La mission commune d'information a d'abord entendu Mme Françoise Bernon, responsable du développement de l'activité de placement en France de Manpower Egalité des chances.
Après avoir souligné sa double expérience en matière sociale et en ressources humaines, Mme Françoise Bernon a précisé qu'elle avait dirigé une entreprise parisienne d'insertion avant de rejoindre Manpower Egalité des chances.
Elle a indiqué que Manpower, spécialiste du travail temporaire, avait développé, à la suite de l'adoption de la loi n° 2005-32 de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, deux nouvelles activités relatives au recrutement des personnels et à l'accompagnement vers l'emploi des personnes en difficulté. Ces nouvelles activités, partie intégrante d'un plan baptisé « refondation », permettent à l'entreprise de proposer à ses clients une vision globale du marché de l'emploi.
Elle a précisé que Manpower France avait créé une filiale spécialement consacrée à l'activité de placement afin d'afficher clairement son intention de travailler sur les problématiques d'égalité des chances et de cohésion sociale. Cette filiale, installée dans 20 départements, a pour double vocation d'accompagner vers un contrat de travail toute personne éloignée de l'emploi ou discriminée. Elle travaille en partenariat avec les conseils généraux pour l'accompagnement des allocataires du revenu minimum d'insertion vers l'emploi, directement avec le ministère de l'emploi sur un programme consacré aux jeunes diplômés et met en place également des projets pour des publics aussi variés que les diplômés d'IUT et les détenus sortant de prison.
Après avoir ajouté que Manpower Egalité des chances avait récemment répondu à l'appel d'offre concernant les contrats d'autonomie lancé dans le cadre du Plan banlieue destinés à aiguiller les jeunes issus des zones urbaines sensibles (ZUS) vers un emploi ou une formation qualifiante, elle a insisté sur le fait que le développement de ce type d'activité ne constituait pas une simple opération de communication mais plutôt un engagement de long terme mobilisant des investissements importants et s'appuyant sur des réalisations concrètes.
Faisant remarquer que les entreprises de travail temporaire s'intéressaient de très près aux problématiques de connexion entre demandeurs d'emploi et entreprises cherchant à recruter, elle a regretté l'existence de véritables spirales négatives pour des personnes en capacité de travailler mais manquant simplement d'accompagnement individualisé ou de connaissance du monde du travail.
Un débat s'est ensuite engagé.
a demandé à Mme Bernon d'établir un diagnostic global des politiques publiques d'insertion en France. Il s'est notamment interrogé sur l'efficacité et la pertinence des aides, des méthodes et des instruments existants.
a souligné que l'intérêt des entreprises d'insertion était de rapprocher l'économique et le social afin d'accompagner de manière efficace les personnes en difficulté dans la recherche d'un emploi.
Estimant que les personnels de services sociaux n'étaient pas toujours les mieux formés pour se charger de l'accompagnement vers l'emploi, elle a notamment dénoncé la prise en charge par ces services de certaines personnes n'ayant aucune problématique sociale au travail. Dans ce cas, elle a affirmé que les méthodes développées par les entreprises spécialisées paraissaient plus appropriées aux demandes des personnes souhaitant travailler.
Elle a indiqué que Manpower Egalité des chances commençait ainsi généralement par confier aux personnes concernées une mission temporaire tendant à les confronter à leur projet. Dans un second temps seulement et en fonction de cette première expérience, l'entreprise d'insertion mesure l'écart existant entre le projet professionnel de la personne et la réalité afin de conforter ou d'infléchir ce projet.
a souhaité connaître les modalités d'accompagnement et de suivi des personnes prises en charge par Manpower Egalité des chances.
a rappelé que la personne prise en charge signait avec Manpower Egalité des chances un contrat d'engagement réciproque, au terme duquel cette dernière s'engage à suivre, par l'intermédiaire d'un conseiller-emploi, l'insertion professionnelle de son client. Manpower dispose d'un « suivi-qualité » de chacune des personnes sous contrat en établissant une notation régulière de leurs performances professionnelles et comportementales par l'entreprise d'accueil. Elle a souligné que cet accompagnement permettait de remettre la personne prise en charge dans une dynamique de l'emploi.
Après avoir précisé que les conseils généraux et les différents donneurs d'ordre sélectionnaient en amont de la mission les allocataires susceptibles d'être confiés à l'entreprise de placement, à charge pour celle-ci d'établir avec ces derniers, grâce à des grilles d'analyse prédéfinies, un projet professionnel cohérent, elle a insisté sur le fait que l'objectif premier consistait à permettre aux personnes prises en charge de trouver un emploi. Elle a noté que le projet de réinsertion pouvait passer par des missions temporaires proposées par des agences concurrentes de Manpower ou, dans certains cas, par un recours à des contrats de travail à durée déterminée ou indéterminée.
s'est interrogée sur les différences existant entre l'activité de Manpower Egalité des chances et celle exercée par les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI).
Après s'être étonné de l'intérêt manifesté par certains grands groupes pour la problématique de l'exclusion et les appels d'offre qui y sont liés, M. Guy Fischer a souhaité savoir si Manpower Egalité des chances s'était positionné sur la mise en place du revenu de solidarité active.
Rappelant que les conseils généraux se fixaient désormais des objectifs précis en matière d'insertion professionnelle, il a fait part de sa crainte de ne voir prises en charge par Manpower Egalité des chances que les personnes susceptibles de retrouver rapidement un emploi, les autres étant laissées à la charge des services sociaux départementaux.
a insisté sur l'attitude d'un certain nombre de conseils généraux qui, à l'image de celui de Côte d'Or, ont fait de la réinsertion sur le marché du travail des allocataires dont ils ont la charge une véritable priorité.
a noté deux différences principales avec les ETTI. D'une part, Manpower Egalité des chances n'est ni conventionné ni financé par la DITE. D'autre part, l'objectif premier de l'entreprise n'est pas de mettre la personne prise en charge en mission de travail temporaire mais de l'inscrire dans une dynamique d'emploi positive.
Elle a déclaré que les collectivités souhaitaient que les personnes prises en charge soient suivies six mois après leur retour à l'emploi. Ce délai est généralement considéré comme suffisant pour juger du succès ou de l'échec d'une réinsertion professionnelle et correspond par ailleurs à la durée de versement du RMI pour les personnes ayant retrouvé un emploi.
Elle a confirmé que les entreprises de placement se préoccupaient, dans un premier temps, principalement des personnes les plus faciles à réinsérer professionnellement. Elle a toutefois précisé que les entreprises traitaient progressivement un nombre d'allocataires de plus en plus important et donc des personnes faisant face à des problématiques sociales spécifiques. Ceci est en partie lié au développement d'une véritablement complémentarité entre les entreprises et les services sociaux.
Elle a noté que l'activité de placement développée par Manpower se heurtait à deux difficultés majeures. La première est relative au « reporting » des différents marchés passés avec les donneurs d'ordre, chaque conseil général notamment étant tenté de définir ses propres critères d'évaluation. Cette tendance rend difficile la production de données informatiques homogènes relatives aux actions mises en oeuvre. La seconde concerne la durée des marchés proposés, le calendrier électoral retardant parfois le lancement des appels d'offres et rompant par conséquent la continuité nécessaire au travail de placement.
a indiqué que cette absence de continuité se vérifiait pour les marchés liés à la formation professionnelle et favorisait les grandes structures. Il a insisté sur l'explosion de la précarité en France et s'est inquiété du sort des personnes qui, après six mois de prise en charge, sortaient des statistiques. Il a souhaité connaître le nombre de contrats à durée indéterminée signés par les personnes prises en charge par Manpower Egalité des chances.
a insisté sur la nécessité pour les collectivités de trouver des partenaires susceptibles de faciliter le retour à l'emploi des personnes en difficulté. Ce type d'activité permet en tous cas aux entreprises d'accueil de s'ouvrir vers un public spécifique et de développer des formes de tutorat.
Elle a toutefois indiqué que Manpower Egalité des chances était intéressé par un suivi des personnes prises en charge supérieur à l'actuelle durée de six mois afin de valider les méthodes utilisées au moment de la réinsertion dans le monde du travail.
La mission a ensuite procédé à l'audition de représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF).
a souhaité connaître le point de vue de l'Assemblée des départements de France (ADF) sur les conséquences du transfert aux départements des politiques d'insertion et de la gestion du RMI.
a tout d'abord souligné la force de l'engagement des départements en faveur du pilotage unique des politiques d'insertion, malgré l'insuffisance de la compensation financière versée par l'Etat et les difficultés rencontrées dans la coopération avec le service public de l'emploi (SPE).
Il s'est félicité de ce que la priorité donnée à l'insertion professionnelle, sans pour autant négliger la dimension sociale de l'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi, ait d'ores et déjà permis le retour à l'emploi de nombreux allocataires du RMI. Le bilan est ainsi largement positif, malgré le manque à gagner, de 2,5 milliards d'euros, que représente ce transfert pour les départements.
Il en résulte une méfiance des départements à l'égard de toute réforme susceptible d'entraîner des dépenses supplémentaires. Tel est le cas, notamment, de la généralisation du revenu de solidarité active (RSA), prévue au cours de l'année 2009. Celle-ci ne pourra être acceptée qu'à la condition que l'Etat compense à l'euro près les dépenses engagées par les départements pour financer cette nouvelle prestation. Cela suppose également une plus grande transparence dans la gestion des allocations par les caisses d'allocations familiales (CAF) et de la mutualité sociale agricole (MSA), afin que les départements puissent apprécier l'évolution des dépenses au regard de celle des personnes bénéficiaires.
a convenu des difficultés rencontrées par les départements avec le SPE et les CAF. Il a indiqué que l'évolution divergente du nombre d'allocataires et des prestations versées justifiait des études plus approfondies en coopération avec les CAF.
a reconnu la nécessité d'une clarification des relations financières entre les collectivités territoriales et l'Etat, qui devrait se traduire, a posteriori, par des ajustements systématiques des sommes versées par l'Etat en compensation des dépenses engagées.
s'est prononcé, à titre personnel, en faveur de la création d'un impôt dynamique afin de garantir le financement des charges transférées aux départements.
a réaffirmé la nécessité d'une réévaluation de la compensation financière versée par l'Etat aux départements, même s'il a reconnu que ces derniers peuvent réduire les dépenses, à condition que les politiques économiques menées par l'Etat en faveur de l'emploi facilitent les missions d'insertion confiées aux conseils généraux. Il s'est enfin dit favorable à la prise en compte des difficultés particulières rencontrées par certaines régions ou bassins d'emploi, qui justifieraient une certaine péréquation.
s'est dit favorable à une évaluation triennale des compensations financières afin de limiter les difficultés de trésorerie des départements.
Approuvant cette proposition, M. Bernard Seillier, rapporteur, a reconnu qu'elle contribuerait à apaiser les relations entre les conseils généraux et l'Etat, caractérisées à l'heure actuelle par une atmosphère de contentieux permanent.
s'est également inquiété de la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
a demandé des précisions sur la notion d'impôt « dynamique », faisant observer que les produits de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), sur lesquels sont prélevées les sommes versées en compensation des dépenses engagées pour le RMI, sont en nette augmentation à l'heure actuelle.
a souligné l'intérêt de la définition d'une assiette fiscale en faveur de la solidarité nationale, le cas échéant déclinée au niveau local, pour financer la mise en oeuvre des politiques d'insertion.
a évoqué l'idée d'un transfert possible aux départements d'une partie des recettes de la contribution sociale généralisée (CSG).
s'est inquiété de l'effet inflationniste de la mise en place du RSA sur le nombre d'allocataires, s'interrogeant parallèlement sur la nécessité de renforcer le contrôle comptable du RMI, actuellement en discussion au Sénat.
a souhaité avoir un premier bilan de la mise en place effective des contrats d'insertion liés au versement du RMI. Elle s'est également interrogée sur les risques de basculement des allocataires du RMI vers un autre minimum social, lors de l'entretien préalable à la signature du contrat.
s'est demandé si les positions de l'ADF dépassent les clivages politiques ou si l'on observe des divergences de points de vue.
a confirmé l'unanimité des départements au sujet de leur engagement en faveur des politiques d'insertion ; mais il a aussi exprimé leurs réserves quant à la généralisation du RSA, du fait des retards accumulés dans la compensation financière de la décentralisation du RMI.
Concernant le RSA, il a fait part des réticences de son département, qui a finalement renoncé à l'expérimenter, au motif que la participation de l'Etat à son financement n'était pas suffisante. Néanmoins, il a estimé nécessaire que les expérimentations conduites dans trente-quatre départements puissent être menées à leur terme avant toute généralisation. A cet égard, il a fait valoir l'intérêt de la diversité des modalités d'expérimentation pour en tirer des enseignements qui seront utiles pour définir les contours du RSA généralisé. Il s'est dit également réservé sur la fusion envisagée des minima sociaux dans le RSA, évoquant notamment les spécificités de l'allocation de parent isolé (API). Enfin, il s'est inquiété des risques de création de « trappes à pauvreté » suscitées par la création du RSA, qui ne fait en réalité que déplacer les seuils.
a souhaité savoir si les conseils généraux rencontraient des difficultés dans la répartition de leurs compétences avec les communes, les intercommunalités, les régions et les diverses institutions ou organismes en charge des politiques d'insertion. Il s'est également dit intéressé par les différentes modalités d'expérimentation en cours dans les départements concernant les contrats aidés, les actions de formation ou tout autre dispositif contribuant à l'insertion des bénéficiaires des minima sociaux.
En réponse à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, présidente, M. René-Paul Savary a indiqué que 79 % des allocataires du RMI de son département ont signé un contrat d'insertion. Il a également observé une augmentation corrélative des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à la suite de l'entretien préalable à la signature dudit contrat.
En réponse à M. Bernard Seillier, rapporteur, il a précisé que dans la majorité des départements expérimentateurs, le RSA joue à la fois le rôle de revenu complémentaire et de prestation de solidarité. Certains d'entre eux ont choisi de recenser et de prendre en compte les droits connexes afin de limiter les effets désincitatifs au retour à l'emploi. S'agissant de l'API, le dispositif expérimental conçu par l'Etat présente l'avantage de ne pas faire de perdant, mais représente un coût considérable. Il s'est enfin interrogé sur les modalités de sortie du dispositif et sur les risques de multiplication des activités à temps partiel qui seraient favorisées par le versement de ce revenu complémentaire.
a regretté l'absence de précisions concernant l'utilisation de la prime pour l'emploi (PPE) pour financer le futur RSA.
a fait observer que l'expérimentation actuelle était plus tournée vers l'insertion professionnelle des bénéficiaires de minima sociaux que vers la lutte contre la pauvreté. Pour cette raison, il est difficile aujourd'hui d'évaluer le coût réel du futur dispositif.
En réponse à une question de M. Bernard Seillier, rapporteur, concernant les relations des conseils généraux avec les autres institutions ou collectivités, il a souligné les difficultés que rencontrent les départements dans la mise en oeuvre des politiques d'insertion, qui nécessite la mobilisation et la bonne volonté de nombreux acteurs, tels que l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ou la région sur les sujets de formation professionnelle, les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les CAF chargés d'instruire les dossiers, les missions locales, les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) ou les agences d'intérim avec lesquelles sont signées des conventions. Il serait nécessaire que les conseils généraux disposent de tous les leviers d'action et des moyens financiers pour devenir réellement chefs de file dans le domaine de l'insertion. Il a enfin souligné la grande dépendance financière des départements vis-à-vis de l'Etat.
a évoqué le succès du dispositif « Tremplin pour travailler en Meurthe-et-Moselle (TTEMM) », qui permet à des bénéficiaires du RMI d'occuper un poste libéré à la suite d'un départ en retraite, ou de répondre aux besoins spécifiques des entreprises locales, la formation étant prise en charge, si nécessaire, en partenariat avec les organismes spécialisés ou l'ANPE.
a souhaité savoir si les conseils généraux ont des relations constructives avec les acteurs du monde de l'insertion par l'activité économique et les chantiers d'insertion.
a confirmé la qualité de la collaboration des départements avec les chantiers d'insertion dont les activités se développent dans certains secteurs tels que la protection de l'environnement, la filière bois, l'entretien du patrimoine ou le bâtiment.
a salué la faculté des conseils généraux d'innover pour favoriser l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi et s'est dit intéressé par l'ensemble des expériences positives conduites par les départements dans ce domaine.
Il a souhaité savoir dans quelle mesure les partenaires sociaux et les entreprises étaient mobilisés sur ces sujets.
a indiqué que de nombreux départements insèrent des clauses sociales dans le cadre des procédures d'appel d'offres de marchés publics afin de réserver une partie des emplois créés par l'activité ainsi générée aux bénéficiaires du RMI. Par ailleurs, les organisations patronales se sont mobilisées pour offrir aux personnes les plus éloignées de l'emploi des postes assortis d'une formation dans des secteurs n'exigeant pas un haut niveau de qualification. Il s'est félicité de l'évolution des entreprises dans ce domaine, qui perçoivent mieux aujourd'hui les enjeux de la réussite des politiques d'insertion, surtout dans certains secteurs où l'on observe une pénurie de main-d'oeuvre.
a ajouté que certains départements mobilisent systématiquement une partie des enveloppes consacrées au financement des projets culturels au profit des personnes les plus défavorisées. Il a même évoqué l'existence de clauses d'incitation dans le cadre des projets communaux ou intercommunaux co-financés par le département.
S'agissant des partenaires sociaux, il a reconnu la difficulté à les mobiliser sur l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi, les organisations syndicales se préoccupant davantage de la défense des personnes en activité. Il a salué néanmoins les perspectives d'évolution dans ce domaine.
a souligné les risques de démobilisation des entreprises pour favoriser l'activité à temps plein des futurs bénéficiaires du RSA. Ceux-ci pourraient être en effet tentés de conserver une activité à temps partiel, grâce au complément de revenu offert par le RSA.
a toutefois fait valoir que, souvent, l'incitation à travailler n'est souvent pas seulement monétaire. Il a notamment évoqué la satisfaction des personnes exclues à retrouver une dignité dans le travail et à reconstituer un réseau de relations sociales.
La mission a enfin procédé à l'audition de MM. Bruno Lacroix, président, et Jean Vanoye, premier vice-président du Conseil économique et social (CES) de la région Rhône-Alpes.
a tout d'abord souhaité que soient présentés les travaux du CES de la région Rhône-Alpes ainsi que les propositions que la mission pourrait retenir dans le cadre de ses réflexions sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Après avoir rappelé ses responsabilités au sein du mouvement des entreprises de France (MEDEF) en tant que dirigeant d'une entreprise industrielle de 1 200 salariés, M. Bruno Lacroix, président du CES de la région Rhône-Alpes, a souligné l'importance d'une investigation plus approfondie sur les causes de l'exclusion alors que de nombreux rapports ont jusqu'ici traité du phénomène lui-même et des remèdes à y apporter.
après avoir rappelé son parcours au sein de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), a confirmé la pertinence d'une approche privilégiant la prévention de l'exclusion, qui justifie l'intérêt, porté depuis plus de deux ans, par le CES régional Rhône-Alpes et la mission régionale d'information sur l'exclusion (MRIE) aux causes de ce phénomène. Cette réflexion, qui associe le collectif ALERTE, a pour objectif de définir des indicateurs qui pourront servir d'alarme pour les décideurs et les travailleurs sociaux.
Les trois thématiques retenues concernent l'illettrisme des jeunes, les problématiques d'accès à l'emploi ainsi que la participation des personnes en situation d'exclusion à la définition des politiques qui leur sont destinées.
S'agissant de l'illettrisme, le CES Rhône-Alpes a proposé un parcours de réinsertion des jeunes, associant les étudiants des universités voisines qui vont à la rencontre des familles pour apprendre aux enfants et aux parents les fondamentaux de l'écriture et de la lecture. Le CES Rhône-Alpes a également fait des préconisations pour que l'orientation des élèves intervienne dès l'école primaire et au plus tard au collège, ce qui suppose le développement de campagnes d'information plus systématiques sur les différents métiers ainsi que la définition plus précoce du projet personnel et professionnel de chaque élève. L'objectif est d'élever le niveau de qualification des jeunes à la sortie du système scolaire. En complément de ces mesures de prévention, le Conseil a étudié la question spécifique du décrochage scolaire.
Concernant l'accès à l'emploi, le CES Rhône-Alpes a identifié une série de bonnes pratiques. M. Jean Vanoy a notamment évoqué l'opération « Mode d'emploi » qui a permis l'embauche d'une centaine de personnes éloignées de l'emploi ainsi que l'expérience conduite par l'entreprise Schneider Electric qui avait pour vocation de permettre à de nombreux jeunes d'un quartier de Grenoble de se familiariser avec le milieu de l'entreprise à l'occasion d'un stage de quatre mois. Par ailleurs, le conseil a identifié plusieurs obstacles au retour à l'activité parmi lesquels figurent, en premier lieu, l'insuffisante mobilité géographique notamment dans les zones rurales, le niveau de formation, souvent insuffisant, ainsi que les ruptures de parcours qui nécessitent de manière générale une réorientation professionnelle. Une politique de prévention dans ce domaine consisterait à développer une véritable « culture de la mobilité », les salariés devant être en mesure d'anticiper une mutation professionnelle pour ne pas subir de longues périodes d'inactivité.
Enfin, s'agissant du développement de la participation des personnes en insertion à l'élaboration des politiques les concernant, M. Jean Vanoye a estimé qu'il devrait en résulter, d'une part, une meilleure information sur leurs droits, d'autre part, une connaissance plus fine des difficultés spécifiques qu'elles rencontrent au quotidien. Ainsi, une étude a-t-elle recherché les causes du non-recours fréquent des personnes en situation de grande exclusion aux dispositifs auxquels elles sont pourtant éligibles, tels que la couverture maladie universelle (CMU) et l'aide médicale d'Etat (AME).
a souhaité connaître le point de vue du Conseil sur le système français actuel et sur les enseignements qui pourraient être retirés des expériences étrangères.
a indiqué que la situation française présente plusieurs singularités par rapport aux systèmes étrangers, caractérisés par un taux de chômage très faible et des situations d'exclusion de courte durée. Les États-Unis et le Canada en sont de bons exemples, grâce à des systèmes sociaux basés sur la responsabilité individuelle et dotés de dispositifs de formation qui permettent de s'adapter de façon réactive aux mutations sectorielles des bassins d'emplois, alors que les sociétés asiatiques se caractérisent par leur dureté.
a tenu en outre à rappeler que l'insertion des personnes éloignées de l'emploi ne relève pas à proprement parler de la responsabilité des entreprises, même si elles y contribuent de façon déterminante. C'est la raison pour laquelle il a indiqué préférer parler de « rôle social des entreprises » plutôt que de « responsabilité sociale », qui relève par essence de l'Etat.
Il a également insisté sur le rôle essentiel de la famille et de l'école qui participent à la transmission des savoirs fondamentaux, indispensables à une insertion professionnelle durable. Toutefois, les entreprises ont montré leur capacité à insérer et à former des personnes très éloignées de l'emploi en faisant le pari que la mise au travail immédiate peut favoriser le rattrapage des retards accumulés.
Il a souligné à cet égard l'intérêt des contrats à durée déterminée qui constitue une période de transition au cours de laquelle les personnes en rupture d'activité peuvent acquérir une première expérience avant d'accéder à un emploi plus stable.
Enfin, il a fait valoir l'enjeu que représente une meilleure adéquation du système éducatif et de la formation continue aux besoins des entreprises, qui souffrent de plus en plus fréquemment d'une insuffisance de main d'oeuvre, notamment dans certains secteurs (restauration, bâtiment, etc...).
Evoquant l'opération conduite par Schneider Electric, M. Jean Vanoye a rappelé que certaines entreprises assument de véritables responsabilités dans le domaine de l'insertion, regrettant à cet égard l'insuffisante mobilisation des collectivités territoriales ainsi que le positionnement de certaines associations qui défendent le droit de ne pas travailler. Enfin, il a évoqué un rapport de l'Institut Montaigne préconisant une diversification des modalités de recrutement des entreprises.
Il a souhaité que ces bonnes pratiques puissent être généralisées à l'ensemble du territoire et inspirer les politiques nationales et locales.
s'est félicité de l'implication croissante des entreprises dans l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires des minima sociaux, qui compense, dans une certaine mesure, le vide laissé par la suppression du service militaire.
s'est prononcée en faveur d'une meilleure adéquation du système éducatif aux demandes des entreprises et aux réalités du bassin d'emploi.
s'est dit très favorable à l'intensification des relations entre l'entreprise et l'école, regrettant que cette dernière soit encore très réticente en ce domaine.
a rappelé l'existence des stages de découverte des entreprises mis en place par le ministère de l'éducation nationale pour les élèves de quatrième et de troisième.
a relativisé la portée de telles initiatives expliquant que les difficultés proviennent en réalité le plus souvent des réticences familiales ou du détournement des jeunes vers des activités illégales souvent plus lucratives, ainsi qu'il a pu le constater à Vénissieux où sont implantés deux établissements de son entreprise.
Il a également estimé que le recul des métiers de l'industrie, souvent faiblement qualifiés, expliquait en partie la difficulté des personnes ayant un faible niveau de qualification à trouver aujourd'hui un emploi.
Enfin, il a regretté que le système éducatif ne se donne pas les moyens de répondre aux attentes des jeunes, notamment en termes d'accompagnement, pour les aider à construire leur projet personnel et professionnel.
a suggéré un développement des stages en entreprise pour les professeurs et les conseillers d'orientation afin de les sensibiliser aux réalités de la vie en entreprise.
s'est dit favorable à une généralisation rapide des expériences en cours dans ce domaine au sein du système éducatif.
a indiqué que certaines de ces pistes ont déjà fait l'objet de propositions dans un récent rapport d'information sur la formation professionnelle.
a mis par ailleurs en évidence les effets néfastes pour les jeunes générations du chômage des parents.
s'est dit préoccupé par le développement des emplois précaires ainsi que par l'incapacité du système scolaire à s'adapter aux nouvelles exigences du marché du travail.
s'est dit néanmoins optimiste, estimant que les perspectives démographiques étaient favorables à l'insertion des personnes exclues, y compris lorsqu'elles avaient un faible niveau de qualification. La pénurie de main d'oeuvre ainsi que les départs massifs à la retraite devraient en effet contraindre les entreprises à embaucher et former ces personnes à condition que le chemin à parcourir ne soit pas insurmontable.
est convenu que la région Rhône-Alpes, grâce à ses richesses et ses capacités, était en mesure de mettre en oeuvre des politiques territoriales de développement économique créatrices d'emplois. A cet égard, il a regretté les trop rares réflexions concernant à la mise en oeuvre de telles politiques alors qu'elles permettent de répondre aux préoccupations des entreprises.
a souhaité que les préoccupations des entreprises et des partenaires sociaux soient mieux prises en compte notamment par les régions.
s'est félicité des effets positifs qui pourraient en résulter.
a enfin évoqué l'accord signé le mois dernier entre le collectif associatif ALERTE et les organisations patronales, dont la déclinaison territoriale pourrait être un levier d'action déterminant.