Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 19 (2011-2012) de M. Ladislas Poniatowski sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique.
Nous examinons le rapport de M. Ladislas Poniatowski et les amendements portant sur la proposition de résolution n° 19 (2011-2012) relative à la proposition de directive sur l'efficacité énergétique présentée par la Commission européenne le 22 juin dernier.
Cette proposition de résolution porte sur un avant-projet de directive, transmis par les institutions européennes à tous les gouvernements de l'Union, qui se réuniront le 24 novembre prochain pour en discuter. C'est la première fois que nous nous saisissons aussi en amont, ce qui va permettre au Sénat, et en premier lieu à notre commission, de donner son point de vue et d'en faire part au Gouvernement. J'ai essayé, afin de renforcer la portée de notre proposition de résolution, de retenir les amendements susceptibles d'enrichir le texte et de parvenir à un consensus.
Nous souhaitons que cette proposition de résolution soit offensive et exigeante, et permette au Sénat et à notre commission de faire entendre leur voix. Il s'agit aujourd'hui d'impulser un nouvel élan aux efforts visant à plus d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie, à l'heure où cette dernière est de plus en plus importée et coûte de plus en plus cher. Il en va de la compétitivité de nos entreprises, de la réduction des gaz à effet de serre responsables du changement climatique, de l'allègement de la facture d'énergie, de la lutte contre la précarité énergétique et de la préservation de l'indépendance de notre pays en matière d'énergie.
Les dépenses énergétiques représentent désormais, pour les communes, 31 milliards de kWh, soit 2,25 milliards d'euros, ou encore près de 5 % de leur budget de fonctionnement. L'objectif de 20 % d'économies d'énergie à l'horizon 2020 s'éloigne peu à peu, puisque nous serions aujourd'hui à peine à mi-chemin. Si nous partageons les préoccupations de la Commission européenne, nous regrettons que son texte ne traite pas de certains secteurs pourtant très concernés par le sujet - tertiaire, logement privé, transport - et qu'il n'aborde pas la question du financement. Nous déposerons des amendements visant à y remédier.
Même si la France a adopté d'ambitieux objectifs dans le Grenelle de l'environnement, il est aujourd'hui indispensable que des textes européens tels que celui-ci viennent contraindre nos dirigeants à les respecter. Certes, ce projet de directive peut être encore amélioré dans ses modalités ; néanmoins, il va dans le bon sens. Nous proposerons deux amendements visant respectivement à préciser que les compteurs intelligents délivrent une information sur la consommation et le prix de l'énergie en temps réel, et à donner une place centrale au régulateur afin d'inciter, par la politique tarifaire, à l'amélioration de l'efficacité énergétique dans les réseaux électriques et de chaleur. Une expérience menée en Vendée prouve que le travail en coopération sur des objectifs ciblés est efficace, et encourageant. 1 300 bâtiments publics, sur les 3 500 que comptent nos communes, ont fait l'objet d'un véritable audit énergétique. Pris en charge à hauteur de 20 % des dépenses seulement par les communes, grâce à divers cofinancements, ils généreront 72 millions d'euros de travaux dans les prochaines années, pour une opération d'audit sur trois ans qui aura coûté moins d'un million d'euros.
Le secteur des transports représentant une part importante de la consommation énergétique globale, nous nous étonnons qu'il ne soit pas abordé par la proposition de directive et qu'il ne soit pas traité par le rapporteur.
La Commission européenne a justement rappelé, à travers sa proposition de directive, les défis sans précédent auxquels l'Union européenne est confrontée en matière énergétique, qu'ils soient économiques, environnementaux ou sociaux, et le moyen privilégié pour les relever. Nous souscrivons entièrement à ses objectifs, et notamment à la limitation des gaz à effet de serre, la réduction de la facture énergétique des ménages et des États, et l'amélioration de l'indépendance énergétique. Nous estimons cependant qu'il sera nécessaire, pour les atteindre, d'extraire la politique énergétique du libre-jeu du marché et de mettre en oeuvre des mécanismes de solidarité.
La Commission européenne note que la transition vers une économie plus sobre sur le plan énergétique devrait accélérer la diffusion de solutions technologiques innovantes et améliorer la compétitivité de l'industrie européenne en stimulant la croissance économique et en créant des emplois hautement qualifiés. Cela passe, selon nous, par la mise en oeuvre à l'échelle européenne d'une véritable politique industrielle, et non par le jeu de la concurrence ni par des mécanismes d'incitation fiscale.
S'agissant de la protection des consommateurs, que nous souhaiterions voir considérés comme des usagers, nous regrettons que la politique européenne, relayée au niveau national, aboutisse à un renchérissement des factures et à un renforcement de la précarité énergétique, en lien avec la problématique plus générale des logements insalubres et du mal-logement. L'instauration de compteurs intelligents ne nous semble pas susceptible de répondre à ces défis, le Bureau européen des unions de consommateurs s'inquiétant de la place importante qui leur est accordée et soulevant la question du rapport entre leur coût et leur utilité. En outre, nous regrettons nous aussi que le secteur des transports n'ait pas été pris en compte par la proposition de directive.
La proposition de résolution critique certains aspects du texte de la Commission européenne, en matière de financement ou de modalités d'application, que nous ne pouvons partager. Cependant, elle le rejoint dans son acceptation d'une politique libérale menée à l'échelle européenne. Or, nous sommes favorables à une politique associant, dans la plus grande transparence, citoyens et salariés. Aussi avons-nous déposé un amendement rappelant cette différence d'analyse, et nous demeurons réservés quant à notre vote sur le texte.
Le rapporteur, grâce à ses compétences et ses efforts de concertation, a réalisé un excellent travail sur un texte qui nous est donné à examiner très en amont. Les politiques européennes dont nous débattons en matière énergétique ont été fortement influencées par la démarche française du Grenelle de l'environnement ; notre pays, loin d'être en retard en ce domaine, devrait donc y jouer les tout premiers rôles à l'avenir.
Le Grenelle de l'environnement a démontré que le logement représente l'une des principales sources d'économies d'énergie, et l'efficacité énergétique est la clé pour améliorer le confort et le coût d'entretien des logements.
Certes, la question du financement est posée. Mais la réponse ne saurait venir seulement de la fiscalité : nos normes s'imposent, sans que nous devions chaque fois les accompagner d'incitations fiscales. Quant à vouloir qu'elles s'appliquent uniformément à l'Europe, je crois que ce serait présomptueux : mieux vaut viser d'abord une harmonisation des normes au sein de l'Union.
Le compteur intelligent, nous l'avons dit dans notre rapport avec Ladislas Poniatowski, représente une avancée capitale pour aider le consommateur à maîtriser sa consommation, mais aussi pour aider le gestionnaire de réseau à mieux distribuer l'électricité qui, je le rappelle, n'est pas stockée, ce qui suppose qu'elle soit produite au moment même où elle est consommée. À ce titre, l'efficacité énergétique commence par le fait de consommer toute l'énergie qui est produite. Du reste, les associations de consommateurs se sont unanimement ralliées à nos propositions pour le compteur intelligent, qui ne coûtera rien au consommateur.
L'efficacité énergétique est aussi une source d'investissements et d'emplois. Cependant, ici encore, il ne faut pas tout attendre du levier fiscal. La réduction de la consommation de carburant par les automobiles et l'apparition de véhicules électriques sont-elles les conséquences d'avantages fiscaux ? Non, c'est plutôt le fruit d'un formidable effort de recherche engagé par les constructeurs, qui se sont adaptés aux souhaits des consommateurs, dans un environnement concurrentiel où chaque constructeur anticipe sur la demande à venir.
Nous devons, enfin, définir une politique de solidarité énergétique en direction de nos concitoyens qui en ont besoin. Je rappelle, à toutes fins utiles, que l'ouverture du marché de l'électricité a été décidée par la loi du 10 février 2000, sous un gouvernement que mes collègues de gauche se souviennent peut-être avoir soutenu, et que le tarif social de l'électricité et du gaz a été mis en place après 2002, par un gouvernement que nous soutenions et qui a su prendre les mesures correctrices d'une ouverture décidée de manière peut-être trop hâtive.
Pour finir, je suis bien sûr favorable à une politique européenne de l'énergie, mais je n'oublie pas qu'elle suppose des avancées européennes en matière de production et de transport de l'énergie.
Je ne partage pas votre présentation de l'ouverture du marché de l'énergie, mais je ne doute pas que plusieurs de nos collègues, nombreux à demander la parole, vont vous le dire plus en détail.
Effectivement, car le plan « climat énergie » a été voté par le Parlement européen dès 2000 et le Grenelle de l'environnement, en fait, a transcrit des objectifs définis à l'échelon européen - à l'époque, la majorité présidentielle d'aujourd'hui était peu allante pour les traduire dans notre droit interne... Il n'est pas exact non plus d'attribuer la paternité du tarif social de l'énergie à un gouvernement de droite : des fonds étaient en place avant 2002 et le tarif social est inclus dans le service universel au sens de la directive européenne - lequel est un moindre mal puisqu'il aurait mieux valu maintenir un véritable service public de l'énergie.
Je regrette que la proposition de résolution ne donne pas plus de lisibilité à la politique européenne de l'énergie, avec des normes précises. Car nous avons besoin de perspectives jusqu'en 2050 au moins, tant les investissements sont importants et décisifs. Les normes sont certes contraignantes, elles peuvent nous gêner dans notre gestion quotidienne quand nous effectuons des travaux dans nos collectivités territoriales, mais elles présentent des avantages, en particulier pour structurer des filières industrielles, des savoir-faire. Voyez l'industrie du verre : Saint-Gobain est au premier rang pour la production de verre à faible émissivité, mais comme ce verre n'entre pas dans nos normes de construction, notre champion n'en vend pas en France, ce qui l'a conduit à le produire en dehors de l'Hexagone. Et si nous n'avons pas inclus le verre à faible émissivité dans nos normes c'est parce que, contrairement par exemple à nos voisins allemands, nous avons privilégié une approche globale plutôt que sectorielle de l'efficacité énergétique : nous ne sommes pas entrés dans le détail et nous nous sommes contentés de demander un résultat global aux architectes, ce qui explique en partie l'engouement pour les fenêtres en PVC dont le bilan énergétique est pourtant moins favorable.
Pour atteindre nos objectifs, ensuite, nous devons, au-delà même de l'efficacité énergétique, réduire notre consommation d'énergie.
Enfin, la bataille du financement n'est pas perdue d'avance. Le Feder, par exemple, n'était pas mobilisable pour financer des travaux dans le logement social, mais il l'est devenu pour les travaux qui font induire des économies d'énergie : nous l'avons emporté et nous pouvons aller plus loin, d'autant que les économies d'énergie sont un sujet consensuel en Europe.
Les objectifs qu'on nous propose sont excellents, mais les moyens de leur mise en oeuvre sont tout à fait dérisoires, surtout au regard des réponses que nous devons apporter à la crise ! Réduire les factures des consommateurs et notre dépendance énergétique, très bien, mais toute la solution n'est pas dans la cogénération ! Monsieur le rapporteur, vous faites comme si le Grenelle de l'environnement faisait de nous des champions européens, soyez plus réaliste : les premiers bilans qu'on peut lire du Grenelle ne sont pas si laudatifs - celui de l'association Carbone 4, par exemple, montre que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté ces dernières années dès lors qu'on y inclut les produits que nous importons, en particulier des pays où les normes environnementales ne sont pas les nôtres ! Nous ferions moins bien qu'il y a quelques années, alors que nos émissions de gaz à effet de serre, on se souvient que M. Jean-Louis Borloo le répétait à l'envi, avaient reculé de 10 % entre 1990 et 2009.
Il faut parler, ensuite, du ratage véritablement catastrophique de notre pays sur la filière photovoltaïque. L'Allemagne aura créé 400 000 emplois dans les énergies renouvelables, alors que nous en supprimons ! Nous avons besoin de politiques publiques ambitieuses pour soutenir nos entreprises de la filière. Cela a bien sûr un coût à court terme, mais pour des avantages certains. Dans mon hôtel de ville, par exemple, nous avons fait des travaux qui nous font économiser 70 % d'énergie, mais pour un coût d'un million d'euros : sans aide, je ne peux pas aller plus loin, c'est bien là que la fiscalité écologique est avantageuse !
La directive vise à rattraper les retards pris par les pays de l'Union, elle est un peu un rappel à l'ordre : nous n'avons donc pas à l'amodier, mais à la renforcer !
Vous dites, Jean-Claude Lenoir, que l'efficacité énergétique commence par la consommation de toute l'énergie que nous produisons. Notre ambition, c'est plutôt de ne pas produire plus que ce dont nous avons besoin. Je reconnais que c'est éloigné du paradigme énergétique français qui consiste, depuis des décennies, à consommer tout ce qu'on peut et à produire en conséquence...
Je ne suis certainement pas favorable à un tel système, qui n'est du reste pas le nôtre !
Quoiqu'il en soit, nous proposerons des amendements pour viser une production juste. Les Allemands, qui ne vivent certainement pas moins bien que nous, consomment 30 % d'énergie de moins dans le tertiaire et le logement, sans pour autant consommer plus de pétrole que nous : il y a là de quoi nous faire réfléchir !
Les ambitions européennes sont louables, mais elles ne doivent pas nous faire perdre de vue la réalité, en particulier celle de la fracture énergétique. Il ne faut pas que, demain, on oppose ceux qui peuvent accéder à des outils très performants - pompes à chaleur et voiture électrique -, qui seront l'élite, les « bons éléments », et ceux qui n'y accéderont pas faute de moyens, y compris avec le tarif social et autres soutiens, et qui seraient considérés comme les pollueurs, les « mauvais éléments ». La réalité, c'est que la précarité énergétique fait que nombre de nos concitoyens ont froid l'hiver et qu'ils n'attendent pas un compteur « intelligent » pour les réchauffer. Alors, de grâce, n'y ajoutez pas de l'infamie !
Je rejoins ce propos, car la question du chauffage et des charges énergétiques en général devient de plus en plus cruciale pour nos concitoyens : nous le constatons dans nos centres communaux d'action sociale.
Je regrette d'entendre Jean-Claude Lenoir nous dire que la fiscalité énergétique serait inefficace en prenant le seul exemple de l'automobile : le sujet est trop important pour que l'on se passe de sérieux et d'une certaine prudence. Je rappelle que dans la TIPP, le « T » désigne une taxe, et que c'est là un levier pour diminuer le tarif de l'énergie. Je vous invite, mes chers collègues, à ne pas vous livrer à des présentations fantaisistes où ce serait l'élection du Président Nicolas Sarkozy qui aurait permis le Grenelle de l'environnement : soyez plus respectueux de la réalité !
À mon tour pour une mise au point. Qui est allé négocier l'ouverture de l'énergie à la concurrence, en 2002 ? Mme Nicole Fontaine, ministre de M. Jean-Pierre Raffarin. Et elle ne faisait que prolonger un mouvement amorcé par M. Alain Juppé dès 1996. Ensuite, au sommet de Barcelone en 2002, MM. Jacques Chirac et Lionel Jospin sont convenus d'une ouverture à la concurrence seulement pour les professionnels. Pour les ménages, deux conditions ont été posées : la présentation d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général et une étude d'impact sur l'ouverture totale. Or, c'est bien un gouvernement de droite qui a ensuite accepté l'ouverture à la concurrence pour les ménages sans que ces deux conditions soient satisfaites !
Je rejoins Jean-Jacques Mirassou et Martial Bourquin : la facture énergétique est un problème de plus en plus important pour les ménages et même pour les collectivités territoriales. Cependant, je n'oublie pas les moyens que le Gouvernement mobilise : un milliard d'euros du grand emprunt et 800 millions pour l'ANAH consacrés au programme d'économies d'énergie, c'est très important ! Je déplore que les collectivités territoriales n'accompagnent pas davantage ce programme : combien de départements ont signé une convention d'accompagnement ?
J'ai bien noté que les amendements du groupe socialiste étaient plus offensifs et plus directifs que les dispositions de la proposition de résolution initiale. Je donnerai souvent un avis favorable aux amendements offensifs mais les amendements plus directifs posent problème vis-à-vis de nos 26 partenaires européens.
A Mireille Schurch, Michel Teston, Jean-Claude Lenoir, Martial Bourquin et Marc Daunis, je voudrais dire que je regrette comme eux que les transports soient absents de la proposition de directive européenne. C'est précisément pour cela que j'ai introduit l'alinéa 14 dans ma proposition de résolution. Ce secteur représente 32 % de la consommation d'énergie et ce sujet fait peur à la Commission européenne...
Je partage les préoccupations de Jean-Claude Merceron sur les données de consommation et nous reviendrons tout à l'heure sur la question du régulateur.
Je rappelle à Mireille Schurch que la libéralisation du secteur de l'énergie ne s'est pas faite par un seul texte et qu'elle a été soutenue par tous les gouvernements en Europe, de droite comme de gauche.
J'indique à Jean-Claude Lenoir que les mesures prévues par la Commission européenne sont plus précises pour le bâtiment, qui représente 43,2 % de la consommation énergétique. Le projet de directive ne fixe des objectifs contraignants que pour les bâtiments publics. Je connais la position de Claude Turmes, rapporteur du texte au Parlement européen : il souhaite étendre ces dispositions au bâtiment privé.
Tous les acteurs professionnels ainsi que les représentants des usagers ont été associés aux travaux relatifs au compteur communicant Linky. L'appel d'offres est lancé par Électricité Réseau Distribution France (ERDF) et concernera 35 millions de foyers. La diffusion de ce compteur se fera par vagues successives. Beaucoup d'amendements présentés aujourd'hui sont déjà satisfaits par l'existence même du compteur.
Marie-Noëlle Lienemann, il est vrai que les objectifs relatifs aux économies d'énergie et aux énergies renouvelables ont, pour beaucoup d'entre eux, été fixés au niveau européen avant les engagements du Grenelle de l'environnement, qui est venu les préciser et les décliner pour notre pays. Nous reviendrons tout à l'heure sur les mesures sociales que vous préconisez. J'insiste tout comme vous sur la nécessité de disposer de normes identiques dans l'Union européenne afin d'éviter la fraude et la triche. Je suis en revanche réticent pour fixer des objectifs d'ici 2050 car il me semble difficile de trouver un consensus pour vingt-sept pays sur la trajectoire énergétique souhaitable au cours des quarante années à venir.
Je suis d'accord avec Martial Bouquin qui s'inquiète de la pérennité de la filière photovoltaïque en France, se faisant ainsi l'écho des inquiétudes des professionnels exprimées lors de la table ronde organisée au Sénat il y a quelques mois sur ce thème. Mais je souligne que ces difficultés s'observent partout en Europe car le coût de production de cette énergie est très important, beaucoup plus élevé que pour l'électricité d'origine éolienne, qui est elle-même deux fois plus coûteuse que l'électricité nucléaire.
Je reconnais avec Laurence Rossignol que l'objectif de 20 % sera facilement atteint par certains pays mais hors de portée pour d'autres.
Jean-Jacques Mirassou a raison de souligner que tous les ménages n'ont pas accès aux économies d'énergie. Il convient de rappeler à cet égard que le Sénat est à l'origine de l'attribution automatique du tarif social aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU). Le Gouvernement vient d'annoncer la mise en oeuvre de cette mesure qui concerne 1,5 million de foyers.
Je voudrais préciser à Marc Daunis que les certificats d'économie d'énergie concernent le secteur des transports en France, ce qui n'est pas le cas ailleurs en Europe. Cette novation, introduite par le Grenelle de l'environnement, va dans le bon sens même si elle pénalise un peu les entreprises de transport françaises.
Daniel Dubois rappelle à bon droit que l'ANAH oeuvre déjà beaucoup pour les ménages défavorisés. Certains conseils généraux et même certaines communes apportent une aide importante pour que ces ménages aient accès à une énergie peu chère. Mais il ne revient pas à notre commission de distribuer les bons et mauvais points aux collectivités territoriales concernées.
Avis favorable pour l'amendement n° 3, mais demande de retrait pour l'amendement n° 2. Je rappelle que les visas n'ont qu'un caractère indicatif.
L'amendement n° 2 est retiré.
L'amendement n° 3 est adopté.
Avis défavorable pour l'amendement n° 1 du groupe CRC. Cet amendement déclare incompatible la libéralisation du secteur énergétique avec les exigences du service public de l'énergie. Or je constate que l'État est très présent dans le secteur de l'énergie, à travers ses participations souvent majoritaires dans certaines entreprises mais aussi la fixation de normes et la régulation des activités.
Sur le fond, le groupe socialiste soutient cet amendement. Nous avons défendu cette position lors de l'examen du projet de loi privatisant GDF. Mais nous ne voterons pas cet amendement aujourd'hui pour des raisons de forme car il n'a pas sa place dans cette proposition de résolution européenne.
Je prends acte des explications de mon collègue socialiste. Je rappelle toutefois que tous les groupes de gauche ont voté le 5 mai dernier notre proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France.
Je ne peux pas préjuger de la position qu'aura notre groupe sur cette question. Mais je suis d'accord avec l'amendement n° 1.
L'amendement n° 1 est rejeté.
L'amendement n° 4 indique que les économies d'énergie, parallèlement à l'efficacité énergétique, constituent une priorité absolue de la politique énergétique. Avis favorable.
L'amendement n° 4 est adopté.
Je vais commenter en même temps les amendements n°s 5, 7, 8 et 9. Je demande le retrait de l'amendement n° 5. Avis favorable pour l'amendement n° 7 car le renforcement du soutien financier de l'Union en faveur des actions d'efficacité énergétique est une excellente idée. Je suis favorable sous réserve de rectification à l'amendement n° 8. Cet amendement vise à lancer un grand emprunt européen auprès de la Banque européenne d'investissement afin de financer les mesures d'économies d'énergie, notamment pour la rénovation de 3 % de la surface des bâtiments publics. L'idée est intéressante mais mérite peut-être une expertise. C'est pourquoi je vous propose de modifier le début de votre amendement et de remplacer les mots « demande à ce que soit lancé un grand emprunt » par les mots « propose d'envisager le lancement d'un grand emprunt ». Enfin, j'émets un avis défavorable à l'amendement n° 9. Je soutiens l'idée de créer un fonds européen dédié à la prévention de la précarité énergétique, mais cet amendement me semble hors sujet dans la proposition de résolution et il affaiblirait la portée de notre message. Il ne faut pas aller trop vite ni trop loin sur cette question.
J'abonde dans le même sens. Nous retirons l'amendement n° 5. Je maintiens en revanche l'amendement n° 9, car il est nécessaire de flécher les recettes issues de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre vers la prévention de la précarité énergétique. Ces recettes considérables iront sinon alimenter le budget général des États membres dès 2013.
Je connais bien ce sujet technique. Il faut flécher ces recettes car il s'agit d'argent public.
Je rectifie mon amendement n° 9 et remplace l'expression « par au moins 50 % » des recettes de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre par les mots « par une part » de ces recettes.
Cette rectification va dans le bon sens, mais cet amendement n'a toujours pas sa place dans la proposition de résolution.
Les amendements n° 7, 8 rectifié et 9 rectifié sont adoptés.
S'agissant de l'amendement n° 10, je me suis interrogé sur la mise en oeuvre de l'objectif de 1,5 % d'économie d'énergie par an, plus facile à réaliser dans les pays disposant d'un parc ancien à rénover que dans des pays comme la France, où des efforts ont déjà été réalisés. De plus, l'objectif porte sur l'ensemble des ventes d'énergie, hors carburant, alors que les certificats d'économie d'énergie ne portent, dans notre pays, que sur les ventes aux secteurs résidentiel et tertiaire : il s'agit donc d'une contrainte nouvelle pesant sur les industries déjà soumises au système d'échange de permis d'émissions de gaz à effet de serre. Mais dans la mesure où les réserves que j'ai formulées à l'alinéa 25 ne sont pas remises en cause, je donne un avis favorable à cet amendement, sous réserve de le déplacer après l'alinéa 23 de la résolution.
Les amendements n° 10 rectifié et 11 sont adoptés.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 12, je voudrais préciser que la proposition de résolution que je vous ai présentée ne remet pas en cause l'objectif de 20 % d'économies d'énergie en 2020 : elle approuve cet objectif à l'alinéa 10. Mais le chiffre de 368 Mtep provient, lui, d'une estimation de la Commission européenne. Ce chiffre est calculé à partir d'un modèle économique développé par l'Université technique d'Athènes, le modèle PRIMES. Or ce modèle est une « boîte noire » et les experts nationaux se plaignent de ne pas avoir réellement accès à son fonctionnement et aux données qu'il utilise. Faut-il donc inscrire un chiffre invérifiable dans un texte juridique européen qui s'imposera aux législations nationales ?
Je vous propose donc la rédaction suivante pour l'alinéa 12 afin de confirmer l'objectif de 20 % d'économies d'énergie :
« Considère que l'objectif de réduction de la consommation d'énergie ne peut être atteint que si les États membres se fixent des objectifs précis ; approuve en conséquence l'objectif de 20 % de réduction par rapport à la valeur tendancielle de la consommation d'énergie primaire de l'Union européenne en 2020 ; souhaite que la Commission apporte des éclaircissements au sujet de l'estimation chiffrée de 368 millions de tonnes-équivalent pétrole avant son inscription éventuelle dans un texte à valeur législative ; ».
Je souhaite que la directive fixe un objectif quantifié qui soit cohérent avec les 20 %. Ayant l'expérience des négociations européennes, je préférerais que l'on remplace « avant » par « pour » et que l'on supprime « éventuelle ».
La proposition du rapporteur est de nature à affaiblir le texte et l'objectif de 368 millions. Je propose une autre rédaction, consistant à ajouter après « approuve en conséquence l'objectif de 20 % de réduction par rapport à la valeur tendancielle de la consommation d'énergie primaire de l'Union européenne en 2020 » « , actuellement chiffré à 368 millions de tonnes-équivalent pétrole ».
Je ne suis pas d'accord. J'estime que, dans la mesure où la Commission refuse de donner des explications aux élus, il est difficile d'accepter ce chiffre tel quel : nous devons aider les députés européens sur ce point.
Je souhaite remplacer, dans la proposition du rapporteur, le verbe « souhaite » par le verbe « demande » et supprimer le mot « éventuelle », afin d'aboutir à l'inscription prochaine de l'objectif dans un texte.
Je vous propose une nouvelle rédaction : « Considère que l'objectif de réduction de la consommation d'énergie ne peut être atteint que si les États membres se fixent des objectifs précis ; approuve en conséquence l'objectif de 20 % de réduction par rapport à la valeur tendancielle de la consommation d'énergie primaire de l'Union européenne en 2020 ; demande que la Commission apporte des éclaircissements au sujet de l'estimation chiffrée de 368 millions de tonnes-équivalent pétrole, préalable à son inscription dans un texte à valeur législative ; ».
L'amendement n° 12 rectifié est adopté.
Au sujet de l'amendement n° 13, la proposition de résolution s'interrogeait sur le calendrier très serré proposé par la Commission. Il ne s'agit pas de s'y opposer complètement, mais les discussions risquent d'être difficiles entre la Commission européenne, les différents Gouvernements et le Parlement européen, dont le rapporteur a une position très volontariste. Il paraît donc peu probable qu'un texte soit adopté avant la mi-2012, voire le second semestre, et donc une mise en oeuvre courant 2013 après la transposition dans les législations nationales. Je crains donc que l'évaluation à la mi-2014 ne puisse prendre en compte que les premiers effets de ces mesures.
Si toutefois notre commission ne souhaite pas que le calendrier soit remis en cause, je propose de rédiger ainsi l'alinéa 13 : « Regrette que le texte, compte tenu de la date de sa publication, n'ait pu s'appuyer sur les états des lieux que constituent les plans nationaux d'action en matière d'efficacité énergétique, tels que celui qui a été remis par la France le 17 juin 2011 ; et regrette encore que la mise en oeuvre des directives 2004/8/CE et 2006/32/CE n'ait pas permis d'exploiter pleinement le potentiel d'économies d'énergie ; ».
La France a tendance à toujours tendance à expliquer qu'il faut allonger les calendriers. Faute d'inscrire la date de 2014, on n'atteindra pas l'objectif. Il faut donc soutenir le calendrier.
Nous avons déjà pris trop de retard. Il ne faut pas repousser les dates.
Je vous ai proposé une rédaction de compromis par rapport à la position initiale de la PPRE qui s'interrogeait sur le calendrier.
L'amendement n° 13 est adopté.
Marie-Noeëlle Lienemann, avec votre amendement n° 14, vous allez plus loin que moi en souhaitant une réduction de la consommation d'énergie de 80 % dans le stock de bâtiments existants. Aujourd'hui, le scénario négaWatt ne va pas au-delà de 63 %. Je vous propose donc de rectifier votre amendement pour viser plutôt un objectif de réduction de 80 % des gaz à effet de serre, notamment par une politique ambitieuse de rénovation du stock de bâtiments existants.
Je suis d'accord avec cette reformulation de l'objectif.
L'amendement n° 14 rectifié est adopté.
L'amendement n° 15 propose d'enjoindre à l'Union européenne d'adopter des mesures en faveur de l'efficacité énergétique dans les secteurs des transports, du tertiaire et du logement privé, là où je propose de simplement l'encourager à le faire. Je vous suggère une rédaction intermédiaire, selon laquelle nous estimons indispensable que l'Union européenne adopte de telles mesures contraignantes.
Je suis d'accord avec cette rédaction.
L'amendement n° 15 rectifié est adopté.
Je suis favorable à la partie de l'amendement n° 16 qui apporte une précision intéressante sur les conditions d'intégration des logements sociaux dans l'objectif de 3 %. En revanche, je ne peux pas approuver la manière dont cet amendement revient sur l'un des points les plus importants de ma proposition de résolution, qui prévoit que cet objectif sera modulé en fonction de l'état du bâti. C'est pourquoi je vous propose une rédaction qui préserve le principe de cette modulation.
Non, il ne le sera pas.
L'amendement n° 16 rectifié est adopté.
L'amendement n° 17 traite de cinq sujets à la fois. Je suis favorable à ce que l'évaluation de 2014 prenne en compte la contribution de chaque État, à ce que l'objectif de 3 % soit bien réparti entre les collectivités au niveau de chaque État membre, et à ce que les dérogations prévues s'appliquent dans le cadre de la présente directive. En revanche, l'extension de l'obligation de rénovation de 3 % aux bâtiments scolaires et universitaires privés, ainsi que l'extension aux locaux loués par les organismes publics, me paraissent difficiles à mettre en oeuvre. Je vous suggère donc d'abandonner ces deux derniers points.
Ces deux points sont retirés de l'amendement.
L'amendement n° 17 rectifié est adopté.
L'amendement n° 18 ajoute à l'obligation prévue par la directive une obligation de résultat portant sur la performance énergétique globale des collectivités : le cumul des obligations me paraît excessivement rigoureux.
L'adoption de l'amendement n° 17 ayant permis de préciser les modalités d'application de l'objectif de rénovation aux logements sociaux, l'alinéa 19 perd son objet et je suis donc favorable à l'amendement n° 19 qui propose sa suppression.
L'amendement n° 19 est adopté.
Je suis favorable à l'amendement n° 20 qui prévoit la possibilité pour un organisme public d'acquérir un bâtiment s'il s'engage à le rénover dans les trois années suivantes afin d'atteindre une haute performance énergétique.
L'amendement n° 20 est adopté.
Yannick Vaugrenard, la Commission européenne a raison de prévoir un système de certificats d'économies d'énergie qui, à terme, pourront être échangés d'un pays à l'autre. Mais nous n'y sommes pas encore, et c'est pourquoi il vaut mieux prévoir dans un premier temps des systèmes nationaux. Je vous demande donc de retirer votre amendement n° 21.
Je trouve important qu'il y ait des normes identiques pour tout le monde.
Le risque, ici, est que des fonds français d'origine aillent financer des certificats d'économies d'énergie dans d'autres États membres.
L'amendement n° 21 est retiré.
Je suis favorable aux audits, et à ce que leurs auteurs soient indépendants. Mais cette compétence peut être exercée aussi efficacement en interne.
La France pourrait se positionner sur un grand marché de l'audit énergétique. Je suis d'avis que cette compétence doit être indépendante, car tous les pays n'auront pas la même rigueur. Nous avons intérêt à aller vers une certification des audits. Ce serait une opportunité pour notre pays, qui pourrait exporter son ingénierie.
L'article 7 de la proposition de directive prévoit que les audits énergétiques, pour tous les clients finaux, doivent être effectués de manière indépendante. Mais cela n'implique pas nécessairement que les opérateurs qui les réalisent soient indépendants, et la Commission européenne admet les experts internes à condition qu'ils soient qualifiés ou agréés et ne participent pas directement à l'activité soumise à l'audit. Il ne faut pas poser de difficultés aux établissements publics français.
Les experts externes travailleront en relation avec les experts internes. Je suis favorable à leur indépendance.
Nous irions au-delà des exigences de Bruxelles. L'amendement n° 22, qui prévoit l'élaboration de normes communes pour les audits énergétiques dans tous les États membres d'ici à 2020, devrait vous satisfaire.
L'amendement n° 23 est retiré.
Je suis favorable à l'amendement n° 24.
L'amendement n° 24 est adopté.
L'amendement n° 25 aborde trois sujets différents. Je suis favorable au premier point, relatif au financement des audits pour les PME, sous réserve d'une rectification : la Commission européenne ne doit pas donner des lignes directrices sur les suites à donner aux audits, ce qui me paraît exagéré, mais peut publier une communication à valeur de recommandation. Je demande le retrait du deuxième point, relatif à la mise en oeuvre d'un service public d'économie d'énergie dans les territoires. Le troisième point, relatif à la mise en place de nouveaux compteurs communicants sans charge supplémentaire pour les usagers, est largement satisfait par le déploiement des compteurs communicants.
Je suis d'accord avec la rectification du premier point et je retire les deux autres.
L'amendement n° 25 rectifié est adopté.
Je suis favorable à l'amendement n° 22.
L'amendement n° 22 est adopté.
Je suis d'accord avec l'amendement n° 33, sous réserve d'une modification proposée par mon amendement n° 6, car seul les compteurs électriques peuvent fournir des informations détaillées en temps réel : c'est pourquoi il est important de préciser « si possible », en attendant que les compteurs de gaz ou des réseaux de chaleur soient à leur tour en mesure de le faire.
Il me semble que GRDF a déjà bien avancé dans la mise au point de compteurs communicants, au moins pour l'habitat individuel.
L'amendement n° 33 rectifié est adopté. L'amendement n° 6 est en conséquence satisfait.
En ce qui concerne l'amendement n° 26, il est en effet souhaitable que le déploiement des compteurs communicants apporte au consommateur, de manière régulière, des informations sur sa consommation réelle. En outre, il me paraît opportun de préciser que les offres commerciales avec effacement devront profiter au consommateur et pas seulement au fournisseur : je vous propose une rédaction qui l'indique de manière plus directe.
Je suis favorable aux trois amendements n° 27 à 29.
Les amendements n° 27, 28 et 29 sont adoptés.
En ce qui concerne les amendements n° 30 et 31, je crois qu'il s'agit d'une mauvaise compréhension de ma proposition de résolution. La proposition de directive comporte un grand nombre d'exemptions, car une obligation absolue pourrait limiter les incitations à investir dans la création ou la rénovation des moyens de production. Mais, dans un souci de conciliation, j'accepte de donner un avis favorable à ces deux amendements.
Les amendements n° 30 et 31 sont adoptés.
Je suis favorable aux amendements n° 32 et 34.
Les amendements n° 32 et 34 sont adoptés.
Puis la commission adopte le texte de la proposition de résolution européenne dans la rédaction issue de ses travaux, le groupe communiste, républicain et citoyen votant contre.
Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Serge Larcher sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2012.
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui mon rapport sur les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2012.
Je souhaite au préalable, vous remercier, Monsieur le Président, mes chers collègues, de m'avoir désigné rapporteur pour avis sur cette mission budgétaire qui m'est, vous vous en doutez, particulièrement chère.
Le budget 2012 s'inscrit, pour les outre-mer, dans un contexte particulier au moins à deux titres : d'une part, le contexte national, marqué par la rigueur budgétaire, qui n'épargne pas, nous le verrons, nos outre-mer ; d'autre part, le contexte local marqué par la grave crise sociale qui secoue le département de Mayotte. Au cri des populations antillaises en 2009 répond, en écho, deux ans après, le cri de la population mahoraise. La réapparition du thème de la « vie chère » semble confirmer que, deux ans après, malgré les États généraux de l'outre-mer et malgré les annonces du Conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM) de novembre 2009, bien peu a été fait.
Je souhaite aujourd'hui procéder en deux temps. J'analyserai tout d'abord les crédits inscrits pour 2012 pour la mission « outre-mer » : ils me conduisent à penser que ce budget est un budget sans ambition. Je m'intéresserai ensuite plus particulièrement à la situation du logement dans nos outre-mer, problématique centrale dans ces territoires et pour laquelle l'État ne développe aujourd'hui aucune politique d'envergure.
S'agissant des crédits de la mission « outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2012, on note qu'ils augmentent de 1,1 % en autorisations d'engagement (AE) et de 2,9 % en crédits de paiement (CP).
Nos collègues députés vont, selon toute vraisemblance, adopter aujourd'hui un amendement du Gouvernement réduisant les crédits de la mission de 48 millions d'euros en AE et de 56 millions d'euros en CP : en conséquence, les crédits de la mission devraient globalement diminuer de 1,1 % en AE et augmenter de 0,1 % en CP. Dans la suite de mon propos, je ferai cependant référence aux données figurant dans le projet de loi de finances initial.
L'augmentation prévue pouvait sembler satisfaisante dans le contexte de rigueur budgétaire. Pour autant, plusieurs éléments indiquent que les moyens ne sont pas à la hauteur des défis auxquels sont confrontés nos outre-mer :
- tout d'abord, l'augmentation des crédits ne compense pas le niveau de l'inflation. Le projet de loi de finances a été élaboré à partir d'une prévision d'inflation à 1,7 %. Autrement dit, l'augmentation affichée des crédits de la mission en AE correspond à une diminution effective des moyens ;
- deuxième élément : cette légère augmentation des crédits intervient après la baisse opérée en 2011. Les crédits avaient alors diminué de 0,5 % en AE et de 2,3 % en CP. En 2012, les crédits ne seront donc que légèrement supérieurs à leur niveau de 2010 ;
- troisième élément : l'augmentation des crédits s'explique en grande partie par l'augmentation des crédits destinés, d'une part, aux exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer, augmentation qui n'est pas le résultat d'un choix politique, et, d'autre part, au plan « SMA 6 000 » lancé en 2009 ;
- enfin, et surtout, les mesures annoncées lors du CIOM de 2009, censées apporter une réponse à la grave crise sociale qui a secoué nos outre-mer, n'ont presque aucun impact budgétaire. Mise à part la stabilité des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) qui n'engendre d'ailleurs aucun coût supplémentaire, les autres mesures ont un impact budgétaire dérisoire, se montant globalement à quelques millions d'euros... Je m'inquiète d'ailleurs de l'écart existant avec les attentes créées par les États généraux...
L'évolution des crédits affectés aux deux programmes de la mission me conduit à formuler plusieurs remarques.
Le programme 138 « Emploi outre-mer » voit ses crédits augmenter de 1,3 % en AE et de 4,7 % en CP. Trois remarques à propos de ce programme :
- la majeure partie des crédits de ce programme (près de 80 %) est constituée du remboursement aux organismes de sécurité sociale du coût des exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer. Cette année encore, les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins des organismes : comme l'indique le ministère de l'outre-mer, les crédits inscrits au budget 2012 ne permettent pas de compenser la totalité du coût global de ces exonérations. Il n'est pas de bonne politique de sous-budgétiser chaque année pour reporter à plus tard la régularisation de la situation : lors de la loi de finances rectificative pour 2010, une enveloppe budgétaire de plus de 62 millions d'euros a ainsi été débloquée... ;
- sur ce programme sont inscrits les crédits destinés à un dispositif créé par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) : l'aide au fret. Je note que le décret d'application rendant cette aide effective a été publié - enfin ! - en décembre 2010, soit près de 18 mois après le vote de la LODEOM... ;
- les crédits destinés au service militaire adapté (SMA), dispositif qui a fait ses preuves dans nos outre-mer, sont marqués par une évolution contrastée cette année : ils reculent de 25 millions d'euros en AE mais progressent de 30 millions d'euros en CP. Les modalités de la montée en puissance du dispositif, parallèlement à la mise en place d'une « formation différenciée », restent problématiques : les résultats du SMA sont en effet en baisse, avec un taux d'insertion des volontaires qui est passé de 77 % en 2009 à 75 % en 2010.
S'agissant du programme « Conditions de vie outre-mer », ses crédits sont stables : ils augmentent de 0,8 % en AE et diminuent de 0,8 % en CP.
Figurent dans ce programme les crédits destinés à plusieurs politiques relevant du champ de compétence de notre commission, notamment les crédits destinés au Logement, la « ligne budgétaire unique » (LBU), dont les crédits sont stables en AE et progressent de 10 % en CP. Je reviendrai sur la problématique du logement dans nos outre-mer dans la seconde partie de mon propos.
Enfin, il m'est impossible d'évoquer les crédits de la mission outre-mer, sans évoquer les dépenses fiscales rattachées à cette mission. D'après les documents budgétaires, plus d'une vingtaine de dépenses fiscales sont rattachées à la mission, pour un coût total de 2,9 milliards d'euros, soit un niveau très supérieur aux crédits budgétaires, mais en nette diminution par rapport à 2011.
Cette année, le projet de loi de finances comprend deux articles concernant les dépenses fiscales relatives aux outre-mer : l'article 4 supprime le dispositif d'abattement d'un tiers sur le résultat des exploitations situées dans les DOM ; l'article 45 porte sur le « rabot » de 10 points sur les « niches fiscales ». Les niches fiscales spécifiques à l'outre-mer sont concernées, à l'exception de celle spécifique au logement social.
Je souhaite au préalable souligner que les dépenses fiscales relatives à l'outre-mer ont déjà été sensiblement réduites au cours des dernières années :
- la LODEOM a ainsi prévu la suppression progressive de la dépense fiscale liée au logement libre et intermédiaire, pour une économie annuelle qui devrait atteindre 251 millions d'euros en 2018 ; la réforme des exonérations de charges sociales a permis une économie annuelle de près de 60 millions d'euros ; la réforme de la « TVA-NPR » a conduit à une économie annuelle de près de 120 millions d'euros ;
- dans le cadre de la loi de finances pour 2011, les outre-mer ont été concernés par le « rabot » des niches fiscales, ce qui a permis une économie pour l'État de 100 millions d'euros, et par la suppression de l'aide fiscale pour le photovoltaïque, qui a permis une économie de 250 millions d'euros.
Autrement dit, Monsieur le Président, mes chers collègues, les outre-mer, malgré leur situation économique et sociale particulièrement dégradée, n'ont pas été tenus à l'écart de l'effort de rigueur, bien au contraire. J'espère que les nouvelles restrictions prévues par le projet de loi de finances - et celles annoncées lundi dernier par le Premier ministre - ne nuiront pas à leur développement économique.
Enfin, sur ce sujet, il m'est impossible de ne pas évoquer le rapport publié par l'Inspection générale des finances (IGF) en juin dernier. Ce rapport est intéressant à plus d'un titre. Il souligne ainsi que la défiscalisation ne favorise pas la concurrence dans les outre-mer et qu'elle engendre des surcoûts pour l'État par rapport aux subventions. La conclusion de l'IGF est particulièrement dérangeante : « le mécanisme de défiscalisation (...) s'apparente à une préférence de la puissance publique pour l'affichage d'un taux de prélèvements obligatoires contenu (...) et d'une maîtrise de la dépense publique, mais occasionne en pratique un surcoût pour les finances publiques, par rapport à des outils tels que des prêts bonifiés ou des avances remboursables (...) [ou] des subventions ».
Je ne partage pas l'ensemble des analyses de l'IGF. La défiscalisation est à l'origine de la création de nombreux emplois dans les outre-mer. Pour autant, je pense que le débat sur le choix entre défiscalisation et subvention est loin d'être anodin.
Je souhaite dans un second temps m'arrêter sur la situation du logement dans les outre-mer. A mes yeux, ce dernier doit en effet constituer une véritable priorité pour l'État dans les outre-mer. Quelques éléments montrent que la situation est dramatique :
- les outre-mer connaissent une grave pénurie de logements sociaux : en 2009, près de 166 000 personnes étaient en attente d'un logement social dans les quatre DOM, soit près de 10 % de la population totale, contre moins de 3 % en métropole. Je souhaite d'ailleurs attirer votre attention sur un des éléments qui freine la construction de logements sociaux : le prix du foncier. Ce dernier a très fortement augmenté dans nos outre-mer au cours des dernières années : au cours de la période 2006-2009, les prix ont augmenté de 31 % dans les DOM et, en 2009, seule l'Île-de-France affichait un coût du terrain au mètre carré supérieur aux DOM ;
- autre volet de la crise du logement : l'insalubrité. Près d'un quart du parc est insalubre dans les DOM ! Avec une particularité par rapport à la métropole : l'existence d'un habitat informel massif. La loi adoptée l'année dernière à l'initiative de notre collègue député Serge Letchimy a contribué à mettre en lumière cette réalité et a prévu l'adaptation des dispositifs de lutte contre l'habitat insalubre.
Face à cette situation, je ne peux que me réjouir que la construction de logements sociaux progresse cette année, sans pour autant être à la hauteur des besoins.
Je souhaite vous en rappeler les mécanismes de financement :
- les crédits budgétaires, à savoir la ligne budgétaire unique (LBU), qui sont stables en 2012. Ils financent la construction de logements sociaux mais aussi, par exemple, la politique de résorption de l'habitat insalubre (RHI) ;
- le logement social est de plus en plus financé par la défiscalisation, notamment par le biais du dispositif spécifique de défiscalisation mis en place dans le cadre de la LODEOM. Après des premiers résultats décevants, le dispositif de la défiscalisation du logement social est en croissance exponentielle, à tel point que l'IGF estime que le logement social est en passe de devenir une des principales dépenses fiscales pour l'outre-mer.
On note donc aujourd'hui une légère relance de la production de logement social en 2010, 6 500 logements sociaux ont ainsi été financés, soit 2 000 de plus que la moyenne des trois années précédentes. Le Gouvernement estime que la défiscalisation explique ces bons résultats. Je ne partage cependant pas son euphorie et ceci pour plusieurs raisons :
- tout d'abord, les résultats de 2010 restent très en deçà des besoins. Le chiffre de 6 500 logements correspond aux besoins annuels des seuls départements de Guyane et de La Réunion !
- ensuite, je reste pour ma part très réservé quant au choix politique de faire financer la construction du logement social par la défiscalisation. La LBU doit demeurer, comme l'a affirmé la LODEOM, le socle du financement du logement social outre-mer. Or, à mes yeux, le maintien du niveau des crédits de la LBU, ne constitue en rien une victoire : il s'agit plutôt du renoncement de l'État à consacrer davantage de crédits budgétaires à la construction de logement sociaux ;
- enfin, ce choix de la défiscalisation m'interroge d'autant plus que l'IGF a montré qu'il ne s'agit en aucun cas d'une solution économe des deniers publics par rapport aux subventions.
Au-delà de ces aspects budgétaires, je souhaite souligner qu'en matière de logement, beaucoup de choses ont été promises par le Gouvernement pour bien peu de résultats. En voici quelques exemples :
- dans le cadre de la LODEOM, le Parlement a prévu la création d'un groupement d'intérêt public (GIP) chargé de rassembler les éléments permettant de reconstituer les titres de propriété outre-mer. Il s'agit d'une disposition particulièrement importante à mes yeux, les problèmes d'indivision constituant un frein réel à la construction de logements sociaux outre-mer. Or, à ce jour, plus de 2 ans après le vote de la loi, le décret d'application n'a toujours pas été publié ;
- le CIOM a promis la relance de la production de logement social. Or les deux mesures phares, quelles sont-elles ? L'assouplissement des règles de participation des collectivités territoriales à la construction de logement social et la possibilité pour l'État de céder à titre gracieux ses terrains. Il s'agit, certes, de deux mesures importantes, mais elles ne suffiront clairement pas à relancer fortement la construction de logement social ;
- par ailleurs, quel a été le résultat de ces deux mesures ? Un décret a été publié à propos de la surcharge foncière, mais applicable uniquement jusqu'au 1er janvier 2012. Par ailleurs, sur le terrain, le dispositif n'a été utilisé qu'en Martinique. En Guadeloupe, il aurait été, pour les services de l'État, « difficile d'obtenir une évaluation objectif de la situation financière des communes ». Cette explication est stupéfiante quand on sait qu'en juillet dernier la Cour des comptes a publié un rapport thématique sur cette question, jugeant la situation des communes ultramarines très préoccupante.
- s'agissant des cessions de terrains de l'État, aucune cession n'a été réalisée depuis le vote d'un article spécifique dans la loi de finances pour 2011... car le décret d'application n'a toujours pas été publié.
Il ne s'agit que de quelques exemples, mais ils illustrent bien que les résultats sont en complet décalage avec les promesses qui ont été faites et que, globalement, une politique ambitieuse en matière de logement fait défaut dans nos outre-mer.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées au cours de mon propos, j'estime donc que ce budget n'est pas à la hauteur des défis auxquels sont confrontés nos outre-mer.
En conséquence, vous comprendrez, Monsieur le président, chers collègues, que je propose à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission outre-mer pour 2012.
J'ai été rapporteur pour avis du budget de l'outre-mer il y a dix ans de cela, et je retrouve dans vos propos nombre de thèmes qui étaient déjà d'actualité à cette époque. Les réalités semblent ne pas changer rapidement outre-mer !
Au-delà de l'aspect quantitatif de crédits forcément en diminution, quelles améliorations qualitatives peut-on espérer pour l'outre-mer ?
Quelle est la situation de la pêche outre-mer ? Je rappelle que, grâce aux départements et collectivités d'outre-mer, la France dispose d'une des plus importantes zones économiques exclusives mondiales, comparable à celle des États-Unis. Vous avez insisté dans votre rapport sur le besoin de logements sociaux. La politique d'accession sociale à la propriété se développe-t-elle outre-mer ?
Après les grandes grèves de 2009, provoquées par la vie chère et le problème du logement, quelle est la situation sociale outre-mer ? Les indicateurs sociaux s'y sont-ils améliorés ? Les engagements pris par le Gouvernement ont-ils été tenus ?
Je souhaiterais également connaître la situation exacte du logement social outre-mer et savoir si le rapporteur a des suggestions à faire pour remédier aux difficultés.
En tant que sénateur représentant Saint-Barthélemy, je rappelle que notre territoire n'attend pas grand-chose du budget de l'État, puisqu'il a choisi la voie de l'autonomie. Dans la situation de crise que notre pays traverse, qui nous oblige à réduire le déficit budgétaire, je suis intéressé par la recherche de la qualité : à crédits constants, nous pourrions avoir de meilleurs résultats. J'ai présenté cette année un rapport d'information sur le tourisme en Guadeloupe et en Martinique, qui formule un certain nombre de propositions et de recommandations. En ce qui concerne la défiscalisation notamment, j'estime qu'il s'agit d'une bonne idée, mais d'un outil mal utilisé qui, en dépit d'un manque à gagner colossal pour l'État, ne parvient pas à créer des emplois durables en outre-mer. Je suis donc favorable à une modification du dispositif actuel pour mettre en place une défiscalisation choisie et de projets.
La situation de Saint Barthélémy est bien particulière. Pour en revenir à la mission « outre-mer », je rappelle que les dépenses fiscales rattachées à cette mission ont déjà subi un « coup de rabot » marqué par rapport à 2011, à hauteur de 400 millions d'euros. On ne peut pas demander un tel effort à des populations qui connaissent déjà de grandes difficultés économiques.
En ce qui concerne la pêche outre-mer, il ne faut pas oublier que nous sommes soumis aux mêmes règles européennes qu'en métropole. Notre flotte de pêche, qui a un caractère artisanal, ne peut donc pas bénéficier de subventions à la construction. Le plateau continental de la zone Antilles-Guyane est très riche en poissons, mais largement pillé par les Japonais et les sud-américains.
Nos outre-mer sont en retard en matière de logement social. Les constructions sont rares et les besoins importants, avec une population dont les revenus moyens tournent autour du smic et la nécessité de résorber l'habitat insalubre. Il n'est pas rare que plusieurs familles cohabitent dans un même logement. La hausse du prix du foncier constitue un effet pervers du dispositif de défiscalisation. Les communes essaient de dégager des terrains constructibles, mais peinent à en financer la viabilisation. Le prix de la construction est également plus élevé qu'ailleurs, en raison de la multiplicité des risques à prendre en compte : sismique, tsunami, volcanique...
S'agissant de la problématique de la vie chère, la difficulté vient du fait que ces économies insulaires sont de petites dimensions et que le jeu de la concurrence ne permet donc pas de parvenir au juste prix. Le niveau des prix outre-mer demeure supérieur à celui de la métropole. Le dispositif de réglementation des prix pour les produits de première nécessité, prévu par la LODEOM, n'est pas appliqué.
J'ai présenté au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques un rapport sur le risque de tsunami sur les côtes françaises. A cet égard, deux zones à risques sont identifiées : le littoral méditerranéen et les Antilles. Alors qu'un centre d'alerte pour la Méditerranée va être mis en place en 2012, il serait temps de prendre des dispositions pour protéger les populations des Antilles.
Pour répondre à la problématique du foncier, existe-t-il aux Antilles des établissements publics fonciers ?
Des établissements publics fonciers n'ont pas encore été mis en place aux Antilles, malgré les annonces du CIOM.
La commission a ensuite donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».