Nous entamons cette réunion par l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », précédemment réservés.
ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION
Je confirme mon avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », en l'accompagnant toutefois d'un ferme avertissement à veiller à une revalorisation régulière des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant, notamment. Les cinq dernières années ont été, à l'exception de l'année 2017, des années blanches de ce point de vue. Il ne faut pas que les cinq prochaines années répètent cette séquence. Pour 2018, il faut tenir compte de l'extension en année pleine de la revalorisation de 2017, qui soutiendra les transferts aux anciens combattants. Mais il faudra faire mieux, au-delà. Pour 2018, les anciens combattants s'associeront à la modération des dépenses de retraite de l'ensemble de la population. Après, il faudra ne pas les oublier... Cela fait partie de notre devoir de mémoire. La secrétaire d'État, lors d'un entretien que j'ai eu avec elle, m'a confié son souhait d'inscrire ces questions dans la durée. Je lui fais confiance.
À l'issue de cette intervention, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation ».
DÉFENSE
Article 52 octies
Nous passons à l'examen de l'article 52 octies de la mission « Défense », précédemment réservé.
L'Assemblée nationale a, sur cet article, adopté un amendement visant à reprendre le dispositif de réparation des maladies professionnelles liées à l'amiante existant en matière civile. Je vous propose l'adoption de l'article ainsi modifié.
À l'issue de cette intervention, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 52 octies, rattaché à la mission « Défense ».
ÉCONOMIE
Nous en arrivons à l'examen des crédits de la mission « Économie », précédemment réservés, et des articles additionnels rattachés n° 54 quinquies, 54 sexies, 54 septies et 54 octies.
Entre 2010 et 2018, la dotation du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) est passée de 64 millions d'euros à 11 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 83 %. Nous le disons clairement : il n'est tout simplement pas possible de mener une politique ambitieuse de lutte contre la désertification des territoires et la dévitalisation des centres ville, sur l'ensemble du territoire français, avec 11 millions d'euros pour 65 millions d'habitants.
L'Assemblée nationale a majoré les crédits du Fisac de 2 millions d'euros, mais on voit bien que cela ne constitue pas une véritable réponse. Nous vous proposons donc, avec Bernard Lalande, un amendement visant à porter les crédits du Fisac à 30 millions d'euros, soit un doublement, pour sortir enfin d'une situation où l'on réaffirme des objectifs sans s'en donner les moyens.
Sur les 17 millions d'euros prévus, 5 millions d'euros seraient réservés aux stations-service de proximité. Comme vous le savez, leur nombre ne cesse de diminuer au profit des grandes surfaces, et les stations indépendantes font face à des coûts souvent insurmontables : changement des cuves, remises aux normes, diversification etc. Jusqu'en 2015, elles bénéficiaient d'aides versées par le Comité professionnel de distribution de carburants (CPDC). Le Sénat s'était mobilisé - avec succès - pour la reprise des dossiers en cours par le Fisac, mais il importe maintenant de prévoir un dispositif pérenne.
L'Assemblée nationale a adopté d'autres amendements de crédits à la mission « Économie », pour assurer notamment un effort en faveur des mouvements de consommateurs et des associations permettant aux familles démunies de partir en vacances. Nous vous proposons donc de confirmer l'adoption des crédits de la mission « Économie », tels que modifiés par l'Assemblée nationale et par l'amendement que nous vous proposons.
Par ailleurs, deux amendements du Gouvernement ont été adoptés sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Le premier amendement prévoit l'ouverture de 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement : il tire les conséquences de la décision de financer le projet de liaison CDG-Express par un prêt de l'État, à hauteur de 1,7 milliard d'euros, plutôt que par un emprunt souscrit auprès d'établissements financiers, comme le prévoyait le schéma d'origine. Cette décision, justifiée par l'urgence de ce chantier dans la perspective des jeux olympiques de 2024, a fait l'objet d'un article en première partie du projet de loi de finances.
Le second amendement ouvre 100 millions d'euros sur le compte de concours financiers, afin de permettre à l'État d'accorder un prêt à Bpifrance dans le cadre de son nouveau dispositif de soutien à l'exportation en Iran.
Quelques explications s'imposent. Comme vous le savez, les banques privées sont encore réticentes à accorder des financements aux entreprises françaises ayant des projets en Iran, même si les sanctions internationales ont pour l'essentiel été levées. Afin de remédier à cette défaillance, Bpifrance prépare le lancement d'une offre de financement public à destination des exportateurs désireux de profiter de l'ouverture du marché iranien et de ses opportunités.
Afin de ne pas tomber sous le coup des sanctions américaines, Bpifrance doit toutefois mobiliser des ressources financières dédiées à l'Iran, séparées de ses autres activités. Cet amendement, qui autorise l'État à prêter 100 millions d'euros à Bpifrance, devrait avoir un effet d'entraînement sur les autres investisseurs potentiels.
Le prêt serait effectué aux conditions de marché, et son déblocage serait neutre pour le solde budgétaire : le montant de 100 millions d'euros est en effet gagé par une annulation à due concurrence des crédits du programme 851 du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
L'État et Bpifrance travaillent depuis plusieurs mois sur ce dispositif, dont les modalités juridiques et financières semblent crédibles. Son importance est cruciale pour les exportateurs français. D'autres pays se sont déjà dotés d'un mécanisme identique, dont l'Allemagne. Nous vous proposons donc d'adopter cet article.
Reste qu'il s'agit d'un dispositif substantiel, et son dépôt par le Gouvernement, au dernier moment, en seconde délibération, interdit un examen approfondi. Nous avons demandé des précisions. Si des éléments nouveaux devaient apparaître d'ici à la séance publique, nous aurions bien sûr la possibilité de revenir sur cette adoption.
L'Assemblée nationale a également adopté quatre articles additionnels rattachés à la mission « Économie ».
L'article 54 quinquies vise à instaurer un mécanisme de contribution volontaire permettant aux différentes associations professionnelles représentant les entités contrôlées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) de financer des projets d'intérêt commun portés par cette dernière. Ce dispositif pose une question de principe sur laquelle le rapporteur général vous dira son sentiment.
L'article 54 sexies vise, quant à lui, à créer une taxe affectée au Centre technique du papier (CTP). C'est un dispositif vertueux, que je vous propose d'adopter.
L'article 54 septies supprime la possibilité, pour les établissements bancaires, de centraliser à l'excès les ressources tirées des dépôts du livret A et du livret de développement durable vers le fonds d'épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. L'adoption de cet article est nécessaire pour sécuriser le fonctionnement et garantir la pérennité de ce fonds d'épargne.
Enfin, l'article 54 octies, issu d'un amendement du rapporteur spécial de la mission « Économie » à l'Assemblée nationale, reprend les préconisations de notre propre rapport, qui visaient à conforter le financement de Business France. Nous observions alors que superposer des structures, souvent rigides et anciennes, n'équivaut nullement à les additionner. Certes, les conseillers rattachés aux chambres de commerce et d'industrie, se veulent les meilleurs défenseurs de leur territoire, mais il semble qu'une telle superposition de talents ne soit pas le meilleur remède au déficit de notre commerce extérieur. Mieux vaut additionner les compétences que les superposer. Sachant que cet article prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'évolution du financement de Business France dans les prochaines années, je vous proposerai un amendement tendant à inclure cette question de la superposition des compétences dans le champ de ce rapport.
Je pense d'ailleurs qu'une réflexion plus globale sur le dispositif public de soutien à l'exportation s'impose aujourd'hui : nous avons des acteurs performants, mais trop nombreux et souvent concurrents plus que partenaires. La semaine dernière, j'avais évoqué la piste d'une mise à disposition de Business France des conseillers en développement international aujourd'hui rattachés aux chambres de commerce et d'industrie (CCI).
Je lis dans Les Échos que l'Afep, l'Association française des entreprises privées, considère que les grands groupes doivent coacher les PME. Mais on sait aussi que lorsque l'on dépend de quelqu'un, c'est lui qui décide chez vous. Il est temps de mettre en place une vraie politique d'exportation au lieu de défendre des chapelles qui remontent au XVIIIe siècle.
L'article 54 quinquies représente à mon sens le summum de l'horreur en matière budgétaire. L'Autorité des marchés financiers, l'AMF, comme beaucoup d'organismes, est financée par une taxe affectée, plafonnée. Afin de financer un programme informatique important, dont je ne conteste pas la nécessité, mais qui aurait pu passer par une modification du plafond, le gouvernement a imaginé un dispositif inédit : les organismes contrôlés par l'AMF paieraient une contribution « volontaire » - une sorte de don, en somme, mais qui n'est pas sans contrepartie : en échange de cette contribution, les organismes concernés bénéficieraient, tout bonnement, d'une réduction du taux de leur contribution légale. Gardons-nous de mettre le doigt dans un tel engrenage ! C'est pourquoi je vous proposerai un amendement de suppression de cet article.
Je soutiens l'excellente initiative prise sur l'Iran, un marché de 85 millions de personnes sur lequel nos banques sont fragilisées par la pression que maintiennent les États-Unis. J'en ai fait l'expérience dans mon département, avec un projet d'exportation de bétail.
Une observation pour rebondir sur les propos de Bernard Lalande au sujet de Business France : il est des dispositifs régionaux qui fonctionnent bien, et dont on gagnerait à s'inspirer. Je pense, par exemple, à l'Agence d'attractivité mise en place en Alsace, qui a créé un dispositif de collecte des appels d'offre internationaux, répartis ensuite entre les entreprises de la région. Cela classe l'Alsace au troisième rang en termes d'attractivité en matière d'échanges internationaux.
Je soutiens la position de nos rapporteurs sur le Fisac, tout en m'interrogeant, cependant, sur le fléchage de 5 millions en faveur des stations-service de proximité : ces crédits viendront-ils s'ajouter à des aides déjà existantes ? Je reviens d'un séjour en Corse où j'ai été frappé par le nombre de stations-service que l'on rencontre sur la côte est ! Nos rapporteurs peuvent-ils m'apporter un éclairage ?
Sur le commerce extérieur, le constat est cruel mais rejoint ce que nous écrivions, il y a quelques années, dans notre rapport sur le dispositif de soutien aux exportations agroalimentaires, où nous concluions à une concurrence entre différents opérateurs financés par l'État et relevions que pas moins de cinq ministères se trouvaient impliqués, dont aucun n'était prêt à renoncer à son pouvoir. Nous y examinions, en contrepoint, la situation des Pays-Bas, où le ministère de l'économie centralise la compétence et où un seul opérateur est chargé de porter les projets de développement. Quelques années plus tard, force est de constater que rien n'a avancé.
Pour aller dans le sens de Nathalie Goulet qui vantait le dispositif mis en place en Alsace, je mentionnerai deux autres exemples. Celui du Languedoc-Roussillon, qui a su développer une politique intéressante de soutien au commerce extérieur, et celui de la Bretagne, qui a opéré une fusion des services des chambres de commerce et d'industrie et des services régionaux respectivement concernés dans une entité dénommée Bretagne Commerce International. Preuve que des territoires ont su s'organiser hors de structures nationales impuissantes. Il est temps, en effet, que l'on s'empare du sujet.
Les dispositions retenues par nos rapporteurs pour le Fisac répondent à une vraie attente des petites communes, mais je suis surpris du fléchage vers les stations-service. Dans mon canton, qui compte 32 communes, j'ai vu des fermetures en chaîne, car il est clair que ces stations ne sont pas en mesure de lutter contre la concurrence des grandes surfaces.
Je suis moi aussi favorable à l'amendement de nos rapporteurs en faveur du Fisac, qui, alors qu'il a fait ses preuves dans les territoires ruraux, a souffert d'une chute brutale de ses crédits au cours du dernier quinquennat. En revanche, je n'ai pas les mêmes interrogations que mes collègues sur les stations-service. Elles méritent d'être soutenues face aux grandes surfaces, et s'il en existe davantage en Corse, c'est peut-être que les hypermarchés sont moins nombreux à y vendre de l'essence.
Je connais mal la situation en Corse mais ce que je puis dire, c'est que dans les zones rurales, ces stations indépendantes, qui servent aussi souvent de dépôt de pain, d'épicerie, rendent un vrai service de proximité. Confrontées à de lourdes contraintes d'entretien et de mise aux normes, leurs propriétaires n'ont bien souvent d'autre choix que de livrer leur station. Je crois que nous pouvons, une dernière fois, prévoir des crédits fléchés au profit de tous ceux qui veulent continuer à délivrer un service de proximité en zone rurale ou en montagne.
S'agissant des dispositions concernant le marché iranien, je précise que les 100 millions que prêterait l'État à Bpifrance visent à créer un effet de levier. Si l'État ne marque pas sa volonté, comme cela est son rôle, c'est un marché de 85 millions d'habitants qui risque de nous rester fermé.
Si je propose de donner à Business France une vision d'ensemble, ce n'est pas par jacobinisme. Chaque département, chaque région, chaque grande ville, chaque agglomération est exportateur par nature. Et cependant, notre déficit commercial ne cesse de croître. Quand on connaît un marché, autant y aller en commando « France » plutôt qu'en ordre dispersé. Le marché est mondial : nous avons besoin d'un organisme national pour développer et conseiller nos PME en matière commerciale.
L'amendement de crédits n°1 est adopté.
L'amendement n° 2 de suppression de l'article 54 quinquies est adopté.
L'amendement n°3 à l'article 53 octies est adopté
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Économie », tels que modifiés par son amendement, la suppression de l'article 54 quinques, l'adoption de l'article 54 sexies, ainsi que de l'article 54 septies, et l'adoption de l'article 54 octies tel que modifié par son amendement.
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
Nous passons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Remboursement et dégrèvements », précédemment réservés.
Il faut tirer les conséquences de ce que nous avons voté à l'article 3, sur l'exemption de taxe d'habitation. Je crois que le rapporteur général a une proposition à nous faire.
En effet. La suppression de cet article 3 qui justifiait l'inscription de crédits à hauteur de 3,206 milliards d'euros en remboursement et dégrèvements d'impôts locaux, doit nous conduire, mécaniquement, à réduire d'autant les crédits de la mission. Tel est l'objet de mon amendement.
L'amendement est adopté, et la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » ainsi modifiés.
SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE
Nous en venons, à présent, à l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », précédemment réservés.
Si nous avons réservé notre position sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », c'est que nous souhaitions attendre l'issue du vote de l'Assemblée nationale à propos des ressources du Centre national pour le développement du sport (CNDS) et de la compensation de la suppression de la réserve parlementaire. En particulier, un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale proposait de revenir sur l'effort de réduction de la dépense demandé au CNDS pour 2018, à hauteur de 63,8 millions d'euros. Cet amendement a finalement été retiré en séance publique, compte tenu des modifications proposées par le Gouvernement, dans une double perspective. D'abord, un programme supplémentaire a été créé au sein de la mission, dédié aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et doté de 58 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 48 millions d'euros en crédits de paiement. Ensuite, les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » ont été abondés de 25 millions d'euros, afin de majorer la dotation au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).
Selon le Gouvernement, il s'agit de prendre en compte les effets de la suppression de la réserve parlementaire pour le soutien de la vie associative. Actuellement, le FDVA accompagne le secteur associatif aux échelons national et local, essentiellement par voie d'appels à projet pour financer des plans de formation.
Les modalités de financement de la vie associative à partir des crédits supplémentaires doivent encore être précisées. Ces dispositions relèvent du pouvoir réglementaire, mais le ministre de l'Éducation nationale a précisé devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat la semaine dernière qu'un groupe de travail, comprenant des parlementaires, sera chargé de les définir. Il s'agit d'une étape cruciale, compte tenu du fait que la majoration adoptée revient à quadrupler la dotation initiale du FDVA. Je serai vigilant sur les critères qui seront retenus.
En complément, le ministre de l'action et des comptes publics s'est engagé, devant l'Assemblée nationale, à abonder le budget du CNDS à hauteur de 20 à 30 millions d'euros dans le collectif budgétaire. Cet engagement devrait être concrétisé par voie d'amendement.
Par ailleurs, deux autres modifications doivent être signalées : 2,2 millions d'euros de crédits ont été ouverts au titre de la mise en oeuvre du « Plan étudiant » dont Philippe Adnot nous a parlé hier, et un article additionnel, l'article 65, prévoyant la création d'un « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances présentant les dépenses publiques engagées dans le cadre des Olympiades de 2024, a été adopté.
Dans ces conditions, si je maintiens une certaine réserve quant aux économies demandées au CNDS, je considère que les modifications introduites par l'Assemblée nationale vont dans le sens de mes observations.
La création d'un programme spécifique aux Jeux olympiques et paralympiques préserve une distinction claire entre ces dépenses et les crédits relatifs au soutien du sport quotidien. Enfin, même si le fonctionnement concret doit encore en être éclairci, je souscris à l'adoption de crédits supplémentaires destinés à l'indispensable soutien à la vie associative.
Je complèterai mon propos en indiquant qu'en seconde délibération, l'Assemblée nationale a réduit les crédits de la mission de 2,9 millions d'euros.
Pour toutes ces raisons, je vous recommande l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que de l'article 65, introduit à l'Assemblée nationale.
À l'issue de cette intervention, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que de l'article 65.
- Présidence de M. Vincent Éblé, président, puis de M. Charles Guené, vice-président -
Comme vous le savez, la mission « Engagements financiers de l'État » recouvre essentiellement les crédits alloués au paiement de la charge de la dette. Les intérêts de notre dette représentent plus de 99 % des crédits dont je suis le rapporteur.
Je commencerai donc en évoquant la part de la mission qui pèse, et de loin, le plus lourdement sur les finances publiques : la charge d'intérêts de la dette de l'État.
Elle devrait s'élever à 40,24 milliards d'euros en 2018, soit une légère diminution, de l'ordre de 1 %, entre 2017 et 2018. Cette baisse ne résulte pas de notre vertu budgétaire et elle tient, comme les années précédentes, à la faiblesse des taux d'intérêt, qui réduit mécaniquement la charge de la dette alors même que notre endettement continue de progresser : la dette de l'État devrait représenter 1 752,8 milliards d'euros en 2018, soit 4,5 % de plus qu'en 2017.
Je ne m'étendrai pas outre mesure sur le détail des évolutions de crédits. En revanche, je tiens à rappeler d'emblée que la charge de la dette fait l'objet de crédits évaluatifs et non pas limitatifs. Nous ne votons donc pas des plafonds de crédits juridiquement contraignants mais de simples prévisions. Pourquoi ces crédits sont-ils évaluatifs ? Tout simplement parce qu'il s'agit de dépenses « obligatoires », qui ne sont pas pilotables à court terme par l'État. Le Gouvernement est tenu juridiquement de rembourser ses créanciers.
Cette caractéristique n'est pas seulement un détail technique. Elle emporte des conséquences concrètes et je crois que sur ce type de dépenses, les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer : nous devons identifier et surveiller les risques qui pèsent sur la crédibilité de la prévision de dépenses présentée au Parlement. Il ne s'agit pas seulement de prendre acte des estimations du Gouvernement, mais de comprendre les facteurs susceptibles de les faire évoluer.
La Cour des comptes, par la voix d'Alain Lambert et de son Premier président, Didier Migaud, a beaucoup regretté le caractère évaluatif de ces crédits, estimant que le Parlement siège suffisamment pour voter, si nécessaire, un relèvement du plafond. Ces crédits constituent une sorte de « réserve » de dépenses. Une révision de la loi organique relative aux lois de finances devrait sans doute intégrer une réflexion sur ce point.
J'en viens aux quatre principaux risques qui pourraient conduire à revoir à la hausse la charge de la dette pour 2018.
Le premier est lié aux engagements hors bilan de l'État, soit l'ensemble de ses obligations potentielles. Ces engagements hors bilan reflètent des niveaux de risque très divers et leur contrôle par le Parlement est variable.
Trois grands ensembles se dégagent : les engagements pris dans le cadre d'accords bien définis - par exemple les garanties accordées à certains acteurs économiques - qui s'élevaient à 1 000,6 milliards d'euros en 2015 ; les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État, pour 481,5 milliards d'euros ; les engagements de retraites de l'État, enfin, qui représentent, avec 1 723 milliards d'euros, plus de la moitié du total des engagements hors bilan.
Ces engagements ont globalement augmenté ces dernières années. Si tous les engagements hors bilan n'ont pas vocation à se traduire par des dépenses, il s'agit néanmoins d'un risque qui pèse bel et bien sur le niveau de la dette.
Le deuxième risque tient à la possibilité d'une remontée des taux. La politique monétaire accommodante de la banque centrale européenne et de la Réserve fédérale américaine, l'inflation très faible, la « fuite vers la qualité » des investisseurs sont autant de facteurs qui ont contribué, ces dernières années, à ramener et à maintenir les taux d'intérêt à des niveaux extrêmement faibles. À court terme, les taux sont même négatifs. C'est inédit ! Dans son rapport sur l'endettement souverain, l'OCDE souligne d'ailleurs le caractère exceptionnel de la situation actuelle.
Mais cette exception ne se prolongera pas indéfiniment. Une remontée progressive des taux devrait intervenir sur les prochaines années, et il faudrait s'y préparer, ce qui n'est pas, semble-t-il, dans l'air du temps.
Avec la hausse des taux, la charge de la dette progressera - et d'autant plus vite la maturité moyenne de la dette française n'est pas extrêmement élevée par comparaison à d'autres pays : elle s'élève à environ sept ans et demi en France, contre quatorze ans au Royaume-Uni, par exemple. D'après les simulations de l'Agence France Trésor, le coût cumulé d'une hausse d'un point de pourcentage serait de 14,1 milliards d'euros après seulement trois ans et de 34,5 milliards d'euros, après cinq ans.
J'en arrive au troisième risque, le risque de notation. La France se trouve en permanence sous le regard scrutateur des agences de notation. J'ai tenu à m'y pencher de près, car la perception par les investisseurs de la qualité de la dette souveraine peut être fortement influencée par cette notation. Mon rapport précise les modalités du travail de Moody's, et les critères retenus par cette agence pour forger son appréciation. Cela mérite que l'on s'y attache. Les annonces budgétaires ou en matière de politique de l'emploi, le respect des engagements européens sont autant de clignotants surveillés de près - surtout quand on ne s'y tient pas...
Les politiques sectorielles ont également un impact sur notre notation : par exemple, la question de la formation est cruciale, car les agences estiment qu'elle aura un impact sur l'emploi, donc sur la qualité de l'économie française. La note de la dette française dépend donc pour partie des orientations des politiques publiques sectorielles, qui sont traduites dans chacune des missions budgétaires que nous examinons.
Quatrième et dernier risque, enfin, le risque prudentiel. Les dettes des États souverains font l'objet d'un traitement particulièrement favorable dans le bilan des banques et des assurances. Ce traitement prudentiel, qui résulte des règles fixées par le comité de Bâle, encourage les établissements bancaires et les assurances à détenir d'importants volumes de titres souverains, ce qui aide à maintenir de bonnes conditions de financement pour les États.
Mais la crise des dettes souveraines a bien montré que les titres de dette des États n'étaient pas toujours aussi solides qu'on le pensait. Surtout, ces règles conduisent à renforcer l'interdépendance entre l'émetteur souverain et les banques, ce qui signifie qu'une crise qui toucherait les banques se répercuterait très fortement sur l'État - et vice versa. Il est donc possible de voir moduler le traitement prudentiel des titres souverains, afin de mieux apprécier le risque réel lié à une obligation d'État et de cesser de vivre dans la fiction que tous les États rembourseront toujours leur dette. La redéfinition du traitement prudentiel de la dette souveraine pourrait entraîner une recomposition profonde des conditions de financement des États : c'est un risque qui ne doit pas être négligé. À court terme, un renchérissement de la dette de l'État est possible.
Tous ces risques sont d'autant plus préoccupants que notre niveau d'endettement est très élevé. Notre stock de dette a augmenté de façon quasiment continue depuis quarante ans, passant de 15 % du PIB en 1974 à 96,3 % en 2016 - contre 68,3 % pour l'Allemagne.
Le niveau de la dette publique française est un problème évident pour la France, mais c'est aussi un problème pour l'Europe : nous ne respectons pas les critères de Maastricht. Une telle différence d'endettement entre les principales économies de la zone euro n'est pas tenable. Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, nous avons atteint un seuil limite.
Le Gouvernement annonce une légère baisse du poids de la dette dans le PIB, avec une diminution prévisionnelle de cinq points de PIB sur le quinquennat. C'est mieux que rien mais à ce compte, il nous faudra cinq quinquennats pour rejoindre le niveau de la dette allemande... Au niveau national, les solutions apportées ne sont donc pas à la hauteur des enjeux.
Au niveau européen, pour l'heure, ce n'est guère mieux. L'approche de la dette publique est largement comptable : des plafonds sont fixés ; ces plafonds ne sont pas respectés ; la Commission tape sur les doigts des États fautifs, mais en vain.
Je pense donc qu'il faut réfléchir dès maintenant à des solutions innovantes, non conventionnelles, permettant un désendettement plus rapide des États européens les plus endettés, dont la France. Trois pistes principales me paraissent intéressantes.
Première piste : un ou plusieurs fonds sectoriels abondés par les États membres qui refinanceraient certaines dettes de façon mutualisée - c'est la proposition mise en avant par Thierry Breton, avec lequel je me suis entretenue, et qui pourrait s'appliquer à d'autres domaines que la sécurité et la défense : l'énergie, l'agriculture, ...
Deuxième piste : la création d'emprunts mutualisés au niveau de la zone euro, par exemple à travers des titres synthétiques adossés à un portefeuille de titres souverains de différents États membres.
Troisième piste : la participation du mécanisme européen de stabilité (MES) au paiement des intérêts des dettes des États les plus fortement endettés en contrepartie d'un engagement durable et crédible dans un processus de redressement de ses finances publiques.
Il me paraît urgent d'ouvrir le débat : pour protéger tant les finances publiques françaises que la solidité de la zone euro, la dette publique doit devenir un enjeu européen de premier plan.
J'en viens au Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts toxiques - Claude Raynal ici présent connaît très bien le dossier et pourrait nous parler de ceux que recommandait Dexia. Je crois qu'il faut se poser la question de la réouverture du fonds, qui n'accepte plus de nouveaux dossiers depuis avril 2015.
Avec la réforme territoriale, qui a redessiné le périmètre de certaines collectivités territoriales, et le renouvellement des exécutifs locaux, certaines collectivités pourraient se voir pénalisées par des prêts toxiques contractés antérieurement, ainsi que cela a été évoqué lors de mes auditions.
J'en viens, enfin, aux deux articles rattachés cette année à la mission « Engagements financiers de l'État ».
L'article 55 concerne les majorations de rentes viagères. Il s'agit de supprimer la participation de l'État au paiement de ces majorations et donc de laisser les organismes d'assurance porter l'intégralité du coût. L'objectif est clair : réduire les dépenses de l'État. L'économie serait limitée à 138 millions d'euros en 2019 mais atteindrait 1,5 milliard d'euros cumulés sur trente ans.
La suppression de la participation de l'État ne me paraît pas de nature à menacer les organismes débirentiers de faillite et elle contribue à l'équilibre des finances publiques. Je vous propose donc l'adoption sans modification de cet article.
L'article 55 bis, qui a été adopté par nos collègues députés, est lié à la réforme du prélèvement forfaitaire unique prévue à l'article 11 du projet de loi de finances. En effet, dans le cadre de cette réforme, le régime fiscal dérogatoire de l'épargne logement est totalement supprimé pour les plans épargne logement et les comptes épargne logement à partir du 1er janvier 2018. L'article prévoit la remise d'un rapport « analysant l'impact budgétaire et économique de la suppression de la prime d'État pour les nouveaux plans d'épargne-logement et comptes épargne-logement » avant le 1er septembre 2018.
Cette mesure d'information du Parlement me paraît utile. La suppression des avantages fiscaux de l'épargne logement est une réforme d'ampleur qui doit être évaluée. Cependant, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale limite le champ du rapport à la question de la suppression de la prime de l'État, alors que ce sont aussi les taux d'imposition qui sont modifiés.
Je vous propose donc d'amender cet article pour que le rapport porte sur toute la réforme du régime fiscal de l'épargne logement.
Au total, je vous propose l'adoption des crédits de la mission et des comptes spéciaux, l'adoption sans modification de l'article 55 et l'adoption de l'article 55 bis tel que modifié par mon amendement.
Voilà, mes chers collègues, les éléments que je voulais porter à votre connaissance sur cette mission qui n'est pas très excitante mais dont les enjeux sont très significatifs.
Il s'agit là d'une mission à fort enjeu, puisqu'elle représente, après l'Éducation nationale, le deuxième poste de dépense de l'État. Au cours du dernier quinquennat, on a assisté à un phénomène paradoxal : la dette n'a jamais été aussi élevée et pourtant, son coût a diminué. Voilà pourquoi j'ai coutume de dire que le meilleur ami de François Hollande, « c'est la finance » !
Cependant, le risque est réel : en cas de hausse des taux d'intérêts, le poids de la dette deviendrait insupportable. Il ne s'agit pas de crier au loup, mais la hausse des taux américains et la fin de la politique d'assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne appellent à la vigilance.
Comme je l'ai rappelé lors des débats sur la première partie du projet de loi de finances et lors du débat d'orientation des finances publiques, la France est le seul pays qui ne se désendette pas, alors que les pays du sud de l'Europe, l'Espagne, le Portugal et même la Grèce ont engagé l'effort. Le redressement sera long, mais il est plus que temps de s'engager à notre tour dans la voie d'une réduction de la dette, seul moyen de nous prémunir contre une remontée des taux.
La dette est un sujet central, clef de voûte de toutes les politiques développées en Europe et dans le monde. Regardons-le de près et vérifions les chiffres : la dette devrait augmenter de 76 milliards d'euros en 2018, passant de 1 677 milliards d'euros à 1752 milliards d'euros. Le Gouvernement réemprunterait plus de 200 milliards d'euros en 2018 à la fois pour financer le déficit budgétaire et amortir la dette « ancienne » qui arrive à échéance. Il a racheté de la dette ancienne, puisque nous devions emprunter initialement 195 milliards d'euros. Il y a quelques semaines, j'ai lu dans les Échos - je lis parfois cet excellent journal, ainsi que les pages saumon du Figaro, avec délectation, pour connaître l'état de santé du système libéral ! - que 195 milliards d'euros d'emprunt étaient prévus pour 2018. Vous évoquez aujourd'hui un besoin de financement de 203 milliards d'euros. Maîtrise-t-on l'évolution du besoin de financement de l'État ?
Il y a quelques semaines, la Banque centrale européenne (BCE) annonçait qu'elle avait réalisé 8 milliards d'euros de bénéfice pour le rachat des titres de la dette grecque depuis 2010, et le FMI 2,5 milliards d'euros. Cette somme devait revenir aux banques centrales, mais le processus est bloqué depuis 2014. Pour quelles raisons ?
Pourquoi la loi interdit-elle de divulguer la liste des détenteurs de la dette française ? Deux-tiers de cette dette est détenue par des étrangers, ce qui en soi n'est pas un problème, mais il serait intéressant de connaître l'identité précise des détenteurs de notre dette.
Quelle prise le Parlement a-t-il réellement sur la dette ? Comme Nathalie Goulet l'a souligné, les crédits sont évaluatifs et non limitatifs, et nous votons de simples prévisions. Une question démocratique se pose. Est-il crédible de vouloir absolument résorber la dette, alors que nous ne fixons même plus d'échéance à notre désendettement complet ? Dans deux siècles, peut-être, notre dette sera revenue à zéro !
Comme souvent, vous comparez la situation de la France à celle de l'Allemagne. J'aurais souhaité qu'on complétât ce parallèle : la dette représentait 96,3 % du PIB français en 2016, contre 63,8 % pour l'Allemagne. Mais un rappel historique s'impose : après la crise de 2008, le déficit public français s'élevait à 5,2 % en 2012, alors qu'il était nul en Allemagne. Cela explique les différences de dette !
Vous écrivez que « l'amortissement des titres de dettes contractés au plus fort de la crise économique pèsera fortement sur le programme d'émissions des années à venir ». Nous avons massivement emprunté en 2008-2009, mais il me semble que la maturité de ces emprunts était de sept ans. En 2015, les titres ont été renégociés. Nous avions reçu l'agence France Trésor, qui a refinancé la dette arrivant à échéance pour profiter des taux extrêmement bas et rallonger la dette. Actuellement, la maturité des prêts doit être d'environ dix ans ; ce sujet est-il donc derrière nous ?
Selon vous, la censure intégrale de la contribution de 3 % sur les dividendes par le Conseil constitutionnel « fait peser une charge budgétaire supplémentaire » qui « devrait être financée par un surcroît d'endettement » sur un an. À quoi cela correspond-il exactement ? À ma connaissance, une charge budgétaire de 5 milliards d'euros est prévue en 2017. Pour les cinq autres milliards d'euros, les entreprises paieront une taxe supplémentaire.
Concernant le coût d'une hausse des taux d'intérêt, évoquez l'incidence annuelle plutôt qu'en coût cumulé pour éviter de se faire peur, même si c'est un vrai sujet. Examinons-le sereinement.
Concernant les mesures de désendettement non conventionnelles, pour les deux premières pistes, je souhaite bonne chance aux négociateurs pour que les Allemands acceptent ne serait-ce que d'en parler... Votre troisième proposition relative à l'utilisation temporaire du mécanisme européen de stabilité (MES) est en revanche une solution bien plus crédible.
Vous m'avez sollicité sur le Fonds de soutien aux collectivités territoriales, dont je préside le comité d'orientation. Avant d'évoquer de nouvelles ressources budgétaires, il subsiste un reliquat d'1,5 milliard d'euros. Cette opération a été très bien gérée par Bercy. Près d'1,1 milliard d'euros a été utilisé. Il reste environ 400 millions d'euros disponibles si l'on souhaite rouvrir le fonds sans avoir besoin de mobiliser de nouvelles ressources. Au Gouvernement de décider s'il souhaite cette réouverture.
Pour gérer la charge de la dette, soit 40,24 milliards d'euros en masse annuelle, et une dette en progression qui atteint 1 752 milliards d'euros, les moyens humains de l'agence France Trésor sont-ils suffisants ? Elle ne rassemble qu'une quarantaine de personnes, qui supportent de très lourdes responsabilités.
Quelles pistes peuvent être trouvées pour la réduction et la renégociation de la dette, au-delà des rachats annuels ?
La dette est un sujet majeur pour nos finances publiques. Je m'interroge sur les solutions miracles que constitueraient le MES et les financements d'autres États. Je suis dubitatif sur le fait de solliciter l'Europe. La réduction de la dette ne passera que par une réduction du déficit de l'État. Il faut s'y attaquer plus fortement, seul moyen de retrouver de l'indépendance par rapport à nos créanciers étrangers. Je rejoins l'avis d'Éric Bocquet, qui a de bonnes lectures...
Pourquoi refuse-t-on de nous donner les noms des financeurs de la dette ?
Combien a coûté, à la France, le refinancement de la dette grecque ? Peut-on espérer un retour sur le bénéfice fait par la BCE ?
Ce rapport torride, plutôt anxiogène, sur un sujet toujours délicat, décrit très bien les risques.
Concernant le risque prudentiel, les règles prudentielles pour les banques et les assurances sont déjà rigides. Le Comité de Bâle a-t-il prévu de nouvelles règles prudentielles alourdissant l'obligation de fonds propres ? Se réunira-t-il prochainement ? Le secteur bancaire est inquiet.
Les partenariats public-privé (PPP) sont-ils comptabilisés dans les engagements hors bilan ? Ils constituent une dette certaine.
Que des collectivités ne découvrent que maintenant qu'elles avaient des emprunts toxiques me laisse sceptique : les banques et les contrôleurs financiers le savaient ! Ce n'est pas parce que deux collectivités fusionnent et que l'une a des emprunts toxiques qu'il faut rouvrir le fonds et augmenter la taxe sur le secteur bancaire pour financer la réouverture. Je suis contre toute augmentation des prélèvements fiscaux ; que chacun assume ses responsabilités.
- Présidence de M. Charles Guené, vice-président -
Le dernier budget de l'État voté en équilibre date de 1974. Pour réduire la dette, il faut emprunter moins que ce que l'on rembourse et rétablir le solde primaire du budget de la Nation. Il y a deux façons d'asservir les peuples : par la guerre et par la dette. Nous sommes les derniers de la classe européenne. Ce dossier est brûlant. Si comme il y a quelques années, les taux étaient bien supérieurs, la situation serait dramatique.
Pourquoi la maturité de la dette anglaise est de quatorze ans, et la France de sept ? Est-ce un choix ? Comment les autres grands pays européens gèrent-ils la dette ? Faisons un effort de pédagogie auprès des Français. Nous ne sommes pas à l'abri d'une remontée de taux, à moins d'un scénario de taux bas à la japonaise.
Qui possède notre dette ? La dette japonaise est domestique, le risque est moindre que pour une dette détenue par des étrangers. Un ancien président rappelait que les ennuis « volent toujours en escadrille »... Il y a un risque cumulatif, l'État peut faire faillite. Rappelez-vous, il n'y a pas si longtemps, l'Angleterre a mendié auprès du FMI pour payer les fonctionnaires. Seule une thérapie de choc a pu redresser la Grande-Bretagne. Il faudrait commencer par éviter d'augmenter le déficit, or c'est ce qui est justement fait en 2018...
Existe-t-il un risque de requalification de la dette de certains opérateurs, comme EDF, en dette maastrichtienne ? La Contribution au service public de l'électricité (CSPE) peut-elle être requalifiée en aide d'État ? Cela peut-il figurer dans l'encours de la dette publique ?
Je suis favorable à la règle d'or, amendement constitutionnel, probablement adopté par notre assemblée mais mal compté par Christian Poncelet en séance. Cela règlerait de nombreux problèmes.
Notre situation s'est régulièrement dégradée ; arrêtons de faire l'autruche. Nous sommes face à des difficultés majeures. Notre mission travaillera sur des pistes européennes de désendettement par compte à travers le Fonds européen de sécurité et de défense. En dehors des Euro-bonds qui ne fonctionnent pas, et au-delà des solutions nationales, trouvons des solutions européennes non conventionnelles - n'hésitez pas à me faire part de vos propositions !
Il est évident que les taux ne resteront pas durablement aussi bas. La remontée des taux aura un effet majeur sur la soutenabilité de la dette.
Sur la dette grecque, une décision de l'Eurogroupe bloque la restitution des intérêts. Ils n'ont pas été dilapidés, les versements reprendront peut-être l'année prochaine. La dette grecque a été réduite de 100 milliards d'euros.
L'impact de la décision du Conseil constitutionnel recouvre un surcroît de dépenses qui pèse sur 2018, à compenser par une émission de titres de dette.
La dette française a une maturité moyenne de 7,5 ans : par définition, de nombreux titres sont émis sur une durée bien plus longue puisqu'il s'agit d'une moyenne ! Le sujet de l'amortissement n'est donc pas derrière nous : c'est une préoccupation de l'agence France Trésor.
Nous ne connaissons pas les détenteurs de la dette. L'agence France Trésor estime qu'on ne peut obliger les détenteurs à décliner leur identité. Nous pourrions approfondir cette question, par exemple par une audition publique de l'agence France Trésor devant notre commission. Ne nous fermons pas de portes ; nous devrons tâtonner pour trouver des réponses.
France Trésor compte une quarantaine de personnes, et jusqu'à présent tout se passe bien. Nous visiterons prochainement, un lundi, leurs locaux pour une adjudication à la hollandaise - une vente aux enchères de titres. Vous êtes les bienvenus.
Il n'y a pas de nouveauté prévue concernant les règles prudentielles. Nous pourrions renforcer la pondération des titres souverains qui ne sont pas notés AAA. Nous en revenons à l'importance des agences de notation, qui ont une vision très précise et en profondeur de notre économie. Évitons la concentration de titres domestiques trop élevés. Nous pourrions également entendre l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Victorin Lurel, le risque de requalification de la dette de la SNCF est important ; il est moindre pour EDF mais nous devons rester vigilants.
Les partenariats public-privé sont effectivement pris en compte. L'augmentation de la taxe systémique additionnelle est une proposition qui résulte des auditions, je l'ai juste rapportée à la commission.
Je ne vais pas entériner un rapport indiquant que la taxe pourrait être augmentée !
Retirons cette phrase, qui est liée au rappel de notre audition. Merci de nous avoir alertés. Nous supprimons donc ces trois lignes de la page 19 : « une telle réouverture devrait, pour ne pas pénaliser les finances de l'État, se fonder sur des nouvelles ressources budgétaires. Le taux de la taxe systémique additionnelle, fixé actuellement à 0,0642 %, pourrait par exemple être relevé ». La logique n'en était que putative.
Je rappelle que nous ne votons pas sur le rapport mais sur les crédits de la mission.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».
Article 55
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 55.
Article 55 bis (nouveau)
L'amendement n° 1 élargit le champ du rapport demandé au Gouvernement par l'Assemblée nationale pour qu'il ne se limite pas à la seule incidence de la suppression de la prime d'État mais porte, plus largement, sur la suppression du régime fiscal dérogatoire de l'épargne logement. Il nous donnera une vision complète.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 55 bis, ainsi modifié.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce » et des crédits des comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».
Présidence de M. Charles Guené, vice-président, puis de M. Vincent Éblé, président -
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 prévoit la fusion de deux missions budgétaires auparavant distinctes, « Égalité des territoires et logement » - qui inclut le logement et l'hébergement d'urgence que présentera Philippe Dallier - et « Politique des territoires », pour plus de cohérence, dans la mission « Cohésion des territoires ». Cela fait coïncider le périmètre de la mission avec celui du ministère de la cohésion des territoires, et rassemble certains dispositifs contribuant à la politique d'aménagement du territoire. Moins cohérent est le transfert du financement des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales », alors que d'autres outils contractuels comme les contrats de plan État région (CPER) et les contrats de ville restent dans la mission « Cohésion des territoires ».
Toutefois, les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » représentent moins de 2 % des crédits de la nouvelle mission « Cohésion des territoires ».
En 2018, le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » devrait s'élever à 191 millions d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 58 %, à cause du transfert de financement des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ». Mais les crédits de paiement augmenteront pour financer les contrats signés en 2017, et les nouveaux engagements seront financés par la dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL).
En 2018, sont prévues une baisse des nouveaux engagements pour la prime d'aménagement du territoire et la poursuite des efforts sur les dépenses de personnel et de fonctionnement du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).
Je regrette le transfert du financement des contrats de ruralité vers un autre programme et l'absence de financement dédié à ces contrats. Autant en 2017, la loi de finances prévoyait 216 millions d'euros d'autorisation d'engagement pour les contrats de ruralité, autant en 2018, il n'y a pas de crédits dédiés, alors que cet outil moderne accompagne les territoires et représente un véritable progrès. Fin septembre 2017, 400 contrats avaient été signés sur 480 demandes. Cela montre tout l'intérêt des collectivités pour ce nouvel outil.
Pourtant, le projet de loi de finances pour 2018 marque un recul sur deux points : le transfert des crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » et l'absence de crédits dédiés aux contrats de ruralité. Une enveloppe indicative de 45 millions d'euros d'autorisations d'engagement est prévue en 2018 sur la DSIL pour financer la deuxième année des contrats de ruralité signés en 2017. Mais elle sera probablement insuffisante pour signer de nouveaux contrats.
Les moyens prévus en faveur de la prime d'aménagement du territoire étaient initialement de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. L'Assemblée nationale les a abondés de 5 millions d'euros. Malgré tout, cette somme est largement inférieure à ce qui était attribué auparavant, d'autant que 4 millions d'euros seront déjà nécessaires pour financer la reprise du site de Whirlpool à Amiens. Il restera très peu d'argent pour accompagner les entreprises dans les territoires.
S'agissant de la future Agence nationale de la cohésion des territoires, elle pourra soit prendre la forme d'un véritable opérateur sur le modèle de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), soit être portée par le CGET. Je suis favorable à cette dernière solution afin de ne pas multiplier les structures.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) s'élèvera à 34 millions d'euros en autorisations d'engagement, en hausse, en raison du rattrapage du retard de mise en oeuvre du programme exceptionnel d'investissement en Corse. Trois points méritent d'être soulignés. Une nouvelle action, le « plan littoral 21 » en région Occitanie, est inscrite en 2018. Elle sera abondée d'un million d'euros en autorisations d'engagement. C'est peu, mais le dispositif montera en puissance les années suivantes.
L'action « Eau et agriculture en Bretagne », qui finance le plan de lutte contre les algues vertes, verra ses crédits diminuer fortement en 2018 par rapport à ceux prévus en 2017. Un transfert de crédits de 5 millions d'euros sera effectué en cours d'exécution par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il est toutefois curieux que seulement 2,5 millions d'euros soient inscrits alors que les besoins sont supérieurs et qu'il sera abondé par ailleurs. Sans être totalement insincère, ce budget manque de lisibilité.
Les moyens dévolus au Marais poitevin seront de nouveau réduits, pour atteindre un million d'euros en autorisations d'engagement. Or un rythme de croisière de 2,5 millions à 3 millions d'euros de crédits par an serait nécessaire. Il y a à la fois un problème de moyens et de méthode. Si une action du PITE ne doit pas durer indéfiniment, il faut trouver au préalable, avec les acteurs locaux, les moyens de poursuivre leurs actions dans le cadre du droit commun.
J'ai donc un avis très réservé sur l'évolution proposée de ces deux programmes entre 2017 et 2018 en raison de l'arrêt du financement des contrats de ruralité par le programme 112, l'absence de financement dédié à ces contrats et la réduction du PITE qui pénalise certains territoires. L'année dernière, j'avais souligné devant le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, en toute objectivité, que les contrats de ruralité représentaient un net progrès. Même si les sommes sont faibles, les actions concrètes sont importantes sur le terrain.
Quel est le devenir de la politique d'aménagement du territoire, avec la disparition des contrats de ruralité et des pôles d'excellence rurale ? Dans les années 1970 et 1980, on parlait beaucoup de l'aménagement du territoire, tant dans les zones urbaines que rurales. Aujourd'hui, ce faible écho est inquiétant. Quelles sont les pistes à examiner pour l'avenir ?
Les contrats de ruralité ont été mis en place en 2017, après les comités interministériels aux ruralités de 2015-2016. C'est un outil moderne répondant aux besoins du territoire avec des engagements de l'État pluriannuels et multisectoriels, ce qui est important pour développer une approche globale de long terme du développement territorial - ce qui péchait auparavant. Il est très regrettable de diminuer les moyens alloués à cet outil en début de parcours.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires doit fournir aux territoires de l'ingénierie de développement, au-delà d'une aide technique. Pour cela, il faut de la matière grise. Cette agence donnerait ainsi à ces territoires ruraux les moyens de penser leur avenir. Pourra-t-elle aussi porter des opérations sur le développement des villes-centres et des centres-villes ? Nous n'avons pas d'information sur cette possibilité. Il faut construire l'avenir des petites communes en grande souffrance. Il est temps d'avoir une véritable politique d'aménagement du territoire et que les territoires ruraux soient traités avec la même attention que les métropoles.
J'ai écouté la présentation de ce rapport avec beaucoup d'attention. Il y a énormément de mesures éparpillées en faveur des territoires ruraux, de nombreuses missions et ministères concernés : tantôt pour le haut-débit ; les maisons de santé, l'Office national des forêts ou les routes. Lorsque nous aurons fini de passer du temps à rédiger des contrats - qui manquent d'évaluation et de résultats, et dont les budgets sont coupés en cours de fonctionnement - nous pourrons réellement développer l'intelligence territoriale ! Dispose-t-on d'un récapitulatif de tous les programmes concernant la ruralité ? Nous manquons de visibilité. Comme le disait Marc Laménie, quelle politique veut-on pour les zones rurales, et avec quels emplois ?
Je suis entièrement d'accord avec Patrice Joly : le contrat de ruralité est un outil moderne pour une approche globale et dans la durée et constitue un vrai progrès. Nous devons agir pour garantir une bonne visibilité.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires ne résoudra pas tout. Il faut aussi développer de l'ingénierie en interne, c'est complémentaire. En 2017, on pouvait réserver jusqu'à 10 % du montant des contrats à l'ingénierie territoriale en interne. Appuyons-nous sur l'expertise du CGET, quitte à renforcer ses moyens.
Ayons une approche globale de l'aménagement du territoire, des perspectives et des actions inscrites dans la durée, pour donner de la visibilité aux acteurs publics et privés, à moyen et long termes, ainsi que des outils de contractualisation.
Le document de politique transversale ou « orange budgétaire » sur l'aménagement du territoire récapitule l'ensemble des crédits consacrés à ce thème. Il est utile mais mériterait certainement d'être retravaillé.
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
Nous passons aux programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanismes, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires », dont le rapporteur spécial est M. Philippe Dallier.
rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanismes, territoires et amélioration de l'habitat » et 177 « Politique de la ville ». - Cette année, l'examen de ces programmes s'est effectué dans des conditions particulièrement difficiles. Nous examinons le rapport à la veille de l'examen du projet de loi de finances en séance publique et pourtant je vais vous proposer de réserver le vote des crédits de la mission et des six articles rattachés. J'estime que nous ne sommes pas encore en mesure de définir une position en raison de la lourdeur du sujet, du manque de disponibilité de l'administration et surtout du manque de bonne volonté de l'administration de Bercy.
Mercredi dernier, je me suis rendu en personne sur place pour m'entendre dire qu'on n'avait reçu mon courriel - envoyé le vendredi précédent - que la veille et que les services étaient d'abord là pour répondre aux demandes du ministre, le Parlement arrivant en second. Je peux le comprendre mais la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dispose que nous devons recevoir des réponses. Alors que le Gouvernement souhaite que soit trouvé un compromis sur l'article 52, impliquant également d'intervenir sur la TVA en première partie du projet de loi de finances, et que nous devons notamment préparer un amendement complexe, nous avons besoin d'informations. J'ai failli quitter la réunion en cours, je regrette presque de ne pas l'avoir fait.
J'en reviens maintenant aux crédits de la mission. Cette nouvelle mission « Cohésion des territoires » représente 4 % du budget général de l'État, avec 16,5 milliards d'euros inscrits. Le poids de chaque programme dans la mission est toutefois très différent puisque le programme 109, qui comprend les aides personnelles au logement, représente 82 % des crédits de la mission, tandis que les trois programmes de l'ancienne mission « Politique des territoires » ne font ensemble que 4 %.
La mission constitue aussi l'un des principaux postes d'économie dans le budget cette année puisqu'elle connaît la plus forte baisse de crédits parmi toutes, avec des crédits de paiement amputés de 1,7 milliard d'euros.
Cette tendance se poursuit également sur le triennal 2018-2020, la mission enregistrant une baisse de 8,3 % en valeur et de 10,6 % en volume sur la période, tandis que, parallèlement, les crédits du budget général augmenteraient de 3 % en valeur et de 0,5 % en volume. Le Gouvernement fait peser sur la politique du logement ses économies budgétaires. Je m'interroge d'ailleurs sur les méthodes retenues et leur efficacité. Il faudrait construire plus pour répondre à la crise. Lorsqu'on voit que 40 milliards d'euros sont consacrés à la politique du logement et pour un tel résultat, ce n'est pas très efficace. Or, plutôt que de commencer par des réformes structurelles, le Gouvernement taille dans les crédits. Après le creux entre 2012 et 2014, dû à la crise et aux mesures radicales de Cécile Duflot, le secteur était reparti. Avec les mesures actuelles, une inflexion est à craindre. Le Gouvernement a mis la charrue avant les boeufs ! La diminution en 2018 de la dépense publique de l'État est principalement supportée, en volume, par le programme 109 qui porte les aides personnelles au logement. Les autres programmes connaissent des évolutions contrastées. Avec 14,5 milliards d'euros prévus pour 2018, les dépenses fiscales rattachées à la mission restent importantes et sont également globalement dynamiques, avec une progression de 2 % par rapport à 2017 - soit une augmentation de 300 millions d'euros.
Le pilotage de la politique du logement du Gouvernement ne manque pas de m'étonner. À la fois il prolonge des dépenses fiscales comme le dispositif « Pinel » ou le prêt à taux zéro - certes en resserrant leur champ d'application -, il rend plus difficile l'accession sociale à la propriété en supprimant les aides personnelles au logement « accession », alors qu'il incite les organismes de logement social à vendre davantage, il transforme l'impôt de solidarité sur la fortune en un impôt sur la fortune immobilière et il réduit drastiquement les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Il supprime également l'aide aux maires bâtisseurs. Cela me laisse perplexe ; le logement devient la variable d'ajustement budgétaire.
Les crédits du programme 177 connaissent une forte augmentation, avec 12,2 % de hausse, soit 212 millions d'euros. Cela correspond à un rebasage des crédits bienvenu, qui intervient après que le précédent gouvernement a déjà procédé à une hausse de 15 % en 2017. Je ne peux que saluer cette initiative, tant j'ai pu dénoncer au cours des dernières années l'insincérité budgétaire chronique sur ce programme.
Les dispositifs d'hébergement d'urgence bénéficient ainsi de plus de 208 millions d'euros, avec une enveloppe de 827 millions d'euros en 2018, et le logement adapté de 31 millions d'euros supplémentaires, pour un budget de 314 millions d'euros.
Pour autant, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Il ne s'agit bien là que d'un rebasage, et encore, car l'enveloppe bien dotée ne permettra pas de dégager de moyens supplémentaires. Le budget pour 2018 est, à ce stade, déjà inférieur de 40 millions d'euros à la dépense attendue en fin d'année 2017.
Pour réaliser des économies, le Gouvernement compte sur l'enquête nationale de coûts applicable à l'ensemble des opérateurs, qui permet à l'État de connaître combien coûtent réellement les prestations. Une fois que les chiffres seront connus, il pourra rationaliser. Mais on attend aussi des efforts pour réduire la « vampirisation » des crédits du programme 177 par le programme 303 « Immigration et asile » dont relèvent en principe les demandeurs d'asile. Environ 150 millions d'euros du programme 177 couvrent actuellement des besoins en Île-de-France pour les migrants. On nous indique que ces dépenses pourraient être reprises par le bon programme en cours d'année. Si je ne demande qu'à y croire, je suis dubitatif.
Le nombre de nuitées hôtelières financées par l'État pour pallier le manque de places continue de progresser avec plus de 42 500 places financées en 2016 et malgré un plan de réduction des nuitées hôtelières mis en oeuvre par le précédent gouvernement. D'anciens hôtels sont également transformés pour devenir des structures d'hébergement pérennes et plus adaptées.
L'évolution du programme 109 « Aide à l'accès au logement » est directement liée à l'article 52 du projet de loi de finances. Il enregistre une baisse de 12,4 %, pour atteindre 13,6 milliards d'euros en 2018. La diminution de la dépense de l'État liée aux aides personnelles au logement s'élève au total à 1,9 milliard d'euros en un an. L'État souhaiterait ainsi économiser 1,5 milliard d'euros en imposant une baisse des loyers aux bailleurs sociaux. En outre, la réduction de 5 euros des aides personnelles au logement (APL) décidée par le Gouvernement à l'été dernier et justifiée par lui par l'insincérité du budget 2017, perdure finalement en 2018, ce qui n'avait pas été précisé pour cette mesure inintelligente - selon les dires du Président de la République. Certes, la baisse de la dépense publique intervient après des années de hausse permanente, mais le dispositif proposé cette fois pour y parvenir ne me convainc pas et même m'inquiète. Nous y reviendrons. En tout état de cause, il ne s'agit pas d'une réforme structurelle du système des aides personnelles au logement que j'appelle pourtant de mes voeux. Nous avions adopté le principe d'un taux d'effort minimal des ménages, je vous le proposerai de nouveau dans le cadre des amendements. Certains éléments doivent évoluer.
Le programme 135 qui concerne en particulier les aides à la pierre connaît des évolutions contradictoires. Traditionnellement, le budget consacré aux aides à la pierre augmente en année électorale et se réduit ensuite. Mais nous nous dirigeons maintenant vers leur extinction. L'État demande donc aux bailleurs sociaux de compenser la réduction des crédits budgétaires par l'augmentation de leur contribution, à travers leur cotisation à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et une nouvelle taxe sur les cessions de logements. Cette contribution passerait de 270 millions d'euros en 2017 à 375 millions d'euros en 2018. En pratique, cela fait longtemps que la parité entre l'État et les bailleurs sociaux a disparu.
En tout état de cause, il est important que des ressources suffisantes soient maintenues pour le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) car les restes à payer sont estimés à près de 2 milliards d'euros à fin 2017 sur le programme 135.
En outre, il ne faut pas casser la bonne dynamique actuellement constatée en termes de constructions de logements. Parallèlement, l'État fait son grand retour en tant que financeur de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) par une dotation budgétaire. C'est une très bonne chose : 110 millions d'euros sont inscrits pour le programme « Habiter mieux » en 2018 et une enveloppe d'1,2 milliard d'euros est annoncée sur le quinquennat dans le cadre du « Grand plan d'investissement » (GPI). Ces crédits viennent prendre le relais du Fonds d'aide à la rénovation thermique (Fart) auparavant financé par le PIA (programme d'investissements d'avenir). Le budget de l'Anah semble davantage sécurisé que par le passé mais il reste soumis à l'aléa du cours des cessions de quotas carbone.
Le budget ne comprend plus non plus de crédits pour le dispositif des « maires bâtisseurs », mis en extinction dès 2017.
Enfin, les crédits du programme 147 consacré à la politique de la ville se trouvent globalement sanctuarisés, avec une stabilisation des crédits à l'exception de ceux consacrés à la rénovation urbaine. Pour autant, tandis que l'on célèbre les quarante ans de la politique de la ville, les acteurs de cette politique publique ne sont pas rassurés, notamment en raison de la forte mesure de régulation budgétaire opérée en juillet 2017. Des crédits ont ainsi dû remonter des territoires pour être annulés.
Par ailleurs, le Gouvernement affiche de fortes ambitions en termes de rénovation urbaine, avec une enveloppe pour le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) qui devrait passer de 6 à 10 milliards d'euros. Tout le monde s'en félicite.
La situation financière de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) paraît plutôt assurée à court terme, tandis que le financement des 6 premiers milliards d'euros du NPNRU est globalement couvert mais plusieurs interrogations restent toutefois en suspens.
Tout d'abord, le niveau de trésorerie est certes meilleur que ce que l'on craignait initialement, avec une prévision supérieure à 200 millions d'euros pour la fin de l'année, mais une impasse de trésorerie à moyen ou long terme est identifiée et une solution doit encore être trouvée.
Ensuite, 4 milliards d'euros restent à couvrir pour le NPNRU - pour passer de 6 à 10 milliards d'euros - et devaient être partagés entre Action logement et les organismes de logement social. Or, avec la réforme qu'on leur impose et la demande de contribuer davantage au financement des aides à la pierre, cela va devenir difficile.
Un nouveau dispositif expérimental d'emplois francs - le précédent ayant échoué sous le mandat de François Hollande - qui bénéficie aux demandeurs d'emplois résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, est proposé par le Gouvernement et porté par la mission « Travail et emploi », avec des conditions un peu différentes. Je doute de sa réelle efficacité.
Après la partie budgétaire, j'en viens maintenant à l'examen de l'article 52 du projet de loi de finances qui est au centre des attentions sur cette mission cette année. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit la création d'une réduction de loyer de solidarité, ou RLS, applicable aux logements ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL) pour les locataires ne dépassant pas certains plafonds de revenus.
Le montant de cette réduction atteindrait, par exemple, 50 euros par mois pour une personne seule ou 69 euros par mois pour un couple avec une personne à charge. Son coût total pour les bailleurs est estimé à au moins 1,7 milliard d'euros.
En contrepartie, l'APL versée aux locataires serait réduite d'un montant atteignant entre 90 % et 98 % de la baisse de loyer, pour une économie totale pour l'État de 1,5 milliard d'euros.
On peut craindre des effets d'aubaine puisque certains ménages ne percevant pas d'APL pourraient pourtant bénéficier de la baisse de loyer. Mais en général, le différentiel serait assez limité, entre 2 euros et 5 euros par mois, soit un montant symbolique.
Dans les conversations de cage d'escalier, ces différences de traitement risquent d'être incompréhensibles pour les locataires et les bailleurs seront incapables de les expliquer.
Un dispositif de péréquation est également prévu afin de tenir compte des effets de cette réforme sur chacun des organismes de logement social.
L'article 52 supprime également les aides personnelles au logement « accession » et prévoit le gel des barèmes des trois aides ainsi que des loyers du secteur social en 2018.
Parmi les compensations financières prévues pour les bailleurs sociaux, on trouve notamment la stabilisation du taux du livret A à 0,75 % pendant deux ans, avant une révision de son mode de calcul. Pour réaliser 1,5 milliard d'euros d'économies aux frais des bailleurs, l'État leur fournit des prêts, grâce à la Caisse des dépôts et consignations, laquelle leur permet également de rééchelonner leurs dettes. Est-ce suffisant ? C'est tout le débat !
Et au total qui paye la note ? C'est l'épargnant qui finance avec son livret A, dont le taux sera bloqué pendant deux ans.
Et les bénéficiaires sont aussi les banques, puisque la stabilisation à 0,75 % du taux du livret A leur permet d'économiser des sommes considérables : le taux devrait atteindre 1,25 % et selon une agence de notation une hausse de 0,25 % leur aurait coûté 900 millions d'euros. C'est tout de même étonnant. Je regrette que nos collègues communistes ne soient plus là !
En outre, les prêts consentis aux bailleurs sociaux ne remplacent pas des ressources propres, car ils doivent être remboursés, d'autant que les collectivités locales les ont garantis. Si la situation des bailleurs se dégradait, les banques pourraient finir par prendre en compte ces garanties, et beaucoup des collectivités territoriales se trouveraient en grande difficulté. En fragilisant certains maillons, on fait peser un risque sur toute la chaîne.
Quelles sont les possibilités dont nous disposons ? Le Gouvernement semble accepter de se contenter de la moitié de ces économies sur le programme 109, soit 800 millions d'euros. Je présenterai ainsi un amendement prévoyant un relèvement à 10 % de la TVA en première partie sur les opérations neuves et la rénovation de logements en accord avec le Gouvernement. En excluant certains secteurs, on pourrait dégager autour de 600 millions d'euros.
La Cour des comptes avait préconisé que les bailleurs soient soumis à l'impôt sur les sociétés, mais ces derniers n'y sont pas favorables. En effet, s'ils peuvent financer la hausse de la TVA dans leurs opérations en la lissant, ce ne serait pas le cas pour cet impôt. De plus, on peut craindre des opérations d'optimisation fiscale conduisant à réduire les contributions. La TVA apparaît donc comme une part de la solution.
Dans la seconde partie du budget, une autre part repose sur les cotisations à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), qui doivent aussi permettre de réaliser la péréquation nécessaire, car les bailleurs les plus touchés par la réforme du Gouvernement sont ceux qui ont le plus de locataires bénéficiant de l'APL.
Enfin, il est difficile de trouver un accord sur une troisième mesure qui constituerait le dernier étage de la fusée. Les bailleurs ne veulent pas de réduction des loyers, de crainte aussi que le Gouvernement n'en demande toujours plus et alors que l'Assemblée nationale a prévu une montée en charge progressive de la baisse de loyer sur trois ans. Une solution serait peut-être de fixer la réduction de loyer à 500 millions d'euros et d'en rester là, mais je ne sais pas si le Gouvernement accepterait cela.
Une autre possibilité a été évoquée : transformer la réduction de loyer en réduction forfaitaire de charges, pour les bâtiments les plus énergétivores. Toutefois, cela pourrait poser un problème de constitutionnalité notamment en termes de rupture d'égalité.
Enfin, l'idée d'une taxe sur les bâtiments énergivores a été envisagée. Elle serait versée à la CGLLS, avec un rendement intéressant et un effet incitatif sur les bailleurs pour mettre aux normes leur parc ancien. Le risque existerait toutefois que son rendement diminue au fur et à mesure des travaux.
Nous n'avons pas encore trouvé le bon compromis et nous avons besoin d'un peu de temps pour vous proposer une solution définitive. Je suggère donc de réserver notre position sur ce dispositif.
Je ne vais pas reprocher au Gouvernement de tenter de revoir le financement du logement. Le constat est simple : la France est un des pays qui dépense le plus dans le secteur, sans pour autant avoir résolu ses problèmes de prix, de mise aux normes, de mal-logement, etc. Il existe beaucoup d'explications possibles à cette réalité, mais celle-ci est indéniable. Il s'agit d'un des principaux postes de dépense publique mais aussi de captation de l'épargne avec le livret A.
Le Gouvernement prend toutefois le problème à l'envers en envisageant des coupes budgétaires sans s'attaquer au fond.
Aujourd'hui, le parc ancien est aux mains de bailleurs sociaux et de bailleurs privés. L'investissement privé se trouve malmené par la création de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et son exclusion du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Il sera également fragilisé par l'entrée en vigueur du prélèvement à la source, qui empêchera en partie la déduction des travaux.
En ce qui concerne le parc social ouvrant droit à l'APL, le débat sur le relèvement du taux de TVA est légitime.
Mais on passe surtout à côté d'une réforme structurelle des aides personnelles au logement : le reste à charge n'est pas pris en compte, la taille des logements non plus, ce qui conduit, notamment en Île-de-France, des marchands de sommeil à surévaluer les loyers en les « solvabilisant » grâce à l'APL. Le coup de rabot aveugle du Gouvernement apporte donc une mauvaise réponse à une bonne question : le montant de la dépense publique consacré au logement.
Philippe Dallier a tenté de trouver la moins mauvaise solution pour cet article, mais nous avons besoin du soutien du Gouvernement, qui cherche à se dépêtrer du mauvais pas où il s'est mis.
Le Président de la République fera peut-être des annonces jeudi, à l'occasion du congrès des maires. Le sujet est compliqué et les positions sont fluctuantes, il semble donc difficile d'approuver ou non ce budget ce matin.
Le budget du programme 177 était chaque année décrit comme insincère, car la planification y était habituellement inférieure au réalisé de l'année n - 2 ; depuis l'an dernier, il y a une amélioration : elle est inférieure à la prévision d'exécution de l'année en cours !
Il est, certes, difficile de planifier l'urgence sociale. C'est une longue chaîne : la loi nous oblige à héberger inconditionnellement une personne sans abri. Le premier maillon est le 115, qui reçoit 3 000 appels par jour et apporte une réponse positive à moins de la moitié. Ensuite, la phase intermédiaire recouvre les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les centres d'hébergement d'urgence (CHU), pour lesquels le budget est en augmentation.
Enfin, le « logement d'abord », sur lequel le Président de la République met l'accent, avec un budget pour le logement adapté qui croît de 25 % et en prévoyant qu'il n'y ait pas de fongibilité, afin qu'il ne soit pas utilisé pour financer les CHU en cours d'année.
L'objectif du programme est de faire diminuer le nombre de personnes dans le circuit et de faire en sorte que les bénéficiaires aient accès à un logement. On arrive alors à une contradiction, puisque parallèlement les bailleurs sociaux rencontrent, de leur côté, des difficultés à planifier des investissements puisqu'ils vont manquer de fonds propres.
À tout ceci s'ajoute la gestion de la crise migratoire, avec les déboutés du droit d'asile qui sollicitent les dispositifs d'hébergement d'urgence de droit commun.
L'accompagnement social rencontre également des difficultés, par manque de moyens budgétaires et malgré les crédits inscrits. Les structures Adoma en sont un exemple. Dans un hôtel où l'on a récemment dû accueillir en urgence 92 personnes, deux accompagnateurs sociaux seulement étaient présents pour prendre en charge l'accueil et le suivi des hébergés.
Enfin, l'enquête nationale de coûts qui doit conduire à réviser les prix plafonds et les prix planchers fait craindre aux opérateurs une mise à niveau des tarifications sur les planchers, les privant ainsi de moyens.
Enfin, en région Nouvelle-Aquitaine, qui regroupe douze départements, des inquiétudes se font jour quant à l'organisation des services, car le personnel baisse dans les directions départementales de la cohésion sociale au profit de la direction régionale, ce qui entraîne la perte du lien de proximité avec le terrain.
Quelle est la conséquence de cette réforme proposée par le Gouvernement sur les obligations de construction de logements sociaux pesant sur les collectivités territoriales et notamment issue de la loi ALUR ?
Il y a une innovation : on met donc en place un dispositif rétroactif alors que le locataire a signé un contrat qui en principe s'impose.
Quid des bailleurs privés conventionnés, dont la convention doit être reconduite ? Ne risquent-ils pas de la dénoncer s'ils sont concernés, au risque d'entraîner un effet inverse à celui qui est recherché ?
La proposition de Philippe Dallier de tenir compte d'un taux d'effort par ménage est bienvenue. Il n'en est d'ailleurs nullement question dans cet article 52 alors qu'une diminution unilatérale, indépendamment du montant du loyer, n'a aucun sens.
Disposez-vous d'une analyse de la situation des offices, comprenant l'identification de ceux qui pourraient se trouver concrètement en difficulté, et donc du nombre de collectivités territoriales qui pourraient être amenées à couvrir leurs engagements ?
Je partage la question de Philippe Adnot sur les garanties d'emprunt. Il y a eu des effets d'annonce, mais, si des tendances ont été évoquées par l'Union sociale pour l'habitat, aucun chiffre n'a été avancé.
Cet article 52 a mobilisé tout le secteur du logement social, car ses conséquences peuvent être effroyables, au vu des objectifs de construction et de rénovation de logements sociaux ainsi que de l'importance de la transition énergétique.
Je constate l'absence de crédits dédiés pour les contrats de ruralité, qui ont pourtant rencontré un grand succès. Comment financer aujourd'hui les actions qu'ils ont couvertes ? Je me félicite, en revanche, de la sécurisation du budget de l'ANAH.
Il convient aussi de se pencher sur la péréquation proposée au sein de la CGLLS, car la réforme pénalise les offices les plus vertueux, qui sont bien gérés et accueillent une forte proportion de locataires les plus modestes. Ils pourraient ainsi se trouver empêchés de mener à bien leur mission. Je ne crois pas que la situation permette de les qualifier de « dodus dormants » !
Enfin, je rappelle que les offices intervenant au niveau départemental s'intéressaient à la réhabilitation des friches dans les centres-bourgs ; ce ne sera sans doute pas le cas des gros offices régionalisés dans le cadre d'une restructuration.
L'article 52 emporte des conséquences en chaîne. Certaines collectivités territoriales pourraient être mises en difficulté avant même d'être appelées à assumer les emprunts, par le simple fait que les banques commencent à considérer ce risque.
En outre, certaines collectivités territoriales sont évaluées par les agences de notation. Aujourd'hui, ce risque est mentionné, mais il est considéré comme virtuel et n'est pas retenu dans l'évaluation. Les agences risquent désormais de le regarder autrement et les conditions financières d'accès des collectivités territoriales au marché obligataire pourraient ainsi changer.
S'agissant de la taxe sur les logements énergivores, je suis perplexe. Un office qui aurait beaucoup de locataires sous APL perdra une partie de ses recettes locatives. Si, de surcroît, ses bâtiments sont énergivores, le peu dont il disposait pour investir sera ponctionné. La prudence s'impose donc.
Hier, lors de la convention nationale d'Action Logement, les ministres Jacques Mézard et Julien Denormandie ont martelé que l'article 52 n'était pas stabilisé et qu'il était appelé à évoluer dans un sens qui conviendrait aux acteurs.
Il n'y a aucune réflexion sur la situation spécifique des outre-mer. Les APL ne s'y appliquent pas mais il faut savoir que les outre-mer participent au financement du Fnap, à travers le supplément de loyer de solidarité, et alors même qu'ils ne bénéficient pas de ses actions. En outre, alors que le revenu médian est plus bas qu'en métropole, l'on atteint plus vite le plafond qui est applicable. Donc l'on paie plus vite le surloyer qui finance le Fnap. Le ministre Julien Denormandie ne savait pas ça.
L'Assemblée nationale a réintroduit le déclenchement du surloyer à 20 % au-delà du plafond de ressources, alors que le texte initial le prévoyait au premier euro. Le problème de son application en outre- mer reste entier.
Il en va de même pour la garantie accordée par la CGLLS. En Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion, les bailleurs sociaux la trouvent trop chère et préfèrent s'adresser aux collectivités territoriales. Département et région garantissent ainsi les prêts, chacun à hauteur de 50 %. Il est arrivé une seule fois qu'une commune a été appelée en garantie et elle n'a pas pu payer. L'État, à travers la Caisse des dépôts et consignations, a dû alors intervenir.
S'agissant de la vente de logements, le dispositif envisagé ne pourrait concerner que les logements appartenant aux collectivités. Dans certains territoires, une seule ville serait alors concernée. Qu'en sera-t-il des autres ? Cela n'a pas été évalué et ne figure dans aucun rapport.
J'ai préparé des amendements sur les sujets, et je souhaite qu'en séance publique on évalue les conséquences de ces mesures destinées à faire des économies tout en sollicitant des structures qui interviennent déjà dans un contexte social difficile et sans bénéficier du système mis en place.
Il faut effectuer un contrôle budgétaire global sur le sujet en outre-mer.
Les questions soulevées par cet article concernent le quotidien de millions de Français, il faudrait organiser une conférence de presse avec les principaux acteurs de façon à expliquer les termes de l'équation et à communiquer sur le travail effectué par la commission pour sécuriser la politique du logement.
Les mesures prévues sont indifférenciées et ne prennent pas en compte la situation propre des bailleurs sociaux. Or, en fonction des loyers pratiqués, leur impact n'est pas le même.
Un bailleur social situé en zone détendue, par exemple, va perdre 4 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce qui anéantira sa capacité d'autofinancement pour l'année. Sur une période de cinq ans, les réhabilitations ou les constructions prévues seront abandonnées. Cela aura aussi des conséquences sociales : les locataires devaient voir leurs charges réduites, ce ne sera pas le cas, des emplois ne seront pas maintenus. Tout ceci n'est pas négligeable pour un bailleur modeste.
Il en va de même de la réhabilitation des centres-bourgs, dont les organismes de logement social sont des opérateurs essentiels. Il y a pourtant urgence !
Puisqu'il nous reste encore du temps pour arrêter la rédaction de l'article 52, je souhaiterais que la commission tienne plus compte de l'analyse géographique différenciée des bailleurs sociaux. La France n'est pas un milieu homogène.
Il est nécessaire d'élaborer une stratégie du logement. Nous avons besoin d'une réflexion approfondie plutôt que de mesures à court terme. En Bretagne, la réduction annoncée du nombre d'opérateurs pose question. En analysant la situation de manière uniforme depuis Paris, on rencontrera des difficultés.
S'agissant des aides personnelles au logement, le Gouvernement a annoncé le changement de son mode de calcul, qui est en effet désuet, dans la mesure où il s'appuie sur les ressources de l'année N-2. Comment faire pour que les ressources contemporaines soient mieux prises en compte ? Cette question se pose aussi pour l'application des suppléments de loyers de solidarité. En Bretagne, 1 % des locataires ont des ressources supérieures à 120 % du plafond. On pourrait ainsi trouver des recettes supplémentaires.
Le recentrage du dispositif Pinel suscite également des inquiétudes ; cibler des territoires plus contraints pourrait ainsi provoquer une inflation des prix.
Enfin, la taxe sur la cession des logements sociaux prévue à l'article 52 quater, risque d'avoir un effet contraire aux attentes, à savoir convaincre les opérateurs de vendre une plus grande partie de leur patrimoine. En Bretagne, seuls 10 % des biens mis en vente ont trouvé preneur.
Quel sera l'effet du relèvement de la TVA sur la construction et les travaux dans les quartiers de rénovation urbaine ?
C'est précieux car il s'agit d'un élément moteur de la mixité sociale dans ces quartiers.
Je sais, par ailleurs, que les zones franches urbaines sont financées par des exonérations sociales ou des dispositifs fiscaux. L'essentiel de ces mesures est-il bien maintenu dans ce projet de budget ?
Dominique de Legge, en effet, les conséquences de l'article 52 sur les obligations faites aux communes posent question.
S'agissant du risque constitutionnel que vous évoquez concernant l'atteinte aux contrats, le Gouvernement prétend qu'il est déminé. La question reste posée, toutefois, car les communes ont garanti des emprunts sur la base des loyers attendus. S'ils diminuent, l'économie générale du contrat en est-elle modifiée ?
Certaines communes ont inscrit dans leurs documents d'urbanisme un pourcentage de logements sociaux obligatoire pour des opérations dépassant un certain nombre de constructions, afin d'atteindre les exigences de la loi SRU. Si elles ne trouvent plus d'opérateurs durant quelques années, vont-elles arrêter de délivrer des permis de construire ? La chaîne du logement, c'est un tout, les opérations sont souvent mixtes et fragiliser un maillon peut conduire à fragiliser l'ensemble.
En ce qui concerne le contrat de location, il ne devrait pas être directement touché. On ajoutera seulement une ligne supplémentaire portant la réduction du loyer, mais je pense que le montant du loyer initial figurera toujours sur la quittance.
La définition d'un taux d'effort minimum est un vrai sujet, je vais en parler à nouveau avec le ministère, qui m'a fourni des simulations sur le sujet. Jacques Mézard a cru que je cherchais ainsi 1,5 milliard d'euros. C'était impossible, car les écarts auraient été trop forts. En revanche, on pourrait ainsi dégager 150 millions ou 200 millions d'euros. L'ensemble du calcul des APL doit être remis en chantier, en lien avec une réforme structurelle, mais cela n'est pas ce que recherchait le Gouvernement.
Philippe Adnot, les offices sont dans des situations disparates, c'est vrai, mais, à quelques exceptions près, ils sont en bonne santé.
Le problème, c'est que le Gouvernement va leur prendre 1,7 milliard d'euros, ce qui représente plus de la moitié de leurs ressources disponibles pour l'autofinancement, et au détriment de ceux qui accueillent le plus de bénéficiaires de l'APL.
Je suis d'accord, Antoine Lefèvre, le budget de l'Anah va dans la bonne direction. La question de la réhabilitation est importante et il convient d'éviter les effets de stop-and-go qui ont été préjudiciables par le passé. C'est positif, même si le produit des cessions de quotas carbone reste aléatoire dans le budget de l'Anah. On nous explique qu'il y a une logique à affecter cette ressource à la politique d'amélioration de la qualité des bâtiments, mais celle-ci est volatile et rend donc le budget imprévisible.
La péréquation au travers de la CGLLS apparaît, en effet, comme un moyen d'alléger le fardeau des bailleurs sociaux les plus concernés par la réduction de loyers.
Arnaud Bazin, c'est vrai, le Gouvernement semble avoir oublié les agences de notation et cela pourrait effectivement avoir des conséquences.
En revanche, dans notre esprit, on ne peut pas qualifier la taxe sur les bâtiments énergivores de double peine : elle doit être vue comme se substituant à la réduction de loyer de solidarité. Il n'est pas question de cumuler les deux.
Victorin Lurel, j'ai toujours regretté que l'outre-mer soit traité en dehors de cette mission. Je découvre que les bailleurs sociaux financent ainsi des dispositifs dont ils ne bénéficient pas, c'est une bizarrerie.
L'Assemblée nationale est revenue sur le supplément de loyer appliqué au premier euro, parce que c'était trop brutal.
L'ensemble des mesures proposées visent d'abord le rendement budgétaire, le Gouvernement n'a évoqué une réforme structurelle que dans un deuxième temps. La restructuration du secteur du logement social va prendre du temps et les économies d'échelle plus encore. En attendant, on prend le risque d'étrangler tout le monde, sans compensation.
Patrice Joly, je partage votre point de vue quant à l'impact socio-économique de ces mesures sur les bailleurs sociaux.
Gérard Longuet, je ne sais pas si nous sommes capables de prendre en compte les différences entre bailleurs sociaux ni si les règles constitutionnelles nous le permettent. La question se posait pour la baisse du forfait de charges : on ne peut pas traiter les gens différemment. C'est sans doute moins problématique pour les bailleurs, mais cela reste compliqué.
Je m'interroge avec vous sur la stratégie du Gouvernement, Michel Canevet. Vos remarques sur le calcul des APL sont exactes. La deuxième étape du projet gouvernemental interviendra l'année prochaine, avec le passage au revenu contemporain. Aujourd'hui, le calcul est fait sur le revenu de N-2 à l'entrée dans le dispositif, ce qui profite, par exemple, aux étudiants qui commencent à travailler. Selon le Gouvernement, cette modification rapportera 1,3 milliard d'euros par an au détriment de ces allocataires.
S'agissant du recentrage du dispositif Pinel, c'est le rapporteur général qui traite de ce sujet. Réjouissons-nous que le dispositif subsiste, même s'il est recentré, ainsi que le PTZ, car il a été question de les supprimer.
Concernant la taxe sur les cessions des logements sociaux, le Gouvernement veut effectivement inciter les bailleurs à vendre pour disposer de fonds propres, mais s'ils le font, on leur prend 10 % du produit. Sacrée logique !
Fabienne Keller, le Gouvernement pensait dégager des montants plus importants par la TVA, mais nous avons exclu certaines opérations, et nous en attendons donc autour de 600 millions d'euros. Concernant les zones franches urbaines, mais je reviendrai vers vous.
Jacques Mézard a été interrogé hier sur ce sujet et son ton était plutôt rassurant.