Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 18 juillet 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de MM. Matthieu de Montchalin, président, et Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française (SLF).

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

En recevant M. Matthieu de Montchalin, président du SLF, et M. Guillaume Husson, directeur général du SLF, nous exerçons notre mission d'investigation et de vigilance sur un sujet cher à notre coeur, le livre. Ce sera également l'occasion de suivre l'application des textes que nous votons, bien que notre institution compte désormais une instance dédiée à cette tâche.

Debut de section - Permalien
Matthieu de Montchalin, président du Syndicat de la librairie française (SLF)

Le SLF s'était alarmé de la hausse de la TVA dans un secteur déjà fragile. Ces fragilités, nous les avions exposées lorsque vous aviez eu la gentillesse de nous auditionner sur la loi sur le prix unique du livre numérique ; elles se concrétisent aujourd'hui. Pour nous, le passage à la TVA à 7 % représentait également une remise en cause de la loi de 1981 ; un texte voté, comme la plupart des autres concernant le livre, dans le consensus.

Le Gouvernement reviendra sur cette mesure dans le prochain collectif budgétaire. Reste à déterminer la date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif. Pour les libraires, le retour à la TVA à 5,5 % implique de modifier une nouvelle fois un million de prix dans les bases interprofessionnelles. Les libraires ne peuvent pas réaliser cette opération technique en quelques jours, et certainement pas durant l'été. Le risque d'un bug informatique existe. Cette étape étant surmontée, le plus tôt sera le mieux. Les éditeurs maintiendraient les prix fixés pour une TVA à 7,7 %, cela semble confirmé. Par parenthèse, le prix du livre est loin d'avoir suivi, ces dernières années, l'indice général des prix.

Le retour à 5,5 % dégagerait un supplément de marge pour les libraires de l'ordre de quelques centimes d'euros entre le 1er septembre et jusqu'au 1er janvier, moment où a lieu l'augmentation traditionnelle des prix. Cette période est essentielle pour la profession avec la rentrée et les fêtes de fin d'année.

Nous avions proposé, sans succès, un autre scénario au Gouvernement : maintenir la TVA à 7,7 % durant quelques mois et consacrer environ 20 millions de ce surplus de recettes à la création d'un fonds structurel de soutien à la librairie indépendante, qui délivrerait des prêts de trésorerie et des aides à l'exploitation. Techniquement, j'ignore quelle forme doit prendre cette proposition : faut-il doter le ministère de la culture, créer un autre fonds ou utiliser l'outil existant du Centre national du livre (CNL) ? Autrement dit, nous reprenons le modèle des dispositifs existant pour la presse et le cinéma qui ont fait leurs preuves. Le principe est le même : pour préserver la diversité culturelle, il faut maintenir un réseau de diffusion varié : des kiosques pour la presse, des salles pour le cinéma et des librairies pour le livre. L'État y gagnerait car il conserverait la majeure partie du surcroît de recettes.

L'urgence est de prendre des mesures pratiques et transparentes pour les librairies indépendantes dont l'économie est très fragilisée. D'après la ministre de la culture, la librairie indépendante, pour se maintenir, doit atteindre un taux de rentabilité de 2 % en fin d'année. Ce chiffre raisonnable, qui équivaut à celui des fleuristes, se situe dans la moyenne basse des commerces de centre-ville. Or, d'après l'étude Xerfi, notre taux avoisinait 0,3 % en 2009. Le moindre soubresaut de conjoncture menace donc la librairie indépendante. Les derniers chiffres confirmeront cette tendance.

Un taux de 2 % de rentabilité diminuera notre dépendance à l'égard des banques. S'il existe un système d'offices et de retours, le libraire achète par avance son stock aux éditeurs. D'où des besoins importants en trésorerie. Si nous ne sommes pas rentables, qui acceptera de nous financer ? Toute la chaîne sera touchée : les 2 500 librairies indépendantes - le secteur en compte 3 500 - comme les 3 000 éditeurs, en particulier les petits qui travaillent, aux côtés des libraires, à découvrir de nouveaux auteurs.

La question de la rentabilité est importante aussi pour la transmission de nos entreprises. La librairie, comme les autres secteurs, sera, dans les trois à quatre ans, marquée par les départs en retraite des baby-boomers. Certes, l'institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, l'IFCIC, peut garantir de crédits, et l'association pour le développement de la librairie de création délivrer des aides, mais ce n'est toujours qu'une partie du montage financier.

Enfin, la baisse de la rentabilité se conjugue avec l'augmentation des charges. Celle-ci s'évalue à environ 2 % par an. Et encore, ce n'est qu'une moyenne si l'on considère la hausse vertigineuse des loyers commerciaux en centre-ville. Les éditeurs vous confirmeront que l'année 2012 sera mauvaise, comme toutes années électorales, sans parler de la crise. Résultat, nous peinons de plus en plus à couvrir nos frais. Ce qui est dommage quand les librairies sont le maillon le plus fragile de la chaîne économiquement, mais aussi, avec Internet, le maillon le plus dynamique commercialement. Les grandes chaînes ont connu un décrochage, non les librairies qui ont su fidéliser leurs clients. Je rappelle que les éditeurs réalisent 40 % de leur chiffre d'affaires en librairie indépendante, voire 50 % pour la création littéraire. Les représentants des territoires que vous êtes au Sénat savent également le rôle que nous jouons dans l'animation des centres-villes.

Comment atteindre ce seuil de rentabilité raisonnable de 2 % ? Certaines mesures ont trait à notre organisation interne et à notre productivité, nous y travaillons ; d'autres relèvent du dialogue avec les éditeurs ; d'autres encore dépendent du législateur. Aujourd'hui, nous posons la question de la suppression du rabais de 5 % permis par la loi de 1981, qui coûte chaque année 2 à 3 points de rentabilité à la librairie indépendante. Cette décision forte et importante nécessitera beaucoup de pédagogie auprès des groupes et des consommateurs. Un des groupes de travail, dont la ministre de la culture a proposé la création, travaillera ce sujet. Les professionnels sont tous pour l'ouverture de ce débat, à l'exclusion de la FNAC.

Autre proposition, une modification du code des marchés publics, code louable, utile et indispensable à la démocratie, mais d'une lourdeur inadaptée au marché du livre. En particulier, il proscrit le localisme quand les services que les libraires apportent sont, par définition, locaux. Sans compter que les élus craignent de voir leur décision d'attribution du marché contestée devant un tribunal administratif. D'ailleurs, la conclusion du rapport demandé par M. Frédéric Mitterrand à deux inspecteurs du contrôle général économique et financier sur l'accès des librairies aux marchés d'achats de livre des bibliothèques alertait le Gouvernement sur le risque important d'annulation des marchés en l'état actuel du droit. D'autant que les contentieux vont se multiplier avec l'arrivée de grossistes et de libraires qui, prenant acte du rétrécissement du marché du livre, ont beaucoup investi ces dernières années pour mieux répondre aux appels d'offres publics.

Ma librairie, Mme Catherine Morin-Desailly le sait pour être élue de mon département, a vu son chiffre d'affaires chuter brutalement de 7 % après avoir perdu les marchés de la bibliothèque départementale de prêt de Seine-Maritime au profit d'un grand libraire. C'est la loi du marché. En revanche, j'ai été choqué lorsque j'ai reçu, quinze jours plus tard, un appel de la directrice de la bibliothèque me demandant l'autorisation pour ses agents de continuer à repérer les ouvrages dans mes rayons, le prestataire retenu étant à Bordeaux... L'attrait local joue un rôle, le code doit en tenir compte.

D'après la société française des intérêts des auteurs de l'écrit, les marchés publics des collectivités territoriales représentent environ 15 % du chiffre d'affaires d'une librairie indépendante. Comment survivre si on l'en prive soudainement ? Cet élément, plus encore qu'Internet, la TVA ou le prix du livre numérique, est crucial pour nous.

Le code des marchés publics est un ensemble lourd et complexe à manier, les enjeux sont européens. Pour autant, dans la pratique, les collectivités territoriales s'évertuent à trouver des solutions pour ne pas trop en dépendre. Mais si elles suivent à la lettre le code, les petites librairies sont de facto éliminées.

Dernier point, nous sommes très attachés, et depuis des longues années, à la création d'un médiateur. Le mot est tabou car il a fait peur à nos partenaires éditeurs. Si bien que l'on évoque, dans le rapport rendu à M. Frédéric Mitterrand, « un collège dont la tâche serait de régler les problèmes interprofessionnels » : en fait, un médiateur... Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Le médiateur aura vocation, non pas à fixer les prix ou les marges, mais à dénouer les difficultés qui surviennent dans l'application de la loi pour une profession qui est totalement réglementée par des textes. L'intervention de M. Pierre-François Racine lors du débat sur la hausse de la TVA a été déterminante pour dépassionner le débat et séparer les questions techniques et politiques ; l'intervention d'une autorité publique capable de négocier avec le ministre et d'avoir une vue d'ensemble des dossiers semble nécessaire à la profession. Ce serait aussi un moyen de faire face à notre prédateur, Amazon, à qui la loi française ne s'applique pas. Il suffit de regarder leur site : le prix unique n'est plus affiché, il est question d'un prix Amazon, d'un prix conseillé ou d'un prix « état neuf ». Nous sommes dans le flou le plus complet, au détriment du consommateur. La voie du tribunal n'est pas la bonne : nous avons engagé plusieurs actions contre Amazon. A chaque fois, nous recevons, 48 heures avant l'audience, 350 pages de nouvelles notes... Un médiateur est indispensable, Mme Aurélie Filippetti en est consciente ; elle a évoqué ce sujet lorsqu'elle a reçu récemment les acteurs de la distribution et de la diffusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Merci de cette présentation dont je ne veux retenir que votre capacité de résistance. Le reste du tableau est morose... J'ai bien entendu votre appel aux collectivités territoriales et au législateur.

Je donne la parole à M. Legendre qui est notre rapporteur sur le livre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

J'ai écouté attentivement votre exposé, comme tous les sénateurs présents. Vous vous adressez, vous le savez, à un public conquis. Notre commission n'était pas favorable à la hausse de la TVA sur le livre. Vous avez évoqué le maintien du taux de 7 % durant quelques mois pour alimenter un fonds structurel. Qui dit structurel, dit une aide permanente aux librairies. Comment le financer ensuite ?

Amazon, que vous avez évoqué seulement à la fin à mon grand étonnement, ne répond-il pas un besoin des clients en mettant à leur disposition les livres rapidement ? Le moindre prix, avec la gratuité des frais de port, me semble moins essentiel dans le choix du consommateur. Les libraires réfléchissent-ils à un dispositif pour fournir le même service qu'Amazon en y incluant le rôle de conseil du libraire ? Où en est-on de 1001libraires.com ? Cela ne semble pas être un franc succès... Quant à la géolocalisation, elle ne change pas fondamentalement les choses si le livre recherché se trouve dans une autre ville.

Nous sommes tous farouchement déterminés à garder un réseau riche de libraires en France.

Debut de section - Permalien
Matthieu de Montchalin, président du SLF

Le fonds serait alimenté par le surplus de recettes dégagé par la TVA à 7,7 %. Son but étant de fournir des aides à la trésorerie, qui sont constituées de prêts de courte durée remboursables rapidement, son volume financier serait en partie reconstitué en fin d'année. Il pourrait être adossé à l'IFCIC, qui connaît bien les industries culturelles.

Les aides structurelles doivent aider les libraires à retrouver deux points de marge, soit une somme assez modeste de 25 millions, à comparer aux 1,250 milliard de chiffre d'affaires de la librairie. Après l'abondement par l'État la première année, on pourrait imaginer de reprendre la proposition de la mission sur l'avenir de la librairie : une contribution très faible à l'instar du « centime CLIL », assise sur l'ensemble des commandes de livre, ce qui permettrait de toucher les petites librairies, les groupes et Amazon. Avec ce système, les professionnels prendraient en charge leur propre avenir. Un tel système existe sur les places de cinéma : en allant dans un multiplex, vous financez le cinéma d'auteur.

Autre solution, le CNL consacre 5 à 7 % de son budget à la librairie. Il pourrait également entretenir ce fonds. En tout cas, ce débat mérite d'être ouvert.

Les délais de fourniture sont un point capital. Pour l'heure, les distributeurs ne sont pas capables de préparer les commandes en 24 heures. Nous travaillons avec eux pour améliorer ce point et garantir aux clients une livraison en 48 heures. Hachette et Flammarion ont progressé, nous avons bon espoir que cela fasse des émules.

L'aventure de 1001libraires.com a pris fin. Nous avons beaucoup appris de cet échec. Dans l'intervalle, d'autres plateformes, de taille plus modeste, ont été lancées. Nous les soutenons. Notre volonté est de concentrer les efforts de mutualisation sur le livre numérique pour faire face aux géants que sont Google et Amazon. Une stratégie indispensable si on en croit l'exemple de la Fnac qui, seule, n'y est pas parvenue. Le cercle de la librairie, qui a l'avantage de réunir tous les acteurs de la profession, a pris une initiative en ce domaine, que nous soutenons.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Existe-t-il un état des lieux des politiques régionales en faveur du livre et des libraires ? Certaines régions proposent des cartes « culture » ou des cartes « jeune ». Qu'en est-il des autres ?

Debut de section - Permalien
Matthieu de Montchalin, président du SLF

La politique de soutien au livre est très différente selon les régions. Premier domaine, le scolaire qui représente 20 à 25 % du chiffre d'affaires de la librairie indépendante. Certaines régions privilégient l'achat groupé, d'autres l'achat en librairie par les familles. Je préfère évidemment la seconde option... Lors des renouvellements d'élus au sein des commissions, nous devons réexpliquer l'importance de ces dispositifs. Nous nous y emploierons de nouveau en 2014.

Deuxième domaine, l'aide directe à l'économie de la librairie : de grandes inégalités existent entre les régions. Les régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Rhône-Alpes sont bien connues pour être en pointe. D'autres expliquent qu'il est difficile de soutenir directement un secteur économique, un argument que j'ai du mal à comprendre, en ma qualité de président de syndicat qui réfléchit de manière basique. Puisque ces politiques existent ailleurs, pourquoi craindre un risque de contentieux ? Le ministère de la culture vient de lancer une étude sur les dispositifs d'aide à la librairie.

Troisième domaine, l'exonération liée au label « LIR » associée à l'ancienne taxe professionnelle. Pour ne pas alourdir les charges de l'État, le Sénat a donné, par un amendement, la possibilité aux collectivités territoriales de voter cette exonération. Résultat, un tiers des collectivités l'ont adoptée, un tiers ont retenu une partie seulement de l'exonération, un tiers l'a refusé. L'enjeu est important pour nous : l'exonération représente 25 000 euros par an, sachant que ma librairie a un bénéfice cette année de 33 000 euros pour un chiffre d'affaires de 7 millions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez fait une proposition très forte : alimenter un fonds par le surplus de recettes d'une TVA maintenue à 7 %. Toute politique du livre, pour réussir, doit placer le lecteur au coeur du dispositif. Votre idée profiterait aux libraires, mais qu'en est-il des autres acteurs de la chaîne ? Avez-vous mené des concertations sur ce dossier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Pour avoir été vice-présidente en charge de la culture dans la région Aquitaine, je veux témoigner de l'efficacité du dispositif de soutien aux librairies que nous avions mis en place avec le soutien de l'État via la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Nous avions ciblé les petites librairies dans les petits territoires ruraux avec un double effet : un effet d'aménagement du territoire, un effet de valorisation d'une offre culturelle diversifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Au Canada et au Québec, les librairies ont adopté un système mixte : elles proposent des livres neufs et des livres de seconde main, ce qui facilite l'accès aux oeuvres. Le modèle d'Amazon est assez semblable. Qu'en pensez-vous ? Enfin, quelle est votre réflexion sur le rôle étrange joué par les soldeurs qui vendent des livres neufs à des prix réduits dans les centres commerciaux ?

Debut de section - Permalien
Matthieu de Montchalin, président du SLF

Monsieur Assouline, la TVA dégagerait un surplus de recettes de 70 millions par an, dont 25 à 30 millions sont payés par les clients des librairies indépendantes. Pour le fonds, 20 millions suffiraient. L'État serait donc gagnant. Ce fonds garantirait aux clients comme aux éditeurs le maintien d'une offre diversifiée. Qui d'autre que le réseau des libraires peut apporter des conseils aux lecteurs et animer les centres-villes ? La logique est exactement la même que pour le cinéma et la presse. A quoi serviront les aides à l'édition du CNL ou la politique de lecture publique s'il n'y a plus de librairies pour vendre les livres ?

Les éditeurs n'étaient pas très demandeurs de la baisse de la TVA, considérant que son effet serait neutre et, à un fonds de soutien alimenté par cette baisse, ils préfèrent un abondement direct par l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Qu'en pense Que choisir et les associations de consommateurs?

Debut de section - Permalien
Matthieu de Montchalin, président du SLF

Nous ne les avons pas interrogées mais il est clair que la concentration d'un marché autour d'un seul acteur n'est jamais une bonne nouvelle pour les consommateurs. C'est ce qui se passerait si les librairies, qui constituent l'un des maillons de la chaîne, disparaissaient. On a bien vu l'émoi suscité par l'annonce de la vente de la Fnac ou du risque qu'un jour elle ne vende plus de livres, tant les autres acteurs ne seraient pas en mesure de la remplacer.

Le marché québécois, qui a été évoqué, est très différent du nôtre, chaque marché public devant par exemple s'adresser à trois librairies locales. Sur le livre d'occasion, beaucoup de réflexions sont engagées et des choses se mettent en place, certaines chaînes telles que Gibert disposant déjà de leur propre système. Une précision : Amazon ne propose pas directement de livres d'occasion mais ils sont vendus sur sa place de marché, par des professionnels ou des particuliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous sommes très attentifs à ce que le code des marchés publics ne soit pas mal interprété, notamment du fait des fonctionnaires territoriaux qui conseilleraient aux élus d'adopter des positions protectrices à l'excès.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous allons maintenant entendre des représentants des éditeurs.

Debut de section - Permalien
Antoine Gallimard, membre du bureau du syndicat national de l'édition (SNE)

Nous sommes aujourd'hui particulièrement vigilants quant à la façon dont notre économie traditionnelle, fondée sur le partenariat avec les auteurs et notre relation privilégiée avec les libraires, fait face à l'arrivée du monde numérique porteur de nouveaux usages.

Compte tenu de l'état préoccupant de fragilité des librairies, le retour à une TVA à 5,5 % serait une bonne chose, le meilleur moment pour la mettre en oeuvre étant, au vu des difficultés techniques liées à une nouvelle modification des prix, le début de l'année 2013. Nous soutenons l'idée consistant à profiter de ce changement de taux pour créer un fonds de soutien aux libraires destiné à leur apporter une aide de trésorerie, ainsi qu'aux investissements, notamment informatiques. Précisons que l'augmentation des prix de nos livres est inférieure à celle de l'indice des prix à la consommation, le prix moyen du livre en France de 9 euros étant très en dessous à la moyenne européenne. C'est un effet positif de la loi sur le prix unique pourtant dénoncée par M. Jeff Bezos, le patron d'Amazon, comme anticoncurrentielle et antilibérale. Cette baisse de la TVA pourrait se traduire par une pause dans l'augmentation des prix qui serait annoncée aux consommateurs, afin de ne pas donner prise aux mêmes critiques que celles adressées à la restauration.

Si certaines librairies fonctionnent, le marché est tout de même en recul de 5 % et même de davantage si l'on ne tient pas compte d'Amazon. Comme pour le cinéma, il est en fait très sensible aux best-sellers comme Harry Potter ou Twilight. Avec un chiffre d'affaires de 2,8 milliards d'euros pour 450 millions d'ouvrages vendus, le livre demeure la première industrie culturelle mais il convient de défendre nos valeurs dans le monde numérique face à des propositions comme celles d'Amazon qui proposent de payer aux auteurs jusqu'à 70 % de droits, alors que ceux-ci s'établissent aujourd'hui à 25 % du prix net, soit 16 % du prix public et que, si les discussions avec le CPE (conseil permanent des écrivains) ont buté sur la question de la symétrie des droits, nous espérons renouer le dialogue pour trouver un accord en vue de la réunion du CSPLA (conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique) d'octobre. Dans notre système, les éditeurs ont une obligation de rendre des comptes qui conditionne la cession des droits alors que la proposition d'Amazon aux auteurs ne comporte rien de tel et que tout pourrait être arrêté à tout moment. Il s'agirait donc plutôt d'une forme d'autoédition. Ce miroir aux alouettes ne doit pas être confondu avec notre travail de fond qui s'inscrit dans la durée.

La France a été sommée de renoncer à son dispositif sur la TVA : c'est un motif d'inquiétude. L'est aussi l'accord en discussion entre les États-Unis et l'Europe dont se réjouit M. Almunia. Ceci, ajouté à la visite d'une centaine d'inspecteurs dans nos maisons d'édition l'an dernier, présente le risque de remettre en cause notre système de prix de vente. Or nous avons besoin de travailler dans des conditions où chacun trouve son compte car un livre ne se réduit pas à un simple texte mis en circulation. Sur ce point, nous nous félicitons de l'accord passé entre Google et la SGDL (société des gens de lettres de France), notamment sur la nécessité de l'accord de l'auteur pour présenter un texte.

A ces enjeux, s'ajoute celui du développement de la lecture plus tôt chez les jeunes, un concours de lecture à haute voix ayant été lancé avec le soutien de Google et de France Télévisions auprès des élèves de CM2.

Il faut aussi avancer sur les oeuvres indisponibles. De nombreuses réunions avec la Caisse des dépôts et consignations et le Commissariat général à l'investissement ayant donné lieu à la mise en place de lignes, nous espérons que la production commencera en fin d'année. Parallèlement à la prise du décret relatif à ces oeuvres, nous pensons que le recours au système Sofia serait un bon choix. Nous aurions ainsi réalisé un bel ensemble, associant secteurs public et privé, et comprenant Gallica, Europeana et les oeuvres indisponibles ; ce qui ne manquerait pas d'intéresser nos voisins.

Notre métier est méconnu mais il est nécessaire au moment où nous devons, par le plaisir de lire, continuer de séduire des consommateurs aujourd'hui aussi attirés par le monde numérique.

Debut de section - Permalien
Vincent Montagne, président du SNE

On parle souvent de la littérature générale mais elle ne représente qu'un quart du secteur, les éditeurs juridiques et professionnels étant déjà très avancés dans l'usage du numérique. Dans la bande dessinée, domaine dans lequel nous sommes leader avec Dargaud, Dupuis et Le Lombard et vendons 20 millions d'albums par an, nous sommes déjà passés de la presse au livre, puis à l'audiovisuel et nous en avons tiré comme enseignement que le support est second. Il ne change pas la nature de la lecture.

L'enjeu pour l'édition est de maintenir l'ensemble de la chaîne qui permet de porter une oeuvre dans le temps. C'est un facteur auquel nous sommes très sensibles, puisque par exemple en bande dessinée, le premier tirage d'un album peut commencer à 500 exemplaires et finir à 50 000 et que le best-seller de 2010 était un Blake et Mortimer publié pour la première fois en 1946 !

Les acteurs étrangers qui viennent uniquement pour faire des coups en ne s'intéressant qu'aux quelques ouvrages qui se vendent immédiatement ne s'inscrivent pas dans cette logique. Ils proposent des droits de 70 % mais ce ne seront 70 % que de quelques centimes. Nous ne faisons pas du tout le même travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur Gallimard, le soutien des éditeurs au fonds d'aide aux libraires serait-il seulement moral ou aussi financier ?

Étant attachés à nos librairies, nous assistons comme vous, non sans inquiétude, à l'arrivée du monstre Amazon. Mais force est de reconnaître que l'un de ses grands avantages est son système de distribution qui permet au consommateur de recevoir le livre chez lui dans un délai raisonnable, ce qui est peut-être aujourd'hui presque aussi important que le prix. Au-delà des expériences menées par certaines maisons telles que Flammarion, que serait-il possible de mettre en place à ce sujet ?

Alors que nous nous sommes battus pour imposer le prix unique au livre numérique, y compris lorsqu'il est vendu par des acteurs situés à l'étranger, ne craignez-vous pas qu'à travers la remise en cause de cette avancée par le commissaire Almunia, ce ne soit finalement à l'ensemble de la politique du prix unique du livre que l'on s'attaque ?

Debut de section - Permalien
Antoine Gallimard, membre du bureau du syndicat national de l'édition (SNE)

A propos de la contribution des éditeurs, rappelons qu'il y a 25 ans, avec le fondateur des Éditions de Minuit, nous avons créé l'Adelc (association pour le développement de la librairie de création), un fonds qui a accordé à plus de mille librairies des prêts destinés à financer des opérations aussi diverses que des successions ou des travaux et qui sont remboursés en fonction des possibilités des librairies concernées. Depuis les assises de Lyon tenues il y a un an, les éditeurs ont mis en place de nouvelles remises bénéficiant à de petits points de vente ou encore accordé des points supplémentaires pour la constitution de fonds ou la diffusion d'ouvrages de fonds. Au regard des règles de concurrence, nous devons toutefois faire attention à la façon dont nous distribuons ces aides.

Chaque libraire ayant ses propres problèmes, les éditeurs les aident au quotidien en maintenant des comptes ouverts, en gérant les stocks ou en prenant en charge les dépôts.

Nous souhaiterions aussi pouvoir pérenniser un certain nombre d'initiatives, telles que les aides à la trésorerie. Le modèle des cinémas d'art et d'essai est intéressant, même si le libraire doit rester un commerçant.

Les marges qui représentaient 3 % du chiffre d'affaires se situent aujourd'hui autour de 0,5 % ; d'où une difficulté à voir des jeunes prendre le relai, à laquelle il faut aussi s'attaquer.

Si les grandes libraires de 500 à 1 000 m2 fonctionnent bien, tel n'est pas le cas de petits points de vente en province ou des maisons de la presse. Mais faut-il aider ces dernières qui correspondent à un système de vente dépassé ?

Nos avions aussi mis en place un label libraires initialement fiscal dont certains pensent qu'il pourrait valoir aux librairies d'obtenir quelques points supplémentaires. Comme vous le voyez, les éditeurs sont prêts à aider les librairies au moyen de différents dispositifs, en parallèle du fonds qu'il reviendrait à l'État de créer, si nous parvenons à convaincre Bercy.

Au moment où Amazon livre en 24 ou 48 heures, il est vrai qu'attendre un livre 8 jours est incompréhensible. La solution passe par la constitution de dépôts régionaux ou l'utilisation de la plateforme interprofessionnelle de regroupement des commandes, Prisme, qui a pu, au profit de tous, faire baisser le prix des transports de 30 %. Il ne faudrait pas que la mise en place de systèmes propres à certains groupes se fasse au détriment de cet outil. Ne perdons pas de vue que pour conquérir sa position, Amazon a accepté de perdre beaucoup d'argent car le franco de port a un coût important.

La solution devrait passer par des associations entre libraires en s'appuyant notamment sur les outils Tit-liv et Datalib, permettant de prendre des commandes et de les suivre localement. Il convient aussi de veiller par exemple à ce qu'Amazon ne conduise pas à confondre livres neufs et livres à l'état neuf, ainsi qu'à promouvoir des systèmes ouverts et standards à la différence de ceux de Google, d'Amazon ou d'Apple.

Nous nous félicitons tous les jours du prix unique du livre numérique mais nous craignons sa remise en cause, notamment par l'accord entre l'Europe et les États-Unis. Pourtant, le prix unique est déjà en vigueur dans 17 pays et Israël s'apprête à l'adopter. Pour le défendre, il faut continuer à faire beaucoup de pédagogie.

Debut de section - Permalien
Vincent Montagne, président du SNE

L'un des principaux problèmes des librairies est la saisonnalité, l'essentiel des ventes étant réalisé au quatrième trimestre, d'où des difficultés de trésorerie qui se traduisent souvent par la pratique, pourtant interdite en principe, du renvoi d'ouvrages du fonds chez l'éditeur. C'est un cercle vicieux car, ensuite, le consommateur, qui ne trouve plus ces ouvrages en librairie les commande sur Amazon ou sur un autre site.

A propos du soutien aux libraires, je rappelle que le CNL (centre national du livre) est déjà financé à 70 % par des taxes prélevées sur les éditeurs.

Bruxelles a du mal à comprendre le prix unique du livre, qu'il soit numérique ou papier. La Commission nous explique que si Amazon détient 70 % de parts de marché au Royaume-Uni, tel n'est pas le cas en France. Comme s'il fallait, pour agir, attendre que l'on en soit au même point, c'est-à-dire lorsqu'il ne restera plus rien.

La question clé est celle de la capacité du distributeur à fixer son prix de vente. C'est ainsi que, si au Royaume-Uni le prix des best-sellers est plus faible, celui des autres ouvrages oscille entre 20 et 25 livres, soit bien plus qu'en France. Un autre élément en faveur de notre pays est sa capacité d'offre bien supérieure qui, au-delà du prix, est partie intégrante du service rendu au consommateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Quel était l'objet de la mauvaise humeur manifestée au sein du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) ?

Debut de section - Permalien
Antoine Gallimard, membre du bureau du syndicat national de l'édition (SNE)

Un accord a été trouvé sur une clause de rendez-vous au bout de trois ans entre auteurs et éditeurs en matière d'articulation entre édition papier numérique et sur un dispositif en deux étapes mettant fin aux droits de l'éditeur qui ne respecterait pas ses obligations d'exploitation permanente et suivie. Toutefois, il est vrai que les discussions ont achoppé sur la question de la symétrie des droits entre les versions papier et numérique. Nous estimons que, dans la mesure où la perte des droits papier entraînait la perte des droits numériques, l'inverse devait aussi être vrai mais ce point de vue n'a pas été partagé. Je précise que le professeur Sirinelli, qui nous a conduits à faire nombre de concessions, estimait aberrant qu'une telle symétrie ne soit pas mise en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Au moment où se constitue le marché émergent du livre numérique, quels sont vos liens avec les organismes professionnels des autres pays d'Europe où il existe un prix unique du livre, tels que l'Allemagne ou l'Espagne ?

Debut de section - Permalien
Vincent Montagne, président du SNE

La fédération européenne des éditeurs est très active à Bruxelles mais la rencontre avec les représentants du commissaire Almunia nous a fait prendre conscience de l'étanchéité entre les services dépendant des différents commissaires en charge de la concurrence, de la fiscalité ou du marché intérieur. J'ai pu m'en entretenir hier avec Herman Van Rompuy, sensible à l'enjeu de la diversité, qui a proposé la tenue d'une réunion en septembre inscrivant cette question dans la perspective plus générale de la politique culturelle européenne.

De même, M. Barroso, rencontré par Antoine Gallimard il y a un an, avait considéré que le livre était un bien culturel et non un service comme un autre. Nous lui avions aussi fait part de notre inquiétude face à la multiplication des exceptions au droit d'auteur. L'intérêt qu'il avait manifesté n'a malheureusement pas eu de suites.

Debut de section - Permalien
Christine de Mazières, déléguée générale du SNE

Onze pays disposent d'un prix unique dont trois seulement en matière numérique. La principale conseillère du commissaire Almunia nous a répondu que l'analyse de la loi française de mai 2011 étendant ce principe au numérique, y compris à des acteurs étrangers, relevait du commissaire Barnier, en charge du marché intérieur.

Nous savons toutefois que la visite des enquêteurs de la direction générale de la concurrence peut avoir un impact sur notre législation, notamment compte tenu du lobbying effréné d'Amazon. Nous essayons de faire valoir qu'au-delà de l'aspect strictement concurrentiel, il existe aussi des enjeux en termes de création et d'emploi mais, du fait de la structure compartimentée des services de la Commission, nous sommes inquiets pour la loi sur le prix unique du livre numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Notre commission est très vigilante, la loi votée à l'initiative de Jacques Legendre, lorsqu'il en était président, ayant été complétée par une résolution européenne du Sénat rappelant l'importance de l'exception culturelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il est aussi indispensable d'engager une politique européenne du numérique, secteur dans lequel nous dépendons de quelques géants américains. Ceci est en particulier vrai pour l'info-nuage, c'est-à-dire le dispositif de conservation de nos données, faute de quoi nous deviendrons une colonie du numérique. Avant qu'il ne soit trop tard, l'Europe doit mettre les bouchées doubles !

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Antoine Gallimard, membre du bureau du syndicat national de l'édition (SNE)

Le risque d'hégémonie est réel, Amazon étant aux États-Unis aussi leader non en matière de produits audio ou d'impression à la demande et ayant déjà proposé à nos libraires de diffuser le Kindle. Ils déploient une énergie commerciale considérable pour occuper tout l'espace. Si nous ne sommes pas vigilants, nous serons mangés tout cru ! Internet qui était initialement un espace de liberté a été envahi par la logique marchande, comme en témoigne le caractère commercialisable de données sur Facebook. Notre parade à cela est l'interopérabilité entre les systèmes et le développement d'une offre légale attractive, les ventes de livres numériques devant être multipliées par 12 cette année. Mais sur toutes les questions de standardisation ou de mise en place de dispositifs anti-piratage, les discussions sont au point mort car ces grands opérateurs n'en veulent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Merci de cette alerte. Pour information, la réglementation du site Facebook que les membres doivent accepter est plus longue que la Constitution américaine et toute information leur appartient. Si vous écrivez un petit texte qui plaît à un vendeur de moutarde, il ne pourra en faire usage qu'en payant le site et non pas vous, ce qui méconnaît tout droit d'auteur.

Debut de section - Permalien
Antoine Gallimard, membre du bureau du syndicat national de l'édition (SNE)

Cette situation est pernicieuse... L'Internet, initialement espace de liberté, est devenu un espace marchand.