Bonne année à tous. Veuillez excuser le président Éblé, qui connaît des problèmes de transport et nous rejoindra sous peu.
Nous examinons aujourd'hui, sur le rapport de M. Jean-François Husson, la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles en présence de sa première signataire, Mme Nicole Bonnefoy.
Je salue également la présence parmi nous de Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, commission à laquelle nous avons délégué l'examen des articles 4 et 5 de la proposition de loi.
Je laisse notre rapporteur nous présenter son analyse de cette proposition de loi et ses propositions.
Pour commencer cette nouvelle année, nous examinons ce matin la proposition de loi de Mme Nicole Bonnefoy visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, ces dernières étant, sans doute, l'un des grands défis de la décennie à venir pour nos collectivités comme pour les Français.
Cette proposition de loi fait suite aux travaux de la mission d'information, à laquelle j'ai participé, qui a rendu ses conclusions en juillet dernier. Elle comporte cinq articles issus des propositions de la mission. La commission des finances a délégué au fond les articles 4 et 5 à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, afin que nous puissions nous concentrer sur les dispositions budgétaires et fiscales et celles du code des assurances, qui relèvent traditionnellement des compétences de la commission des finances.
Je tiens tout d'abord à saluer le travail de la mission d'information, dont le rapport a mis en exergue les immenses difficultés rencontrées par les sinistrés. De la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à l'indemnisation, en passant par la prévention des risques climatiques, ils font souvent face à un véritable parcours du combattant. Comme nous l'ont encore récemment rappelé les inondations dans le Var et les Alpes-Maritimes, lorsqu'une catastrophe naturelle dévaste une résidence principale, ce sont, bien souvent, les économies de toute une vie qui disparaissent, avec une charge affective que chacun d'entre nous peut comprendre.
En reprenant certaines recommandations de la mission d'information, les objectifs de cette proposition de loi sont louables et fondés, à savoir assurer une indemnisation la plus juste et équitable possible, à la hauteur du préjudice subi, avec l'objectif de mieux mobiliser les dépenses affectées à la prévention des risques naturels.
En tant que rapporteur, j'ai souhaité examiner ces dispositions avec trois exigences : premièrement, ces dispositions correspondent-elles à un réel besoin pour les sinistrés ? Deuxièmement, sont-elles opérationnelles, tant pour les sinistrés que les assureurs et les pouvoirs publics ? Troisièmement, leur efficacité est-elle à la hauteur de leur coût pour les finances publiques ?
J'en viens à l'examen des articles 1 à 3 qui relèvent de notre commission.
L'article 1er de la proposition de loi comporte plusieurs dispositions relatives au fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus communément appelé fonds Barnier. D'abord, il propose de déplafonner le montant des recettes affectées au fonds. Il est en effet principalement financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles payées par les assurés au titre de la garantie contre le risque de catastrophes naturelles. Mais la loi de finances pour 2018 a plafonné l'affectation de ce prélèvement au fonds à 137 millions d'euros par an. Le prélèvement représentant chaque année environ 200 millions d'euros, le surplus est reversé depuis cette date au budget général de l'État.
Le souhait des auteurs de la proposition de loi d'augmenter les recettes du fonds me paraît justifié, pour deux raisons. D'une part, depuis 2016, les dépenses du fonds sont supérieures aux recettes plafonnées, et cette tendance devrait s'accentuer ces prochaines années ; d'autre part, la question de la soutenabilité du fonds se fait jour, alors que sa trésorerie diminuerait de moitié en 2020 par rapport à la fin 2018 et s'élèverait à 114 millions d'euros.
Pour autant, je considère qu'un déplafonnement pur et simple des recettes affectées au fonds n'est pas souhaitable. D'abord, ce déplafonnement relève du domaine exclusif de la loi de finances, car il s'agit d'une disposition qui affecte le budget général de l'État. En pratique, compte tenu de la variabilité des dépenses du fonds, il pourrait également conduire à l'accumulation d'une trésorerie dont résulterait in fine un prélèvement par l'État, comme cela a déjà été le cas par le passé.
Ensuite, il prévoit de supprimer plusieurs plafonnements des sous-actions du fonds Barnier. Or, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, deux amendements identiques en ce sens ont été adoptés par le Sénat à l'initiative de Mme Nicole Bonnefoy et de M. Michel Vaspart. Alors qu'elles ont été conservées dans la loi de finances promulguée, les dispositions afférentes proposées par le présent article sont donc d'ores et déjà satisfaites.
Enfin, cet article entend inscrire dans la loi les missions du Conseil de gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs et en élargir sa composition. Il propose également de renforcer les pouvoirs de ce conseil en lui confiant la détermination d'un objectif pluriannuel pour les dépenses contribuant au financement des études et travaux des personnes physiques et morales.
Je partage les intentions des auteurs s'agissant du pilotage stratégique du fonds, mais je me dois de rappeler que la définition des missions de ce conseil relève non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire. Les dispositions proposées sont donc contraires à l'article 41 de la Constitution. D'ailleurs, le décret du 18 décembre 2019 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif a procédé à la fusion du Conseil de gestion avec le Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), afin de clarifier la gouvernance du fonds.
La fixation d'un objectif pluriannuel de dépenses du fonds ne me paraît pas souhaitable, dès lors que ces dépenses sont difficiles à prévoir plusieurs années à l'avance. La détermination d'objectifs chiffrés pluriannuels sans prise en compte des besoins des territoires ne me semble pas à même d'améliorer la performance du fonds.
S'agissant de l'article 2, il prévoit de garantir une meilleure indemnisation des assurés à la suite de catastrophes naturelles, en agissant sur trois paramètres. Tout d'abord, il propose d'allonger de deux ans à cinq ans le délai de prescription. Concrètement, aujourd'hui, un assuré dispose de deux ans pour réclamer auprès de son assurance l'indemnisation des dommages subis. Ce délai, relativement court, vise à encourager à effectuer les travaux de réparation rapidement, ce qui permet une résilience plus efficace des territoires sinistrés.
Les auditions que j'ai menées en compagnie de Mme Tocqueville ne m'ont pas permis de conclure que l'allongement du délai de prescription était une priorité pour les sinistrés. Le délai de deux ans ne fait pas obstacle, aujourd'hui, à l'indemnisation des dommages. En réalité, la volonté d'allonger ce délai ne paraît justifiée que pour l'indemnisation des dommages liés aux épisodes de sécheresse dont les désordres mettent plusieurs années à apparaître et peuvent s'aggraver au cours du temps. Les délais d'expertise pour ces sinistres sont également particulièrement longs, faute, nous a-t-on dit, de compétence des experts disponibles.
En revanche, l'allongement du délai de prescription pour l'ensemble des dommages liés aux catastrophes naturelles entraînerait une différence de procédures d'indemnisation, pour un même contrat d'assurance, en fonction de la nature de la cause du dommage.
De plus, l'article vise à inscrire dans la loi le fait que l'indemnisation reçue doit « garantir une réparation pérenne et durable, de nature à permettre un arrêt complet et total des désordres ». Les interlocuteurs rencontrés en audition ont tous émis de fortes réserves sur la rédaction de cette disposition. D'une part, sa portée normative semble très limitée et les termes redondants. D'autre part, elle interroge la responsabilité de l'assureur qui, en principe, n'indemnise que le préjudice subi, et qui ne peut pas verser à l'assuré une indemnisation d'un montant supérieur à la valeur vénale du bien.
Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité s'assurer que l'indemnisation reçue permette de financer des dépenses efficaces pour la remise en état du bâti, qu'importe si celles-ci sont particulièrement onéreuses. Il s'agit d'éviter que les sinistrés ne subissent une double peine : une catastrophe naturelle qui endommage leur bien, suivie d'une réparation bâclée qui poserait plus de difficultés pour l'avenir qu'elle n'en réglerait. Nous avons surtout à l'esprit les travaux minimalistes entrepris pour réparer les fissures à la suite de l'épisode de sécheresse.
Je ne peux que souscrire à cet objectif, mais, en l'état, la rédaction proposée ne semble pas pleinement opérationnelle et nécessite des aménagements.
Enfin, l'article a pour objet d'intégrer les frais de relogement d'urgence dans le périmètre de la garantie catastrophes naturelles (CatNat). Cette demande est portée de longue date par les associations de sinistrés et a l'appui du secteur assurantiel. Les garanties dites annexes des contrats d'assurance habitation proposent déjà cette prise en charge. Toutefois, elles sont facultatives et d'une durée variable d'un contrat à l'autre. L'article prévoit que la durée de prise en charge soit fixée par décret, ce qui permettrait une harmonisation des pratiques.
L'article 3 vise à créer un crédit d'impôt au titre des dépenses supportées pour la prévention des aléas climatiques. Ce crédit d'impôt s'appliquerait « aux dépenses engagées dans le but d'améliorer la résilience du bâti aux effets des catastrophes naturelles » et s'élèverait à 50 % du montant de ces dépenses. La détermination des conditions d'éligibilité à ce crédit d'impôt est quant à elle renvoyée à un décret.
Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité inciter les propriétaires à réaliser des travaux renforçant la résilience du bâti aux effets des catastrophes naturelles et diminuer le reste à charge des particuliers en cas de survenance d'une telle catastrophe. Or, le crédit d'impôt tel que proposé serait très coûteux pour le budget général de l'État. Son taux apparaît en effet particulièrement élevé, alors même que ces travaux sont bien souvent très onéreux. En outre, et ce n'est pas anecdotique, le périmètre des dépenses éligibles n'est pas défini, ce qui aurait pourtant permis d'en limiter l'impact budgétaire.
Je vous rappelle qu'en application du gentlemen's agreement il ne m'est pas possible de vous présenter à ce stade des amendements visant à améliorer ces dispositions sans l'accord du groupe auteur de la proposition de loi. Par conséquent, je vous invite à ne pas adopter, à ce stade, cette proposition de loi au regard des réserves que j'ai exprimées. Il s'agit, vous l'avez bien compris, d'une position d'attente, car je vous présenterai la semaine prochaine des amendements en vue de la séance publique afin d'apporter le maximum d'améliorations aux dispositions proposées. Bien évidemment, cela doit aussi favoriser l'intégration des propositions d'amélioration de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution adopté par la Conférence des présidents, en vue du dépôt des amendements de séance, je vous propose de considérer qu'entrent dans le périmètre de la proposition de loi les dispositions relatives aux recettes et aux dépenses du fonds de prévention des risques naturels majeurs, les règles de prescription telles que définies aux articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, ainsi qu'à l'assurance des risques de catastrophes naturelles relevant des articles L. 125-1 à L. 125-6 du même code et les dispositions relatives à la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Je vous remercie pour votre invitation à venir vous présenter les travaux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui s'est réunie hier matin pour examiner cette proposition de loi. Pour commencer, j'aimerais remercier Jean-François Husson qui, malgré des délais très courts, s'est montré ouvert et disponible, ce qui nous a permis d'aboutir à des positions communes sur la quasi-totalité des dispositions de ce texte.
Comme cela vient d'être rappelé, cette proposition de loi fait suite aux travaux de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, dont le rapport a été adopté à l'unanimité. Elle prévoit des modifications du régime CatNat ; ces modifications sont attendues par les sinistrés et les élus qui réclament plus de transparence dans la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, une meilleure protection des personnes sinistrées et un meilleur accompagnement des maires confrontés à une catastrophe naturelle.
Ceux d'entre vous qui ont déjà eu à gérer les conséquences d'un tel sinistre savent en effet à quel point le fonctionnement du régime CatNat est complexe et opaque, et source de désarroi pour les sinistrés qui ont souvent du mal à comprendre la façon dont les décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sont prises, et donc à les accepter. Les faiblesses de ce régime sont aujourd'hui exacerbées par la multiplication des événements naturels liés au réchauffement climatique - cette multiplication rend une réforme d'autant plus urgente.
Ce texte entend également répondre au besoin d'investir davantage dans des actions de prévention des risques naturels majeurs. C'est presque un truisme de le dire : les actions de prévention permettent de diminuer l'exposition des biens aux risques, et donc de réduire les besoins d'indemnisation en cas de catastrophe. La prévention est vertueuse du point de vue financier et permet de faire des économies. Comme l'a rappelé la mission d'information, pour un euro investi dans la prévention, ce sont sept euros qui sont économisés en matière d'indemnisation des dommages.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté hier douze amendements, dont huit sur les articles 1er à 3, sur lesquels nous sommes saisis pour avis, et quatre sur les articles 4 et 5 que votre commission nous a délégués au fond.
Ces amendements visent principalement à préciser et mieux encadrer les dispositions de la proposition de loi et reflètent, pour la plupart, la position d'équilibre que nous avons trouvée avec Jean-François Husson sur un certain nombre de sujets, par exemple la limitation de l'allongement de deux à cinq ans du délai de prescription aux phénomènes de sécheresse.
S'agissant des articles 4 et 5, les amendements adoptés viennent également conforter et compléter les dispositions initiales, en prévoyant, par exemple, la présence d'au moins deux élus locaux au sein de la commission interministérielle CatNat ou en précisant qu'en cas de refus de leur première demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle les communes disposent d'un délai de six mois pour présenter une nouvelle demande assortie d'éléments techniques complémentaires.
Je sais que la proposition de rejeter ce texte au stade de la commission conduira au rejet des amendements que nous avons adoptés. Nous les redéposerons donc en vue de la séance publique, ce qui nous permettra d'avoir un débat dans l'hémicycle sur un texte dont, malgré un ou deux points de divergence, nous partageons, je le crois, l'essentiel des préoccupations.
Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui à l'occasion de l'examen par votre commission de la proposition de loi dont je ne suis que la première cosignataire. Ce texte fait suite aux travaux de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques qui était présidée par Michel Vaspart et dont j'étais rapporteure. Je rappelle que le rapport et les recommandations de cette mission ont été adoptés à l'unanimité. Je remercie aussi les rapporteurs Jean-François Husson et Nelly Tocqueville pour le travail qu'ils ont réalisé et les concertations qu'ils ont menées afin d'enrichir le texte.
Cette proposition de loi est attendue par les élus et les sinistrés, et il me semble que nous pouvons arriver à un compromis. Les risques et aléas climatiques augmentent tant en nombre qu'en intensité, ce qui justifie que nous revoyions le régime d'indemnisation.
En ce qui concerne le fonds Barnier, nous devons réussir à mettre en place une véritable politique nationale de prévention et de culture des risques. J'ajoute que ces risques ne proviennent pas seulement des évolutions climatiques ; il peut aussi s'agir de risques industriels. Aujourd'hui, la gestion du fonds est dévoyée parce qu'il est plafonné et qu'une partie de ses ressources est reversée au budget général de l'État. Je comprends l'argument du rapporteur de la commission des finances sur l'orthodoxie budgétaire, mais il me semble tout de même que les crédits du fonds doivent bénéficier effectivement aux assurés.
En tout cas, j'espère que nous trouverons les solutions pour répondre aux attentes des sinistrés et des élus.
Nous avons travaillé ensemble en bonne intelligence et il me semble que nous pouvons trouver les voies et moyens pour adopter des solutions solides de manière, je l'espère, unanime. À ce stade, des questions juridiques et techniques se posent, mais nous essayerons de déposer des amendements identiques pour y répondre.
Je rappelle que le prélèvement sur les primes CatNat atteint 200 millions d'euros et que son affectation au fonds Barnier est plafonnée à 137 millions. Nous pouvons envisager, dans un premier temps, de porter ce plafond à 180 millions, ce qui correspond à la moyenne des dépenses des dernières années, et de regarder, ensuite, lors de l'examen des projets de loi de finances comment ajuster les choses.
Nous devons mener un travail de fond sur les catastrophes naturelles ; nous sommes aujourd'hui focalisés sur les problèmes liés à la sécheresse qui sont particulièrement complexes, mais ce ne sont pas les seuls - je pense, par exemple, aux coulées de boues ou aux inondations. Un travail doit également être mené sur la prévention et nous devons y associer les assureurs et les réassureurs.
En tout cas, il me semble que nous partageons les mêmes objectifs.
Nous devons mettre en place une véritable politique nationale de prévention des risques, et non réagir au cas par cas à des situations précises. Je pense à l'amendement qui a été déposé à l'Assemblée nationale au mois de décembre dernier qui prévoyait de régler, pour un montant de 10 millions d'euros, les conséquences de la sécheresse dans un seul département. Il n'est pas possible de procéder ainsi. La politique de gestion des risques doit être juste et mesurée et doit bénéficier à l'ensemble des sinistrés de France ; nous devons éviter les dispositifs particuliers.
J'ai l'impression qu'il existe une rupture d'égalité entre les sinistrés selon le type de catastrophe auquel ils font face. Dans le cas des catastrophes naturelles, il me semble que les franchises se cumulent, contrairement à d'autres dispositifs d'assurance. Pouvez-vous me fournir des informations à ce sujet ?
J'ai deux interrogations. En ce qui concerne l'article 1er du texte, comment améliorer réellement le fonctionnement du fonds Barnier et comment mieux travailler avec les assureurs sur ces sujets ? Ensuite, en ce qui concerne la composition de la commission interministérielle, vous évoquez des questions d'impartialité. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J'ai été auditionné par la mission d'information de Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy et je suis heureux de voir que nous nous attaquons au problème des catastrophes naturelles et du fonds Barnier. Les propositions de Jean-François Husson me semblent de bon sens et il est très important que nous ayons un temps de réflexion et de débat en séance publique. Je suis également d'avis que nous ne devons pas rejeter le texte, nous devons l'améliorer.
Sur le fond, le problème posé par le fonds Barnier ne réside pas tant dans le montant de ses ressources ou dans leur plafonnement que dans son périmètre. Celui-ci a été fixé dans un contexte particulier et nous avons beaucoup plus de sujets à traiter aujourd'hui, par exemple l'érosion côtière. Nous devrons d'ailleurs continuer nos réflexions sur ce sujet au-delà de ce texte.
Le développement de la culture du risque est un sujet extrêmement important et les territoires doivent s'adapter pour faire face aux conséquences des aléas et catastrophes. De nombreux secteurs sont concernés, je pense notamment à celui de la construction. En tout cas, nous devrons faire des efforts financiers en la matière.
Je salue également l'importance et la qualité du travail réalisé par la mission d'information et les rapporteurs de ce texte. Le développement et la récurrence des risques et aléas justifient ce travail, qui est très attendu par les différents acteurs. Les phénomènes d'ampleur que nous commençons à connaître vont augmenter. Le dispositif actuel remonte à 1982 et le contexte a profondément évolué.
Les propositions qui sont faites répondent à des préoccupations légitimes : apporter de la souplesse, renforcer les droits des assurés, faire une place aux élus dans la gestion de cette politique. Il existe des points d'achoppement qui me semblent en fait d'ordre technique ou juridique. Je comprends les objections faites par le rapporteur, mais je salue le fait qu'il a aussi ouvert la possibilité d'une approche conjointe.
Cette proposition de loi mérite d'être adoptée. Je suis sensible à l'argument de Nicole Bonnefoy sur la mainmise de l'État sur une partie des taxes perçues et sur la manière dont les ressources du fonds Barnier sont gérées. Il est vrai que nous avons trop tendance à répondre au coup par coup à certaines situations ; je pense à l'exemple du bâtiment Le Signal : le Parlement a dû s'y reprendre à plusieurs fois pour régler le problème. Cela montre bien que nous devons trouver un dispositif global.
En tout cas, notre groupe est favorable à l'adoption de cette proposition de loi.
Merci aux auteurs pour cette proposition de loi bienvenue : pour introduire de nouveaux outils et la culture du risque, il faut en effet un cadre global et éviter les solutions disparates. La question du plafonnement du fonds Barnier est intéressante, comme celle du soutien aux victimes et aux élus : les petites communes n'ont pas les services techniques et juridiques suffisants pour faire face. Le crédit d'impôt est une bonne idée, mais je rejoins Jean-François Husson, il est préférable de reporter l'examen des amendements pour améliorer le texte et fixer, par exemple, le périmètre du crédit d'impôt. Cela nous permettra sans doute d'atteindre un vote unanime.
Sur les sols argileux qui gonflent et se dégonflent, la solution ne peut être de faire passer un amendement à la sauvette pour abonder les fonds pour un seul département. Sur le terrain, ce que chacun se demande, c'est comment l'État identifie les communes classées : dans la première couronne parisienne, certaines communes sont classées et d'autres non, sans que l'on comprenne pourquoi. L'État anticipe-t-il le coût global et délimite-t-il le périmètre pour ne pas dépasser une enveloppe déterminée ? Comment être plus efficace ? Comment obliger l'État à prendre des décisions plus objectives ?
Cette proposition de loi présente un bon équilibre entre responsabilité de l'État et rôle des collectivités territoriales, question qui est souvent au centre de débats agités au Sénat. L'État est en effet responsable de la sécurité des biens et personnes, mais ne peut rien faire sans les collectivités. Nous pouvons donc espérer des votes unanimes sur ce sujet. Le rapporteur parle avec raison de la prévention. Mais il faudra bien prendre en compte tous les risques. Le Val-de-Marne n'est pas concerné par l'érosion côtière, mais, quoiqu'il ne soit pas un département agricole, il souffre de la grêle, qui n'est jamais prise en compte.
Deuxième problème qui pourrait faire l'objet d'un amendement : le fonctionnement de la commission interministérielle. On ne comprend pas pourquoi telle commune victime d'inondation est classée et telle autre ne l'est pas. Il faudrait au minimum qu'elle donne un avis motivé.
Ma petite expérience d'élu local m'invite aussi à poser la question de la durée des documents d'urbanisme. Avec les évolutions climatiques, il semble déraisonnable de conserver des documents qui auraient une durée de vie illimitée.
Les critères de classement en catastrophe naturelle devraient être redéfinis. Dans la Sarthe, seules cinq communes sont classées pour la sécheresse. Il semblerait que les mailles prises en compte soient de 64 kilomètres carrés ; la sécheresse n'est pourtant pas la même près d'une rivière ou en haut d'une colline. La période prise en compte serait de 25 ans ; avec le changement climatique, ce n'est pas pertinent. Le préfet a pourtant pris 32 arrêtés de sécheresse dans les deux dernières années : l'État était donc au courant.
Les maires sont démunis, car les habitants croient que l'absence de classement de la commune résulte de leur négligence.
Il y a aussi une problématique de date. À un ou deux jours près, une commune peut rater son classement.
Qu'en est-il de l'évolution des normes de construction ? Je remarque que, à un même endroit frappé par la dilatation de l'argile, certains bâtiments souffrent et d'autres non. N'est-il pas temps de changer les normes ?
Merci aux auteurs de la proposition de loi : ce sujet est très important. La prévention est-elle suffisamment prise en compte ? La submersion dans les zones littorales, les incendies comme en Australie, les pluies diluviennes un peu partout doivent nous inquiéter : la multiplication des situations à risque devrait nous inciter à accentuer les actions de prévention. Le fonds peut en constituer le support, mais une organisation déconcentrée, par exemple à l'échelon régional, serait préférable.
- Présidence de M. Vincent Éblé, président -
L'ensemble de vos questions montre bien que la proposition de loi est bienvenue. L'opacité qui caractérise le fonctionnement du régime CatNat et les soupçons de partialité de la commission interministérielle posent problème. Cette dernière, où siègent principalement des représentants des ministères de l'intérieur et de l'économie et des finances, n'est pas ouverte aux acteurs locaux. Nous demandons donc la publication de ses avis sous dix jours et l'association d'élus locaux avec voix consultative.
L'opacité produit un sentiment d'injustice chez les habitants et les maires, qui, dans les petites communes, sont démunis. Un allongement de 18 à 24 mois du délai de déclaration de l'état de catastrophe naturelle et la possibilité, en cas de nouvelle manifestation, de procéder à une deuxième déclaration, contribueront à atténuer le sentiment d'opacité.
Avec Jean-François Rapin, je fais partie du groupe d'études « Mer et littoral ». Nous voyons que nous n'avons pas de culture du risque. C'est vrai pour l'érosion côtière, c'est vrai pour les régions sujettes aux inondations, à la sécheresse et pour les régions concernées par une activité industrielle à « seuil haut » - je sais de quoi je parle. Il faut la développer et aider citoyens et élus à s'en imprégner.
Il existe une cartographie des zones menacées par l'aléa sécheresse, mais il est difficile à comprendre qu'à 300 mètres près, une zone soit classée en catastrophe naturelle et une autre non. Effectivement, la solution consistant à adopter un amendement au milieu de la nuit pour débloquer 10 millions d'euros au profit d'un seul département n'en est pas une. Ce n'est pas ainsi que l'on lèvera le soupçon d'inéquité.
Concernant les difficultés de fonctionnement de la commission interministérielle, je vous invite à lire le rapport de la mission d'information, dont la partie centrale porte sur ce sujet. C'est à la suite de remarques du terrain similaires à celles que vous avez exprimées que la mission d'information a été constituée. L'amendement partiel n'est pas une solution acceptable. Je connais certains de nos concitoyens qui vivent dans une caravane parce que leur maison s'écroule, alors qu'elle n'est pas dans une commune classée en catastrophe naturelle. Michel Vaspart et moi avons rencontré le président de la commission interministérielle qui n'avait pas l'air de comprendre ce qu'on lui disait, considérant que tout allait bien. Il faut améliorer ce fonctionnement - c'est ce que prévoit l'article 4 de la proposition de loi.
La sécheresse est un problème considérable : ce mal insidieux touche 60 % du territoire national, qui est constitué de sols argileux et est donc sujet au retrait-gonflement.
Nous avons entendu les professionnels du bâtiment et avons été effarés. La solution que certains proposent a été d'arroser la maison et ses alentours, ce qui ne fait qu'aggraver les fissures. Il y a donc des choses à faire.
J'entends les arguments budgétaires, mais un euro dépensé pour la prévention, c'est sept euros d'indemnisation économisés. D'où la nécessité de mobiliser le fonds Barnier. Certaines indemnisations atteignent 100 000 euros. Un crédit d'impôt permettant d'engager les travaux pour améliorer la résilience de leur maison ne coûterait pas plus cher. Le soutien des élus est indispensable.
L'ordre du jour prévoit une durée de quatre heures pour l'examen de deux propositions de loi la semaine prochaine... Cela devient compliqué. Le fonctionnement de la commission interministérielle est bien au coeur du texte, en son article 4. Je ne voudrais pas que nous donnions le sentiment d'ergoter sur des questions budgétaires, alors que nous voulons tous relayer la colère des élus et des victimes. Une première solution serait de ne pas terminer l'examen du texte et de continuer en avril... (Mme Nicole Bonnefoy s'y oppose). Si nous voulons que la proposition de loi aboutisse avec le soutien le plus large de notre assemblée, il faudra que chacun fasse preuve de concision. Cela illustrerait notre capacité à concilier contraintes budgétaires et changement nécessaire.
Concernant les franchises, ma pratique date un peu. Elles doivent être de 1 500 euros pour les particuliers et de 4 500 euros pour les professionnels. Mais, en cas de récurrence de catastrophe naturelle sur une période de dix ans, les franchises doublent la première fois, puis triplent. Cela exaspère les victimes qui ont le sentiment d'être prises en étau. Il y a effectivement des cas où la situation est injuste.
Compte tenu des délais, il semble difficile de travailler sur le périmètre du fonds Barnier.
La Caisse centrale de réassurance, en audition, a proposé la création de l'équivalent d'un diagnostic de performance énergétique sur les risques de catastrophes naturelles pesant sur les bâtiments. Cela peut constituer une piste de travail.
Je propose de rejeter le texte pour nous laisser le temps de déterminer des positions convergentes, car je sens une volonté de trouver un accord. Nous pourrions envisager une adoption très large en séance la semaine prochaine.
Si la proposition du rapporteur était suivie, nous n'examinerions pas les amendements déposés et, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion porterait en séance sur le texte initial de la proposition de loi.
J'ai bien compris que l'esprit de la proposition de Jean-François Husson n'était pas de s'opposer frontalement au texte. Une réflexion peut sans doute être menée avant la séance publique pour se rapprocher.
La commission n'a pas adopté de texte sur la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles.
En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi déposée sur le bureau du sénat.
Le périmètre proposé par le rapporteur pour l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution est adopté.
La commission donnera un avis sur les amendements de séance mercredi prochain. Je vous invite à être attentifs au respect des dispositions de l'article 40 de la Constitution.
La réunion est close à 11 h 20.