La commission examine le rapport de M. Bruno Sido sur la couverture du territoire en téléphonie mobile.
Chacun d'entre vous a sûrement fait la désagréable expérience de se retrouver privé de réseau mobile dans des endroits du territoire national, d'ailleurs pas forcément très reculés, où il aurait été censé capter un signal. Et de déplorer que les opérateurs mobiles communiquent volontiers sur des taux de couverture plus que flatteurs et qui ne tiennent apparemment pas leurs promesses.
C'est ce constat qui m'a conduit à faire adopter dans la proposition de loi de notre collègue Daniel Marsin un article additionnel portant une mesure très lourde, il est vrai, pour les opérateurs : une obligation de couverture des zones dites « grises » et « blanches » de téléphonie mobile 2G par une prestation d'itinérance locale. A cet article s'en est ajouté un autre, dans le même esprit, initié par notre collègue Hervé Maurey, consistant à ne considérer comme couvertes par le réseau mobile que les communes dont l'intégralité du territoire est desservie. Amendement qui aurait pour conséquence de réviser sérieusement à la baisse les chiffres de couverture avancés par les opérateurs.
Si ces deux amendements ont été adoptés à l'unanimité au Sénat, ils n'ont bien sûr pas rencontré l'assentiment des opérateurs, ni même du Gouvernement, et freinent désormais la navette du texte. Nous sommes convenus avec ce dernier de la nécessité d'étudier de manière plus approfondie la portée de ces mesures, les problématiques sous-jacentes et les pistes permettant de les résoudre de façon plus consensuelle.
C'est à cette fin que la commission m'a confié la mission d'information dont je vous présente aujourd'hui un premier compte-rendu, le rapport final étant publié début avril. Je souhaite dresser un constat de la situation actuelle en termes de couverture mobile, avant d'identifier les problèmes que cela soulève et les solutions -certes étroites- envisageables pour y remédier.
Dans son dernier bilan de couverture, publié le 1er janvier 2009, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) fait état de 97,8 % de la population métropolitaine couverte par les trois opérateurs mobiles à la fois en technologie 2G, soit 86 % de la surface du territoire, et 99,8 % couverte par au moins un opérateur, soit 97,7 % de cette même surface. Ces chiffres satisfont formellement les engagements qui avaient été pris par les opérateurs dans leurs licences.
Ce bilan se fonde sur des cartes de couverture élaborées par les opérateurs mobiles et faisant l'objet de contrôles de terrain par l'Arcep, qui les croise avec les données démographiques et d'habitat de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) pour obtenir un taux de couverture réel de la population. Les dernières enquêtes menées par l'Arcep ont montré un taux de fiabilité des cartes des opérateurs assez bon, de l'ordre de 97 %.
Au-delà des 99,8 % de la population en principe couverte par au moins un opérateur, il reste donc 0,2 % des Français -100 000 personnes environ- qui ne sont pas couverts, et qui habitent donc dans les 2,3 % du territoire métropolitain qualifiés de « zones blanches ».
Pour ces zones, rapidement identifiées, des programmes d'amélioration de la couverture ont été mis en place : le programme dit « zones blanches », lancé en 2003, visait à la couverture du « centre-bourg » de près de 3 000 communes non couvertes, mais aussi d'axes de transport prioritaires et de zones touristiques à forte affluence. Mis en oeuvre en deux phases - l'une par cofinancement Etat, collectivités et opérateurs, l'autre par les seuls opérateurs -, il recourt à l'itinérance et, surtout, à la mutualisation des infrastructures. Une nouvelle tranche de 364 communes y a été adjointe en 2008, tandis qu'une circulaire de juillet 2010 vise à identifier les communes qui resteraient encore non couvertes au terme de ces deux programmes.
Le bilan de ces derniers est le suivant. Pour le premier, étaient couvertes au 31 janvier 2 907 communes sur les 2 944 identifiées à l'origine, soit 99 %. Pour le second en revanche, seules 54 des 364 communes identifiées étaient couvertes, soit 15 %. Ce retard est imputable à des difficultés à la fois techniques, administratives et financières. Au total, entre 560 et 650 millions d'euros d'argent public et privé auront été mobilisés pour ces programmes.
Mais le réseau 2G est en passe d'être rattrapé et, à terme, remplacé par le réseau 3G, qui assure des débits bien plus importants et dont la couverture devrait bientôt être identique. Après avoir été mis en demeure par l'Arcep en 2009 de tenir leurs engagements échelonnés de déploiement, qu'ils n'avaient pas atteints, Orange, SFR et Bouygues Telecom ont signé, en février 2010, un accord tripartite en ce sens. Ils se sont ainsi engagés à poursuivre leur déploiement en 3G au-delà de leurs obligations, en atteignant une couverture équivalente à celle de la 2G d'ici la fin 2013, soit 99,8 % de la population. Etendu depuis à Free Mobile, cet accord fait appel au « ran sharing », solution de mutualisation qui consiste en l'utilisation commune par les opérateurs d'équipements actifs et de leurs fréquences assignées.
Abordons maintenant les problèmes identifiés dans ce constat. Certes, les opérateurs ont tenu les engagements qui figuraient dans les licences 2G et 3G, et vont même au-delà avec les programmes d'extension de couverture. Il paraîtrait donc aujourd'hui difficile, sans remettre en cause l'équilibre économique de ces licences - ce qui serait illégal, voire inconstitutionnel - de leur imposer des exigences de couverture supplémentaires. Surtout au vu des importants investissements qu'ils doivent réaliser dans leurs différents champs d'activité (extension des réseaux 2G et 3G, achat de licences 4G, montée en débit, déploiement du très haut débit ...), et ce dans un contexte international très concurrentiel.
Cependant, à y regarder de plus près, plusieurs difficultés se font jour.
Tout d'abord, les zones réputées couvertes au regard des cartes de couverture, même vérifiées par l'Arcep, ne le sont pas toujours en réalité. Ce distinguo entre couverture théorique et expérience de terrain nous est couramment rapporté par nos administrés, voire par notre propre expérience. Il tient à plusieurs facteurs. Les premiers sont techniques et donc « acceptables » : les calculs théoriques de propagation des ondes, qui servent à calculer les cartes, peuvent ne pas représenter de manière parfaite l'environnement réel, lui-même livré aux aléas climatiques et aux activités humaines. Il est possible de remédier à ces problèmes de mesure, en menant des « contre-mesures » : l'Arcep accepte et encourage les collectivités à réaliser elles-mêmes des tests de terrain - certaines s'y emploient - et à transmettre tout écart avec la couverture théorique, afin qu'il soit analysé et traité. Les départements des Ardennes et la région Franche-Comté ont ainsi mis en évidence des incohérences, qui nous ont par ailleurs été soulignées par l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). On ne peut donc qu'inciter les collectivités, mais aussi les particuliers, à procéder à ces contre-mesures et à signaler toute anomalie à l'Arcep, qui en informera les opérateurs et leur demandera d'y remédier.
En revanche, la seconde série de facteurs expliquant l'écart entre couverture théorique et couverture réelle tient à des insuffisances du réseau : le problème se pose notamment lorsqu'un seul pylône émetteur dessert plusieurs communes, qui ne reçoivent alors qu'un signal dégradé. En outre, l'UFC Que choisir, qui nous a également fait part de ce problème, l'explique par l'insuffisante densité des antennes, qui ne permet pas une qualité de réception satisfaisante. Ainsi, c'est tout autant la « qualité de service » que la seule réception d'un signal qu'il faudrait contrôler, ce que commence à faire l'Arcep.
S'agissant des communes situées en zone blanche, le critère de couverture retenu est très discutable. On considérera en effet que la commune est « traitée » par le programme d'extension de couverture si son « centre bourg » est couvert, c'est-à-dire en pratique s'il y a du réseau devant la mairie ! Les villageois qui habitent quelques mètres plus loin, ou dans un hameau voisin ou une « commune associée », et qui ne recevront rien, ne pourront s'en plaindre puisque leur commune sera couverte d'un point de vue statistique ...
Par ailleurs, l'étalon de mesure choisi il y a plus d'une quinzaine d'années et appliqué par l'Arcep n'est plus adapté aux besoins actuels, qui ont évolué depuis les débuts du mobile : comment se satisfaire d'une réception uniquement en zone habitée, à l'extérieur des bâtiments et en situation fixe ? On veut désormais une couverture en termes de territoire d'intérêt, et non plus strictement de zone habitée : l'Association des maires de France (AMF), arguant du risque pour les maires de voir leur responsabilité engagée, demande par exemple une couverture des sentiers de randonnée, tandis que l'Association des départements de France (ADF) a évoqué la couverture des parcs naturels pour des expériences de « réalité augmentée » qui apporteront une réelle plus-value à ces territoires. Mais l'on peut penser également aux routes, plages, zones économiques ...
On souhaite également pouvoir téléphoner, non pas seulement dehors, mais depuis chez soi, où la téléphonie mobile remplace de plus en plus souvent la téléphonie fixe, ou bien depuis des bâtiments publics. Sachant en outre que les résidents secondaires ne prendront plus un nouvel abonnement de téléphonie fixe, mais s'installeront là où il y a du réseau mobile. Enfin, on veut pouvoir téléphoner en situation de mobilité (déplacement piétonnier, voiture, train ...), pour des besoins privés comme professionnels : comme son nom l'indique, la téléphonie « mobile » doit, pour être vraiment mobile, ne pas se réduire aux fonctions d'une cabine téléphonique.
Passons à présent aux préconisations pour améliorer la situation actuelle.
La première recommandation serait d'obtenir une meilleure vision des zones qui ne sont pas encore couvertes à ce jour, alors que le programme d'extension de la couverture en zone blanche devrait s'achever fin 2011. L'Arcep nous a proposé de mener un tel recensement, département par département, d'ici la fin de l'année, et il me semble que cela permettrait de clarifier utilement les choses, afin que l'on sache de quoi l'on parle ; quelles sont les zones non encore couvertes, lesquelles sont situées en zone d'habitation, combien d'habitants sont concernés ...
La deuxième recommandation est d'achever au plus vite le programme de résorption des zones blanches en 2G. Or, la fin en a été reportée à une date inconnue du fait du non achèvement du programme complémentaire et du début éventuel d'une phase supplémentaire. Il se chevauche de façon problématique avec les opérations de « ran sharing » menées par les opérateurs dans le cadre de la 3G. Mais il faut bien garder à l'esprit, comme le reconnaît d'ailleurs l'Arcep, que l'achèvement de ces programmes, en 2G comme en 3G, ne permettra pas d'obtenir une couverture intégrale des zones d'habitation, puisque le critère de mesure des communes en zone blanche est et demeure la couverture du « centre-bourg » : toutes les communes en zone blanche seront à terme considérées comme traitées, sans que l'intégralité de leur population ne le soit pour autant. Il nous faudra, à cet égard, interpeller le Gouvernement pour lui demander ce qu'il compte faire des zones blanches restantes.
Il conviendrait par ailleurs d'obtenir des informations précises sur le coût global de la couverture des zones blanches restantes. Cela nécessite de connaître le coût d'implantation et d'exploitation des pylônes émetteurs, ce que personne n'a été en mesure de me donner, mis à part une fourchette variant entre 50 000 et 200 000 euros ! Là encore, l'Arcep, qui est destinataire des programmes d'investissement et des comptes d'exploitation des différents opérateurs pour chacun de leur pylône, serait en mesure d'établir objectivement un tel chiffrage me semble t-il.
Il faut ensuite favoriser la concertation entre les différents acteurs, et inciter à la mise en oeuvre au cas par cas de solutions volontaires et adaptées. L'ADF s'est ainsi plainte de l'absence d'une telle instance de concertation pour la 2G, alors qu'elle existe pour la 3G sur le programme « zones blanches ». Résultat : les collectivités se retrouvent isolées et dépendantes des informations que veulent bien leur fournir les opérateurs qui acceptent de les rencontrer.
Ces rapprochements ne doivent pas avoir un caractère ponctuel, mais être pérennisés et s'inscrire dans une planification des besoins numériques locaux dans toutes leurs dimensions : à cet égard, il serait judicieux pour les collectivités d'intégrer la composante « téléphonie mobile » dans les schémas directeurs d'aménagement numérique des territoires dont la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite « loi Pintat », a prévu la rédaction. Le lien entre très haut débit et téléphonie mobile est en effet étroit, dès lors que le « fibrage » des pylônes émetteurs sera dans la plupart des cas nécessaire pour déployer la dernière génération de réseau mobile, la 4G.
Sur le fond, les solutions ne sont pas légion, il faut l'admettre. Il doit être encore possible, mais dans une faible mesure, d'optimiser le réseau existant en réglant au mieux la direction et le niveau d'émission des antennes. Les opérateurs, qui ont tout intérêt à tirer le maximum de chacun de leur site, m'ont en effet confié qu'un tel réazimutage ne permettrait pas de gagner des surfaces de couverture significatives.
Il faut également pousser autant que possible les opérateurs à « mutualiser » leurs équipements, ce qui réduit les coûts et augmente la qualité de service, comparativement aux solutions d'itinérance. La Manche, département en pointe sur les questions numériques, a fait procéder à une étude sur le réseau optimal de couverture mobile : il en résulte que la mutualisation aurait permis d'avoir aujourd'hui une couverture supérieure, de plus de 99 % de la population, pour un moindre coût !
Les autres solutions passeront nécessairement par un partage de l'effort financier entre collectivités et opérateurs pour l'équipement des dernières zones non encore desservies des communes, soit en émetteurs, soit en réémetteurs, dont l'efficacité devra être préalablement étudiée pour ces derniers. Toutefois, cette démarche se heurte à plusieurs obstacles. Le financement, tout d'abord : les opérateurs ne viendront pas si les collectivités ne financent pas une part substantielle de l'équipement ; or, les communes concernées, par définition petites et rurales, n'en n'ont pas les moyens, et les départements souvent pas davantage, beaucoup n'ayant pu participer à la phase 1 du programme d'extension de couverture.
Le deuxième obstacle est sociétal : les antennes ne sont plus aussi bien vues aujourd'hui qu'il y a quelques années, et il faut 36 mois pour en déployer une en moyenne contre 18 auparavant. L'idéal reste cependant de passer directement à la 3G, et demain à la 4G, en réutilisant les infrastructures conçues pour la 2G, qui peuvent tout à fait évoluer en ce sens.
Sur la 3G, malheureusement, nous n'avons guère non plus de levier d'action pour contraindre les opérateurs, puisque le renouvellement des licences, qui serait l'occasion de renforcer les exigences en matière de couverture, n'interviendra au plus tôt qu'en 2020, pour les licences accordées au tout début des années 2000.
Mais le vrai « combat » d'avenir qu'il faudra mener pour une meilleure couverture est celui de la prochaine génération de réseau mobile, la 4G, dont les cahiers des charges seront fixés cette année et dont la mise en service est attendue pour 2014/2015. Outre qu'elle permettra à terme des débits bien plus élevés, adaptés aux usages de demain, cette technologie a pour avantage d'utiliser notamment la gamme de fréquence des 800 Mhz, issue du « dividende numérique », qui a la propriété de se propager sur de longues distances. Nous avions pris l'initiative, vous vous en souvenez peut-être, de fixer à l'Arcep dans la « loi Pintat » un objectif d'aménagement du territoire dans l'allocation des licences 4G. C'est ainsi qu'il est prévu que la couverture soit au moins égale à celle de la 3G, donc de la 2G, accompagnée d'un double correctif : un minimum par département et des zones de déploiement prioritaire en fonction des besoins locaux. Il faudra donc veiller très minutieusement à la traduction de ces critères dans les cahiers des charges, qui ne sont pas encore connus, sans pour autant décourager les opérateurs de soumissionner. Cela d'autant plus que deux autres exigences encadrent l'attribution de ces fréquences : un niveau satisfaisant de concurrence et, surtout, une rentabilité économique importante pour le budget de l'Etat. Il faudra par ailleurs étudier très en amont l'architecture du réseau 4G, qui sera en partie seulement identique aux réseaux 2G et 3G, pour l'optimiser dans l'implantation des émetteurs en vue de couvrir une surface maximum. Bref, il nous faudra veiller à ce que le critère d'aménagement du territoire reste prééminent, faute de quoi l'attribution des licences 4G sera une nouvelle « occasion manquée » de réduire la fracture numérique existante.
Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais porter à votre attention. Il n'y a donc pas de « solution miracle » pour parvenir à une couverture parfaite en 2G et 3G, mais des « petits ajustements » à obtenir pour les collectivités en négociant au cas par cas avec les opérateurs. Mais la sortie du problème ne se fera durablement que « par le haut » avec la 4G, qui nous offre une chance rare d'obtenir enfin une couverture satisfaisante du territoire, et qui plus est à des débits très élevés.
Je salue le travail effectué par le rapporteur. La loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a imposé le service universel pour la seule téléphonie fixe, aucun texte ne l'ayant depuis étendu à la téléphonie mobile. La demande en a pourtant été faite par nombre de nos collègues et de groupes politiques lors de l'examen de différents textes, dont récemment la « loi Pintat » et le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (DDADUE). Le critère retenu dans l'accord de 2003 sur l'extension de couverture en zone blanche est bien le « centre bourg », ainsi que les axes de communication et des zones d'intérêt touristique. L'avenant de 2004 à cet accord a conservé les mêmes critères, avec cependant une prise en charge des équipements actifs et passifs par les opérateurs seuls, ces derniers n'ayant par ailleurs pas avancé sur la couverture des « zones grises ». Enfin, s'agissant de la future génération de téléphonie mobile, la 4G, les licences ont été accordées alors que les opérateurs n'avaient pas couvert le territoire en 2G et 3G. L'ensemble de ces carences a justifié le dépôt et l'adoption, contre l'avis des opérateurs comme du Gouvernement, d'amendements visant à l'amélioration de la couverture mobile, dont le dernier en date, au sein du projet de loi DDADUE, a finalement été supprimé par la commission mixte paritaire (CMP).
Au-delà de ces démarches ponctuelles, il faudra aller jusqu'à reconnaître le service universel sur le téléphone mobile, en assortissant cette obligation d'un échéancier calendaire de mise en oeuvre pour les opérateurs. Cela impliquerait que les institutions européennes reconnaissent préalablement cette notion de « service universel ».
Il conviendra par ailleurs d'aller progressivement vers une couverture de l'ensemble des zones habitées ; pour ce faire, il importe que prédomine, dans le cahier des charges des licences 4G, le critère d'aménagement du territoire.
Le rapport recense parfaitement les différentes problématiques en matière de téléphonie mobile et d'aménagement du territoire. Si les amendements révisant le mode de calcul de la couverture 2G étaient séduisants, ils revêtaient malheureusement un caractère inconstitutionnel. Les difficultés que rencontre notre pays dans sa couverture en téléphonie mobile proviennent de sa physionomie éminemment rurale. S'il est sans doute trop tard pour obtenir une amélioration sensible de cette couverture en 2G et 3G, du fait que les licences ont été attribuées ou renouvelées depuis plusieurs années, il importe désormais de se concentrer sur la 4G, qui a l'avantage de pouvoir véhiculer la voix comme les données à très haut débit et sur des territoires très étendus. Or, une divergence de points de vue oppose sur ce sujet le Gouvernement, qui souhaite maximiser la rentabilité des licences, et l'Arcep, qui privilégie le critère d'aménagement du territoire que le Parlement lui a demandé de prendre en compte dans la « loi Pintat ».
La commission du dividende numérique va prochainement être saisie sur l'attribution des fréquences du « dividende en or » issu de l'arrêt de la télévision analogique pour les besoins de la 4G. Egalement saisi pour avis par le Gouvernement, le Conseil d'Etat vient de délibérer et aurait confirmé la prééminence du critère d'aménagement du territoire. Incitant à la mutualisation entre opérateurs, l'Arcep a d'ores et déjà défini une zone prioritaire de déploiement et un seuil minimum de couverture départemental.
Le rapport livre un très bon état des lieux des problèmes. Une difficulté particulière tient à la couverture des zones boisées, en haut débit fixe et mobile. Peut-être conviendrait-il d'être davantage coercitif, par exemple en obligeant les opérateurs à des prestations d'itinérance, ce qui permettrait de réduire le nombre de pylônes et, partant, les risques de nuisance sanitaire et visuelle. La couverture en téléphonie mobile semble meilleure à l'étranger. Le satellite constituerait-il une technologie alternative à la voie hertzienne intéressante ? L'objectif ultime devrait être une couverture intégrale du territoire.
Le rapport est très intéressant, et distingue à juste titre couverture de la population et couverture des territoires. Des particularités locales expliquent les « trous de couverture », comme dans mon département des Côtes d'Armor où le relief en creux engendre des « zones d'ombre ». La 4G permettra-t-elle d'atteindre tous les points du territoire ? L'échéance de 2014/2015 annoncée dans le rapport est-elle confirmée ? Les collectivités seront-elles appelées à cofinancer son déploiement ? L'opposition des riverains aux sources d'émission électromagnétique est réelle et influence largement les décisions des conseils municipaux ; à cet égard, les fréquences de la 4G sont-elles moins dangereuses ?
Je souscris au contenu du rapport, tout en approuvant les positions de nos collègues Michel Teston et Bruno Retailleau. Il faut désormais faire preuve de plus de volontarisme. Avec l'arrêt de la télévision analogique, TDF possède de nombreux pylônes inutilisés, qui pourraient éventuellement servir pour le déploiement de la 4G. Il conviendra de couvrir le territoire, et non pas seulement la population.
Est-il possible d'obtenir des éléments de cartographie des zones blanches réelles, c'est-à-dire non pas des 0,2 % de la population non couverte, mais de l'ensemble des surfaces non desservies par les services mobiles ? L'accord de 2003 sur l'extension de couverture en zone blanche prévoyait un financement paritaire entre Etat, opérateurs et départements. Or, certains de ces derniers n'y ont pas pris part ; les connaît-on et sait-on comment a progressé leur couverture ?
Certaines demandes sont parfois contradictoires, comme pour les parcs naturels, dont la couverture est souhaitée mais pas l'implantation de pylônes risquant de défigurer les sites. Dans les zones boisées, les lois de la propagation physique des ondes imposeraient une multiplication des pylônes pour obtenir une couverture correcte. Il résulte de tout cela qu'il est utopique de vouloir couvrir l'ensemble du territoire.
Le 24 mars prochain aura lieu à Paris un colloque international sur les champs électromagnétiques, auquel je prendrai part. Il ne faut pas entretenir la polémique sur les problèmes sanitaires, sachant qu'en zone dense, une réduction des taux d'émission ne pourra être obtenue que par un renforcement de la densité des pylônes.
Le satellite constitue une solution techniquement satisfaisante, mais à des coûts d'équipement et de fonctionnement excessivement élevés.
Le rapport est très intéressant. Les maires sont régulièrement sollicités par des particuliers pour obtenir des compléments de financement de leurs équipements, tels que des paraboles. Les besoins évoluent régulièrement : les agriculteurs, par exemple, demandent aujourd'hui à être raccordés au réseau pour déclarer leur bétail, et la fin prochaine du Minitel posera à certains des problèmes de ce point de vue. Peut-on imaginer un fonds de mutualisation pour permettre une couverture des zones les plus reculées, qui serait financé par un impôt comme l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) ?
Suite aux différentes interventions de nos collègues, je souhaite apporter les éléments de précision suivants :
- l'idée d'un service universel du téléphone mobile est certes intéressante, mais imposerait à l'Etat un rachat des licences et un financement complémentaire des zones restant à couvrir ;
- la présence de feuilles sur les arbres empêche la propagation des ondes dans les zones boisées ;
- l'octroi des licences 4G, qui sera l'occasion de remédier durablement aux problèmes de couverture, supposera de trouver un équilibre entre la valorisation financière des fréquences et l'impératif d'aménagement du territoire. La proposition de loi qui résultera des travaux en cours de notre collègue Hervé Maurey sur la couverture numérique du territoire constituerait un véhicule législatif opportun pour configurer en amont un réseau 4G reprenant en grande partie les infrastructures existantes et répondant à cet impératif ;
- les risques sanitaires liés à l'émission d'ondes électromagnétiques sont d'autant moindre que les antennes sont proches et nombreuses ;
- la possibilité d'acheminer du haut débit par des technologies mobiles doit inciter à une couverture en téléphonie aussi large que possible ;
- la carte des zones blanches existe et est consultable sur le site de l'Arcep ;
- certains départements n'ont pas fait preuve d'un grand dynamisme pour achever leur couverture locale. Ils devront à présent, après avoir obtenu de l'Arcep une carte précise des « zones blanches » restantes, se concerter avec les opérateurs pour déterminer comment, au cas par cas, les couvrir. A cet égard, le financement de pylônes 2G ou 3G ne constitue pas un investissement de court terme puisqu'ils pourront être réutilisés pour la 4G.
Il conviendra d'y réfléchir dans le cadre de la proposition de loi qui devrait découler du rapport de notre collègue Hervé Maurey.
Des solutions satellitaires d'accès à Internet existent pour des tarifs d'environ 30 euros mensuels ; si les débits en sont limités, ils sont largement suffisants pour procéder à des télédéclarations dans les exploitations agricoles. Il serait utile, plus globalement, de faire chiffrer le coût d'une couverture téléphonique par la voie satellitaire. Par ailleurs, je m'engage à demander au président de l'Arcep de nous communiquer les cartes de couverture en réseau mobile à l'échelle départementale.
Je doute de la capacité de l'Arcep, comme d'ailleurs des opérateurs, à fournir des cartes renseignant de façon précise sur la couverture réelle.
Il faudrait peut-être inciter à la mutualisation par une fiscalité adaptée.
Je prendrai en compte les conclusions de ce rapport dans les travaux que je mène actuellement sur la couverture numérique du territoire.
Le développement du haut débit par voie hertzienne est opportun en ce qu'il permet d'anticiper sur le déploiement de la fibre optique. La technologie satellitaire est intéressante dans certains cas, mais sensiblement plus coûteuse et impraticable à l'intérieur des bâtiments. Un nouveau satellite, spécifiquement adapté au haut débit, vient toutefois d'être lancé, mais avec des possibilités de desserte limitées en termes de population.
Puis la commission adopte le rapport d'information de M. Bruno Sido, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant.
Je vous propose de nommer M. Hervé Maurey, rapporteur de la proposition de loi n° 323 (2010-2011) visant à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption.
Il en est ainsi décidé.
La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a souhaité, avec le groupe d'études de l'énergie présidé par M. Ladislas Poniatowski, organiser cette table ronde sur l'avenir de la filière photovoltaïque française. Je vous remercie d'avoir tous répondu à cette invitation.
Le développement de la filière photovoltaïque est dans la droite ligne des objectifs du Grenelle de l'environnement, approuvés par notre assemblée et qui fixaient une cible de puissance installée d'électricité photovoltaïque de 5 400 MW en 2020. Suite à la concertation qui a réuni l'ensemble des acteurs de la filière depuis le mois de décembre, le Gouvernement vient de fixer un nouveau cadre réglementaire qui correspond aux objectifs du Grenelle, avec une cible annuelle d'environ 500 MW pour l'électricité bénéficiant du tarif d'achat. Nous avons souhaité vous réunir au cours de cette table ronde ouverte à la presse et au public, afin de tracer les enjeux du développement de la filière, dans ce nouveau cadre réglementaire.
Avant de laisser la parole à M. Ladislas Poniatowski, je souhaiterais vous faire part de deux interrogations. Quel régime de transition sera-t-il réservé aux projets restés en attente lors de la suspension du tarif d'achat en décembre dernier ? Je pense à de nombreux projets en attente dans le monde agricole, qui participent à l'équilibre économique de certaines exploitations. Dans quelle mesure le nouveau cadre réglementaire prend-il en compte les contraintes spécifiques à l'outre-mer ?
Je remercie M. le président Emorine d'avoir organisé cette table ronde, qui tombe à un moment stratégique pour la filière photovoltaïque. La puissance d'électricité photovoltaïque raccordée au réseau était de 1 025 MW au 31 décembre 2010, mais les projets déposés représentaient plus de 6 000 MW : tout est dit. Le Gouvernement a sagement décidé de suspendre les tarifs d'achat, afin de donner au développement du secteur des bases plus saines tout en permettant d'atteindre les objectifs du Grenelle, et nous l'avons soutenu.
L'enjeu est économique. Dans quelle mesure le développement des installations sur le sol français va-t- il profiter à des entreprises françaises? Si la phase de l'installation crée des emplois en France, les composants - panneaux, modules, cellules - peuvent être commandés dans d'autres pays : la Chine est aujourd'hui le premier producteur de composants photovoltaïques, alors qu'elle compte peu d'installations sur son territoire ! L'exemple des entreprises chinoises montre que la construction de « champions nationaux » ne dépend pas seulement de la constitution d'un marché national : l'export est essentiel. Quel est le positionnement des entreprises françaises à cet égard ?
Je propose aux intervenants d'aborder plus particulièrement trois points. Tout d'abord, comment la filière doit-elle se structurer? Son succès viendra-t-il d'un tissu de PME performantes réparties sur le territoire? Faut-il soutenir la constitution de « champions nationaux », s'appuyant par exemple sur les grandes entreprises du secteur ? Ensuite, quels mécanismes de soutien à la filière doivent-ils être mis à place? Je pense à la constitution d'un fonds de garantie, au soutien à l'autoconsommation, aux labels de qualité, à la définition des critères d'intégration au bâti, etc. Enfin, quelles technologies doivent être privilégiées? Faut-il, à ce stade, continuer à explorer plusieurs pistes qui présentent chacune des avantages et des inconvénients - silicium monocristallin, silicium polycristallin, couches minces, etc. ?
Je vais présenter rapidement les intervenants. M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l'énergie, tient un rôle difficile puisqu'il prépare les décisions prises par le ministère. On lui reproche de n'avoir pas assez pris en compte les attentes des uns et des autres... S'agissant des organisations professionnelles, M. Arnaud Mine représente le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et plus particulièrement la commission solaire de ce syndicat. M. Richard Loyen est le délégué général d'Enerplan, association professionnelle de l'énergie solaire thermique et photovoltaïque. M. Didier Marsacq dirige, pour sa part, le Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten), rattaché au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Enfin, il est utile d'écouter des représentants d'entreprises du secteur, même s'il est impossible de recevoir tout le monde : Mme Fatima Berral représente le groupe Tenesol, filiale d'EDF et de Total, et M. Thierry Lepercq préside la société Solaire Direct.
Monsieur Abadie, je souhaite en particulier vous entendre sur la période intérimaire et l'amendement que notre collègue M. Merceron a fait voter au Conseil supérieur de l'énergie.
Je suis directeur de l'énergie depuis quatre ans : c'est un sujet très délicat. Avant toute chose, je tiens à dire que je suis conscient des difficultés rencontrées par les PME qui ont commencé à se développer et se trouvent à présent freinées dans leur croissance. Mais il faut tenir compte d'enjeux macroéconomiques : c'est le consommateur qui, in fine, paie le soutien aux énergies renouvelables. Le Premier ministre a rendu ses arbitrages.
Le photovoltaïque occupe une place à part parmi les énergies renouvelables. C'est une énergie chère, et si nous l'avons soutenue, c'est d'abord en raison d'enjeux industriels, de développement et d'innovation : car on s'accorde à dire qu'elle a un grand avenir au niveau mondial, dans les pays où l'énergie est chère, le réseau peu développé et où il y a beaucoup de soleil, c'est-à-dire pas d'abord en France ! Tout en nous appuyant sur un marché intérieur, notre objectif doit donc être de nous projeter sur le marché mondial.
L'aide publique a trois objectifs. En matière de production énergétique, l'objectif est largement dépassé. Dans le domaine de la recherche, nous avons créé beaucoup d'outils et sommes en train de mettre au point des appels à projets. Mais dans le domaine industriel, les résultats sont décevants, en raison du recours massif aux importations et du développement très partiel de la chaîne de valeur.
Le photovoltaïque est, de loin, l'énergie renouvelable la plus chère. L'électricité de marché coûte 50 euros par MWh, l'éolien 70 euros, la biomasse 130 à 170 euros, tandis que le photovoltaïque coûtait entre 280 et 580 euros par MWh avant la baisse tarifaire. Certes, les gains de productivité sont rapides. Mais c'est le consommateur qui paie, alors qu'il est très sollicité : d'importants investissements sont nécessaires en matière de transport et de distribution ; les autres énergies renouvelables produisent aussi des surcoûts ; à cela s'ajoutent le coût de la péréquation avec l'outre-mer et, surtout, celui de la maintenance de l'outil nucléaire.
Le photovoltaïque n'est pas l'alpha et l'oméga des énergies renouvelables : n'oublions pas l'hydroélectrique, dont la part reste à peu près stable ; l'éolien terrestre, qu'il nous faudra développer en priorité ; l'éolien off shore, pour lequel le Gouvernement a pris des décisions structurantes ; et la biomasse, qui représentent ensemble l'essentiel de l'augmentation de la production d'électricité renouvelable en France. S'y ajoutent la chaleur renouvelable et les biocarburants.
L'effet de levier du tarif d'achat est très faible : si on observe la chaîne de valeur, on constate que l'essentiel des emplois créés en France se concentrent sur les 20 à 30 % en aval. Autrement dit, pour 100 euros dépensés, 30 sont consommés en France, et 70 ont de grandes chances de nourrir les importations. Celles-ci ont explosé en 2010 - 1,5 milliard d'euros et un triplement en volume depuis 2008 - pour des raisons structurelles, puisque d'immenses usines de productions de panneaux se sont implantées en Asie du Sud-Est.
On a beaucoup reproché au Gouvernement sa politique de stop and go. Il est vrai que, depuis dix-huit mois, il a fallu prendre des mesures allant jusqu'au moratoire, puis aux récents arrêtés. Mais nous avons toujours poursuivi le même objectif : maîtriser le soutien public au secteur et assurer le développement soutenable de ce dernier, en luttant contre l'explosion des coûts, en tablant sur un marché intérieur raisonnable et en supprimant les niches d'extrême rentabilité, le tout en parfaite cohérence avec les objectifs du Grenelle. En décembre 2009, le tarif a été restructuré pour supprimer des niches liées au détournement de l'intégré au bâti. Puis en août 2010, il a été globalement baissé pour le rapprocher des coûts, dans un contexte où les gains de productivité s'élevaient à 10 ou 15 % par an. Chaque fois, nous avons eu affaire à une bulle : 4000 MW en janvier 2010, puis entre 1000 et 1500 MW en août. Il est de notre responsabilité d'éviter la formation d'une nouvelle bulle.
Le photovoltaïque a pour particularités que les coûts y évoluent extrêmement vite et qu'un marketing de masse se déploie, puisqu'il s'agit d'une production très éparpillée et difficile à piloter. Un champ d'éoliennes ou une centrale à la biomasse, au contraire, se caractérisent par une certaine inertie de fonctionnement.
Tous les pays ont été confrontés aux mêmes problèmes de régulation. L'Espagne a plafonné les projets en volume, en instituant un quota de 500 MW par an pour toutes les catégories, rationné les octrois d'autorisations et revu les conditions de rémunération des contrats existants. En République tchèque, on a créé une taxe de 26 % sur le chiffre d'affaires pour récupérer la surrémunération estimée, et mis en place un système très corseté. Le Royaume-Uni refond aussi son dispositif de soutien en raison du nombre trop élevé de dossiers.
L'Allemagne est souvent citée en exemple pour la continuité et la lisibilité de sa politique. Cela n'a pas empêché des évolutions non anticipées : le Gouvernement allemand accélère en ce moment la baisse du tarif, qui pourrait atteindre 15 % au 1er juillet. En outre, le système allemand est très coûteux, et correspond à un choix politique : l'équivalent allemand de la Contribution au service public de l'électricité (CSPE) représente 35 euros par kWh, pour les seules énergies renouvelables ! En France, elle est passée de 3,5 à 7,5 euros, et couvre aussi la péréquation, la cogénération et les tarifs sociaux. Les Allemands dépensent environ 10 milliards d'euros pour les énergies renouvelables, les Français 1,5 milliard.
Les décisions prises par le Premier ministre visent à maintenir un flux important mais maîtrisé. Les dossiers en attente n'ont, pour la moitié d'entre eux, pas été suspendus : ils représentent 3000 MW et, même en prenant en compte le taux de non réalisation, deux ans de travail pour les installateurs. Les particuliers n'ont pas été touchés par la suspension. Une cible de 500 MW par an a été fixée, et répartie en deux parts égales : les petites toitures sans contingentement de volume - tous les dossiers déposés sont acceptés dans le cadre d'un tarif auto-ajustable -, et un secteur constitué par les grandes toitures et les centrales au sol, qu'il est important d'encadrer par des appels d'offres, car il s'agit de très gros projets, dont l'effet de levier industriel doit être amélioré et les effets sur l'environnement surveillés - usage des sols, produits employés sur les toitures, etc. En outre, nous continuons à soutenir la recherche-développement, car soutenir l'aval sans l'amont ne sert qu'à nourrir les importations. A ce propos, j'ai eu connaissance d'un télégramme diplomatique de Séoul, où il apparaît que les Sud-Coréens, tout en fixant une trajectoire nationale de 170 MW, exportent pour 3 milliards de panneaux et de composants...
Plus précisément, nous avons défini trois segments : l'installation sur bâtiment de puissance inférieure à 100 kW - ce qui représente tout de même 1000 m2 - située sur des habitations ou des bâtiments d'enseignement et de santé, l'installation sur bâtiment de puissance supérieure à 100 kW et l'installation au sol, ces deux derniers segments étant soumis à appels d'offres. Pour les centrales au sol et les très grandes toitures, nous lancerons des appels d'offres classiques et multicritères : il s'agira d'identifier les technologies nécessitant des démonstrateurs et des pré-séries, d'autres lots étant consacrés aux grandes séries pour encourager le développement d'unités industrielles en France. La pluralité de critères vise aussi à prendre en compte les enjeux environnementaux, en évitant par exemple que les centrales soient installées sur des terres agricoles et en ciblant les terrains prioritaires - sols pollués, etc. M. Merceron a justement soulevé la question de l'articulation de ces appels d'offres avec les partenariats public-privé lancés par certaines collectivités territoriales. Pour les autres projets, nous travaillons avec la Commission de régulation de l'énergie à la mise au point d'appels d'offres plus automatisés et plus rapides, qui consisteraient en adjudications par lots sur la base du seul critère de prix et d'exigences environnementales, d'intégration au bâti et d'avancement des projets.
Le Gouvernement a été clair : il n'y aura aucun repêchage supplémentaire parmi les dossiers suspendus, d'abord parce que la moitié ne l'ont pas été, ensuite pour ne pas compromettre la sécurité juridique du décret, enfin parce qu'il ne servirait à rien de repêcher quelques dossiers, et qu'il serait trop coûteux d'en repêcher beaucoup : 1 000 MW représentent une augmentation de 1,2 % de la facture du consommateur.
Beaucoup reste à faire pour structurer la filière française, assurer un retour industriel national et mieux prendre en compte les enjeux environnementaux. Nous voulons analyser le cycle de vie du carbone qui entre dans la composition des panneaux. Les appels d'offres devront comprendre des critères aptes à favoriser le développement d'une filière industrielle, comme on a su le faire pour l'éolien off shore. Il faut aussi renforcer progressivement les exigences d'intégration au bâti, en favorisant des produits à plus grande valeur ajoutée, ce qui est bon pour l'industrie française. Nous réfléchissons à une certification et à une labellisation, et pour soutenir nos exportations nous pourrions mettre en place des fonds de garantie. Les problèmes de sécurité doivent être réglés si l'on veut que le développement du secteur soit soutenable : je songe à la sécurité incendie, dont parlait ici même M. Besson. Enfin, nous voulons rendre obligatoire dès 2012 le recyclage des panneaux installés.
J'aimerais entendre M. Marsacq sur les technologies nouvelles et leur rôle dans la construction d'une filière industrielle française.
Liten). - C'est l'Institut national de l'énergie solaire que je représente ici avant tout. Pour évaluer les technologies les plus prometteuses, je ne me fonde pas sur les rendements annoncés au hasard des informations glanées sur Google, mais sur plusieurs critères. Le premier est l'adéquation au marché principal qu'est le marché de l'énergie - car le solaire peut aussi servir à l'électronique nomade ou à la publicité autonome en énergie. Le coût importe au plus haut point, car l'objectif doit être de parvenir à la parité réseau : elle est atteinte en Italie, où il ne coûte pas plus cher d'installer un panneau solaire sur son toit que d'acheter de l'électricité sur le réseau. L'inconvénient, en France, c'est que le nucléaire fournit une électricité très bon marché...
Autre critère : le bilan carbone. Car il ne sert à rien d'installer des panneaux qui ne compenseront jamais le carbone émis pour leur fabrication et leur transport ! Il faut aussi tenir compte des réserves en matières premières : First Solar a développé une technologie à base de tellurure de cadmium, qui coûte moins d'un euro au kW, mais les réserves de tellurure sont insuffisantes à long terme. La performance intrinsèque est essentielle, si l'on veut minimiser l'usage des surfaces. Enfin nous nous préoccupons de l'adéquation au tissu industriel.
Tout compte fait, les techniques à base de silicium - en massif ou en couche mince - semblent les plus prometteuses, car c'est une matière que l'on obtient à base de quartz, donc de sable, qui est extrêmement répandue et n'est pas dangereuse.
Il existe déjà des filières d'avenir : je pense au CIGS développé par Saint-Gobain, performant et peu coûteux, mais qui se heure aux limites des réserves en indium, ou encore au CdTe. Peu importe que l'on emploie des matériaux dangereux, du moment qu'on les trace : ce type de technologie est adapté aux grands sites et ne doit pas être utilisée sur tous les toits !
Il existe aussi des technologies destinées exclusivement à l'export, comme le photovoltaïque concentré qui nécessite une luminosité telle qu'on en trouve en Afrique ou en Australie, pas en France. Il faut pour cela des compétences optiques, thermiques et électroniques que nous avons : des entreprises comme Soitec ou Heliotrop doivent être soutenues.
Il ne faut d'ailleurs pas s'intéresser seulement aux cellules et aux modules, car d'autres produits servent à la construction de panneaux. Ainsi, la société Arkema produit des matières plastiques à partir de dérivés fluorés ; son chiffre d'affaires dans le photovoltaïque s'établit à 250 millions d'euros, et devrait être d'un milliard d'euros dans deux ans ! De même, Mersen construit des creusets en graphite, qui servent à produire des lingots de silicium.
Sachons aussi stimuler de petites entreprises comme Vincent Industrie à Lyon, ou ECM en Isère qui, après avoir développé un four de cristallisation en dix-huit mois, en a vendu cinq en Chine ! Les Allemands, toujours cités en modèle, importent 80 % de leurs modules, mais ceux-ci sont produits en Chine avec les machines allemandes : ils s'y retrouvent donc. Il faut encourager nos équipementiers.
Le CEA a récemment été sollicité pour aider à la vente d'une ligne de panneaux solaires au Kazakhstan, face aux entreprises allemandes emmenées par Siemens : il n'est pas normal que l'on doive se tourner vers nous plutôt que vers une grande entreprise française ! Si nous voulons réussir à l'export, il faut apprendre à chasser en meute !
Une technologie comme le CPV est adaptée à des pays comme le Maroc, la Tunisie ou l'Algérie, où les industriels français sont encore trop rares, alors que l'on pourrait faire des affaires dans la région.
Tout bien considéré, le silicium devrait rester prédominant. Il représente encore 80 % de la production cette année.
Je passe la parole à M. Arnaud Mine, dont le syndicat a été très actif ces derniers temps.
Exposer notre point de vue en si peu de temps, alors que nous avons eu l'impression de n'être pas entendus au cours des trois derniers mois, est une véritable gageure...
Nous ne sommes même pas d'accord avec le Gouvernement sur les enjeux, ce qui est inquiétant. Le Grenelle fixe l'objectif de 5400 MW d'électricité photovoltaïque en 2020. Mais depuis vingt-sept ans que je travaille dans ce secteur, j'ai vu bien des experts se tromper dans leurs pronostics, malgré toute leur intelligence : il n'y a pas si longtemps, on n'osait prévoir une production supérieure à 100 MW en 2015 ! Les chercheurs d'EDF considéraient que la France pourrait être championne de l'off grid - c'est-à-dire des installations non reliées au réseau - mais qu'il était hors de question d'y produire de l'électricité photovoltaïque reliée au réseau... Un patron de la recherche de l'ancienne Agence française pour la maîtrise de l'énergie a été mis au rancart parce qu'il pensait le contraire ! (M M. Martial Bourquin et Marc Daunis le confirment) Nul ne peut dire où en sera le photovoltaïque dans cinq ans, mais il y a fort à parier qu'il aura beaucoup progressé.
Les industriels ont été vivement déçus par les annonces gouvernementales. La vie de dizaines d'entreprises est mise en péril. Surtout, il nous semble que le Gouvernement passe à côté des enjeux. Il faut distinguer entre le photovoltaïque sur les bâtiments et le photovoltaïque-énergie, notamment les centrales au sol. Sur le premier volet, nous avons pris des engagements : nous devons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, et la seule solution est d'installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures à très grande échelle. Or la parité réseau sera atteinte dans cinq à huit ans : le prix du kWh photovoltaïque sera équivalent à celui de l'électricité vendue au détail sur le réseau.
Quant au photovoltaïque relié au réseau, il ne faut pas le concevoir comme remplaçant telle ou telle autre source d'énergie : on a trop tendance à comparer des choux et des carottes, la base, la semi-base, la pointe... Dans dix ans tout au plus, on aura atteint là aussi la parité du réseau, c'est-à-dire l'égalité entre le prix du photovoltaïque et le prix de gros de l'électricité en réseau, en internalisant des coûts environnementaux et des valeurs liées au photovoltaïque, qui est une électricité distribuée, correspondant à la pointe ou à la demi-pointe.
Le secteur a souffert du stop and go caractérisant la politique gouvernementale. Il a pourtant créé 25 000 emplois en trois ans : quel autre secteur d'activité en a fait autant ? Il comprend aujourd'hui une centaine d'entreprises, dont une douzaine de dimension industrielle. Mais entre le tiers et la moitié des emplois sont en péril, les plans sociaux se profilent. Quant au fait que certains projets déposés n'ont finalement pas été retenus à cause des retards d'ERDF, cela pose des problèmes juridiques.
Finalement, les professionnels que nous sommes n'avaient pas une vision structurée de la filière au début de la concertation. Un travail sérieux a été mené depuis lors.
La filière doit se développer et la contrainte budgétaire rester à un niveau acceptable. On nous a dit que ce serait autour de 5 400 MW à l'horizon 2010, soit 500 MW par an. Mais comme le taux de mortalité des projets sera de 65 %, on se trompe quand on évalue la file d'attente : on sera plutôt à 1200 MW. Il y a lieu de se pencher sur le coût que cela représente.
Des dispositions particulières doivent être mises en place pour rendre acceptable la baisse des tarifs. La CSPE paye le constructeur, le propriétaire du foncier, l'investisseur en fonds propres et la banque. Nous visons la parité avec une moindre dépense. Plusieurs pistes sont à envisager, à commencer par le taux d'intérêt : une banque prête à 5,5 % pour le solaire, soit un point de plus que pour les maisons ; on a parlé de fonds de caution et, en effet, un fonds de garantie est une clef de la baisse des coûts. S'agissant de l'intérêt du propriétaire de la maison ou du foncier, il est important de réfléchir à l'écart entre la rémunération du travail ordinaire des agriculteurs et le revenu que le solaire assure à ceux d'entre eux qui se lancent dans le photovoltaïque. Avec la règlementation, les bâtiments répondront aux normes environnementales et intégreront le solaire ; il y a là tout un travail à faire.
Nous de demandons pas un chèque en blanc. L'enjeu est énorme, le marché considérable ; pendant six ans, nous avons développé une industrialisation et nous avons des solutions pour optimiser les ressources grâce à un travail sérieux.
Ne confondons pas l'effort budgétaire et la CSPE, acquittée par les consommateurs. Si l'on n'avait rien fait, le photovoltaïque aurait représenté un milliard sur la CSPE : arrêter était responsable. Les parlementaires représentent tous les Français, les consommateurs comme les professionnels.
Nous en sommes conscients. Aussi bien ne s'agissait-il que de 2 milliards pour le photovoltaïque.
Je complèterai le propos d'Arnaud Mine. Le photovoltaïque, c'était 330 MW au niveau mondial en 2000, 16 000 en 2010, dont la moitié en Allemagne, entre 70 000 et 120 000 en 2020. Le marché allemand aura alors perdu de son importance relative, mais les Allemands ont fait le choix stratégique d'occuper de 12 à 15 % du marché mondial, soit une capacité industrielle produisant plus de 8 000 MW par an en 2020. Les États-Unis ont fixé pour leur part des objectifs de marché national ambitieux, de manière à passer de moins de 850 MW installés en 2010 à 10 GW en 2015 afin de donner de la visibilité de marché à leur industrie, tout en investissant en même temps dans la recherche et développement avec le programme SunShot.
Nos PME et PMI, qui structurent notre offre industrielle, ont été malmenées. L'État ayant mal assuré la régulation, nous avons accepté le moratoire, mais nous n'avons pas plus été écoutés que les collectivités territoriales, les ONG ou les parlementaires. Le tarif d'achat a été contenu aux installations de moins de 100 kW et on nous pousse à baisser de 40 % nos coûts, alors que les coûts ne peuvent baisser autant. Le prix du module photovoltaïque, orienté à la baisse, ne représente que 30 à 40 % du coût de l'installation finale et les câbles sont en cuivre alors que leur prix augmente. La réglementation administrative demeure très complexe. Nous sommes ainsi condamnés à de petits volumes tandis que l'on favorise le low cost, c'est-à-dire les importations extracommunautaires pour gratter sur les prix. La volumétrie est d'ailleurs insuffisante : avec 200 MW en tarif d'achat, auxquels s'ajoutent les appels d'offres simplifiés au moins disant, il reste pour favoriser notre industrie 180 MW en appel d'offres multicritères, soit une semaine à quinze jours de marché allemand.
Nous ne jetons pas l'éponge. Nous nous rappelons que l'on a su reconstruire la filière du solaire thermique après une traversée du désert dans les années 1980, mais il a fallu dix ans. Nous avons 14 mois pour sortir le secteur de la sinistrose organisée par l'État et ses services. Nous avons manqué tous les trains des énergies renouvelables, veillons à ne pas rater celui-ci car c'est le dernier, même si le chef de gare a dit que nous devions attendre.
Les appels d'offres des collectivités peuvent jouer un rôle d'amortisseur tout en valorisant les mieux-disant parmi nos entreprises que les clients ont désertées.
Voilà qui n'est guère optimiste. Beaucoup de régions interviennent déjà pour subventionner les panneaux photovoltaïques des particuliers, qui sont conformes au Grenelle.
Filiale de Total et d'EDF, le groupe Tenesol emploie 2 000 personnes tant sur le marché français que dans les DOM et à la grande exportation - et cela sans attendre la nouvelle règlementation. C'est un ensemblier photovoltaïque, nous proposons du clef en main, mais nous fabriquons aussi dans nos usines de Toulouse et du Cap, en Afrique du Sud.
Responsable de l'activité en France, je partage l'analyse de MM. Mine et Loyen. Comment aider la filière ? Le décret annoncé va nous demander d'être plus compétitifs, partant de rogner sur tous les coûts. L'aspect administratif n'est pas négligeable de ce point de vue, parce que les cycles administratifs sont trop longs. Il faudrait optimiser les marchés administratifs afin de gagner du temps. En effet, on peut difficilement aller voir un banquier si on n'a pas un tarif à lui soumettre.
Je relaierai également une demande qui s'exprime dans les DOM, où l'on est en attente de nouvelles règles, mais la commission Baroin, qui est relativement lointaine, semble se limiter à la fiscalité.
On a besoin de visibilité et de projets d'un volume autorisant les économies d'échelle, ce qui suppose de nous associer à la définition des appels à projets.
Je mesure toute l'asymétrie de l'information entre les acteurs ! Solaire Direct, qui produit de l'énergie solaire, s'apprête à lancer de gros contrats en France, au Chili, en Inde, au Maroc et en Afrique du Sud. Nous sommes un opérateur qui travaille avec la Caisse des dépôts et emploie quelque 300 personnes, dont le tiers dans l'industrie.
Nous avons aujourd'hui une opportunité. Oui, le développement est possible et, oui, la filière va se structurer. Ce que fait le gouvernement est salutaire : l'intérêt général commande la vigilance sur l'emploi des fonds publics. Nous étions sur une trajectoire absurde. Si elle nous a servis, on voit qu'elle a conduit l'Italie, avec 8 GW, à une facture tragique de 50 milliards d'euros : d'où les sortira-t-elle ? Quoique sévère, voire brutale, la décision intervenue a préservé l'avenir du photovoltaïque. Il était indispensable de mettre le cap sur la compétitivité et nous allons prouver en 2011 que c'est possible : nous signons en France un contrat de vente d'électricité à des compagnies et nous allons à l'appui de cela développer un outil industriel intégré, du lingot au module. Nous produirons une électricité compétitive et raccordée au réseau fin 2012 ou en 2013.
Le bâtiment intégré requiert une démarche spécifique. Le photovoltaïque à grande échelle, on y est. J'invite avec solennité tous les décideurs publics à prendre la mesure de l'événement colossal que constitue cette transformation. Samsung a décidé d'investir 3 milliards dans le photovoltaïque. Les Asiatiques avec lesquels nous discutons vont très vite parce qu'ils sont convaincus de sa compétitivité ; de même, l'Afrique du Sud, dont je reviens, va quadrupler sa production. C'est dire que l'opportunité est considérable.
Que faire ? Les dispositifs sont là. Nous devons vivre avec, de manière frugale et déterminée. On a besoin d'une vision à long terme et de confiance. Le défaut de parole de l'État sur le crédit d'impôt a entraîné un vote de défiance, le marché est mort et les entreprises sont en difficulté. Recréer la confiance est indispensable. L'État a pour cela un rôle considérable à jouer. Il s'agit aussi de mettre en place des outils de garantie afin de baisser les coûts.
Le low cost n'est pas un gros mot, dès lors que l'on garantit la sécurité et la fiabilité, partant la bancabilité - nous n'aurions pas levé 400 millions sans cela. S'agissant du coût du capital, il y avait des rentes de situation absurdes, même si nous en avons profité. Il est temps de canaliser l'épargne. J'ai demandé à la Macif, à quelle condition elle investirait une partie de ses 19 milliards dans mon projet ; « quand il y aura des véhicules qui inspirent confiance » m'a-t-elle répondu.
Nous avons la possibilité d'avancer. L'État et les territoires peuvent prendre part à la renaissance du photovoltaïque. Quelle opportunité pour le pays ! Je suis pour ma part très confiant dans l'avenir.
Nous sommes gens de méthode, aussi sommes-nous formés et avons-nous les outils et les normes. Nous sommes prêts. Je suis donc heureux quand je lis, page 2 du texte de M. Abadie, que nous allons nous développer, mais je le suis moins quand je vois, page 10, qu'il nous annonce 320 MW, car cela représente 30 ouvriers par département. Autrement dit, nous serons en surcapacité après avoir fait un gros effort de formation.
Le développement du photovoltaïque sert-il la France ? Dans le bâtiment, les ouvriers travaillent à 50 kilomètres de chez eux : cela ne sort pas du territoire. On a mis en place un bac pro, une mention photovoltaïque ; nous avons des qualifications Qualibat, Qualifilec. Les outils sont là, même si l'on peut encore les améliorer.
Quels soutiens, nous demandez-vous ? L'autoconsommation, bien sûr. De même que l'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas, nous sommes très tentés par l'autoconsommation. C'est aussi l'intégré bâti, encore qu'il faille inventer le véritable intégré.
Nous n'avons pas de technologie privilégiée, sinon celle qui assure le meilleur rendement à chaque instant. La réglementation pour les bâtiments en 2012 est sortie, il faut maintenant travailler avec les industriels pour inventer le bâtiment de 2020. On peut faire deux fois plus que ce que nous faisons maintenant ; cela suppose de réunir l'architecture, la technique...
Je remercie la commission d'avoir organisé cette table ronde, même si elle a trois ans de retard. Quel est en effet le bilan depuis le Grenelle I ? Le bilan carbone des panneaux solaires est négatif et il faudrait évoquer le recyclage. On a creusé le déficit de la balance commerciale en créant un effet d'aubaine et une bulle financière. Je m'inquiète de la répartition de la valeur sur la chaîne. On a perdu beaucoup en important.
M. Marsacq a posé la question de la filière. De fait, elle n'existe pas vraiment, faute d'amont. La recherche n'est pas structurée. On n'y a pas mis les moyens alors qu'on aurait pu profiter des pôles de compétitivité. M. Marsacq a évoqué la technique, mais il y a d'autres pistes que le silicium, y compris au CEA, où l'on travaille sur des composites organiques. Quant aux tarifs, il est plus facile de s'aligner quand les prix de l'électricité augmentent à la suite de la loi NOME.
M. Lepercq a évoqué la nécessité d'une vision à long terme et de la confiance. Nous avons le FSE et le FSI, voilà ce qu'il faut activer pour que l'amont fournisse à la production de l'aval.
Veut-on vraiment développer les industries renouvelables dans ce pays et peut-on fabriquer des panneaux en France ? Voilà la question des questions. Pour l'instant, ce sont des produits d'importation, nous n'avons pas un seul fabricant et nous restons à l'écart de la révolution verte. L'avenir n'est-il pas de prendre la mesure de la mutation écologique ? S'il fallait corriger les effets d'aubaine - et je pourrais vous en trouver de bien plus coûteux-, on a provoqué un recul dont les effets sont graves. Ce n'est pas un hasard, quelqu'un avait dit : « L'écologie, ça commence à bien faire ! » L'Allemagne avait commencé à développer le photovoltaïque, Saint-Gobain met en place des unités en Corée et en Allemagne. Alors qu'une grande entreprise automobile commençait chez moi à se diversifier dans les capteurs photovoltaïques, le marché se bloque tout d'un coup ! Il est atone disent les TPE et PME qui se développaient en Franche-Comté. On avait pourtant déposé des brevets. Ce recul risque de nous coûter très cher. Les Américains, qui avaient pris un retard catastrophique, sont capables de le rattraper, mais qu'adviendra-t-il de la filière qui commençait à se développer chez nous ? Oui, il fallait réformer les aides, reconsidérer le bilan carbone des capteurs, s'interroger sur le recyclage, et l'intégration était une autre question à aborder, mais fallait-il pour autant rater le train de l'histoire ?
Notre intéressant débat pluraliste doit aussi aborder les questions financières. Le total des aides à l'emploi représentent 22 milliards, soit 27 000 euros par emploi, à comparer aux crédits prévus pour le photovoltaïque. Fallait-il sacrifier un secteur qui a créé 25 000 emplois et pouvait en créer le double ?
Je remercie nos deux présidents d'avoir organisé ce débat. On s'interroge aujourd'hui sur la capacité des pays arabes à nous fournir en pétrole et l'actualité nous rappelle la situation de 1973, alors même que le thermique à flamme reste une réalité pour environ 8 % de la production électrique française. J'avais soutenu le Grenelle parce que cette démarche intelligente débouchait sur un compromis acceptable pour l'acceptabilité de toutes les sources d'énergie, entre la construction d'EPR et les objectifs de puissance installée d'électricité d'origine photovoltaïque : cet échange avait calmé le jeu.
On a le sentiment qu'EDF est en train de reprendre la main alors que la voiture électrique se développe, les grands industriels s'y mettent et nous recevons des propositions de bornes de ravitaillement.
On est à côté de la plaque pour le photovoltaïque. Voilà 35 à 40 ans que je crois aux énergies renouvelables et que je les développe, de la géothermie à la biomasse en passant par les réseaux de chaleur. C'est en effet une bonne opération pour les personnes, pour la collectivité et pour la France, surtout au moment où le baril de pétrole atteint 112 euros. Il y a une politique ciblée pour la géothermie, et le fonds chaleur, cela marche pour les réseaux de chaleur. Je m'étais engagé avec imprudence sur le photovoltaïque : nous avions repéré des carrières pour installer les panneaux sans gêner l'agriculture, ma collectivité avait assumé des études importantes et sur sept sites repérés, deux sont en construction, les autres sont rejetés. Nous avons acquis des terrains, des entreprises se sont engagées et nous nous retrouvons dans une situation comme je n'en avais jamais vu. Des entreprises vont déposer leur bilan ; une personne qui a investi là-dedans l'héritage de trois générations aurait mieux fait d'aller jouer au casino. Tout cela est imbécile, dangereux, destructeur, gravissime.
Certes, il fallait arrêter les dérives : les prix d'achat étaient excessifs, d'aucuns obtenaient un rendement de 15 %, plus un avantage fiscal, sans parler du réinvestissement en franchise d'ISF. Vous avez essayé à plusieurs reprises d'y remédier mais en vain. Vous avez pris une décision qui touche aussi des équipes jeunes, qui se sont engagées parce qu'elles croient aux énergies vertes. Vous les tuez aujourd'hui et il ne restera plus sur le marché qu'EDF et l'ex-GDF - bref, une solution à la française... Il y aura en Europe l'éolien, le photovoltaïque, le nucléaire et la biomasse. Ne gâchons pas tout. Les responsables professionnels ont appliqué la règle du jeu. Il importe de faire la vérité des prix, d'y voir clair. Quel est le prix du kilowatt solaire en France ? Personne ne le sait, c'est devenu un mystère technologique et économique. J'en appelle solennellement aux responsables de l'État pour que la règle du jeu soit connue, les gens ont besoin pour s'inscrire sur le marché dans la durée.
Je remercie nos deux présidents de nous donner cette opportunité de débattre. Je m'inscris dans la continuité de ce qu'ont dit MM. Bourquin et Belot. Je suis un élu de la péninsule du Sud-Est et, à Sophia-Antipolis, nous avions dans les années 1980 une avance technologique considérable (c'était le temps de l'AFME). Or les programmes ont été dramatiquement stoppés et nous avons maintenant un retard à récupérer. Voulons-nous du renouvelable, avons-nous une ambition pour le photovoltaïque ?
J'ai alerté le ministre de l'industrie, j'ai saisi le Premier ministre, parce que l'on tue des professionnels. Des PME qui avaient investi licencient maintenant, d'où une perte de savoir-faire et de compétence. Dans le même temps, on met 3 milliards sur la table pour la TVA de la restauration... On ne peut se contenter d'une politique à court terme, les industriels ont besoin d'une visibilité à long terme pour s'adapter.
Certains effets sont cumulatifs : l'État s'est retiré, mais aussi la région Provence - Alpes - Côte-d'Azur et, simultanément, le département des Alpes-Maritimes, d'où une situation dramatique.
Ne faudrait-il pas mieux anticiper dans le domaine des terres rares ? J'ai l'impression que nous évacuons très élégamment le problème en ne nous penchant pas sur la question des réserves foncières à constituer. Ces terres rares sont plutôt réparties inégalement sur la planète.
Je vous félicite pour cette table ronde.
Quand la mission Charpin a été lancée, j'ai demandé au Sénat de réfléchir sur le photovoltaïque : un rapport ne nous permettrait-il pas de disposer d'éléments de réflexion pour définir une véritable politique dans ce domaine ?
Ce n'est pas une question politicienne : étant membre d'un pôle de compétitivité, j'ai pendant tout le travail de la mission Charpin signé des notes avec ma collègue députée de l'Isère, Geneviève Fioraso ; à l'époque, nous avions fait une conférence de presse. Sans aucun cynisme, je me félicitais de ce qui se passait car nous allions enfin sortir d'une année 2010 qui avait vu quatre modifications législative. Je me suis associé aux inquiétudes des industriels : dès l'origine, nous avons été choqués quand M. Charpin a affirmé qu'il n'y avait pas de filière photovoltaïque en France. Le tour de table de cette après-midi démontre le contraire : la filière française existe et elle est en cours de constitution. Il y a quelques semaines, nous avons reçu Mme Kosciusko-Morizet qui a insisté sur la qualité des équipements. Quand M. Besson est venu devant notre commission, je l'ai interrogé sur la notion de filière industrielle. En 2012, la clause de revoyure prévoit 800 MW pour la filière. Or, j'avais dit que le plancher pour constituer une filière industrielle se situait entre 700 et 900 MW. Dans les orientations, on invoque 1 milliard du grand emprunt pour les énergies renouvelables. Dans le cadre des appels à projets, il y aura donc un accompagnement du gouvernement.
Les parlementaires sont convaincus que la France a un rôle à jouer dans le domaine des énergies renouvelables : de quels indicateurs disposerons-nous pour que, mi-2012, on puisse étudier la situation pour tracer les objectifs à court, moyen et long terme et donner une réelle lisibilité à la filière solaire ?
Enfin, les mégawatts attendus ne seront pas au rendez-vous à cause de la file d'attente.
J'en reviens au décret de suspension dont M. Abadie a fait état lors de sa présentation : le couperet est tombé très brutalement, ce qui a eu pour effet d'écarter un certain nombre de dossiers engagés, mais pas complètement aboutis.
Les conséquences ont été graves et injustes. Je pense notamment à tous les projets prévus par des collectivités. Ainsi, la toiture d'un gymnase a été dimensionnée pour recevoir du photovoltaïque, d'où un coût supplémentaire, mais la collectivité ne pourra mener à bien ce projet pourtant bien parti et déjà financé en partie. Même remarque pour les agriculteurs qui ont engagé des frais dans l'élaboration de dossiers et qui doivent abandonner leurs projets.
Le nouveau dispositif entrera en vigueur le 10 mars 2011, soit demain. Les critères ont été brutaux et stupides : n'y a-t-il pas lieu de reprendre un certain nombre de dossiers qui ont connu un début d'exécution et d'envisager que, dans le nouveau dispositif, ils puissent être repêchés ?
Il faut le rappeler, pour le photovoltaïque, nous sommes au-delà des objectifs du Grenelle ! Sur les énergies renouvelables, nous avons pris des décisions importantes en matière d'off-shore, de méthanisation et d'éolien terrestre. Qu'on ne vienne pas dire que les énergies renouvelables sont passées à la trappe. Pour l'éolien terrestre, nous raccordons 1 000 MW par an : le Grenelle avait prévu 1 200 à 1 400. Nous n'en sommes donc pas loin.
Sur le photovoltaïque, nombre d'entre vous ont dit que nous n'y croyions pas. C'est faux. En revanche, ça ne peut pas être partout et tout de suite. Puisque pendant six ans nous aurons encore des surcoûts très élevés, les impacts macroéconomiques devront être bien évalués. Le rythme d'installation devra donc être maîtrisé. Affirmer que nous avons un système soutenable à 500 MW, demain peut être un peu plus, c'est bien garantir sa durabilité.
Les parlementaires ont prévu la CSPE pour financer le dispositif. Si nous ne maîtrisons pas le système et si nous ne montrons pas que nous sommes capables de le financer, sa viabilité est en cause. Or, depuis décembre, nous avons bien avancé sur cette question.
Dans les mois à venir, nous devrons indiquer ce qui sera fait en ce qui concerne la file d'attente. Nous n'avons aucun indice qu'au-delà de la réalisation dans les 18 mois, il y ait une contrainte extrêmement forte qui fasse tomber les dossiers.
Pensez-vous que les nouveaux tarifs vont décourager 1 000 des 3 000 MW ?
Je suis incapable de vous répondre. Par rapport à la file d'attente constituée en décembre 2009, les dossiers sont plus solides, car pour entrer dans cette file d'attente, il fallait un permis de construire et avoir déposé un dossier de raccordement. La principale contrainte que nous voyons dans le décret, c'est le délai de 18 mois. Mais c'est tout à fait légitime : qui accepterait que l'on accorde le tarif d'octobre 2010 à des projets réalisés dans deux ans ? En 2013, les panneaux auront peut être baissé de 20 %. Le premier indicateur pour 2012, ce sera de savoir combien de dossiers auront été réalisés dans la file d'attente.
L'administration devra démontrer que les dispositifs d'appel d'offre spécifiques pour le photovoltaïque fonctionnent. Les appels d'offre pour les centrales au sol avec des exigences environnementales et les appels d'offre plus automatiques sur les toitures devront faire preuve de leur efficacité : la charge de la preuve est donc du côté de l'administration.
En revanche, la filière devra démontrer que les perspectives de développement sont robustes et qu'elles permettront d'augmenter la valeur ajoutée en amont de la filière. Les appels à manifestation d'intérêt seront lancés dans le cadre des investissements d'avenir du grand emprunt. Une politique industrielle doit accompagner le développement des énergies renouvelables et c'est pourquoi nous avons nommé un chargé de mission par filière pour identifier les enjeux, les goulots d'étranglement, les formations et les aides financières. Les industriels devront nous montrer que les investissements accordés par les pouvoirs publics permettront de faire du développement en France. En clair, le Premier ministre veut bien payer pour voir à hauteur de 500 MW, mais pas plus.
Dans le domaine de l'offshore, nous nous y sommes pris de façon radicalement différente : nous avons identifié les zones et beaucoup travaillé avec tous les acteurs industriels, depuis les ports et les industriels jusqu'aux équipementiers. Lorsque nous lancerons l'appel d'offre, nous demanderons aux énergéticiens qui candidateront de présenter un plan industriel et nous leur donnerons du temps pour le mettre en oeuvre. Nous voulons faire de cet appel d'offre un levier industriel.
Suivant les acteurs, ils veulent plus de temps, mais pas tous au même moment.
Comment allez-vous faire avec les projets engagés par les collectivités ou par les agriculteurs et qui n'ont pas été retenus ? Comment choisir certains et en écarter d'autres ?
Un dossier qui n'a pas été suspendu est réalisé en fonction du tarif fixé initialement. Un dossier suspendu doit être redéposé : suivant sa taille et sa nature, il entre dans un tarif ajustable ou dans un appel d'offre. La question des repêchages est définitivement close.
Le délai de trois mois qu'ERDF est censé appliquer pour traiter les dossiers ne constitue pas un engagement juridique ferme. Le cas de force majeure pourra être invoqué : 600 à 800 MW n'ont pas pu être traités ! Au mois d'août, 1 000 MW sont tombés dans les services d'ERDF à cause de la perspective d'une évolution tarifaire. Les services de traitement sont donc saturés.
Dernière remarque : 800 MW représentent 4,8 milliards. On ne pouvait donc les repêcher pour une simple question de sécurité juridique.
Vous m'avez également interrogé sur le recyclage et le démantèlement : ces sujets ont été abordés dans l'arrêté tarifaire. Le recyclage sera imposé à partir de 2012. Au fur et à mesure des travaux, nous irons plus loin en utilisant les informations qui nous seront transmises.
Nous avons défini et renforcé les critères d'intégré au bâti : nous avons essayé d'être aussi progressifs que possible. Les critères seront souples pendant encore un an, mais ensuite ils seront renforcés car nous voulons des produits bien intégrés aux toitures.
Les procédures ont été simplifiées. Lorsque je suis arrivé en 2007, il y avait cinq guichets. Il n'y en a plus que deux : un guichet « permis de construire » et un guichet « obligation d'achat et raccordement ». Il faut avoir franchi l'étape du permis de construire pour déposer le dossier au raccordement. Le tarif est fixé au dépôt de la demande et nous allons améliorer la transparence de la file d'attente.
Je ne puis laisser dire qu'au niveau du bilan carbone, nous ne sommes pas bons. Si l'on tient compte de l'énergie que produit un panneau solaire par rapport à l'énergie qu'il a nécessité pour sa fabrication, il faut entre deux ans à Nice et trois ans à Paris.
En ce qui concerne le bilan carbone, les choses sont plus complexes : tout dépend du pays qui a fabriqué le module et de l'endroit d'où on a extrait le silicium. Il faut entre trois et cinq ans pour un module photovoltaïque en silicium produit en France pour compenser le CO2. En Allemagne, il faut entre 12 et 15 ans et en Chine plus de 20 ans.
Le silicium, ce n'est pas ringard : cela représente 80 % des panneaux et les progrès techniques à venir sont considérables. Vous évoquiez la filière organique : elle a du potentiel mais tous les marchés ne pourront y avoir recours. Ainsi, nous avons des doutes sur les centrales solaires qui sont exposées au soleil pendant des décennies.
Il n'y a pas de terres rares dans le photovoltaïque, mais des composants sensibles dont la France n'est pas dotée. Le BRGM se mobilise sur le sujet pour déterminer les endroits et les matières sensibles afin de passer des accords pour ne pas avoir de soucis dans les années à venir. Pour la filière silicium, le quartz se trouve plutôt en Afrique du Sud et au Kazakhstan. La Chine ne possède pas forcément toutes les matières premières dont nous avons besoin.
Schématiquement, il existe trois business model en la matière : le modèle chinois repose sur des technologies connues, matures, avec des unités de production de très grande taille. Dans ce modèle, le coût de la main d'oeuvre est de moins en moins décisif car ce qui fait le coût du photovoltaïque, c'est la génération des machines utilisées. Si vous possédez celles de la dernière génération, les prix sont plus bas que pour la génération d'avant. Ce qui permet à la Chine de vendre, c'est la facilité de ce pays à monter des unités de production et à rassembler les investissements nécessaires. Deuxième business model, celui de l'Allemagne avec les machines-outils : ce pays a fini par fournir des machines à toutes les groupes chinois. Dernier business model, celui des États-Unis basé sur l'innovation technologique en gardant la maîtrise de l'outil industriel et des machines.
J'en viens à la France : nous avons eu un arrêté tarifaire le 10 juillet 2006. Le temps que les vocations émergent, l'année s'est écoulée. En trois ans, une douzaine d'assembleurs de modules se sont constitués, dont Tenesol et Photowatt un peu plus intégré vers l'amont. Il y a des fabricants de lingot et une créativité extraordinaire sur tous les procédés d'intégration aux bâtiments. Il existe d'autres fabrications industrielles, notamment en connectique. Quant on parle d'industrie, il faut bien voir qu'il n'y a pas que le module.
A quoi sert l'argent de la CSPE ? Le module représente 25 à 30 % du prix total. Tout le reste est dû aux services financiers et à la main d'oeuvre.
En trois ans, nous avons donc bien progressé au niveau industriel. L'Allemagne, qui avait dix ans d'avance sur nous, a progressivement développé l'amont. Il n'y a pas de raison structurelle qui ferait que les coûts de main d'oeuvre ou notre incapacité à trouver les technologies nous empêcheraient de mettre en place une filière industrielle. Mais comment voulez-vous que des groupes industriels, des PME ou des investisseurs acceptent de financer des outils industriels, qui ont besoin d'une vision à dix ans, si les règles du jeu ne sont pas claires et durables ?
Entre la politique solaire engagée en 2006 et 2010, nous avons multiplié par cinq la capacité de production de modules photovoltaïques en France. L'intégré bâti a été réalisé, ce qui est d'autant plus méritoire que nous sommes les seuls au monde à avoir la loi Spinetta avec la garantie décennale. Certaines de nos entreprises sont exportatrices de solutions, notamment en Italie. Nous avons un projet industriel en matière de cellules solaires et un projet d'usine d'encapsulation novateur en matière d'automatisme avec contact face arrière. Le pilote industriel va être installé à côté de Tunis, mais il s'agit d'ingénierie française. Il y a donc eu une réponse industrielle mais, pour investir, l'industrie a besoin de visibilité et de confiance, or elles font aujourd'hui défaut. Je demande donc à l'État de nous donner des raisons d'espérer et d'investir.
Nous travaillons avec plusieurs sociétés en France sur le CPV, qui est une technologie qui fonctionne très bien à l'exportation et dans le sud de la France.
Nous faisons partie des entreprises réellement centrées sur l'innovation : il y a des appels à manifestation d'intérêt lancés dans le cadre du grand emprunt orchestré par l'Ademe et le commissariat général à l'investissement (CGI). Ces appels peuvent permettre à des entreprises comme la nôtre de monter des démonstrateurs qui peuvent être compétitifs au niveau mondial. Notre business plan démontre que si nous parvenons à faire des démonstrateurs d'une certaine puissance en 2012, nous ferons partie en 2013 des cinq champions mondiaux sur cette technologie. Pourtant, les manifestations d'intérêt sont bancales : on nous propose un financement pour construire de grands démonstrateurs mais sans tarifs d'achat. Ce problème a un impact énorme : avec un tarif plancher de 12 centimes pour nos démonstrateurs, il n'est pas possible d'obtenir l'engagement de nos partenaires.
Dans les appels d'offre actuels, comment l'innovation va-t-elle être concrètement favorisée ?
Enfin, envisagez-vous des actions concrètes dans le cadre du plan solaire méditerranéen ?
Je représente la filière thermodynamique à concentration. Peut-on espérer des appels d'offre spécifiques pour la filière thermodynamique ?
J'ai été l'un des représentants des ONG dans le cadre du Grenelle. Pendant trois ans, on nous a trompés sur le Grenelle : nous raisonnions sur des planchers et, aujourd'hui, on nous oppose des plafonds. Si l'on fait 5,41 GW, on a l'impression que c'est la catastrophe : à l'époque, les centaines de mégawatts étaient les unités de compte. Aujourd'hui, on parle de gigawatts. Avec cet arrêté tarifaire, on met la France en dehors du train. Cela vient d'une vision de départ erronée : les 5 400 MW ont certes été acceptés mais il n'y avait pas de consensus sur ce chiffre, certains voulaient aller beaucoup plus loin. Aujourd'hui, ce seuil est coulé dans le marbre du plan national d'action qui a été remis à la Commission européenne. Mais pourquoi s'interdire de dépasser ce plafond si on limite la CSPE ? Le vrai sujet, c'est la maîtrise de la CSPE : nous avons fait le constat en 2006 que les tarifs d'achat créaient des bulles : on avait favorisé l'émergence de niches qui ont coûté très cher. Alors que l'industrie photovoltaïque existait depuis 1975 avec l'entreprise Photowatt, qui figurait parmi les quatre premiers mondiaux, nous n'avons aujourd'hui plus d'industrie française à proprement parler car elle joue petit bras avec un facteur de production divisé par dix par rapport à ses concurrents.
La CSPE ne bougera pas tant que les méthodes de calcul de la compensation pour les tarifs d'achat ne seront pas mises sur la table. Le législateur doit se saisir de cette question, d'autant que la CSPE finance à 80 % des énergies fossiles, des gaz à effet de serre au travers de la péréquation tarifaire. Le photovoltaïque est accusé de tous les maux mais il représente peut être un quart des 20 % restants ! La CSPE doit être mise au service du développement d'une énergie renouvelable. Avec 500 MW, le chiffre d'affaire des entreprises va baisser mécaniquement dans les dix ans à venir. Il sera donc impossible de trouver des investisseurs français et étrangers.
Il faudrait peut être aussi interroger les directions qui s'occupent des bâtiments ; j'ai participé aux travaux du plan Grenelle bâtiment l'été dernier. Dans ce domaine, le point de vue de l'État n'est pas du tout celui qui a été exprimé cette après-midi. On nous dit de préparer les bâtiments de demain mais, dans le même temps, on interdit à l'industrie du bâtiment toute courbe d'apprentissage alors que ses temps de réponse sont très lents. Avec les systèmes simplifiés à 100 kilowatts, on ne disposera d'aucune expérience sur les bâtiments qui se construisent dans les éco-quartiers. Même remarque pour les bâtiments existants. Comme l'a dit un sénateur, la France n'achètera plus que du chinois dans dix ans. La représentation nationale doit avoir un débat de fond sur ces questions.
Dernier point : vous êtes les représentants des citoyens français et je voudrais que vous me disiez quel citoyen français est capable de comprendre l'arrêté tarifaire : c'est byzantin ! Il va sans doute falloir 18 circulaires pour expliquer l'arrêté. La technocratie décide pour tout le monde et c'est extrêmement néfaste pour la démocratie. Dans les autres pays, les arrêtés tarifaires sont compréhensibles par tous.
Nous sommes un collectif de 4 000 personnes qui s'est constitué au début de la concertation Charpin.
La simplification des démarches administratives permettrait de réduire les coûts. Nous représentons des PME du photovoltaïque et nous pourrions créer beaucoup d'emplois et de nombreux kilowatts/heure. Contrairement à ce qu'a dit M. Abadie, nous n'avons pas constaté une simplification des démarches administratives. En 2002, les démarches de raccordement duraient à peu près un an pour un projet de 20 à 100 KW. Sept ans plus tard, les délais sont restés identiques. En Allemagne, les délais sont de deux à trois mois : le coût d'installation est donc logiquement beaucoup plus élevé dans notre pays à cause de la durée des projets.
Sur la question des démonstrateurs, il y a un travail étroit entre les services de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), notamment ceux qui s'occupent des filières vertes, et Heliotrop. Nous avons proposé de maintenir un tarif démonstrateur pour compléter les plans de financement des démonstrateurs qui sont, par ailleurs, candidats au grand emprunt. Les arbitrages finaux n'ont pas retenu cette proposition et je ne les commente pas. Peut être reviendra-t-on sur cette décision.
Sur les appels d'offre pour les objets au sol, nous avons deux objectifs : un premier pour les séries importantes qui permettront de développer nos capacités de production. Mais nous voulons aussi conserver des lots dédiés à des technologies spécifiques et à fort potentiel afin d'aller sur l'international. Pour les 180 MW de centrales au sol par an, nous allons donner aux lots que nous proposerons une totale visibilité.
Un mot sur le calcul de la CSPE : nous avons tenu un atelier spécifique mais c'est la CRE qui développe les méthodes et qui effectue les calculs.
Je reviens sur l'arrêté tarifaire : mon administrateur a heureusement une formation d'ingénieur et il a pu me donner quelques explications, mais je reconnais que ce document est quelque peu... complexe.
C'est vrai, mais il n'est pas incompréhensible pour les gens qui vont le mettre en oeuvre.
C'est totalement incompréhensible pour les installateurs !
Avec le seuil de 100 KW, ne risque-t-on pas d'assister au saucissonnage de projets pour se trouver juste en-dessous du seuil fatidique ? Dès le mois de septembre, on risque en effet de se trouver avec un tarif à 20 centimes au lieu des 28 centimes. Qu'avez-vous prévu pour lutter contre cela ?
A partir du moment où il s'agit du même bâtiment et de la même parcelle, on peut faire autant de projets qu'on veut : un projet de 5 MW peut être découpé en 100 fois 50 KW.
On ne pourra plus le faire.
Les délais de raccordement d'ERDF restent effectivement importants : au fur et à mesure qu'ERDF a renforcé ses moyens pour répondre à la demande, le nombre de dossiers déposés a augmenté. Nous avons donc du mal à réduire les délais de raccordement, surtout lorsqu'il faut raccorder des toitures de bâtiments agricoles éloignés du réseau. Nous espérons que ces délais vont progressivement se réduire.
Merci d'avoir répondu à toutes ces questions.
Compte tenu de la pertinence des questions et de la qualité des réponses, ne serait-il pas possible, monsieur le président Emorine, de présenter à la commission un rapport sur cette table ronde ?
La commission a tout intérêt à faire partager cette audition à tous nos collègues. Je souscris donc à votre proposition.
Je remercie M. Poniatowski de m'avoir suggéré cette table ronde très intéressante. Nous avions besoin d'entendre les uns et les autres car les choses ne se passent pas si bien que cela pour le photovoltaïque. En tant que président de la commission de l'économie, j'ai suivi de près le Grenelle de l'environnement et nous avons essayé de mesurer l'impact économique de toutes les initiatives environnementale. Les 5 400 MW peuvent être atteints à l'horizon 2020, mais la consolidation de la filière reste à faire. J'ai accompagné le Président de la République qui a parlé de la réindustrialisation de notre pays : le renforcement de cette filière répondrait à son aspiration.
Il a été question de complexité : je ne veux pas accabler l'administration qui bien souvent doit mettre en oeuvre les dispositions que nous votons. Mais une simplification est indispensable. Notre souci est de sauvegarder et de créer des emplois : cette filière représente 25 000 emplois et nous devons tout faire pour les conserver. La période transitoire est un peu difficile, mais les parlementaires seront l'aiguillon auprès du ministère pour offrir à cette filière des perspectives à 10 ans.
Merci à toutes et tous d'avoir participé à cette table ronde.
La commission a confié à M. Rémy Pointereau d'examiner les aspects nationaux sur la réforme de la politique de cohésion européenne.
Il en est ainsi décidé.