Je vous propose que nos collègues Anne Chain-Larché et Joël Labbé soient nommés pour siéger au sein du groupe de travail sur les centres bourgs et centres villes, qui a été créé par la délégation aux entreprises et la délégation aux collectivités territoriales. Martial Bourquin devrait en être nommé rapporteur par la délégation aux entreprises.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 12 h 15.
La réunion est ouverte à 17 h 35.
Mes chers collègues, nous sommes heureux d'accueillir parmi nous M. Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, qui vient nous présenter son premier budget concernant les crédits du logement et de la politique de la ville.
Les crédits du projet de loi de finances pour 2018 concernant le logement, qui sont le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », le programme 109 « Aide à l'accès au logement », et le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » atteignent 15,8 milliards d'euros en diminution de 10%.
Parmi ces trois programmes, le programme le plus important sur le plan budgétaire est le programme 109 qui concerne les APL. 13 milliards d'euros y sont consacrés, en baisse de 12 %. Le gouvernement a décidé à l'article 52 du projet de loi de finances d'instaurer une réduction de loyer de solidarité dans le parc social laquelle doit permettre une baisse concomitante des APL. Vous nous indiquerez l'état de votre réflexion en la matière.
En matière d'hébergement d'urgence, vous nous présenterez les grandes lignes budgétaires du programme 177 ainsi que votre plan quinquennal pour le « Logement d'abord » et la lutte contre le sans-abrisme pour 2018-2022.
L'article 32 de la loi ALUR prévoyait la remise d'un rapport sur la mise en oeuvre d'un statut unique pour les établissements et services de la veille sociale, de l'hébergement et de l'accompagnement qui n'a toujours pas été remis au Parlement, alors même qu'il serait sur votre bureau. Quelles en sont les principales conclusions ?
En matière d'aide à la construction, nous souhaiterions vous entendre sur les grandes lignes de votre stratégie en matière de logement pour le quinquennat et leur impact sur le budget pour 2018.
Concernant la politique de la ville, les crédits diminuent de 16% en raison de la diminution des crédits dédiés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). Je ne reviens pas sur les propositions de nos collègues Annie Guillemot et Valérie Létard sur lesquelles nous avons débattu dans l'hémicycle hier soir. Le NPNRU bénéficiera de 10 milliards d'euros. Quelles seront les conséquences de cette augmentation en pratique ? Allez-vous privilégier le versement de subventions plutôt que le versement de fonds sous forme de prêts bonifiés ? Cette augmentation permettra-t-elle d'assouplir les règles applicables -je pense aux montants des subventions versées aux bailleurs pour les démolitions et au scoring ?
Enfin - et je serai volontairement provocatrice en posant une question que j'ai déjà posée au directeur général de l'ANRU -, ne pensez-vous pas que certains quartiers sont définitivement perdus, au regard de leur état immobilier mais aussi de l'accumulation dans le temps de handicaps sociaux dont souffrent les populations et qui donnent à ces quartiers une réputation qui va peut-être au-delà de la réalité ?
Je vous laisse sans plus attendre la parole, après quoi je la laisserai aux rapporteures de la commission Dominique Estrosi Sassone, pour le logement et Annie Guillemot pour la politique de la ville, ainsi qu'à Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, puis aux collègues qui le souhaiteront.
Nous avons présenté, avec Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires, la « Stratégie Logement » déterminant les orientations du Gouvernement pour les cinq années à venir et qui trouvera une traduction législative en 2018. Je suis favorable à travailler sur ce projet en concertation avec vous, notamment dans le cadre de la conférence de consensus proposée par le Président du Sénat. Je salue d'ailleurs cette initiative.
Nos constatations étaient partagées par plusieurs candidats lors des débats préélectoraux. Dans notre pays, il y a eu un effort conséquent de l'État en matière de politique de logement, avec près de 40 milliards d'euros de dépenses publiques. Malgré cela, il y a 4 millions de mal logés, et nombre de nos concitoyens rencontrent des difficultés en matière de logement. Il est aujourd'hui nécessaire de faire évoluer le système sur le plan budgétaire, lequel découle directement des orientations données par Raymond Barre en faveur des aides personnelles au logement, qui étaient certes soutenables à l'époque, mais qui conduisent aujourd'hui à faire évoluer le système.
De manière schématique, nous avons un problème en zone tendue - pour reprendre une classification développée sous le ministère de Benoist Apparu -, avec une offre généralement de qualité, mais en deçà de la demande de logements. En outre, nous avons également un problème en zone détendue, où l'offre de logements est en général suffisante, mais la demande est plus faible, ce qui conduit à la vacance de nombreux logements, et par voie de conséquence à une dégradation des centres des villes moyennes. Nous sommes d'ailleurs en train de préparer un plan d'action qui leur est destiné.
Ainsi, il s'agit aujourd'hui de construire plus, mieux et moins cher.
Le premier axe de la stratégie consiste en la libération du foncier, qu'il s'agisse de foncier public ou privé. Le délai pour concrétiser un projet est important. J'ai ainsi récemment rencontré le président de l'association des maires d'Ile-de-France qui m'indiquait avoir signé, il y a quelques jours l'achat d'un bien de l'État, pour lequel les négociations avaient débuté en 2004. D'ailleurs, le délai moyen entre le début des démarches et la livraison est en moyenne de 10 ans, en raison de l'accumulation de difficultés que nous avons nous-mêmes créées. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre en place, dans les zones tendues, un abattement exceptionnel qui sera appliqué sur les plus-values résultant de la cession de terrains à bâtir ou de terrains bâtis, en cas de promesse de vente conclue avant fin 2020 en vue de la construction de logements neufs. Cet abattement sera de 100 % pour les cessions réalisées en vue de la construction de logements sociaux, 85 % pour les cessions en vue de réaliser du logement intermédiaire, et de 70 % en vue de réaliser du logement libre. Cette mesure correspond à une demande des promoteurs et constructeurs. En effet, dans le système actuel de taxation des plus-values, les détenteurs fonciers ont intérêt à garder leurs biens le plus longtemps possible. Cela répond ainsi au besoin de terrains en zone tendue.
En ce qui concerne les zones détendues, et vous savez que je suis sensible à ces dernières et aux communes rurales, j'ai rencontré à l'occasion du Congrès des maires, des élus ruraux qui considéraient ne pas avoir assez de terrains à disposition pour des constructions de logement. Toutefois, il me semble que pour le moment, il y a sur ces territoires, des possibilités foncières importantes.
En outre, il est important d'aller vers un urbanisme de projet. Nous allons ainsi faciliter la création de projets partenariaux d'aménagement, et améliorer les dispositifs d'opération d'intérêt national. Nous voulons privilégier la contractualisation, notamment avec les collectivités territoriales. J'ai rencontré récemment le dirigeant d'une grande entreprise internationale qui s'était engagée dans une telle démarche. Le dossier avait pris moins d'un an. Cela démontre, que dans ce pays, lorsque l'on veut, on peut, mais il faut faciliter les choses.
Il faut aussi intervenir sur le coût de la construction, qui est l'un des plus élevés en Europe. En matière de réglementation et de normes, il faut sortir d'une logique de prescriptions de moyens, qui sclérose l'innovation pour aller vers une obligation de résultat. À titre d'exemple, en matière de bruit, on indiquerait le nombre maximal de décibels acceptable, et on laisserait les entreprises libres de trouver les solutions pour y parvenir.
Nous avons également une volonté de simplifier les normes, notamment en matière d'accessibilité, sans tabou. Nous avons beaucoup travaillé avec l'association des paralysés de France (APF). De manière générale, la consigne a ainsi été donnée à tous les ministères de faire une « pause normative » durant le quinquennat, à l'exception, bien sûr, des normes de sécurité. J'ai d'ailleurs été interpellé hier par votre collègue Catherine Deroche sur les risques d'accidents dus aux armatures en béton. Par ailleurs, bien évidemment, nous prendrons celles découlant de textes législatifs déjà votés, notamment en matière d'environnement.
En outre, nous devons nous pencher sur la question des recours. Aujourd'hui, la construction de 30 000 logements est bloquée en raison de recours. Le maire de Toulouse m'a ainsi dit que 60 % des permis de construire font l'objet d'un recours. Certes, juridiquement, il est difficile d'interdire les recours, car c'est un droit constitutionnel. Toutefois, nous souhaitons mettre en place une cristallisation obligatoire des moyens, qui consiste à obliger le requérant à présenter l'ensemble de ses griefs en une fois, ce qui présente l'avantage de raccourcir la période d'instruction du recours. Aujourd'hui, cette cristallisation est facultative, nous souhaitons la rendre demain obligatoire. En outre, nous souhaitons un renforcement des sanctions contre les recours abusifs. En effet, ces dernières ne sont pas suffisamment utilisées, alors que nous savons que certains déposent un recours, simplement pour retarder les travaux, et ainsi pouvoir négocier une transaction. Sur ces sujets, j'espère que nous pourrons travailler en partenariat avec le Sénat.
Je souhaitais également faire un point sur les dispositifs fiscaux. Le dispositif d'investissement locatif dit Pinel et le prêt à taux zéro (PTZ) devaient normalement prendre fin au 31 décembre 2017. Au final, des modifications sont intervenues depuis le dépôt du projet de loi de finances initiale. Ainsi, le dispositif Pinel a été prolongé de 4 ans pour les zones tendues, en zones A, A bis et B1. Pour la zone B2, un dispositif transitoire est instauré, qui a été modifié par l'Assemblée nationale. Ainsi, le dispositif Pinel continuera de s'appliquer en zone B2 lorsque le permis de construire aura été déposé avant le 31 décembre 2017 et à condition que l'acquisition soit réalisée au plus tard le 31 décembre 2018. Bien sûr, nous serons ouverts aux propositions du Sénat. Cette solution convient aux constructeurs et fédérations de professionnels, car elle leur apporte une visibilité sur quatre ans, à la différence d'une reconduction d'année en année. En ce qui concerne le PTZ, nous le prolongeons dans le neuf pour quatre ans dans les zones tendues A bis, A, B1, et pour deux ans dans les zones B2 et C. Enfin, pour les logements anciens, il y a une prolongation du PTZ pour quatre ans dans les zones B2 et C. Cela participera notamment à la rénovation des centres-bourgs des villes moyennes, en favorisant l'acquisition de logements anciens.
Dans le cadre de la stratégie Logement, nous n'avons pas souhaité nous fixer d'objectifs globaux. En effet, les exemples des précédents plans ont montré l'inefficacité d'un tel procédé. Cependant, nous souhaitons nous engager fortement dans deux secteurs. Le premier concerne le logement des jeunes. Nous voulons aboutir à la construction de 80 000 logements sur le quinquennat, dont 60 000 logements étudiants. C'est un secteur dans lequel il y a un besoin important. En outre, pour les étudiants, mais aussi pour ceux qui pourraient avoir besoin d'un tel dispositif, nous allons créer un bail mobilité, d'une durée de un à dix mois, afin de répondre au besoin d'un logement pour une courte période - un stage, par exemple. Nous souhaitons étendre le dispositif de garantie « VISALE », financé par Action Logement, qui reprendrait ainsi le dispositif de caution locative étudiante (CLE) de l'Etat, et dont les fonds vont être ajoutés au dispositif VISALE. Il s'agit d'apporter une caution, une garantie locative aux propriétaires en cas d'impayés, et la prise en charge des travaux nécessaires le cas échéant, à la fin d'un bail. Je tiens d'ailleurs à souligner la faible consommation des fonds engagés pour la garantie VISALE - à peine 35 % de l'enveloppe. Elle a été mise en place pour remplacer la garantie universelle des loyers qui avait été abandonnée en raison du coût estimé à l'époque à 600 millions d'euros.
Par ailleurs, nous souhaitons améliorer l'hébergement d'urgence, notamment grâce au plan quinquennal du « Logement d'abord ». Il ne s'agit pas de rendre responsable les uns ou les autres de la situation actuelle. À mon sens, nous avons une responsabilité collective. Aujourd'hui 120 000 personnes sont sans abri en France. La réalité de la situation, notamment au niveau migratoire est différente de celle qu'elle était il y a une dizaine d'années. Toutefois, il n'est pas tolérable que l'hébergement d'urgence laisse autant de personnes dormir dehors. Dans ce cadre, et en concertation avec les associations, le Président de la République a présenté son plan en faveur du « Logement d'abord ». Je souhaite être très clair : il ne s'agit pas de financer ce plan en prenant des crédits de l'hébergement d'urgence. Dans le cadre de ce plan, nous souhaitons mettre en place une procédure accélérée et lancer un appel à projets à destination d'une quinzaine de territoires, ainsi que travailler de manière partenariale avec les associations et les collectivités territoriales. Je pense que ce projet intéresse prioritairement les métropoles. La métropole de Toulouse a déjà fait savoir qu'elle serait intéressée. Nous souhaitons créer 10 000 places supplémentaires en pension de famille. Il en existe actuellement 15 000. Ce dispositif fonctionne bien, nous souhaitons porter leur nombre à 25 000 places. Nous souhaitons également créer 40 000 places en intermédiation locative. Toutefois, cela ne résout pas la question de l'hébergement d'urgence et du recours aux nuitées hôtelières. Ainsi en Ile-de-France, il y a chaque année 34 000 nuitées hôtelières. Parmi les personnes hébergées, plusieurs milliers de personnes sont en attente de régularisation depuis longtemps. À ma connaissance, une personne en nuitée d'urgence attendrait depuis près de 12 ans. L'État prendra toutes ses responsabilités.
En ce qui concerne la politique de la ville, 1 500 quartiers prioritaires ont été retenus en application de la loi Lamy. Nous ne souhaitons pas relancer le débat sur les périmètres, les critères d'entrée et de sortie dans la géographie prioritaire. Je rappelle d'ailleurs qu'il existe pour les zones rurales un dispositif dénommé zones de revitalisation rurale. En revanche, je considère que la situation n'est pas la même entre les différents quartiers prioritaires. Bien évidemment, il ne s'agit pas de prendre à certains pour redonner à d'autres. Mais il y a une dizaine de quartiers en difficulté extrême. Vous me demandez s'ils sont perdus ? Je comprends la lassitude des élus concernés, voire leur exaspération. Par exemple, il est difficile de mettre en place une relation avec les parents quand, dans une classe, aucun d'entre eux ne parle français, et que les enfants parlent une dizaine de langues différentes. En outre, il y a un renouvellement des populations vivant dans ces quartiers. Ainsi, une partie des habitants, dont la situation s'est améliorée, partent et sont remplacés par des personnes à très faibles revenus, qui, lorsque leur situation se sera améliorée, quitteront à leur tour le quartier. Les collectivités territoriales ont elles-mêmes, pour certaines, participé à ce mouvement. Mais, nous devons essayer d'apporter des améliorations pour ceux qui y vivent. Sur le plan financier, la politique de la ville connaît pour 2017 une diminution de 46 millions d'euros, suite au rabot annoncé cet été. L'État va en prendre en charge 24 millions d'euros. Nous avons, préfecture par préfecture, analysé la situation pour viser les dossiers non lancés. Et, pour le reste du quinquennat, les crédits de la politique de la ville seront sanctuarisés. Certes, cette seule mesure ne suffira pas, car ce n'est pas qu'une question financière. Toutefois, il y a un engagement politique fort en faveur de la politique de la ville. Le Président de la République souhaite en faire une priorité nationale et mobilise tous les ministères concernés, que ce soit l'éducation, la santé ou la sécurité. Dans ce cadre, le dédoublement des classes de CP a été mis en oeuvre dès cette rentrée. 2 500 classes ont ainsi été dédoublées. En outre, la police de sécurité du quotidien va être mise en place prioritairement dans ces quartiers. Enfin, 200 000 emplois aidés seront déployés en 2018, avec un fléchage sur les quartiers prioritaires, les communes rurales et l'accompagnement des élèves en situation de handicap. J'ai demandé à Jean-Louis Borloo de travailler avec nous pour faire un bilan des actions menées en matière de politique de la ville et faire des propositions que nous pourrons présenter début mars.
Sur l'ANRU, j'ai signé hier un protocole d'accord avec Action Logement, qui prévoit l'engagement de ce dernier pour financer 2 milliards et celui de l'Etat de contribuer à hauteur d'1 milliard. Nous avons un dialogue constructif avec les bailleurs sociaux pour assurer le bouclage des 10 milliards d'euros affectés au nouveau programme national de renouvellement urbain qui seront extrêmement utiles, car cela équivaut à un doublement du montant initialement prévu. La mise en oeuvre du programme s'étalera jusqu'en 2031. Ainsi, pour l'Etat, lorsque l'on met un milliard d'euros, on met en fait 65 millions d'euros par an.
Enfin, nous tiendrons nos engagements, mais pour dépenser, il faut qu'il y ait des dossiers prêts à démarrer.
Concernant la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), je n'entends pas remettre en cause les principes posés par cette loi, car cela enverrait un mauvais message aux collectivités locales qui ont tenu leurs engagements. En outre, la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a modifié la procédure, en instituant une commission régionale en plus de la commission nationale. Un bilan a été réalisé sur les constructions de logements sociaux entre 2014 et fin 2016. Les préfets de région, les commissions régionales et la commission nationale ont examiné un certain nombre de communes qui n'ont pas respecté leurs objectifs. Certaines, certes minoritaires, nous expliquent d'ailleurs qu'elles n'entendent pas les respecter. À la suite des observations faites par la commission nationale présidée par Thierry Repentin, j'ai réinterrogé les préfets. J'attends leurs retours pour trouver des solutions conciliant à la fois les obligations législatives et les réalités du terrain. Enfin, dès l'année prochaine, je réunirai l'ensemble des préfets de région, pour travailler en amont sur ce dossier. Pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, je suis sûr que le Sénat fera des propositions et que nous pourrons travailler en commun sur ces sujets. La ligne rouge cependant est claire : nous ne remettrons pas en cause les principes posés par cette loi. Toutefois, il faudra prendre en compte les réalités de terrain, par exemple les problèmes posés par les fusions de communes. Nous ne souhaitons pas faire d'idéologie, mais nous recherchons des solutions pragmatiques : nous avons un besoin en logements sociaux, et le dispositif législatif actuel présente des effets positifs. Toutefois, des difficultés sont apparues en pratique, que nous devons prendre en compte.
En matière d'urbanisme, je n'entends pas que soit retirée aux maires la signature des permis de construire. Certes, l'instruction peut se faire au niveau de l'intercommunalité, d'autant plus qu'on constate un retrait des services de l'État et que l'intercommunalité s'occupe du droit des sols. En revanche, retirer aux maires ce pouvoir serait mal vécu par ces derniers. La moitié des intercommunalités ont fait le choix d'un plan local d'urbanisme intercommunal. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, je crois à l'intelligence des territoires.
En ce qui concerne l'article 52 du projet de loi de finances, je partage les objectifs d'économie. Je suis d'autant plus conscient des difficultés que j'avais corédigé avec Philippe Dallier et Charles Guené un rapport sur les conséquences de la baisse des dotations aux collectivités territoriales. Toutefois, dans un certain nombre de domaines, l'État doit faire des économies et mieux gérer ses dépenses, et ce d'autant plus qu'il demande des efforts importants aux collectivités territoriales. Tout d'abord nous avons toujours maintenu le dialogue avec tous les bailleurs sociaux. Il y a en leur sein quatre grandes filières aux opinions très différentes. Deuxièmement, nous faisons le constat, d'ailleurs partagé, qu'une restructuration est indispensable. Il existe 730 structures différentes. À titre d'exemple, à Évry, 21 structures HLM différentes sont présentes sur le territoire de l'agglomération. Toutefois, dans cette restructuration, il faudra aussi prendre en compte les besoins de proximité. Nous avons réussi à faire cette restructuration pour Action Logement, nous devons désormais le faire avec l'Union sociale pour l'habitat. Je suis conscient des réalités du terrain - j'ai présidé pendant plusieurs années un office départemental. Mais, il me semble qu'on peut y arriver dans un délai de trois ans. Cette restructuration permettra également d'apporter de l'aide sous forme de péréquation à ceux qui en ont besoin. Je ne cache pas, à titre personnel, qu'une augmentation de la TVA sur les opérations de construction et de réhabilitation des organismes HLM me paraît souhaitable. J'espère, qu'en utilisant plusieurs mesures, dont celle-ci, nous arriverons à avancer. De manière générale, nous serons très attentifs aux travaux du groupe de travail mis en place au sein de votre commission sur ce sujet. J'espère que nous déboucherons sur une solution consensuelle, acceptée par tous.
Le programme 177 regroupe les crédits de la politique d'hébergement d'urgence. Ces crédits augmentent de 12 % et je m'en félicite. Toutefois, chaque année, se pose la question de la sincérité de ces crédits. Nous pouvons légitimement nous interroger sur une sous-budgétisation des crédits de ce programme pour 2018, surtout au regard des objectifs volontaristes affichés par le plan quinquennal « Le logement d'abord ». Ainsi, les crédits dédiés à la veille sociale sont inférieurs à ceux de 2016, alors que le plan prévoit de renforcer cette dernière. En outre, aucune ligne budgétaire n'est prévue pour l'accompagnement des personnes vers des logements adaptés. Comment pensez-vous remédier à cette possible sous-budgétisation des crédits dans le domaine de l'hébergement d'urgence ?
En ce qui concerne le programme 109, et notamment l'article 52, j'ai été surprise par la brutalité de la réforme des APL et son caractère unilatéral. En effet, il ne s'agissait pas d'un engagement apparaissant dans le programme de campagne d'Emmanuel Macron. Certes, il faut faire des économies et la rigueur budgétaire s'impose à tous. Toutefois, le Gouvernement a absolument tenu à afficher en matière de logement une économie de 1,7 milliard d'euros sur les dépenses publiques, dont 1,5 milliard d'euros sont dus à la réforme des APL. Le coût financier est important pour les bailleurs sociaux. Avez-vous mesuré l'impact de cette mesure sur ces derniers, dont certains sont déjà dans une situation financière délicate ? De même, quel est la conséquence sur l'emploi dans les territoires, et les entreprises du bâtiment ? Leur chiffre d'affaires va être touché en raison d'une diminution des constructions et des rénovations. Enfin, quel sera l'impact sur les collectivités territoriales qui sont garantes de l'emprunt des bailleurs sociaux, souscrit pour un montant de plusieurs milliards d'euros ?
Les dispositions votées à l'Assemblée nationale prévoient l'étalement de la réduction de loyer de solidarité dont la mise en oeuvre se fera sur trois ans, avec une montée en puissance : elle permettrait une économie concomitante des APL de 800 millions en 2018, 1,2 milliard en 2019 et 1,5 milliard en 2020. Combien d'organismes HLM seraient en fragilité financière, voire en danger de faillite suite à cette réforme, et combien de communes vont voir leur garantie mise en oeuvre du fait de cette défaillance des organismes sociaux ? Ce qui a été voté à l'Assemblée nationale est loin de faire consensus. Ainsi, nous avons mis en place un groupe de travail pour essayer de trouver des solutions financières les moins douloureuses possible pour les bailleurs sociaux. Ce matin, en commission des affaires économiques, j'ai présenté les mesures envisageables pour parvenir à 1,5 milliard d'euros d'économie. L'une semble être actée : la hausse de la TVA à 10 % pour la construction de logements sociaux et leur réhabilitation. Il reste d'autres pistes : une hausse de la cotisation des bailleurs sociaux à la CGLLS, la mise en place d'une nouvelle cotisation versée à la CGLLS sur les logements énergivores, ou le maintien de la réduction de loyer de solidarité mais avec un rendement moindre à hauteur de 800 millions d'euros, et surtout sans montée en puissance sur les trois années à venir. Le gouvernement est-il prêt à envisager ces mesures ?
Sur le programme 135, l'État se désengage du fonds national des aides à la pierre (FNAP) : 50 millions d'euros sont affectés contre 200 millions d'euros l'année dernière, entraînant une hausse de la contribution des bailleurs sociaux de 270 à 375 millions d'euros. Il s'agit d'une ponction supplémentaire sur ces derniers. Il est prévu à l'article 52 quater l'instauration d'une taxe à hauteur de 10 % maximum sur les produits de cession de logements sociaux - dont le rendement est estimé à 70 millions d'euros - qui alimenterait le FNAP. Or cela semble en complète contradiction avec le souhait du Gouvernement d'augmenter les ventes de logements sociaux. Pour rappel, l'objectif est de 40 000 ventes. Or, aujourd'hui nous en sommes à peine à 8 000. Enfin, n'y a-t-il pas une contradiction entre, d'une part, la stratégie quinquennale du logement qui est censée permettre un choc d'offre, et, d'autre part, un choix budgétaire de l'État de se désengager des aides à la construction : désengagement de l'aide à la pierre, suppression des aides aux maires bâtisseurs, recentrage des mesures fiscales PINEL et PTZ ?
Je ne reviendrai pas sur les questions auxquelles vous avez répondu lors du débat d'hier sur la politique de la ville, si ce n'est que nous avons, avec Valérie Létard, bien pris note de votre engagement qu'il n'y aurait pas de coupe budgétaire sur la politique de la ville en 2018. Nous sommes également en attente des mesures d'assouplissement visant les procédures d'instruction des projets menés dans le cadre du NPNRU. Nous vous réitérons nos préoccupations s'agissant du bouclage du financement du NPNRU, à hauteur de dix milliards d'euros, pour l'heure incertains en raison du débat sur la réforme des APL dans le parc social. J'aurais cependant une question très précise sur la dotation politique de la ville : un amendement du Gouvernement permet à 373 communes, au lieu des 80 initialement prévues, de bénéficier de la DPV, dont le montant demeurerait fixé à 150 millions d'euros. Confirmez-vous cette mesure qui réduirait le montant de la dotation attribuée à chaque commune, en contradiction avec l'engagement du Président de la République selon lequel aucune commune de la politique de la ville ne perdrait de dotation ? Au cours de mes auditions, il m'a été indiqué que cette dotation n'avait pas été intégralement consommée et qu'en 2016, 75 millions d'euros avaient été « rendus ». Certains maires ont été remboursés deux, voire trois ans, après ! S'agissant de l'article 52 du projet de loi de finances, il est inacceptable que l'effort de réduction budgétaire continue à toucher les plus pauvres. Une telle démarche est contradictoire avec la demande du Gouvernement, auprès des offices HLM, de loger encore plus de personnes démunies, comme en dispose votre plan en faveur du « Logement d'abord ». Elle est d'autant plus choquante, lorsque l'on sait que le résultat d'exploitation des offices HLM, qui atteint 2 milliards d'euros, est intégralement réinvesti dans la production et la rénovation du parc, avec des effets démultiplicateurs en termes d'emplois directs et de TVA à hauteur de 800 millions d'euros. Leur capacité d'investissement va donc être amputée de 75 % ! Je rappellerai que de nombreux offices HLM gèrent des quartiers en politique de la ville, que 4,2 millions de logements HLM sont occupés par plus de dix millions de personnes. 15 % des ménages - dont la moitié est en-dessous du seuil de pauvreté - relèvent du logement social. Avec un loyer moyen de 390 euros, contre 570 euros dans le parc privé, les organismes HLM répondent à une demande sociale forte que vous souhaitez d'ailleurs renforcer. Concrètement, baisser de 60 euros, dès le 1er janvier 2018, l'APL de tous les locataires de logement induit concrètement une baisse de loyer de 50 euros pour un célibataire, de 61 euros pour un couple ou une personne seule avec un enfant à charge, et de 10 euros de plus par personne à charge supplémentaire. Plus un bailleur social loge des personnes modestes, des familles nombreuses ou des personnes seules avec enfants, plus il sera taxé ! Toute construction de logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) sera systématiquement pénalisée, tandis que les logements intermédiaires ne le seront pas. Telle est la réalité ! Monsieur le Ministre, n'avez-vous pas peur de rompre la confiance qui s'installait dans le financement du NPNRU, auquel les offices HLM sont appelés à participer à hauteur de deux milliards d'euros ? Il nous paraît que la baisse des APL et la réduction de loyer de solidarité ne sont nullement des solutions de compromis et vont peser sur les organismes qui accueillent le plus de ménages bénéficiaires des APL. Ces mesures vont être coûteuses à mettre en oeuvre et sont évolutives à la hausse, par l'effet de paupérisation des locataires dont on connaît la réalité au sein du parc social. L'Union sociale pour l'habitat a fait des propositions dont il faut débattre. Ne faut-il pas, Monsieur le Ministre, revenir sur cet article 52 et ne pas mettre en oeuvre ni la réduction de loyer de solidarité, ni la baisse des APL ?
Monsieur le Ministre, ne pensez-vous que le Gouvernement, en matière de logement, a mis la charrue devant les boeufs ? Après trois années difficiles, entre 2013 et 2015, le secteur connaît une certaine embellie depuis deux ans. Nous revenons de loin, en partie en raison de l'application de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) qui a effrayé un certain nombre d'investisseurs. N'êtes-vous pas en train de prendre le même type de risque ? En effet, si je liste les différentes dispositions de ce projet de loi de finances : si l'on supprime l'impôt sur la fortune, on ne garde que l'impôt sur la fortune immobilière. On supprime la taxe d'habitation et on ne garde que la taxe foncière qui sera la variable d'ajustement des communes qui n'en auront plus d'autres. On supprime l'aide aux maires bâtisseurs. On recentre le Pinel et le PTZ, même s'il me faut reconnaître, Monsieur le Ministre, que vous les avez sauvés, puisqu'ils devaient s'éteindre. Vous supprimez la prime d'Etat pour les titulaires des plans d'épargne logement. Vous supprimez l'APL-Accession, alors que, dans le même temps, vous incitez les bailleurs à vendre. Quelle est donc votre logique ? Vous abaissez à 50 millions d'euros la participation de l'Etat au FNAP : vous rompez ainsi la promesse de parité, tout en demandant aux bailleurs sociaux de payer l'addition. Vous pérennisez le coût de rabot de cinq euros sur les APL, en plus du 1,5 milliard d'euros sur le fameux article 52. Nous avons là un ensemble de signaux qui s'adressent aussi bien aux investisseurs publics et privés qu'aux collectivités territoriales appelées souvent en garantie d'emprunt, et qui risquent de produire un coup de frein à la production. C'est là le paradoxe : vous parlez de réformes structurelles et nous sommes sans doute unanimement d'accord pour réformer le secteur des bailleurs sociaux. Action Logement l'a fait très vite et sans doute efficacement. Les bailleurs doivent se réformer, mais une telle démarche prend du temps ! Avant que des économies ne soient dégagées par cette réforme, que va-t-il se produire ? C'est une inquiétude réelle. Est-il encore temps de faire machine arrière au Sénat et d'adoucir la peine pour les bailleurs sociaux ? Par ailleurs, je vous entends sur l'article 52, Monsieur le Ministre, après avoir écouté le Premier ministre lors du congrès des maires de France. Je n'ai pas bien compris si le Premier ministre, Edouard Philippe, commentait la solution issue des débats de l'Assemblée nationale qui consiste à lisser le 1,5 milliard d'euros sur trois ans, avec en contrepartie une augmentation à titre transitoire de la taxe sur la valeur ajoutée pour le logement social. Si tel s'avérait le cas, nous sommes dans le schéma arrêté par nos collègues députés, et je ne vois guère ce que le Sénat peut y apporter. Si tel n'était pas le cas, la logique qui prévaut est bel et bien celle développée par ma collègue Dominique Estrosi Sassone. Vous avez acquiescé à la TVA, mais est-ce de manière pérenne ou temporaire ? Si c'est pour trois ans, le temps d'atteindre 1,5 milliard d'euros avec la RLS, nous ne sommes pas d'accord ! Si nous sommes d'accord pour trouver quelque 700 millions d'euros en première partie du projet de loi de finances, c'est pour adoucir la peine des bailleurs sociaux sur l'article 52 ! Plusieurs options s'ouvrent et nous n'avons pas encore trouvé le bon calibrage ; j'espère que nous y parviendrons ! C'est là un point crucial, Monsieur le Ministre : si le Gouvernement en est d'accord, nous trouverons une solution. Mais s'il s'agit d'étaler la mesure sur trois ans, avec le risque de freiner concomitamment le marché, je ne vois effectivement pas comment nous pourrions aller dans cette direction. Juste un mot sur l'hébergement d'urgence. Je salue l'effort de rebasage des crédits du programme 177. Malgré celui-ci, ces crédits restent inférieurs de 40 millions d'euros à l'exécution de 2017. Lors des auditions que j'ai organisées, on m'a répondu que des économies étaient attendues. Il faut aller au bout de la logique, avec l'enquête nationale des coûts. Il n'est pas acceptable que certains établissements refusent de répondre de peur d'être obligés de caler leurs tarifs sur les tarifs moyens. Ces économies seront-elles trouvées en 2018 ? Je n'en suis nullement certain. Enfin, l'hébergement des migrants, pour la seule région Ile-de-France, représente un coût de 150 millions d'euros inscrits sur le programme d'hébergement d'urgence. Il m'a été indiqué qu'une telle somme serait transférée sur le bon programme relevant du ministère de l'Intérieur. Est-ce que ces 150 millions d'euros vous paraissent suffisants ? Pensez-vous que le Ministère de l'Intérieur paiera enfin sa part, ce qu'il n'a jamais fait jusqu'à présent ?
Sur l'hébergement d'urgence, Madame Estrosi Sassone, vous avez fait une constatation qui ne remonte pas à aujourd'hui. Vous avez raison : les budgets successifs, sur le programme 177, n'ont jamais été sincères. Le nombre de personnes arrivant sur le territoire et en situation de grande précarité, qui relèvent de l'hébergement d'urgence, a constamment été sous-estimé. Cette année, nous avons prévu une hausse de 13 % dans le budget. J'espère que cette hausse sera suffisante, mais je n'en suis pas certain. En liaison avec le ministère de l'intérieur, nous allons travailler à rendre le budget réaliste par rapport aux besoins. En outre, cette démarche devra s'inscrire dans la politique d'accueil et de retour présentée par le Président de la République. Je partage ainsi vos observations : il faut que nous parvenions à caler le budget pour qu'il soit sincère.
Sur la vente du parc HLM, la situation n'est pas satisfaisante. La vente n'est certes pas la panacée, sauf qu'aujourd'hui ces ventes de logements HLM, soit 0,2 % du parc, représentent 10 % de ce qui est mis sur le marché. La faiblesse de ces ventes résulte d'une part, de la complexité du processus, d'autre part, de positions idéologiques : pourquoi changer lorsqu'on n'a jamais évolué pendant un siècle ? J'ai signé hier un protocole d'accord avec Action Logement qui prévoit la création d'une structure facultative de portage pour la vente de HLM. Puisque Action Logement détient une partie du parc, on peut ainsi considérer que cette disposition sera mise en application. À la fin du quinquennat, près de 40.000 logements HLM devront être mis sur le marché. Comment y parvenir ? Il importe que l'achat soit réservé aux locataires. Il ne s'agit pas de chasser les personnes âgées des logements qu'ils ont occupés pendant des années. La structure créée par Action Logement aura comme fonction l'achat en bloc d'immeubles aux bailleurs sociaux, avant de conduire la vente à l'occupant, sous réserve de la mise en place d'un dispositif sécurisé. On veut aller vite. La taxe sur les cessions de logements HLM alimentera directement le FNAP, sans abonder le budget global de l'Etat, cela me paraît totalement vertueux. La vente de logements HLM sert ainsi à financer le FNAP, donc l'aide à la pierre, et permet aux organismes HLM de construire d'autres logements. En effet, la vente d'un logement HLM permet financièrement d'en construire deux, voire trois autres ! Ce scepticisme est à mettre au compte de nos postures françaises. Je pense qu'il s'agit d'un système vertueux. Passer à 1 % du parc, par des achats en bloc et la protection des locataires, est un bon système.
Sur les crédits du programme 177, je vous ai répondu avec les réserves d'usage. L'augmentation de 13 % doit permettre de financer le « logement d'abord ». Sur l'accompagnement social, les crédits sont également portés par le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), qui devrait recevoir quelque trente millions d'euros pour l'accompagnement des personnes vulnérables sur le programme 135 ; c'est la raison pour laquelle vous ne les trouvez pas sur le programme 177.
Concernant les interrogations de Mme Guillemot sur la politique de la ville, j'ai répondu hier à vingt et une questions en séance publique. Il s'agit d'une priorité du Gouvernement et du Président de la République. Beaucoup reste à faire.
Sur les bailleurs sociaux, il serait facile pour moi de vous rappeler le contenu du référé de la Cour des comptes de juin dernier, dont je n'étais pas, du reste, le commanditaire. Mais pour avoir assisté à nombre de débats sur les bailleurs sociaux, sur les « dodus dormants » il me paraît difficile de crier famine et misère ! Certes, certains sont en difficulté. Le besoin de restructuration est évident, c'est ma conviction En fonction du contenu de l'article 52, plus ou moins de bailleurs sociaux vont être en difficulté. Je suis à titre personnel favorable à l'augmentation de la TVA sur les opérations des bailleurs sociaux. C'est une première réponse au débat posé.
Le Gouvernement ne souhaite pas mettre en faillite les structures, comme le prouvent nos efforts de mise en place d'un système de péréquation. Une telle démarche n'est pas chose aisée, à l'instar de la péréquation horizontale entre collectivités locales.
En outre, j'entends que cette démarche ne correspond pas aux demandes de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Des mesures compensatoires ont été proposées. Ainsi, dans le protocole d'accord signé hier avec Action Logement, un article prévoit le financement par Action Logement d'une bonification de deux milliards d'euros de prêts de haut de bilan qui seront proposés, dès 2018, aux organismes HLM. C'est un engagement. Je veillerai à ce qu'aucun organisme ne soit en faillite.
Sur la dotation de la politique de la ville, Madame Guillemot, vous avez rappelé que tous les crédits n'avaient pas été utilisés durant les années précédentes. Ce n'est pas le seul secteur où l'on peut à la fois demander toujours plus de crédits, sans pour autant les consommer.
À mon tour de dire combien je partage les propos de nos trois rapporteurs. Nous avons longuement échangé les uns et les autres. Au-delà des sensibilités, ces dispositions de l'article 52 auront des conséquences sur nos politiques territoriales et sur la façon dont nous allons aménager demain nos territoires. Nos programmes locaux de l'habitat seront très certainement revisités. Nos projets dans le cadre du NPNRU seront eux aussi remis en question si nous ne trouvons pas une solution satisfaisante sur l'article 52. Une révolution est manifestement en train de s'opérer ! Certes, nos politiques de logement doivent être transformées, mais comme l'a souligné mon collègue Philippe Dallier, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs ! Trouvons donc une solution budgétaire après avoir examiné un texte de loi dans lequel nous pourrions construire un modèle équilibré.
Action Logement a avancé plus rapidement en termes de restructuration que les organismes HLM. Comme vous l'avez souligné, Monsieur le Ministre, l'épée dans le dos, qui existe au travers de ces propositions budgétaires, encourage et oblige ces organismes à se réformer. Pour autant, les propos du Premier ministre nous inquiètent, tout comme ceux de M. Julien Denormandie, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires, de ce matin. Dans trois ans, on revient à la solution initiale ! Pourquoi le Sénat proposerait-il des solutions intermédiaires, alors que le Président de la République fixe le retour à la case départ dans trois ans ? On revient ainsi à une baisse de loyer de soixante euros et on perd l'autofinancement ! Quelles seront les marges de manoeuvre pour construire nos politiques territoriales demain ? Pour pouvoir avancer en toute confiance et que le Sénat puisse amender efficacement, il ne faut pas que nous revenions, dans trois ans, à la même solution.
Je vous remercie, Monsieur le Ministre, de vos propos qui me donnent le moral. Je prends la précaution de dire à mes collègues Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier que j'ai beaucoup de respect pour l'énergie qu'ils mettent à défendre la cause des bailleurs sociaux, mais que je ne partage nullement leur pessimisme. Les bailleurs sociaux ne sont pas un « grand corps malade », loin s'en faut ! Pour preuve, les résultats de l'année 2014, réputée difficile, où le bénéfice dégagé représentait quelque 33,5 milliards d'euros, avec une marge d'autofinancement de près de 10 milliards d'euros, ce qui faisait cumuler les fonds propres à 161 milliards d'euros, avec un encours d'emprunt inférieur de 30 milliards d'euros. Je me demande d'ailleurs pourquoi ces bailleurs requièrent les garanties des collectivités territoriales qui se trouvent bien souvent dans une situation plus précaire ! La restructuration est une démarche compliquée, du fait de leur dissémination sur le territoire. Il serait temps de se servir des compétences des bailleurs sociaux en matière de construction, d'achat et de vente. Il faudrait progressivement transformer cette formidable machine à fabriquer des locataires en un dispositif de fabrication de propriétaires. La France n'est pas condamnée à se cantonner à un taux de 56 % de propriétaires. C'est, me semble-t-il, un grand enjeu qui valoriserait les bailleurs sociaux.
Monsieur le Ministre, votre propos sur le logement en général, la lutte contre les recours abusifs, les normes, ainsi que sur la facilité des constructions, m'ont rassurée. Merci aussi d'avoir évoqué la loi SRU, dont vous ne voulez pas remettre en cause l'esprit, tout en tenant compte des réalités. J'espère que vous allez pouvoir aller jusqu'au bout de cette logique. Comme j'ai pu le constater dans mon département du Val-de-Marne, où certaines communes sont hyper-urbanisées, la réalité n'est pas celle entraperçue par les préfets de région. D'autres communes, comme le Perreux, sont essentiellement pavillonnaires. En dix ans, il est impossible de transformer cet habitat par des préemptions pour atteindre les objectifs de la loi SRU. Les maires n'ont pas été entendus, en dépit des dispositifs mis en oeuvre depuis une dizaine d'années. En effet, les pénalités et leurs majorations ne tiennent pas compte des recours abusifs et des difficultés qui peuvent être rencontrées. Je compte sur vous pour qu'enfin la situation sur le terrain soit effectivement prise en compte. Dans certaines communes, il est impossible de construire, en raison de l'absence totale de foncier disponible. D'ailleurs, Monsieur Benoist Apparu, dont vous avez parlé, n'est jamais venu sur le terrain pour regarder la réalité des communes !
Je souhaitais vous interroger sur le dispositif fiscal incitatif à l'investissement locatif, dit dispositif Pinel, qui doit être recentré sur les zones les plus tendues à partir de l'année prochaine. Le département de la Loire, intégralement classé en zone B2, ne serait plus concerné par le nouveau dispositif. Le Pinel est pourtant un dispositif bien adapté au parc urbain ligérien. Il a ainsi permis d'engager un certain renouvellement de ce parc particulièrement vieillissant et énergivore. Aujourd'hui, 40 à 50 % des programmes immobiliers du département sont portés par des investisseurs bénéficiant du dispositif Pinel. Par ricochet, les propriétaires bailleurs ont été incités à faire des efforts pour améliorer le parc locatif ancien. Pour poursuivre cette dynamique positive, il serait donc souhaitable de pouvoir maintenir le bénéfice du dispositif Pinel aux territoires classés en zone B2. Il ressort des débats à l'Assemblée nationale que le Gouvernement souhaitait répondre à la problématique causée par la sortie brutale du Pinel, dans le cadre de l'élaboration de sa nouvelle « stratégie logement ». Une sortie plus progressive du dispositif pour les collectivités en zone B2 pourrait ainsi être envisagée. La redéfinition du zonage applicable à ce dispositif devrait également être engagée en septembre 2018. Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur ces évolutions ? Enfin, comme vous l'a écrit mon collègue député de Saint-Etienne, M. Régis Juanico, la communauté urbaine de Saint-Etienne accédera officiellement au 1er janvier 2018 au statut de métropole. Son classement en zone B1 - à l'instar d'autres agglomérations au profil de territoire comparable - à compter de cette date serait à la fois cohérent et utile. Le classement de la métropole de Saint-Etienne en zone B1, à compter de 2018, est-il envisageable ? Je vous remercie.
J'ai reçu le maire de Saint-Etienne, qui m'a fait part de son immense joie que son agglomération soit devenue métropole, bien que je ne pense pas que la multiplication des métropoles soit bénéfique pour le pays. Un certain nombre de villes, comme Saint-Etienne, Besançon et Brest, souhaiteraient passer de B2 en B1. L'Assemblée nationale a quelque peu fait évoluer le texte avec un dispositif de transition, impliquant le dépôt de permis de construire avant le 31 décembre 2017 et un acte authentique, pour les acheteurs, avant le 31 décembre 2018. J'entends la demande formulée pour améliorer la situation. Je comprends les motivations des élus, qui souhaitent revoir le zonage. Mais d'autres critères, comme le taux de logements vacants, doivent être pris en compte. Il est peut-être possible, pour le Sénat, d'améliorer le dispositif de transition.
Madame Procaccia, sur la loi SRU, je veux bien venir sur place. Mais je n'entends pas remettre en cause l'esprit de la loi SRU. Je comprends un certain nombre de difficultés notamment induites par les fusions d'intercommunalités.
Surtout en Ile-de-France, où il y a eu des réticences.
Six intercommunalités, regroupant 73 communes, viennent de fusionner dans mon département !
Les pénalités sont automatiquement réduites en fonction de la construction des logements sociaux. On ne peut exiger le respect de l'objectif de construction de logements sociaux, lorsqu'il ne peut pas être atteint, non en raison de l'absence de volonté politique, mais du fait de difficultés d'ordre géologique notamment !
Certains terrains peuvent être rendus disponibles. Ce point doit faire l'objet d'une discussion avec les préfets de région qui, d'une manière générale, par rapport aux observations de la commission nationale, ont fait preuve de bienveillance, surtout lorsqu'il existait des contrats de mixité sociale.
Monsieur Mayet, je n'entends pas faire le procès systématique des bailleurs sociaux. Je persiste à dire que la restructuration et l'utilisation accélérée des fonds pour construire sont indispensables. Nous avons eu ce débat, pendant des années, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat ! Je comprends qu'une minorité des bailleurs n'a pas envie de se réformer, tandis que d'autres sont prêts à signer un accord. Le passage en force n'a jamais été ma méthode et il est essentiel de ne pas camper sur les postures.
Monsieur le Ministre, le conseil d'administration de l'ANRU a sélectionné vingt-deux sites ultramarins, soit plusieurs sites par territoires, qui ont bénéficié d'un effort financier d'environ 450 millions d'euros grâce aux crédits dédiés à la rénovation urbaine. En Guadeloupe, les villes de Pointe-à-Pitre et des Abymes sont parmi les sites sélectionnés et leur rénovation, signée en 2006, constitue l'un des plus grands programmes lancés en France. Ce vaste chantier, dont la première tranche va s'achever en 2020, coûtera environ un milliard d'euros financé par l'Etat, les collectivités territoriales et les fonds européens. Je profite de votre présence pour vous interroger sur un point qui suscite l'inquiétude du président de la communauté de communes, forte de 85 000 habitants, et des deux maires concernés : de nouveaux projets pourront-ils voir le jour en Guadeloupe, et plus généralement en outre-mer ? Comme vous le savez, le financement des programmes de rénovation urbaine est essentiel à l'amélioration des conditions de vie dans ces départements et ce, tout particulièrement, dans le contexte de catastrophe naturelle, en matière sismique et cyclonique, qui sévit actuellement.
Sur le NPNRU, 22 territoires de projets en outre-mer regroupant 34 quartiers politique de la ville ont été retenus par le conseil d'administration de l'ANRU en décembre 2015 ; soit 23 nouveaux quartiers - trois de plus en Guadeloupe, onze en Guyane, trois à Mayotte, cinq à la Réunion - par rapport au PNRU. Ces territoires-projets sont généralement plus larges que les périmètres des quartiers « politique de la ville ».
L'augmentation des crédits dédiés au NPNRU n'implique pas la désignation de nouveaux quartiers. Les projets ultramarins sont actuellement en phase de préfiguration et les premières conventions vont être instruites durant le premier semestre 2018, en fonction de leur état d'avancement sur le terrain.
Il nous reste à vous remercier de cette audition sur votre politique du logement que vous avez bien voulu nous réexpliquer et nous préciser. Je pense que nous aurons encore, d'ici la séance publique, quelques échanges et quelques débats. Comme vous le savez, le Sénat est très volontaire pour trouver une solution alliant la nécessaire restructuration du monde de l'habitat social à une démarche compatible avec l'élan de construction qui ne doit pas être brisé.
La réunion est close à 19 h 15.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.