La réunion est ouverte à 14h37.
La commission procède tout d'abord à l'audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur l'ordonnance définissant un régime de logement intermédiaire, prise sur le fondement de la loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction.
Nous avons le plaisir de vous recevoir à nouveau, Madame la ministre, pour que vous nous présentiez, avant sa publication, la septième des huit ordonnances prévues par la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction.
Le Gouvernement a travaillé avec diligence, comme il s'y était engagé et comme l'exige l'urgence de la situation du logement en France. Six ordonnances ont déjà été publiées et sont donc entrées en vigueur. L'article 84 du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), qui sera définitivement voté jeudi matin, permettra d'ailleurs de les ratifier en bonne et due forme.
L'ordonnance que vous êtes venue nous présenter, Madame la ministre, conformément à votre engagement, concerne le logement intermédiaire. Selon la loi d'habilitation, elle poursuit un triple objectif : tout d'abord, la création d'un statut du logement intermédiaire permettant aux documents de planification - plan local d'urbanisme (PLU), schéma de cohérence territoriale (SCoT), plan local de l'habitat (PLH) - de fixer des objectifs ou des obligations relatifs à cette catégorie de logements.
Ensuite, elle permettra la création d'un nouveau régime de bail permettant de produire des logements intermédiaires à des prix maîtrisés, tout en s'assurant que l'effort financier consenti par les collectivités ne soit pas détourné par des pratiques spéculatives. Ce nouveau type de bail de long terme reposera sur la dissociation entre le foncier et le bâti des futurs logements intermédiaires, et permettra de concéder les terrains dans des conditions économiques compatibles avec la production de logements intermédiaires.
Enfin, cette ordonnance donnera la possibilité aux organismes de logement social de créer des filiales dédiées à la construction et à l'exploitation de ces logements intermédiaires.
Je vous donne la parole, Madame la ministre, pour que vous nous présentiez cette ordonnance et que vous nous expliquiez en quoi elle répond aux objectifs fixées par l'habilitation législative qui vous a été donnée.
Le Président de la République a annoncé, le 21 mars 2013, le lancement d'un plan ambitieux en faveur du logement, qui comportait vingt mesures visant à accélérer les projets et lever les entraves à la construction de nouveaux logements. En moins de huit mois, huit ordonnances ont été élaborées. Six ordonnances, relatives à l'accélération des procédures d'urbanisme, la création d'un géoportail, la mise en place d'une garantie des opérations d'aménagement par les collectivités territoriales, la lutte contre les recours malveillants, ainsi que des mesures pour favoriser la densification et supprimer la garantie intrinsèque, ont d'ores et déjà été publiées. Les mesures concernant la gestion de trésorerie des entreprises du bâtiment et les délais de paiement, qui devaient faire l'objet de la huitième ordonnance, ont été votées dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation. La septième et dernière ordonnance concerne donc le logement intermédiaire.
Notre stratégie, résolument orientée vers le logement social, vise à la construction de 500 000 logements par an à prix abordable pour les Français. Pour combler le besoin de mixité de l'habitat, tant locatif qu'en accession, nous souhaitons appliquer la règle des trois tiers bâtis : 30 % de logement social, 30 % de logements libres, et 30 % de logement intermédiaire, dont la nécessité dans les zones tendues est criante.
Pour relancer la construction, nous avons commencé par actionner des leviers fiscaux, en proposant des réductions d'impôt ou un taux de TVA réduit à 10 % contre un engagement de location à des loyers intermédiaires. Le développement de logement intermédiaire nécessite maintenant un cadre précis, que cette dernière ordonnance fournit.
Elle est organisée en trois parties. Elle propose tout d'abord une définition du logement intermédiaire. Il s'agit d'un logement en location ou en accession situé en zone tendue, là où il existe un écart de prix significatif entre le parc social et le parc privé. Ces zones ont été précisées dans la loi d'habilitation. Ce logement doit remplir trois critères : bénéficier d'une aide de l'État ou d'une collectivité territoriale, être destiné à la classe moyenne, présenter un loyer plafonné. Cette définition poursuit deux objectifs : d'une part, simplifier le droit existant pour améliorer la lisibilité de la politique du logement, et d'autre part, permettre aux élus de faire référence au logement intermédiaire dans leurs documents de programmation.
Ensuite, cette ordonnance propose la mise en place d'un bail réel immobilier visant à dissocier le bâti du foncier. Le principe est connu : le promoteur conclut un bail avec le propriétaire foncier, par lequel il s'engage à verser une redevance sur une longue durée en contrepartie de l'autorisation de construire des logements à prix abordable sur le terrain. Cette mesure permettra une cession du bail, et donc du bâti, tout en assurant la continuité d'affectation du foncier. Ce nouvel outil pour les collectivités territoriales constituera un changement culturel majeur pour les Français, qui depuis toujours sont propriétaires du foncier autant que du bâti : il s'agit pourtant d'un dispositif déjà largement utilisé outre-Manche.
Enfin, l'ordonnance définit le cadre d'intervention des opérateurs de logement social dans la création de filiales de logement intermédiaire. En effet, les bailleurs sociaux, qui gèrent déjà pour certains un parc de logement intermédiaire, sont aujourd'hui soumis à deux contraintes majeures : le nombre de logements intermédiaires proposé, plafonné à 10 % du parc, et l'absence de recours à des capitaux extérieurs pour financer ces opérations, qui nécessitent donc des fonds propres importants. Nous proposons d'assouplir ces règles, tout en respectant le principe d'étanchéité entre les filiales de logement social et de logement intermédiaire qui prévalait jusqu'alors. Plusieurs contraintes, dont un contrôle de la création des filiales par le ministre chargé du logement ou le préfet de région, ont été instaurées pour garantir l'hermétisme financier entre les deux filiales.
Avec cette dernière ordonnance, c'est donc une véritable boîte à outils que nous avons mis à disposition des élus.
Deux questions techniques : pouvez-vous nous préciser la différence entre le bail emphytéotique, dont on peut d'ailleurs regretter qu'il soit tombé en désuétude, et le bail réel immobilier que vous proposez ? Les bailleurs sociaux qui n'ont pas la trésorerie nécessaire pour développer une filiale de logement intermédiaire pourront-ils en contrepartie apporter une partie du parc ?
Le nouveau bail que nous proposons permet un contrôle de l'usage du foncier dans le temps ; avec les baux emphytéotiques, rien n'empêche le changement d'affectation du terrain après une vente. Par ailleurs, il sera tout à fait possible à un organisme de logement social d'apporter une partie du parc pour soutenir la création d'une filière de logement intermédiaire. Cet équivalent capitalistique pourra au besoin être complété par d'autres investisseurs.
Je vous remercie, Madame la Ministre, de votre présence régulière et fréquente, même si mon groupe est particulièrement rétif à une législation par ordonnance !
Le Président de la République a annoncé une réduction des délais d'instruction des dossiers d'urbanisme et une baisse de 10 % des coûts du logement collectif d'ici cinq ans, notamment grâce à une simplification des normes. C'est un objectif ambitieux, mais qui se heurte à deux contraintes principales : d'abord, nous devons faire face à des difficultés grandissantes d'accession au foncier. Les procédures, déjà longues, sont rendues très complexes et coûteuses par la réglementation sur les fouilles archéologiques, la loi sur l'eau... Il faut absolument faciliter l'accession aux terrains. Par ailleurs, les coûts de construction du logement sont lourds, notamment en raison des normes thermiques ou d'accessibilité, et je doute que cette diminution soit réellement possible. Quelles dispositions ont été envisagées pour atteindre cet objectif, que nous soutenons ?
Depuis 2012, nous avons mis en place des mesures déclinées en trois axes. Les mesures d'urgence ont concerné la cession du foncier public et le relèvement du quota minimal de logement social par commune de 20 à 25 % dans les zones tendues. J'en profite pour vous annoncer que nous signerons prochainement une convention nationale entre la SNCF, Réseau ferré de France (RFF) et l'État pour la cession de terrains « ferroviaires » déjà identifiés.
Nous sommes confrontés à une double contrainte : le prix du foncier, et la rétention foncière qui en découle naturellement. Il reste encore des chantiers à ouvrir à ce sujet, et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) doit ainsi être réactif aux innovations en matière de construction. En Belgique, on construit 50 % moins cher qu'en France, dans un cadre législatif pourtant similaire ! La Fédération française du bâtiment (FFB) n'est donc pas pessimiste sur les possibilités d'atteindre une baisse de 10 %.
Ensuite, nous proposons une réforme structurelle, de régulation et de modernisation : ce sont les propositions contenues dans le projet de loi ALUR, qui sera définitivement adopté jeudi matin par votre Haute Assemblée.
Enfin, nous avons lancé le plan « Objectif 500 000 logements», piloté par Yves Lion, à travers duquel nous travaillons sur tous les éléments qui nous permettront de construire 500 000 logements par an. C'est un chiffre ambitieux, car, au cours des trente dernières années, seulement trois années ont vu la construction de plus de 375 000 logements ! Les conclusions de ce plan, qui traduit concrètement les engagements du Gouvernement, seront remises le 21 février.
J'en profite pour vous annoncer également que nous venons de lancer un grand chantier sur l'accessibilité des logements, sous l'égide du Premier Ministre. Son ampleur nous montre l'importance de dépasser aujourd'hui les scories normatives qui empêchent les projets d'aboutir vite.
Je suis confiante sur notre capacité à atteindre ces objectifs.
Vous êtes très optimiste ! Entre la baisse de 30 % des permis de construire, et la situation financière de plus en plus délicate de nombreux professionnels du bâtiment, il me semble que nous sommes sur la mauvaise pente... Vous dites vouloir vous attaquer au mille-feuille normatif et le simplifier : les maîtres d'oeuvre ont-ils déjà reçu des indications sur les normes qu'il ne sera plus utile d'appliquer ?
Je rappelle d'abord que si le travail de simplification normative avait été engagé il y a dix ans nous n'en serions pas là. Ensuite, un ministre doit nécessairement demander à ce que le cadre juridique en vigueur soit appliqué, c'est une question de principe. Cela dit, il faut simplifier et limiter les empilements de normes générateurs de surcoûts.
Par ailleurs, s'agissant du dossier extrêmement lourd de l'accessibilité des locaux aux handicapés, je souhaite que les bonnes intentions qui se sont manifestées trouvent une traduction dans les faits. Je fais observer que tout le monde a tendance à s'opposer à la multiplication des normes jusqu'à ce que les accidents surviennent, et, à ce moment-là, on regrette que les règles ne soient pas suffisamment appliquées : on le voit bien en matière d'inondations.
S'agissant enfin de la production de logements, une de nos difficultés réside dans le fait qu'elle a été, en grande partie, au cours des années précédentes, stimulée par un dopage financier artificiel : les dispositifs Scellier et de Robien, qui reposent sur des critères beaucoup trop généraux se traduisent encore par un coût de près de deux milliards d'euros pour le budget de l'État. L'extinction de ces dispositifs a des conséquences mécaniques et il faut aujourd'hui recréer de l'appétence pour la construction de logements intermédiaires, non pas pour capturer des avantages fiscaux mais pour loger nos concitoyens.
En revanche, je le souligne devant la ministre, une de nos principales préoccupations est la difficulté d'accession à la propriété pour un grand nombre de primo-accédants, et, dans ce domaine, il n'est pas souhaitable que le budget logement fasse l'objet de restrictions.
En conclusion, il nous faut, à présent, remettre les acteurs en mouvement avec le soutien politique de tous.
Vous avez évoqué un projet de convention avec la SNCF et RFF relatif à des cessions de terrain ferroviaire avec décote : peut-on avoir une idée plus précise du montant de cette décote ?
Elle atteint par exemple 60 % pour des opérations prévues à Toulouse.
Je précise par ailleurs, pour objectiver la situation, que l'année 2013, contrairement aux prévisions très pessimistes effectuées par certains professionnels, n'a pas du tout été un désastre pour la construction de logements, puisqu'on constate une progression de 1,4% des ventes de logements neufs. Par ailleurs, alors que les professionnels craignaient 75 000 pertes d'emplois dans le secteur du bâtiment, le chiffre s'est limité à 23 000, ce qui est, bien entendu, insatisfaisant mais bien loin des annonces catastrophistes.
Le chiffre est bien plus élevé si on prend en compte à la fois le bâtiment et les travaux publics.
Je constate, au final, que 2013 a été une année de résistance, avec 331 000 constructions, soit un chiffre bien supérieur aux estimations qui en prévoyaient moins de 300 000. Nous ferons tout pour que l'année 2014, après le lancement d'un programme contra-cyclique basé sur une augmentation de 14 % d'autorisations de construction de logements sociaux, soit une année de mobilisation. Par ailleurs, et bien entendu, les normes en vigueur, tant qu'elles ne sont pas modifiées doivent être pleinement respectées. J'ajoute que la tâche de l'exécutif se limite à élaborer le cadre réglementaire pour mettre en oeuvre les décisions du législateur : tel est le cas en matière de normes thermiques, d'accessibilité ou de mise en conformité des ascenseurs.
Je saisis l'occasion pour signaler les difficultés de la mise aux normes en matière d'accessibilité des cités universitaires. Quelques assouplissements paraîtraient souhaitables en prenant en compte le pourcentage d'handicapés qui se limite à 3 % parmi les étudiants. Aux Pays-Bas, ce sont les rez-de-chaussée et non pas l'ensemble des locaux qui sont aménagés, ce qui permet de gagner au moins 10 % de surface habitable pour les étudiants.
Par ailleurs, le bail réel immobilier que vous avez évoqué s'apparente-t-il au mécanisme que connaît le droit anglo-saxon ?
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances prévoit que tous les logements étudiants doivent être accessibles à des handicapés. Il ne s'agit pas seulement de garantir l'habitabilité par les handicapés mais aussi la possibilité d'accueillir des visiteurs handicapés dans 100% des logements étudiants, conformément à la disposition votée à l'unanimité par le Parlement en 2005. L'ambition de l'accessibilité est partagée par le Gouvernement, mais le dossier est complexe puisqu'était prévue une date butoir au 1er janvier 2015 sans possibilité de dérogation.
En ce qui concerne la dissociation entre le foncier et le bâti, c'est une notion qui n'est pas très répandue dans notre culture juridique mais qui existe ailleurs en Europe puisque, par exemple, 80 % des logements à Londres sont soumis à ce régime.
Je reviens sur le nombre de logements produits en France. Vous avez indiqué qu'en trente ans, seules trois années ont permis de dépasser le chiffre de 375 000 mises en chantier. Or, je fais observer que le nombre de logements construits en 2008 s'est établi à 467 000, à 330 000 en 2009, à 360 000 en 2010 et à plus de 400 000 en 2011. Par conséquents deux années sur les trois que vous évoquez relèvent du précédent quinquennat.
Il ne s'agit pas de chiffres définitifs. Ces derniers ne sont connus que deux années après et il faut également tenir compte du fait qu'en 2011, le dispositif d'enregistrement a été modifié afin de vérifier qu'il ne s'agit pas de déclarations de mises en chantier mais bien de mises en chantier effectives. Une fois ce correctif appliqué, l'année 2011 correspond à environ 370 000 mises en chantier et non pas à 400 000. Encore faudrait-il rouvrir le débat sur les mécanismes de défiscalisation coûteux pour les finances publiques sous-jacents à ces programmes de construction. En tout état de cause, l'essentiel est de préparer l'avenir à long terme de la construction.
Je vous remercie de la présentation de cette septième ordonnance et de notre échange de vue.
La réunion est levée à 15h25.
La réunion est ouverte à 16 h 05
La commission procède ensuite à l'audition de M. Bruno Lasserre, candidat désigné aux fonctions de président de l'Autorité de la concurrence, en application des dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous devons procéder à l'audition de M. Bruno Lasserre, dont la reconduction aux fonctions de président de l'Autorité de la concurrence est envisagée. Nous voterons après l'avoir entendu, mais nous attendrons, pour dépouiller ce vote, celui de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale qui aura lieu demain.
Monsieur le président, vous êtes, depuis 2004, à la tête de cette institution qui était, jusqu'en janvier 2009, le Conseil de la concurrence et qui est devenue à cette date une autorité administrative indépendante (AAI), fonctionnant avec un budget annuel de 20 millions d'euros et 185 salariés. Quel bilan dressez-vous de votre présidence et quels effets cette évolution statutaire a-t-elle eu sur votre institution ? Pour ma part, la notion d'indépendance d'une autorité administrative ne m'enchante pas... La conjoncture économique n'a-t-elle pas rendu plus difficile l'intervention indépendante de l'Autorité de la concurrence ? Car les pouvoirs publics sont extrêmement sollicités et cela s'accompagne nécessairement de divergences d'appréciation ainsi que d'attentes très fortes.
Dans la pratique, en 2013, l'Autorité de la concurrence a examiné plus de 200 opérations de concentration et a rendu 60 décisions ou avis dans divers secteurs. Comment cette action s'articule-t-elle avec celle des autorités de régulation sectorielles, en particulier la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ? Je me demande, du reste, s'il n'y a pas doublon entre l'Arcep et le CSA...
Je pose la question... Comment envisagez-vous le dosage entre la sanction, la dissuasion et le dialogue avec les opérateurs économiques ?
Enfin, vous pourrez nous présenter les axes prioritaires du travail de l'Autorité pour les cinq prochaines années en précisant, au-delà des secteurs concernés, la philosophie de votre intervention qui prend en compte non seulement l'objectif de concurrence et donc de lutte contre les rentes, mais aussi des préoccupations de solidarité, d'aménagement du territoire et d'indépendance nationale. Enfin, la loi consommation vous a donné de nouvelles missions, vous aurez à les mettre en oeuvre.
Je serai bref sur mon parcours car vous me connaissez. Je suis venu souvent débattre avec votre commission, sur des sujets tels que l'agriculture et la concurrence ou bien le déploiement de la fibre optique dans les collectivités locales. J'ai également rencontré les rapporteurs de textes, ici, au Sénat, notamment M. Martial Bourquin sur la loi sur la consommation. À chaque fois, j'ai pu préciser la philosophie qui préside à l'action de l'Autorité de la concurrence et qui en définit les priorités.
Je suis néanmoins à votre disposition pour vous décrire tout ce que j'ai fait et ce qui me reste à faire, car je viens d'avoir soixante ans et je n'ai pas tout à fait fini ma vie professionnelle ! En tant que président de l'Autorité de la concurrence, je revendique l'indépendance comme une conviction forte. Pour exercer de manière crédible son rôle d'arbitre de l'économie de marché cette institution doit être résolument impartiale, à distance de l'influence des intérêts économiques et des interférences politiques, soucieuse seulement du mérite des arguments juridiques, économiques ou techniques pour prendre ses décisions. L'indépendance a pour corollaire la transparence, ou la nécessité de rendre publique notre action, mais aussi la collégialité qui favorise la diversité des points de vue : quinze des dix-sept membres du collège composant l'Autorité de la concurrence doivent être renouvelés en même temps que son président. Enfin, le bon fonctionnement d'une autorité administrative indépendante tient à sa responsabilité - l'accountability anglaise - c'est-à-dire sa capacité à rendre des comptes, notamment devant vous, qui nous confiez les instruments de notre action.
Dans sa philosophie, l'Autorité de la concurrence se concentre sur le rôle que les acteurs économiques - plutôt que l'État - ont à jouer dans l'économie de marché. La meilleure incitation au progrès est dans la rivalité concurrentielle des acteurs, la concurrence étant, comme dans le sport, un ressort essentiel pour faire mieux, pour innover, pour conquérir de nouveaux clients, pour inventer, bref pour se différencier des autres. Cependant, si la concurrence est bonne, elle n'est pas non plus une divinité devant laquelle nous devrions tous nous prosterner. Pas de religion de la concurrence ! D'autres politiques publiques tout aussi légitimes existent, de solidarité, d'aménagement du territoire ou d'encouragement à l'innovation, qui ont permis la relance de certaines filières, et qui peuvent se concilier avec la concurrence.
La loi sur la modernisation de l'économie (LME) est un exemple de réforme réussie. En transformant le statut de l'Autorité de la concurrence, elle lui a donné l'indépendance nécessaire pour s'exprimer de manière visible et efficace sur un certain nombre de sujets, et elle lui a donné sa place d'institution incontournable dans une économie de marché.
J'en viens au bilan de mon action depuis janvier 2009, lorsque j'avais été auditionné ici... L'une des actions de notre institution est de lutter contre les ententes et les abus de position dominante qui brident l'innovation et endommagent l'économie. Pour prendre des exemples qui vous concernent de près, nous avons récemment mis fin au cartel de la signalisation routière, qui faisait augmenter artificiellement les prix des panneaux et des feux de 20 %. Dans la restauration des monuments historiques, les prix ont baissé de 25 % depuis qu'une entente a été démantelée. La concertation des entreprises avec leurs concurrents pour faire augmenter artificiellement les prix aux dépens des consommateurs et des contribuables est une pratique que nous ne pouvons admettre.
En disposant de peu de moyens humains - 185 salariés seulement - l'Autorité de la concurrence est une des autorités de la concurrence les plus actives en Europe. Elle a ouvert 227 dossiers sur le fondement du droit européen, soit 7 de moins que la Commission européenne, sur la même période. En dix ans, elle a prononcé des sanctions dont le montant se monte à 3,5 milliards d'euros, soit 1,77 milliard entre 2004 et 2009, et 1,74 milliard d'euros entre 2009 et 2014. Cette répartition équitable témoigne d'une constance dans notre vigilance.
Notre efficacité repose à la fois sur un standard exigeant de preuves et sur des sanctions dissuasives lorsque les preuves sont réunies, afin de décourager les entreprises de recommencer. Depuis 2011, au nom de la transparence, nous expliquons le mode de calcul de la sanction, ce qui exige parfois des développements sur des dizaines de pages : cela est nécessaire car nous infligeons des amendes en millions d'euros. Cependant, loin d'être aveuglés par un objectif d'efficacité, nous avons accepté de réévaluer les sanctions de certaines entreprises qui connaissaient des difficultés, allant, le cas échéant, jusqu'à les diminuer de 80 à 90 %. Grâce au rapport de force instauré par ces sanctions, les procédures négociées ont connu un essor sensible. L'Autorité a enregistré 110 demandes de clémence de la part d'entreprises dénonçant elles-mêmes une entente illicite à laquelle elles participaient.
Une autre de nos missions est de statuer sur les fusions et les rachats notifiés. Depuis 2009, elle a traité 900 dossiers, utilisant dans 45 % des cas une procédure simplifiée pour un délai plus rapide, 17 jours ouvrés en moyenne, afin de ne pas retarder les opérations. Seuls 4 % des cas ont fait l'objet de conditions imposées. Aucune concentration notifiée n'a été refusée. L'Autorité de la concurrence s'est montrée réactive et pragmatique, contribuant notamment à consolider les secteurs de l'agro-alimentaire et des transports.
Enfin, nous souhaitons développer une pédagogie de la concurrence, dans un pays où ce type de politique suscite plus de méfiance que d'adhésion. En 2008, la possibilité nous a été donnée de mener à notre propre initiative des enquêtes sectorielles donnant lieu à des préconisations. Nous avons édité un document pédagogique, Cinquante mots pour comprendre la concurrence, où figurent à l'article « enquête sectorielle » des exemples de sujets traités - gares et inter-modalité, contrats d'affiliation dans la grande distribution, publicité en ligne et rôle de Google, offres de convergence dans les télécoms, distribution des médicaments...- la liste est longue et variée. Nous avons aussi contribué à vous éclairer sur des réformes structurelles, comme la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'énergie (Nome) ou la réforme ferroviaire. Nous avons également réalisé un guide pratique de l'étude d'impact afin que l'impact concurrentiel des projets de loi soit anticipé le plus tôt possible dans la prise de décision politique.
Le programme d'action de l'Autorité de la concurrence pour les cinq prochaines années sera discuté et défini avec le collège issu du renouvellement. Cela n'aurait pas de sens de procéder autrement. Je puis tout de même vous indiquer ce qui me paraît le plus important : ouvrir un nouveau cycle, car la réforme de 2008 a jusqu'ici été appliquée dans une conjoncture inattendue, celui de la crise. Nous allons retrouver, je l'espère, le chemin de la croissance et la politique de la concurrence aura son rôle à jouer dans la politique de l'offre destinée à restaurer la compétitivité des entreprises. Nous sommes prêts à explorer tous les gisements de croissance, d'innovation, de création d'emplois, au service de la modernisation de notre économie et de nos entreprises. Il faudra lever les blocages, les protections injustifiées, les rentes qui subsistent, pour libérer et dynamiser notre économie. Il faudra également investir les champs largement inexplorés de la régulation - l'internet notamment ou les plateformes électroniques - qui bouleversent nos habitudes et notre environnement, et qui créent des pouvoirs de marché sans égal. Si nous restreignons la régulation concurrentielle aux acteurs établis, sans affronter la question de son application aux géants de l'internet, nous manquerions l'objectif. Nous avons été les premiers à enquêter sur Google, à lui imposer de modifier sa politique de contenu sur AdWords, nous avons brisé l'exclusivité conclue entre Apple et Orange pour la distribution de l'Iphone. Récemment, nous avons été saisis par un groupement d'hôteliers qui se plaint des tarifs des plateformes électroniques de réservation des chambres d'hôtel. C'est un sujet important.
L'outre-mer restera également une priorité pour l'Autorité de la concurrence. La loi Lurel sur la régulation économique outre-mer de novembre 2012 nous incite à renforcer notre action par des instruments nouveaux. Nous avons déjà beaucoup travaillé à changer les structures de ces économies où les obstacles à la concurrence font monter les prix. Nous poursuivrons cet effort.
Enfin, nous travaillerons sur la question des réparations aux victimes des entorses à la concurrence. La loi sur la consommation, en cours d'examen par le Conseil constitutionnel, ouvre la possibilité d'une action de groupe y compris dans le domaine de la concurrence. Une directive européenne est en cours d'adoption, pour harmoniser les conditions dans lesquelles les victimes pourront obtenir réparation. Nous devrons la transposer en France. Le droit de la concurrence marchera sur deux jambes, d'une part l'action publique du régulateur, d'autre part l'action privée à l'initiative des victimes. Comment articuler les deux dans des domaines concrets tels que l'accès aux dossiers, l'éclairage réciproque entre l'autorité administrative et le juge judiciaire lorsqu'il est appelé à statuer ? Nous voulons donner à la loi qui a été votée la mesure de son ambition.
La LME est un texte fondateur, et la pratique de l'Autorité de la concurrence lui a donné toute sa mesure. Cette dernière a-t-elle les moyens de faire face aux nouveaux enjeux ? Vous avez mentionné l'économie numérique, et le président Daniel Raoul n'était pas hors-sujet lorsqu'il parlait de la fusion entre l'Arcep et le CSA. J'ai entendu dire qu'une grosse entreprise avait dépensé en une semaine, pour se défendre contre l'Autorité de la concurrence, l'équivalent d'un an de votre budget. Avez-vous les moyens financiers, humains et juridiques de faire face à ces groupes très puissants ?
La procédure de la clémence est bien connue des entreprises anglaises. Les entreprises obtiennent une immunité - partielle ou totale ? - en échange de leur coopération. Y avez-vous souvent recours ? Avez-vous des exemples précis ?
Qu'en est-il du problème des marges arrière ? Dans les régions Midi Pyrénées et Aquitaine, l'excédent brut d'exploitation des entreprises agro-alimentaires oscille entre 5 et 8 % ; les marges arrière représentent 20 à 25 % des capacités d'investissement et de développement de ces entreprises. Actuellement, les marges arrière ont été supprimées... mais aussitôt remplacées par des produits gratuits. Ne devrait-on pas mettre ne place une traçabilité ? L'agro-alimentaire représente 11 milliards de la balance commerciale de la France. Je souhaiterais qu'on sauve ce secteur. Cinq distributeurs couvrent 85 % de la distribution. Face à eux, les PME n'ont pas la capacité de se défendre.
Je voudrais aussi parler des syndicats de voirie. Depuis quinze ans, en tant que président d'intercommunalité, je constate que le prix du goudronnage ne cesse d'augmenter, alors que la qualité du bitume est loin d'être optimale. Dans les appels d'offre, seules une ou deux sociétés se présentent et le prix qu'elles proposent ne diffère que d'un ou deux centimes ! Cela pénalise les collectivités.
La santé est un secteur à part. Avez-vous à votre disposition le personnel compétent pour examiner les dossiers et trouver le bon dosage entre santé publique et intérêt économique ? Vous prônez la distribution des médicaments par internet, ce qui me pose problème. Lorsqu'il y a une erreur sur l'ordonnance, le pharmacien est responsable des produits qu'il délivre. J'ai été chirurgien-dentiste, exerçant dans le quartier peu favorisé du Mirail, où je faisais beaucoup plus de soins que de prothèses. Je voudrais pourtant évoquer le prix de celles-ci : lorsque vous indiquez un prix de « vente » par le chirurgien, vous transformez ce dernier en commerçant, et vous négligez les difficultés techniques de la pose, qui varient de un à cinq. Quelle compétence avez-vous pour appréhender le volet sanitaire de la concurrence des prix ?
En 2009, vous aviez estimé que 85 % des amendes étaient recouvrées. Ce chiffre est-il toujours valable en 2014 ? Qu'en est-il du prix de l'eau potable ? De grands groupes interviennent sur ce marché, avez-vous étudié leurs pratiques ? Enfin, contrôlez-vous aussi les fusions des entreprises étrangères dont le siège est en France ?
Quand l'Autorité de concurrence a été mise en place, il n'était pas évident qu'elle produise des résultats aussi probants. C'est un bilan important. Nous n'avons pas en France de culture de la concurrence et du respect de ses règles. J'ai apprécié ce que vous avez dit, à savoir que la concurrence ce n'est pas la religion de la concurrence. Il existe des règles, des lignes jaunes à ne pas franchir, mais l'économie ne fonctionne pas uniquement sur le respect de ces règles. Dans les débats sur la loi sur la consommation, j'ai entendu des interrogations sur le rôle de l'Autorité de la concurrence ; or elle ne travaille pas contre les entreprises, tout au contraire, elle aide à leur montée en gamme. Vous avez dit que les secteurs des transports et de l'énergie seraient au coeur de votre prochain mandat ; pour quelles raisons pensez-vous que ces secteurs méritent une attention particulière ? Vous vous étonnez que les transports en autobus longue distance n'existent pas en France... EDF est notre grand champion mondial. Sans le fragiliser, est-il possible que s'imposent à côté de lui des énergies alternatives et des créateurs de valeurs ?
Pour être compétitives face aux entreprises européennes, les entreprises françaises échangent des informations sur la fabrication des produits ou bien produisent en commun certains produits de base. Quel est le point de vue de l'Autorité de la concurrence sur ces pratiques ?
Nous avons eu un débat important, avec la commission des lois, sur les rôles respectifs de l'Autorité de la concurrence et du juge judiciaire. Il serait intéressant de comparer les chiffres de récupération des amendes que vous avez donnés avec celui des jugements de l'instance judiciaire.
L'Autorité de la concurrence a les moyens juridiques de ses ambitions. De manière plus générale, ses moyens sont très faibles par rapport à ceux de la Commission européenne ou des autres autorités de la concurrence en Europe. Nous sommes aussi actifs que la Commission européenne, mais notre effectif est de 185, contre 800 à Bruxelles. En France, le CSA - dont les effectifs pourraient atteindre 400 personnes après avoir intégré Hadopi - est beaucoup plus puissant que nous. Oui, je suis préoccupé par cette disproportion de forces entre les entreprises que nous contrôlons et nous. Les amendes peuvent atteindre des montants considérables, et il y a également un enjeu de réputation, si bien qu'une entreprise peut mettre vingt avocats sur une affaire, tandis que nous sommes seulement quelques-uns à y travailler jour et nuit. C'est un sujet d'inquiétude.
La procédure de clémence a été créée en France, en 2001, par la loi sur les nouvelles régulations économiques. Une entreprise peut dénoncer le cartel auquel elle appartient, en échange d'une immunité totale, ou d'une diminution de la sanction encourue. Nous avons enregistré 110 demandes de clémence depuis la création de ce programme, dont 67 affaires françaises. La procédure de clémence favorise la détection d'ententes secrètes, comme cela a été le cas lorsque les quatre grands lessiviers mondiaux, Procter et Gamble, Unilever, Henkel et Colgate Palmolive, qui s'entendaient sur les prix des lessives, ont tous, successivement, dénoncé leur cartel... Les PME auraient intérêt à connaître l'existence de cette procédure. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un poste de conseiller clémence.
Entre des distributeurs concentrés et des producteurs atomisés, sans grand poids, il n'est pas simple d'arriver à une négociation équilibrée des prix. Le législateur n'est pas le mieux armé pour rétablir cet équilibre. La solution est sans doute de statuer à la base pour éviter la concentration des structures. C'est ce que nous avons fait, à Paris, lors du rachat des 50 % de Monoprix par Casino. Nous avons imposé la cession de cinquante points de vente dans des zones de chalandise où la diversité de l'offre était menacée. Nous vérifions systématiquement si le consommateur conserve un choix.
Pour répondre à la question sur les appels d'offre des collectivités locales, il me semblait qu'après les grandes condamnations prononcées dans des affaires de BTP, la situation s'était améliorée. L'ancien Conseil de la concurrence passait la moitié de son temps à traiter des affaires de BTP. Ce n'est plus notre cas. Cependant, nous n'avons pas d'antenne locale en département pour détecter ce genre de problème. A vous de nous transmettre les informations !
Sans être chirurgiens-dentistes, nous avons les compétences nécessaires pour appréhender les particularités du secteur de la santé. Les médicaments ne sont pas des produits comme les autres, la santé n'est pas un marché comme un autre, nous en sommes d'accord. Mais ce secteur n'est pas non plus un secteur à part, où tout serait permis. Il pèse sur notre économie et sur les comptes publics. C'est pourquoi l'Autorité de la concurrence a mené une action contre deux laboratoires importants qui menaient une stratégie de dénigrement systématique des médicaments génériques auprès des médecins. Elle surveille également les risques d'abus sur les lunettes, les prothèses auditives ou dentaires. Il faut être très prudent aussi sur les conditions de la production des médicaments, afin que soient respectées la traçabilité et la sécurité sanitaire, et réprimées la contrefaçon et la fraude. Enfin, notre institution souhaite accompagner l'évolution du mode de distribution des médicaments ; cependant la position que nous avons prise au sujet de la distribution sur internet concerne uniquement les médicaments non remboursables. Il y a des actions à mener concernant l'automédication et les produits dits frontière.
En 2013, 98,5 % des amendes ont été recouvrées rapidement. La question sur le prix de l'eau potable est difficile. Une enquête de la Commission européenne n'a pas démontré de collusion entre les grands distributeurs. Si nous avions des indices en un sens contraire, nous agirions avec vigueur. Enfin, les entreprises étrangères qui acquièrent des cibles en France sont soumises aux mêmes règles que les entreprises françaises et contrôlées comme elles. C'est le montant de leur chiffre d'affaires et de leur chiffre d'affaires en France qui détermine si leur projet est examiné par Bruxelles ou par nous.
Les secteurs des transports et de l'énergie sont nos futures priorités. Des progrès restent possibles en France. Pourquoi le transport en autocar sur de longues distances est-il si peu développé ? Des lignes d'autocars relient Paris à Madrid, Rome ou Barcelone, mais non à Toulouse ou Lyon ! C'est que les trajets en autocar sont possibles dans le cadre du cabotage international. Dans le cadre national en revanche, les ouvertures de lignes sont refusées car elles perturbent l'équilibre économique du train. Une enquête sectorielle très détaillée montre pourtant que la demande existe, notamment celle des jeunes ou des seniors pour qui le train est trop cher. Nous avons des propositions pour libérer le cadre règlementaire.
Pour l'énergie, le bilan est mitigé : la libéralisation n'a pas porté les fruits attendus car, contrairement aux télécoms, l'innovation n'a pas été au rendez-vous. Or cette dernière a pour effet de créer des brèches dans lesquelles les nouveaux entrants peuvent s'engouffrer.
Aujourd'hui, mis à part le gaz pour les entreprises, les nouveaux entrants sont rares ; les énergies alternatives peinent à concurrencer l'énergie traditionnelle, ce qui est d'autant plus dommage que le poste de l'énergie pèse de plus en plus dans le budget des ménages et que la précarité énergétique est devenue une triste réalité. La question des prix est donc importante.
Il ne pourra y avoir de concurrence durable pour le gaz et surtout pour l'électricité si les nouveaux producteurs ne peuvent produire de l'énergie en période de pointe. De ce point de vue, le renouvellement des concessions des barrages hydroélectriques sera un test : nous verrons si les nouveaux entrants sont libres d'investir dans la production d'énergie.
La concurrence n'exclut pas dans certains cas la coopération et les échanges d'informations. Si une entreprise n'a pas à elle seule les moyens financiers de construire et d'exploiter une unité de production électrique, pourquoi ne s'allierait-elle pas avec d'autres pour qu'ensemble elles aient leur propre usine, dès lors qu'elles sont ensuite en concurrence sur le marché de détail ? Ainsi, en matière de télécoms mobiles, nous venons d'encourager un accord de mutualisation entre deux opérateurs qui partageront leurs équipements actifs pour économiser des coûts et aller plus vite et plus loin dans le déploiement de leurs infrastructures, au bénéfice des territoires.
Nous nous rejoignons donc. Dans certains cas, la coopération en amont peut donc accompagner, voire développer la concurrence en aval.
Enfin, vous m'avez interrogé, monsieur le Président, sur le rôle respectif des autorités administratives indépendantes (AAI) et des juges judiciaires. Il m'est très difficile de commenter l'activité des juges qui sont amenés à se prononcer sur nos décisions... En revanche, nous avons des moyens d'enquête dont ils ne disposent pas, notamment les visites et les saisies qui permettent de trouver les preuves de collusions illicites. Dans certains cas, nous avons sauvé des affaires atteintes par la prescription pénale. Si nous ne nous étions pas saisis d'office des marchés en Île-de-France, ce dossier n'aurait jamais été traité. Les AII complètent donc utilement l'action du juge pénal.
Enfin, concernant les délits économiques, je suis surpris que les sanctions à l'égard des dirigeants d'entreprise restent si modérées dans notre pays. Pour les mêmes infractions, de la prison ferme est requise aux États-Unis.
Vous n'intervenez pas pour les médicaments remboursés. Pourtant, le Lucentis fabriqué par Novartis, qui traite la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), coûte 1 200 euros l'ampoule. Le même produit, fabriqué par sa filiale Roche, qui assèche les vaisseaux des tumeurs malignes, coûte douze fois moins cher.
Nous ne proposons pas de réforme structurelle pour la distribution des médicaments remboursables, mais si nous découvrions une entente ou un abus de position dominante, nous agirions, y compris pour ces médicaments.
J'ai parlé de stratégies de dénigrement de génériques en songeant notamment au Plavix, anticoagulant très connu et qui compte dans les remboursements de l'assurance maladie, ainsi qu'au Subutex, médicament de substitution pour les consommateurs de drogue. Ce qu'évoque M. Alain Chatillon est pour nous un sujet de préoccupation.
Merci, monsieur le président, pour cet exposé très clair. Nous allons procéder au vote à bulletins secrets.
La commission examine l'avis et procède au vote, p ar bulletin secret, sur la candidature de M. Bruno Lasserre à la présidente de l'Autorité de la concurrence.
Mes chers collègues. Nous en avons terminé avec l'audition de M. Bruno Lasserre. Nous allons maintenant procéder au vote sur ce projet de nomination.
Des bulletins sont à votre disposition sur lesquels vous voudrez bien inscrire oui ou non selon votre choix.
Je vous rappelle, par ailleurs, que l'Assemblée nationale auditionnera M. Bruno Lasserre demain après-midi et que ce n'est qu'à l'issue de cette audition que nous procéderons au dépouillement simultané de ce scrutin.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin est clos.
La réunion est levée à 17 h 10.