La commission procède à l'examen du rapport de MM. Claude Dilain et Gérard Roche sur l'application de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
C'est Claude Dilain qui portera aujourd'hui la parole de Gérard Roche, co-rapporteur, retenu. Cette analyse partagée entre deux co-rapporteurs, nous l'avons voulue dès la mise en place de notre commission, qui a également su, pour plus d'efficacité, travailler en collaboration étroite avec les commissions permanentes. Il est vrai qu'il y a eu un sujet, la communication audiovisuelle, qui portait plus à controverse, mais nous n'en avons pas moins su, avec Jacques Legendre, dire clairement quelles étaient nos convergences et aussi nos divergences. D'autres sujets, comme la loi Handicap, le Grenelle de l'environnement, ou celui qui nous occupe aujourd'hui, le droit au logement opposable (DALO), se prêtent bien à l'évaluation conjointe. Pour le droit au logement opposable, les principes généraux étaient partagés, mais nous savions que la mise en oeuvre risquait de se heurter, sur le terrain, au manque d'outils. J'espère que cette réunion sera l'occasion de partager des pistes pour améliorer la loi.
Je ne trahirai pas, en effet, la pensée de Gérard Roche, retenu dans son département, tant nous nous sommes retrouvés dans ces travaux.
La loi instituant le droit au logement opposable a été adoptée à l'unanimité le 22 février 2007. Elle reconnaît le droit à un logement décent et indépendant à toute personne n'étant pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. Une vraie révolution culturelle, puisque c'était passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, avec sanction juridictionnelle à la clé en cas de carence des pouvoirs publics.
Pourtant, depuis 2007, le mal-logement demeure préoccupant : 700 000 personnes sont privées de domicile personnel en France et, au total, 3,6 millions demeurent mal ou non logées.
Nous avons entendu nombre d'intervenants, notamment au ministère chargé du logement, dans les institutions et les associations membres du comité de suivi de la mise en oeuvre du DALO, à l'Agence nationale de l'habitat, au comité d'évaluation et de suivi de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, enfin, et c'est une première pleine d'enseignements, auprès de la juridiction administrative compétente. Nous avons également sollicité, par un appel à contributions, les commissions départementales de médiation du DALO car elles sont placées au coeur du dispositif.
La question du garant du droit au logement avait été beaucoup discutée dans nos enceintes, car, dans le domaine du logement, la responsabilité est éclatée. Aux termes de la loi, c'est finalement l'État, à titre exclusif, qui porte la responsabilité juridique du respect de ce droit. Sur ce fondement, la loi met en place un dispositif juridique à double détente qui permet aux demandeurs prioritaires, en cas d'échec d'une procédure amiable devant les commissions départementales de médiation crées en 1998, de saisir le juge dans le cadre d'un nouveau type de contentieux. Dans chaque département, il revient au préfet de désigner les demandeurs reconnus prioritaires par la commission de médiation à un organisme bailleur. Le logement attribué par le bailleur s'impute, et cela aussi est important, sur les droits de réservation du préfet. Le cas échéant, le tribunal administratif a compétence pour ordonner au préfet le logement ou le relogement d'un demandeur prioritaire au moyen d'une injonction éventuellement assortie d'une astreinte financière.
Au-delà du dispositif DALO, la volonté du législateur était de créer, au moins implicitement, un effet de levier sur le renforcement des capacités de logement et d'hébergement des personnes défavorisées.
La loi aménage d'ailleurs à la marge des dispositifs d'ordre financier et fiscal déjà existants. Elle vise également à améliorer la solvabilité des ménages en introduisant l'indexation des aides au logement sur l'indice de référence des loyers. Autre caractéristique importante, elle institue un comité de suivi, chargé de remettre un rapport annuel au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement, ce qui a été fait.
Quels enseignements tirer de l'application de ces dispositions ? Aujourd'hui, toutes les mesures réglementaires ont été édictées et les commissions départementales sont toutes en ordre de marche. Sur le papier, le DALO est donc opérationnel.
Au 31 décembre 2011, 280 000 recours sur quatre ans avaient été déposés, en grande majorité pour des demandes de logement, seuls 15 % visant un hébergement. Ce chiffre, important, n'en reste pas moins inférieur à ce qui était attendu au moment de l'adoption de la loi, pour trois raisons : une information et un accompagnement encore insuffisants des travailleurs sociaux ; une certaine autocensure à différents échelons administratifs ou politiques ; les appréhensions, enfin, de certaines familles qui hésitent à faire usage du DALO, craignant de se voir attribuer un logement ne correspondant pas à leurs besoins.
Néanmoins, le nombre de recours déposés chaque mois -6 000 en moyenne- demeure significatif : dans les zones tendues, il n'est pas rare qu'une commission de médiation examine plus de 70 dossiers par séance. De fait, la situation est loin d'être homogène sur l'ensemble du territoire. On constate une concentration des recours sur les grandes agglomérations de quelques régions. Près de 90 % des demandes déposées concernent sept régions : 60 % pour l'Ile-de-France et près de 14 % en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Suivent les régions Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Pays de la Loire. Avec quelque 1 000 dépôts chaque mois, Paris concentre 20 % des recours.
Les décisions prises par les commissions de médiation appellent, pour leur part, trois remarques. On observe d'abord des écarts significatifs entre les taux de décisions favorables selon les territoires. En 2011, ces taux varient de 35,5 % en Ile-de-France à 74 % en Bourgogne. Variation que des raisons sociologiques ne suffisent pas à expliquer.
Même variation au sein des régions : en Île-de-France, sur les recours logement, le taux était de 19 % dans le Val d'Oise mais de presque 62 % en Seine-et-Marne. L'hétérogénéité des réponses apportées, selon le département concerné, à des demandes reflétant une situation analogue donne le sentiment que certaines commissions se déterminent davantage en fonction de la tension sur le logement que de la situation réelle des demandeurs, ce qui aboutit à des inégalités de traitement et est contraire à l'esprit de la loi.
L'appréciation sur les suites données aux demandes reconnues prioritaires par les commissions de médiation, donc sur le respect de l'obligation de résultat, est rendue malaisée par la difficulté persistante à obtenir des chiffres fiables de la part des services de l'État. Souhaitons que l'appropriation du logiciel informatique dédié y remédie. Reste que l'on ne s'étonnera pas de la panne des relogements dans les régions où le parc locatif social est notoirement insuffisant. Au 31 décembre 2010, le comité de suivi estimait à près de 19 000 l'écart entre le nombre de ménages qui auraient dû recevoir une offre de logement et le nombre de requérants effectivement relogés. Pour l'Île-de-France, selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre, à la fin décembre 2011, sur plus de 42 000 requérants déclarés prioritaires pour un logement, moins de 17 000 ont pu être relogés.
Ce sont donc plusieurs dizaines de milliers de familles qui restent très mal ou non logées malgré une situation prioritaire et urgente officiellement reconnue.
Le nombre de refus de propositions de relogement par les requérants, qui avoisine les 20 %, peut surprendre. Ces refus s'expliquent en partie par l'inadaptation du logement proposé, en partie par une déception quant à sa localisation. En tout état de cause, voilà qui appelle la mise en place d'un accompagnement social renforcé.
Les difficultés liées au relogement ont ainsi suscité une montée en charge rapide du contentieux : 21 600 requêtes entre la fin 2008 et la fin 2011, et une progression de 60 % en trois ans. Et ce n'est pas fini, puisque, depuis 2012, la loi a élargi les possibilités de recours devant la juridiction administrative aux demandeurs n'ayant pas obtenu de proposition de relogement à l'issue d'un délai anormalement long. Le contentieux ne pourra aller qu'en s'accroissant.
Sans surprise, les condamnations interviennent le plus souvent dans les territoires qui connaissent les plus grandes difficultés de logement. Ainsi, le territoire francilien concentre à lui seul 85 %, dont 44 % pour Paris, des affaires enregistrées. Et l'on ne peut exclure une montée en charge, sans solution de relogement à la clé ...
Car, de l'aveu même des juridictions administratives, les recours DALO constituent encore trop souvent « un contentieux sans espoir ». Huit fois sur dix, le contentieux spécifique débouche sur une décision favorable au demandeur, le plus souvent assortie d'une astreinte financière. Mais, à en juger d'après le nombre de liquidations d'astreintes devenues définitives, c'est-à-dire d'après le nombre de demandeurs relogés ou ayant renoncé à leur demande, l'efficacité de ces astreintes est très réduite: au tribunal administratif de Paris, sur les 4 400 dossiers de liquidation ouverts, seules 19 % des liquidations sont devenues définitives ...
Le caractère incitatif des astreintes, de surcroît, est faible: elles sont intégrées en dépenses et recettes ordinaires du budget de l'État et la loi de mobilisation pour le logement du 25 mars 2009 a limité leur montant. Les magistrats insistent sur la charge de travail des greffes, pour un résultat presque nul, puisque ces astreintes ne sont pas versées au requérant, mais de l'Etat à l'État, sans suivi approprié des versements.
Comment envisager, dès lors, l'avenir du DALO ? Nos auditions ont montré que l'accroissement de l'offre sociale seule, qui reste insuffisante et inadaptée, ne suffirait pas à répondre aux difficultés de relogement des personnes prioritaires. Inadaptation financière, d'abord. Au cours de la dernière décennie, le nombre de logements « prêt locatif social » (PLS), inaccessibles aux ménages les plus modestes, a été multiplié par dix alors que celui des logements « prêt locatif à usage social » (PLUS) et des logements « prêt locatif aidé-intégration » (PLAI), les véritables logements sociaux, ne l'a été que par un peu plus de deux. Or presque tous les demandeurs prioritaires au titre du DALO ne disposent que de ressources inférieures au plafond PLAI. Inadaptation géographique, ensuite, comme le constate la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel en citant le gouvernement: en 2009, 75 % des logements sociaux étaient construits où n'existaient pas de besoins manifestes, et seuls 25 % l'étaient dans les zones les plus tendues.
Un meilleur ciblage financier et géographique des aides à la pierre nous paraît donc indispensable. Il conviendrait, en particulier, de minorer le poids des logements PLS par rapport à celui des PLAI dans les obligations incombant aux communes en application de la loi SRU. En outre, le parc privé, qui compte 2 millions de logements vacants, reste encore insuffisamment mobilisé pour le relogement des personnes prioritaires. Quant aux aides personnelles au logement, aujourd'hui déconnectées des charges de logement réelles, elles doivent recouvrer leur efficacité sociale.
Il faut également améliorer les conditions de mobilisation du parc social. A l'heure actuelle, les services de l'État franciliens perdent chaque année environ 5 000 logements par an, soit 30 % de leur contingent. Outre que les services préfectoraux n'ont trop souvent qu'une connaissance très approximative de la réalité du patrimoine des bailleurs sociaux, il arrive fréquemment qu'à la suite d'un rejet de candidature par la commission d'attribution ou d'un refus par le candidat prioritaire, le logement proposé soit repris par le bailleur.
Les relations entre l'État et les bailleurs sociaux doivent donc se fonder sur des outils plus efficaces : mise en place de fichiers partagés des demandeurs reconnus prioritaires à reloger et développement de méthodes de « priorisation » des demandes.
La gouvernance territoriale du DALO, ensuite, doit être améliorée. Très centrée sur l'État, la loi DALO n'a pas tiré toutes les conséquences de l'éclatement des compétences en matière de politique de l'habitat, laquelle incombe aujourd'hui, à titre principal, aux intercommunalités : c'est à cette échelle, celle du bassin d'habitat, que l'offre et la demande peuvent le mieux être mises en adéquation. Sur les territoires où, historiquement, des partenariats avaient été noués à l'échelle intercommunale, la loi DALO a d'ailleurs enclenché des mécanismes vertueux. Quant à l'Île-de-France, nous pensons que c'est une gouvernance régionale qu'il faut y mettre en place. Une autorité organisatrice d'Ile-de-France pour le logement, dotée des moyens d'arbitrage nécessaires, devrait voir le jour, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les transports. Nous rejoignons, sur ce point, une proposition du Conseil économique, social et environnemental.
Le droit au logement opposable, enfin, pose directement la question du respect de la mixité sociale. La segmentation du parc locatif social conduit à orienter mécaniquement les ménages les plus pauvres vers les parcs sociaux les plus paupérisés, souvent dans les zones urbaines sensibles, où le parc social accessible est surreprésenté. Le second acte de la rénovation urbaine doit être l'occasion d'infléchir enfin cette tendance. Les orientations formulées par le comité d'évaluation et de suivi de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) nous semblent aller dans le bon sens. Il s'agit en particulier d'adapter l'échelle d'intervention pour privilégier l'intercommunalité et non plus l'échelon communal, d'accroître le nombre de logements sociaux ou encore de limiter les attributions effectuées au titre du DALO dans les zones en rénovation urbaine.
Nous pensons surtout que les volets social et urbain des opérations de rénovation urbaine doivent mieux être conciliés. La rénovation urbaine doit s'inscrire au coeur d'un projet de cohésion sociale qui mobilise les politiques publiques : éducation, transport, emploi, logement, dont les liens ne sont plus à démontrer.
Cinq ans après son adoption, le droit au logement opposable ne donne donc pas toute satisfaction. Trouvant à s'appliquer sur la grande majorité du territoire, sa mise en oeuvre pose paradoxalement le plus de difficultés dans les régions qui auraient le plus besoin de voir honorée l'obligation de résultat. Il appartiendra à notre assemblée de contribuer à ce que les conditions de réussite de la loi DALO puissent enfin être réunies à l'avenir. Car, pour l'heure, je suis tenté de dire que le droit au logement opposable fonctionne bien là où l'on n'en a pas besoin, mal où l'on en a besoin.
Je serais partisan de sortir les PLS du logement social. Dans une zone que je connais bien, je constate qu'il est plus facile de faire du PLS que de s'occuper réellement d'insertion. Il est temps de corriger l'écart entre l'offre de logement et les moyens des populations concernées.
Ce qui frappe dans ce rapport, c'est en effet le PLS, et la différence entre Paris et la province. Je souscris aux conclusions de Claude Dilain et j'espère que ses préconisations donneront lieu à une initiative. Les propositions qu'il émet dans l'introduction de son rapport me semblent de bon sens.
Je suis étonnée d'entendre que l'État se paye les astreintes à lui-même. Etrange système, sur lequel je serais curieuse d'avoir quelques éclaircissements.
Je remercie les rapporteurs pour leur travail sur ce dossier sensible. Je constate que les décrets sont parus, et que la loi s'applique bien sur la grande majorité du territoire. C'est positif. Reste que j'entends vos remarques. Le législateur devrait avoir une vision moins rigide. La République est réputée une et indivisible, mais sur le terrain, il en va autrement : 60 % des HLM se trouvent là où l'on n'en a pas besoin, et ils manquent là où le besoin se fait le plus sentir. Mon département cumule les contraintes de la loi littoral, de la loi montagne et de la loi sur les risques naturels majeurs. Dans un secteur que je connais des Alpes-Maritimes, 60 % du territoire est interdit à la construction. L'avions-nous anticipé, dans notre sagesse de législateurs ? Dans ma commune, qui comptait 700 logements quand j'y ai été élu, j'en ai construit 800. Mais à présent, les contraintes pèsent fort. D'accord pour revoir les PLS, mieux cibler les aides à la pierre dans les zones sous tension, mais n'oublions pas les difficultés auxquelles se heurtent ceux qui veulent construire. Car il y a aussi les espaces protégés. Dans certaines communes, la constructibilité est très réduite. Il faut donc adapter la loi pour les zones sous tension.
Un soutien financier aiderait, a dit le rapporteur. Certes, pour débloquer plus de logements, on peut passer par la contrainte des 20 %, par les taxes. J'ai une vision différente : on peut aussi mieux mobiliser le parc privé. Deux millions de logements vacants, cela doit nous interpeller ! Comment l'expliquer, sinon par le fait que les propriétaires n'osent pas louer ? Expulser les mauvais payeurs est impossible. Pourquoi ne pas imaginer une garantie solide, ou des capacités d'expulsion plus efficaces ? Voilà qui déterminerait à remettre sur le marché les logements vacants.
Personne ne s'est jamais risqué à augmenter les capacités d'expulsion, y compris dans votre camp, pour la bonne raison que l'on risque bien, ainsi, d'augmenter le nombre de logements vacants, plutôt que l'inverse. La crainte des mauvais payeurs n'est pas le seul facteur, Monsieur Nègre, la pression spéculative sur la pierre est elle aussi en cause.
Je ne puis souscrire à la formule par laquelle vous avez terminé votre présentation : « le droit au logement opposable fonctionne bien là où l'on n'en a pas besoin, mal où l'on en a besoin ». D'accord sur la seconde partie, mais pas sur la première. C'est un grand progrès que d'avoir fait d'un droit fondamental de la personne humaine un droit réel, opposable. Je regrette seulement que cette innovation ne se soit pas accompagnée d'une exigence de moyens. C'est peut-être une différence entre notre droit républicain et la tradition anglo-saxonne.
Où le marché ne serait pas tendu, il n'y aurait pas de problème ? Mais quand il en est ainsi, c'est au contraire souvent qu'il existe des problèmes sociaux : une demande non solvable considérable. Le mouvement HLM lui-même, dont je suis membre, fait un peu l'autruche devant une situation qu'il n'a pas envie qu'on lui fasse porter seul.
Qui est demandeur de logement ? Quelle est la demande réelle ? Pour répondre à ces questions, il nous manque un observatoire. Un exemple, dans les zones rurales, l'insalubrité est massive. Ce n'est pas par les HLM que l'on résoudra ce problème, auquel nous sommes requis de répondre. Il faut donc insister sur la nécessité d'une visibilité des besoins dans la durée. J'en viens à la question du numéro unique. Je ne vais pas vous raconter ma vie de ministre, mais enfin, comment comprendre que, dans une République centralisée comme la nôtre, on ne puisse savoir quel est le nombre de demandes de logement des départements, le profil des familles, leur lieux de vie, leur niveau de ressources ? C'est inacceptable. Les besoins doivent être transparents. C'est question de volonté. Ce qui nous amène au débat sur l'aide à la pierre dans les zones tendues. Je partirai d'un exemple : au motif que les organismes HLM, en Champagne-Ardenne, disposent de fonds propres, on décrète que la région n'a plus besoin de logements sociaux et l'on transfère ces fonds à l'Île-de-France, une des régions les plus riches d'Europe. On ponctionne, en somme, sur les locataires de Champagne-Ardenne, une des régions les plus pauvres de France ! Ne ferait-on pas mieux de s'interroger sur le ratio entre niveau moyen de logement et niveau de ressources ? Certains PLUS ne mériteraient-ils pas d'être transformés en PLAI et certains PLS en PLUS ? Il y a une négociation à mener avec les bailleurs pour que le niveau des logements corresponde aux réalités de la demande. Sur le taux de la SRU, je suis d'accord, mais il y a deux stratégies, soit on passe à 25 %, soit on reste à 20 %.
Mobiliser les logements du parc privé ? Très bien, mais personne ne sait ce que sont ces deux millions de logements. J'ai fait des réquisitions : dans 80 % des cas, les logements étaient inhabitables sans de très importants travaux. Il faut donc une bonne connaissance de ce parc, et une bonne organisation des services publics locaux pour mener un travail de conviction auprès des bailleurs. On peut aussi aller jusqu'à la réquisition. Surtout, je plaide pour une garantie logement universelle...
Non, il faut payer l'assurance Garantie risques locatifs (GRL). Le bailleur qui paye préfère donc se prémunir en choisissant ses locataires. Les seuls endroits où cela marche, ce sont les zones où il n'existe pas d'offre moyenne, comme certaines parties du Nord-Pas-de-Calais ou de la Picardie.
Le rapport ne dit rien sur les pénalités. Je suis pour qu'elles soient versées à un fonds associatif, pour en assurer le suivi. Et pour demander au mouvement HLM de constituer une filière d'habitat accompagné, ce qui lèverait ses peurs d'être confiné dans le très social, et le rassurerait sur la préservation de la mixité sociale. Beaucoup de familles qui relèvent de la loi DALO ont besoin d'accompagnement.
En Ile-de-France, enfin, je préconise que l'attribution soit faite par un seul préfet. Le nombre de cas lourds n'est pas insurmontable, mais tous ceux de Seine-Saint-Denis ne peuvent pas y être gérés. Or, aujourd'hui, on ne sait pas comment le préfet attribue, on souffre d'un manque de transparence.
Je rappelle que la loi DALO a également été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, on peut dire que le verre est plus que plein. Le dispositif est en place et fonctionne. Evidemment, ici ou là, le bilan est plus ou moins bon mais globalement, la volonté du législateur a été respectée. Pour que le verre soit tout à fait plein, il faudrait plus de logements ! Et que, lorsqu'ils existent, comme dans mon département rural, l'Orne, ils ne soient pas insalubres. Il est évident que le réseau HLM ne peut absorber l'ensemble des demandes. Enfin, deux catégories de personnes sont particulièrement concernées : il s'agit des jeunes, qui ont besoin de logements adaptés, et des personnes âgées. Mais, je le répète, la loi DALO n'a jamais eu pour objectif la définition de la politique du logement.
Cette loi a en effet été adoptée à l'unanimité, c'est un aspect qu'il ne faut pas nier. Dans ma commune de banlieue, nous relogeons beaucoup de personnes, mais la loi ne va pas résoudre la crise du logement. Elle a permis d'apporter quelques réponses, des familles exclues du logement social arrivent à se reloger ou bénéficier de délais d'attente réduits. Elle joue le rôle de thermomètre.
Je souligne également que nous avons produit trop de PLS par rapport à la demande. Il faudrait revoir les critères.
Enfin, il est possible de trouver des solutions dans le secteur privé, en encadrant et garantissant les loyers à des taux raisonnables.
Le bilan d'étape de la loi DALO est donc positif et fait apparaître la nécessité d'aller plus loin. Je suis parfois inquiet de la différence de traitement des dossiers entre les différentes régions, et d'une commission à l'autre. Dans les Hauts-de-Seine, chaque commission établit ses propres règles !
Je retiens ma colère : les DOM apparaissent bien tardivement dans le rapport ! On a parlé de différentes contraintes, liées à la loi littoral, à la loi montagne : chez nous, le caractère insulaire en est déjà une ! 40 % de notre territoire est une zone protégée, patrimoine mondial de l'Unesco, ce qui ne facilite pas les choses. Il est temps de considérer les DOM comme partie intégrante du territoire français ! Je veux dire à l'Hexagone : un peu de considération, s'il vous plaît ! La situation est catastrophique chez nous. Nous sommes des vôtres !
Que proposez-vous pour que les DOM soient mieux intégrés dans le dispositif ?
Qu'on les traite comme les autres régions françaises ! Nous sommes la seule région dont la terre est cotée en bourse. Certaines problématiques arrivent chez nous en amont : nous pourrions être un laboratoire pour faire avancer les choses.
L'intitulé de notre commission est le contrôle et l'application des lois. Or, j'ai l'impression de revivre en ce moment les débats de 2007. Ce n'est pas notre rôle ! Nous avons à vérifier et contrôler la bonne application de la loi : ce travail est effectué dans le rapport, mais il va plus loin en proposant d'en faire plus. Avons-nous un pouvoir de proposition ? Il me semble que nous nous substituons à la commission des affaires sociales.
Cela ne m'empêche pas de rendre hommage à ce rapport, de même qu'à Patrick Ollier, à qui nous devons un taux global d'application des lois de 90 % pour la dernière législature.
Enfin, je voudrais préciser que nos propositions de relogements ne sont pas toujours bien accueillies par les familles quand elles ont pour effet de les déraciner d'un quartier où elles sont bien intégrées. Souvent, elles préfèrent rester dans un logement insalubre pour ne pas quitter leur environnement.
Vous formulez, après d'autres, une interrogation forte sur le rôle de notre commission et je tiens à y répondre de façon solennelle. Il est vrai que notre intitulé ne mentionne que le contrôle et l'application des lois, mais nous ne pouvons nous cantonner à l'application administrative de celle-ci, c'est-à-dire à la recherche de la publication des décrets. Lors de l'inauguration de notre commission, Monsieur Jean-Jacques Hyest avait souligné que celle-ci n'aurait pas de sens si elle ne procédait pas à l'évaluation des lois. Lorsque nous constatons, dans l'application d'une loi, des effets pervers, nous pouvons faire des propositions afin que celle-ci soit appliquée dans l'esprit voulu par le législateur.
Pas forcément : je faisais partie de la commission de la culture, qui traitait aussi du sport, de la jeunesse... autant de domaines qui ne figuraient pas dans son intitulé. Monsieur Jean-Jacques Hyest a insisté sur la nécessité de disposer d'un outil transversal pour le contrôle de l'application des lois. Ce type de commission existe dans d'autres pays que la France : elles ne se bornent pas à compter le nombre de décrets pris. Nous n'avons pas pour rôle de nous faire le procureur des lois de l'ancien gouvernement. Dans un an, ce seront celles du gouvernement actuel que nous évaluerons. Nous ne ferons jamais le procès d'un bord politique.
Sur le fond, il est évident qu'on ne peut évoquer le logement social sans faire la distinction entre PLS et PLAI.
Sur l'application hétérogène de la loi, Monsieur Nègre soulève une question importante. La loi doit-elle imposer l'homogénéité ?
Pour l'instant, l'Etat refuse de s'engager dans cette voie : il vient d'éditer un guide des bonnes pratiques qui s'adresse à toutes les commissions.
En ce qui concerne les logements vacants, nous proposons de contacter les propriétaires qui ont payé la taxe sur ces logements et de les informer des conventions possibles avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
a raison. Nos données sont malheureusement très incomplètes. Nous ne savons même pas combien de foyers labellisés DALO sont relogés. Nous manquons cruellement d'outils d'évaluation.
Auprès de mon collègue Monsieur Michel Vergoz, je fais un mea culpa : les commissions de médiation des outre-mer ne nous ont pas répondu, hormis celle de la Martinique ! Mais on sait bien que la situation est, en effet, dramatique, notamment au tribunal administratif de Cayenne.
je pensais de bonne foi qu'il fallait évaluer et dépasser l'aspect règlementaire. Monsieur Philippe Kaltenbach a parlé de thermomètre : notre rapport renseigne en effet sur les carences du logement social et de son organisation. Je vous suggère de vous inspirer de ce qui se passe dans la métropole de Rennes, qui fait l'objet d'un encadré dans le rapport : la loi DALO n'y est plus nécessaire car des règles objectives de priorité ont été établies pour tous les bailleurs. Cela évite d'encombrer les tribunaux administratifs.
Nous allons rendre nos travaux publics : je plaiderai en Conférence des présidents pour qu'une large publicité leur soit faite, notamment pour que nous bénéficiions de deux heures de débats en séance publique pendant la semaine de contrôle. Je consulte sur le rapport de Monsieur Claude Dilain.
Pouvez-vous me confirmer qu'il s'agit bien d'un vote sur la seule publication du rapport, vote qui ne vaut pas approbation de propositions que nous n'avons pas eu le temps d'examiner ? Je serais amenée sinon, à titre personnel, à ne pas prendre part au vote.
Il s'agit en effet simplement d'autoriser la publication de ce rapport.
La commission autorise à l'unanimité la publication du rapport.