise d'avoir utilisé à vingt-trois reprises le passeport diplomatique - c'est toujours quand on est poursuivi que l'on se dit que l'on a fait une bêtise. Les passeports ne servent pas qu'à passer les frontières. Lorsque l'on veut rencontrer les hautes autorités d'un pays, comme vous l'avez fait, il est aussi souvent utile d'avoir un passeport diplomatique. Celui-ci peut faciliter les contacts dès lors qu'il s'agit d'accéder à la présidence de la République d'un État. Si vous aviez un passeport ordinaire, pourquoi avez-vous fait usage de passeports diplomatiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cette question a déjà été posée, mais vous pourriez peut-être y apporter une réponse plus précise.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Première réponse : j'ai un passeport normal et je l'ai utilisé entre le 7 août et début octobre 2018 parce que je n'étais plus en possession des passeports diplomatiques.

Deuxième réponse : j'ai fait une erreur, je le répète pour la sixième fois. Par ailleurs, quand vous êtes en visite dans un pays étranger, vous ne vous présentez pas devant le bâtiment de la présidence de la République en exhibant votre passeport fort, haut et clair en disant : « Je veux être reçu par le Président. Regardez, j'ai un passeport diplomatique ! » Cela ne fonctionne pas tout à fait comme cela. Vous vous présentez au contrôle des frontières pour justifier de votre identité, vous pénétrez dans le pays une fois celle-ci contrôlée et vous allez aux rendez-vous qui ont été convenus à l'avance. Vous n'envoyez pas non plus de mail avec la photocopie du passeport diplomatique que vous détenez encore pour obtenir ce type de rendez-vous. Ce n'est pas exactement comme cela que cela fonctionne.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Vous avez répondu tout à l'heure à M. Pillet que les passeports avaient été délivrés normalement par l'administration. Nous pouvons en déduire qu'il était normal que vous ayez deux passeports diplomatiques et deux passeports de service, en tant que responsable de la sécurité. D'une manière générique, en faisant abstraction de votre cas et de la procédure en cours, pouvez-vous, au regard de vos fonctions, expliquer les utilisations respectives de ces deux types de passeports, ainsi que les raisons et les procédures pour lesquelles et par lesquelles ils ont été attribués ?

Par ailleurs, le téléphone crypté figurait-il dans l'inventaire des pièces qui vous ont été demandées dans le cadre de la procédure de restitution des effets liés à votre fonction ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Cette question m'a déjà été posée, et, suivant la même logique, je n'y répondrai pas.

Je n'étais pas responsable de la sécurité, je tiens à le souligner - je croyais avoir fait un exposé assez précis à ce sujet lors de ma première audition. J'avais un statut de chargé de mission, et j'exerçais des fonctions d'adjoint au chef de cabinet du Président de la République, ce qui n'est pas exactement la même chose que d'être responsable de la sécurité ou garde du corps, comme je l'entends encore régulièrement.

En ce qui concerne la restitution des effets personnels, je tiens à préciser que le téléphone Teorem n'était pas inscrit dans le courrier de Patrick Strzoda à mon intention.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Bien que non-membre de notre commission, M. Cédric Perrin souhaite poser une question.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Vous avez expliqué que vous aviez eu non pas quatre, mais trois passeports diplomatiques,...

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

dont certains n'étaient plus valables. Avez-vous eu ces passeports diplomatiques avant de rejoindre La République en Marche et avant d'entrer à l'Élysée ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

J'ai été en possession de quatre passeports, deux passeports diplomatiques et deux passeports de service. Trois de ces passeports m'ont été octroyés pendant ma présence à la présidence de la République, pour être précis, et je n'ai jamais eu de passeport diplomatique avant mes fonctions à l'Élysée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je poserai quelques questions complémentaires très courtes.

Vous êtes-vous rendu à l'Élysée depuis que vous avez été licencié ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne répondrai pas à cette question, car l'information judiciaire peut s'appliquer à la période qui a suivi la fin de mes fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Sueur veut savoir, en réalité, si je ne me trompe pas, si vous avez poursuivi une forme de collaboration avec la présidence de la République après votre licenciement, afin de vérifier que ce licenciement a été pleinement suivi d'effets. Tel est, me semble-t-il, le sens de la question.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Tout dépend de ce que l'on entend par la présidence de la République : en tant que bâtiment ou qu'institution... Je n'ai jamais eu avec l'Élysée de collaboration professionnelle postérieure à mon licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous ne répondez pas, mais vous faites un distinguo entre le bâtiment et l'institution, si je comprends bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J'insiste sur le fait que ce qui s'est passé après votre départ fait strictement partie de nos prérogatives. En effet, vous auriez dû faire une déclaration auprès de la commission de déontologie ; vous allez sans doute le faire. Dans les mois qui suivent la fin de l'exercice d'une haute fonction comme celle qui a été la vôtre, il est très important, dans l'intérêt de l'État, qu'il ne soit fait usage d'aucune façon de la fonction précédente au bénéfice d'une fonction suivante. Après avoir pris note de votre réponse, il nous avait été dit que vous n'étiez pas venu à la présidence de la République, contrairement à ce que vous indiquez. Mais on ne sait pas si vous êtes venu dans le bâtiment ou dans l'institution. Peut-être est-ce dans l'institution...

Pour vous le dire gentiment, nous aimons les belles histoires, mais là, vous déposez sous serment.

Dans le cadre de votre activité, vous avez rencontré M. Hababou Solomon, avec qui vous avez ensuite voyagé, un voyage à but économique, comme vous l'avez indiqué, ce qui n'est en rien répréhensible, mais tout de même... Vous avez rencontré un, deux, trois ou quatre chefs d'État - ce n'est pas anodin - après avoir été licencié de l'Élysée. Vous participez à des délégations, et cela à titre personnel : c'est votre liberté. D'après ce que nous avons compris - peut-être ai-je mal compris ? -, M. Hababou Solomon s'occuperait de vendre des uniformes militaires. C'est en tout cas ce que j'ai lu dans la presse, et je sais que vous n'accordez pas beaucoup de crédit à ce genre de déclaration. Lors de l'entretien avec le Président du Tchad - là encore, vous pouvez ne pas répondre -, n'a-t-il été vraiment question que de cette activité marchande ? Dans le cadre de vos déplacements, êtes-vous certain qu'il n'a jamais été question des fonctions que vous avez exercées, que vous n'avez jamais été reçu en référence à ces fonctions ou au motif que vous pouviez, jusqu'au 24 décembre, communiquer en particulier avec l'Élysée ? Êtes-vous sûr que, dans les conversations d'ordre économique auxquelles vous avez légitimement, je le redis, participé, rien n'aurait eu trait à des questions liées à la défense ou à la sécurité ? Pouvez-vous engager devant nous sur ces questions sous serment ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je ne vois pas le rapport entre le licenciement et l'impossibilité d'être reçu par un chef d'État étranger, qui est souverain et qui fait absolument ce qu'il veut...

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

s'il a envie de me recevoir, s'il a envie de m'inviter à venir le voir...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je vous en donne acte. Vous avez tout à fait raison sur le plan du droit.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je vous en remercie.

... et s'il a envie d'avoir une discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Peut-être... sauf si la commission de déontologie n'a pas été saisie pour s'assurer que vos nouvelles activités étaient conformes aux règles déontologiques.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Mais je ne pense pas que la commission de déontologie ait le pouvoir de m'interdire de rencontrer des gens, de voyager et d'essayer de faire quelque chose de ma vie, plutôt que de m'enfermer chez moi au fin fond de la Normandie, en touchant les allocations de Pôle Emploi.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Non. J'ai eu une collaboration salariée à partir du mois de novembre avec la société France Close Protection pour une durée d'un mois. Or vous me parlez des déplacements...

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je veux juste être très précis avec le président Bas : je n'ai pas perçu de rémunération spécifiquement pour ce voyage au Tchad avec M. Philippe Hababou Solomon. Je n'ai pas été emmené au Tchad contre rétribution pour faciliter quelque affaire que ce soit, contrairement à ce qui peut être sous-entendu.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Je pense que cela ne vous concerne pas aujourd'hui, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais si, cela nous concerne ! Dans les mois suivant l'exercice d'une fonction importante, la loi prévoit une obligation de saisir la commission de déontologie pour lui déclarer de nouvelles activités. Celle-ci doit statuer sur le fait qu'il n'y a aucun rapport entre les activités que vous exercez présentement et les missions qui étaient les vôtres, il y a quelques mois, au sein de la plus haute institution de l'État !

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Ne vous énervez pas, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne suis pas énervé, je suis plein de conviction - vous le savez bien et tout le monde le sait d'ailleurs.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Cela regarde peut-être la commission de déontologie qui va être saisie par mon avocat, mais je n'ai pas à vous dire aujourd'hui ce que je fais, de quoi je vis, où je vis, avec qui et comment je me déplace.

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

L'équilibre entre les questions et les réponses est très subtil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous vous demandons simplement quel est votre employeur, et quelle est votre activité. Nous avons le droit de le demander puisqu'il y a un droit de suite au regard des fonctions que vous exerciez à l'Élysée. D'une part, ces faits ne sont pas couverts par la justice et, d'autre part, si vous nous répondiez, nous aurions l'assurance qu'il n'y a aucun rapport entre ce que vous faites présentement et ce que vous faisiez à l'Élysée. Si vous exercez une activité dans d'autres domaines, nous ne pourrons que vous souhaiter bonne chance. Le fait que vous ne répondiez pas engendre forcément le soupçon : comment pouvons-nous être sûrs que ces voyages et ces contacts n'ont pas de rapport avec l'activité que vous exerciez auparavant, ou avec les contacts que vous avez entretenus jusqu'au jour de Noël avec la présidence de la République ?

Debut de section - Permalien
Alexandre Benalla

Encore une fois, je pense que les déplacements que j'ai pu faire avec les passeports diplomatiques et quel que soit mon titre entrent dans le périmètre de l'instruction. Quant à ma vie d'aujourd'hui, elle me concerne moi, et seulement moi. Je fais tout dans le respect des lois depuis que j'ai rendu mes passeports diplomatiques, tant dans ma vie privée que dans ma vie professionnelle. Je ne vais pas répondre de manière perpétuelle à toutes les questions qui me sont posées dix fois par jour par les journalistes : qui je rencontre, qui je vois, ce que je fais, de qui je suis salarié. Tout cela ne regarde que moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur Benalla, les questions qui vous sont posées ici ne sont pas celles des journalistes, et le statut de vos réponses n'est pas le même que celui des réponses que vous apportez quand vous consentez vous-même à donner des interviews dans la presse. Nous allons nous en tenir là. Je vais vous demander de bien vouloir vous retirer ainsi que votre conseil, et nous allons poursuivre nos travaux.

Je demande aux collègues qui ne sont pas membres de la commission des lois de bien vouloir se retirer temporairement ainsi que le public et la presse, car nous avons à délibérer de la question de l'éventuelle audition à huis clos de M. Crase. En vertu des textes qui leur sont applicables, les travaux des commissions d'enquête sont en principe publics, mais le huis clos peut néanmoins être prononcé par dérogation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion, suspendue à 16 h 10, est reprise à 16 h 15.

Ce compte rendu ne sera pas publié.

La réunion, suspendue à 16 h 25, est reprise à 16 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous allons procéder à l'audition de M. Vincent Crase, auquel j'ai indiqué que la commission des lois avait décidé de maintenir la publicité de cette réunion, malgré sa demande de huis clos.

Après que M. Crase aura prêté serment, nous lui poserons des questions ponctuelles. Il ne s'agit pas de refaire l'audition du mois de septembre, mais simplement de l'interroger sur des informations rendues publiques au cours des dernières semaines : elles concernent un contrat portant sur des prestations de sécurité rapprochée qu'il aurait signé avec une personnalité étrangère alors qu'il aurait été encore en fonction à l'Élysée, chargé de l'encadrement des réservistes de la gendarmerie nationale. M. Crase, auquel nous avons posé des questions écrites, a démenti ces informations. Il nous apportera certainement des précisions à cet égard.

Je rappelle, comme je l'ai fait lors de chaque audition, qu'un faux témoignage devant notre commission des lois, dotée des prérogatives d'une commission d'enquête, est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Vincent Crase prête serment.

Vous pouvez, monsieur Crase, dire quelques mots préliminaires, mais vous n'êtes pas obligé de le faire.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Commençons tout de suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Le ministre de l'intérieur nous a indiqué que vous n'aviez jamais, depuis le début de votre contrat d'engagement dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, fait état d'activités privées. Avant d'être mobilisé au sein du commandement militaire du Palais de l'Élysée, avez-vous été interrogé par les services du ministère de l'intérieur ou par la présidence de la République sur le contenu de vos activités professionnelles et sur les éventuelles activités privées que vous exerciez alors ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Lorsque j'ai signé mon contrat de réserve pour intégrer la Garde républicaine, dans le courant du mois d'octobre 2017, j'ai déclaré que j'étais salarié au service de la sécurité d'En Marche. Je ne me souviens pas avoir mentionné que j'avais une société, celle-ci n'ayant pas d'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Ma question était : avez-vous été interrogé sur vos activités ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Non, pas dans mon souvenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La presse, pour laquelle nous avons un grand respect - même si nous gardons une totale indépendance à son égard, comme à celui de la justice et du pouvoir exécutif -, s'est fait l'écho au cours des dernières semaines de prestations de sécurité privée que vous auriez exécutées, par le biais de la société Mars, pour le compte de M. Iskander Makhmudov. Pourriez-vous nous indiquer quel était l'objet exact de ces prestations ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Il s'agissait de prestations de sécurité privée. M. Makhmudov souhaitait que ses trois enfants bénéficient d'un accompagnement journalier, et que lui-même dispose d'une équipe comprenant un chauffeur et deux personnes, durant ses villégiatures en France.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

J'ai signé ce contrat le 6 juin 2018, sachant que j'avais quitté le Palais de l'Élysée le 4 mai 2018. Ce contrat a duré trois mois : l'affaire du 1er mai ayant explosé le 18 juillet, mon prestataire et le client en ont été émus et ils ont préféré y mettre fin. La durée d'essai prévue étant de trois mois, le contrat s'est terminé en septembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ces prestations ont-elles été effectuées par la seule société Mars, ou avez-vous eu recours à la sous-traitance ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

J'ai recouru à la sous-traitance, parce que je n'avais pas l'habilitation du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) m'autorisant à être dirigeant de société de sécurité. Comme j'aime faire les choses légalement, j'ai donc dû passer par un prestataire de services qui disposait de cette habilitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous venez de nous indiquer que ce contrat avait débuté au mois de juin 2018. Quand ont commencé les négociations du contrat ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Elles ont commencé au mois de mai 2018, après mon départ de l'Élysée.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Le 4 mai 2018, mon poste de chef d'escadron pour la réserve opérationnelle au Palais de l'Élysée, qui consistait à encadrer les 14 réservistes que j'avais recrutés et instruits, est fermé. Je suis alors réorienté vers le 1er régiment d'infanterie pour lequel j'ai effectué jusqu'à l'affaire, c'est-à-dire jusqu'au 18 juillet, deux journées d'instruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Quelles raisons vous a-t-on donné, le 4 mai, pour mettre fin à vos fonctions à l'Élysée ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

La médiatisation des images qui commençaient à tourner et étaient arrivées jusqu'au Palais n'était pas compatible avec mon maintien en poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

On observera que la présidence de la République considère que les mêmes images sont compatibles avec le maintien en poste de M. Benalla. Mais vous n'avez pas à commenter ce point...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quand avez-vous rencontré pour la première fois M. Makhmudov ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je ne l'ai jamais rencontré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Qui est l'intermédiaire qui vous a mis en contact avec lui ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'ai jamais été en contact avec M. Makhmudov.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je suppose qu'il y a eu tout de même eu un lien entre lui et vous...

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Oui, il s'agit de son homme d'affaires. M. Makhmudov ne s'occupe pas directement de son « intendance ». Il a beaucoup d'avocats et de gens qui travaillent pour lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous nous avez indiqué par écrit qu'Alexandre Benalla n'avait pris aucune part à la conclusion de ce contrat, et nous en prenons acte. Pouvez-vous nous dire sous serment qu'il n'est intervenu aucunement, auparavant, dans la conclusion de marchés de prestations de sécurité privée que vous auriez assurées ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

M. Benalla n'est jamais intervenu lors des négociations de ce contrat, pas plus que dans sa signature ou son application, et il ne figure pas dans les statuts de ma société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je veux parler de marchés portant sur des activités de sécurité privée qui auraient précédé ce contrat. Pendant que vous travailliez directement ou indirectement pour l'Élysée, avez-vous eu un contact avec monsieur Benalla, d'une façon ou d'une autre, à propos de ces activités de sécurité privée, qui ne se limitent pas à votre contrat avec M. Makhmudov ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'ai eu aucune autre activité de sécurité privée, à part ce contrat avec M. Makhmudov.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Antérieurement, il nous est arrivé d'en parler ensemble. Nous sommes des amis, donc nous nous voyons, nous nous côtoyons, nous sortons et nous faisons beaucoup de choses ensemble. Bien sûr, je lui en ai parlé, mais M. Benalla n'est pas un acteur de ce contrat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les activités de sécurité privée que vous avez eues avant la signature de ce contrat ont-elles interféré d'une façon ou d'une autre sur les questions de sécurité qui étaient traitées à l'Élysée ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Absolument pas. Entre le 10 novembre 2017, date de ma première journée au Palais de l'Élysée, et la dernière semaine d'avril 2018, lors de laquelle j'effectue mon dernier jour d'activité pour l'Élysée, et jusqu'au 4 mai, date à laquelle je rends mon badge et l'on me dit que mon poste est fermé, je n'ai exercé aucune activité de sécurité privée. J'étais en effet salarié chez En Marche, et passais le reste du temps au Palais de l'Élysée. Il me restait quelques week-ends, de temps en temps, pour rentrer en Normandie m'occuper de ma famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous nous avez indiqué avoir été en contact avec l'homme d'affaires de M. Makhmudov, et non avec M. Makhmudov lui-même, ce que l'on peut parfaitement entendre. Mais comment cet homme d'affaires a-t-il eu connaissance de l'existence de votre société si vous n'exerciez pas d'activités par ce biais ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

La sécurité privée est un petit monde, on se connaît tous. J'avais entendu dire, avant mon entrée en fonction à l'Élysée, que cet homme d'affaires cherchait à changer sa sécurité. Une fois que j'ai intégré l'Élysée, je n'y pense même plus parce que mon objectif, comme je l'ai dit lors de ma première audition, est d'avoir une activité pérenne au sein du Palais, par le biais du commissionnement. Cela ne s'est pas fait, les événements du 1er mai m'ayant empêché d'accéder à ce poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

J'entends bien que la sécurité privée est un petit monde, mais cette personne vous a-t-elle contacté, ou est-ce vous qui l'avez contactée ? Comment les choses se sont-elles passées concrètement ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

J'ai dû rencontrer cette personne au mois d'octobre 2017 ou début novembre 2017. J'avais sa carte et nous avions alors échangé en anglais. Je l'ai recontacté après mon départ de l'Élysée pour savoir si ce contrat était toujours d'actualité et si je pouvais m'y impliquer. Après de multiples rendez-vous et négociations, j'ai présenté une proposition qui a été étudiée et acceptée, puis a été signée le 6 juin 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Cela signifie-t-il qu'aux mois d'octobre et de novembre 2017, il n'avait pas donné suite aux contacts que vous aviez pu avoir ? Avait-il décidé de ne pas changer de service de sécurité ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je ne peux pas vraiment le dire. Je m'étais quelque peu désintéressé de la chose du fait de mon actualité élyséenne, sur laquelle je misais tout. Pour être très précis sur ma situation personnelle à l'époque, j'étais alors en poste à la sécurité de La République en Marche. Or, si la période de la campagne électorale avait été très intéressante, avec un quotidien extrêmement chargé, une fois les élections législatives passées, fin juin, j'ai commencé à prodigieusement m'ennuyer ; c'est la raison pour laquelle je voulais aller à l'Élysée.

Une fois que mon poste à l'Élysée est tombé à l'eau, je me suis dit que j'allais utiliser la société que j'avais créée et essayer de développer une activité, faire quelque chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Après qu'il a quitté ses fonctions, M. Benalla a été employé pendant un mois par une société dont il ne nous a pas dit le nom - nous le connaissions - mais nous n'avons pas pu savoir quel était l'objet de cette société. Puis il nous a dit qu'il avait été employé ailleurs, pour exercer des activités dont nous n'avons rien su. Savez-vous quelque chose à cet égard ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'ai plus de contact avec M. Benalla. Du fait du contrôle judiciaire sous lequel je suis placé, il m'est m'interdit d'avoir quelque contact que ce soit avec les protagonistes de l'affaire. Je ne sais donc pas ce qu'il fait. J'apprends des choses sur lui en lisant la presse ou en regardant la télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avant d'être mobilisé au sein du commandement militaire de l'Élysée, avez-vous été interrogé par les services du ministère de l'intérieur ou par la présidence de la République sur le contenu de vos activités professionnelles et sur les activités privées que vous exerciez antérieurement ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

J'ai déjà répondu à Mme Jourda sur ce point. Lorsque j'ai signé mon contrat à la Garde républicaine, j'ai déclaré que j'étais salarié de La République en Marche en tant qu'adjoint, chargé de missions de sécurité. Je n'ai pas précisé que j'avais une entreprise de sécurité privée parce que la perspective de rejoindre le Palais de l'Élysée se concrétisait ; j'allais donc fermer ma société, qui resterait une structure vide.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. le ministre de l'intérieur nous a répondu par écrit qu'il trouvait bien qu'il y ait des relations entre les policiers, les gendarmes et les agents des sociétés de sécurité privée. Pensez-vous, comme lui, que c'est une bonne chose ou qu'il y a un risque de mélange des genres ? Je vous demande une appréciation.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Les relations entre policiers, gendarmes et agents de sécurité privée ne me posent pas de problème si tout est fait dans la stricte déontologie et si chacun sait rester à sa place.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mediapart a révélé que, pour l'exécution du contrat dont vous avez bénéficié auprès de M. Makhmudov, vous étiez passé par la société de sécurité privée Velours. Est-ce vrai ?

Cette société a employé M. Benalla par le passé. Vous avez dit qu'il n'y avait eu aucune relation entre vous et M. Benalla s'agissant de la sécurité privée de M. Makhmudov. Toutefois, je vous repose la question : savez-vous si M. Benalla a également collaboré avec M. Makhmudov ? Si oui, travaillait-il déjà à l'Élysée ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

D'après ce que je sais, M. Benalla ne connaît pas M. Makhmudov, sauf de nom.

Pour ce qui concerne mon prestataire, il s'agit d'une société que je connais depuis 2012. La sécurité privée comprend plusieurs strates. Il y a ainsi des agents qui sont affectés aux arrière-caisses ; je ne veux pas les dénigrer mais nous assurons, quant à nous, la protection rapprochée des personnes.

Je connais cette société, comme d'autres. Ce sont des personnes avec lesquelles j'apprécie de travailler, et c'est un groupe très sérieux. Ils ne m'auraient d'ailleurs pas suivi s'ils avaient pensé que l'affaire que je leur proposais n'était pas elle-même sérieuse.

M. Benalla a travaillé pour Velours, je crois, en 2014. Quant à moi, je les connaissais précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Au sujet de Mars, la société privée de sécurité que vous avez créée en juin 2017, j'ai trois questions à vous poser. M. Benalla est-il lié d'une façon ou d'une autre à cette société ? Lors de sa création ou ultérieurement, a-t-elle perçu de l'argent de la part d'une personne étrangère ou d'un pays étranger ? Cette société est-elle encore en activité ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Négatif, M. Benalla n'est en aucun cas lié à ma société, qui est une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU). J'en suis donc le seul actionnaire, gérant et président.

J'ai reçu le 28 juin sur mon compte en banque, qui est un compte de société domicilié en France, des sommes qui ont été rendues publiques ; nous sommes encore au-delà du périmètre élyséen. Ayant perçu cet argent, j'ai fait des virements à mon prestataire. Ce sont les seuls mouvements qu'il y ait eu sur mon compte société et tous mes relevés de compte le prouvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Comment réagissent vos anciens collègues de l'Élysée face aux soucis que vous et M. Benalla rencontrez ? Vous épaulent-ils, vous soutiennent-ils ou, au contraire, vous lâchent-ils ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

C'est le silence le plus complet. J'ai l'impression de ne plus exister. Ce n'est pas très grave, c'est la vie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Votre ancien employeur, l'Élysée, vous a-t-il informé quant à vos obligations, sur ce que vous pouviez faire ou non légalement, sur les relations contractuelles que vous pouviez avoir ou non, ou sur les obligations formelles que vous deviez remplir préalablement ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

J'ai reçu le 16 janvier 2019, il y a peu, un courrier de M. Patrick Strzoda m'indiquant une saisine et mentionnant l'article de loi m'obligeant à déclarer mes activités privées à la commission de déontologie de la fonction publique.

Avec mon conseil, nous avons passé en revue les articles de lois qui régissent la commission de déontologie : ils concernent les personnes ayant exercé des activités durant plus de 6 mois. Ayant assumé mes fonctions du 10 novembre 2017 au 4 mai 2018, soit un peu moins de 6 mois, je n'entre pas dans le champ d'application de la mesure. En outre, je tiens à préciser que j'étais réserviste opérationnel. La presse a dit que j'étais salarié, chargé de mission, fonctionnaire de catégorie A... J'ai tout entendu ! Non, j'ai exercé en tant que réserviste opérationnel durant 47 jours, du 10 novembre 2017 au 4 mai 2018. De ces 47 jours vous pouvez en ôter 17, pendant lesquels j'encadrais une préparation militaire gendarmerie (PMG) à Dijon. Il reste donc 30 jours sur 6 mois, soit en moyenne 5 jours par mois et un jour et demi par semaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Quel est le motif de votre licenciement par La République en Marche ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

L'image négative donnée au mouvement. Précédemment, une mise à pied de 15 jours avait été décidée pour les mêmes raisons.

J'ai dit le 19 septembre dernier que j'avais trouvé quelque peu baroque la façon dont s'était déroulé mon licenciement. En effet, le délégué général du mouvement l'avait annoncé à 9 heures du matin à l'Assemblée nationale, alors que j'étais convoqué à 11 h 30 pour un entretien préalable portant sur un éventuel licenciement. Il y a là une contradiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Avez-vous contesté votre licenciement devant le conseil de prud'hommes ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Pas encore, car j'ai beaucoup de problèmes à régler en ce moment. J'attends que la tempête s'apaise avant de revenir à ces considérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Lors de votre audition, le 19 septembre dernier, j'avais noté que votre métier était d'être professeur : vous enseigniez l'histoire-géographie dans un centre de formation d'apprentis.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

J'ai été enseignant, en effet, de 1996 à 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Vous avez une appétence particulière pour le monde de la sécurité ; avec ce que vous vivez, ne regrettez-vous pas le monde de l'éducation ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Cela devient un exposé sur ma vie... Pourquoi pas ? J'ai été professeur, détective privé, agent d'assurance, j'ai travaillé dans la sécurité privée. Aujourd'hui, j'ai envie de tourner la page, de commencer autre chose, et je me consacre à l'écriture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La chronologie exposée par Mediapart fait ressortir des concordances de dates qui soulèvent quelques questions.

Fin septembre, la société Velours Close Protection cesse d'assurer la protection de la famille de M. Makhmudov. Le 30 septembre, M. Petit ouvre une boîte aux lettres pour France Close Protection dans un centre de domiciliation situé à quelques encablures de l'Élysée. Le 2 octobre, les statuts de cette nouvelle entité sont signés par son fondateur. Une semaine plus tard, le 9 octobre, le gendarme Vincent Crase ferme le compte bancaire de sa société Mars. Dix jours plus tard, France Close Protection voit le jour. Son objet social est, selon ses statuts, « d'assurer, en France et à l'étranger, la protection de personnes » mais aussi de « réaliser du conseil pour les affaires ». Le 30 novembre vous mettez fin au contrat de domiciliation de Mars.

Ces faits me conduisent à vous poser la question suivante : peut-on considérer que s'est soudainement créée, indépendamment de vous, une société qui s'appelle France Close Protection et n'a embauché qu'une seule personne, M. Benalla ? Vous avez fermé une société. Au même moment, une autre s'est ouverte. Pouvez-vous garantir devant nous que ces deux faits sont indépendants, qu'il s'agit d'un hasard ? Que la société France Close Protection n'exerce pas un droit de suite sur les activités de la société Mars ? Que cette société n'exerce en aucun cas des activités liées à M. Makhmudov et à son groupe ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Le contrat, pour moi et ma société Mars, se termine le 30 septembre. Après, je ne sais pas, je n'ai plus de contacts avec qui que ce soit dans ce milieu et je me refuse à en avoir : je tourne la page.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous n'avez pas entendu parler de la création de cette société ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Absolument pas. J'ai d'ailleurs trouvé très étrange que cette société soit située dans la boîte de domiciliation de la rue de Penthièvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet... C'est la même boîte de domiciliation, c'est la même date, et vous l'ignorez.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

C'est un hasard, une coïncidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cette société embauche une seule personne, M. Benalla, et vous ne le savez pas.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Négatif, je ne le sais pas. Je n'ai plus de contacts avec M. Benalla : comment pourrais-je le savoir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Personne ne vous parle de M. Benalla et de cette société, et la vôtre s'arrête au moment où l'autre commence, avec la même domiciliation. Et vous n'êtes pas au courant.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'ai plus de contacts avec les intervenants qui étaient liés à ce contrat. Le contrat est terminé, je ferme la parenthèse, je passe à autre chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avez-vous une idée de la manière dont le contrat russe continue à être exécuté ? La société en question a toujours les mêmes besoins de surveillance... Qui assume cette mission aujourd'hui ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

On peut imaginer que ce sont les sept personnes qui avaient été salariées. Nous avions sept revenus à verser, avec les cotisations sociales afférentes.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Pas tous, mais je connais les principaux, puisque c'est ma société qui avait ce contrat. On peut imaginer que les gens sur place ont voulu continuer la mission, puisque celle-ci ne s'arrête pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En connaissez-vous certains qui continuent la mission ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'en ai pas la connaissance. Je n'en sais rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Et vous n'avez aucune idée de l'entité qui les emploie ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'ai aucune preuve formelle, aucun indice.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour un spécialiste du renseignement... Je prends acte de ce que vous dites, mais mettez-vous à notre place...

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Le contrat s'arrête pour moi, je ferme ma société. Cet article de presse est cousu d'erreurs : je n'ai pas fermé mon compte en banque, j'ai simplement changé de banque. Je ne pouvais pas fermer mon compte en banque puisque ma société était en liquidation et que mon expert-comptable devait encore régler diverses taxes et cotisations sociales.

En tous cas, je n'ai plus de liens avec les gens qui tenaient ce contrat et je ne sais pas qui l'a repris, sous quelle forme, avec quelle entité juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Benalla a évoqué, dans le journal Libération, « une mission de conseil à l'international » pour justifier les 12 000 euros reçus pendant un mois par cette société qui a justement vu le jour quand la vôtre a cessé d'exercer cette mission. Cela ne vous évoque rien ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'ai plus de contact avec M. Benalla. Les seules sources d'information que j'ai sont la presse ou la télévision. J'ai ainsi appris qu'il avait voyagé beaucoup à l'étranger, j'ai appris comme tout le monde l'histoire des passeports... Mais je n'ai pas d'éléments supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous avez dit que vous espériez une situation plus pérenne à l'Élysée par le biais d'un commissionnement. De quoi s'agit-il ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

C'est le fait, pour un civil ou un réserviste, c'est-à-dire quelqu'un qui n'est pas un militaire d'active, d'avoir un contrat sur quelques années pour remplir une mission spécifique pour les armées. Cette mission, en l'espèce, aurait été d'encadrer la réserve et peut-être la faire grandir pour le Palais de l'Élysée et pour les autres palais nationaux. L'emploi de réservistes fait faire aux armées des économies significatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Est-ce M. Benalla qui vous a permis de nourrir l'espoir de ce commissionnement ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Il m'en avait parlé, mais ce n'est pas lui qui avait les leviers de commande pour ce genre de choses. Il n'est pas le seul à m'en avoir parlé.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

L'encadrement militaire. C'était une hypothèse, un rêve, mais je n'ai jamais rien signé, et on ne m'a jamais rien promis.

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Oui, bien sûr, depuis 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Connaissez-vous l'identité du seul actionnaire de la société France Close Protection ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Non, je ne sais pas. Peut-être Yoann Petit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Non, il en est le président-directeur général. Tout de même, cela ne vous paraît-il pas étrange que cette société s'installe justement rue de Penthièvre, à la place de la vôtre ou concomitamment ? Et que cette nouvelle société s'appelle France Close Protection, après Velours Close Protection ?

Debut de section - Permalien
Vincent Crase

Je n'ai choisi le nom ni de la première, ni de la seconde puisque je n'ai rien à voir avec ces deux sociétés. Et la boîte de domiciliation de la rue de Penthièvre, au coeur du huitième arrondissement est centrale et donc commode.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci des réponses précises que vous avez bien voulu nous donner.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h 10.