Au cours d'une deuxième réunion tenue à l'occasion d'une suspension de séance demandée par la présidente Annie David, la commission entend les ministres Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, et Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Nous avons demandé une suspension de séance en raison des annonces faites ce matin par le Premier ministre qui modifient profondément le PLFSS en cours d'examen. Certes, certaines des mesures annoncées sont d'ordre réglementaire mais il apparaît tout de même que tout ceci a un impact, sur le tableau retraçant l'équilibre de nos finances sociales, de l'ordre d'un milliard à un milliard et demi d'euros. Il nous est donc difficile d'engager une discussion sans même pouvoir apprécier ces éléments nouveaux.
Nous avons compris que tout cela ne figurera pas dans ce texte mais dans un projet de loi de financement rectificatif (PLFSSR) annoncé par le Gouvernement dans un avenir proche. Dès lors, à quoi bon débattre du présent texte ? Certains s'interrogent sur l'éventualité de déposer une motion de procédure.
Je comprends votre interrogation mais si vous adoptiez une motion tendant à rejeter d'emblée ce PLFSS, il serait directement examiné par la commission mixte paritaire, puis en cas d'échec, ce qui est le plus vraisemblable, le dernier mot serait donné à l'Assemblée sans que le Sénat ait véritablement eu l'occasion d'en débattre. Votre assemblée se serait ainsi privée de l'examen de l'immense majorité des dispositions de ce PLFSS qui ne sont en rien affectées par les changements annoncés ce matin.
J'insiste sur le fait que le dépôt d'un PLFSSR traduit simplement notre volonté de respecter la procédure législative. Si nous avions introduit des amendements au stade de la lecture devant le Sénat, c'est pour le coup l'Assemblée qui nous en ferait le reproche ! Il nous a semblé préférable de déposer un second projet de loi de financement en bonne et due forme et de lui faire suivre l'ensemble des étapes qui vont de l'examen par le Conseil d'Etat au dépôt au Parlement en passant par l'adoption en Conseil des ministres.
Mais il est déjà arrivé que des changements substantiels interviennent au cours de l'examen du PLFSS. L'an dernier, en plein débat, nous avons appris la démission du gouvernement Fillon !
Vous comprendrez que nous soyons attachés à réserver la présentation du texte contenant des mesures nouvelles à l'assemblée parlementaire dans laquelle nous disposons d'une majorité. Tel ne serait pas le cas si nous introduisions aujourd'hui ces mesures par voie d'amendement au Sénat. Mais j'insiste sur le fait que le PLFSS, dans sa version actuelle, est loin d'être caduc. Il fait les trois quarts du chemin, dans l'attente du PLFSSR qui fera le dernier quart.
Les mesures annoncées modifient l'équilibre total à hauteur de 800 millions d'euros auxquels il convient, à ce stade, d'ajouter les 300 millions résultant des mesures de recettes nouvelles votées par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi de financement rectificatif n'a pas vocation à remplacer le PLFSS mais il le complète et le conforte, ce qui signifie concrètement que la plupart des mesures proposées dans le texte qui vous est soumis aujourd'hui ne seront pas rediscutées à l'occasion du PLFSSR. J'ajoute que le choix d'un dépôt d'amendements sur le texte actuel ne serait pas sans risque vis-à-vis du Conseil constitutionnel. Vous comprendrez dans ces conditions qu'il ne nous était pas possible de vous présenter en commission des mesures contenues dans un texte non encore adopté par le Conseil des ministres à l'époque.
En tout état de cause, ces modifications ne rendent pas caduc le texte actuel, d'autant plus que le tableau d'équilibre financier qui l'accompagne sera ajusté sans attendre le PLFSSR pour tenir compte des nouvelles hypothèses économiques. Et j'irai plus loin encore : vous auriez pu mettre en cause notre sincérité si nous discutions du PLFSS sans avoir évoqué les évolutions tenant aux modifications liées aux nouvelles prévisions de croissance, notamment l'évolution de la masse salariale !
Certes, mais vous nous demandez d'examiner un texte dont on sait d'avance qu'il sera presque immédiatement remis en cause.
Notre objectif est d'être le plus transparent possible vis-à-vis du Sénat. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé au Président de la République et au Premier ministre d'adopter des mesures nouvelles en Conseil des ministres ce matin, c'est-à-dire avant l'ouverture de la discussion.
Nous aurions pu nous contenter d'attendre mercredi, jour normal de réunion du Conseil des ministres.
Si j'ai bien compris, les seules modifications prévues consistent en une diminution du taux de croissance de la masse salariale, ramené de 3,7 % à 3 %, et aux conséquences de celles-ci sur le solde de nos finances sociales.
Il en résulte une progression de l'Ondam pour 2012 ramenée à 2,5 %, au lieu de 2,8 %, l'indexation des prestations sociales sur la croissance économique et les mesures relatives à l'âge de départ à la retraite.
Madame la ministre, il me semble que la demande de la commission des affaires sociales est de pouvoir connaître précisément l'ensemble des conséquences de la modification des prévisions d'évolution de la masse salariale sur le texte.
Nous vous communiquerons en séance les impacts de ces changements sur l'ensemble des branches de la sécurité sociale.
Le Premier ministre a défini les grandes masses d'évolution financière mais, comme l'a dit Xavier Bertrand, c'est au PLFSSR qu'il reviendra d'en tirer les conséquences précises pour les différentes branches.
Je vous rappelle qu'il convient de respecter la Constitution qui prévoit que le PLFSS doit être soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale : cela vaut aussi pour le collectif à venir.
Quant à la sincérité du texte qui nous est aujourd'hui soumis, elle me semble assurée par le fait que les ministres sont disposés à nous fournir les nouveaux chiffres. La communication précise de ces éléments par le Gouvernement relève de la discussion générale en séance publique et à laquelle nous serons très attentifs. Il nous reviendra ensuite d'en tirer les conséquences sur nos propres amendements. Je m'interroge donc sur le sens de notre présente réunion de commission.
Elle a simplement pour but de veiller à ce que le travail de commission puisse être fait.
Hélas, le travail n'a pas vraiment été fait si l'on considère les nouveaux chiffres qui remettent en cause un certain nombre des amendements que nous avons déposés et qu'il faudrait maintenant modifier.
Je comprends les préoccupations de la présidente Annie David mais je ne crois pas que la modification des soldes remette en cause substantiellement votre travail. J'avais même cru comprendre que vous envisagiez de présenter une contre-proposition de texte fondée sur une prévision de croissance de 1,2 % qui n'est fondamentalement pas très différente du chiffre de 1 % retenu par le Gouvernement. En outre, je rappelle que le PLFSS qui vous est aujourd'hui soumis peut vous donner l'occasion d'amender de nombreux aspects de notre politique sociale sur lesquels le PLSFFR ne reviendra pas, puisqu'il ne portera que sur les mesures nouvelles.
Nous n'avons jamais parlé d'une révision à 1,2 % ni prévu la préparation d'un contre-projet !
Nous n'avons effectivement pas les moyens de nous engager dans une telle démarche mais nous avons bien annoncé quelles étaient les principales mesures sur lesquelles nous souhaitions revenir.
Pardonnez-moi, j'ai peut-être confondu avec les annonces de Mme Nicole Bricq faites au nom de la commission des finances. Pour le reste, vous êtes bien sûr entièrement libres de faire comme bon vous semble mais je voulais juste que vous mesuriez les conséquences d'un refus d'examen du texte qui vous est soumis.
Telle n'est pas nécessairement la solution que nous retiendrons mais il est clair que nous ne pouvons pas travailler sur un texte dont les chiffres sont faux. Il est indispensable que nous nous revoyions et que nous disposions d'éléments précis sur les nouveaux chiffres.
Pour nous résumer, avons-nous bien compris qu'un amendement du Gouvernement va modifier le chiffre de l'évolution de la masse salariale et que les conséquences en seront tirées par d'autres amendements portant sur l'Ondam et sur le tableau d'équilibre ?
Vous disposerez de tous nos amendements avant la fin de la discussion générale.
Les ministres quittent la réunion de la commission.
Compte tenu de ces éléments, une de nos options pourrait consister à entendre les ministres nous communiquer les nouveaux chiffres au cours de la discussion générale ; le Gouvernement déposerait parallèlement ses amendements, en particulier celui révisant la prévision d'évolution de la masse salariale et celui établissant le nouveau solde budgétaire. Nous étudierions ces données en commission avant d'engager la discussion des articles. Et c'est à cette occasion que nous pourrions définir notre position.
Est-ce que cela signifie que nous allons étudier le projet de loi de financement tel qu'il est, assorti simplement de quelques amendements dont nous ne mesurons pas l'impact complet sur le reste du texte ?
Nous sommes dans une situation absolument surréaliste ! On nous demande en fait d'examiner un texte dont un des fondements essentiels n'est pas assuré. Il me semble que deux options s'offrent à nous sans qu'il soit malheureusement possible de choisir une solution intermédiaire : soit nous adoptons une motion de rejet et nous ne discutons pas du texte, ce qui a pour inconvénient de conduire à l'adoption des seuls dispositifs votés par l'Assemblée nationale sans que nous ne nous soyons prononcés, soit nous examinons un texte dont - je le répète - une partie importante est dépassée mais qui sera complété par quelques amendements que le Gouvernement devrait nous présenter au cours de la discussion générale.
Ces amendements auraient pu être communiqués à la commission au préalable, afin de respecter la priorité à accorder à notre travail par rapport aux discussions en séance publique.
Il serait tout de même souhaitable de disposer de chiffres précis sur l'impact des mesures décidées par le Gouvernement. Par exemple, il est bien évident que l'argumentaire que j'ai préparé à propos de l'excédent escompté jusqu'alors de la branche AT-MP, tel qu'il apparaît dans le projet de loi de financement, n'aurait plus de sens si les nouveaux chiffres faisaient en définitive apparaître un déficit de cette branche. Il nous faut en fait connaître les répercussions sur chacune des branches de la sécurité sociale.
C'est pour cela que je vous propose d'attendre les informations chiffrées qui devraient nous être communiquées par le Gouvernement au cours de la discussion générale, puis de solliciter une nouvelle suspension de séance pour que la commission puisse se réunir de nouveau.
Il est absolument essentiel que nous ayons ces chiffres. Je précise toutefois que je suis personnellement hostile au vote d'une motion de procédure qui aboutirait à ce que le Sénat ne débatte pas de ce texte.
Nous conservons toujours la possibilité de décider, in fine, de ne pas débattre si jamais il apparaissait que les ministres ne nous ont pas communiqué les chiffres attendus au cours de la discussion générale.
Pour ma part, je me demande si nous n'avons pas l'occasion politique de marquer le coup en refusant de discuter un texte qui repose sur des bases erronées et de nous prêter ainsi à un jeu de rôle dans lequel nous savons que les dés sont pipés. Dans tous les cas, il faut être sûr que nous pourrons encore décider du dépôt d'une motion de procédure jusqu'à la fin de la discussion générale. En est-on certain ?
J'ajoute qu'il y a dans le PLFSS actuel des sujets dont nous souhaiterions sans doute pouvoir débattre, comme par exemple la question des dépassements d'honoraires. Si l'on arrêtait la discussion à ce stade, nous perdrions tout moyen d'expression sur ces sujets pourtant essentiels.
Nous sommes tout de même la commission en charge des affaires sociales et le PLFSS n'est pas seulement une affaire de chiffres. Parallèlement aux questions quantitatives, il traite aussi de sujets qualitatifs ou qui touchent à des questions d'organisation. C'est par exemple le cas en matière de soins médicaux, sujet sur lequel nous avons des propositions. Si le Sénat décidait de suspendre la discussion, ce serait à mon sens très maladroit. Pour ma part, je suis partisan de continuer à débattre.
Effectivement, si la discussion s'arrêtait, l'Assemblée nationale déciderait en dernier ressort.
Je ne souhaite pas m'immiscer dans le fonctionnement de la commission des affaires sociales et je ne peux engager à moi seul la commission des finances. Toutefois, je partage l'analyse de notre collègue Yves Daudigny sur le fait que deux solutions nous sont offertes, et pas davantage. Ce PLFSS peut nous permettre de discuter de certains sujets sur lesquels le PLFSSR ne nous donnera pas l'occasion de revenir, puisqu'il se limitera aux seuls éléments nouveaux.
En revanche, je ne trouverais pas extravagant que le débat au Sénat porte aussi sur l'exigence de clarté. Cela nous permettra de dénoncer la situation à laquelle nous sommes actuellement confrontés. En outre, il est important que les ministres viennent à nouveau en commission expliquer quelles sont les conséquences des modifications introduites sur chacune des branches de la sécurité sociale.
C'est cette analyse qui m'a conduite à envisager une nouvelle réunion de notre commission à cet effet, en demandant une suspension de séance entre les interventions des ministres et celles des groupes politiques.
Cette solution me semble la meilleure car si nous choisissions d'adopter par exemple, à l'inverse, une motion de renvoi en commission, nous ne ferions que retarder nos travaux sans être sûrs que le fait d'attendre nous permettrait d'en savoir plus.
C'est effectivement une bonne solution, d'autant que la possibilité de déposer une motion nous est ouverte jusqu'à la fin de la discussion générale.
Cela me semble aussi une bonne solution, même si nous pourrions faire valoir au ministre que nous avons déjà, par le passé, assisté au dépôt au Sénat d'amendements qui n'avaient pas été préalablement examinés par l'Assemblée nationale. C'était le cas du projet de loi sur les retraites même si, j'en conviens, la règle du Conseil constitutionnel ne s'applique pas aux lois ordinaires et seulement aux textes financiers.
Cette solution me convient aussi ; elle permet de ne pas nous priver de la possibilité de débattre de sujets qui nous intéressent.
Je confirme mon souhait de voir le Sénat débattre de ce texte ; nous aurons dans ce contexte à adapter nos amendements aux nouvelles informations qui nous seront communiquées. Je me demande toutefois à quoi servira ce travail si vous finissiez par décider d'adopter une motion entraînant le rejet du texte avant sa discussion ou de le rejeter à la fin ?
Nous verrons bien ; tout dépendra de la suite de nos travaux : si nos amendements sont adoptés, nous n'aurons pas de raison de rejeter le texte.
Je vous confirme donc que nous tiendrons une nouvelle réunion de la commission destinée à tirer les conséquences des modifications dont le Gouvernement nous aura informés.
- Présidence de Mme Annie David, présidente -