Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 19 novembre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'article 88-6 de la Constitution dispose que le Sénat peut émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. La commission des affaires européennes a ainsi étudié la proposition de règlement relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte. C'est un texte important, dont notre commission aura à connaître au fond.

La commission des affaires européennes, au vu de l'étude d'impact, estime ne pas disposer de tous les éléments pour apprécier la conformité de cette proposition au principe de subsidiarité. A l'initiative de Michel Billout et d'Aymeri de Montesquiou, elle a adopté le 14 novembre une proposition de résolution portant avis motivé qui constate qu'en l'état, le principe de subsidiarité ne peut pas être considéré comme étant respecté. Compte tenu de notre ordre du jour, nous ne serons pas en mesure de rapporter sur ce texte avant le 26 novembre, date de la fin de la procédure. Toutefois, en l'absence de rapport, la commission des finances est présumée avoir adopté la résolution sans modification. En accord avec le rapporteur général, je souhaitais vous informer de l'adoption de cette proposition de résolution et vous propose de soutenir la démarche engagée par Michel Billout et Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous sommes d'accord.

Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de Mme Michèle André, vice-présidente -

La commission procède à l'examen du rapport de M. Edmond Hervé, rapporteur spécial, sur la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

La justice est une priorité gouvernementale : hors fonds de concours, son budget s'élève à 7,8 milliards d'euros, en hausse de 1,7 % ; 555 postes sont créés. Il s'inscrit dans le prolongement du budget 2013, qui était en hausse de 4,2 % et créait 480 emplois. La hausse est sensible pour certains chapitres, comme la formation professionnelle, dont les crédits augmentent de 47 %.

Dans le programme « Justice judiciaire », si l'on tient compte des réaffectations, ce sont 63 nouveaux postes de magistrats qui sont créés, avec 358 entrées pour 295 sorties, dans la continuité avec 2013 où 142 postes ont été créés, et en rupture avec la période 2010-2012 durant laquelle on n'avait compté aucune création. L'effectif théorique des magistrats est de 7 829, mais l'effectif réel de 7 489, car 4,5 % des postes sont vacants. Inversement, à la Cour de cassation, l'effectif théorique est de 220, l'effectif réel de 281. En effet, la Cour de cassation ne dispose pas de schéma d'emplois et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) bénéficie d'une liberté de nomination.

Le ratio de un pour un entre magistrats et greffiers n'est pas atteint mais s'établit tout de même à 0,99 grâce à la transformation d'emplois de catégories C en B. Actuellement 1 082 greffiers sont en formation, ils seront opérationnels l'an prochain. Je souhaite que leur indice soit réformé et leur fonction revalorisée : pourquoi ne pas leur confier certains actes, gracieux par exemple et non contentieux.

Nous avions demandé un rapport à la Cour des comptes sur les frais de justice. Une économie substantielle est attendue grâce à des mesures de réorganisation et au développement de la rémunération forfaitaire plutôt qu'à l'acte. En outre, en 2014 sera mise en place une plateforme nationale d'interceptions judiciaires. En effet, les missions d'écoute et de surveillance, pourtant régaliennes, sont largement confiées à des entreprises privées ; il faudra que les ordonnateurs publics d'écoute la sollicitent de manière prioritaire.

Dans le cadre du programme « Administration pénitentiaire », 490 personnes seront recrutées principalement pour lutter contre la récidive, soit 400 créations de postes, et 90 recrutements compensant les départs à la retraite, pour renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Au 1er juillet 2013, nous comptions 68 569 personnes écrouées, pour 57 238 places de prison, auxquelles s'ajoutent 200 000 personnes en milieu ouvert. La garde des Sceaux a fixé un objectif de 63 500 places de prison à l'horizon 2019. Elle a décidé de poursuivre les partenariats public-privé (PPP) déjà engagés mais de suspendre tout autre projet. Les PPP concernent 53 établissements pénitentiaires et 49 % de la population pénale. Ces décisions s'inscrivent dans une nouvelle réflexion sur les modalités d'exécution de la peine. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a ainsi préféré la notion de « parcours d'exécution de la peine » à celle de « projet d'exécution de la peine ». Comme le préconisent Jean-René Lecerf ou le député Dominique Raimbourg dans leurs rapports, il faut réfléchir aux peines alternatives à l'emprisonnement. De plus, la prison ne doit pas se limiter à une période d'emprisonnement mais doit préparer la réinsertion. Dans le temps carcéral, l'école a sa place, le travail également.

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » comporte la création de 78 emplois, ce qui n'efface pas les conséquences de la suppression de 632 emplois entre 2008 et 2012 due à la révision générale des politiques publiques (RGPP). En 2013, un effort important a été réalisé pour limiter les retards de paiement aux associations de secteur réhabilité, naguère importants mais qui s'établiraient désormais à un mois. Ces associations ont du mal à financer leurs investissements et se trouvent fragilisées dans leur fonctionnement quotidien. En outre, si l'on associe naturellement la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les conseils généraux, il ne faut pas oublier les liens avec la région, interlocuteur pour la formation professionnelle, ou avec les services déconcentrés de l'État à ce niveau, tels les rectorats ou les agences régionales de santé (ARS). Enfin quatre centres de placement ouverts seront créés en 2014.

Le programme « Accès au droit et à la justice » concerne essentiellement l'aide juridictionnelle qui représente 347 millions d'euros sur les 369 millions d'euros du programme. Le budget prévoit la suppression de la contribution de 35 euros pour l'aide juridique, dont le produit s'élevait à 60 millions d'euros ; en contrepartie, le Gouvernement augmente l'enveloppe budgétaire de 30 millions et prévoit des mesures d'économies équivalentes. En 2007, Roland du Luart a présenté un rapport d'information sur la réforme de l'aide juridictionnelle : ses réflexions gardent toute leur actualité. La garde des Sceaux réfléchit à un nouveau mode de financement de l'aide.

Deux articles sont rattachés à cette mission. L'article 69 supprime la contribution pour l'aide juridique ; revalorise l'unité de valeur de référence pour le calcul de la rétribution des avocats à l'aide juridictionnelle ; et instaure un barème unique à l'ensemble des barreaux pour fixer cette rétribution. L'article 69 bis reporte d'un an, au 1er janvier 2015, la collégialité de l'instruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cette unification du barème doit être bien accueillie par certains ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Les pratiques étaient très différentes d'un barreau à l'autre. Roland du Luart préconisait de faire contribuer tous les avocats au nom de la solidarité. A Rennes, un système de ce type existe déjà, au nom de la solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je remercie le rapporteur pour sa présentation synthétique. Je me réjouis que ce budget permette d'améliorer la qualité du service rendu par la justice et de créer des emplois.

La parité doit être recherchée dans tous les domaines. Or, 80 % des élèves de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) sont des femmes. De plus les profils des élèves sont sociologiquement marqués. Quelles solutions proposées-vous ?

Je partage votre analyse concernant les frais de justice. Que pensez-vous des PPP, très utilisés ces dernières années ? Ils contribuent à l'affaiblissement du principe de l'annualité budgétaire et du pouvoir de contrôle parlementaire. Je salue le rattrapage à destination des associations habilitées en matière de protection judiciaire de la jeunesse. Enfin comment renforcer les liens entre la protection judiciaire de la jeunesse et l'échelon régional, tant avec les services de la région que ceux déconcentrés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Sur la parité, peut-être devrions-nous solliciter le doyen de la faculté de droit de Brest qui a su la faire progresser. Il est essentiel que les jurys de l'ENM soient composés de personnalités aux profils divers. Avoir servi la loi et la République comme haut magistrat n'est pas une condition pour être membre du jury. Les candidats n'ont pas quinze ans d'expérience à la Cour de cassation... Je ne me prononcerai pas sur d'éventuels quotas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Notre commission est très sensible à la parité : nous y avons veillé dans les nominations aux plus hautes instances, comme au Haut conseil des finances publiques (HCFP).

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Il ne faut pas oublier à cet égard le secteur de la santé.

Je suis heureux que le décret du 26 août 2013 donne une définition large des frais de justice. Leur hausse est due en partie à la multiplication des normes. Il ne faudrait pas en diminuant ce poste de dépenses porter atteinte à l'indépendance des magistrats ni à l'égalité de tous devant la loi, car tous les justiciables n'ont pas les moyens de faire réaliser à leurs frais des expertises. Depuis quelques années le ministère cherche à rationaliser les procédures. Je salue ces efforts.

Je n'ai pas d'hostilité de principe aux PPP. L'important est que le ministère garde un pouvoir de contrôle et d'expertise. A cet égard, il importe de renforcer la continuité aux postes de direction de ce ministère car, en moyenne, les directeurs d'administration centrale changent tous les deux ans : comment faire un bon travail si l'on n'est que de passage ?

La région, compétente en matière de formation professionnelle, est l'interlocuteur de la protection judiciaire de la jeunesse dont le travail consiste à favoriser la réinsertion des personnes placées sous sa responsabilité. Il en va de même pour les questions de santé, avec les ARS, ou pour l'école, avec les rectorats. Cette collaboration constitue une application du principe de transversalité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

La Cour de cassation a apporté des restrictions à la géolocalisation par GPS des téléphones portables et des véhicules lors des enquêtes préliminaires. Cette décision, juridiquement impeccable, est inquiétante : avec l'évolution des progrès technologiques, les malfaiteurs ont toujours un temps d'avance par rapport aux forces de l'ordre. Mme Taubira présentera-t-elle bientôt une loi à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Dans quelle mesure les frais de justice sont-ils sous-estimés ? Les crédits de 457 millions permettront-ils ils de rattraper le retard ? En outre, beaucoup de greffiers partiront en retraite. Pourquoi ne pas inciter certains agents de l'État à suivre une formation pour exercer cette mission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Le président du Sénat nous a recommandé de visiter les prisons de nos circonscriptions. J'ai visité la maison d'arrêt de Montauban, prison exemplaire qui a été entièrement rénovée grâce à 17 millions d'euros de travaux : des douches et des toilettes ont été installées dans toutes les cellules ; l'établissement est doté d'une salle de gymnastique et d'un pôle médical. Les surveillants sont satisfaits, les relations avec les détenus se sont apaisées.

Les dispositions relatives aux fouilles lors des visites aux détenus ont été adoucies. Les gardiens parlent de « relâchement », craignent que ces mesures ne facilitent l'introduction d'objets dangereux. Avez-vous été alerté sur cette question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

A Compiègne un surveillant de la maison d'arrêt a été appréhendé pour avoir participé à des trafics. Une procédure pénale est en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

7 milliards d'euros pour ne condamner personne, n'est-ce pas excessif ? Il s'agit de savoir si la justice a vocation à condamner les coupables ou non. Mme Taubira souhaite développer les peines de substitution à la prison. Pourquoi pas ? Les délinquants sont des jeunes qui n'ont pas reçu de formation. Sans doute la prison n'est-elle pas toujours une bonne solution, mais encore faudrait-il, du moins, encadrer les délinquants pour les contraindre à suivre une formation ou accomplir des travaux d'intérêt général (TIG) afin de faciliter leur réinsertion.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parité est une affaire complexe. Souvent les métiers à prédominance féminine sont dévalorisés ; l'arrivée des femmes, qui ne constitue pourtant qu'un rééquilibrage, est perçue avec inquiétude. Avec Jean Germain ou François Marc, nous pourrions réfléchir à instaurer des quotas...

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

C'est une bonne idée !

Le transfert aux surveillants pénitentiaires de l'extraction judiciaire, réalisée par les policiers et les gendarmes, pourrait être repoussé jusqu'en 2018. Ce délai sera-t-il suffisant ? Enfin, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a émis des réserves sur les centres éducatifs fermés (CEF) : les résultats obtenus avec ces centres sont-ils à la hauteur des ambitions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La réforme du financement de l'aide juridictionnelle a provoqué une levée de boucliers, au point que la ministre a reporté la réforme au 1er janvier 2015, par amendement à l'Assemblée nationale. Les réactions sont-elles un réflexe catégoriel ?

L'uniformisation du barème est sans doute une mesure d'équité, mais dans certains départements, comme la Seine-Saint-Denis, l'aide juridictionnelle est importante et certains avocats risquent de se retrouver en difficulté. La réforme sera-t-elle aménagée, ou est-ce un report pour mieux sauter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Le nombre des prévenus placés en détention, qui était en baisse depuis 2007, est en hausse depuis 2011 et fait un bond en 2013. Comment expliquer cette inversion de la courbe ? J'ajoute que la sur-occupation carcérale touche surtout les maisons d'arrêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Quels sont les moyens consacrés à la prise en charge des mineurs étrangers isolés ? En outre, le projet visant à solliciter des retraités de la fonction publique, notamment d'anciens surveillants de prison, pour participer au suivi de certaines peines, comme la surveillance sous bracelet électronique, est-il toujours d'actualité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le ministère de la justice s'efforce de répartir les mineurs étrangers isolés dans tous les départements pour favoriser leur suivi par les services de l'aide à l'enfance des conseils généraux. Or le flux ne cesse d'augmenter. Il s'agit d'une forme d'immigration clandestine et de contournement de la procédure de demande d'asile. Elle pèse sur les budgets des départements. Dans un souci de rationalisation, il serait souhaitable que l'État reprenne cette compétence. Quand les lieux de détention sont saturés, on libère des détenus. S'il s'agit de mineurs, l'ordonnance de 1945 prévoit qu'ils sont confiés à la protection judiciaire de la jeunesse ou, si celle-ci manque de moyens, aux services d'aide à l'enfance du conseil général. Cela est contestable... Enfin l'uniformisation du barème de l'aide juridictionnelle concernera-t-elle aussi d'autres professions que les avocats ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

J'ai été étonné du nombre d'entreprises privées réalisant des missions de surveillance électronique, souvent dirigées par d'anciens gendarmes ou policiers. La mise en place d'une plateforme nationale d'interception judiciaire constitue une avancée. Il faut que les officiers de police judiciaire (OPJ) la saisissent. Il faudra veiller à l'accompagner d'un code éthique et déontologique rigoureux car les recherches électroniques peuvent être archivées pendant très longtemps. Comme le disait Rousseau, « si les hommes étaient des dieux, il n'y aurait pas besoin de loi » ...

Les frais de justice sont en baisse de 3, 8 % par rapport à l'an passé. L'inflation législative a provoqué leur hausse, en exigeant toujours davantage d'expertises médicales ou technologiques de plus en plus sophistiquées. De plus les tarifs des laboratoires étaient très différents selon les endroits. Le ministère a pris des mesures correctives : diminution du nombre de mémoires, décentralisation au niveau des cours d'appel, désignation de référents, développement des rémunérations forfaitaires pour les expertises.

Les OPJ doivent peser le bien-fondé de leurs demandes. Mais nous touchons là à l'indépendance de la magistrature : ce n'est pas aux parlementaires, ni à aucune autre autorité, d'encadrer ces décisions.

S'agissant des greffiers...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Allons-nous rattraper notre retard sur les frais de justice ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Oui, le ministère compte sur une bonne gestion de la procédure. Mais il peut y avoir des imprévus : voyez l'affaire du petit Grégory, dans laquelle des expertises techniques très sophistiquées ont été demandées vingt-cinq ans après les faits. Dans ce type d'affaire très médiatisée, les magistrats ne peuvent s'opposer au recours aux expertises les plus modernes.

Je ne suis pas un spécialiste des fouilles corporelles - sujet très sensible -, mais je reste convaincu que le recours à ces pratiques peut diminuer. D'autres techniques existent, tout dépend de nous puisque c'est une question de budget.

Notre pays compte 270 000 personnes condamnées pénalement, dont près de 70 000 en prison. Une bonne justice exige de bonnes lois - les magistrats appliquent la loi... Elle exige aussi un budget suffisant, et une certaine culture judiciaire. La justice pénale a pour fonction de sanctionner, de réhabiliter, de réinsérer. Elle fait oeuvre de régulation sociale. Pour ces raisons, le service public de la justice doit être défendu. L'État français s'est construit à coups d'épée et par les alliances certes, mais aussi grâce à un système judiciaire qui reste le fondement de notre cohésion nationale.

L'extraction judiciaire ne concerne que le passage de la prison au tribunal. La mise en oeuvre de la dernière réforme, qui consistait à autoriser le personnel pénitentiaire à exécuter cette procédure, semble bloquée. Dans ma région par exemple, le responsable de la nouvelle prison n'était pas même au courant de ce mécanisme. Or l'extraction judiciaire n'est pas qu'affaire d'effectifs : il faut des compétences, notamment celle du maniement des armes - ce que confirment certains incidents récents. Plutôt que de soumettre l'application de cette réforme à un délai rapproché, je plaide pour le pragmatisme et l'adaptation aux compétences des personnes en place.

Le budget pour 2014 finance quatre nouveaux centres d'hébergement collectif. Ces dernières années, nous avons mis l'accent de manière excessive sur les CEF, qui relèvent de l'utopie sécuritaire dans laquelle vit notre pays. Celle-ci est néfaste au bon fonctionnement de la justice et du droit. Les CEF ne sont qu'un maillon de la chaîne : en 2012, on comptait 1 528 mineurs en CEF, et 4 180 en hébergement traditionnel - dont font partie les 432 familles d'accueil. Je regrette la diminution des effectifs d'encadrement de ces centres, qui passent de 27 à 24 personnes, alors que le ratio est en principe d'un encadré pour deux encadrants.

L'aide juridictionnelle est un sujet sensible. Son financement peut théoriquement provenir du budget de la nation, des assurances de protection juridique, mais elles ne couvrent pas le champ pénal, ou de la solidarité des professionnels du droit - j'ignore à ce propos si l'expertise comptable en fait partie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est une profession du chiffre plus que du droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

La garde des Sceaux réfléchit à la question. Les avocats ne veulent participer que si les notaires participent également. Mais la participation solidaire de tous les avocats pose problème, et tous ne tiennent pas de comptabilité au jour le jour de leur activité. Le rapport de Roland du Luart garde toute son actualité sur ce sujet.

Monsieur Bourdin, il n'y a pas d'explication simple à la hausse du nombre de détenus. La question est plutôt de savoir pourquoi ces peines ont été prononcées. Une anecdote : j'avais souhaité, dans des fonctions antérieures, multiplier les postes de TIG. Constatant que ces postes n'étaient guère pourvus, je me suis résolu à aller présenter au procureur l'offre de postes que nous avions conçue. La situation a ensuite évolué.

La situation des mineurs isolés est on ne peut plus sensible. On estime leur nombre dans une fourchette de 6 000 à 9 000 par an sur notre territoire. Nous n'en accueillons officiellement qu'environ 3 500. La récente circulaire a constitué une avancée.

Debut de section - PermalienPhoto de Edmond Hervé

Le Gouvernement s'est engagé à prendre en charge les cinq premiers jours d'hébergement. La commission nationale de répartition est une autre initiative opportune : les filières organisant l'immigration de ces mineurs profitent des efforts déployés par certains départements, si bien que ces derniers subissent une charge accrue. J'estime que l'État est engagé dans un devoir de solidarité. Six départements contestent désormais l'accord signé entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et le Gouvernement. La proposition de loi déposée par Jean Arthuis offrira au Parlement l'occasion d'examiner cette question en détail.

Nous devons favoriser les alternatives au bracelet électronique. Sa création partait d'une bonne intention. Mais il pénalise les personnes les plus pauvres, puisqu'il ne sert à rien pour celles sans logement ni lieu d'accueil. De plus, il doit être toléré par la famille de celui qui le porte. Il faudrait interroger d'anciens porteurs de bracelets pour évaluer son impact. Le vrai problème réside dans l'accompagnement social. Lorsqu'un jeune entre en prison, la première chose à faire est de prévenir la mission locale, pour qu'il soit pris en charge. Enfin, s'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, pour que celle-ci puisse avoir un plan de formation professionnelle, de scolarisation ainsi qu'un plan santé, elle doit être en dialogue avec la région, car ce plan s'élabore dans la négociation et la transversalité.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Justice ».

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 69, ainsi que de l'article 69 bis.

La commission procède ensuite l'examen du rapport de M. François Patriat, rapporteur spécial, sur les programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi » (et articles 77, 78 et 79) et le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage », et du rapport de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur les programmes 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » de la mission « Travail et emploi ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Pour 2014, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'établissent à 11,14 milliards d'euros, en augmentation de 8 %. Avec les missions « Enseignement scolaire » et « Solidarité, insertion et égalité des chances », cette mission est celle dont les crédits augmentent le plus, ce qui témoigne de la priorité donnée à la politique de 1'emploi et à la lutte contre le chômage, conformément au titre donné au projet de loi de finances pour 2014 : « Cap sur la croissance et l'emploi ».

Les moyens dédiés à l'accès et au retour à l'emploi sont tout particulièrement renforcés pour assurer la montée en charge des grandes priorités du Gouvernement. Les crédits augmentent en effet de 1,5 milliard d'euros, soit plus de 26 %, ce qui représente un effort sans précédent depuis 2008.

Les priorités du Gouvernement sont les suivantes : poursuite de la montée en charge en année pleine des emplois d'avenir ; maintien du même niveau de contrats aidés dans le secteur non marchand et allongement de leur durée ; renforcement des moyens humains et financiers de Pôle emploi par le recrutement supplémentaire de 2 000 CDI ; création du dispositif « garantie jeunes » destiné aux jeunes de 18 à 25 ans révolus en situation de grande précarité ; enfin, mise en oeuvre du contrat de génération.

Des modifications opportunes ont été votées par les députés : l'abondement de 15 millions d'euros en faveur des structures d'insertion par l'activité économique, de 10 millions d'euros pour les missions locales et de 10 autres millions d'euros pour les maisons de l'emploi. A quoi s'ajoute la refonte complète du circuit de financement de la nouvelle prime d'apprentissage.

Ce projet de loi modifie en profondeur les conditions de financement des aides à l'apprentissage : il remplace l'indemnité compensatrice de formation par une prime d'apprentissage ; il transfère 901 millions d'euros de ressources budgétaires anciennement constituées par la dotation générale de décentralisation (DGD) sur une recette affectée d'une partie du produit de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) ; il transfère enfin vers le compte spécial « Apprentissage » une partie de la dotation au titre de la compensation des compétences transférées en matière d'apprentissage.

Ce schéma complexe a pour conséquence de débudgétiser en partie la DGD, réduisant ainsi le montant global des fonds affectés aux régions. Ce n'est pas complètement satisfaisant même si l'Assemblée nationale a apporté des modifications destinées à sécuriser et pérenniser le dispositif. J'estime que la politique de soutien à l'apprentissage est un levier essentiel pour encourager la formation des jeunes et leur accès à remploi. C'est pourquoi je regrette la décision de supprimer l'indemnité compensatrice forfaitaire, c'est-à-dire les primes aux employeurs d'apprentis, des entreprises de plus de 11 salariés, En outre, à 1 000 euros, les primes proposées sont inférieures aux montants alloués par les régions, qui s'établissent à 1 500 euros. Le ciblage proposé par l'article 77 est trop restrictif, c'est pourquoi je présenterai un amendement visant à en élargir le périmètre aux entreprises de moins de 20 salariés.

Je propose l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale tels qu'ils ont été modifiés par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

J'ai été le seul rapporteur spécial de cette mission pendant sept ans, et je le suis avec François Patriat depuis deux ans. En neuf ans, rien n'a changé. Quels que soient les gouvernements, les ministres de l'éducation nationale et de l'emploi, ce sont les mêmes propositions vaines, les mêmes dépenses inutiles, la même absence de formation. La vraie question à laquelle doit répondre cette mission demeure celle-ci : comment créer des emplois et faire baisser le chômage ?

La vérité, c'est que ce sont les entrepreneurs qui créent des emplois, mais qu'ils ne peuvent embaucher car ils sont accablés d'impôts et de contraintes réglementaires. Le Gouvernement, lui, considère que le chômage se réglera en continuant à payer les chômeurs et en recrutant des fonctionnaires - ce qui alourdira encore le poids de notre dette.

Or les entreprises n'embauchent que s'il y a du travail à fournir, donc si elles sont compétitives. Plutôt que de les matraquer d'impôts, on ferait mieux de les aider par des prêts à la modernisation et au développement de matériels et de technologies nouvelles.

En réalité, les dépenses en faveur de l'emploi ne sont pas de 12 ou 13 milliards d'euros par an, mais de 34 milliards d'euros, dont 20 partent en fumée dans le financement des allègements de charges aux entreprises à cause des 35 heures. Il y aurait en outre de nombreuses lignes de dépenses fiscales à supprimer. Pourquoi maintenir le taux réduit de TVA sur la restauration, qui nous coûte 3 milliards d'euros ? Et les 2,2 milliards d'euros de prime pour l'emploi, dispositif complètement stupide, qui ne sert à rien ?

On se trompe d'organisation pour développer l'emploi. Pôle emploi est un organisme qui ne sert qu'à trouver du travail aux chômeurs, c'est-à-dire à ceux qui ont déjà travaillé. Il n'aide aucunement les jeunes, peu ou non qualifiés, qui n'ont pas encore travaillé et n'ont guère accès à la formation. Ce sont les missions locales qui s'en chargent mais elles ont trop peu de crédits : 10 millions d'euros de plus, quand il en faudrait 30 ou 40... Doter Pôle emploi de 1,5 milliard d'euros est peut-être une bonne idée, mais cela ne résorbera nullement le chômage. Il faut lutter contre le chômage des jeunes. Les délinquants dont nous parlions tout à l'heure ne sont jamais que des jeunes que l'éducation nationale n'a pas correctement formés. Nous pourrions utiliser ces crédits autrement.

Ce qui bloque les embauches, c'est la rigidité de l'emploi. Dissuader les entreprises de licencier et de recruter en période d'incertitude n'est pas une bonne idée, et les emplois aidés n'aident pas davantage si les carnets de commandes sont vides. Nous créerions de nombreux emplois immédiatement si nous donnions aux entreprises la possibilité de licencier. Il faut arrêter de croire que le CDI sert à empêcher les méchants entrepreneurs de licencier leur gentil personnel. Je veux rappeler que les chefs d'entreprise ne cherchent qu'à produire, développer, vendre, innover, donc à embaucher.

Il faudrait mettre en place des contrats de projets, qui permettent d'embaucher pendant la durée de ceux-ci, et de licencier à son achèvement si l'activité n'est pas au rendez-vous. C'est ainsi que d'autres pays ont sauvé leur industrie automobile. En France, dès que Peugeot veut supprimer des postes, c'est la révolution. J'ajoute qu'introduire de la flexibilité ne coûte rien.

Nous pourrions également faire passer les seuils sociaux de 10 à 15 salariés pour les artisans et de 50 à 75 pour les PME : les embauches seraient immédiates. Vous seriez surpris du nombre d'entreprises qui maintiennent leurs effectifs à 49 salariés à cause de ces seuils.

En tant que président de la mission locale de Corbeil-Essonnes, je connais les difficultés de formation des jeunes. Il faudrait davantage de moyens pour les missions locales, afin qu'elles soutiennent l'apprentissage. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche, mais de bon sens et d'économie.

Je suggèrerais cinq amendements, à titre personnel, qui visent à augmenter le budget des missions locales, à supprimer les contraintes pesant sur les CDD et les contrats d'intérim, à créer des contrats de projet, et à augmenter le niveau des seuils sociaux. Ces mesures ne coûteraient rien à l'État, favoriseraient l'embauche et réduiraient le chômage de manière plus efficace que tout ce que contient ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

L'amendement que je propose à l'article 77 fait passer le plafond du bénéfice de la prime d'apprentissage de 10 à 20 salariés. Les représentants de l'Union professionnelle artisanale m'ont confirmé que de nombreux apprentis travaillent dans des entreprises dont les effectifs sont compris entre 10 et 20. Cette mesure sera peu onéreuse en 2014, mais coûtera davantage en 2015 : il faudra alors revoir son mode de financement pour les années suivantes.

Je recommande l'adoption des articles 78 et 79.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le Gouvernement entend modifier le crédit d'impôt applicable aux employeurs d'apprentis et redéployer le système de la prime d'apprentissage, qui ne demeurerait que pour les entreprises de moins de 10 salariés. Vous nous proposez de porter ce seuil à 20 salariés. Cela tient-il compte des modifications introduites à l'Assemblée nationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Le régime du crédit d'impôt dont vous faites référence est modifié par l'article 23 bis du projet de loi de finances dans le sens d'une restriction de ses conditions d'éligibilité. Ce faisant, il permettra d'engendrer une économie sur cette dépense fiscale. En outre, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements afin de coordonner le dispositif avec celui de l'article 24 quater, qui prévoit une affectation d'une partie du produit de la TICPE au financement de la prime d'apprentissage, de fixer le montant de la compensation versée aux régions par référence au montant des primes versées en 2012, et de clarifier les modalités de versement de la prime d'apprentissage : la région responsable du versement étant celle où est conclu le contrat d'apprenti.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Ce rapport est accablant. La mission participe à l'effort de réduction du déficit public avec la suppression de l'indemnité compensatrice forfaitaire, remplacée par la nouvelle prime d'apprentissage pour une économie escomptée de 450 millions d'euros. Par les temps qui courent, mettre à contribution l'apprentissage n'est pas très sage. Ce rapport est en réalité le jugement des résultats de la politique conduite depuis un peu plus d'un an : ils sont accablants. Il fournit aussi l'occasion de réfléchir sur Pôle emploi et l'employabilité des chômeurs : tout le monde sait qu'un chômeur en déshérence depuis plus de trois mois a les plus grandes difficultés à retrouver un emploi.

Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » progresse, se félicite-t-on. La raison en est pourtant l'augmentation de 170 000 du nombre de chômeurs. Dans cette situation, consacrer 150 millions d'euros à la formation liée aux mutations économiques est proprement ridicule. Le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », qui concerne directement l'employabilité des personnes, baisse de 3,7 à 2,9 milliards d'euros. Bref, ce budget n'est pas intéressant.

L'effort gouvernemental porte sur les 340 000 emplois aidés, soit 1,8 milliard d'euros, et sur les emplois d'avenir, qui passent de 300 millions d'euros à 1,3 milliard d'euros. Or nous sommes déjà les champions des prélèvements obligatoires - qui pèsent 46,5 % du PIB - et des dépenses publiques : sont-ce vraiment les orientations à donner à notre pays ? Nous savons tous que nous atteignons les limites d'un système, et ce rapport préconise de persévérer dans la même direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

L'hypothèse de faire entrer les apprentis dans le calcul des effectifs des entreprises est actuellement considérée : ce serait une incitation à ne surtout pas en embaucher, afin de ne pas dépasser les seuils sociaux !

Un important producteur automobile dont l'État est actionnaire envisagerait de conserver son fournisseur américain et non le français, sur des produits comparables. Contrairement aux Américains et aux Allemands, nous ne savons pas recourir à la préférence nationale. L'État actionnaire pourrait donner des orientations aux entreprises dont il détient une partie du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les États-Unis sont plus libres que nous car ils n'appartiennent pas à l'Union européenne...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Je serai moins sévère que Francis Delattre : les années passées ont fourni maintes occasions de proposer des réformes. Or les choses n'ont pas changé.

Ce budget témoigne au contraire de l'intérêt porté aux jeunes, notamment en matière d'apprentissage. La proposition de François Patriat est tentante, mais ses incidences financières ne sont pas réellement connues. Repousser la limite de 11 salariés aurait un impact budgétaire important. Cela étant, il est vrai que le pacte de compétitivité fixe un objectif de 500 000 apprentis, et que nous ne sommes qu'à 420 000. Soutenir l'apprentissage oui, mais à quel prix ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ce bleu budgétaire est très compliqué. La présentation du programme 412 sur les emplois d'avenir manque d'informations, et aucun accord n'a encore été signé avec les opérateurs, de sorte que nous donnerions un blanc-seing en le votant. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En 2005, l'État a incité les territoires à se doter de maisons de l'emploi et de la formation - avec le concours des régions. Leurs crédits sont désormais drastiquement réduits. Pôle emploi ayant repris l'exclusivité de ses compétences en matière d'accompagnement des publics, elles sont réduites à la réalisation d'études statistiques. Avez-vous pu examiner cette question ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur Delattre, le rapport que je vous présente avec humilité est-il plus accablant que le cynisme de vos propos ? Vous souhaitez des économies - qui n'ont pas été entreprises lorsque vous étiez dans la majorité - mais dénigrez celles que fait le Gouvernement. Lorsqu'il corrige les dispositifs critiqués en régions et dont l'efficacité n'est pas avérée, vous lui reprochez de ne pas s'attaquer aux vrais problèmes.

Il est exact que la politique d'apprentissage n'a pas porté suffisamment de fruits. Il reste que nous sommes à 440 000 apprentis, et que l'on voulait jadis nous faire signer des contrats d'objectifs à 15 000, 20 000 voire 30 000 apprentis. En Bourgogne, nous nous étions engagés sur 12 000 à 13 000, non 15 000 ou 30 000 comme Nadine Morano le souhaitait. Nous en avons 11 000, et les différentes mesures du gouvernement de l'époque - bac professionnel en trois ans par exemple - nous ont fait retomber à 10 000 apprentis.

Aujourd'hui, nous sommes réalistes en envisageant le passage à 500 000 apprentis en 2017. Pour ce faire, nous concentrons les crédits sur l'apprentissage afin de produire un effet de levier et de donner aux jeunes et aux employeurs les moyens dont ils ont besoin.

Votre critique de la réduction de 800 millions d'euros ne tient pas : le transfert de la DGD de 1,4 milliard d'euros est compensé par des crédits supplémentaires notamment par le financement des contrats de génération. Pensez-vous sérieusement que les difficultés du marché de l'emploi sont dues aux seules mesures prises par le gouvernement actuel ? Aucune entreprise ne le dit. J'ai reçu hier les dirigeants d'une entreprise d'élevage de volaille, qui craignent la suppression de 1 000 emplois avant Noël. Nous avons pris contact avec le comité interministériel de restructuration industrielle. Mais à aucun moment ils n'ont accusé le Gouvernement, au contraire : le crédit d'impôt compétitivité emploi leur a permis de récupérer 740 000 euros. Affirmer que les 170 000 chômeurs supplémentaires sont imputables à la politique du gouvernement est un jugement péremptoire et réducteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je n'ai pas dit cela. Les emplois d'avenir permettent de remettre les jeunes dans le monde du travail et de les sortir de la galère. Le contrat de génération, quant à lui, est une opportunité que nous devons saisir.

Marie-Hélène Des Esgaulx, je n'ai pas aujourd'hui, par définition, la convention entre l'État et la Caisse des dépôts sur le financement des investissements d'avenir, mais il est prévu que le Gouvernement en communique le moment venu le détail à la commission.

Les maisons de l'emploi connaissent toutes des difficultés, car après avoir été portées aux nues, elles ont connu une autre fortune sous d'autres gouvernements. J'en connais qui fonctionnent très bien, quand elles sont dans leur mission et sur le terrain et agissent en synergie avec Pôle emploi. Les collectivités locales, sollicitées pour les accompagner, le font le mieux possible. D'autres ont voulu créer de l'emploi sur l'emploi et connaissent des difficultés : je ne vois pas comment les accompagner.

L'indemnité compensatrice forfaitaire coûtait 550 millions d'euros. Compte tenu du nombre d'apprentis que les entreprises employant entre onze et vingt salariés peuvent embaucher, le coût de mon amendement serait de quelques millions d'euros en 2014, beaucoup plus naturellement en 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Les contrats aidés, les emplois d'avenir, ça n'est pas nouveau. Tous les gouvernements précédents, socialistes ou non, y ont recouru : ça ne sert à rien ! Il s'agit de faire embaucher des gens dont l'entreprise n'a pas besoin, en faisant payer les trois quarts de leur salaire par l'État ! Cela peut fonctionner pour les associations ou les administrations, mais pas pour les emplois marchands. Or ce sont ces derniers qui constituent l'avenir ! Là, les jeunes apprennent quelque chose, au lieu de végéter pendant deux ans dans un emploi administratif inutile, pour finalement se retrouver aussi désoeuvrés qu'avant. Ce sont plusieurs milliards d'euros jetés par la fenêtre !

Beaucoup d'entreprises font face à des difficultés de trésorerie faute de financement bancaire. Des aides destinées à financer des opérations de production seraient plus utiles.

Cette politique dure depuis quinze ou vingt ans. Ce qu'il faut faire, c'est libérer les entreprises, leur permettre d'embaucher et de licencier quand elles en ont besoin, leur permettre d'avoir des apprentis dès 14 ans, alors que de très nombreux jeunes ne se plaisent pas au collège et sont prêts à apprendre un métier.

Les maisons de l'emploi n'ont jamais servi à grand-chose. Le seul outil de formation valable n'est pas à Pôle emploi, mais dans les missions locales !

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Travail et emploi ».

Elle adopte l'amendement présenté par M. François Patriat, rapporteur spécial, et décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 77 du projet de loi de finances pour 2014 ainsi modifié.

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des articles 78 et 79.

Puis la commission procède à l'examen du rapport de MM. Yannick Botrel et Joël Bourdin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (et article 61 bis) et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Présidence de Mme Michèle André, vice-présidente

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est dotée de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,2 milliards en crédits de paiement. Ces montants sont loin de couvrir l'ensemble des crédits consacrés à l'agriculture : ils ne représentent que 20 % de l'ensemble des concours publics annuels à l'agriculture, tandis que l'Union européenne en fournit les deux tiers. La moitié des crédits de la mission est consacrée à des dépenses d'intervention. Un tiers est consacré aux dépenses de personnel et 24 % aux dépenses de fonctionnement.

La mission enregistre une baisse de ses dotations, de 9 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement. Cela peut sembler important, mais ces baisses s'expliquent notamment par l'évolution des cofinancements communautaires, en hausse de 300 millions d'euros en 2014. Pour mémoire, le rapport Guillaume sur les dépenses fiscales et sociales a jugé la quasi-totalité des 37 dépenses fiscales rattachées au ministère de l'agriculture - soit 2,7 milliards d'euros - comme assez ou très efficaces.

Doté de plus de la moitié des crédits de la mission, le programme 154 est le support privilégié de la politique d'intervention du ministère. Ses crédits baissent de 18 % en autorisations d'engagement et de 9 % en crédits de paiement, en raison de l'augmentation des cofinancements communautaires sur la prime à la vache allaitante, l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) ou encore, les aides à l'installation.

La gestion des aléas climatiques, économiques et sanitaires n'est dotée que de 2 % des crédits du programme, ce qui constitue une atteinte au principe de sincérité budgétaire. Une telle sous-budgétisation doit nous inciter à relancer la réflexion sur la couverture des risques agricoles par les mécanismes de marché. Un référé de la Cour des comptes, qui nous a été communiqué le 25 mars dernier, a rappelé l'insuffisance de l'offre en la matière. En dépit de l'obligation imposée par la loi, le Gouvernement n'a toujours pas réfléchi aux conditions de mise en place d'un mécanisme de réassurance publique. Au regard de son coût budgétaire, il faudra cependant l'appréhender prudemment.

Les crédits consacrés à la promotion internationale poursuivent leur baisse : 9,8 millions d'euros en 2013 au lieu de 11 millions en 2012. Avec Joël Bourdin et les rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », Christian Bourquin et André Ferrand, nous avons présenté, en juillet 2013, notre rapport sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires. A cet égard, nous continuons de plaider pour une réforme courageuse de la gouvernance nationale de ce dispositif, au moment où le Gouvernement annonce la mise à l'étude de la création d'une joint venture commune à Ubifrance et Sopexa mais nous resterons vigilants sur l'effort réel de rationalisation qui sera fourni.

Par ailleurs, la réforme des principaux opérateurs du programme conduit à stabiliser le niveau de dépenses. Certaines subventions sont même en légère contraction, comme celles versées à l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) et à l'Agence de services et de paiement (ASP). Mais ces évolutions ne doivent pas se traduire par une détérioration des prestations fournies.

La réduction des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » est limitée à 2 % et n'affecte en rien ses objectifs. Je m'en félicite : la France doit rester à la pointe des exigences en matière de sécurité sanitaire et le Gouvernement doit veiller à conserver des moyens de contrôle adaptés.

J'appelle à voter en faveur des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », ou CAS-DAR.

L'article 61 bis, sur lequel Joël Bourdin et moi partageons la même analyse, est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le Gouvernement tendant à fixer à 20 % le taux maximal d'augmentation du produit de la taxe perçue par la chambre d'agriculture de Guyane, du 1er janvier 2014 au le 31 décembre 2017, par dérogation aux règles applicables aux chambres d'agriculture. Il s'agit de répondre à la situation comptable et financière préoccupante de cet établissement public : son déficit est estimé à 340 000 en 2013 euros et son endettement à environ 1,4 million d'euros. L'augmentation permettra d'ajouter à son budget 97 000 euros par an sur quatre ans, soit 388 000 euros - pour un niveau actuel de recettes de 485 000 euros par an. La somme recueillie sera loin de suffire pour rembourser les dettes : le plan de redressement devra être drastique et suivi rigoureusement par le Préfet de Guyane. Vos rapporteurs spéciaux sont favorables à cette dérogation. Le sauvetage de cet établissement public est nécessaire.

Au total, je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », du CAS-DAR, ainsi que de l'article 61 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Le programme 149, « Forêt » sera doté en 2014 d'un peu moins de 321 millions d'euros en autorisations d'engagement, en hausse de 11 %, et de 338 millions d'euros de crédits de paiement, en hausse de 8 %.

Cette augmentation est liée à la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois (FSPB) et, surtout, à l'accroissement de 31 millions d'euros de la subvention à l'Office national des forêts (ONF). Celui-ci absorbe les deux tiers des crédits du programme. La baisse prévue de la subvention de l'État à l'ONF, en situation financière difficile depuis cinq ans, est donc à nouveau reportée. L'ONF pourrait tirer profit d'une mobilisation de l'ensemble de la filière, amont comme aval, autour d'un objectif de valorisation de la ressource bois. La politique forestière devrait conditionner les soutiens publics - aides budgétaires et mesures fiscales - à une gestion effective des forêts par les propriétaires qui en bénéficient.

Les dépenses fiscales rattachées au programme 149 sont d'au moins 94 millions d'euros, soit environ 30 % des crédits du programme. J'observe que l'article 17 du projet de loi de finances rectificative pour 2013, que nous allons bientôt examiner, prévoit une refonte des dispositifs fiscaux, après la présentation par le Gouvernement du plan national d'action pour l'avenir des industries du bois, le 18 octobre dernier.

Le programme 215, programme support de la mission, se caractérise par la très nette prépondérance des dépenses de personnel, avec 88,6 % de l'ensemble des crédits.

La démarche de suppressions d'emplois est poursuivie par le ministère. Le plafond d'emplois du programme baisse en 2014 de 216 équivalents temps plein travaillé (ETPT), après un recul de 314 ETP en 2013, 381 en 2012 et 375 en 2011.

La concentration des dépenses de personnel de la mission au sein d'un unique programme support n'est pas justifiée. Je préconise une fois encore que, dans le projet de loi de finances pour 2015, les dépenses de personnel soient ventilées entre les différents programmes.

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit CAS-DAR, dont les recettes sont constituées du produit de la taxe sur les chiffres d'affaires des exploitants agricoles. Celui-ci, qui dépend directement de la conjoncture, est en hausse constante depuis 2010 et s'élevait à 116,75 millions d'euros en 2012. Le projet de loi de finances évalue cette recette à 125,5 millions d'euros pour 2014.

Au lieu de baisser la fraction de taxe affectée au CAS-DAR, le Gouvernement a préféré confier à celui-ci de nouvelles missions, comme le financement des missions d'expérimentations de FranceAgriMer. Un choix similaire avait été opéré il y a deux ans, avec le financement des actions de génétique animale.

La multiplication des contrôles et des évaluations est une avancée notable, conforme aux préconisations de la commission. Mais elle est timide et reste insuffisante. La justification des financements doit permettre de vérifier que ceux-ci ne sont pas distribués selon une logique d'abonnement des organisations qui en bénéficient.

Je propose de rejeter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ainsi que ceux du CAS-DAR. En revanche, je propose l'adoption sans modification de l'article 61 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La filière équine, qui ne roule pas sur l'or, subit un vrai choc économique en raison du relèvement du taux de TVA qui lui est applicable. Les négociations qui ont suivi les manifestations prévoient des modalités de compensation de cette perte de ressources. Où en est-on ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Je partage le point de vue des rapporteurs spéciaux sur la dérogation prévue par l'article 61 bis, en faveur de la chambre d'agriculture de Guyane. Je souhaite tout de même apporter une précision sur l'origine de ce manque de recettes : 90 % des terres y appartiennent à l'État et, en l'absence de cadastre, sont souvent « squattées » par des exploitants qui n'acquittent aucune taxe. L'augmentation du produit de la taxe perçue est une solution de facilité : il restera un travail important à faire en matière de cadastre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Les revenus de l'élevage ovin, depuis trente ans, sont toujours en queue de peloton pour le revenu agricole. Or cette filière a une grande importance, tant économique que dans l'entretien des paysages : quand l'élevage ovin disparaît, la prairie est remplacée par une friche. J'aimerais qu'on voie cela de près. En 2009, j'avais déposé et fait voter à l'unanimité des sénateurs, suivis par tous les députés, un amendement prévoyant que les ruminants devaient être essentiellement nourris à l'herbe. C'est ce qui fait la qualité du lait et de la viande ! Sur le plan environnemental en outre, seul le maintien des prairies évite le lessivage des sols. Votée, cette disposition est pourtant restée lettre morte. Pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ce budget est en trompe-l'oeil. Il a l'air équilibré, ne présente à première vue aucune coupe massive. Pourtant, la baisse générale des crédits, forte, fait suite à un recul en 2013. Jusqu'où descendra-t-on ?

On anticipe sur la mise en oeuvre de la nouvelle PAC et sur l'accroissement de certains cofinancements communautaires. Mais je regrette le désengagement de l'État au profit des aides européennes. Je sais qu'un projet de loi d'avenir pour l'agriculture nous sera présenté par le Gouvernement. Il est essentiel que l'État continue à soutenir le secteur de l'agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L'actualité récente a montré la nécessité des contrôles sanitaires : les moyens apportés à ces contrôles sont-ils suffisants pour éviter de nouveaux scandales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je me félicite de l'augmentation des crédits du programme « Forêt ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Les rapporteurs ont-ils pu apprécier combien d'hectares vont devoir être abandonnés par les exploitants du fait que leur pente, supérieure à 15 %, interdit désormais d'y épandre de l'azote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

S'agissant du passage à 20 % du taux de TVA applicable à la filière équine, le Gouvernement a été clair. Il est question de créer un fonds à destination de la filière équine, à hauteur de 20 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Le nouveau fonds s'y ajoutera. Je rappelle l'existence d'autres aides à la filière comme la gratuité des prestations d'étalonnage ou les aides européennes en direction des espèces menacées. Il y a donc convergence de plusieurs aides.

À François Fortassin, j'indique qu'il existe bien une aide au pâturage : c'est l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), qui répond à peu près au problème que vous évoquez.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je comprends que des animaux ne soient pas nourris exclusivement à l'herbe. Mais pas que des ovins ou des bovins, n'en voient jamais le moindre brin ! La télévision montrait hier une ferme de mille vaches, nourries seulement de farine, et sans aucune prairie. Il n'y aurait jamais eu de vache folle si les bêtes avaient été mises dans un pré !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

La volatilité des cours de la nourriture pour animaux met à mal la compétitivité d'un certain nombre d'exploitations. La piste que vous évoquez, intéressante, est manifestement de nature à optimiser l'élevage ovin et bovin. Le ministre de l'agriculture rejoint votre préoccupation et propose un recours à une nourriture plus localisée.

En réponse à Albéric de Montgolfier, je précise que le scandale de la viande de cheval correspondait à une simple escroquerie, mais pas du tout à un problème sanitaire : la viande était saine et avait été contrôlée. En réalité, la baisse de 2 % du programme 206 n'a pas d'impact, car le personnel de contrôle sanitaire, dans les abattoirs en particulier, est maintenu. Les économies proviennent de la baisse, justifiée par les progrès de la prophylaxie, de la fréquence des visites opérées dans les élevages. En aucun cas la vigilance des contrôles sanitaires n'est en diminution. Tout scandale dans ce domaine aurait des conséquences financières considérables. Les pouvoirs publics veillent donc à ce que cela ne se produise pas. Notre système de vigilance sanitaire est un des points forts de la France. Nous avons l'un des meilleurs au monde. Il repose sur trois éléments : des vétérinaires libéraux en élevage, des contrôles de l'État dans les abattoirs et, enfin, des groupements de défense sanitaire. Je remarque que des entreprises chinoises viennent sur nos territoires, en Bretagne en particulier, pour observer nos méthodes de production de la poudre de lait.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Grâce à cela, nos produits jouissent d'une grande confiance dans le monde, et le Gouvernement ne baisse pas la garde.

Marie-Hélène Des Esgaulx a raison de relever la diminution des crédits du programme 154. Certes, la baisse est de 9 % en crédits de paiement. Mais elle résulte d'une optimisation du premier pilier de la PAC : 299 millions d'euros seront ainsi consacrés à des actions jusque-là financées par le budget national : la prime à la vache allaitante, l'ICHN et les aides à l'installation. À structure constante, les sommes sont même en légère progression. Je ne pense pas que l'optimisation des fonds européens et du premier pilier de la PAC soit une mauvaise politique. Les crédits européens consacrés à notre agriculture s'élèvent à plus de 9 milliards d'euros, le budget du ministère à 4,6 milliards d'euros et les dépenses de la mission à 3,2 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Nous avons bien entendu les explications de Georges Patient. En effet, la situation n'est pas normale. En matière de politique forestière, Yann Gaillard est bien placé pour savoir que beaucoup de communes, notamment dans l'Est de la France, tirent des ressources de la forêt - j'en connais peu dans l'Eure... Le fonctionnement de l'ONF et ses rapports avec les communes forestières évoluent, dans le sens d'un meilleur équilibre financier entre celles qui payent la redevance, appuyée sur la coupe et la vente du bois, et les autres. L'ONF sera ainsi comme le jardinier des communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur Adnot, s'agissant de l'interdiction de l'épandage sur les terres dont la pente dépasse 15 %, pensiez-vous à l'azote minéral ou organique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

L'azote tout court ! L'azote organique ne peut être répandu que dans des laps de temps très précis dans l'année. J'invite tous nos collègues à se renseigner : dans leurs départements, combien de milliers d'hectares seront concernés, combien de surfaces abandonnées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Dans la région de Bretagne d'où je viens, les gens sont réactifs sur de tels sujets, or c'est la première fois que j'entends évoquer ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

C'est à vérifier... Les épandages d'azote sont-ils interdits ou doivent-ils respecter certaines conditions ? Il s'agit sans doute de réglementer certains usages préjudiciables à l'environnement ? Je suis surpris que nous n'ayons pas été alertés par les représentants de la profession. Nous connaissons bien le sujet des périodes d'épandages. Dans des régions d'élevage comme la Bretagne, il a été réglé. Les exploitants ont dû créer des ouvrages de stockage et ont parfois obtenu des dérogations. Ces dispositions, qui avaient contrarié certaines habitudes agronomiques, ne font plus débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Dans mon département, ce serait un coup dur !

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 61 bis du projet de loi de finances pour 2014.

La commission procède enfin à l'examen du rapport de MM. Georges Patient et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer » (et article 70), et entend une communication sur leur contrôle budgétaire relatif à l'aide au fret.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je souhaite la bienvenue à Karine Claireaux, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Avec des crédits de paiement en augmentation de 1 %, la mission « Outre-mer » est préservée. Nous nous réjouissons que son caractère prioritaire ait été reconnu.

Les dépenses fiscales représentent le principal outil de l'État pour soutenir les territoires ultramarins. Leur montant devrait être en légère hausse, de 1,9 %, en 2014. Nous regrettons que, pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement n'ait pu chiffrer le montant prévisionnel de la dépense fiscale sur le logement social, particulièrement dynamique.

Les dispositifs de défiscalisation outre-mer font l'objet d'une réforme importante dans le présent projet de loi de finances. Deux crédits d'impôts sont mis en place, l'un pour les investissements productifs, l'autre pour le logement social, dont la finalité est de capter une partie des investissements aujourd'hui défiscalisés et de faire baisser la dépense fiscale. Nous nous étonnons cependant que l'étude d'impact n'ait prévu aucune conséquence financière.

Après cette réforme importante, la défiscalisation devra être stabilisée, dans ses montants - l'aide à l'outre-mer ne doit pas diminuer - et dans ses dispositions juridiques - les investisseurs ont besoin de visibilité.

Le programme 138 « Emploi outre-mer » connaît une stabilisation. C'est là que l'on trouve les crédits correspondant aux exonérations de charges à destination des entreprises ultramarines. La réforme inscrite à l'article 70 devrait permettre une économie de 90 millions d'euros par rapport à l'évolution naturelle de la dépense. Nous regrettons, comme chaque année, que ces crédits soient sous-budgétisés. La dette nette de l'État envers les organismes de sécurité sociale s'élevait, fin 2011, à 22 millions d'euros et fin 2012, à 77 millions d'euros. Nous n'avons pas encore les chiffres de l'exécution 2013, mais il est probable qu'elle sera encore en augmentation. La légère baisse des crédits de paiement en 2014 rendra encore plus difficile la couverture des dépenses et la diminution de la dette de l'État envers les caisses.

S'agissant du service militaire adapté (SMA), l'objectif de 6 000 places de volontaires avait dû, l'an dernier, être décalé à 2016 du fait des évolutions budgétaires des dernières années. La programmation des crédits sur 2013-2015 devrait permettre enfin de tenir l'engagement.

Les autorisations d'engagement du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont en baisse mais les crédits de paiement en hausse.

Je n'ai pas besoin de rappeler l'importance de la « ligne budgétaire unique » (LBU) pour le financement du logement outre-mer, ni l'ampleur des besoins. La construction de plus de 20 000 logements sociaux par an serait nécessaire, d'ici à 2030. Or on construit environ 8 000 logements par an.

Le montant de la LBU est stable en autorisations d'engagement mais connaît une hausse de 8 % en crédits de paiement, après une augmentation de 6 % l'an dernier. Cela n'a cependant pas évité le retour à un niveau important des impayés de l'État vis-à-vis des bailleurs sociaux : la dette de l'État, de 115 millions d'euros en 2006, avait été ramenée à 7 millions d'euros fin 2011. Or elle est remontée à 40 millions d'euros en 2012 et pourrait atteindre 80 millions fin 2013.

Nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Venons-en à l'article rattaché. Les entreprises des départements d'outre-mer bénéficient d'exonérations spécifiques de charges sociales, afin de réduire le coût du travail dans le secteur marchand et de favoriser la création d'emplois. Cette exonération est totale jusqu'à 1,4 Smic, puis progressivement décroissante, selon le type d'entreprises, jusqu'à 4,5 Smic au maximum.

L'article 70 prévoit une diminution des exonérations de charges sur les salaires supérieurs à 1,4 Smic. Selon l'étude d'impact, cette diminution devrait conduire, à partir de 2015, à une économie pour l'État de 108 millions d'euros par an. En 2014, l'économie attendue est estimée à 90 millions d'euros, du fait des exonérations afférentes à l'exercice 2013.

Les économies ultramarines bénéficieront également de la mise en place du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Au total, 320 millions d'euros devraient bénéficier à l'outre-mer. L'effet combiné de la suppression des charges et de la mise en place du CICE réduira le coût du travail pour 80 % des salariés ultramarins ; pour 7 % d'entre eux, la mesure sera neutre. C'est au-dessus de 3 500 euros bruts mensuels que la réduction des exonérations a un impact. Or, à ce niveau, les exonérations de charges sociales jouent un rôle marginal dans la décision d'embauche. Le recentrage des exonérations sur les bas salaires permet donc d'augmenter l'efficience de ce dispositif. C'est pourquoi nous vous proposons de préconiser au Sénat d'adopter cet article sans modification.

J'en viens à notre mission de contrôle relative à l'aide au fret, mise en place en 2009, qui touche à un aspect essentiel des économies ultramarines : les surcoûts de production qu'elles supportent, du fait de leur éloignement géographique et des normes qui s'imposent à elles.

Les contraintes économiques et juridiques limitent l'intégration de ces territoires à leur propre zone régionale. Ainsi, la métropole représente, pour la plupart d'entre eux, une part prépondérante de leurs échanges commerciaux, souvent plus de la moitié. À l'inverse, l'intégration commerciale avec la zone géographique locale est souvent faible, pour des raisons de concurrence et de différence de coût : il est plus difficile de commercer avec des voisins au niveau de vie plus faible. Les trajets entre ces territoires et la métropole sont une source importante de surcoût, évalué à 76 millions d'euros par an. Il peut faire l'objet d'une compensation financière, à travers une aide européenne jusqu'à 50 %, puis à travers l'aide au fret, jusqu'à 75 %.

Or le recours à cette aide a été beaucoup moins important que prévu, sans doute en raison de la complexité administrative des démarches. La Réunion, elle, a mis en place un guichet unique : la demande de subvention est déposée auprès de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qui l'instruit avant de l'adresser au préfet de région pour engagement juridique de paiement. Nous appelons les autorités compétentes à s'inspirer de cet exemple.

Nous nous inquiétons enfin que les crédits inscrits, après avoir été divisés par 4,5 entre 2009 et 2013, puissent se révéler désormais insuffisants : 12 millions d'euros consommés en 2012, mais seulement 6 millions d'euros inscrits en 2013, comme en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

La commission des Affaires sociales est en phase avec ce rapport. Il est difficile d'apprécier la politique de l'État envers l'outre-mer à travers cette seule mission, du fait de la dispersion des crédits entre plusieurs ministères. Difficile de s'assurer que les crédits ne diminuent pas trop... Même si l'outre-mer participe à l'effort national de réduction des dépenses publiques, il est préservé et c'est une grande satisfaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je vais soutenir ce budget. Avec Marie-Noëlle Lienemann, présidente du groupe de travail commun à la commission des affaires économiques et à la délégation à l'outre-mer, et Serge Larcher, co-rapporteur, nous avions beaucoup de craintes sur les modifications qui allaient être proposées sur la défiscalisation, car la situation outre-mer n'est guère brillante. Le crédit d'impôt prévu à l'article 13 risquait de s'appliquer à la totalité de l'activité outre-mer, où la plupart des entreprises sont toutes petites, au risque de poser des problèmes de financement et de trésorerie. Je rappelle que la BPI n'est pas encore implantée outre-mer. Mais l'essentiel a été sauvé et le Gouvernement nous a écoutés. C'est pourquoi je voterai les crédits.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer ».

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 70.

Elle donne acte aux rapporteurs spéciaux de leur communication et en autorise la publication.