La commission a procédé à l'audition de M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Justice »).
a tout d'abord souligné que la justice constituait en 2007 une des priorités du Gouvernement, son budget augmentant de 5 %, alors même que l'augmentation du budget de l'Etat n'était que de 0,8 %. Il a précisé que le budget de la justice s'élevait ainsi à 6,271 milliards d'euros, représentant 2,34 % du budget de l'Etat, contre 1,69 % en 2002, soit une augmentation de 38 % depuis 2002.
Ajoutant que le budget poursuivait un objectif de modernisation de la justice, le ministre s'est félicité des conditions de mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, et a estimé que les chefs de cour, désormais ordonnateurs des dépenses à la place des préfets, exerçaient pleinement leurs responsabilités financières dans un souci d'économie et de performance.
Soulignant le rôle moteur des audits de modernisation de l'Etat, le ministre a indiqué que l'ensemble des juridictions et les principaux établissements pénitentiaires seraient équipés de la visio-conférence avant la fin de l'année, afin de réaliser des économies en termes de déplacements d'experts et de magistrats, notamment outre-mer, mais également de transfèrement de détenus. Il a poursuivi en annonçant que plus de la moitié des tribunaux de grande instance bénéficieraient d'ici à la fin de l'année de la numérisation des procédures pénales, qui vise à autoriser l'accès en temps réel des magistrats et auxiliaires de justice au dossier.
Le ministre s'est ensuite félicité de la réussite de la transformation de 20 % du budget de la justice (frais de justice, aide juridictionnelle, financement du secteur associatif de la protection judiciaire de la jeunesse et prise en charge de la santé des détenus) en crédits limitatifs et non plus évaluatifs. Il a souligné que malgré le scepticisme initial, les frais de justice, qui connaissaient auparavant une augmentation de 15 à 20 % par an, étaient revenus de 487 millions d'euros en 2005 à 420 millions d'euros en 2006, conformément aux prévisions, et devraient se stabiliser en 2007 à 423 millions d'euros. Il a ajouté que cette maîtrise était intervenue en respectant la liberté d'initiative des magistrats et la recherche de la vérité, grâce notamment à la mise en concurrence des fournisseurs et à une prise de conscience des prescripteurs.
a ensuite présenté le deuxième objectif de ce budget, consistant à assurer l'accessibilité de la justice pour tous les citoyens.
Il a tout d'abord indiqué qu'entre 2002 et 2005, les délais moyens de traitement dans les juridictions du premier degré avaient baissé de 28 %, revenant de 9,4 à 6,7 mois, tout en reconnaissant la persistance de délais anormalement longs.
Affirmant vouloir garantir aux plus démunis le droit de disposer d'un avocat, le ministre a rappelé que les crédits de l'aide juridictionnelle, de 323 millions d'euros, progressaient de 6,6 %. Il a indiqué que la majeure partie de cette augmentation serait consacrée à la revalorisation de l'unité de valeur, et souligné que plusieurs réformes avaient d'ores et déjà amélioré la situation des avocats depuis 2001.
Soulignant le paradoxe entre le poids pour les finances publiques des dépenses d'aide juridictionnelle et les critiques la visant, le ministre a annoncé l'ouverture d'« Assises de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit » en janvier prochain, au cours desquelles serait en particulier étudiée la coordination de l'aide juridictionnelle avec l'assurance de protection juridique, particulièrement intéressante s'agissant des classes moyennes. Le ministre a annoncé la présentation prochaine d'un projet de texte, très attendu tant par les avocats que par les représentants des consommateurs.
Le ministre a ensuite rappelé la forte progression des crédits destinés aux associations d'aides aux victimes depuis 2002, ainsi que l'augmentation de 38 % du nombre de victimes suivies (plus de 100.000 en 2005), avant de souligner l'augmentation de 13 % des crédits de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, consécutive à celle de 26 % en 2006.
a enfin présenté le troisième objectif -d'efficacité- de ce projet de loi.
Il a tout d'abord rappelé que 1.548 recrutements devaient intervenir, portant à 7.700 le nombre d'emplois créés au cours de la législature. Les juridictions seraient donc renforcées de 160 magistrats, 160 greffiers et 200 fonctionnaires de greffe, la protection judiciaire de la jeunesse et l'administration pénitentiaire respectivement de 270 et 703 agents.
Après avoir rappelé les importants travaux de construction et de réhabilitation menés de 2002 à 2006, le ministre a indiqué que 2007 serait marquée par la mise en service de nouveaux établissements pénitentiaires et de palais de justice. Il a précisé que serait respecté l'engagement de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de créer 13.200 places réparties sur trente établissements pénitentiaires, afin de remédier à la surpopulation carcérale et à la vétusté de certains établissements, et il a déclaré que la France disposerait ainsi de 60.000 places aux normes européennes.
Le ministre a ensuite indiqué que l'effort immobilier en faveur des juridictions se poursuivrait grâce à un programme de construction-rénovation de 190 millions d'euros.
a estimé que ces efforts importants permettraient une meilleure exécution des décisions de justice, et s'est félicité de l'amélioration de 10 % du taux de réponse pénale intervenue depuis quatre ans, en indiquant que ce taux était désormais de 78 %, voire de 86 % s'agissant des mineurs. Il a également approuvé la diversification croissante de la réponse pénale, estimant qu'elle contribuait à en améliorer l'effectivité.
Le ministre a poursuivi en rappelant la création de 67 bureaux d'exécution des peines et en annonçant leur généralisation à tous les tribunaux de grande instance d'ici à la fin de l'année, avant leur extension aux tribunaux pour enfants.
Il a ensuite indiqué vouloir poursuivre la politique de sécurisation des établissements pénitentiaires engagée depuis 2002, en soulignant que la France disposait désormais de l'un des taux d'évasion les plus faibles d'Europe.
Le ministre a ajouté que 18 millions d'euros seraient consacrés à la sûreté des juridictions et qu'il serait fait appel, dans les juridictions les plus sensibles, à d'anciens surveillants de l'administration pénitentiaire, aux côtés des réservistes de la Police nationale, les expériences menées à Rouen, Aix-en-Provence ou Toulouse s'étant révélées concluantes.
a ensuite rappelé que la justice avait vocation à réinsérer les mineurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse et les détenus ayant purgé leur peine.
Il a précisé que les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmentaient de 8,6 %, les crédits du secteur associatif progressant pour leur part de 43 millions d'euros.
Rappelant son souhait d'éviter les « sorties sèches » de prison, il s'est félicité de l'augmentation de 27 % entre 2003 et 2007 des mesures d'aménagement de peine et a préconisé le développement du bracelet électronique fixe, en rappelant que malgré le scepticisme initial, l'objectif de 3.000 placements fin 2007 serait atteint. Il a ensuite estimé que l'expérimentation du bracelet électronique mobile permettrait au juge de concilier protection de la société, respect des victimes et réinsertion des condamnés, et qu'une quinzaine de placements interviendraient dans ce cadre d'ici à la fin de l'année, avant la publication d'un décret en janvier.
a enfin, après avoir souligné l'importance du débat sur la réforme de la justice en réponse à l'« affaire d'Outreau », rappelé les trois enjeux auxquels la justice est aujourd'hui confrontée : lutter contre les détentions provisoires injustifiées ; renforcer les droits de la défense et moderniser le régime de la responsabilité des magistrats. Il a souhaité que ces projets de loi, adoptés il y a peu par le conseil des ministres et déposés à l'Assemblée nationale, soient prochainement soumis au Sénat.
Après avoir cité les récents chantiers mis en oeuvre avec succès par le ministère de la justice -la création des bureaux d'exécution des peines, la rationalisation des frais de justice ou encore la sécurisation des palais de justice, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la justice et à l'accès au droit, a constaté que les chefs de cour d'appel avaient pleinement assumé les nouvelles responsabilités en matière de gestion qui leur incombaient depuis l'entrée en vigueur de la LOLF. Il a néanmoins regretté que l'administration centrale ait pesé de tout son poids dans le cadre de l'exécution des budgets déconcentrés, ce qui avait donné lieu à une excessive bureaucratie et à une absence de marge d'autonomie dans la gestion des crédits « préalablement fléchés » par le ministère. A cet égard, il a souhaité savoir si le garde des sceaux envisageait à l'avenir d'assouplir les modalités de mise en oeuvre du nouveau cadre budgétaire.
Le rapporteur pour avis des crédits consacrés à la justice et à l'accès au droit s'est également interrogé sur la forte progression des crédits de formation au sein du programme justice judiciaire (en hausse de plus de 20 millions d'euros), se demandant à quel poste serait affectée cette rallonge budgétaire.
Il a par ailleurs demandé au garde des sceaux si des mesures seraient prises pour remédier à la situation particulière de certains magistrats issus de la voie de l'intégration directe, recrutés avant la mise en oeuvre de la réforme statutaire des magistrats en 2001, mais nommés après l'entrée en vigueur de cette réforme. Il a expliqué que ceux-ci n'avaient pu bénéficier des mesures de reclassement indiciaire auxquelles ils s'attendaient et s'étaient vu appliquer la nouvelle grille indiciaire du second grade des magistrats, moins favorable.
Il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la réforme de la justice de proximité, notamment sur le rythme et la qualité des recrutements, ainsi que sur l'application -inégale selon les juridictions- des dispositions relatives à leur participation aux formations collégiales en matière correctionnelle.
Enfin, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la justice et à l'accès au droit, a constaté que les recrutements de personnels des greffes à l'Ecole nationale des greffes (ENG) prévus cette année ne permettraient pas de compenser les départs à la retraite. Il s'est demandé comment le ministère de la justice comptait faire face à l'accélération du rythme des départs à la retraite à compter de l'année prochaine. Il a insisté sur la nécessité d'anticiper ce mouvement le plus vite possible, afin de ne pas accroître le sentiment de déception déjà présent dans les greffes compte tenu de la charge de travail de plus en plus lourde à assumer et de la pénurie des moyens humains mis à leur disposition. Il a jugé indispensable de prendre rapidement des mesures pour motiver des personnels qui sont des auxiliaires indispensables d'une justice efficace et moderne.
En réponse, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que :
- les difficultés apparues cette année dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF s'expliquent par la phase d'apprentissage liée à la nouveauté des règles budgétaires et par l'insuffisance de l'enveloppe allouée aux juridictions, en raison de la modicité du budget de la justice ; l'administration centrale a effectivement décidé de la destination des crédits avant de les déléguer aux cours d'appel, compte tenu de la priorité accordée à certains chantiers (généralisation des bureaux d'exécution des peines, mise en place de la visio-conférence et sécurisation des juridictions) ; en raison de la limitation des moyens mis à leur disposition, les chefs de cour d'appel n'ont pu utiliser les marges de manoeuvre qu'offrait en théorie la fongibilité asymétrique des crédits mis à leur disposition. L'approfondissement des dialogues de gestion entre le ministère et les cours d'appel constitue le moyen de redonner aux chefs de cour leur autonomie, notamment s'agissant de la gestion des ressources humaines en matière de répartition des emplois dans les juridictions ;
- la progression des crédits alloués à la formation est destinée à financer le recrutement d'un plus grand nombre d'agents au sein des trois écoles de formation du ministère de la justice (Ecole nationale de la magistrature (ENM), Ecole nationale des greffes (ENG), Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP)) ; la dotation allouée à l'ENM augmente en outre d'un million d'euros pour favoriser l'ouverture des enseignements dispensés aux auditeurs de justice, conformément aux orientations arrêtées à la suite de l'affaire d'Outreau ;
- la situation des magistrats recrutés par la voie de l'intégration directe mérite d'être prise en compte, un décret permettant de les faire bénéficier d'un reclassement plus favorable étant actuellement soumis à l'avis du Conseil d'Etat, qui fait suite à une première version présentée en décembre dernier, qui avait reçu un avis défavorable du Conseil d'Etat ; cette revalorisation est nécessaire, la rémunération des magistrats issus de voies parallèles devant être suffisamment attractive pour assurer un recrutement de qualité ;
- la réforme de la justice de proximité, mal accueillie au départ par les juges professionnels est une bonne idée et fonctionne de manière satisfaisante, contrairement à certaines critiques ; les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil supérieur de la magistrature ont élevé les critères d'exigence pour recruter les candidats aux fonctions de juge de proximité ; ainsi, plusieurs candidats de grande qualité se sont vu refuser l'accès à cette fonction soit en raison d'un niveau universitaire trop bas, soit en raison de l'échec au stage probatoire ; la sélection est très sévère ;
- la participation des juges de proximité aux formations collégiales du tribunal correctionnel donne effectivement lieu à une inapplication disparate ; 80 % des effectifs de juge de proximité des tribunaux de grande instance de Bordeaux et de Douai sont impliqués dans le traitement des affaires correctionnelles ; a contrario, dans certains ressorts, cette disposition n'est pas mise en oeuvre ; l'application de ce dispositif dépend des chefs de juridiction ;
- compte tenu des départs massifs susceptibles d'intervenir à l'horizon 2008, il convient d'augmenter les capacités de recrutement de magistrats et de greffiers ; actuellement, le nombre de magistrats, grâce aux créations d'emplois effectuées dans le cadre du programme quinquennal, est suffisant. Le problème est plus aigu dans les greffes, les créations d'emplois programmées n'ayant pu être complètement réalisées. En 2005, l'allongement de la scolarité à l'ENG a amplifié le sentiment de pénurie dans les greffes, dans la mesure où les élèves fonctionnaires, en cours de scolarité, n'ont pu être affectés en juridiction. Toutefois, ce problème ponctuel devrait être résolu en 2007, compte tenu de l'arrivée prochaine dans les juridictions de nombreux greffiers et greffiers en chef, ayant achevé leur formation. L'équilibre atteint au niveau des effectifs pourrait toutefois être mis à mal si les départs en retraite n'étaient pas compensés par des recrutements correspondants, ce qui implique d'accélérer le rythme actuel des recrutements ; à cet égard, le soutien du Parlement est essentiel pour sensibiliser le ministère de l'économie et des finances à la nécessité de financer des recrutements de magistrats et de fonctionnaires des greffes en plus grand nombre ; à défaut d'anticipation, une rechute des effectifs est à craindre.
a tout d'abord souhaité qu'en dépit de la pression médiatique relative aux mineurs délinquants, il soit fait preuve de prudence, avant de juger l'expérience intéressante des centres éducatifs fermés.
Il s'est ensuite inquiété de la non-réalisation de l'objectif de création de 1.250 emplois défini par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, en rappelant les récentes fermetures d'établissements du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse.
Il a en outre souhaité connaître les mesures prises pour remédier aux difficultés financières du secteur associatif habilité du fait d'une sous-estimation chronique de ses crédits, avant de s'inquiéter des critères choisis en matière de recentrage des mesures de la protection judiciaire de la jeunesse concernant les jeunes majeurs.
Le rapporteur pour avis a enfin déploré les retards d'élaboration du panel des mineurs, estimant qu'il constituait un instrument d'évaluation déterminant.
a apporté quelques précisions au sujet de la délinquance des mineurs, en soulignant que le taux de réponse pénale les concernant était de 86 %, et qu'il ne pouvait donc être question d'un quelconque laxisme de la justice ou d'impunité. Il s'est félicité de la diversité des mesures désormais à la disposition des magistrats et a rappelé qu'au-delà des admonestations, des sursis avec mises à l'épreuve ou des injonctions de se soigner pouvaient être prononcés à l'encontre des mineurs, avant d'estimer que le non-éloignement d'un mineur délinquant de son quartier n'était pas synonyme d'absence de réponse pénale.
Le ministre s'est en outre félicité de l'expérience des centres éducatifs renforcés et des centres éducatifs fermés, en estimant qu'après avoir reçu un accueil sceptique de la part des juges des enfants et avoir connu pour une minorité d'entre eux des difficultés de fonctionnement, leur pertinence était désormais reconnue. Soulignant que ces dispositifs avaient permis de limiter l'incarcération des mineurs délinquants, celle-ci devant demeurer l'ultime recours, il s'est félicité de la gradation des sanctions disponibles et de leur caractère éducatif. Il a par ailleurs présenté le programme de construction des établissements pénitentiaires pour mineurs, en soulignant l'importance de la prise en charge éducative.
Le ministre a ensuite indiqué que 1.003 créations d'emplois étaient intervenues depuis 2002, portant le degré de réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice à 80 %, ce qu'il a jugé très positif.
S'agissant de la dette de l'Etat vis-à-vis du secteur associatif habilité, il a déploré les difficultés induites par le caractère limitatif des crédits de ce secteur, et s'est engagé à apurer la dette dans les deux ans. Le ministre a en outre annoncé que des objectifs ambitieux de maîtrise des dépenses, en particulier concernant les mesures en faveur des jeunes majeurs, avaient été fixés à la protection judiciaire de la jeunesse. Il a également appelé à développer la complémentarité entre les établissements du secteur public et du secteur associatif habilité. Le ministre a évoqué le recentrage en matière de jeunes majeurs, dont les dépenses d'hébergement représentent 40 % des dépenses de fonctionnement du secteur associatif habilité.
Il a enfin indiqué que les premiers résultats du panel des mineurs en matière de réitération dans les douze mois pourraient être connus au début de 2007.
a d'abord souligné qu'à l'issue de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, le nombre de places dans les prisons devrait correspondre à l'effectif des détenus constaté dans la période récente. Il s'est également félicité de la progression des crédits réservés à l'administration pénitentiaire dans le projet de budget pour 2007. Après avoir relevé que les capacités des quartiers mineurs des établissements pénitentiaires étaient loin d'être pleinement utilisées, il a demandé au garde des sceaux si le programme de réalisation des établissements pénitentiaires pour mineurs n'était pas surdimensionné par rapport aux besoins.
Il a interrogé ensuite le ministre sur les résultats de la mission d'évaluation mise en place par le ministère de la justice pour quantifier les besoins en matière de travailleurs sociaux et il a souhaité connaître les effectifs supplémentaires dont les services pénitentiaires d'insertion et de probation pourraient effectivement disposer dès 2007.
Par ailleurs, après avoir relevé qu'un troisième bâtiment de la maison d'arrêt de la Santé à Paris devrait être fermé, il a demandé au garde des sceaux de faire le point sur les travaux programmés dans cet établissement pénitentiaire, ainsi que sur les moyens financiers prévus à ce titre par le projet de loi de finances. Il s'est interrogé en outre sur les mesures envisagées pour permettre aux établissements de la région francilienne de prendre en charge les détenus qui ne pourront plus être accueillis à la Santé.
Enfin, M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis, a souhaité savoir si les placements sous surveillance électronique avaient bénéficié à des personnes qui en tout état de cause auraient bénéficié d'un aménagement de peine ou s'ils avaient effectivement permis une progression du nombre des mesures d'aménagement de peines.
En réponse, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a d'abord observé que la politique pénitentiaire conduite au cours des cinq dernières années s'était voulue exemplaire en cherchant notamment à développer de manière équilibrée les volets détention et réinsertion. Il a précisé que les services pénitentiaires d'insertion et de probation avaient bénéficié, sur les cinq dernières années, de 1.200 créations d'emplois. Il a également indiqué que les travaux de rénovation de la maison d'arrêt de la Santé seraient engagés dans le cadre d'un partenariat public-privé au début de l'année prochaine. Il a relevé qu'une partie de la prison serait fermée pendant le déroulement du chantier, et que les détenus qui ne pourraient plus être affectés à cet établissement seraient répartis entre les autres maisons d'arrêt d'Ile-de-France. Il a enfin souligné que cette opération ne serait pas financée au détriment de l'enveloppe budgétaire prévue pour la rénovation des établissements pénitentiaires de Fleury-Mérogis et des Baumettes.
Le ministre de la justice est convenu que le programme d'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) était surdimensionné au regard du nombre de mineurs actuellement incarcérés. Il a d'ailleurs observé que l'effectif de mineurs détenus était inférieur à celui constaté en 2002. Il a rappelé l'effort de diversification de la politique pénale conduite à l'égard des mineurs, notamment avec la création des centres éducatifs fermés, et observé que l'ouverture des EPM se traduirait par la fermeture de quartiers mineurs ou leur transformation, comme tel serait le cas du quartier mineurs du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, appelé à devenir un centre de semi-liberté.
S'agissant du placement sous surveillance électronique (PSE), il a relevé que 19.000 mesures avaient été accordées depuis l'institution de ce dispositif et que le développement des PSE avait permis une augmentation effective du nombre de mesures d'aménagement de peine. Il a également noté que la mise en place du bracelet électronique mobile, qui pourrait concerner à titre expérimental avant la fin de l'année une quinzaine de personnes, devrait encourager les libérations conditionnelles en apportant une forte garantie contre le risque de récidive. Il a enfin indiqué à l'intention de M. Robert Badinter que les coûts du bracelet fixe et du bracelet mobile étaient respectivement quatre fois et deux fois moins élevés que le coût de la journée de détention.
a craint que la modicité du budget de la justice cette année ne permette pas d'atteindre l'objectif prioritaire du garde des sceaux de moderniser l'institution judiciaire, observant que la loi de programmation pour la justice de 2002 n'avait pas été exécutée complètement. Elle a regretté que l'augmentation des crédits soit principalement dédiée à l'enfermement. Elle a souhaité obtenir une évaluation précise du dispositif relatif au placement sous surveillance électronique, notamment afin de connaître le profil des personnes éligibles à ce dispositif. De même, elle a jugé nécessaire de disposer d'un bilan complet de la mise en oeuvre de la justice de proximité. Elle a estimé dramatique la situation de la santé dans les établissements pénitentiaires. Elle a regretté la faible progression des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle, bien inférieure aux promesses d'augmenter ce poste de 15 % en cinq ans. Elle s'est interrogée sur l'état d'avancement du projet de construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris.
a souhaité que les sénateurs puissent largement s'exprimer sur la réforme de la justice proposée à la suite de l'affaire d'Outreau. Il s'est, pour sa part, déclaré opposé à l'enregistrement des gardes à vue et des interrogatoires par le juge d'instruction des personnes mises en examen, considérant que d'autres solutions, telles que la présence de l'avocat au cours de la première heure de garde à vue, garantiraient mieux les droits de la défense. Il a souhaité que l'aide juridictionnelle soit réformée dans le sens d'une plus grande équité, afin de permettre à tous les mineurs de bénéficier de ce dispositif, indépendamment du niveau de ressources de leurs parents. Il a jugé essentiel d'offrir un accès à la justice aux plus démunis.
En réponse à M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui l'interrogeait sur l'objectif de la journée portes ouvertes organisée prochainement par les cours d'appel, le garde des sceaux a précisé que cette démarche visait à renforcer le dialogue entre la justice et les citoyens.
a souhaité savoir si des mesures destinées à développer les moyens alloués à la psychiatrie en prison étaient envisagées.
a regretté l'absence d'amélioration du ratio fonctionnaires des greffes-magistrats, principalement imputable au retard pris par l'exécution de la programmation quinquennale en matière de créations d'emplois de fonctionnaires.
A l'attention de M. Richard Yung, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a expliqué la baisse des crédits du programme « Accès au droit et à la justice », qui reviennent de 344 millions en crédits de paiement à 338 millions d'euros, par un changement de périmètre, les dépenses de rémunération inscrites dans ce programme l'année dernière (près de 28 millions d'euros) ayant été transférées pour 2007 dans le programme « Justice judiciaire ». A structure constante, la dotation allouée à l'accès au droit et à la justice croît de 6,6 % par rapport à 2006 a-t-il souligné.
s'est également inquiété de l'évolution des crédits consacrés à l'accueil des familles des détenus dans le projet de loi de finances pour 2007 et il a souhaité obtenir des précisions sur les coûts comparatifs de la journée de détention en établissement en gestion publique et en gestion mixte.
A l'attention de M. Pierre Fauchon, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le nombre d'auditeurs de justice non titulaires d'une licence ou d'une maîtrise en droit était résiduel. Il a considéré que le principal problème posé par le recrutement des candidats aux concours de l'ENM tenait à l'insuffisante prise en compte de leur profil psychologique.
Après avoir exprimé ses doutes sur l'opportunité de l'amendement présenté par M. Roland du Luart, rapporteur spécial des crédits de la justice au nom de la commission des finances, tendant à augmenter le montant de l'unité de valeur de référence servant de base de calcul pour la rétribution des avocats au titre des missions accomplies dans le cadre de l'aide juridictionnelle, M. François Zocchetto s'est déclaré plus enclin à soutenir une réforme de l'assurance de protection juridique. Il a souhaité que ce chantier -qui permettrait une réelle amélioration des conditions de rémunération des avocats- puisse être rapidement concrétisé.
Il s'est inquiété de ce que le statut des repentis ne soit toujours pas applicable, faute de publication du décret prévu par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. M. François Zocchetto a demandé au garde des sceaux si le projet de budget prévoyait des dispositions en faveur des associations de victimes, estimant nécessaire de soutenir des acteurs de plus en plus impliqués dans le fonctionnement de la justice.
s'est inquiété des problèmes posés de santé mentale dans les prisons en demandant s'il existait une concertation suffisante entre le ministère de la justice et celui de la santé pour permettre une augmentation du nombre de psychiatres et de psychologues dans les établissements pénitentiaires.
Il a souhaité connaître ensuite les moyens financiers réservés à la gestion privée des établissements pénitentiaires en observant que ce mode de gestion lui paraissait le plus efficace pour assurer en particulier la maintenance des prisons.
s'est demandé s'il fallait interpréter l'annonce de la présence du garde des sceaux à l'inauguration du tribunal administratif de Nîmes comme le signe d'une sortie de la justice administrative de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat » et donc, d'un prochain rattachement à la mission « Justice ».
a souhaité connaître la part du projet de budget consacré à la réinsertion des détenus ainsi qu'à l'aménagement de peine. Elle s'est interrogée en outre sur le coût moyen, particulièrement élevé, de la journée de placement dans un centre éducatif fermé. Elle a demandé enfin si le nombre des unités de vie familiale augmenterait prochainement.
En réponse aux commissaires, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a apporté les précisions suivantes :
- le taux de détention de tous les autres pays européens (entre 95 et 140 %) est supérieur à celui observé en France (90,5 %) ;
- une évaluation des centres éducatifs fermés, conduite en 2005, s'est conclue par un bilan positif ; de même, une évaluation des juges de proximité, menée fin 2005, a préconisé notamment une amélioration de la formation, qui devrait prochainement intervenir grâce à un décret en instance d'examen par le Conseil d'Etat ;
- la prise en charge de la santé des détenus a connu au cours de la période récente plusieurs progrès, notamment avec la mise en place des unités hospitalières sécurisées interrégionales (dont le nombre sera porté prochainement de quatre à huit) pour les maladies somatiques ; le nombre de malades psychiatriques dans les établissements pénitentiaires est très élevé et 30 % d'entre eux ont été soignés, avant leur incarcération, pour troubles mentaux ; la France souffre à l'évidence d'un nombre insuffisant de places dans les hôpitaux psychiatriques ainsi que d'un déficit de psychiatres publics. Au total, l'effectif des personnels relevant du ministère de la santé présents dans les établissements pénitentiaires s'élève à 2.000 personnes qui suivent près de 90 % des entrants. La mise en place des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) permettra l'hospitalisation avec consentement ou sous contrainte des détenus atteints de troubles mentaux dans des unités sécurisées au sein des établissements hospitaliers. 450 lits seront ouverts dès 2008 et 700 lorsque le programme sera achevé ;
- 30 % du budget de l'administration pénitentiaire est consacré à la réinsertion ; il n'existe aucun lieu de relégation à vie dans les prisons françaises ;
- l'ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Alvaro Gil-Robles, s'est exprimé à titre personnel dans le rapport qu'il a rendu public en février 2006 et qui n'a pas été soumis à l'examen préalable du Conseil de l'Europe. En revanche, les règles pénitentiaires européennes préconisées en 2006 par le Conseil de l'Europe ont été diffusées très largement au sein de l'administration pénitentiaire ;
- la mise en place d'un contrôle extérieur des prisons qui pourrait être confié au Médiateur de la République permettra à la France de se conformer aux engagements souscrits dans le cadre du protocole additionnel des Nations unies de lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels et impliquera le dépôt d'un projet de loi en 2007.
s'est demandé si le Médiateur de la République disposerait des moyens nécessaires pour exercer sa nouvelle mission.
a observé pour sa part que, comme l'avait d'ailleurs relevé la mission conduite par M. Guy Canivet en 2000, la fonction de contrôle était radicalement différente de la mission de médiation et qu'il serait préférable de confier le contrôle des prisons à une instance telle que la commission nationale de déontologie de la sécurité.
a observé que le débat sur ce sujet restait ouvert. Il a en outre indiqué que la France se situait au deuxième rang du classement établi par la commission européenne pour l'efficacité de la justice en matière d'aide juridictionnelle, avec quelque 800.000 bénéficiaires pour une enveloppe globale de 320 millions d'euros (l'Allemagne ne compte pour sa part que 400.000 bénéficiaires, mais rétribue plus avantageusement leurs avocats). Il a ajouté que l'ordonnance du 9 décembre 2005 prévoyait la déconnexion du droit des mineurs à l'aide juridictionnelle des ressources des parents dans deux hypothèses : en cas de conflit d'intérêts et en cas de désintérêt pour le sort de l'enfant ; ce dispositif devrait être effectif d'ici à la fin de l'année, un décret d'application étant en voie de publication. Il a présenté la mise en place de l'assurance de protection juridique comme un chantier prioritaire auquel le ministre de l'économie et des finances avait apporté une contribution déterminante ; ainsi, le recours à l'avocat serait systématisé dans le cadre des garanties proposées par les sociétés d'assurances, lesquelles alloueraient un forfait à l'assuré pour lui permettre de choisir l'avocat de son choix ;
- le dossier de la construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris est bloqué du fait des positions prises par la Ville de Paris ;
- l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue et interrogatoires des personnes mises en examen auxquels procède le juge d'instruction (déjà pratiqué par certains de nos partenaires) constituerait une garantie supplémentaire pour le justiciable ;
- le ratio fonctionnaires des greffes-magistrats, stable ces dernières années mais en forte dégradation par rapport aux années 1990, devrait progresser en 2007 ;
- le principe des unités de vie familiale, au sein des établissements pénitentiaires, sera généralisé, toutes les prisons nouvelles en étant dotées (seules les maisons centrales actuelles dont la surface est contrainte ne pourront en bénéficier) ;
- l'aide aux associations de victimes a progressé de plus de 50 % entre 2002 et 2006 ;
- la comparaison des coûts en gestion publique et en gestion privée fait apparaître un net avantage en faveur de cette dernière ;
- le rattachement de la justice administrative à une mission distincte de la mission « Justice » n'est pas satisfaisant. Ce débat sur la nomenclature budgétaire doit être relayé par le Parlement.