Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 14 décembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • EDF
  • exploitation
  • places
  • regroupement
  • élevage

La réunion

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La commission entend la communication de M. Gérard César sur le projet de décret relatif aux installations classées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Le Premier ministre a transmis aux commissions compétentes des deux assemblées parlementaires le projet de décret sur l'allègement des procédures applicables en cas de regroupement ou de modernisation d'installations classées dans le domaine de l'élevage.

La procédure est originale : nous sommes associés au processus d'élaboration d'un décret d'application de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Dans le respect de la séparation des pouvoirs, nous ne serons pas appelés à voter sur ce projet de décret, simplement à formuler des observations. Le compte rendu de nos travaux sera transmis au Gouvernement, à qui il appartiendra d'en tirer les conséquences.

Le régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) concerne de très nombreuses activités, industrielles ou agricoles. Il vise à éviter le développement anarchique d'installations pouvant avoir un impact important sur l'environnement immédiat et sur le milieu naturel, en les soumettant au contrôle de l'administration et les subordonnant à une procédure de déclaration ou d'autorisation. On compte environ 18 000 installations classées dans le domaine agricole, essentiellement dans l'élevage ; 40 % des installations classées relèvent du secteur agricole.

Il existe trois types de procédure. La déclaration de l'activité suffit pour les petits élevages, qui se situent en dessous de seuils fixés par voie réglementaire. L'autorisation, procédure plus lourde comprenant une étude d'impact et une enquête publique, est requise pour les élevages à partir d'un certain seuil. Enfin, la procédure intermédiaire, dite d'enregistrement, a été créée par le Grenelle de l'environnement, mais elle ne s'applique pas aux élevages.

Les seuils d'entrée dans le régime d'autorisation sont fixés à des niveaux relativement bas en France, plus faibles que les seuils européens dits IPPC fixés par la directive de 2008 sur la prévention et la réduction intégrées de la pollution. Concernant les porcs, le seuil français est fixé à 450 places, une truie comptant pour trois places, contre un seuil européen de 750 animaux pour les truies et 2 000 pour les porcs. Compte tenu des différences dans le mode de calcul des seuils, ce niveau de 2 000 semble correspondre à 2 500 à 2 800 places dans la nomenclature française.

Concernant les volailles, le seuil français d'autorisation est situé à 30 000 places, contre 40 000 têtes au niveau européen. Quant aux bovins, les élevages doivent être déclarés à partir de 400 places pour la production de viande et 100 places pour les élevages laitiers, alors qu'il n'existe pas de seuil européen IPPC.

Lors de la discussion de la loi de modernisation, les députés, à l'initiative de M. Marc Le Fur, avaient souhaité relever substantiellement les seuils d'entrée dans le régime d'autorisation, pour les aligner sur la directive européenne. Un compromis avait été trouvé et l'article 28 prévoit simplement qu'un décret, pris avant le 31 décembre 2010, devra simplifier les procédures applicables aux regroupements et modernisations d'exploitation.

En effet, aujourd'hui, tout transfert ou toute modification substantielle - augmentation des effectifs ou encore changement des conditions d'exploitation - doit faire l'objet d'une nouvelle autorisation. Or la procédure d'autorisation est très lourde ; l'instruction des dossiers dure entre seize et dix-huit mois - contre six à dix mois en Allemagne. Le coût d'une enquête publique s'élèverait à 12 000 euros environ. Un allègement est d'autant plus justifié que le regroupement et la modernisation d'élevages peuvent avoir des effets bénéfiques sur l'environnement - par une meilleure gestion des cheptels sur le territoire, par exemple. Une nouvelle procédure avec étude d'impact et enquête publique apparaît dans ce cas tout à fait excessive.

Le décret instaure une exception pour les regroupements et la modernisation d'élevages, à condition qu'ils n'induisent pas d'atteintes notables à l'environnement et ne provoquent pas une augmentation globale de capacité. Ce texte va bien dans le sens prévu par l'article 28 de la loi, mais il est assez restrictif.

Tout d'abord, il prévoit une procédure spéciale pour l'accueil sur une installation classée soumise à autorisation d'animaux provenant d'une ou plusieurs autres exploitations. Ce régime simplifié consiste non pas en une nouvelle autorisation, comme c'est le cas aujourd'hui, mais en une déclaration de l'exploitant, mentionnant notamment les évolutions des effectifs sur les sites concernés et précisant les mesures prévues pour maîtriser les impacts, nuisances, pollutions et dangers. Il s'applique lorsque six conditions sont réunies : le regroupement ne concerne que des animaux d'une même rubrique ; il n'entraîne pas de dangers ni inconvénients en matière de qualité des eaux et de protection de l'environnement ; il ne provoque pas d'augmentation globale des effectifs - avec une marge de tolérance de 5 % ; il se traduit au plus par un doublement des effectifs sur le site de regroupement ; pour les élevages porcins, bovins et de volailles, l'augmentation de l'effectif global après regroupement n'excède pas deux fois le seuil national d'autorisation ; le regroupement n'entraîne pas de dépassement du seuil communautaire d'autorisation.

Le projet de décret prévoit aussi une procédure simplifiée lorsque le regroupement concerne une installation plus petite, soumise à déclaration. Lorsque le regroupement provoque un franchissement des seuils d'autorisation, une demande d'autorisation est exigée, légèrement simplifiée par rapport au droit actuel avec étude d'impact allégée et consultation du public et non enquête publique. Les conditions pour bénéficier de cette procédure allégée sont les mêmes que celles qui tendent à exonérer les regroupements de nouvelle autorisation.

Enfin, le projet de décret dispense de nouvelle déclaration les opérations de modernisation qui n'entraînent ni augmentation de capacité, ni dangers ou inconvénients pour l'eau ou l'environnement. Ces opérations recouvrent les mises aux normes, l'amélioration des conditions de travail des salariés mais aussi toute « démarche reconnue positive par les pouvoirs publics », notion qui manque certes de précision juridique, mais permettra, souhaitons-le, dans une interprétation large, d'exonérer de nouvelle autorisation certains investissements de productivité dans les élevages. Concernant les secteurs d'amélioration des conditions de travail, elles devraient concerner tous ceux qui travaillent sur l'exploitation, les salariés mais aussi l'exploitant. Le b. de l'article R. 515-54 pourrait être ainsi rédigé : « ou permettant une amélioration des conditions de travail sur l'exploitation ».

La procédure simplifiée d'autorisation applicable aux regroupements d'installations sous régime de déclaration, en cas de franchissement de seuil, paraît logique et satisfaisante.

En revanche pour le nouveau régime de déclaration des regroupements touchant des exploitations qui ont reçu une autorisation, il faut concilier l'objectif de protection de l'environnement et celui de compétitivité. La France s'est imposée des contraintes fortes en adoptant des seuils très inférieurs aux seuils européens, en particulier pour les élevages porcins. Ouvrir totalement les vannes n'est pas raisonnable - voyez les problèmes qu'a connus la Bretagne avec les algues vertes. Ne commettons plus les erreurs du passé. Le projet de décret pose deux garde-fous essentiels : le regroupement ne doit pas porter atteinte à l'environnement ou à la qualité des eaux ; il doit demeurer modeste, les capacités globales ne devant pas augmenter de plus de 5 %, l'effectif du site de regroupement devant au maximum doubler.

Les critères additionnels nous semblent cependant bien restrictifs ! L'exigence de non-dépassement du seuil d'autorisation communautaire est difficilement contournable, même si, en pratique, cette restriction ôte une bonne partie de son intérêt aux opérations de regroupement, par exemple dans le secteur des volailles où seuil national et seuil européen sont proches. La limitation de l'augmentation de l'effectif à deux fois le seuil national d'autorisation paraît excessive pour les élevages porcins, car les seuils nationaux sont très bas. Les producteurs de porc soulignent que la taille moyenne d'un élevage en France est aujourd'hui de l'ordre de 165 truies. Un naisseur-engraisseur dispose donc en principe de 1 400 à 1 500 places. Comme l'augmentation de l'effectif sur le site de regroupement est limitée à deux fois le seuil d'autorisation, soit 900 places, seuls de petits regroupements pourront être effectués. Dès lors, l'intérêt de ce dispositif devient très limité.

Nous pourrions suggérer d'assouplir le dispositif pour permettre des regroupements plus importants, mais encore dans les limites du raisonnable, conduisant à une augmentation des effectifs sur le site de regroupement au-delà de deux fois le seuil d'autorisation ; de sécuriser juridiquement les opérations de regroupement par un arrêté préfectoral constatant la déclaration de regroupement des éleveurs, pour clarifier les possibilités de recours des tiers ; d'étendre le régime aux lapins, qui sont bizarrement exclus du projet de décret ; de prévoir l'intervention du ministre de l'Agriculture dans la mise en oeuvre du décret. Le projet de décret est signé par le seul ministre de l'Environnement. Or, c'est le ministre de l'Agriculture qui a défendu la loi de modernisation de l'agriculture.

Sous réserve des assouplissements suggérés, ce projet de décret va dans le sens de l'article 28 de la loi de modernisation de l'agriculture. Cette faculté de regroupement et de modernisation des élevages sans nouvelle autorisation préfectorale sera-t-elle suffisante pour régler les difficultés des éleveurs, en particulier porcins ? Certainement pas. Car la concurrence intra-communautaire fait rage et cela continuera ! Il est évident que les durées d'instruction des dossiers sont trop longues. Il y a là un frein à la modernisation des élevages, un handicap pour notre compétitivité. Une action énergique devrait être menée pour accélérer les procédures, qui souvent découragent les meilleures volontés. La loi de modernisation a fait un premier pas dans ce sens.

Le projet de décret n'est pas un aboutissement mais le commencement d'un processus qui doit conduire à une harmonisation des normes européennes, afin que les éleveurs ne subissent pas une concurrence déloyale. L'harmonisation des seuils d'autorisation pour les élevages devra être recherchée, pour alléger les charges administratives et réglementaires qui pèsent sur nos agriculteurs. Ceci suppose à terme un relèvement des seuils nationaux d'entrée dans le régime d'autorisation des installations classées d'élevage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Vous vous souvenez certainement tous du débat sur l'article 28. L'amendement de M. Le Fur convenait à l'ensemble de notre commission et le Sénat y a souscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Quelle complexité ! Le rapporteur lui-même le reconnaît. La communication du décret a été tardive : hier soir seulement. Or les incidences ne sont pas immédiatement perceptibles. Nous avons infiniment peu de temps d'ici le 31 décembre pour étudier ce texte, je le déplore.

Je veux vous livrer quelques réflexions sur des situations auxquelles le projet de décret va s'appliquer. La Bretagne compte une forte production porcine, mais localisée ; elle n'est pas répartie sur l'ensemble du territoire mais concentrée dans des bassins de production. Des difficultés en termes de protection de l'environnement demeurent, même si beaucoup d'efforts ont été accomplis. Le conseil général des Côtes d'Armor retrace régulièrement, dans un bulletin public, l'évolution de la qualité des eaux : on observe une corrélation évidente entre l'intensité de la production porcine et la qualité des eaux. Les deux bassins versants sur lesquels les captages d'eau ont été fermés correspondent exclusivement à des zones d'élevage porcin, car les élevages bovins maîtrisent à peu près les déjections animales.

L'aspect environnemental n'est pas totalement oublié dans le décret : la qualité des eaux est mentionnée. Mais comment déterminera-t-on les zones sensibles ? S'agira-t-il des zones d'excédent structurel, dont le recensement est obsolète, ou des bassins versants en contentieux ? Ou d'autres zones sensibles ?

L'augmentation de 5 % concernera-t-elle tous les cas de figure ? Sur les gros cheptels, l'augmentation n'est pas insignifiante ! S'il s'agit de 5 % dans le cadre du projet agricole départemental, en revanche, je pourrais le comprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

On nous dit qu'il n'y aura pas d'enquête publique complémentaire, trop coûteuse. Je m'interroge, comme sur la marge de plus ou moins 5 %, ainsi que sur le doublement de l'effectif qui détermine le déclenchement du seuil d'autorisation. Comment les deux peuvent-ils être combinés ? Qu'arrivera-t-il en cas d'augmentation de 10 % ? Que se passera-t-il en cas de regroupement sur des territoires qui traditionnellement n'ont pas vocation à l'élevage intensif, je songe aux parcs naturels, qui ont pour objet de protéger l'environnement et la ressource en eau ?

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Je comprends la nécessité d'accélérer les procédures et de les simplifier. Mais faut-il aller jusqu'à supprimer l'enquête publique ? Ce n'est pas parce que celle-ci conclut favorablement au projet d'agrandissement que tout se déroule facilement. L'opinion publique, enquête ou pas, est toujours défavorable aux regroupements et aux agrandissements. Il faut donc être très précis. J'y insiste : le maintien de ces élevages dépendra de leur acceptabilité environnementale. La région Bretagne est particulièrement sensible à ce problème. Nombre de jeunes s'y installent encore, mais pas dans l'élevage porcin, parce qu'au-delà d'un certain seuil de regroupement, la transmission ne peut plus se faire. Le rapatriement de plusieurs exploitations sur un site soulève des difficultés avec la population des environs. Bref, si l'on va trop loin dans la libéralisation des regroupements, on risque de compromettre le maintien des exploitations et de favoriser la délocalisation vers des territoires moins peuplés, où la qualité de l'eau pose moins problème. Je suis réservée sur cette affaire, en raison de ma préoccupation pour la transmission et pour l'acceptabilité par la population et parce que je redoute des dérives possibles dans la localisation des élevages. Conservons des exploitations à taille humaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

La durée des procédures, inférieure en Allemagne, n'est pas liée au volume de production... Il y a dans le traitement des dossiers quelque chose à améliorer !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Le projet de décret n'est pas facilement assimilable, j'en conviens volontiers. Je précise que j'ai auditionné des représentants de la fédération nationale porcine et de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Nous suggérons que le décret soit cosigné par le ministre de l'Agriculture, ce qui sera plus cohérent. Les 5 % s'appliquent à l'ensemble de l'opération considérée. Et le doublement du seuil d'autorisation concerne l'augmentation de l'effectif total sur le site de regroupement. La législation sur les parcs naturels s'impose toujours, rien ne change quant aux règles de protection de l'environnement.

Les regroupements sont un sujet sensible, nous le savons. Raison de plus pour que la rédaction soit d'une grande précision, afin d'éviter les recours d'associations créées pour l'occasion. Mais je vous le signale, le décret est déjà restrictif. Il existe aujourd'hui un consensus large pour assouplir le régime des autorisations, afin de permettre des regroupements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Ce décret répond globalement à nos préoccupations. Il a été élaboré en collaboration avec la profession.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

La commission de l'Économie et les sénateurs membres du groupe d'études sur l'énergie sont heureux de vous accueillir, Henri Proglio. Nous vous avions rencontré lorsque vous étiez candidat à la présidence d'EDF, les commissions parlementaires compétentes étant saisies pour avis, puis à nouveau lors de l'examen de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome). Vous allez nous exposer la stratégie d'EDF sur le territoire national et à l'international.

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président-directeur général d'Électricité de France

Je vous ai rencontré effectivement lors de ma candidature à ce poste, mais aussi lors de la préparation de la loi Nome, dont l'histoire, du reste, n'est pas définitivement écrite, et est sans cesse renouvelée...

EDF a construit un leadership mondial dans la gestion du service public de l'électricité et il est d'abord un opérateur public, fier de ses racines ; il s'est développé dans l'ensemble des composantes du secteur de l'énergie. Il est aujourd'hui le premier acteur mondial, fort de l'expérience acquise, de son expertise, de ses traditions, des qualités humaines qu'il a su intégrer et de ses ambitions, qui sont clairement internationales. Le 25 novembre 2009, j'ai pris la présidence de ce groupe. J'ai depuis lors tenté de structurer une stratégie industrielle, au demeurant fort simple et dont les piliers correspondent aux grands domaines d'expertise du groupe. En amont du cycle industriel, il y a la production sous toutes ses formes, nucléaire, hydroélectrique, thermique, énergies renouvelables. C'est un métier international, qui a vocation à rayonner dans le monde entier. J'ai confié à Hervé Machenaud la responsabilité de la production, quelle que soit l'énergie concernée, y compris donc la filière nucléaire.

L'aval du cycle est moins bien identifié à l'international. Nous l'appelons dans le jargon interne « l'optimisation » : comment optimiser les infrastructures de production, de transport, de distribution, lourdement capitalistiques, afin d'optimiser les investissements et le service ? Il y a aussi le commerce, la gestion des services clients et le trading, c'est-à-dire l'optimisation de l'alimentation en matières premières.

S'y ajoute une autre composante, qui pourrait paraître étrange, la gestion des tarifs. Il s'agit de savoir comment on peut, à équivalence de capacité, permettre à tous d'accéder à ce service public essentiel, grâce à une gestion tarifaire fine. Vous connaissez cette gestion, que les Français perçoivent plus ou moins bien car elle est complexe. Elle est aussi un élément essentiel de l'accessibilité et de la qualité du service offert. Cette expertise développée par notre groupe est rare, elle est très sollicitée dans de nombreux pays.

Entre les deux, il y a les réseaux de transport et de distribution, de plus en plus sophistiqués, dits « intelligents » parce que devant intégrer les nouvelles technologies. Ces trois piliers sont les trois axes de développement du groupe. On peut travailler, au plan international, dans l'amont ou dans l'aval, ou dans les réseaux ; on peut aussi connecter ces composantes afin d'offrir un service intégré, d'une efficacité absolue, qui représente l'idéal de ce que nous pouvons offrir. Mais chaque pilier a vocation à affirmer en lui-même une dimension internationale.

J'ai confié l'amont du cycle, je l'ai dit, à un grand professionnel, un grand industriel, qui a l'habitude de défendre les couleurs de la France ailleurs, en Chine notamment où il a passé quinze années. L'aval a été confié à M. Pierre Lederer, autre grand professionnel qui a passé onze ans de sa vie à construire les nouvelles composantes de l'énergie en Allemagne. Et c'est Mme Michèle Bellon, grande professionnelle également, qui s'occupe des réseaux. La vocation internationale du groupe est évidente. Je ne conçois pas l'identité d'EDF sans une priorité donnée à la conquête internationale - mais sans oublier nos origines ni nos ambitions légitimes ici : le meilleur service d'électricité, au service de la nation.

La conception et la construction d'unités de production n'ont pas le même horizon géographique que l'activité liée aux réseaux de distribution. Les diverses zones de développement, d'un axe industriel à l'autre, ne se confondent pas totalement. Le groupe réalise déjà 45 % de son chiffre d'affaires à l'étranger, ce pourcentage augmentera sensiblement dans les années à venir. Nous sommes le premier opérateur britannique, le deuxième italien, très présents en Europe centrale, y compris en Allemagne malgré la récente évolution... Le territoire européen est notre marché domestique, nous occupons la deuxième place en Belgique, mais nous sommes présents aussi en Asie, en Chine, où nous construisons le premier EPR ; nous sommes partenaires du premier programme nucléaire chinois. Nous sommes présents au Moyen-Orient, en Afrique où des développements sont prévus, en Amérique latine...

Au Laos, la semaine passée, j'ai inauguré le barrage de Nam Theun. C'est la plus belle réalisation hydroélectrique au monde : 1 070 mégawatts de production électrique ! Cet ouvrage induira à lui seul une augmentation de 3 % du PIB laotien. C'est la plus belle référence que l'on puisse présenter en matière de développement durable dans le secteur de l'énergie.

J'en viens au nucléaire. EDF est le premier exploitant mondial, et de très loin : notre capacité, principalement en France et au Royaume-Uni, atteint 74 gigawatts, trois fois plus que le second exploitant, l'opérateur russe, cinq fois plus que le premier exploitant américain, douze fois plus que l'exploitant belge Electrabel qui est la filiale de GDF-Suez. Dans la filière à eau pressurisée et sur le seul territoire français, nous bénéficions d'un retour d'expérience de 1 450 années-réacteur. Aucun autre acteur dans le monde ne possède une telle expérience et certainement pas les constructeurs. EDF n'est pas seulement exploitant mais aussi concepteur de centrales, dans la position d'architecte-ensemblier : l'ingénierie conçoit, passe les contrats de fabrication, supervise le montage sur site. Cette complémentarité est essentielle, elle est le fondement de notre stratégie, elle est au coeur du succès historique du nucléaire français.

EDF a construit en France 58 réacteurs à eau pressurisée (PWR), tranche après tranche, et profité chaque fois de l'expérience acquise lors de la construction et de l'exploitation. A l'international, nous avons construit la centrale de Daya Bay en Chine à la fin des années 1980 en tirant parti de l'expérience de Gravelines.

Les trois autres pays qui disposent encore d'une industrie nucléaire, la Corée du Sud, la Russie et la Chine, disposent comme nous d'une ingénierie performante, d'un tissu industriel dense, d'un marché important, de capitaux suffisants, mais nous sommes les seuls à bénéficier de longues années d'expérience, du moins dans le domaine de l'eau pressurisée. Sachons en tirer parti pour notre développement international.

EDF n'a ni les moyens financiers, ni la capacité industrielle d'inonder le marché mondial : elle peine déjà à financer les investissements nécessaires en France. Nous participons à la construction de seulement quatre réacteurs sur la cinquantaine actuellement en projet dans le monde. Ce que nous nous efforçons de faire est d'accompagner les pays qui ont fait le choix du nucléaire, par le biais d'alliances modulables. Notre vocation est avant tout industrielle et non financière. La France et l'Europe pourraient réfléchir à un mode de financement des projets à l'exportation, à l'instar des États-Unis : nous avons pu emprunter des capitaux chinois pour construire la centrale de Taishan, mais cela restera l'exception.

A l'étranger, nous pouvons intervenir en tant qu'assistants à la maîtrise d'ouvrage, en amont des projets, afin d'apporter nos conseils en ce qui concerne le cadre réglementaire, les sites propres à recevoir une centrale, les conditions socioéconomiques, la sécurisation de la gestion des déchets, l'intégration au réseau électrique et les ressources humaines. Aucun constructeur ne dispose de notre expertise, qui est celle de l'investisseur et de l'exploitant. C'est ainsi que nous travaillons en Italie avec Enel, en Pologne avec PGE, comme par le passé au Royaume-Uni. En gagnant la confiance de nos interlocuteurs, nous pouvons ensuite les accompagner dans leur projet nucléaire.

L'équipe constituée par EDF et ses partenaires français doit être adaptée à chaque situation, insérée dans un réseau d'alliances internationales plus large et conforme au droit de la concurrence. Le gouvernement italien a, par exemple, pour projet de développer une industrie nucléaire nationale, ce qui a conduit à un accord entre EDF, Areva, Ansaldo et Enel.

Nous travaillons avec Areva, Alstom, des PME et l'ensemble des constructeurs français et européens. EDF est un électricien, tandis qu'Areva est un fabricant de réacteurs et un prestataire de services dans le domaine du combustible. Les groupes qui réussissent sont ceux qui marient l'exploitation et l'ingénierie de conception. Aucun constructeur ne pourrait assumer seul les risques que présente la construction d'une centrale, sauf à renchérir considérablement son offre. La relation entre EDF, Areva et Alstom ne peut être exclusive : les équipementiers doivent pouvoir construire des centrales pour d'autres opérateurs, et nous devons être en mesure de travailler avec d'autres chaudiéristes, pour améliorer notre connaissance du tissu industriel. On pourrait ainsi imaginer qu'EDF aide à la rénovation d'un réacteur VVER russe.

L'entreprise, riche de l'expérience fournie par le premier parc électronucléaire mondial, a vocation à être le premier interlocuteur de nos partenaires étrangers. Il faut concevoir des réacteurs diversifiés, adaptés à la demande mondiale, et préparer le renouvellement du parc français. Nous projetons ainsi de développer un réacteur de 1 000 MW.

Je m'attarderai un instant sur le parc français existant, dont il ne faut pas oublier le vieillissement, alors que l'attention se focalise sur les projets internationaux et les rivalités qu'ils attisent. La moitié des tranches des réacteurs français aura bientôt trente ans : c'est l'âge du grand carénage, où les générateurs de vapeur, alternateurs et transformateurs doivent être renouvelés. La France a pris du retard, ce qui ne remet pas en cause la sûreté de ses installations, mais amoindrit leurs performances et nuit à l'image de l'industrie nationale. Le renouvellement du parc est une opportunité pour l'industrie française : plusieurs dizaines de milliards d'euros sont en jeu, bien plus qu'à l'international. Il faut réinventer la politique industrielle qui a réussi dans le passé, et trouver les financements indispensables : le prix auquel nous serons contraints de vendre une partie de notre production à nos concurrents, ainsi que les tarifs régulés, doivent donc être suffisants pour rembourser les investissements passés et financer ceux qui sont aujourd'hui nécessaires. Le nucléaire est une chance pour la France : c'est une industrie à forte valeur ajoutée, dont l'outil de production est sûr, les émissions de gaz à effet de serre faibles et l'exposition à la conjoncture macro-énergétique limitée.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

La loi Nome oblige EDF à revendre une partie de son électricité à ses concurrents, mais comme vous venez de le dire, « l'histoire n'est pas encore écrite » : le prix de vente n'a pas encore été fixé. Le 23 juin, vous déclariez devant notre commission qu'un prix inférieur à 42 euros serait inadmissible. Qu'en pensez-vous aujourd'hui ? Quel peut être le rôle d'EDF dans le marché des capacités de production et d'effacement qui sera mis en place en application de la loi Nome ?

Votre entreprise vient de quitter l'Allemagne, mais vous n'excluez pas qu'elle y retourne : est-ce à la condition qu'elle dispose d'une participation majoritaire dans un groupe ? Le produit de la vente de votre participation dans EnBW sera-t-il affecté au développement international ou au désendettement du groupe ? Comptez-vous participer à la recapitalisation d'Areva ?

Le rapport Roussely préconise qu'EDF soit chef de file des projets internationaux. Mais la méthode pragmatique adoptée jusqu'ici a du bon : en Afrique du Sud, l'électricien veut un partenariat avec EDF, mais en Inde vous faites peur à l'électricien local, qui préfère traiter directement avec Areva.

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président-directeur général d'Électricité de France

Je ne suis pas un zélateur de la loi Nome, mais le Parlement est finalement parvenu à un équilibre. Le prix de vente devra être en cohérence avec le tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché (Tartam), qui était en 2009 de 42 euros. La loi nous impose de mettre à disposition de nos concurrents 25 % de nos capacités de production, sans dégager aucune marge ; le prix de vente doit au moins couvrir le coût de production, faute de quoi ce sont nos clients qui paieront la différence ! Je me suis élevé avec véhémence contre le projet caressé par quelques-uns, qui consistait à piller le patrimoine d'EDF et de la nation française. ( M. Daniel Raoul approuve) J'attends la parution du décret ; je ne comprendrais pas que le prix fixé soit inférieur à 42 euros.

EDF jouera naturellement un rôle primordial dans le marché des capacités de production et d'effacement. La France est aujourd'hui dotée de l'industrie électrique la plus compétitive au monde : les prix sont inférieurs de 40 % à la moyenne européenne. Ne détruisons pas ce qui a été rendu possible par le dévouement et le savoir-faire des générations précédentes !

L'Allemagne est un pays doté d'une vraie politique industrielle... sauf dans le domaine de l'énergie. Les Allemands refusent l'énergie thermique tirée du charbon par souci d'écologie, sans pour autant s'intéresser au charbon propre, se méfient du gaz pour ne pas être dépendants de la Russie, rejettent le nucléaire pour des raisons idéologiques, et privilégient les énergies dites « renouvelables », aléatoires et fort coûteuses. La conséquence est une forte dépendance aux exportations. Or l'Allemagne veut imposer à ses voisins, par le biais des règlementations européennes, les conséquences malheureuses de ses propres choix...

Nous détenions 45 % du capital d'EnBW, les communes de Bade-Wurtemberg possédant le reste. Or, le ministre-président du Land, au cours d'une campagne électorale difficile, avait promis de renationaliser l'électricien et de recentrer ses activités sur le territoire du Land : il nous a donc fait une proposition unilatérale de rachat, que nous aurions pu refuser ; mais à la veille du renouvellement du contrat de partenariat, nous risquions de nous retrouver dans une position d'actionnaire minoritaire, sans plus pouvoir participer à la gestion industrielle. Dans une conjoncture difficile pour l'industrie allemande, frappée par la taxe sur le nucléaire et par les fluctuations des prix du gaz, il nous a paru préférable de vendre à un prix acceptable - 20 % au-dessus du cours boursier - et de dégager ainsi 4,7 milliards d'euros que nous avons pu affecter à notre propre désendettement.

On prétend qu'EDF est surendettée : c'est faux. La dette n'est pas structurelle, mais s'explique par les lourds investissements qu'il nous faut consentir pour l'entretien du parc français et le développement international du groupe. Cependant, l'effort de désendettement atteint aujourd'hui 23 milliards d'euros.

Nous n'excluons pas de revenir en Allemagne et étudierons les opportunités qui se présenteront.

S'agissant du développement international, pour lequel nous avons toujours privilégié des partenaires français au nom du patriotisme économique, le rapport Roussely a énoncé une évidence : il est naturel que celui qui a la meilleure expertise soit le chef de file.

Lorsque je me suis rendu à Pékin au début de mon mandat, j'ai rencontré le ministre chinois de l'énergie, qui m'a d'abord fait comprendre que son pays était désormais doté de moyens financiers considérables, d'une industrie puissante, de capacités d'expertise égales à celles des pays occidentaux, d'un marché intérieur considérable, et qu'il n'avait plus besoin de notre coopération. Je lui ai alors fait remarquer qu'une chose manquait encore à l'industrie nucléaire chinoise : le retour d'expérience sur un parc nucléaire existant. Il lui faudrait pour cela attendre vingt ou trente ans. A l'issue de la réunion, nous avons signé le renouvellement pour cinquante ans de notre coopération avec l'électricien chinois CGNPC et un autre contrat de cinquante ans avec CNNC.

J'entends dire qu'un opérateur ne pourrait pas vendre d'équipements à un autre opérateur. Qu'est-ce d'autre qui a fait de Veolia le premier constructeur mondial d'usines de traitement d'eau et de déchets ? C'est justement parce que l'opérateur a l'expérience de l'exploitation des usines qu'il est le mieux placé pour les vendre. L'Afrique du Sud souhaite une coopération avec EDF, pourquoi l'Inde la refuserait-elle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Il y a quelques jours, c'est une tout autre vision de la filière nucléaire française que nous exposait Mme Anne Lauvergeon... La France peut-elle se permettre de laisser prospérer des rivalités entre les principaux acteurs de ce secteur stratégique ?

Le Bade-Wurtemberg a voulu racheter la participation d'EDF dans EnBW, mais le groupe français peut-il rester absent du marché allemand ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L'acquisition de British Energy fut-elle selon vous une bonne affaire, étant donné le prix d'achat et la situation de l'entreprise ?

Nous avons combattu la loi Nome. Sur le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), paraît-il, les choses se précisent...

La presse a annoncé votre intention d'affecter 50 % du capital de RTE aux actifs dédiés, afin de financer le démantèlement de certaines centrales et le stockage des déchets. Peut-on connaître les détails de cette opération ? Ce choix met-il en cause l'intégration du groupe, comprenant une filière dont le capital est exclusivement public ? Quelles garanties a-t-on pour l'autre moitié des actifs ? RTE suscite bien des convoitises...

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je m'étais ému, Monsieur le Président, de vous voir diriger à la fois EDF et Veolia, mais je vois que les choses sont rentrées dans l'ordre. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) s'est alarmée de certaines de vos déclarations récentes, et son président Xavier Pintat a promis d'écrire aux ministres compétents. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Areva et EDF sont deux fleurons de l'industrie française, mais leurs responsables se livrent une concurrence féroce. Je suis de ceux qui pensent qu'EDF est mieux placée pour être chef de file à l'international. Mettons un terme à ces problèmes de gouvernance, dans un des rares domaines où nous pouvons encore gagner de l'argent dans une économie mondialisée !

Vous avez parlé d'un outil financier inadapté. Pourriez-vous nous en dire plus ? J'ai bien sûr quelques idées...

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Le développement de la filière électrique française a reposé dès l'origine sur des choix technologiques. A l'heure où les délais de livraison de l'EPR s'allongent, où les coûts s'alourdissent, comment envisagez-vous l'avenir ? Ne faudrait-il pas diversifier notre offre ?

Donnerez-vous la priorité aux investissements internationaux ou au renouvellement du parc nucléaire français ? Vous avez parlé d' « alliances modulables » : s'agit-il de conclure des « partenariats à la carte » tantôt avec des constructeurs français ou européens, tantôt avec des constructeurs étrangers, par exemple chinois ou coréens, au détriment de la filière française ?

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président-directeur général d'Électricité de France

Je ne conteste pas à Areva le droit d'exposer son point de vue. Le rôle d'EDF est celui de l'architecte-ensemblier, et nous accordons aux autres acteurs industriels français une place aussi grande que possible. Nous faisons appel à Areva pour les chaudières, l'alimentation en combustible, le retraitement des déchets : EDF est même le premier client d'Areva ! Mais à l'étranger, il est souvent nécessaire faire appel aux industriels locaux, en tenant compte des zones d'influence et de l'efficacité industrielle. La mission Roussely a reconnu le rôle primordial d'EDF en tant que concepteur-opérateur, riche d'une longue expérience. EDF est le seul opérateur électrique d'Europe occidentale à disposer de l'ingénierie nécessaire pour n'avoir pas à déléguer à d'autres entreprises la construction de ses centrales : sachons tirer parti de cet atout !

Il n'est pas indispensable d'être présent sur le marché allemand, mais si une opportunité se présente, nous la saisirons.

En ce qui concerne British Energy, il faudra attendre dix ou vingt ans pour savoir si son rachat a été rentable. Le Royaume-Uni est l'un des rares pays à avoir une vraie politique énergétique. Le Premier ministre, David Cameron est sur la même ligne que son prédécesseur, et la loi sur l'énergie a été adoptée il y a quelques jours à une majorité de 97 % ! Il est dommage que les journaux français n'en aient pas rendu compte. Il est d'autant plus précieux pour EDF d'être présent au Royaume-Uni que d'autres pays du Commonwealth pourraient mettre en oeuvre des politiques comparables.

J'en viens à la question du financement. Les États-Unis et la Chine ont mis en place des financements d'État pour aider leurs industriels à l'exportation. La France, dans ce domaine, a pris du retard ; il est vrai qu'elle ne dispose pas des mêmes ressources... EDF n'a d'ailleurs pas vocation à être propriétaire de toutes les centrales qu'elle exploite.

Les choix technologiques, Marc Daunis, évoluent lentement. Nos équipes de recherche et développement - les plus importantes du monde - travaillent sur les technologies du futur : les réacteurs de quatrième génération sont en préparation. Le réacteur EPR, comme tout pilote, a nécessité une phase de mise au point, mais le temps est venu de l'industrialisation.

La rénovation du parc nucléaire français nécessitera des investissements considérables. Ceux que requièrent nos projets à l'étranger ne sont pas comparables. Le prix de l'Arenh doit être suffisant pour garantir les investissements nécessaires à la préservation du service public en France. L'extension de la durée de vie des centrales existantes coûtera 35 milliards d'euros dans les années à venir, plus la maintenance courante.

Marc Daunis a parlé d'un « partenariat à la carte ». EDF a toujours fait la part belle à l'industrie française dans ses coopérations ; mais la confiance au sein de la filière doit lui permettre de s'élargir à des acteurs étrangers, faute de quoi nous perdrons certains appels d'offre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Les responsables politiques peuvent être fiers des choix qui ont permis la construction de cet outil industriel merveilleux qu'est EDF. Mais je voudrais aborder le problème du transport et de la distribution. Les collectivités territoriales travaillent en partenariat avec ERDF : elles sont propriétaires du réseau, l'entreprise est concessionnaire. Ces liens doivent être renforcés. Lors de la dernière réunion de la FNCCR, de vives inquiétudes se sont exprimées au sujet du fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé) ; c'est grâce à ce fonds et à la mutualisation des moyens qu'il garantit que nous avons pu réaliser la couverture électrique du territoire. Ne l'amputons pas !

S'agissant de RTE, où en est le projet de boucle méditerranéenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

L'électricité à bon marché contribue à l'attractivité du territoire français. Si nous voulons rebâtir une industrie compétitive, il faut préserver cet acquis. La loi Nome autorise toutes les dérives ; les industries électro-intensives sont particulièrement inquiètes. Ne les forçons pas à se délocaliser au Canada ou en Chine !

EDF doit avoir une stratégie internationale, non se lancer dans des aventures dont les usagers feront les frais. N'oublions pas que, si l'électricité est moins chère en France, c'est parce que les usagers ont payé les investissements nécessaires !

Il faut resserrer les liens entre EDF et la filière photovoltaïque. Près de chez moi, un parking entier est couvert de panneaux photovoltaïques de première génération produits en Chine, dont l'empreinte carbone est énorme ! Les entreprises françaises du secteur demandent un contrat de filière. Pourquoi ne pas inclure le bilan carbone parmi les critères des appels d'offre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

J'ai voté contre la loi Nome. On se réfugie toujours derrière l'Europe : voyez le texte sur l'urbanisme commercial dont nous débattrons demain en commission. Je voudrais interroger Henri Proglio sur les énergies renouvelables. Un moratoire sur les projets photovoltaïques a été décidé par le Gouvernement. Comment financer le développement de ces énergies à long terme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

On prévoit que la consommation électrique doublera d'ici 2050, ce qui assure un bel avenir aux industries du secteur. Les Français sont fiers de leur industrie nucléaire, mais l'échec d'Abou Dhabi a déçu : il n'est pas dû aux ratés de l'EPR, mais à la mésentente entre les acteurs de la filière. Pourquoi ne pas créer un pôle international, associant EDF, Areva, Alstom, Total, Suez environnement, afin que nos partenaires étrangers aient un interlocuteur identifiable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Vous ne m'avez pas répondu au sujet de l'affectation de 50 % du capital de RTE aux actifs dédiés. Une dépêche vient d'annoncer que ce projet avait été bouclé aujourd'hui. Qu'en est-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

En juin, vous avez annoncé vouloir porter le taux de disponibilité des centrales nucléaires à 85 % en cinq ans. Où en sommes-nous ?

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président-directeur général d'Électricité de France

François Fortassin, au sujet de Veolia, rien n'est rentré dans l'ordre, car rien n'a jamais été en désordre. Ayant assumé à la demande du Président de la République de nouvelles fonctions à la tête d'EDF, j'ai souhaité aménager la transition à la direction de Veolia, sans que l'on m'ait jamais reproché de ne pas consacrer toute mon énergie à EDF : je guidais seulement les dirigeants de Veolia dans leurs choix. Un nouveau président-directeur général a été nommé dimanche dernier.

S'agissant du Facé, la décision à laquelle vous avez fait référence relève de l'administration française, et n'a pas été inspirée par moi. ERDF n'est qu'un opérateur, respectueux des règles qui lui sont imposées.

Le conseil d'administration d'EDF a accepté ce matin le principe d'une affectation de 50 % du capital de RTE aux actifs dédiés. EDF a en effet constitué, dans la perspective du démantèlement de ses centrales, un fonds doté de 2 à 3 milliards d'euros par an, que nous ne dépenserons - si la durée de vie des centrales est prolongée de vingt ans - que dans quarante ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Le Gouvernement l'aura épuisé avant cela pour financer les retraites !

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président-directeur général d'Électricité de France

Nous tenons à garder le contrôle sur ce fonds. En vertu de la réglementation, EDF n'est pas opérateur de RTE : elle ne dirige pas ses dirigeants ni ne fixe ses tarifs. J'ai considéré qu'il n'était pas aberrant d'affecter au fonds dédié une partie du capital de RTE, dont le rendement est garanti. Je me suis d'ailleurs engagé à ne pas revendre ces actifs, sauf à les remplacer par de l'argent frais.

Alain Fouché m'a interrogé sur les énergies renouvelables. N'oublions pas que la première énergie renouvelable, c'est l'hydraulique ! Ce sont ses réalisations hydroélectriques qui ont forgé la réputation d'EDF. Cette filière représente encore 15 % de notre production. Quant aux énergies éolienne et photovoltaïque, elles sont aléatoires. Pragmatiques, nous tenons à maîtriser ces technologies et produisons de l'énergie dérivée de ces sources, mais le coût est bien supérieur à celui de l'électricité classique : deux à trois fois pour l'éolien, dix à vingt fois plus pour le photovoltaïque. Le développement de ces énergies creuse donc des déficits considérables, en principe à la charge de l'Etat, en réalité à la charge d'EDF par le biais de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) qui ne lui est pas remboursée.

Nous travaillons déjà sur le photovoltaïque avec Saint-Gobain et des entreprises en Allemagne et en Asie, de grands acteurs industriels, mais l'on ne peut demander qu'EDF, entreprise efficace, devienne le financeur de filières marginales ou locales. Oui au pragmatisme, au dynamisme, mais nous devons avoir le souci de l'efficacité.

Je crois, moi aussi, en la filière nucléaire française, et EDF n'a pas été partie prenante de l'échec d'Abou Dhabi. Quand j'ai pris mes fonctions le 25 novembre 2009, EDF ne faisait pas partie du tour de table, et il a fallu indiquer nos prix le 10 décembre. Je ne pouvais rattraper en quelques jours un retard de deux ans. Je ne vous donne pas mon sentiment personnel sur cet échec, même si je pense que la filière française mérite mieux. Simplement je rejoins les conclusions du rapport Roussely.

S'agissant du taux de disponibilité de nos centrales, des 58 réacteurs du parc, je peux vous dire que le taux moyen annuel d'utilisation devrait s'améliorer en 2010, mais le critère important est celui de la production, qui va s'accroître de 5 à 7 %. Nos 58 réacteurs seront tous opérationnels à Noël, sauf incident, ce qui constitue une vraie prouesse technique. Il est préférable de concentrer les arrêts de tranche dans les périodes où l'on consomme moins d'électricité, pendant l'été par exemple. Nous allons améliorer, cela dit, ce taux moyen de disponibilité, malgré l'obligation dans laquelle nous serons de prévoir des arrêts plus longs, en raison des travaux nécessaires à l'allongement de vingt ans de la durée de vie des centrales, ce qui sera sans doute le meilleur investissement que nous aurons à faire. J'exprime ma reconnaissance à l'équipe qui a déjà lancé cette réorganisation. Le chantier est en bonne voie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous remercie pour cette audition de deux heures qui a permis d'apporter des réponses aux questions que les sénateurs se posent.