La réunion

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La commission procède à l'audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Justice »).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je suis ravi de vous accueillir, madame la ministre, pour présenter le budget de la justice.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C'est un honneur de m'exprimer devant votre commission dont j'apprécie l'ambiance studieuse et sereine. J'étais venue une première fois au mois de juin pour parler avec vous du harcèlement sexuel : vous aviez alors contribué, par votre initiative et par les auditions menées, à combler un vide juridique et à éclairer le Gouvernement.

Le budget de la justice, que j'ai tenu à présenter aux rapporteurs le jour même de son adoption en conseil des ministres, est un budget prioritaire, conformément aux engagements du Président de la République : il augmentera de 4,3 %, s'établissant à 7,7 milliards d'euros ; 1500 emplois seront créés en trois ans, dont 500 dès l'an prochain.

Parmi nos priorités, la jeunesse est incontestablement la première. En 2013, 205 éducateurs ou psychologues seront recrutés, afin de réduire à 5 jours, le délai de prise en charge des jeunes ayant fait l'objet d'une décision judiciaire. Nous entendons y parvenir durant l'exercice 2013 et non au 1er janvier 2014, comme la loi de mars 2012 le prescrit. Les magistrats, plus nombreux, apporteront aux actes de délinquance une réponse rapide, indispensable message de non-impunité adressé aux jeunes. Nous le devons également aux victimes. La réponse éducative, elle, prend du temps. Dans le cadre d'un partenariat avec l'Education nationale, nous affecterons de nouveaux éducateurs dans les classes relais, dont les résultats sont très satisfaisants : 82 % des jeunes rejoignent ensuite le système éducatif classique.

Il est important que les tribunaux pour enfants disposent d'une grande diversité de réponses, notamment des solutions en milieu ouvert. Le nombre des familles d'accueil passera à 450 en 2013, contre 350 aujourd'hui ; l'indemnité journalière sera portée de 31 à 36 euros. Certains parlementaires demandent un changement de leur statut et un alignement sur celui des familles avec lesquelles les conseils généraux travaillent dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. J'en étudie les implications. Cela aurait pour conséquence l'abandon du régime de l'indemnité et serait sans doute onéreux. Les familles d'accueil, bénévoles, constituent une réponse adaptée pour ces jeunes, en leur apportant la présence et l'accompagnement, voire l'affection, dont ils ont besoin. Le taux de non-récidive en milieu ouvert est de 80 %. Mais les centres éducatifs fermés et les centres éducatifs renforcés ne seront pas oubliés. Enfin nous soutenons le secteur associatif habilité, dont les créances s'élèvent à 35 millions d'euros... Nous allégerons ce poids de 10 millions d'euros, pour leur permettre de continuer à assurer leur mission d'intérêt public auprès des mineurs.

La deuxième priorité concerne la justice civile et l'amélioration du fonctionnement des juridictions. La justice civile représente 70 % de l'activité judiciaire. Pour elle, 150 postes de magistrats seront créés. Les crédits informatiques seront doublés pour moderniser et sécuriser les procédures tout en dégageant des emplois. Les frais de justice -frais d'expertise, de recherche d'ADN, de téléphonie, d'analyses psychologiques, etc.- constituent un casse-tête budgétaire car ils sont difficiles à évaluer en début d'exercice. Nous avons prévu une dotation de 477 millions en 2013, en hausse de 15 %. La Justice a une réputation de mauvais payeur - c'est ainsi que nous avons reçu une facture de la Poste de 60 millions d'euros ! Depuis juillet les juridictions ont épuisé leur budget et en sont réduites à vider les fonds de tiroir, lorsqu'il en reste... Elles nous appellent au secours, elles ne pourront finir l'année.

Parallèlement nous cherchons à optimiser les dépenses, à les mutualiser, pour réaliser des économies d'échelle. Les frais de fonctionnement sont en baisse de 7 %, conformément à la lettre de cadrage du Premier ministre. Le ministère de la justice prend ainsi sa part à l'amélioration des finances publiques. Les juridictions ont pu manifester quelques inquiétudes, mais relativisons : en 2011, 21 millions d'euros de crédits de fonctionnement ont été ponctionnés pour les frais de justice, or ceux-ci font l'objet d'une dotation en hausse de 62 millions, ce qui met à l'abri les dotations pour frais de justice. La modernisation informatique renforcera la sécurité des procédures et dégagera des emplois qui pourront être redéployés.

En outre, il est nécessaire de réfléchir à l'office du juge et au périmètre de son intervention, comme on me l'a signalé dans les juridictions. L'accumulation des textes a considérablement étendu les missions du juge. J'ai commandé une étude sur ce sujet à l'Institut des hautes études sur la justice qui rendra ses conclusions en mars 2013, tandis que la direction des services judiciaires a créé un groupe de travail réunissant tous les métiers. Ces travaux alimenteront également la réflexion sur les tribunaux d'instance et leur articulation avec les tribunaux de grande instance. Des expérimentations seront menées. Je remercie le président Sueur pour sa proposition de loi différant de deux ans la disparition des juges de proximité, initialement prévue début 2013, car les tribunaux d'instance ne sont pas pour l'instant capables d'absorber ce surcroît d'activité. Ce sursis sera utile pour redéfinir les missions. La formation des juges de proximité devra tout de même être améliorée, afin d'apaiser les multiples contestations dont ils sont l'objet...

J'ai installé le 18 septembre le comité d'organisation de la conférence de consensus de prévention de la récidive, afin de mener une réflexion sur le sens de la peine et l'utilité du temps de l'incarcération. Les travaux de ce comité indépendant devraient durer 5 mois jusqu'à la conférence de consensus qui se tiendra en février 2013. Le comité met en place un jury indépendant en vue de cette conférence. Il a aussi pour mission de proposer les termes d'un consensus, en se penchant sur toutes les études françaises et internationales sur la prévention de la récidive ; et de proposer des réponses originales ou ayant fait leurs preuves ailleurs. Le taux de récidive est important, surtout après les courtes peines d'incarcération. Je crois le consensus possible car il y a déjà, au Parlement, une convergence sur le diagnostic.

Pour développer les alternatives à l'incarcération, 120 postes sont créés : 70 juges d'application des peines, 10 parquetiers, 40 greffiers, ainsi que 63 emplois de conseillers dans les services d'information et de probation. Les crédits des aménagements de peines augmentent de 12 % afin de renforcer l'offre de placements extérieurs. Le nombre des bracelets électroniques, 8 000 aujourd'hui, doublera durant le quinquennat. Ce dispositif ne saurait cependant se limiter à une surveillance. De même qu'il est nécessaire d'éviter les sorties sèches - encore 80 % des cas - ou d'adapter la surveillance sur les reliquats de peine, il faut mettre en place un accompagnement des personnes concernées.

Les travaux d'intérêt général (TIG) sont en baisse relative. Ils sont répartis inégalement sur le territoire, selon les communes, en fonction des organismes qui les accueillent. La chancellerie a publié un guide afin de donner une nouvelle impulsion à ce dispositif qui constitue une peine à part entière, et une peine active. En outre nous créons 250 places de semi-liberté. Avec les peines aménagées et les quartiers nouveaux concept, ce sont au total 800 places nouvelles en alternative à l'incarcération.

L'aide aux victimes est importante. Nous cherchons à sensibiliser les auteurs d'actes de délinquance à l'exigence de respect envers les victimes ; d'ici un an des bureaux d'aide aux victimes seront installés dans chaque tribunal d'instance et les associations disposeront en moyenne d'un poste de juriste à mi-temps tandis que la dotation qui leur est destinée augmentera de 8 % ; enfin l'action du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, jusque là consacrée aux trois-quarts à la vidéosurveillance, sera redéployée, à hauteur de 70 %, vers l'aide aux victimes, la prévention de la délinquance, la présence sur le territoire ou la coordination avec la politique de la Ville. Enfin les crédits consacrés à l'aide juridictionnelle, accessible aux citoyens dont le revenu est inférieur à 929 euros, passeront à 271 millions, en hausse de 16 %.

Autre point, les projets immobiliers. Pour l'immobilier judiciaire, 20 villes sont concernées. Trois constructions de tribunaux en partenariat public-privé (PPP) étaient prévues : celui de Caen, urgent, sera maintenu. A Perpignan, un projet sous maîtrise d'ouvrage publique aboutira avec un délai de 18 mois. A Lille, la maire m'ayant indiqué qu'un terrain du ministère de la Défense se libérait, j'ai lancé la procédure. Les crédits de l'immobilier pénitentiaire augmentent de 8,8 %, affectés à des rénovations lourdes - la Santé, les Baumettes, Fleury-Mérogis - ou à des travaux d'entretien ou de réhabilitation, en hausse de 20 %, car c'est souvent la négligence qui provoque les dégradations. Le programme de rénovation des établissements vétustes est maintenu. Les établissements pénitentiaires seront équipés de parloirs familiaux et d'unités de vie familiale d'ici à la fin du quinquennat. Le nombre de places passera de 53 000 à 63 500. Dans le même temps une réflexion est lancée sur l'architecture carcérale, le personnel soulignant les difficultés d'animation et de vie dans les nouveaux établissements de très grande taille.

En ce qui concerne les dépenses de personnel du ministère, un décret a prévu que le régime indemnitaire des magistrats serait augmenté en trois tranches successives, étalées jusqu'en janvier 2013. Cet engagement consommera l'intégralité de l'enveloppe dédiée à ce poste dans le budget. Nous ne sommes donc pas en mesure de réaliser l'effort d'équité dû à certaines catégories ; la rémunération des agents de catégorie C, qui n'a pas évolué depuis dix ans, sera revalorisée en 2014, celle des greffiers en 2015. Enfin 7 millions seront consacrés au personnel pénitentiaire afin de compenser les contraintes de travail dans un milieu marqué par la surpopulation carcérale tandis que 5 % des postes restent vacants. Ce budget traduit ainsi des engagements politiques en choix budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les trois programmes de la mission justice sont marqués par des augmentations de postes. Je salue, madame la ministre, votre force de conviction et votre pugnacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je vous remercie pour cet exposé très utile aux parlementaires. Les professionnels sont nombreux à saluer l'effort budgétaire du Gouvernement en faveur de la justice. Il reste néanmoins des points noirs.

En premier lieu, une nouvelle organisation budgétaire des cours d'appel a été mise en place l'an dernier, réforme larvée des cours d'appel selon certains, consistant à étendre les périmètres des budgets opérationnels de programme (BOP) en regroupant différentes cours d'appel sous la responsabilité d'une seule. Les gains engrangés sont-ils à la hauteur des inconvénients occasionnés ? L'indépendance des cours d'appel est mise à mal, leur gestion soumise à la tutelle d'une autre cour parfois très éloignée. La cour d'appel de Toulouse préside ainsi aux destinées budgétaires des cours d'appel de Montpellier et de Nîmes. Conserverez-vous cette organisation ou envisagez-vous de la modifier ?

Quels principes ont été retenus pour la réforme de l'école nationale des greffes ? En particulier, quelle est votre position sur le stage de pré-affectation des greffiers stagiaires qui ampute le temps de formation d'un tiers ?

Les personnels des greffes ont vu leurs conditions de travail se dégrader au fil des réformes successives. Ils ont fait face aux difficultés, avec un sens du service public exemplaire ; les juridictions leur doivent beaucoup. Or ils sont découragés et déçus, constatant l'absence de toute mesure les concernant cette année. Aucune solution n'est-elle envisageable dès 2013 ?

Enfin quelles décisions comptez-vous prendre concernant la révision des mesures de tutelle le 1er janvier 2014 ? Les juridictions ne sont pas prêtes. Comment remédier au problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Madame la ministre, je vous félicite pour ce budget novateur et pour la qualité des réponses apportées à notre questionnaire.

J'ai constaté dans le passé une sous-estimation systématique des frais de justice. Or elle crée des tensions et porte atteinte au principe d'égalité. Les retards s'accumulent parfois depuis plusieurs années et certains examens, psychiatriques notamment, ne sont plus accomplis. La maîtrise des frais de justice ne réside pas dans leur contingentement : ils dépendent de l'appréciation du juge et, à les limiter, nous provoquerions une inégalité entre les justiciables capables de financer les expertises refusées et les autres. Il faut progresser en matière de gestion, de rationalisation, et de déconcentration. Vous avez fait des annonces importantes.

Vos services nous ont précisé que sur les 500 créations de postes, 20 concernaient les juridictions administratives. Il y a là un certain impérialisme, mais tout à fait acceptable !

Quels projets de moratoire ou d'annulation de décisions non encore appliquées envisagez-vous ?

Quels moyens de contrôle mettrez-vous en oeuvre dans le cadre des PPP qui requièrent une maîtrise d'ouvrage très forte ?

Egalement la construction de nouvelles prisons a longtemps été privilégiée à la réhabilitation ; or elle n'est pas suffisante. Evitons, surtout, de construire de nouvelles structures dans des déserts. A Rennes, avec le soutien de la population, je me suis toujours opposé au déménagement de la Centrale des femmes, située au coeur de la ville. C'est un élément essentiel de réinsertion.

Enfin le principe d'égalité religieuse dans le milieu carcéral a longtemps été oublié. Certaines religions n'ont pas en prison de représentants attitrés en nombre suffisant. Je constate un effort.

Vous nous présentez un budget novateur. J'espère que les suivants suivront la même logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J'ai vu dans les priorités énoncées, développement des aménagements de peines et des alternatives à la prison, incarcération en dernier recours, etc., une volonté de vous inscrire dans la continuité de la loi pénitentiaire dont j'ai été le rapporteur. Vous augmentez les crédits des placements à l'extérieur. Le bracelet électronique, en effet, requiert un accompagnement humain, inexistant aujourd'hui. Le nombre d'emplois de conseillers d'orientation et de probation créé dans ce budget est insuffisant. Il en va de même pour la semi-liberté et la libération conditionnelle. Quels moyens humains consacrerez-vous aux aménagements de peine ? Les maires, dans le département du Nord, sont désireux de développer les TIG mais ils souhaitent être accompagnés.

Sur les infrastructures, qu'en est-il des projets du nouveau programme immobilier lancé par la précédente majorité, par exemple la maison d'arrêt de Lille-Loos ? La construction a été prévue puis différée. Les prisons de Mulhouse, de Colmar, d'Ensisheim, que j'ai visitées, sont fortement dégradées. Où en est-on à Lutterbach ? Combien de places opérationnelles les établissements pénitentiaires compteront-ils en 2015 ? Quelle sera la proportion de cellules individuelles ?

Les fouilles intégrales constituent un problème. Le personnel carcéral accepte mal certaines dispositions de la loi pénitentiaire. Pourquoi ne pas développer les portiques à ondes millimétriques, expérimentés à Lannemezan depuis des années ? Trop cher, répond l'administration. Mais leur coût, 150 000 euros, ne représente qu'une place de prison ! Envisagez-vous leur généralisation ? De même, comptez-vous lancer un programme d'expérimentations sur les systèmes de brouillage des téléphones portables dans l'enceinte des prisons ?

Enfin je suis inquiet pour le devenir d'un certain nombre d'associations culturelles, très présentes en milieu carcéral, fonctionnant avec le concours de bénévoles et grâce aux subventions financées par les locations de téléviseurs. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Les associations devront-elles réduire leurs activités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

L'an dernier, je m'étais montré indulgent car la période était difficile. Cette année, je peux me réjouir librement : l'augmentation du nombre de postes, dont 205 pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le souci de redonner vie au secteur associatif, de tels éléments marquent un coup d'arrêt à la politique brutale provoquée par la RGPP. Quelles perspectives entendez-vous tracer pour la PJJ, dans le cadre du plan stratégique 2012-2014, après celui de 2008-2011 ? Sur le secteur associatif, le mot-clef est la diversité. On ne peut mettre un éducateur derrière chaque mineur délinquant... Pour moi, le centre éducatif fermé n'est pas le sommet de la sanction. Un jeune peut être d'abord placé en CEF avant d'être pris en charge par une association. La situation est complexe et il faut soutenir le secteur associatif et son savoir-faire dans l'éducation.

A Douai, où je me suis rendu récemment, l'hôpital, la gendarmerie, la PJJ se sont associés pour résoudre certains problèmes, en matière d'addictions ou de violences sexuelles par exemple. Comment développer ce type de partenariats qui offrent des modes de prise en charge adaptés ?

Enfin quelle solution apporterez-vous à la question des mineurs étrangers isolés ? Comment régler les relations conflictuelles entre l'État et les conseils généraux sur ce point ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je répondrai d'abord à Mme Tasca. La réforme des BOP était déjà en cours à mon arrivée. Dix pôles, plus quatre en outre-mer, regroupent les 37 cours d'appel. Dans chaque groupe, une cour exerce sur les autres une forme de tutelle. Lorsque j'ai pris connaissance de cela, les négociations budgétaires avaient commencé et je n'ai pas voulu les fragiliser. J'ai néanmoins tenu à préserver l'autonomie des cours d'appel. Elles n'ont pas été touchées par la réforme de la carte judiciaire, mais celle-ci n'a pas été sans conséquences. Lorsque l'on superpose les cartes, celle des directions interrégionales de l'administration pénitentiaire, et de la protection judiciaire, le ressort des cours d'appel et les régions administratives, on constate une certaine confusion. Il conviendrait de remettre un peu de cohérence.

J'ai maintenu les BOP pour 80 % des dépenses, correspondant à des charges communes. En revanche, j'ai fait extraire 20 % des crédits des BOP pour les laisser à la disposition des présidents de cours d'appel. Grâce à ces moyens, ils gardent la main sur leurs juridictions, sur le recrutement d'assistants ou le paiement de vacations. C'est une décision d'attente. Je discute avec tous, chefs de cours, représentants du personnel, administration, afin de déterminer comment remédier à des situations absurdes, déconcertantes, qui compliquent la vie de tout le monde. Soit dit en passant, dès lors que l'on quitte l'approche superficielle se pose la question de la cartographie.

Le Conseil d'État a estimé que le fait de confier des tâches de greffier à des stagiaires ne portait préjudice ni au statut ni au fonctionnement des juridictions. Je m'interroge sur cette période de préaffectation, mais ce stage assure une arrivée plus rapide des greffiers dans les juridictions... Quant à l'indemnité pour les greffiers, je ne peux hélas pas inventer une ressource que je n'ai pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La seule variable d'ajustement, ce sont les effectifs.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Baisser les effectifs pour augmenter les indemnités ? Cela m'étonnerait beaucoup que les intéressés y soient favorables.

En revanche, il y a le passage de la catégorie C à la catégorie B par lequel on accède, non à un meilleur traitement, mais à des tâches plus gratifiantes. Faute de pouvoir consentir un effort sur l'indemnité ou les recrutements, nous faisons en sorte d'améliorer les conditions de travail : le budget informatique a ainsi été doublé.

Dans la loi de 2007, la validité des décisions de tutelle a été fixée à cinq ans. Le délai a déjà été prorogé et les dossiers existants devront être traités avant le 1er janvier 2014. Notre taux de réalisation devrait passer de 40 % au 1er octobre à 75 % à la fin 2013 grâce à l'effort des juridictions. Restera un stock de 25 % : une nouvelle prorogation du délai sera nécessaire, par voie législative. Des aménagements pourraient être envisagés. Une durée plus longue serait plus adaptée, comme pour les cas de handicap lourd.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Plus que la durée, ce qui importe c'est la manière dont on surveille les associations ou les particuliers tuteurs.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Effectivement. Ces dispositions visent à protéger les personnes sous tutelle.

Monsieur le rapporteur Edmond Hervé, il n'y a aucun impérialisme de notre part à l'égard de la justice administrative mais un acte de générosité. Après avoir bataillé pour obtenir mes 500 postes, j'ai dû partager avec la justice administrative...

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Oui, mais la justice administrative se targue tellement de son indépendance ! J'ai d'abord fait la moue mais c'est bien volontiers que j'accorde ces 20 postes.

Tirant les enseignements de l'expérimentation menée dans les ressorts de Dijon et de Toulouse en matière de citoyens assesseurs, nous avons interrompu son extension... Dès le mois de juin, les procureurs et les procureurs généraux m'ont indiqué que ce dispositif s'avérait coûteux - notamment du fait de l'indemnisation des assesseurs - et rallongeait la durée des audiences de 30 %. Nous déciderons de la suite au vu de l'évaluation définitive, qui aura lieu fin 2012.

Les PPP, dans le domaine pénitentiaire, judicaire ou administratif, coûtent cher. Ceux négociés au premier semestre 2012 posent des problèmes, que nous pensions pouvoir lever - coût des loyers, durée, coût à la sortie, faible marge de manoeuvre. J'ai arrêté ceux qui étaient trop chers et maintenu ceux dont l'interruption auraient été trop coûteuse. Pour ceux qui n'ont pas été engagés, je m'autorise un examen approfondi. J'ai ainsi diligenté une inspection sur l'opération de la Cité judiciaire dans le quartier des Batignolles. Le contrat n'offre pas de marge de manoeuvre mais nous allons tout de même tenter d'en ouvrir une. Ce PPP représente en effet un investissement de 600 millions d'euros sur 27 ans et l'État paierait, d'ici 2043, un loyer annuel moyen de 90 millions, soit au final 2,6 ou 2,7 milliards d'euros. C'est un contrat dans lequel on ne s'engage pas à la légère.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Pourrons-nous obtenir le rapport que vous avez demandé à l'inspection générale ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Oui mais après ma réunion demain avec le Premier ministre : je lui présenterai trois options possibles. Parfaitement d'accord avec vous sur l'architecture et sur la localisation des centres pénitentiaires dans le désert. Les familles ne peuvent pas s'y rendre, ce qui isole des détenus.

Le culte musulman est effectivement le plus pénalisé en prison, avec seulement 80 ETP (équivalents temps plein) sur 1548 vacations. J'ai augmenté ce chiffre de 15 ETP, permettant de couvrir 30 établissements en 2013 et 30 supplémentaires en 2014.

Monsieur le rapporteur Jean-René Lecerf, il y a effectivement de bonnes dispositions dans la loi pénitentiaire et je m'y réfère explicitement dans la circulaire générale de politique pénale. Les décrets d'application sont en cours de finalisation.

En matière d'aménagements de peine, je rappelle que nous recrutons 63 conseillers d'insertion et de probation. Sans doute en faudrait-il davantage. Mais il existe d'autres types d'accompagnements, qui peuvent être assurés par des associations. Nous les envisageons, au moins à titre provisoire. Nous ouvrirons 250 places de semi liberté, ce qui, en plus des aménagements dans les quartiers nouveau concept, représentera 800 places. Lorsque nous augmentons le nombre de PSE, nous augmentons aussi celui de surveillants car il faut poser et surveiller le PSE dans des salles de contrôle.

Le nouveau programme immobilier (NPI) existait, mais sans budget ! Beaucoup d'autorisations d'engagement, pas de crédits de paiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Quelles sont les opérations que vous estimez indispensables ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vous en ferai parvenir la liste complète.

Je prendrai une décision sur Lutterbach fin novembre au vu des éléments techniques que j'ai mis à l'étude. Je suis allée sur place. Le projet déclenche bien des passions, des deux côtés, pour ou contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Comme notre rapporteur M. Lecerf a pu s'en rendre compte, les établissements de Colmar, de Mulhouse et d'Ensisheim sont dans un état désastreux. Nous attendons avec beaucoup d'impatience votre réponse sur Lutterbach car nous avons enfin trouvé un lieu qui n'est pas un désert.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

C'est ce qui s'appelle une pression affectueuse !

Sur la durée du quinquennat, il est prévu de porter le nombre de places opérationnelles à 63 500. Pour 2013, ce sera 58 321 places et 49 160 cellules ; et 58 832 pour 2015.

Les fouilles constituent effectivement un vrai problème. Le prix d'un portique à ondes millimétriques est bien de 150 000 euros. J'ai demandé un plan d'aménagement au directeur de l'administration pénitentiaire, sans trop d'illusions car comment trouver les financements... Je ne vais pas supprimer des places pour financer des portiques !

Le brouillage est une bonne solution car l'introduction de portables conduit de nombreux gardiens à revendiquer le maintien de la fouille intégrale et systématique. Pour les Baumettes, le coût du brouillage était de 120 000 euros que je n'ai malheureusement pas trouvés.

J'ai également demandé à l'administration pénitentiaire de réfléchir, en coordination avec le parquet et les forces de sécurité, aux modalités de fouille des visiteurs. Mais la question est délicate.

Je partage votre avis sur les associations culturelles.

Monsieur le rapporteur Nicolas Alfonsi, la PJJ a effectivement perdu près de 600 postes ces dernières années. Je vais faire, à la demande de cette administration, auditer la réorganisation. Ces bouleversements ont obligé les intéressés à innover, à trouver les moyens d'amortir les pertes de postes, à appliquer de nouvelles méthodes. La PJJ a développé un savoir-faire qui mérite d'être partagé. Conformément à mes instructions, elle s'appuie sur le terrain, et s'implique dans les différentes structures de concertation territoriales.

Le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, et après lui le maire de Paris qui rencontre les mêmes problèmes, m'ont alertée sur le sort des mineurs étrangers isolés. La convention avec la Croix Rouge venait à échéance fin juin. Je l'ai prorogée de trois mois, puis à nouveau jusqu'à la fin de l'année. Entre temps, un groupe de travail interministériel - auquel participent l'association des départements de France, les représentants de la Croix Rouge, de France Terre d'Asile et d'autres associations - se réunit pour élaborer une solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Quid du projet de reconstruction de la prison de Draguignan qui constitue un sacré problème pour la région et la ville ?

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Un travail sera-t-il engagé avec les opérateurs téléphoniques ou internet ? Les tarifs appliqués en cas de demandes de la justice devraient aussi être harmonisés.

Je croyais que vous aviez pu dégager 2 millions d'euros d'économies liés à la contribution de la Chancellerie à l'Établissement public d'insertion de la défense, qui aurait dû accueillir de jeunes mineurs délinquants. Mais de tels placements n'ont pas eu lieu et ces crédits n'ont sans doute jamais été budgétés. Déception, l'économie n'est donc pas réelle. Au moins, abrogeons la loi de décembre 2011, si personne ne l'applique.

Envisagez-vous de revoir l'architecture des prisons, le caractère déshumanisé des nouveaux établissements constituant un facteur de violence ?

Enfin, un travail avec le ministère de la santé sera-t-il engagé pour mieux répartir les missions, concernant les nombreux détenus qui relèvent davantage des soins, y compris contraints, que du seul enfermement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J'ai entendu parler d'une plateforme unique pour les interceptions judiciaires, solution économique à l'instar de ce qui existe pour les interceptions de sécurité. C'est, comme en informatique, un domaine où la justice a toujours des progrès à faire...

Concernant les citoyens assesseurs, tirer argument du seul allongement de la durée des audiences pour s'y opposer me paraît curieux. Je suis plus favorable aux assesseurs reconnus qu'à des citoyens tirés au sort. Mais la participation des citoyens à la justice peut être une bonne chose. Il n'y a qu'à regarder le système britannique : il n'est pas pire que le nôtre.

Compte tenu de l'augmentation du nombre de mineurs délinquants, ne faut-il pas un certain nombre d'établissements de type centres éducatifs fermés ? Le président de la République a pris un engagement précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

La tentation existe aujourd'hui pour les juges de recourir au placement judicaire dans un établissement de l'aide sociale à l'enfance faute de places en centres éducatifs fermés. On mêle ainsi des jeunes en danger avec d'autres qui auraient dû être enfermés. C'est cela qui cause des difficultés aux travailleurs sociaux des maisons d'enfants à caractère social (Mecs).

La maison d'arrêt d'Angers, qui date de 1856, est classée monument historique, ce qui empêche de modifier la taille des cellules ou de relever les balustrades de protection sur les coursives, alors que la taille moyenne des individus a augmenté en 150 ans. En outre, le taux d'occupation est de 186 %. Le projet fait l'unanimité sur place, mais il semble repoussé à 2017. Merci de nous rassurer ! Quelle que soit la vision que nous avons de la politique pénale, et de la légitimité des peines, nul ne peut se satisfaire des conditions indignes d'incarcération qui règnent dans certains établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Pourriez-vous nous assurer que l'encadrement des frais de justice n'assèchera pas les possibilités d'expertise à la fin de l'année ? Il ne faudrait pas que des criminels préméditent leurs actes à cette période pour échapper aux techniques d'investigation les plus modernes !

Quand allez-vous mettre un terme à la postulation, qui coûte fort cher au justiciable ? La France est une et indivisible, pourquoi un tel cloisonnement entre les ressorts ?

En Polynésie, une nouvelle prison doit être construite pour remplacer celle de Faa'a, qui est dans un état épouvantable. À Papeari, choisi pour implanter le nouveau centre, c'est un tollé... Cette prison sera-t-elle construite et quand ?

Où en est-on des discussions en vue de la construction d'un centre de détention digne de ce nom en Nouvelle-Calédonie ? La prison de Nouméa est la première que j'aie visitée et j'en ai gardé une aversion définitive pour toutes les prisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je me réjouis de l'augmentation de 4,3 % du budget de la justice. Quelle sera la suite du débat que nous avons eu début octobre sur la réforme de la carte judicaire ? La presse ayant évoqué la réouverture du tribunal de Tulle, des crédits sont-ils prévus pour un ajustement de la carte judiciaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Mon groupe votera les crédits de la justice dont il salue l'augmentation, qui est suffisamment rare pour être soulignée. Je salue aussi vos orientations concernant les PPP, procédure dont on connaît les dangers. Dispose-t-on d'éléments statistiques expliquant la baisse des TIG, si utiles dans les collectivités ?

De plus en plus de jeunes sont placés par un juge dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements, qui ne leur sont pas destinés. Cela aboutit à des situations explosives. Comment faire ?

Enfin, l'effort annoncé pour la PJJ est particulièrement nécessaire : à Ivry, aux côtés des six éducateurs spécialisés employés par la collectivité, l'Etat débloque... 0,5 poste au titre de la PJJ !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Envisagez de mettre en place une action de groupe à la française, allant éventuellement au-delà du domaine de la consommation ? C'est un sujet sur lequel le Sénat, sa commission des lois en particulier, a travaillé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

À la prison de Dunkerque, on en est réduit à installer des cellules préfabriquées dans la cour. Madame la Ministre, je vous y invite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Notre collègue Thani Mohamed Soilihi avait plusieurs questions à vous poser. Il s'inquiète de la fermeture de l'une des deux études d'huissiers de Mayotte - alors qu'il en faudrait trois - ce qui présente des risques de conflit d'intérêts et de paralysie. Il demande si le conseil départemental de l'accès au droit est bien en cours d'installation. Il évoque enfin les coûts élevés d'interprétariat et des déplacements - Mayotte relèvant de la Cour d'appel de La Réunion - et la situation des mineurs étrangers isolés, en grand nombre sur ce territoire.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

À Draguignan, les travaux commenceront en 2013 pour s'achever en 2016.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Madame Klès, le marché de la plateforme télématique est bouclé ; l'opérateur retenu est Thales. Il a fallu parfois faire de la spéléologie pour retrouver tous les éléments du dossier mais très prochainement, je saisirai la Cnil pour qu'elle se penche sur le cadre juridique de cette plateforme, source d'économies sur les frais de justice.

Concernant l'Epide, la discussion se poursuit entre les ministères concernés. Le nombre de places qui nous est proposé ne correspond pas à ce stade à la contribution de 2 millions d'euros - sur un total de 8 - qui nous est demandée. J'ajoute que les associations proposent d'autres solutions de prise en charge.

Nous avons eu une séance de travail consacrée à l'architecture et à la localisation des centres pénitenciers. L'administration étant plus à l'aise avec les schémas habituels, il existe, c'est vrai, une certaine inertie. Mais nous y arriverons.

La coopération avec le ministère de la santé se poursuit s'agissant tant de la prise en charge que des soins. Le programme que nous finançons en matière d'hospitalisation contrainte porte sur 770 places dont 440 dès 2013.

Je considère moi aussi que la présence des citoyens dans la justice est une bonne idée, qui n'est pas une fantaisie imaginée ex nihilo...

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais l'expérimentation a mis en lumière des problèmes de formation. Le ralentissement des décisions a inévitablement provoqué des retards dans les audiencements.

Monsieur Hyest, l'engagement du président de la République sera tenu en matière de CEF. Leur nombre sera effectivement doublé au cours du quinquennat ; mais ils ne remplaceront pas des foyers classiques comme l'avait prévu le précédent Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Oui, mais au moins un tiers des ouvertures ont été de simples substitutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De toutes façons, les foyers se vidaient très vite.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

A mon arrivée, j'ai trouvé 18 projets de remplacement. J'ai mis fin à ces substitutions. D'autant qu'en milieu ouvert, le taux de non récidive est de 80 %. Il faut construire des CEF en plus des structures existantes. Quatre centres fermés sont prévus en 2012 puis quatre autres en 2013. Cela prend du temps : pour la construction d'un centre géré par le service public - il en existe aujourd'hui 9 contre 33 confiés à des associations habilitées - il faut deux ans. Cela se fera au cours du quinquennat, Monsieur Hyest, soyez patient. Les CEF ont été conçus pour un certain type de public. Lorsque l'on y envoie des jeunes qui n'en ont pas le profil, on ne leur rend pas service - ni au centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

J'évoquais plutôt le cas où des jeunes, qui relèvent du CEF, sont envoyés en Mecs.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il faut que le juge ait le choix. Il y a des problèmes de répartition sur le territoire -pendant longtemps, il n'y a pas eu de centre fermé en Ile-de-France par exemple- ainsi que d'encadrement et de définition des profils des jeunes accueillis. Nous avons financé une étude du CNRS sur la gradation, du CEF à l'incarcération.

Le nombre de mineurs incarcérés est stable depuis une dizaine d'années, environ 700, et la délinquance des mineurs augmente moins vite que celle des majeurs.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais la hausse n'est pas spectaculaire, elle ne justifie pas la création de nombreuses structures nouvelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je vous interpellais sur le caractère absurde consistant à mettre dans la même chambre des enfants auteurs de violences et des enfants victimes de violences.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Bien sûr, il y a même eu récemment des agressions. La question des catégories de jeunes accueillis est essentielle ; elle est l'un des enjeux de l'inspection que j'ai commandée. Je n'ai aucun document sur la prison d'Angers, pas le plus petit début d'une pré-étude, alors que des engagements avaient été pris par écrit auprès des parlementaires. Il n'y a pas de dossier et je ne puis donc estimer le coût des travaux. Mais je partage votre indignation sur les conditions d'incarcération dans certains établissements. Monsieur Cointat, ne vous inquiétez pas, les frais de justice seront toujours financés et jusqu'au 31 décembre les tribunaux engagent les dépenses.

- Présidence de M. Jean-Pierre Michel -

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Que la commission des lois me dise ce qu'elle pense de la postulation, système qui me semble lourd et coûteux. On peut imaginer une réforme. Il serait intéressant de réfléchir plus globalement sur la profession d'avocat.

Le projet de Papeari est signé depuis juillet. On m'a dit il y a un mois que les difficultés locales s'étaient apaisées... Quant à la Nouvelle-Calédonie, la mission qui en revient m'a fait un rapport oral des travaux et me rendra le document écrit le 15 novembre.

Monsieur Détraigne, je ne sais pas quelle est la source de vos informations sur Tulle ; en tous cas, ce n'est pas la Chancellerie. J'ai indiqué à la tribune du Sénat que je regardais les choses ressort par ressort. Tulle est en effet la seule préfecture qui ait perdu son tribunal. Il y a d'autres cas où les justiciables ont désormais de réelles difficultés d'accès aux tribunaux. Si quelque chose est fait pour Tulle, la même chose sera faite ailleurs.

Pourquoi les TIG sont-ils en recul ? Peut-être faute d'accompagnement. Je pense qu'il est utile que la PJJ travaille en coordination avec les conseils généraux, notamment pour les jeunes qui relèvent à la fois de l'ASE et des procédures pénales sur lesquels se concentre l'activité de la PJJ. Une meilleure articulation est souhaitable, sans remettre en cause le partage des compétences.

J'ai demandé une étude sur la meilleure formule concernant l'action de groupe. Il s'agit notamment d'éviter une dérive des honoraires, peut-être de prévoir une médiation obligatoire, un choix entre opt in et opt out. Faut-il un véhicule législatif large, applicable à tous les champs, consommation, santé, environnement ? Ou une procédure limitée à un domaine précis ? Les objections semblent plus fortes contre la première solution. Le ministère chargé de la consommation réfléchit lui aussi à un texte. J'ai des séances de travail avec Benoît Hamon et l'arbitrage sera rendu sous peu. Il convient de protéger les citoyens mais aussi d'éviter toute perversion possible du dispositif. La procédure civile, qui a ma préférence, est l'option maximum : je ne suis pas certaine qu'elle pourra prévaloir car notre droit est fragmenté. Le Sénat pèsera dans ce débat.

Monsieur Delebarre, vous me dites que la prison de Dunkerque est très vétuste, mais le plan triennal ne prévoir rien à son sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Cela fait des années qu'à la demande de l'administration, nous y travaillons. Nous avons proposé un nouveau site.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Ce cas fait partie de ceux sur lesquels je ne trouve strictement aucun financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Nous avons pourtant souvent communiqué avec l'administration sur ce dossier.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je vais à nouveau l'interroger.

La commission procède à l'audition de M. Dominique Baudis, Défenseur des Droits, sur son rapport relatif aux relations entre police et citoyens et aux contrôles d'identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous sommes heureux d'accueillir M. Dominique Baudis. La présence de membres de différentes commissions montre combien ce sujet intéresse. La création du Défenseur des droits avait fait débat au Sénat. Comme je l'ai déjà dit publiquement, la vigueur avec laquelle vous accomplissez votre mission a fait taire toutes les préventions initiales. Vous venez de publier un rapport qui a suscité beaucoup d'intérêt, sur les rapports entre la police et les citoyens, et plus particulièrement sur les contrôles d'identité. Nous sommes tous attachés aux fonctionnaires de police et aux militaires de la gendarmerie qui assument les difficiles missions de sécurité. Nous sommes également très attentifs à la situation de nos quartiers, de notre jeunesse, à ce que les relations entre les agents chargés d'assurer la sécurité et l'ensemble des citoyens soient apaisées et propres à assurer la confiance dans l'institution républicaine. Des propositions, des annonces ont été faites. Vous avez considéré le problème dans toute son ampleur, procédé à beaucoup d'auditions, étudié les exemples étrangers, et produit un rapport dense et riche d'informations.

Debut de section - Permalien
Dominique Baudis, Défenseur des droits

Merci de votre invitation. Le débat sur les relations entre police et population existe dans toutes les démocraties. C'est même un signe de vitalité démocratique : il n'y a que dans les sociétés totalitaires que la question ne se pose pas ! Selon les périodes, le débat se cristallise sur différents sujets. En France, ce sont les contrôles d'identité qui ont cristallisé la controverse, et ce depuis la fin des années soixante-dix et la loi Sécurité et liberté de 1981. Ce n'est pas le principe même du contrôle qui fait débat mais plutôt la façon dont celui-ci s'exerce et le sentiment, relayé par de nombreuses associations, que les contrôles cibleraient plus particulièrement certains publics : les personnes d'origine non européenne, jeunes, à la tenue vestimentaire non conventionnelle. Bref, un jeune issu de l'immigration et portant un sweat à capuche a bien plus de chances d'être contrôlé qu'un quinquagénaire blanc en costume et cravate.

Depuis mon entrée en fonctions en juin 2011, j'ai rencontré les associations en pointe sur le sujet : Human Rights Watch, Amnesty International, SOS Racisme, etc. J'ai engagé un travail de réflexion avec mon adjointe chargée de la déontologie dans le domaine de la sécurité, Mme Françoise Mothes, et avec le secrétaire général de notre institution M. Richard Senghor. Entre février et octobre 2012, nous avons entendu les parties concernées - associations, syndicats de policiers, direction générale de la gendarmerie nationale - et participé à des réunions, dont certaines au Sénat à l'initiative de Mme Benbassa, rencontré des parlementaires, présidents de groupe ou de commission ou, comme M. Pozzo di Borgo et Mme Benbassa, auteurs de propositions de loi. Nous nous sommes également rendus dans des pays, souvent cités en exemple, où le contrôle d'identité s'accompagne de la remise d'une attestation par le contrôleur. Nous y avons rencontré les autorités de police, les associations, les responsables politiques locaux. Nous avons conclu ce travail de réflexion par un colloque qui s'est tenu à Paris en octobre.

Ce rapport, qui dresse l'état des lieux, rend compte de toutes les auditions ; il reprend les arguments pour ou contre la remise d'un document lors des contrôles d'identité. Cette pratique est expérimentée en Espagne à Fuenlabrada, dans la banlieue de Madrid, et surtout en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au Canada, où le dispositif est déjà ancien.

Première conclusion, l'examen de ces pratiques montre que la délivrance d'un document réduit mécaniquement le nombre de contrôles, ne serait-ce que parce que les opérations prennent plus de temps. Deuxième conclusion, le débat sur le caractère discriminatoire ou non du contrôle, c'est-à-dire le ciblage au faciès, ne s'est pas éteint. Au contraire, il n'en est que plus vif. En France, les contrôles ne laissant pas de trace, les intéressés expriment un simple ressenti. Dans les pays qui pratiquent le récépissé, on dispose de chiffres, car l'appartenance ethnique ou raciale de la personne contrôlée figure sur le document. Ce dispositif n'est donc pas transposable en France : il faudrait réviser la Constitution, notre système républicain interdisant de répartir les personnes en catégories en fonction de leur appartenance ethnique.

La troisième partie du rapport, intitulée « Perspectives », formule des propositions à l'intention des pouvoirs publics. La première, la plus générale, porte sur l'indentification des fonctionnaires de police. Depuis la loi du 12 avril 2000, tout fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions doit être identifiable (pas forcément par son nom) par le citoyen. Les fonctionnaires de police ont longtemps porté un numéro de matricule de manière visible sur leur uniforme ; il a disparu en 1985, quand un nouvel uniforme a remplacé l'ancien. L'étude des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, des prises de position du Conseil de l'Europe ou du Commissaire européen aux droits de l'homme montre qu'il est nécessaire, dans une société démocratique, que les fonctionnaires de police soient identifiables par les citoyens, afin d'autoriser d'éventuels recours. Nous préconisons donc le rétablissement du matricule visible.

Les auditions et le débat organisé au Sénat ont fait apparaître un deuxième problème : celui des palpations de sécurité, qui ne sont encadrées ni par le code de procédure pénale, ni par le code de déontologie de la police nationale ou la charte de la gendarmerie nationale, mais laissées à l'appréciation des forces de l'ordre sur le terrain. Certains policiers disent toujours commencer par la palpation par souci de sécurité ; d'autres estiment qu'elle ne doit pas être systématique. La direction générale de la gendarmerie nationale indique quant à elle que la palpation est exceptionnelle. Bref, les pratiques sont très différentes. Il nous paraît nécessaire d'introduire dans le code de procédure pénale et le code de déontologie de la police nationale, qui est en phase de réécriture, un dispositif encadrant la palpation de sécurité et lui donnant une base juridique.

Troisième sujet, la délivrance ou non d'une attestation lors du contrôle. Les solutions anglo-saxonnes ne sont pas transposables en l'état, je l'ai dit, mais rien n'empêche d'imaginer un dispositif ad hoc. Toute mesure devra toutefois être préalablement expérimentée sur un territoire délimité : l'absence d'expérimentation préalable s'est toujours soldée par un échec. Certaines collectivités locales souhaitent être territoires d'expérimentation, à commencer par la ville de Paris qui a voté un voeu en ce sens.

Trois dispositifs sont envisageables. Le plus léger consiste à remettre un ticket de contrôle anonyme : le contrôleur demande ses papiers à la personne contrôlée et lui remet en contrepartie un ticket sur lequel figure son numéro de matricule. Cette solution a l'avantage d'être rapide et de rétablir une forme d'égalité entre le contrôleur et le contrôlé.

Deuxième solution, l'attestation nominative. Le contrôleur remet une attestation qu'il va devoir remplir : y figure le nom de la personne contrôlée, le lieu, la date, l'heure et éventuellement le motif du contrôle. Un tel document aura une valeur probante plus importante que le simple ticket : des contrôles à répétition, a fortiori par le même fonctionnaire, étaieraient un recours auprès de la juridiction administrative ou du Défenseur des droits. Dans ce cas de figure, seule la personne contrôlée conserve l'attestation.

Troisième solution : la délivrance d'une attestation nominative, dont le contrôleur conserve un double. Ce double peut être rendu anonyme, comme le proposent M. Pozzo di Borgo et Mme Benbassa dans leurs textes, ce qui n'empêche pas une évaluation statistique de l'activité de la police. Il peut aussi être nominatif. Dans les deux cas se pose la question de la création d'un nouveau fichier, nominatif ou non, qui pose des problèmes : conservation, finalité, etc. Des centaines de milliers de données seraient enregistrées et utilisables dans le cadre d'une enquête policière. Les citoyens ne risquent-il pas d'estimer qu'un tel dispositif, qui retrace leurs déplacements, est liberticide et met en cause leurs droits individuels ? Quoi qu'il en soit, nous estimons qu'aucune option ne peut être retenue sans avoir d'abord été expertisée pendant plusieurs mois et sur un ou plusieurs territoires.

Enfin, il est apparu au fil des auditions qu'il manque un lieu de dialogue permanent entre les associations et les forces de sécurité. Notre institution est disponible pour participer au cycle de formation initiale et continue des fonctionnaires de police, et pour représenter un lieu de dialogue car il y a, de part et d'autre, beaucoup de fantasmes, de procès d'intention, de méconnaissance réciproque des motivations. Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance pourraient jouer ce rôle au niveau local.

Le rapport est disponible sur le site internet du Défenseur des droits ; nous y analysons également les deux propositions de loi déposées par des membres du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Merci pour cet exposé, qui était, comme à l'accoutumée, fort pédagogique et précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je suis élu du VIIème arrondissement de Paris, sans doute une des circonscriptions les plus conservatrices de France ; on pourrait penser que nous n'y rencontrons guère ces problèmes. Mais c'est oublier que le VIIème voit passer trois à quatre mille manifestations par an. La gestion de ces manifestations par les policiers est souvent source de tensions. J'ai rencontré les associations qui défendent l'idée du récépissé. Selon l'Observatoire national de la délinquance, entre 1996 et 2007, les outrages à agent sont passés de 17 000 à 31 000, preuve qu'il y a un problème de confiance entre forces de l'ordre et citoyens. Le rapport du CNRS et du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales, étayé par celui de Human Rights Watch, montre que l'on est contrôlé onze fois plus souvent quand on est jeune, six fois plus quand on est noir, huit fois plus quand on est arabe. Il y a bien un contrôle au faciès. La suppression de la police de proximité a aggravé ces dysfonctionnements.

J'ai essayé de me placer dans la logique de la police. Les policiers que j'ai interrogés m'ont tous répondu qu'ils n'étaient pas contre le principe du récépissé, mais ils ont été irrités par les déclarations du Mouvement des jeunes socialistes selon lesquels la même personne ne pourrait plus être contrôlée plus de deux ou trois fois, règle à laquelle les policiers s'opposent. Ce discours a donné une image négative du dispositif.

En tant qu'ancien inspecteur général de l'Éducation nationale en charge des problèmes d'hygiène et de sécurité, je suggère de confier la supervision du contrôle à l'inspection générale des services du ministère de l'intérieur : il serait bon que la hiérarchie soit directement impliquée.

Le débat au Conseil de Paris a été nourri, et le voeu du groupe communiste pour que Paris soit territoire d'expérimentation a été voté par les socialistes, les Verts, ainsi que par le groupe centriste que je préside.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le Défenseur, je vous félicite pour ce rapport : vous avez su relayer les points de vue des personnes que vous avez, comme nous, entendues et en faire la synthèse. La question qui me préoccupe le plus est celle de l'attitude de la police. Lors du colloque, les policiers américains ont expliqué qu'ils donnaient une carte de visite lors des contrôles. Les polices américaine, anglaise ou espagnole sont favorables aux contrôles avec récépissé, elles ne s'en plaignent pas. En France, en revanche, ce dispositif suscite l'opposition frontale des syndicats, qui semblent y voir une atteinte à leur propre pouvoir. Le collectif « Stop le contrôle au faciès » a diffusé des films qui montrent la hargne des personnes contrôlées, l'humiliation qu'elles ressentent lors de ces contrôles jugés dégradants. En face, la police refuse même le ticket. Ce décalage interpelle. Nos policiers ne bénéficieraient-ils pas de la même formation que leurs homologues étrangers ? Il faudrait les former à l'antiracisme, aux droits de l'homme, à l'anthropologie. Fabien Jobard et René Lévy, dans une étude scientifique, ont démontré que les policiers arrêtent en priorité certaines personnes - rarement des femmes ou des personnes âgées, mais plutôt des enfants présentant des signes ethniques distinctifs... Il faut adopter une approche comportementaliste, changer l'imaginaire de nos policiers, travailler en amont, car leur attitude suscite l'énervement dans les banlieues et incite à l'émeute et à l'opposition. Je ne me situe pas du côté de la police, mais de ceux qui sont contrôlés et qui subissent des humiliations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

En lien avec l'actualité législative, je souhaite vous interroger sur les bases juridiques des contrôles d'identité. Les dispositions de l'article 78-1 du code de procédure pénale sont prises sous réserve de la législation spécifique portant sur les étrangers, qui sera évoquée en séance publique cette semaine à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées. Or, l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) donne la possibilité de contrôler l'identité et la validité du titre de séjour d'un étranger dès lors qu'on peut déduire d'éléments objectifs sa nationalité étrangère. Une telle formulation n'encourage-t-elle pas les contrôles au faciès ? Il faut sans doute être doué pour détecter le caractère étranger d'une personne sans s'en remettre à des éléments tels, justement, que le faciès ou les signes extérieurs ! La base juridique du contrôle d'identité doit être claire et précise. Comment lutter contre les contrôles au faciès quand une telle disposition d'une législation spécifique y incite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J'ai été rapporteur du projet de loi sur la création de la Halde. Je me rappelle de nos difficultés pour imaginer des instruments de mesure des discriminations. Comment lutter contre un tel phénomène sans pouvoir en mesurer l'intensité ? Le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran) était d'accord avec moi pour aller vers des statistiques ethniques. De grandes entreprises évolueraient plus vite vers une réduction des discriminations si l'on pouvait leur montrer la composition ethnique de leur personnel. J'avais alors été attaqué par deux de nos anciens collègues, MM. Mélenchon et Romani, qui alléguaient le caractère universel du citoyen, et qui ajoutaient que le problème se résoudrait de lui-même par les unions mixtes. Je ne suis pas sûr, pour ma part, que l'on puisse ainsi balayer de tels sujets. Peut-on aménager des dispositifs compatibles avec la Constitution, ou faut-il la modifier ? Il est évident que si de telles statistiques existaient, les policiers exerceraient une forme d'autocensure sur les contrôles qui aujourd'hui nous embarrassent.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Je voudrais faire deux remarques. Tout d'abord, les incidents les plus notables se produisent avec la BAC, je l'ai observé à Roubaix. Il y a un problème de doctrine d'emploi au sein de la police. Les modalités d'intervention ne sont pas identiques d'un corps à l'autre, d'une institution à une autre.

Il aurait fallu, dans votre rapport, aller plus loin, et faire des préconisations sur le contenu des formations proposées aux différents agents de police. Car c'est bien, essentiellement, d'un problème de formation qu'il s'agit. A l'époque où M. Joxe était ministre de l'intérieur, j'avais obtenu, avec M. Diligent, l'implantation d'une école nationale de police à Roubaix : hélas, être situé au coeur de quartiers difficiles n'avait pas conduit cet établissement à s'ouvrir aux difficultés environnantes. Il est pourtant souhaitable que les forces de l'ordre s'acculturent au territoire où elles exercent leur métier. Et tout manquement à la politesse chez les jeunes doit être sévèrement sanctionné.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Ce rapport n'est pas « contre la police ». Mais le statu quo n'est pas possible, car il engendre un sentiment d'humiliation. Il importe de restaurer la confiance dans cette institution de la République qu'est la police. Si l'on veut faire du droit comparé, il faut se demander si l'exaspération suscitée, en France, chez les policiers par l'idée de récépissé n'est pas liée à l'ampleur des contraintes administratives qu'ils subissent déjà. La chaîne procédurale à laquelle ils sont soumis est extrêmement lourde, comme j'ai pu le voir lorsque j'ai eu l'occasion de passer une nuit avec la BAC ou avec les gendarmes : pour un flagrant délit, sans gravité et ne souffrant d'aucune contestation, que de temps perdu en procédures, avant de pouvoir retourner sur le terrain !

N'allons pas non plus renverser le contrôle d'identité. Que ce ne soit pas essentiellement au policier, désormais, d'attester son identité ! Reste qu'une amélioration de la formation est indispensable, pour mettre fin à certains abus. Le ministre M. Valls a eu raison d'y insister dès son arrivée aux affaires, le tutoiement doit être proscrit. Cela peut paraître superficiel mais a un poids symbolique important.

Il ne faut pas oublier que ce débat entre contrôleurs et contrôlés se fait devant les citoyens. Évitons par nos propos de donner le sentiment que les contrôles au faciès sont si répandus. L'idée d'une forme d'oppression de contrôleurs blancs sur des contrôlés de couleur est également erronée : de nos jours, nombreux sont les policiers qui ont la même couleur de peau que ceux qu'ils contrôlent.

Le rétablissement du matricule, qui ne bouleverse pas l'ordre juridique existant, pourrait devenir rapidement l'objet d'un consensus, en mettant fin à un anonymat qui ne satisfait personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

La police a une tâche déjà suffisamment difficile pour que nous n'inscrivions pas, en adoptant une attitude polémique, notre démarche contre elle. Il est néanmoins moral de veiller à ce qu'elle respecte un certain nombre de règles. Le contrôle d'identité, qui consiste à exercer la force publique pour exiger de quelqu'un qu'il interrompe ses mouvements pour rendre compte de son identité, est considéré en droit, à juste titre, comme une intervention forte qui doit donc être strictement encadrée, surtout si elle en vient à devenir une menace contre le principe de non-discrimination.

Le droit et les règles qu'il impose doivent être mieux connus. Le climat général est important aussi, et le Gouvernement comme le Parlement doivent s'exprimer avec mesure. Le ministre de l'intérieur a eu raison de ne pas intervenir directement dans la polémique sur le récépissé : cela aurait donné à ses services l'impression qu'il les remettait en cause, alors que son message doit être d'affirmer sa confiance en eux, tout en y posant des conditions, conditions qu'il lui faut sans cesse rappeler.

Un débat comme celui que nous avons se tient en général sous le coup d'une émotion publique, d'un incident, donc d'éléments épars. Beaucoup de ressenti, peu de chiffres. J'ai pu être tenté mais finalement j'ai beaucoup de mal à me ranger à une information ethnique, qui serait une rupture par rapport à la règle de l'universalité... Ne pourrait-on imaginer une saisine d'autorités comme le Défenseur des droits ou le Parlement, pour nourrir le débat par des informations concrètes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

J'ai deux sujets de préoccupation. J'ai voté contre le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Nous voyons bien que le modus operandi des gendarmes est différent de celui des policiers. Mais à présent ils partagent un bloc de formation. Comme nous allons bientôt examiner le budget du ministère de l'intérieur, peut-être pourriez-vous nous faire des propositions financières chiffrées sur ce point ?

L'équilibre entre libertés individuelles et exigence de sécurité relève d'une alchimie complexe. Je travaille en ce moment sur les manquements relevés dans l'affaire Merah : l'information était disponible, mais elle n'a pas été analysée. De même, si l'on s'engage dans un processus de collecte d'informations sur les contrôles d'identité, que fera-t-on des données ainsi récoltées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Notre société est malade, nous en avons tous conscience. Et il est bien difficile de la soigner. Les agents qui représentent l'autorité se sentent désarmés, souvent découragés. Quand ils arrêtent un jeune en train de commettre une bêtise, toute sa bande, par les moyens de communication modernes, est bientôt informée et ils n'ont que le temps de se replier ! Les actes de délinquance sont inspirés par le spectacle qu'offrent les médias et en particulier la télévision, qui n'exhibe que sexe et violence. Quand on n'a pas de travail, on est vite porté à commettre des actes répréhensibles. Dans les conclusions du rapport, je n'ai trouvé malheureusement mention d'aucun remède. Les accidents de la route diminuent à due proportion du nombre de radars installés. C'est mathématique. Or, dans le sujet qui nous occupe, il ne s'agit pas de mathématiques mais d'humain... Comment inverser l'inquiétante courbe ascendante de la délinquance ? D'autres pays y ont-ils réussi ? Tout vient de ce que notre société est malade.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Personne n'aime être contrôlé, et je peux témoigner de ce que les contrôles auxquels mes nombreux voyages de représentant des Français établis hors de France m'exposent peuvent parfois avoir d'odieux. On a évoqué les méthodes différentes de la police et de la gendarmerie : la seconde semble moins sujette à ces difficultés, peut-être en raison de son statut militaire, qui lui confère davantage de respect et de distance vis-à-vis des personnes contrôlées. Mais avec la police il y a parfois des comportements inacceptables. Il faut donc sans doute prévoir une meilleure formation au contrôle. Lorsqu'il y a respect, les choses se passent bien. Sans respect, des dérapages sont inévitables, d'un côté comme de l'autre. Il faut donc édicter des normes précises sur la manière de faire les contrôles. La solution qui sera retenue par le Défenseur des droits sera certainement la meilleure, et je m'en remets à sa sagesse, pourvu toutefois que cette solution ne comporte pas la constitution d'un fichier.

Debut de section - Permalien
Dominique Baudis, Défenseur des droits

L'option qui consiste à confier à l'inspection générale des services (IGS) ou à l'inspection générale de la police nationale (IGPN) la charge de suivre les contrôles et d'enregistrer les données rendues anonymes me semble en effet la meilleure. Ces corps ont, par nature, vocation à constater des comportements répétitifs et abusifs comme ceux que nous visons. Ils ont également les moyens - notamment humains - d'assumer cette tâche. Nous n'en avons pas la capacité ! Notre activité serait brusquement décuplée. Déjà, les quelque onze ou douze agents du pôle « déontologie de la sécurité » ont vu le nombre de réclamations tripler depuis la réforme qui fait que tout citoyen (et non plus seulement des parlementaires) peut saisir la commission nationale de déontologie et de sécurité.

Lors du colloque, des policiers venus de Londres, de New York, d'Ottawa, de Toronto se sont tous faits les défenseurs du dispositif qui existe dans leur ville. Mais la majorité d'entre eux y étaient hostiles lorsqu'il a été mis en place ! Il a fallu entre deux et quatre ans pour qu'ils y adhèrent. Il résulte de cette pratique une baisse du nombre des contrôles, mais une hausse de leur efficacité : une plus grande proportion est effectivement suivie de poursuites. Ainsi, le niveau de service rendu par les forces de police ne baisse pas. Espérons que ce colloque aura permis aux participants français de se familiariser avec cette idée. Je le répète, la formation est le coeur de tout, mais je ne pouvais y consacrer le rapport, tel n'était pas notre sujet.

Debut de section - Permalien
Richard Senghor, secrétaire général du Défenseur des droits

Il existe des dispositions spécifiques aux étrangers : Ceseda, Schengen... Notre rapport ne traite pas de ce que l'on dénonce parfois sous le terme de « chasse aux étrangers », même si celle-ci aboutit en effet à la réalisation de contrôles au faciès. Nos voisins espagnols sont dans cette logique de dissociation des personnes contrôlées selon leur nationalité. Nous parlons, nous, du contrôle de droit commun, exercé sur des personnes qui, quelle que soit leur origine, sont françaises. Il est effectué sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale, pour tout motif et en toutes circonstances. La formulation juridique a été validée par le Conseil constitutionnel. Or ce contrôle donne à certains l'impression d'être plus souvent visés.

Debut de section - Permalien
Dominique Baudis, Défenseur des droits

La question des statistiques ethniques n'est pas nouvelle. C'est un vaste débat. J'ai pour ma part raisonné à droit constant. Le Conseil constitutionnel a estimé en novembre 2007 que « si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race ». Nous avons travaillé dans le cadre existant.

Il est vrai que nous avons de très gros efforts à faire dans le domaine de la formation. Mais nous n'avons pas centré le rapport sur ce point, afin de ne pas donner l'impression de contourner le coeur du sujet.

L'argument le plus souvent évoqué par les policiers est la surcharge de travail que leur imposent des obligations juridiques toujours plus nombreuses. De ce fait, ils passent plus de temps dans les bureaux et moins sur le terrain. Il serait en effet intéressant de mener une étude comparative sur le poids de ces charges administratives dans différents pays.

Il est exact que la police s'est beaucoup ouverte à la diversité, comme le soulignent souvent les syndicats. Sur le terrain du reste, les policiers de couleur sont parfois victimes d'injures, traités de « collabos ».

En fait, nous avançons à l'aveugle dans ce débat, sans guère de données chiffrées, excepté celles, parcellaires, fournies par les associations, les syndicats. Combien y a-t-il de contrôles d'identité ? Personne ne le sait, car un contrôle sans suite ne laisse aucune trace. Une expérimentation, à l'échelle d'une grande ville ou d'un réseau de transport, permettrait d'y voir plus clair et d'extrapoler à partir des chiffres collectés.

Il faut nuancer l'opposition entre gendarmerie et police, car les gendarmes travaillent surtout en secteur rural, même si certains, en zone périurbaine, sont confrontés aux mêmes types de problèmes que les policiers.

On ne peut pas vraiment faire de parallèle avec les problématiques soulevées par l'affaire Merah, c'est même l'inverse : si des informations sont collectées à l'occasion des contrôles d'identité, il faudra veiller à ce qu'elles ne puissent pas devenir un instrument de surveillance, ce qui se retournerait contre les droits des personnes que nous cherchons à protéger.

L'important est de rétablir une relation de confiance entre la population qui se sent discriminée et la police. Il y a différents moyens envisageables, susceptibles de changer le climat dans lequel les contrôles peuvent se dérouler. Mais il est nécessaire, avant d'en retenir un, de procéder à des expérimentations. C'est aux élus et au gouvernement de choisir le remède pour sortir du statu quo : j'ai borné mon rôle à présenter un éventail aussi ouvert que possible des options. La formation, quoi qu'il en soit, est la clé de tout le processus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La parole est à notre rapporteur budgétaire pour avis sur le programme « Protection des droits et libertés », au sein de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

La loi organique du 29 mars 2011 ne donne pas au Défenseur des droits la personnalité juridique. Cela vous pose-t-il des problèmes dans l'exercice de vos missions ?

Pouvez-vous nous éclairer sur l'organisation et le fonctionnement de votre institution ? Comment se sont répartis les rôles, après un an de fonctionnement, entre les adjoints et les collèges ?

Debut de section - Permalien
Dominique Baudis, Défenseur des droits

Il y a trois collèges, que je réunis environ toutes les six semaines, la même semaine si possible. Je préside chacun personnellement, les adjointes que j'ai choisies assurant la vice-présidence. Hormis une personne qui n'est jamais venue, la participation à ces réunions est très bonne. Il faut dire que le nombre de membres de chaque collège est limité, ce qui permet à chacun de prendre la parole. Je fixe l'ordre du jour, en relation avec l'adjointe concernée, le secrétaire général et les services. Mais je fais droit à toutes les demandes qui me sont adressées par les membres de chaque collège, qu'il s'agisse d'ajouter un point à l'ordre du jour ou des questions diverses.

Debut de section - Permalien
Luc Machard, directeur général des services du Défenseur des droits

Le fait de disposer de la personnalité juridique aurait été source de plus d'inconvénients que d'avantages. Si nous avions constitué un programme à nous seuls, nos crédits ne seraient pas fongibles, ce qui nous aurait enlevé la souplesse de gestion qui nous est permise aujourd'hui par notre regroupement au sein d'un programme budgétaire, avec la Cnil et le CSA. Les tâches de contrôle, d'évaluation, et de reddition de comptes nous auraient incombé, ce qui eût été lourd. Aujourd'hui, les services du Premier ministre nous assistent dans ces fonctions. De surcroît, la direction du budget semble décidée à soumettre les organismes dotés d'une personnalité juridique aux mêmes règles que les autres, notamment à la règle de séparation des crédits du titre II et du titre III. Les avantages techniques liés à la personnalité juridique vont donc s'amenuiser, sans que les charges qu'elle impose diminuent. Grâce à vous, les moyens qui nous sont alloués suffisent à notre bon fonctionnement.

Debut de section - Permalien
Dominique Baudis, Défenseur des droits

La loi organique nous reconnaît la capacité de déposer des observations devant toute juridiction civile, pénale ou administrative, y compris de notre propre initiative, si nous estimons devoir nous saisir d'une affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Merci pour les analyses que vous nous avez présentées. Il nous reste à prendre des décisions politiques !