La commission procède à l'audition de M. Jean-Marc Schlenker, président du comité de suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
Cette audition constitue un moment privilégié pour notre comité dans la mesure où elle nous donne l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je procèderai, dans un premier temps, à une brève présentation de l'historique de la mise en place du comité de suivi et de ses responsabilités.
Ce comité a été institué en janvier 2008, pour une période de cinq ans, afin de suivre l'application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). Ce texte a introduit, en effet, une véritable révolution au sein du monde des universités et de la recherche. Composé de douze personnalités qualifiées et de quatre parlementaires (deux députés et deux sénateurs), notre comité a pour mission d'évaluer l'impact de cette législation sur le paysage universitaire français.
Au cours de la période récente, nous avons pu observer une prise de conscience progressive de l'importance des questions de compétitivité dans les domaines universitaire et de la recherche, consécutivement à deux chocs extérieurs :
- en 2000, la stratégie de Lisbonne a introduit au coeur des priorités de l'Union européenne la construction d'une économie de la connaissance fondée sur l'innovation, avec l'ambition d'élever l'Europe au rang de centre mondial d'excellence de la recherche scientifique ;
- en 2003, la publication du classement de Shanghai, dans lequel la première université française ne figurait qu'au 65ème rang, a révélé que la France accusait une perte de terrain sur le plan international, non seulement vis-à-vis de ses concurrents américains, britanniques et allemands mais également vis-à-vis de nouveaux pays en pointe dans le domaine de la recherche comme la Chine ou la Corée du Sud.
Dans ce contexte, le législateur est intervenu en 2006 pour créer les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), dans une logique de renforcement de la visibilité internationale de nos établissements d'enseignement supérieur via des regroupements disposant d'une taille critique, et de mutualisation des moyens des sites universitaires afin d'améliorer l'efficacité de nos dispositifs de recherche.
En 2007, le vote de la loi LRU a permis de conférer aux universités une autonomie qui leur faisait, depuis trop longtemps, défaut. Ce texte s'est également employé à améliorer la gouvernance de nos établissements universitaires par la diminution de la taille de leurs conseils d'administration, et à susciter le développement de structures nouvelles afin de mettre en oeuvre des initiatives d'excellence dans le domaine de la recherche.
Le rapport de 2010 du comité de suivi s'est articulé autour de quatre grandes parties :
- la première partie a été consacrée à la montée en puissance des responsabilités et des compétences élargies des universités, qui s'est notamment accompagnée d'importants transferts de masse salariale et d'une consolidation de la dotation de l'État aux établissements universitaires ;
- la deuxième partie a porté sur le développement et l'évolution de stratégies internes aux universités ;
- la troisième partie a étudié l'évolution des relations entre l'État stratège et les universités à autonomie renforcée ;
- enfin, la quatrième partie a évalué le nouveau positionnement des universités dans leur environnement.
Un total de 33 recommandations ont été formulées en lien avec ces différents thèmes. Parmi celles-ci, on retiendra quelques pistes prioritaires dégagées par le comité de suivi :
- il est capital de faire évoluer la logique de travail au sein des conseils d'administration des universités afin que ceux-ci s'imposent enfin comme des lieux de débat et de réflexion stratégique, dans la mesure où ils ont encore été trop marqués, jusqu'ici, par des aspects de gestion quotidienne ;
- aux côtés des mécanismes d'évaluation externe, il convient de développer les procédures d'évaluation interne, dans une démarche d'autoévaluation ;
- il est indispensable de veiller au maintien du lien entre formation et recherche dans le cadre du montage de nouvelles structures de coopération.
La quasi-totalité des universités auront acquis de façon effective, en 2011, les compétences qui leur ont été conférées par la loi LRU. À cet égard, le comité de suivi a relevé un très bon accompagnement de la part de l'inspection générale et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Nous nous sommes également penchés sur la structuration de nos établissements d'enseignement supérieur au niveau de leurs territoires respectifs. Nous en avons retiré un sentiment de complexification accrue. Pour autant, il apparaît que la loi LRU n'est pas en contradiction avec une nécessaire politique de consolidation des sites universitaires et de mutualisation.
Nous avons pu constater que tous les établissements universitaires n'étaient pas concernés au même niveau, selon les territoires où ils sont implantés, par les politiques mises en place dans le cadre de la loi LRU. Dans ces circonstances, le comité de suivi a souhaité disposer d'une meilleure visibilité sur la stratégie d'aménagement du territoire de l'État en matière d'enseignement supérieur et de recherche, afin d'obtenir des éléments de réponse à de multiples interrogations. Quelle est la cohérence des dispositifs mis en place ? De quelle façon cette stratégie prend-elle en compte l'ensemble des territoires ? Comment évolue la régulation mise en oeuvre par l'État ?
Le type de relations liant l'État aux établissements universitaires pose la question de la place du contrat quadriennal, que la loi LRU reconnaît désormais sur le plan juridique, dans une logique de croisement de la politique nationale de recherche et des politiques d'aménagement du territoire. En particulier, une interrogation demeure : quel type d'accompagnement est prévu en ce qui concerne les établissements qui ne bénéficient pas des investissements d'avenir ?
Le comité de suivi a axé sa réflexion autour des sept préoccupations suivantes :
- nous avons observé une complexification croissante des structures de coopération entre établissements, dont l'évolution est très rapide. En parallèle à cette grande complexité, on constate une faible visibilité de ces structures nouvelles, ce qui pose des problèmes de lisibilité aussi bien auprès de nos partenaires universitaires hors de France, en particulier en Europe, mais également au sein même de la communauté universitaire française qui, elle aussi, peine à s'y retrouver ;
- en ce qui concerne les structures internes aux établissements universitaires, nous avons relevé un développement important de nouveaux dispositifs tels que des fondations, des laboratoires et équipements d'excellence, qui s'ajoutent aux dispositifs existants ;
- en matière de nouveaux modes de gestion des établissements, il est regrettable que les nouveaux moyens prévus par la loi LRU soient encore relativement peu utilisés. C'est notamment le cas des délégations du conseil d'administration au président de l'université afin que ce dernier soit habilité à prendre des décisions concernant l'avenir stratégique de l'établissement, ou encore du développement de sénats académiques destinés à distinguer les aspects exécutifs et les aspects académiques dans le fonctionnement des universités. Dès lors, nous sommes en droit de nous interroger sur la nécessité d'adapter la loi LRU afin d'aménager une flexibilité supplémentaire, dans la mesure où le texte est encore parfois jugé trop rigide en certaines circonstances ;
- de nombreux freins à l'autonomie existent, et ils sont d'ordre à la fois institutionnel et psychologique ;
- en matière de dévolution du patrimoine, le comité de suivi s'est limité à un rôle d'observation. Nous avons néanmoins pu identifier des difficultés potentielles et pris la mesure de l'ampleur des conséquences financières qui s'attachent à ce thème ;
- en ce qui concerne les modes de régulation mis en oeuvre par l'État, la loi LRU a conféré aux établissements un degré d'autonomie assez avancé. Or, il faut garder à l'esprit que l'État est à l'origine de quasi-totalité du financement de nos établissements universitaires. Par conséquent, il convient d'évaluer non seulement la facture et le contenu des contrats entre l'État et les universités, mais également l'importance des incitations indirectes. En outre, la régulation peut intervenir par la voie d'indicateurs en matière de qualité de la recherche et de critères d'évaluation des établissements, sur lesquels l'État est en mesure d'agir. La généralisation des bonnes pratiques, notamment dans les domaines de la formation et de la mobilité des enseignants-chercheurs constitue également un mode de régulation ;
- en matière de mobilité des enseignants, notre pays se singularise malheureusement par une faible mobilité de ses enseignants-chercheurs par rapport à ses principaux partenaires internationaux. Pourtant, la loi LRU a imposé aux établissements une obligation de mobilité externe. Il s'agit là d'un enjeu d'attractivité internationale majeur, concernant aussi bien la mobilité dans le milieu de la recherche que la mobilité dans le monde socio-économique.
Ce sujet particulièrement intéressant et important mérite d'être approfondi au cours d'une table ronde d'une demi-journée, voire d'une journée entière, en présence des présidents d'université.
Oui, cela serait très intéressant. Parmi les freins cités, je souhaite évoquer les inégalités entre les territoires. En effet, la loi LRU arrive sur un tissu territorial très inégalitaire, certaines universités disposent de laboratoires de recherche, d'autres ont très peu de moyens de recherche. Je me pose la question de savoir quelles sont vos propositions pour réduire ces inégalités, sans utiliser des mesures autoritaires. Par ailleurs, se pose également la question de la mobilité physique ou virtuelle (liaison par les nouvelles technologies). Les universités sont le reflet de l'économie. Ainsi, par exemple, dans le Pas-de-Calais, nous avons un handicap historique lié au type d'économie qui prévalait dans la région. La mine, la sidérurgie ou encore le textile ont prédominé pendant longtemps, et le retard est aujourd'hui difficile à rattraper. Or, l'investissement en matière grise est déterminant pour l'avenir de la France.
L'investissement, dont vous parlez, est un sujet essentiel et délicat, qui pose la question de la différenciation entre les universités, celles qui investissent dans la recherche et celles qui se consacrent à l'enseignement et à la formation. Cette question se heurte à la réalité de la concentration insuffisante des moyens pour obtenir une recherche compétitive.
A chaque université de trouver sa forme d'excellence et d'apporter le meilleur service possible à la collectivité nationale et locale en fournissant une activité de recherche de qualité et une formation adéquate. Il faut que cette recherche et cette formation soient adaptées aux besoins de leur environnement. Si la loi LRU donne des moyens en termes d'autonomie pour trouver sa voie d'excellence, chaque université doit pouvoir se réaliser.
Il est très intéressant de regarder, après les premiers investissements d'avenir, comment se traduisent les inégalités territoriales. Selon les sites, les universités ne sont plus seules à porter l'effort de recherche publique. Nous avons constaté, qu'avec le passage aux nouvelles compétences, même avec une bonne gestion, certaines universités risquent de se retrouver en difficulté économique parce qu'elles sont isolées et ne drainent pas ou peu de fonds européens ou autres. La préoccupation du comité est de veiller à ne pas séparer la recherche de la formation. C'est là que se jouent la richesse et l'avenir de nos universités.
Cette situation nous préoccupe beaucoup et il est inacceptable que certaines universités, de part leur contexte historique, soient mises à l'écart. D'ailleurs, j'ai refusé l'invitation du ministère pour l'annonce des nouveaux promus concernant les initiatives d'excellence. C'est une forme de protestation. Je regrette infiniment que l'équilibre entre l'aménagement du territoire et le nécessaire développement des universités, ne soit toujours pas trouvé.
La question de la dévolution du patrimoine me semble un point essentiel dans la poursuite de ce travail de formation et de recherche. J'ai remarqué que les bâtiments étaient souvent anciens, en mauvais état et nécessitant de gros travaux. Je souhaiterais savoir s'il existe un plan de programmation des travaux, si le personnel universitaire est capable de gérer ces nouvelles tâches, et, s'il est envisagé de sous-traiter ces fonctions ou bien de recruter du personnel spécialisé.
Chaque université est tenue de présenter un schéma d'entretien de suivi du patrimoine sur dix ans. Selon les sites et l'urgence des situations, les équipes en charge du patrimoine, sont plus ou moins étoffées et renforcées en personnel qualifié.
J'ajoute qu'avec les nouvelles responsabilités des universités, la formation des élus universitaires est essentielle.
Quelle est la place de l'université dans la stratégie de l'État en matière de développement du territoire ? A l'échelle d'une région, on arrive à créer des inégalités à travers la surenchère existante entre les villes secondaires. Cette différence de potentiel, de richesse risque d'augmenter encore les inégalités territoriales.
Il y a forcément des tensions entre la nécessité de développer des formations de proximité et parallèlement, d'éviter de disséminer trop les moyens de recherche.
La loi LRU est une des plus belles réformes de cette mandature. Le personnel de l'administration centrale n'est toutefois pas assez décentralisé, ce qui obère l'application des nouvelles compétences des universités. Une meilleure diffusion des moyens me semble souhaitable.
Une nécessaire réflexion doit accompagner le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE) ainsi qu'une meilleure professionnalisation et accompagnement des établissements.
Je note la présence et la sollicitation grandissante des collectivités locales dans ce domaine. Personnellement, je m'inquiète des conséquences de la suppression de l'Observatoire de Haute-Provence, qui va s'installer à Marseille.
Cette question se rattache à la régulation de l'État. La gestion de la politique de recherche nationale requiert des critères scientifiques objectifs dans le choix des territoires.
Je tiens à souligner le lien entre l'université, la recherche et le développement des entreprises innovantes, qui est fondamental pour le maintien d'un tissu économique dynamique.
Dans les travaux du comité, on observe que l'université n'a pas seulement deux missions de formation et de recherche. Elle a une troisième mission, qui est l'innovation. L'université est un acteur économique qui est également un acteur clé dans la construction européenne, nationale et dans le dynamisme de son territoire. Par ailleurs, elle ne doit pas être isolée et doit faire partie d'un réseau, indispensable à l'insertion de ses étudiants.
Je me pose également la question de l'accueil des étudiants étrangers. Après la parution du classement académique des universités mondiales ou classement de Shanghai, la commission a été particulièrement attentive à l'accueil des étudiants étrangers en France. C'est un signe de dynamisme.
C'est une question que le comité devrait suivre de façon plus approfondie. Se pose également la question de l'exil des chercheurs et des étudiants français. Nous sommes en compétition pour attirer les meilleurs étudiants étrangers, afin de bénéficier de leurs talents et de leur culture d'origine. C'est essentiel pour l'économie de la France.
Nous allons aborder le thème des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), pour lequel le Sénat a joué un grand rôle. La loi votée en 2002 et modifiée en 2006 le fut à chaque fois à l'unanimité au Sénat comme à l'Assemblée nationale, ce qui est assez rare pour être souligné. J'ai souhaité, en ma qualité de rapporteur de ce texte, que vous puissiez procéder à un bilan de l'application de la loi, à l'occasion de la publication du rapport de l'inspection générale.
Lorsque l'inspection générale a été sollicitée pour produire un rapport sur la manière dont se créent et fonctionnent les EPCC, j'ai été volontaire pour être rapporteur, et ce pour deux raisons : tout d'abord par ce que j'avais pu constater, alors que j'étais directeur régional des affaires culturelles en Aquitaine, combien une telle loi serait utile et j'avais regretté qu'elle ne soit pas alors encore applicable. Elle me semblait en effet apporter des réponses concrètes à des situations que j'avais à gérer, comme le pôle international de la préhistoire. Ensuite, à mon retour à l'inspection générale, j'étais chargé d'une mission sur le site archéologique et le musée de Bibracte en Bourgogne, géré alors par une société d'économie mixte qui avait avec l'État une concession de service public dont le renouvellement soulevait de nombreuses questions et difficultés dans le cadre de la loi Sapin. J'avais alors conclu en recommandant la création d'un EPCC, ce qui fut rapidement fait par la suite.
Pour ce qui concerne la méthode employée pour le rapport qui vient de vous être distribué, je précise que chaque collègue a été chargé d'enquêter sur les EPCC dans la région dont il avait la charge. Cette enquête, étalée sur 18 mois, a confirmé que la loi sur les EPCC était très utile. Avant, la solution classique du ministère de la culture pour coopérer avec les collectivités territoriales était de créer une association (centre d'action culturelle, maison de la culture). Cela ne s'appliquait pas au domaine du patrimoine où l'on restait généralement au système du service en régie. Le droit a tellement évolué, notamment le droit européen de la concurrence, que la formule de l'association est devenue juridiquement fragile. Les contestations déjà observées pourraient se multiplier. Cette situation de fragilisation juridique de la convention entre la puissance publique d'une part, et l'association ou la société commerciale dans le cas des centres dramatiques d'autre part, appelle deux types de solution : soit on opte pour la procédure assez rigide de délégation de service public, soit l'on crée un EPCC, si l'État et la collectivité ou si plusieurs collectivités souhaitent coopérer. Il ne s'agit pas de renoncer à la forme de l'association conventionnée ou de la SARL conventionnée du jour au lendemain mais, à l'occasion du renouvellement d'une convention, on peut se poser la question de la transformation, ce qui suppose l'accord des collectivités concernées. L'initiative juridique formelle doit venir des collectivités, l'État ne pouvant imposer un EPCC aux collectivités. En conclusion, je souhaiterais citer les dernières lignes du rapport : « Il se pourrait que, dans quelques années, l'invention de l'EPCC apparaisse comme une révolution silencieuse qui aura heureusement contribué à transformer le paysage culturel français dans le sens d'une plus grande décentralisation et d'un partage équilibré des responsabilités en matière de politiques publiques de la culture. »
Je souhaiterais rebondir sur votre conclusion. Vous évoquez une révolution silencieuse. Or, dans le Finistère, la création de l'EPCC « Chemins du patrimoine » fut certes une révolution mais elle ne fut pas silencieuse du tout, car les débats entre courants politiques ont toujours été très compliqués. Nous l'avons mis en place car nous y croyons et nous y mettons beaucoup d'argent, ce que nos collègues nous reprochent. Je constate, par ailleurs, dans la liste des EPCC que vous nous avez fournie que la Bretagne, comme le département du Finistère, est très volontariste en matière de création d'EPCC qui concernent le spectacle vivant, le livre et la culture.
Effectivement, chaque création ne se fait pas en silence, et la presse locale en parle souvent. En revanche, le phénomène de multiplication de créations d'EPCC passe relativement inaperçu.
On parle souvent du coût de la création des EPCC et d'ailleurs mon collègue Pierre Bordier, qui a dû repartir dans son département pour l'élection du président du conseil général, souhaite vous poser une question. En effet, il est confronté à un problème d'imposition sur les salaires. Qu'en est-il du problème du coût : est-il en augmentation par rapport à l'ensemble des structures qui ont été fédérées dans l'EPCC ?
La question est abordée dans le rapport : on évoque la création d'un demi, voire d'un emploi supplémentaire, mais le surcoût global est assez peu élevé, notamment lorsque le coût d'embauche d'un comptable se substitue à celui d'un expert comptable. Fiscalement, la situation est très compliquée et d'un département à l'autre les services fiscaux ont des interprétations différentes. En principe, il ne devrait pas voir d'incidence fiscale dès lors que la nature des activités ne change pas.
La question de l'alourdissement de la gestion, de l'inflation des effectifs, et du coût fiscal devra certainement être creusée.
Sur l'inflation des effectifs, on peut noter que lors du passage d'un service en régie à un EPCC, il y a des activités qu'on démutualise et cela peut amener à créer emplois. Mais on allège par ailleurs la tâche des services municipaux ou départementaux. Le solde peut être finalement positif dans l'emploi public globalement. Dans le cas de la transformation d'une association en EPCC, il n'y a logiquement pas création d'emploi supplémentaire car l'agent comptable est un comptable public à qui l'on verse une indemnité assez modeste. Mais il ne faut pas sous-estimer l'obstacle psychologique, la crainte d'un surcoût, et le travail d'explication est essentiel.
Je souhaite apporter un témoignage puisque dans ma région, en Normandie, on a expérimenté un des premiers EPCC dès 2003. Le bilan est positif après huit années puisque l'EPCC a permis à des élus de couleurs politiques différentes de s'entendre sur un projet et d'assurer la pérennité de l'outil. Cet exemple a d'ailleurs entraîné assez rapidement la création de quatre autres EPCC. C'est donc un bon outil de coopération entre élus qu'il faut promouvoir. Ce qui m'intéresse dans le rapport ce sont les remarques sur les enseignements artistiques, je constate que très peu voire aucun EPCC ne concerne ce domaine. On voit que la loi de 2004 est bien bloquée et que les structures ont très peu évolué. J'avais préconisé dans un rapport fait au nom de la commission de la culture la création d'EPCC dans le domaine du théâtre, du spectacle et de la danse car cela offrirait une dynamique souhaitable.
Il y a deux choses dans loi : le partenariat entre les collectivités et l'État, et le projet artistique ou scientifique qui doit être porté par le directeur et qui lui garantit une certaine stabilité.
Je souhaiterais dire que, dans le cas du Finistère, l'association « Musique et danse » a été transformée récemment en EPCC pour rejoindre cette dynamique culturelle et assurer cette sécurité juridique.
Lorsque l'enquête a été bouclée, seuls quatre EPCC dans le domaine de l'enseignement supérieur avaient été créés, et ils ne fonctionnaient même pas encore budgétairement. Depuis, d'autres se sont créés pour atteindre une dizaine d'EPCC, comme celui du Pôle d'enseignement artistique de Paris Boulogne-Billancourt pour le théâtre et la musique. C'est la volonté du ministère de la culture et de la communication de favoriser ces créations dans le domaine des arts plastiques et dans celui des arts de la scène. Mais le processus de création d'un EPCC est parfois compliqué. Ainsi, on souhaite regrouper certaines écoles mais les collectivités n'ont pas forcément envie de fusionner leurs écoles et leurs directeurs non plus.
Vous n'évoquez jamais la musique, le théâtre et la danse, en définitive les conservatoires, et l'application de la loi de 2004 étant toujours bloquée, on n'avance pas dans ce domaine. Comme il n'y a pas d'enseignement supérieur, on ne peut pas constater d'avancée.
En Bourgogne, deux EPCC ont été créés pour l'enseignement de la danse et de la musique.
J'aimerais évoquer les motivations que nous devons mettre en avant pour convaincre car la lourdeur apparaît comme une difficulté. Le projet culturel prime et la vocation est l'éducation artistique, la sensibilisation sur le territoire. Nous avons des difficultés à faire venir un partenaire essentiel qu'est l'éducation nationale. Le ministère de la culture et de la communication a-t-il les moyens de le motiver pour être partenaire dans un projet d'EPCC ?
Le ministère de la culture et de la communication en a certainement la volonté mais pour les moyens cela dépend des moyens budgétaires que le Parlement lui accorde.
On peut aussi évoquer la nouvelle matière enseignée au collège qu'est l'histoire de l'art. En effet, le programme a été imposé et défini sans lien véritable avec le ministère de la culture.
La commission entend des représentants du comité national de liaison des EPCC (CNLEPCC) : M. Frédéric Hocquard, directeur d'Arcadi (action régionale pour la création artistique et la diffusion en Ile-de-France), M. Didier Salzgeber, co-auteur-pilote du vade-mecum, coopérateur culturel du CNLEPCC, M. Philippe Ifri, directeur de « Chemins du patrimoine en Finistère », Mme Cécile Caillou Robert, directrice de « Livre au Centre », M. Wilfrid Charles, directeur du Théâtre de Bourg-en-Bresse, et M. Bernard Cuvelier, directeur de l'EPCC de la Nièvre.
Le comité de liaison des EPCC, créé en 2004, regroupe 40 des 57 EPCC existants. C'est un groupement professionnel des directeurs ou administrateurs d'EPCC. Il constitue un lieu de capitalisation, d'échange de bonnes pratiques et d'expérience dans tous les champs culturels : culture, patrimoine, spectacle vivant, enseignements artistiques, etc. C'est un groupement professionnel, non une association ou un syndicat, dont le secrétariat est assuré chaque année par l'un d'entre nous, comme ARCADI actuellement ou Arteca précédemment. Nous souhaitons formuler quatre remarques :
- 9 ans après la loi sur les EPCC, on constate un signal positif dans l'actualité que constituent à la fois le rapport du ministère de la culture et cette audition ;
- le sujet du fonctionnement des EPCC est important au regard des enjeux des missions de service public ;
- il est important de s'attacher aux missions autour desquelles les EPCC sont constitués, et pour la moitié desquelles l'État n'est pas présent ;
- on observe une vraie pertinence des EPCC. Cet outil mérite des améliorations sur certaines questions telles que la fiscalité.
Nous attendons depuis longtemps ce vade-mecum. De nombreux contacts ont eu lieu entre le ministère de la culture et le comité de liaison pour réaliser ce document. Il permet de tirer les enseignements de l'expérience acquise, notamment de consolider des réponses à des questions juridiques, et de croiser les points de vue à la fois de l'État, des élus et des directeurs d'établissement. Il permettra de répondre aux nombreuses questions des collectivités territoriales souhaitant s'informer sur le statut de l'EPCC. Il comporte également quelques propositions d'amélioration de la loi. Nous allons maintenant répondre successivement à quatre questions :
- la création d'un EPCC entraîne-t-elle des changements ?
- est-elle utile à un projet de coopération ?
- quel bilan pouvons-nous en faire ?
- quelles avancées observons-nous ?
La loi sur les EPCC est une loi de partenariat permettant de se réunir autour d'un projet culturel avec un outil garantissant la sécurité juridique et financière, ainsi qu'avec une gouvernance plus claire en raison du caractère public de l'établissement. Ceci permet une construction politique toute différente par rapport à la situation précédente : avant, un projet supposait des financements croisés et des contacts bilatéraux.
En cas de partenariat entre une collectivité puissante et des petites communes, l'EPCC permet d'associer l'ensemble des collectivités au sein d'une instance de coopération formelle et avec la garantie liée au mandat du directeur chargé de conduire le projet.
Les missions varient selon l'histoire de chaque EPCC mais, dans le cas de « Chemins du patrimoine en Finistère », la construction du projet culturel a donné de la visibilité et de la cohérence à la politique du département.
La construction de ces projets culturels s'accompagne d'une responsabilité particulière qui passe, entre autres, par la professionnalisation, laquelle est coûteuse mais nécessaire et permet - par rapport au statut associatif - de renforcer la motivation.
L'EPCC que je dirige est centré sur le livre et la lecture mais il est dans une procédure de rapprochement avec un autre EPCC dédié au cinéma et à l'audiovisuel.
L'EPCC permet à un projet artistique et culturel de s'articuler avec un projet politique et, par conséquent, de faire place aux réalités territoriales et stratégiques. Le directeur est chargé d'une mission de service public, ce qui suppose une relation de confiance avec l'État et avec les élus.
L'EPCC est considéré comme un outil sur lequel les collectivités s'appuient pour mettre en oeuvre leur politique, même si son directeur n'est pas un directeur de l'administration. Il donne un cadre formel à la coopération et permet la convergence des politiques publiques. Enfin, il permet de prendre en compte les objectifs des pouvoirs publics communs à tous les domaines culturels.
Je dirige le « Théâtre de Bourg-en-Bresse », dont les deux membres fondateurs sont la ville de Bourg-en-Bresse et le conseil général de l'Ain. Le bilan en est très positif, même si l'EPCC intervient dans le champ du spectacle vivant, secteur où ce statut n'est pas toujours le bienvenu.
Cet EPCC s'est vu confier de nouvelles missions qui marquent des avancées en termes de décentralisation culturelle, puisque nous retravaillons par exemple sur les pratiques culturelles dans les zones rurales. En outre, il permet une réappropriation symbolique du projet par les élus et un autre type de travail collaboratif avec eux.
Un directeur d'EPCC doit remplir plusieurs rôles à la fois, ce qui est parfois difficile : programmateur artistique, directeur général, ordonnateur, technicien professionnel, chef de cabinet dans le champ des politiques culturelles.
Il est vrai que, dans mon EPCC, nous avons créé cinq postes en cinq ans mais c'est lié à l'évolution du projet culturel, et non au statut. Si lourdeur il y a, elle est seulement liée à la création d'un demi-poste d'agent comptable, dont le coût est cependant inférieur à celui d'un expert comptable auquel il faudrait recourir dans le cadre d'une délégation de service public. On peut observer toutefois certaines lourdeurs pendant la phase transitoire, en raison de l'évolution des cultures de travail.
Ce débat est très intéressant et riche. En théorie, il faudrait s'orienter vers le choix de l'EPCC pour conduire une véritable politique territoriale. Mais lorsque l'on décide d'étudier cette formule, on nous objecte son coût, des lourdeurs et la difficulté de faire travailler ensemble des personnes qui se sentent dépossédées. La coopération territoriale est déjà compliquée pour ces raisons humaines ; la réforme de 2002 n'a fonctionné qu'en raison de la « carotte », de l'avantage concret au-delà de l'intérêt intellectuel et de cohérence. Que pourrait-on imaginer pour motiver une telle démarche, au-delà de sa cohérence théorique ?
Il faudrait regarder précisément si la création d'un EPCC entraîne vraiment des coûts supplémentaires au regard de l'évolution des missions, car ces dernières augmentent parfois beaucoup. Or, il n'existe pas d'étude économique précise sur ce point.
L'EPCC apporte des garanties de fonctionnement et ceci demande une certaine mobilisation en termes de personnels et de moyens. Cependant, sa création s'accompagne aussi d'un allègement des charges de l'administration qui exerçait précédemment ses missions.
Il existe peut-être une raideur de certains professionnels - s'agissant notamment des scènes labellisées - et il convient de faire preuve de pédagogie, comme l'a d'ailleurs suggéré le rapport de M. Berthod. En effet, ce statut demande du directeur une beaucoup plus grande souplesse à l'égard des tutelles et des autres financeurs. Ces relations sont d'ailleurs beaucoup plus saines, par rapport à des projets construits parfois de façon alambiquée selon les tutelles.
Il y a peut-être une confusion car le statut est apparu comme protecteur d'un projet et on oublié la dimension de coopération. L'EPCC est un service public à part entière et non extérieur à la collectivité, qui impose de poser correctement la question de la motivation de sa création. Il doit être appréhendé comme un lieu d'élaboration collective de réponses nouvelles, un lieu de débats. S'il s'agit simplement de changer de statut pour la sécurité et la garantie d'un budget, on se trompe de statut. L'EPCC est avant tout un outil de coopération, un service public, objet culturel différent des autres statuts qui devrait être en phase avec les dynamiques régionale et européenne, puisque nous n'échapperons pas au paquet Monti-Kroes.
J'écoute, confronté moi-même à un cas concret de proposition de transformation d'une association en EPCC. Je regrette toutefois de ne pas avoir entendu une seule fois le terme de création, la discussion semblant enfermée dans la dimension structurelle. En outre, la question de l'interventionnisme est centrale et mériterait un débat.
En conclusion, je dirai que nous ouvrons à nouveau le débat. Le père spirituel des EPCC est Ivan Renar, je lui proposerai donc de creuser la question et de poursuivre les contacts pour engager un débat devant notre commission afin de voir comment rendre les EPCC aussi efficaces que possible.
La commission nomme M. David Assouline rapporteur sur la proposition de loi n° 378 (2010-2011) présentée par M. Jacques Legendre, relative à la régulation du système de distribution de la presse.
La commission procède à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants appelés à faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au prix du livre numérique.
Ont été désignés comme candidats titulaires : M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Dumas, Catherine Morin-Desailly, MM. David Assouline, Serge Lagauche et Jack Ralite, et comme candidats suppléants : M. Jean-Pierre Leleux, Mmes Lucienne Malovry, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Férat, Françoise Cartron, M. Claude Bérit-Débat et Mme Françoise Laborde.