Au cours d'une troisième séance tenue dans l'après-midi, conjointement avec la commission des affaires culturelles, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, sur la réforme de la redevance audiovisuelle.
s'est félicité de l'organisation de cette audition conjointe avec la commission des affaires culturelles, afin de dresser un premier bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle, dont le recouvrement avait été adossé, pour la première fois en 2005, à celui de la taxe d'habitation.
a tenu à remercier la commission des finances de prolonger ainsi le débat sur la redevance audiovisuelle qui s'était tenu lors de la discussion du projet de loi de finances, et au cours duquel les deux commissions avaient exprimé des sensibilités différentes. Toutefois, il a rappelé que les parlementaires appartenant à la majorité de chacune des deux commissions s'étaient retrouvés dans un vote favorable à la réforme.
Il a relevé la nécessité, selon lui, de clarifier le statut de la redevance audiovisuelle, qui ne faisait pas partie des prélèvements obligatoires, mais était souvent perçue comme un impôt. Il a exprimé sa conviction que les organismes audiovisuels publics devaient disposer des moyens nécessaires à leur développement dans un contexte de concurrence avec le secteur privé.
s'est déclaré très heureux d'avoir ainsi l'occasion, pour la première fois depuis le débat budgétaire, de discuter d'une réforme qu'il a qualifiée d'emblématique pour les finances publiques et la réforme de l'Etat. Il a détaillé ensuite les quatre principaux objectifs de la réforme de la redevance audiovisuelle : simplifier la redevance pour le contribuable, moderniser le service public, rendre la redevance plus juste et dégager des ressources nouvelles pour le financement de l'audiovisuel public, sans augmentation de la redevance.
Tout d'abord, il a souligné la simplification opérée pour le contribuable avec l'adossement pour les particuliers à la taxe d'habitation : une seule redevance est due par foyer, et un seul avis d'imposition est émis au titre de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle.
Sur ce point, il a annoncé que la phrase relative à la non-détention d'une télévision figurant sur la déclaration de revenus serait simplifiée, afin de lever les ambiguïtés qui avaient pu apparaître l'an passé. Ensuite, il a rappelé qu'il n'y avait pas eu de double imposition, même temporaire, à la redevance audiovisuelle : pour les personnes ayant acquitté une redevance en 2004, la redevance à payer en 2005 concernait la période postérieure à celle couverte par la redevance payée en 2004. Enfin, il a reconnu certaines difficultés pratiques, inhérentes à la mise en oeuvre de toute réforme d'envergure, dans la conservation des droits acquis au titre des exonérations, en relevant que plus de 635.000 dégrèvements avaient été accordés à la suite de réclamations. Il a précisé que les services fiscaux avaient reçu pour consigne de procéder à un dégrèvement de la redevance, dès lors que le contribuable déclarait ne pas détenir de poste, mais que les contrôles effectués a posteriori devraient permettre de détecter les éventuels abus.
Ensuite, il a exposé que le deuxième axe de la réforme était la modernisation du service public : l'adossement du recouvrement à un impôt existant avait permis de dégager des économies de gestion substantielles, en redéployant 1.000 des 1.400 agents du service de la redevance, fermé le 1er octobre 2005, vers d'autres activités, afin notamment d'améliorer la qualité de service aux usagers. Il a souligné que les 400 agents non redéployés, parmi les 1.400 agents que comportait l'ancien service de la redevance audiovisuelle, avaient été affectés à des missions de contrôle au sein des trésoreries générales. Ainsi, il s'est félicité d'une réduction des coûts de gestion, dont le montant avait diminué de 74 millions d'euros en 2004 à 66 millions d'euros en 2005 et devait baisser encore plus fortement en 2006, première année pleine de mise en oeuvre de la réforme.
En troisième lieu, il s'est réjoui que la redevance soit devenue plus juste, grâce à l'alignement des dégrèvements de redevance sur ceux de la taxe d'habitation. Il a observé que près d'un million de foyers supplémentaires, aux revenus modiques, avaient bénéficié de dégrèvements. Il a précisé que cet élargissement avait bénéficié principalement à des personnes âgées de 60 à 65 ans et à des titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI). Il a détaillé que la réforme avait porté à 5.150.000 le nombre de foyers bénéficiaires d'une telle mesure en application des dispositions législatives, auxquels s'ajoutaient 176.000 dégrèvements accordés à titre contentieux ou gracieux pour motifs sociaux, sur un total de 24.841.000 redevables assujettis.
Enfin, il a rappelé que la réforme avait permis de dégager des ressources nouvelles pour le financement des organismes de l'audiovisuel public, alors que le taux de la redevance avait été maintenu et avait même légèrement diminué de 50 centimes d'euro, du fait des arrondis.
Il a précisé que la réforme avait suscité des recettes brutes en hausse de 47 millions d'euros par rapport aux résultats réalisés en 2004 : ainsi, les ressources nettes s'étaient élevées à 2.193 millions d'euros en 2005, en progression de 54 millions d'euros par rapport à 2004, soit + 2,5 %, en intégrant la diminution des frais de gestion.
Toutefois, il a observé que les recettes nettes étaient inférieures de 9 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale, et de près de 30 millions d'euros aux données de la loi de finances rectificative. Cependant, il a estimé que cette erreur de prévision de l'ordre de 1 % restait, selon lui, modeste, au regard de l'ampleur de la réforme.
Il a ajouté que ces moins-values avaient été sans effet pour les organismes de l'audiovisuel public, puisqu'elles avaient été complétées par un abondement du budget général, conformément au dispositif de garantie des ressources adopté en loi de finances initiale.
En conclusion, il a exprimé sa ferme volonté de poursuivre les efforts déjà engagés.
Un large débat s'est alors instauré.
s'est félicité que la réforme se soit traduite par une organisation plus efficace du service de recouvrement, tout en souhaitant disposer de précisions sur les reclassements ainsi opérés.
Par ailleurs, il a interrogé le ministre sur sa réaction au récent rapport de l'inspection générale des finances (IGF) concernant les progrès de gestion que pouvait accomplir France Télévisions, et notamment France 3.
a indiqué que 1.014 emplois avaient été redéployés, dont 477 dans les réseaux du Trésor public et 537 affectés à de nouvelles tâches liées à la qualité du service public. Il a rappelé que près de 800 suppressions d'emplois étaient opérées à la direction générale de la comptabilité publique en 2006.
S'agissant du rapport précité de l'IGF, il a souhaité que les orientations de l'audit soient mises en oeuvre par France Télévisions, afin que la holding du groupe devienne un véritable centre de direction générale, alors que, par exemple, dans l'organisation actuelle, les antennes régionales de France 3 disposaient chacune d'une direction des ressources humaines. Il a également souhaité qu'une réflexion s'engage sur les gains de productivité susceptibles d'être réalisés s'agissant de la définition des métiers de l'information, dans un contexte où des défis tels que la haute définition impliquaient des investissements majeurs. Il a précisé avoir indiqué au président de France Télévisions que cette « démarche interactive » devait être intégrée dans le contrat d'objectifs et de moyens qui devait être signé d'ici à l'été 2006.
a rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 168 de la loi de finances pour 2006, les contrats d'objectifs et de moyens étaient soumis, avant leur signature, aux commissions chargées des finances et des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat.
a rappelé qu'il ne faisait pas partie des partisans les plus enthousiastes de la réforme, suite notamment au contrôle sur pièces et sur place qu'il avait conduit, en application de l'article 57 de la LOLF, au centre de Rennes. Il avait pu y apprécier le professionnalisme des agents du service de la redevance audiovisuelle. A cet égard, il a mis en exergue le contenu de l'amendement d'origine parlementaire qui avait permis d'opérer des recoupements avec les fichiers de la taxe d'habitation. Enfin, il a relevé l'efficacité dont faisaient également preuve les agents anciennement en charge du service de la redevance audiovisuelle, s'agissant de leurs nouvelles activités de surveillance liées aux radars automatiques.
A cet égard, il a déploré la difficulté à conduire des réformes dans le secteur de la communication, en citant l'exemple des propositions qu'il avait formulées lors de la récente audition pour suite à donner à l'enquête demandée par la commission des finances à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, relative au Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER). Malgré la relative modicité des sommes en jeu, de l'ordre de 25 millions d'euros, il a regretté l'ampleur des réactions, disproportionnées, aux souhaits qu'il avait formulés, au nom de la commission des finances, afin d'améliorer le fonctionnement du FSER sans remettre en cause le lien entre la taxe affectée au fonds et la ressource garantie aux radios libres. Enfin, il a précisé avoir fait part de ses observations au syndicat national des radios libres.
Tout en observant que la clause de garantie des ressources avait dû s'appliquer, il a souhaité disposer de précisions quant au nombre de redevables exonérés du paiement de la redevance audiovisuelle selon les différents cas de figure : non-détention d'un appareil récepteur, exonération selon les critères légaux ou remise gracieuse au regard de la situation sociale, en demandant que soient distinguées les informations communiquées lors des déclarations à l'impôt sur le revenu, puis après réception de l'avis d'imposition à la taxe d'habitation.
Puis il s'est interrogé sur la possible évolution de la définition du fait générateur de la redevance audiovisuelle, au regard de la multiplication des moyens d'accès à la télévision, notamment par ligne numérique à paires asymétriques (« Asynchronous digital suscriber line » [ADSL]).
a précisé que le nombre de personnes ayant déclaré ne pas détenir un poste de télévision s'était élevé à 11 % pour l'année 2005, en observant que 10,1 % des redevables à l'impôt sur le revenu avaient indiqué ne pas posséder d'appareil récepteur de télévision lors de leur déclaration de revenus. Il a noté que ce taux moyen recouvrait de fortes disparités, puisque la déclaration de non-détention d'un appareil de télévision variait fortement selon les départements, entre 5,5 % dans le Pas-de-Calais et 21 % à Paris.
Dans la mesure où le taux d'équipement des ménages en appareil récepteur de télévision était estimé à 95 % (soit un taux de non-détention de 5 %), il a justifié l'écart avec le taux de 11 % pour les foyers fiscaux par les différences de définition retenue dans l'un et l'autre cas. Il a observé que certains contribuables avaient, de surcroît, coché la case correspondante, car ils bénéficiaient des dispositifs d'exonération légale, afin d'avoir une garantie supplémentaire qu'ils ne seraient pas imposés.
S'agissant du fait générateur de la redevance audiovisuelle, il s'est déclaré prêt à travailler avec la représentation nationale pour examiner précisément ce difficile sujet.
a souhaité disposer de précisions quant à l'assujettissement à la redevance audiovisuelle des gens du voyage, suite à l'adossement du recouvrement de la redevance à la taxe d'habitation.
a noté que le dispositif de vignette qui se mettrait en place pour la taxe d'habitation due par les gens du voyage pourrait prendre en compte la redevance audiovisuelle, tout en reconnaissant que cette question n'avait pas pu être pleinement traitée en 2005.
Après avoir souligné le développement de la diffusion de services télévisés par internet haut débit, M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la mission « Médias » au nom de la commission des affaires culturelles, a suggéré la création d'un groupe de travail consacré aux éventuelles conséquences des nouvelles technologies sur les encaissements de redevance.
Rappelant que la commission des affaires culturelles avait émis de sérieux doutes quant aux résultats attendus de la réforme du recouvrement de la redevance, il s'est interrogé sur les modalités de mise en oeuvre de cette dernière, notamment en matière de renforcement des contrôles. Il a souligné, à cet égard, que le rendement de certaines taxes, comme celle chargée autrefois d'alimenter le fonds de modernisation de la presse, était longtemps demeuré en deçà des prévisions, faute de contrôles efficaces effectués par les trésoriers payeurs généraux.
Soulignant que 95 % des radars routiers étaient disposés le long des routes départementales, il a souhaité que le produit des amendes encaissées à ce titre soit attribué aux conseils généraux.
Il s'est enfin demandé si, à l'occasion de la prochaine renégociation des contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales de programmes, le ministère du budget envisageait d'évaluer précisément le coût des missions de service public qui leur sont imposées.
Concernant le contrôle des particuliers, M. Jean-François Copé a déclaré que l'objectif était de vérifier la véracité des informations fournies à l'administration fiscale par l'intermédiaire de contrôles sur pièces et sur place. Considérant l'augmentation des contrôles comme la contrepartie de la réforme, il a affirmé son intention d'accroître l'efficacité de ces derniers.
Depuis 2005, des contrôles sur pièces sont organisés en croisant les fichiers transmis par la direction générale des impôts recensant les contribuables imposés à la taxe d'habitation déclarant ne pas avoir de télévision et les fichiers des vendeurs de récepteurs. Sur les 78.000 redevables ayant fait l'objet de ce type de recoupement, 33 % ont déclaré détenir un téléviseur et ont par conséquent reçu un rôle, 30 % ont maintenu leur déclaration initiale de non-détention, 23 % n'ont pas répondu et 7 % n'habitent pas à l'adresse indiquée. La procédure de rectification contradictoire a été engagée le 8 mars pour les personnes n'ayant pas répondu et a abouti, le cas échéant, à leur condamnation à payer les amendes définies par le code général des impôts.
Il a estimé que le contrôle des professionnels, réalisé sur place depuis janvier 2006, et le contrôle des vendeurs de récepteurs permettant de vérifier l'existence d'une déclaration de chaque vente de récepteur et l'envoi de cette déclaration au pôle national, ne posaient, quant à eux, pas de difficultés particulières.
Il a affirmé que l'évaluation des coûts de service public de France Télévisions serait au coeur des prochaines négociations relatives à la redéfinition du contrat d'objectifs et de moyens qui lient cette société à l'Etat. Précisant qu'il souhaitait éviter les contrats trop littéraires, il a affirmé que France Télévisions, à l'image des ministères, devait respecter les principes de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et s'inscrire dans une démarche de performance.
Rappelant que le produit net de la redevance pour 2005 avait été surestimé, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé s'il convenait d'ores et déjà de songer à rectifier les prévisions pour 2006.
a rappelé que le produit de la collecte de la redevance se décomposait de la manière suivante : 1.973 millions d'euros pour la redevance de l'année due par les particuliers, 78 millions d'euros dus par les professionnels et 208 millions d'euros concernant les recouvrements au titre des années antérieures. Compte tenu de la diminution des frais d'assiette, les recettes nettes se sont, par conséquent, élevées à 2.193 millions d'euros, soit 54 millions d'euros de plus par rapport à 2004.
Il a estimé que la différence de 9 millions d'euros constatée par rapport aux prévisions pour 2005 s'expliquait par les difficultés liées à la mise en place de la réforme. Après avoir affirmé que les résultats pour 2006 devraient être en ligne avec les prévisions, il a toutefois reconnu que, si les choses ne se passaient pas comme prévu, et en dépit de l'existence d'une garantie de ressources pour les organismes de l'audiovisuel public, une rectification des chiffres était envisageable.
a regretté, pour sa part, que la redevance audiovisuelle d'abonnement du citoyen au service public de la télévision et de la radio se soit progressivement transformée en impôt sur le récepteur audiovisuel. Constatant qu'il était désormais inenvisageable d'en augmenter le taux, il s'est demandé de quelle manière pouvaient être financées les missions spécifiques attribuées aux sociétés nationales de programmes.
a noté que le terme de redevance avait toujours été utilisé de manière impropre et qu'il s'agissait, dans les faits, d'une taxe parafiscale, devenue maintenant une taxe affectée. Soulignant que la légitimité de la redevance était depuis longtemps contestée sur tous les bancs du Parlement, il a toutefois constaté qu'elle était sans cesse reconduite.
a souhaité obtenir des précisions concernant le redéploiement des personnels du service de la redevance. Il a, notamment, voulu savoir si les 800 postes supprimés à la direction générale de la comptabilité publique ne l'auraient pas été en l'absence de réforme de la collecte de cette taxe, et si, par conséquent, il n'aurait pas pu être attendu une baisse plus importante des dépenses de personnel de l'Etat.
a rappelé que sur les quelque 1.400 agents concernés, 477 ont été affectés dans les services du réseau du Trésor public, 537 dans les nouvelles activités et 400 aux missions de contrôle et intégrés dans les effectifs des trésoreries générales. Ces derniers restent donc affectés au contrôle de la redevance pour une mission qui n'était pas, jusqu'alors, de la compétence des trésoreries générales.
Il a affirmé qu'il n'était pas envisageable de supprimer 1.000 agents immédiatement et qu'il appartenait désormais à chaque centre ayant récupéré de nouveaux effectifs de les intégrer progressivement.
Considérant que la notion de « poste de télévision » allait disparaître, M. Yann Gaillard a souhaité savoir s'il existait une réflexion relative à l'évolution des techniques de réception de la télévision et aux conséquences fiscales et financières de celle-ci.
a estimé que cette préoccupation était un sujet majeur, rejoignant les préoccupations de M. Louis de Broissia concernant l'adaptation de France Télévisions aux nouvelles technologies. Dans ces conditions, il a déclaré qu'il convenait de mener une réflexion en profondeur afin que le droit fiscal ne soit pas déconnecté de la réalité.
Remarquant que le taux de redevance applicable aux départements et territoires d'outre mer était moins élevé que celui fixé pour la France métropolitaine, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé si ceux-ci recevaient l'ensemble des chaînes publiques de radio et de télévision.
a indiqué que les départements et les territoires d'outre-mer recevaient RFO et la plupart des chaînes de service public.
En guise de conclusion, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, ont remercié M. Jean-François Copé pour son intervention et les précisions ainsi apportées concernant un sujet d'intérêt commun aux deux commissions.