Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 19 mai 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SNCF
  • autorité
  • ferroviaire
  • fret
  • marchandises
  • mode
  • routier
  • réseau

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Au titre des questions diverses, et dans la perspective de l'examen très prochain du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, je vous propose d'acter le périmètre des délégations de plusieurs articles du texte à la commission des affaires économiques, qui, en conséquence, deviendra seule compétente au fond sur ces dispositions.

La répartition des articles entre nos deux commissions s'est faite dans un esprit constructif, avec un souci de dialogue continu et dans la recherche constante d'un équilibre à la fois institutionnel et politique, rendu nécessaire par la diversité des sujets abordés dans ce texte. Je remercie chaleureusement Didier Mandelli pour son implication dans ces échanges.

Dès le mois de mars, un arbitrage du Président du Sénat a permis de fixer les principes d'une répartition par thèmes entre les deux commissions, sur la base du projet de loi initial. Début avril, Sophie Primas et moi-même avons réfléchi à la répartition des articles du texte tel qu'il résultait des travaux de la commission spéciale de l'Assemblée nationale. Enfin, depuis l'adoption du texte par l'Assemblée nationale, nous avons pu finaliser ce que je pourrais appeler un « acte de partage » stabilisé du texte climat, en tenant compte des nombreux articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale au cours des débats en séance publique.

Je souhaite encore une fois souligner que ce périmètre est avant toute chose le fruit d'un compromis politique. Il ne résulte pas, comme c'est l'usage, d'un partage juridique suivant les compétences de l'une ou l'autre commission, qui est d'habitude apprécié notamment au regard de l'historique de l'attribution des textes législatifs déposés ou transmis au Sénat entre les deux commissions.

Nous avons dû faire preuve de souplesse et travailler dans un esprit de compromis afin de trouver le meilleur équilibre qui fasse valoir l'expertise de nos deux commissions.

En particulier, les sujets faisant l'objet de compétences partagées entre les deux commissions aux termes de l'acte de partage ont donc dû être « départagés » avec pragmatisme et réalisme. Le meilleur exemple de cette recherche d'équilibre est à cet égard le partage que je vous proposerai concernant les modifications du code minier dont l'examen des dispositions au fond est réparti entre les deux commissions. Les articles relatifs à l'artificialisation des sols sont un autre exemple de ce compromis politique car ce sujet revêt une triple dimension « urbanisme », « aménagement du territoire », et « protection de la biodiversité ».

Je souhaite donc insister sur le caractère singulier - et qui doit le rester - de la répartition des articles telle que je vous la soumets.

C'est pourquoi le raisonnement particulier qui a été le nôtre avec la présidente de la commission des affaires économiques ne saurait donc tenir lieu de précédent lorsqu'il s'agira d'apprécier si un texte portant sur un sujet abordé dans le projet de loi « Climat et résilience » doit être - ou pas -renvoyé à notre commission au fond.

J'appelle votre attention sur un point de procédure concernant la délégation au fond. Selon une convention bien établie, la délégation d'articles interdit à la commission saisie au fond, c'est-à-dire dans le cas d'espèce à notre commission, de s'exprimer sur les articles qu'elle a délégués ni de déposer des amendements.

Voici donc le résultat de nos échanges.

Le titre Ier « Informer, former et sensibiliser », le titre III « Se déplacer » et le titre VI « Renforcer la protection judiciaire de l'environnement » seront intégralement examinés par notre commission, sans délégation au fond d'articles à la commission des affaires économiques.

Pour les autres titres du projet de loi, il est proposé de déléguer au fond à la commission des affaires économiques les articles 15 bis et 15 ter, 18 ter, 19 bis D à 19 bis F, 20 bis A, 20 ter, 20 quinquies A, 20 quinquies, 20 septies, 20 decies à 21, et 22 bis A à 22 bis, au sein du titre II « Produire et travailler » - ces articles concernent les marchés publics portant sur la fourniture de produits agricoles, l'énergie, et contiennent des dispositions relatives à la politique forestière. Sur le code minier, une répartition équilibrée et respectueuse des domaines d'expertise des deux commissions a pu être définie.

Il est aussi proposé de déléguer au fond l'ensemble du titre IV « Se loger », à l'exception des articles 46, 52 bis C, 56 à 57, 57 bis à 58 bis.

Les responsabilités sur le volet « Se nourrir » du titre V ont été partagées entre les deux commissions ; il est proposé de déléguer les articles 59 à 59 ter, 60 et 60 bis, 65 à 66 bis et 66 quater.

Au sein du titre VII (nouveau titre inséré par les députés relatif à l'évaluation), un seul article sera délégué : l'article 82 sur la restauration collective par coordination avec les dispositions sur les marchés publics.

Au total, ce sont 86 articles sur 218 que je vous propose de déléguer à la commission des affaires économiques, si vous en êtes d'accord.

Il en est ainsi décidé.

J'informe la commission que nos collègues de la commission des affaires économiques devraient se saisir d'environ 47 articles pour avis simple. Trois autres commissions se saisiront partiellement du texte pour avis : la commission des lois pour une trentaine d'articles ; la commission de la culture pour une quinzaine d'articles ; et la commission des finances pour cinq articles à ce stade.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

L'ordre du jour appelle l'examen des amendements de séance sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.

Je cède la parole à notre rapporteur M. Cyril Pellevat, pour la présentation de trois amendements de la commission et de son avis sur les amendements « extérieurs ».

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Je vous propose l'amendement n° 26, de coordination, pour tenir compte de la nouvelle architecture de l'article L. 6521-4 du code des transports.

L'amendement n° 26 est adopté.

Article 6

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Avec l'amendement n° 28, je vous propose de préciser que l'Autorité de régulation des transports ne pourra demander des informations aux gestionnaires d'aérodromes que pour les seules activités réalisées en France et régulées, prévues à l'article L. 6325-1 du code des transports.

L'amendement n° 28 est adopté.

Article 16

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 27 est rédactionnel.

L'amendement n° 27 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 12 renforce la fiabilité des tests de dépistage d'alcool et de substances psychoactives aux personnels de l'aérien, par des mesures de contre-vérification : sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 12.

Article 6

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 15 intègre à la loi la compétence aujourd'hui confiée par décret à l'Autorité de régulation des transports, de fixer les tarifs des redevances et leur modulation si la dernière homologation date de plus de vingt-quatre mois : sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Les amendements identiques n° 7 et 14, de même que les amendements identiques n° 8 et 16 et que les amendements identiques n° 9 et 17, renforcent les pouvoirs de l'Autorité de régulation des transports, au-delà de ce que nous l'avons fait la semaine dernière dans le texte de la commission. Nous avons pensé que l'extension du pouvoir d'information était suffisante, mais il faut avoir le débat en séance plénière. En attendant, sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Nous voulons, avec les amendements n° 7, 8 et 9, donner corps à la loi d'orientation des mobilités du 26 décembre 2019, en renforçant effectivement les pouvoirs de l'Autorité de régulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Nous poursuivons les mêmes objectifs avec les amendements n° 16, 17 et 18.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques n° 7 et 14, de même que sur les amendements identiques n° 8 et 16 et sur les amendements identiques n° 9 et 17.

Article 8

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 20 permet de déroger contractuellement à la responsabilité illimitée du transporteur aérien : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 2 supprime l'article 9 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Article 10

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 3 supprime l'article 10 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Article 13

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Les amendements identiques n° 11 et 19 précisent utilement les compétences de l'Autorité de régulation en matière de conciliation entre les percepteurs de péage et les prestataires du service européen de télépéage : avis favorable.

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques n° 11 et 19.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Les amendements identiques n° 10 et 18 supprime la mission d'enregistrement des prestataires du service européen de télépéage confié à l'Autorité de régulation : avis favorable.

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques n° 10 et 18.

Article 16

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 25 prévoit l'interdiction pour les navires de transporter à des fins d'utilisation des combustibles marins dont la teneur en soufre est supérieure à 0,5% : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 25.

Article 20

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 4 supprime le passage à quatre heures, au lieu de cinq, de la durée de repos obligatoire à partir de minuit pour les jeunes travailleurs à bord des navires : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Article additionnel après l'article 21

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 1 rectifié ter crée des exonérations de charges et de contributions sociales dans le secteur des compagnies maritimes assurant des opérations de transport international : je propose de demander l'avis du Gouvernement.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié ter.

Article 23

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 13 rend obligatoire la communication aux partenaires sociaux de certaines informations disponibles dans le système d'information du marché intérieur : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13.

Article 24

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 21 crée une dérogation à la loi « Littoral » pour les infrastructures liées au tunnel sous la Manche : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 22 poursuit le même objectif : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.

Articles additionnels après l'article 32

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 23 supprime la logique de critères et de seuils en matière d'évaluation environnementale et renforce la séparation fonctionnelle entre autorité chargée d'autoriser les projets et autorité chargée d'évaluer : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 24 est en repli du précédent, en ne retenant que la séparation entre autorité qui autorise et autorité qui évalue : j'y suis plutôt défavorable, mais j'aimerais connaître la position du Gouvernement, en particulier suite à la décision du Conseil d'État du 15 avril dernier.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L'amendement n° 5 ouvre l'évaluation environnementale aux petits projets : j'y suis défavorable, même si je souhaite, comme pour l'amendement précédent, interroger le Gouvernement sur les conséquences de la décision du Conseil d'État.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Mes chers collègues, nous allons à présent examiner les conclusions de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dont la création remonte au mois de novembre dernier. Nous avions d'ailleurs organisé en réunion plénière une table ronde sur l'avenir du fret ferroviaire pour commencer ces travaux.

Depuis lors, les rapporteurs ont eu l'occasion de le rappeler, les membres de la mission ont souhaité interroger un grand nombre d'acteurs du secteur, qui vont des transporteurs aux associations de riverains subissant des nuisances liées au trafic de marchandises. J'ai d'ailleurs eu le plaisir d'assister à plusieurs de ces auditions.

La décarbonation du transport de marchandises est un sujet d'attention de longue date pour notre commission. Nos travaux s'inscrivent donc dans cette perspective et viennent prolonger nos échanges sur le projet de loi d'orientation des mobilités, ou encore les propositions du rapport de notre ancien collègue Michel Vaspart. C'est en outre un sujet particulièrement complexe puisqu'il concerne plusieurs modes, et notamment les modes routier, ferroviaire et fluvial, qui ont leurs difficultés propres et qui concentrent des problématiques aussi variées que l'électrification du parc de poids lourds, les livraisons liées au commerce en ligne, ou encore le développement des modes massifiés.

Après 5 mois d'auditions, la mission d'information a identifié plusieurs axes de réflexion pour décarboner le transport de marchandises. Je me félicite d'ailleurs que ces travaux interviennent juste avant l'examen du projet de loi « Climat et résilience », dans lequel ils pourraient pour partie y trouver une traduction. En effet, notre démarche s'inscrit dans un souci, cher au président du Sénat, de privilégier les thèmes de contrôle en lien avec l'actualité législative ou les travaux des instances du Sénat.

Je laisse donc la parole à nos collègues, Rémy Pointereau et Nicole Bonnefoy, pour nous présenter les conclusions de leurs travaux. Mes chers collègues, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Mes chers collègues, en créant la mission d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, vous nous avez confié une tâche redoutable, puisque ce sujet met en jeu des compétences de transporteur, mais aussi de géographe, d'aménageur, de logisticien, d'ingénieur, de physicien de la propulsion électrique, de technicien et prévisionniste des motorisations, de climatologue et de chimiste en matière d'environnement ou de qualité de l'air.

Au cours de ses travaux, qui ont duré plus de cinq mois, notre mission d'information a entendu 35 organisations représentées par plus de 82 personnes, allant d'entreprises céréalières à des constructeurs automobiles, en passant par des associations environnementales, afin d'obtenir une vision d'ensemble du transport de marchandises.

Le premier constat réalisé par notre mission d'information est que le transport de marchandises a un rôle essentiel dans la vie de notre Nation. Sans transport, sans logistique, tout s'arrête : nos commerces, nos administrations et nos services publics, notre industrie, notre agriculture...La crise sanitaire l'a bien démontré : la préservation de nos chaînes logistiques revêt un caractère stratégique, parfois de vie ou de mort. Les crises successives, en 2008 d'abord, puis la crise sanitaire, ont durement éprouvé ce secteur, qui retrouvait en 2020 tout juste ses niveaux de 2007.

Notre second constat est que le transport intérieur de marchandises est majoritairement routier : près de 90 % des tonnes-kilomètres sont acheminées par la route. Cet essor s'est fait, comme vous le savez, au détriment du fer, et de la voie d'eau. Si la domination du routier est un phénomène européen, la France est particulièrement concernée, et ce malgré 30 ans de politiques de report modales successives. Le fret ferroviaire représente 9 % du transport de marchandises, contre presque 20 % pour nos voisins européens ; le fluvial compte pour 2, 3 % des flux, moins de la moitié de la moyenne européenne.

Ce constat est d'autant plus regrettable que c'est le mode routier qui est à l'origine de la quasi-totalité des émissions de gaz à effet de serre de transport de marchandises. En outre, l'impact environnemental du transport ne se limite pas à son bilan carbone. Notre mission d'information a tenu à travailler sur l'ensemble des externalités négatives causées par le transport : pollution atmosphérique, nuisances sonores, insécurité, congestion, dégradation de la voirie...

Face à ce constat, la démarche de notre mission a été d'explorer méthodiquement la question de l'impact environnemental du transport de marchandises sous tous ses angles. Ce travail a permis de structurer quatre grands axes de propositions sur la question de l'impact environnemental du transport de marchandises. Je tiens d'ailleurs à saluer la remarquable bonne entente, l'esprit de sérieux et de collaboration qui a marqué nos travaux et permis de fournir un ensemble de recommandations aussi riches et diverses.

Ces quatre grands axes sont :

- la massification du transport de marchandises ;

- la réduction des nuisances pour les riverains ;

- la décarbonation du transport routier ;

- la réorganisation du transport urbain de marchandises et la responsabilisation des consommateurs du e-commerce à l'égard de l'impact environnemental de leur livraison.

Je vous propose d'évoquer brièvement les enjeux de massification et de transition énergétique du secteur routier, et laisserai le soin à Nicole Bonnefoy de vous faire part de nos travaux sur les deux autres sujets, sachant que je souscris entièrement à ses propos.

Loin de vouloir opposer les modes entre eux, notre mission d'information considère au contraire qu'il est nécessaire de tirer le meilleur parti de leur complémentarité et de leur valeur ajoutée respective et que chaque mode a sa zone de pertinence.

Aussi, la mission considère qu'un développement du recours au fret ferroviaire et au fret fluvial est souhaitable, en particulier pour les trajets de longues distances. Nos réseaux ferré et fluvial disposent en effet de nombreux atouts. Ils sont tous deux particulièrement étendus : la France possède plus de 28 000 km de chemins de fer exploitable, et 8 500 km de voies navigables, dont 2 000 km de grand gabarit. La réalisation du Canal Seine-Nord-Europe, cher à notre collègue Stéphane Demilly, permettra d'ailleurs de renforcer la connexion du réseau fluvial français au réseau européen à grand gabarit, et de réduire de manière significative les coûts du recours au mode fluvial. Les modes massifiés sont également bien plus sobres du point de vue environnemental, et en particulier en matière d'émissions. Cependant, le potentiel des frets ferroviaire et fluvial est fortement contraint par plusieurs facteurs que la mission d'information a pu identifier. Je peux vous citer pêle-mêle la désindustrialisation de notre pays, le mauvais état de nos réseaux en raison d'un sous-investissement chronique, les coûts supplémentaires induits par les ruptures de charge, ou encore la flexibilité et la fiabilité du mode routier, qui a su développer un arsenal logistique redoutable. Pour enrayer la dégradation des parts modales et faire face aux impératifs environnementaux, il est urgent d'agir.

Pour cela nous proposons tout d'abord de soutenir la régénération et le développement des réseaux ferroviaire et fluvial, par un plan d'investissement massif et ciblé vers les infrastructures les plus stratégiques. En plus de ce plan, le respect de la trajectoire fixée dans le contrat d'objectifs et de performance conclu entre l'État et VNF est un facteur essentiel dans la réussite de la relance fluviale.

Par ailleurs, nous devons travailler à renforcer l'attractivité des modes massifiés, en allant au-delà des investissements d'infrastructure. Alors que les frais de rupture de charge représentent trop souvent encore un frein au recours aux modes massifiés, il faut augmenter l'« aide à la pince », comme le préconisait d'ailleurs le rapport de notre ancien collègue Michel Vaspart. De nombreux autres leviers peuvent également être activés pour soutenir le développement de ces modes : je pense notamment à la commande publique, qui doit prioriser le fluvial ou le ferroviaire, ou encore à un meilleur fléchage des certificats d'économie d'énergie vers le transport combiné.

Nos auditions ont permis d'établir que la force du mode routier réside surtout dans sa fiabilité, sa flexibilité et sa qualité de service, qui correspond aux impératifs des chargeurs. Dès lors, le transport massifié et plus particulièrement le fret ferroviaire, doit renforcer sa performance et son fonctionnement afin de se mettre sur un pied d'égalité avec la route. La mission d'information est donc favorable à l'insertion de critères de performance précis et assortis de bonus-malus dans le contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État, et à une révision de la procédure d'attribution des sillons, qui apparait trop rigide et complexe.

Un deuxième axe de travail dont s'est saisie notre mission est celui de la décarbonation du transport routier, qui est complémentaire à la massification. En effet, si nous sommes convaincus que le report modal est à la fois souhaitable et possible, nous sommes lucides sur le fait que le mode routier restera majoritaire pour de nombreuses années à venir, et que l'atteinte de nos objectifs environnementaux dépendra de sa transition.

Vous vous en doutez, la question de la transition énergétique du parc de poids lourds, composé de 600 000 véhicules, n'est pas une mince affaire. L'avenir du transport de marchandises se fera par la combinaison de plusieurs solutions, chacune pertinente pour un type de prestation. Les biocarburants, et notamment le biodiesel B100 ou le biogaz, ont un intérêt particulier : ils permettent d'atteindre une forte baisse d'émission de gaz à effet de serre, pour un coût et une complexité technique réduite. Les motorisations électriques et hydrogènes ont également toute leur pertinence, au regard des faibles émissions de tout type et de leur complémentarité : l'hydrogène pour les plus longues distances, l'électrique pour la desserte urbaine et régionale.

Cependant, chacune de ces solutions fait également face à plusieurs défis que nous devons tenter de relever. Concernant les biocarburants par exemple, des contraintes de production limitent ces motorisations à une énergie de transition secondaire. Pour l'électrique, le coût d'achat des véhicules (4 à 5 fois plus cher qu'un véhicule thermique), l'offre extrêmement limitée ainsi que des contraintes techniques comme l'autonomie ou le poids de la batterie empêchent la plupart des transporteurs d'investir dans ces technologies. L'hydrogène n'est quant à lui pas encore à un stade de maturité suffisante, d'autant plus que la création d'hydrogène décarboné ne sera pas prioritairement affectée aux transports. Enfin, pour toutes ces énergies, la question du réseau de recharge reste présente.

Il est donc nécessaire d'accompagner et d'aider ce secteur, avec des mesures ambitieuses et de bon sens. Nous proposons notamment de revoir et de renforcer les aides à l'achat de camions à motorisation alternative en les étendant aux biocarburants et en prolongeant les aides à l'hydrogène et l'électrique. Par ailleurs, pour inciter le renouvellement des camions les plus polluants, nous proposons de créer une prime à la destruction pour les véhicules de plus de 12 ans. La question du coût spécifique de l'électrique est également abordée : nous considérons qu'il est pertinent de proposer une remise sur la contribution au service public de l'électricité pour les transporteurs routiers.

Lors de nos travaux, nous avons évidemment été confrontés aux questions épineuses et complexes de la fiscalité du transport routier de marchandises. Plus particulièrement, nous avons abordé deux sujets : la suppression de l'avantage fiscal sur la TICPE sur le gazole routier, et l'éventuelle mise en oeuvre d'une éco-contribution, que certains pourraient appeler écotaxe.

Ces sujets sont complexes, et la mission d'information a pleinement conscience de la nécessité d'un équilibre entre une juste contribution du mode routier et l'importance de préserver notre secteur logistique, sans quoi il ne pourra pas investir dans sa transition énergétique. Il s'agit également de sujets pour lesquels nous aurons un débat riche et nourri dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience », qui aura lieu sous peu, et pour lequel des auditions sont toujours en cours.

Notre mission d'information n'a pas souhaité se prononcer catégoriquement sur ces dispositifs, au regard des circonstances et des travaux toujours en cours. Cependant, nous avons déterminé plusieurs orientations concernant une potentielle augmentation de la fiscalité sur le transport. Tout d'abord, la question de la taxation doit être abordée avec précaution, de préférence dans un cadre européen, car la compétitivité du pavillon français pourrait être fortement touchée. Par ailleurs, si elle devait être mise en oeuvre, il s'agirait de privilégier une écotaxe, ou plutôt une éco-contribution, kilométrique, et harmonisée au niveau national (en matière d'assiette et de taux par exemple). Enfin, la mission considère qu'il est indispensable d'affecter au moins une partie d'éventuelles recettes supplémentaires à la route et au transport routier.

Voici les principales orientations de nos travaux, bien sûr non exhaustives, concernant la massification et la transition énergétique. Je passe maintenant la parole à Nicole Bonnefoy, ma co-rapporteure, que je souhaite remercier pour la qualité des échanges que nous avons eus et les avancements que nous avons pu faire en matière de transition et de décarbonation avec l'ensemble de nos collègues qui ont participé activement à cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Merci cher collègue rapporteur pour ces mots. Ce fut un plaisir de mener en bonne intelligence les travaux de cette mission que vous nous avez confiée qui nous aura permis de véritablement appréhender la complexité et les nuances de l'impact environnemental du transport de marchandises.

Comme Rémy Pointereau l'a rappelé, l'impact environnemental du transport de marchandises ne se limite pas à ses émissions de gaz à effet de serre, bien qu'il s'agisse d'un enjeu particulièrement crucial au regard des engagements de la France. Notre mission s'est penchée sur la question des nuisances causées par le trafic de poids lourds, et notamment le trafic sur le réseau secondaire, qui peut causer des situations particulièrement difficiles pour les riverains. Ceux qui me connaissent sauront qu'il s'agit d'une préoccupation qui m'est chère, mais que de nombreux autres élus partagent, à commencer par notre président de commission. En effet, le report sur le réseau secondaire de poids lourds qui devraient emprunter le réseau autoroutier engendre de nombreuses difficultés pour les collectivités et les habitants concernés. Les externalités négatives sont multiples : pollution atmosphérique, augmentation du nombre d'accidents et insécurité, congestion routière, dégradation de voies qui ne sont pas adaptées, nuisances sonores, vibrations... la liste est longue.

Or, si les maires disposent du pouvoir de police de la circulation sur le territoire de leur commune, notre mission a entendu que la mise en oeuvre de mesures de restriction de circulation pour les poids lourds était en pratique particulièrement difficile à mettre en oeuvre pour les élus locaux. En effet, il existe un manque certain d'information et de clarté sur les critères spécifiques qui permettent de justifier des telles mesures, avec également une jurisprudence complexe et favorisant la liberté de circulation des marchandises. La préfecture du Cher nous a ainsi indiqué qu'il leur avait fallu 10 ans pour prendre un arrêté sur un tel itinéraire de fuite.

La mission a donc considéré qu'il fallait sans attendre renforcer l'information et les pouvoirs des élus locaux. Nous proposons tout d'abord d'informer les maires, par le biais d'une circulaire, du cadre juridique précis et de la jurisprudence applicable à cette situation afin de faciliter leur action. La mission d'information appelle également à ce que l'État cartographie au niveau national tous ces itinéraires de fuite, afin qu'ils soient officiellement reconnus. À partir de cette cartographie, nous proposons de prévoir que pour chaque itinéraire, le préfet doive engager une consultation avec tous les acteurs pour trouver des leviers de réduction de nuisances. Ce nouveau cadre permettrait d'assurer qu'agir face aux nuisances devient la règle et non plus l'exception.

En complément de cette mesure, si la concertation prévue n'aboutit pas, nous proposons enfin de mettre en place un nouveau zonage, des « zones de réduction des nuisances liées au transport routier de marchandises », dont le cadre juridique serait, suivant des modalités adaptées, inspiré des ZFE. Les ZFE sont fondées uniquement sur le critère de la qualité de l'air, ce qui ne correspond aux besoins de terrain de ces populations rurales qui sont soumises à ces nuisances. Ainsi, les zones de réduction de nuisances seraient-elles basées sur un ensemble de critères, qui permettraient aux élus de pouvoir mieux protéger leurs populations.

Enfin, nous souhaitons plus généralement que cette action soit accompagnée d'un renforcement des sanctions et d'une augmentation des contrôles. Je prends pour exemple mon département, où ce sont 800 procès-verbaux par année, pour 10 000 camions par jour, des procès-verbaux qui n'empêchent pas que les infractions se reproduisent. Ce renforcement des sanctions permettrait de lutter contre l'essor de pratiques illégales et dangereuses qui est observé sur le terrain, relatives au respect des restrictions de circulation, mais aussi du droit social européen en matière de transport de marchandises (repos des conducteurs, cabotage, etc.). Il s'agit là de lutter contre l'insécurité, mais aussi contre la concurrence déloyale.

Enfin, le quatrième axe sur lequel notre mission d'information a travaillé est celui du transport urbain, et des livraisons liées au e-commerce. La livraison dite du « dernier kilomètre » représente une partie non négligeable des émissions et des externalités négatives du transport de marchandises. Ainsi, à Paris et Bordeaux, 25 % des émissions de CO2 viendraient des poids lourds et des véhicules utilitaires légers (aussi appelés VUL) utilisés pour ces livraisons. Le recours aux VUL s'est particulièrement accéléré avec la crise sanitaire que nous vivons, étant particulièrement adaptés par leurs tailles à de petites livraisons à domicile. Or, ces VUL, s'ils parcourent de moindres distances, sont fortement émetteurs : on estime à 3,7 milliards le coût social de la pollution induite par ces véhicules.

La mission d'information a donc considéré qu'il était pertinent d'agir sur la question de la logistique urbaine afin de maitriser son empreinte environnementale. Le premier levier identifié est l'amélioration de l'empreinte environnementale des VUL, à travers des changements de régulation et une accélération du verdissement. Ainsi, la mission d'information propose que les conducteurs de VUL utilisés pour compte d'autrui soient soumis à une obligation de formation initiale, qui comprendrait un volet relatif à l'impact environnemental de la conduite. Concernant le verdissement des motorisations, la situation des VUL est différente de celle des poids lourds, car l'électrification du parc est à la fois plus pertinente et plus accessible. Il parait donc nécessaire de renforcer le soutien à cette transition, et de prolonger le suramortissement pour l'achat d'un VUL fonctionnant à une motorisation alternative jusqu'à 2030.

Par ailleurs, la question de la planification logistique en milieu urbain est souvent revenue au cours de nos travaux comme un sujet d'attention, et un potentiel levier d'amélioration de la performance environnementale du transport de marchandises, y compris de la livraison du dernier kilomètre. La question du positionnement des entrepôts parait stratégique, tant pour encourager le report modal que pour limiter les distances des déplacements vers les zones urbaines. Il est également apparu que les collectivités se saisissent trop peu des questions de planification de la logistique, malgré les mesures qui y étaient dédiées dans la LOM. Nous proposons donc de favoriser la planification stratégique des plateformes logistiques au niveau local, notamment afin de faciliter la localisation d'entrepôts à proximité d'axes de transport massifié.

Enfin, notre mission a observé que le commerce en ligne connait un essor important depuis ces dernières années, une croissance évidemment renforcée par la pandémie. 1 milliard de colis sont désormais livrés chaque année en France. Or, le recours accru au e-commerce, avec l'atomisation des commandes et le raccourcissement des délais de livraison, aggrave l'empreinte environnementale de cette pratique. Sur ce point, notre mission a organisé une consultation en ligne, concernant la livraison liée au e-commerce et son empreinte environnementale, qui a récolté plus de 2 700 réponses, ce dont on peut se féliciter.

Les résultats de cette consultation sont édifiants. 93 % des personnes interrogées ont indiqué qu'elles s'estimaient insuffisamment informées des conséquences environnementales de la livraison lorsqu'elles effectuent un achat en ligne. Près de 90 % des personnes interrogées répondaient également qu'elles souhaiteraient avoir davantage le choix des modalités de livraisons, notamment le délai, le type de véhicule ou le lieu de livraison (chez soi ou point relais). Sur la base de nos travaux et de ces réponses, nous avons construit plusieurs propositions qui permettraient de maîtriser l'empreinte environnementale de ces livraisons et de sensibiliser le consommateur à cet enjeu.

Tout d'abord, nous considérons qu'il est nécessaire d'interdire l'affichage de la mention « ?livraison gratuite? » sur les sites de vente en ligne et la publicité portant sur la livraison gratuite. En effet, cette pratique donne l'impression que les livraisons n'ont aucun coût - y compris environnemental - et dévalorise l'acte de livraison. Ainsi, les entreprises devraient nécessairement communiquer le coût pour elles de la livraison lors de la facturation, dans un objectif de transparence.

La mission a également souhaité renforcer l'information et la capacité d'action du consommateur. Nous proposons donc que les livraisons proposées sur des sites en ligne renseignent leur bilan carbone, qui tiendrait compte de la localisation du produit, des délais de livraison proposés et du lieu de livraison, pour permettre au consommateur de moduler son choix de livraison. Le pendant de cette proposition est d'assurer que le consommateur puisse choisir des solutions de livraison plus « vertes », afin de favoriser des comportements vertueux. Nous considérons donc qu'il faut laisser le choix au consommateur entre plusieurs options de livraison, en matière de délai ou de lieu de livraison, pour favoriser le point relais.

Plus généralement, nous proposons de développer un label qui valoriserait les entreprises engagées dans des démarches de logistique vertueuse (transport massifié ou décarboné), y compris pour le dernier kilomètre.

Vous l'aurez compris, chers collègues, la transition écologique du transport de marchandises est une problématique qui dépasse largement la question d'électrifier tout le parc. Il n'y a pas de panacée, pas de solution miracle qui permettra de tout résoudre. Au contraire, nous n'avons voulu écarter aucune piste, et actionner tous les leviers possibles afin d'enclencher une véritable dynamique pour un transport plus sobre, plus massifié, plus responsable. Je vous rappelle que, d'après le Haut Conseil pour le climat, le secteur des transports est le seul secteur en France dont les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté depuis les années 1990.

L'enjeu est donc de taille. La décarbonation du transport de marchandises nécessite à la fois de la lucidité, pour ne pas punir les transporteurs sans les accompagner, et de l'ambition, pour relancer les modes massifiés et transformer durablement cet écosystème. Nos 40 propositions ont été pensées avec cet équilibre en tête, qui nous a paru plus que jamais nécessaire pour faire avancer la France et réussir sa transition écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Merci aux rapporteurs. Pendant plusieurs mois, vous avez effectivement fait un travail remarquable qui permet d'apporter un plus aux travaux que nous menons sur la loi climat. Bravo pour cette réalisation.

Je vais donner la parole à Monsieur Fernique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Merci monsieur le président. Effectivement cette mission d'information animée par Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau a été particulièrement positive, je dirais, à deux titres.

D'abord parce qu'elle a permis effectivement par la succession de très riches et éclairantes auditions de bien prendre la mesure des enjeux, des freins, des leviers, et des options différentes. Ensuite parce que la quarantaine de propositions qui en découlent sont pertinentes et consensuelles, sans être molles pour autant.

Nous nous retrouvons dans les principales orientations qui se dégagent de ce rapport. Tout d'abord, la nécessité d'un important rehaussement des investissements pour régénérer les modes ferroviaires et fluviaux, de façon à permettre un important report modal, à la hauteur des objectifs aujourd'hui affichés. Ensuite, la volonté de s'attaquer résolument et méthodiquement aux flux de poids lourds indésirables qui impactent des territoires, sur des axes secondaires qui ne sont pas faits pour ce transit. Nous nous retrouvons également dans le choix de structurer et de sécuriser la trajectoire de décarbonation des véhicules ; il faudra d'ailleurs veiller à ce que cette mutation industrielle soit accompagnée d'un volet de sécurisation sociale, de formation, d'adaptation pour que ce progrès ne se solde pas par un désastre pour l'emploi pour certains territoires et pour toutes les filières amont et aval. Nous nous retrouvons enfin dans la position responsable et non démagogique sur la fiscalité du transport de marchandises, avec des propositions de cohérence, d'efficience et d'efficacité. Je fais le voeu que le débat à venir sur l'article 32 de la loi climat soit animé par le même esprit.

Nous avons juste une réserve pour l'instant sur la proposition n° 20 qui porte sur l'avenir de la taxe à l'essieu dans les négociations sur l'Eurovignette, proposition sur laquelle nous avons besoin d'approfondir notre réflexion.

Enfin, je salue la volonté de réguler la logistique urbaine pour en finir avec les abus et les nuisances, amplifiées par la désorganisation, et d'agir sur les pratiques commerciales et les consommateurs pour qu'ils évoluent de façon plus responsable. Au final, vous l'aurez compris, en remerciant les deux co-rapporteurs de cette mission, notre vote sera positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Les rapporteurs souhaitent-ils apporter des précisions par rapport à ce qui a été dit par Monsieur Fernique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je voudrais remercier notre collègue Jacques Fernique d'avoir d'abord assisté à la plupart des réunions et auditions de notre mission ; il y a apporté sa pierre à l'édifice. Merci de saluer ce consensus que nous avons pu ressortir de ces préconisations. Concernant la taxe à l'essieu, effectivement, nous avons prévu de la supprimer, dans la mesure où l'éco-contribution serait mise en place. Mais il va de soi que nous ne pouvons pas non plus punir les transporteurs en permanence, il faut aussi les accompagner et soulager leur fiscalité.

Si nous mettions en place une éco-contribution, je ne serais pas nécessairement favorable à une éco-contribution régionale, mais plutôt à une éco-contribution sur tous les trafics de transits, notamment nord-sud, qui traversent notre pays sans apporter leur obole pour refaire nos routes, nos infrastructures. Nous savons que ce n'est pas une chose facile, compte tenu des règles européennes, mais il serait important de pouvoir cibler cette éco-contribution pour ceux qui polluent le plus et qui ne consomment rien sur notre territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Concernant la taxe à l'essieu, c'est donc une obligation européenne dont on a considéré qu'elle était assez inefficace puisque son rendement est faible, son coût de recouvrement est élevé, et qu'elle n'est pas modulable selon les coûts externes environnementaux des véhicules. La mission a considéré que sa suppression permettrait justement de mettre en place une fiscalité qui pourrait être plus lisible et plus juste ; c'était le sens de nos travaux et j'imagine bien que dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience », au regard des propositions qui sont faites sur l'éco-contribution ou écotaxe, le volet fiscal viendra évidemment en discussion. En tout cas, voilà la position de notre mission, concernant la proposition n° 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je me permets un ajout, car j'ai l'impression que soit notre rapport est complet et donc il n'y a pas d'observations et je m'en réjouis, soit, nous n'avons peut-être pas été assez loin, ce qui peut peut-être générer d'autres questions.

Un constat que j'ai pu faire au cours des auditions, c'est que beaucoup d'opérateurs ne croient plus au fret ferroviaire. De nombreux opérateurs nous ont dit : dans les conditions de la SNCF aujourd'hui, on ne peut pas travailler avec eux parce qu'ils ne sont pas assez souples : pour avoir des sillons, c'est d'une complexité sans nom, quand on veut faire des opérations sur le moyen terme, on nous demande d'avoir une vision sur 3 ans. Imaginez une coopérative céréalière qui doit assurer à la SNCF que pendant 3 ans, elle va livrer tant de marchandises : c'est impossible pour elle de prévoir les volumes qu'elle va livrer, compte tenu de la climatologie, etc.

Je pense qu'il faut que SNCF Réseau devienne une véritable entreprise. Quand je dis entreprise, je pèse mes mots : il faut qu'elle soit réactive, qu'elle soit beaucoup plus souple, qu'elle ne mette pas de pénalités aux entreprises si elles n'assurent pas le contrat prévu au départ.

Il faut également que l'on fasse un effort considérable sur la réhabilitation des embranchements ferroviaires. Il y a une partie de ces embranchements qui appartient souvent aux entreprises ; or, il faut savoir que le coût de rénovation d'un embranchement, c'est entre 500 000 et 1 million d'euros le kilomètre et que les entreprises préfèrent donc acheter des camions et en mettre plus sur les routes. Le problème est là, et SNCF Réseau doit se remettre en question.

Aujourd'hui, on peut difficilement dire qu'il n'y a pas suffisamment de sillons : il y a de moins en moins de trains de voyageurs, de moins en moins de TER dans un certain nombre de régions. Il faut donc que SNCF réseau devienne une véritable entreprise pour essayer de réagir à cette volonté de doubler le fret ferroviaire. Nous sommes à 9 %, notre objectif serait de passer à 20 % et pour cela, il y a encore du chemin à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Merci, monsieur le rapporteur. Au début de votre propos, vous avez dit que soit il n'y avait pas de question parce que ça s'est bien passé, soit que vous n'étiez pas allé assez loin, vous avez oublié un troisième « soit », c'est peut-être que votre rapport est excellent !

C'est pour ça qu'il y a peu de questions ; non seulement vous avez été très bon, mais en plus il y a eu un travail très collectif comme vous l'avez dit tout à l'heure, les membres de la mission ont vraiment participé, sont venus aux rencontres, aux réunions. Il s'agit de la juste récompense d'un travail de grande qualité qui a été fait pendant plusieurs mois sur ce dossier.

Effectivement, on ne fera pas de fret sans SNCF Réseau, c'est évident, et je crois qu'il faudra qu'on puisse les voir dans des délais rapprochés pour connaître leurs intentions, leurs ambitions et savoir comment au moins doubler la part modale du rail.

Je donne la parole à Didier Mandelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Moi aussi, monsieur le président, je voulais reprendre ce vous venez de dire. S'il n'y a pas de questions ou d'observations majeures, c'est parce que vous avez balayé l'ensemble du sujet, vous êtes allé au fond avec des propositions très concrètes et pleines de bon sens, partagées, c'était souligné par notre collègue, par tous.

Je voulais donc simplement vous remercier pour la qualité de votre travail et dire que c'est un peu la marque de fabrique du Sénat, mais aussi de notre commission d'être, sur des sujets très techniques, pragmatiques, et de les aborder avec beaucoup de bon sens. Je voudrais d'ailleurs faire le lien avec la mission qui avait été conduite par Martine Filleul et Michel Vaspart sur les ports, puisqu'il y a un lien évident avec les questions d'infrastructures ferroviaires soulevées dans le cadre de ce travail.

Le Gouvernement devra bien sûr remercier la commission et les rapporteurs pour ce travail juste avant le projet de loi « Climat et résilience », dans lequel j'espère, on retrouvera un certain nombre de ces recommandations traduites sous forme d'amendement. C'est rendre un grand service à la collectivité au sens large et à notre pays de travailler sur le fond. Afficher des objectifs, c'est bien, présenter des stratégies nationales, c'est très bien, mais le Sénat fait le travail de fond pour aider le Gouvernement à prendre des décisions.

Nous verrons si ce travail se traduit concrètement, avec des avis favorables du Gouvernement sur un certain nombre de propositions dans le texte. Afin d'atteindre l'objectif de doubler la part du transport ferroviaire, vous avez défini toutes les recommandations à prendre en compte, donc merci pour ce travail qui nous aidera tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

En effet, je souhaite vraiment qu'au regard de l'esprit qui a prévalu dans le cadre des travaux de cette mission d'information, on ait le même climat de travail dans la loi, sans faire de mauvais jeu de mots, « Climat et résilience ». J'émets le souhait qu'un esprit d'avancer, de proposer nourrisse nos travaux sur le projet de loi.

Je donne la parole à monsieur Jacquin.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Cher président, j'étais en commission des affaires sociales, pour défendre une proposition de loi sur l'« uberisation » et si je défends ce sujet important des travailleurs des plateformes, c'est parce que nous avions travaillé dans la loi d'orientation des mobilités sur ces fameuses chartes que nous avions supprimées à l'unanimité.

Concernant cette mission d'information sur le transport de marchandises, je tiens vraiment à saluer la qualité du travail des auditions et l'écoute mutuelle qui a prévalu dans cette mission pour intégrer un maximum de propositions. Je salue notamment ma collègue Nicole Bonnefoy pour ses recherches de solutions afin de limiter les effets catastrophiques des fuites de camions sur les petites routes et cette idée de zones dans lesquelles on pourrait expérimenter des dispositifs pour les éviter, à l'image des ZFE,est excellente.

Je voudrais pour ma part relever trois points, en complément des excellentes propositions de la mission. Je ne sais pas si vous êtes abonné à la Mobilettre de Gilles Dansart, mais hier il a publié le rapport sur les trains d'équilibre du territoire. Ce rapport avait été demandé dans la loi d'orientation des mobilités, il devait être fourni en décembre 2020, et ne l'avait jamais été. C'est grâce à la presse libre que ce rapport a été rendu public hier. Pourquoi j'en parle ? Parce que sur le fret ferroviaire, oublié de la loi « Climat et résilience », très présent dans cette mission d'information, il avait été demandé au Gouvernement dans la loi d'orientation des mobilités de se pourvoir d'une stratégie fret qui au final sera dévoilée après la loi « Climat et résilience ».

Je salue également les rapporteurs qui ont intégré mes dernières propositions dans le rapport, notamment sur le fret ferroviaire, qui consistent, en plus d'inciter SNCF Réseau à améliorer la qualité des sillons et la qualité de service, à intégrer une remarque qui révèle le fait que pour SNCF Réseau, faire circuler un train de marchandises crée du déficit.

En effet, le prix des sillons est très faible et insuffisamment compensé par le Gouvernement, en dépit de ses injonctions politiques à multiplier le fret ; plus il y aura de fret ferroviaire, plus SNCF Réseau sera en situation déficitaire. Il nous faut absolument résoudre ce problème. J'ai ainsi dit à Rémy Pointereau, car nous sommes tous deux collègues agriculteurs, qu'il s'agit d'une situation similaire à celle des protéagineux. Même si le Gouvernement appelle à cultiver des protéagineux, si la marge brute annuelle est déficitaire en protéagineux, les agriculteurs continueront à cultiver de la betterave. Pour SNCF Réseau, la situation est identique.

Concernant les villes et notamment les véhicules utilitaires légers, il y faut également avoir ce sujet en ligne de mire : le VUL est un cheval de Troie qui vient déstructurer le transport de marchandises. En effet, lorsque vous êtes dans un VUL vous n'êtes pas soumis au chronotachygraphe, vous n'êtes pas soumis aux horaires de circulation, vous pouvez par exemple pénétrer dans les villes le dimanche. Une proposition de l'excellent rapport de Damien Pichereau à l'Assemblée nationale avait consisté à dire qu'il conviendrait d'identifier par une signalétique les VUL utilisés pour le compte d'autrui afin de pouvoir les contrôler. En effet, la difficulté avec les VUL est qu'il est difficile de faire la différence entre la camionnette du plombier local de celle du chauffeur hongrois qui vient éclater le fret d'un poids lourd à l'entrée d'une ville pour le diffuser partout avec des véhicules extrêmement polluants.

Enfin, j'aurais une dernière remarque sur ce qui doit être la responsabilité des transporteurs directement et ce qui doit être remonté au niveau des donneurs d'ordre et des chargeurs. Là aussi, il faut que nous trouvions des solutions pour répartir les charges et les responsabilités correctement tant en matière d'écotaxe ou d'éco-contribution que pour le transport du dernier kilomètre des plateformes telles Amazon qui risquent de venir saturer nos villes et nos réseaux de transport déjà bien congestionnés.

Voici ma petite contribution finale, en guise d'applaudissements et de félicitations pour ce travail intéressant de la part de Rémy Pointereau et de Nicole Bonnefoy, je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

S'il n'y a plus de questions, je vais mettre aux voix le rapport de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux.

Y a-t-il des oppositions ? Je n'en vois pas,

y a-t-il des abstentions ? Je n'en vois pas non plus.

Le rapport est adopté à l'unanimité. Bravo à vous deux pour le travail fait, et merci à tous les collègues qui se sont engagés depuis plusieurs mois et qui ont enrichi par leurs propositions ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Je remercie tous les collègues pour leurs propos très positifs, qui nous touchent. Comme d'habitude au Sénat, nous allons évidemment déposer des amendements au nom de la mission dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience ».

En termes de communication, un essentiel sera disponible ; chacun pourra s'appuyer sur ce document et le diffuser. Une infographie a également été réalisée par la direction de la communication du Sénat, que je vous invite à consulter.