Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 11 octobre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • militaire

La réunion

Source

La commission nomme les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2012.

Mission « Action extérieure de l'Etat » :

moyens de l'action internationale : Mme Leila Aïchi et M. Pierre Bernard-Reymond ;

diplomatie culturelle et d'influence : MM. Jean Besson et René Beaumont ;

Français de l'étranger : Mme Hélène Conway Mouret et M. Robert del Picchia ;

Mission « Aide publique au développement » :

aide économique et financière : MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon ;

solidarité : MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon ;

Mission « Défense » :

environnement et prospective : MM. Didier Boulaud, André Trillard et Jeanny Lorgeoux ;

préparation et emploi des forces : MM. Gilbert Roger et André Dulait ;

soutien : Mme Michelle Demessine et M. Jean-Marie Bockel ;

équipement : MM. Xavier Pintat, Daniel Reiner et Jacques Gautier ;

Mission « Immigration, asile et développement » :

immigration et asile : MM. Alain Néri et Raymond Couderc ;

Mission « Médias » :

action audiovisuelle extérieure : M. Yves Rome et Mme Joëlle Garriaud-Maylam ;

Mission « Sécurité » :

gendarmerie : MM. Michel Boutant et Gérard Larcher.

La commission auditionne M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission Défense).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le ministre, bienvenue dans cette commission qui comporte pour vous nombre de visages nouveaux. Nous venons de désigner nos rapporteurs pour avis selon le principe des binômes majorité-opposition, cher à notre commission.

Le projet de budget de la Défense pour 2012 s'inscrit dans le cadrage triennal établi par le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2011-2013, conditionné par la nécessité de redresser nos finances publiques. Si les objectifs fixés par la loi de programmation militaire (LPM) ont dû être retouchés, la Défense demeure une priorité, qui voit ses crédits progresser de 1,6 %, voire de 1,76 % si l'on intègre les ressources exceptionnelles attendues pour 2012, à hauteur de 1 milliard d'euros. Cela fait trois ans que le gouvernement promet ces recettes exceptionnelles : pourquoi y aurait-il plus de raison de vous croire cette année ? (Sourires)

L'année 2011 a été riche en évènements pour votre ministère. Je rends hommage à l'efficacité et au dévouement des personnels des trois armes et de l'administration engagés en Libye. Nous pouvons être fiers de nos soldats et de leur action, au nom de nos valeurs, pour la liberté d'un peuple opprimé. S'il est trop tôt pour faire le bilan définitif de cette intervention, pourriez-vous du moins dresser un bilan d'étape ? La presse fait état de lacunes capacitaires en matière de ravitaillement en vol, de drones moyenne altitude-longue endurance, de munitions ou encore de stockage...

Compte tenu des coupes budgétaires qui se profilent, y compris chez nos amis britanniques et américains, quelle est votre vision de la défense européenne à moyen terme ? Dans quelles conditions présenterez-vous au Parlement la révision à mi-parcours des analyses stratégiques du Livre blanc ? Je compte d'ailleurs proposer à notre commission un suivi des travaux des quatre groupes de travail du SGDSN sur la refonte du Livre Blanc.

Enfin, étant donné le nombre de nouveaux élus, accepterez-vous de revenir devant notre commission quand nous aurons davantage avancé dans nos travaux sur le budget ?

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense

Je vous remercie de vos paroles de bienvenue, monsieur le président, et vous salue dans votre nouvelle fonction. Je salue également les nouveaux membres de la commission, et réponds bien entendu favorablement à votre requête : je ne demande pas mieux que de revenir devant vous pour tenter de vous convaincre de voter ce budget, comme c'est mon devoir !

En dépit d'un contexte économique très difficile, le budget de la Défense demeure stable. Il s'agit de la quatrième année d'application de la loi de programmation militaire, qui couvre la période 2009-2014. Paru en 2008, le Livre blanc prévoyait sa réactualisation au printemps 2012 : celle-ci se fera donc en plein débat national, c'est une chance pour la Défense !

Le budget triennal 2011-2013 s'est traduit, il y a un an, par une réduction de crédits cumulée de 1,3 milliard pour les trois années, soit une réduction d'environ 1% par rapport aux dotations prévues par la loi de programmation militaire. Le budget 2012 prévoit une légère augmentation, de 100 millions d'euros : il s'agit simplement de la réévaluation des crédits consacrés au carburant en fonction des cours du pétrole, comme le prévoit la LPM.

Les crédits hors pensions s'élèvent à 31,7 milliards, dont 30,6 milliards de recettes budgétaires et 1,1 milliard de recettes exceptionnelles. Par rapport à 2011, l'augmentation est de 1,6% pour les seules dotations budgétaires, de 1,8% pour l'ensemble. Vu les perspectives d'inflation, cela correspond à un maintien en volume de l'effort de défense. La continuité est un devoir en la matière, et la constance une vertu !

Des recettes exceptionnelles attendues pour 2012, 160 millions d'euros proviendront de cessions immobilières : je tiens à la disposition de vos rapporteurs la liste des emprises qui seront cédées pour atteindre ce montant. Le reste proviendra des cessions de fréquences qui vont rapporter 930 millions en 2011 ! La cession d'une nouvelle bande de fréquences dite Félin doit rapporter 900 millions à la Défense en 2012.

Le ministère de la Défense contribuera au plan d'économies complémentaires annoncé par le Premier Ministre le 25 août dernier, à hauteur de 180 millions. Pas question de remettre en cause ou de retarder l'exécution de la LPM : outre les économies constatées en 2011, cette somme sera compensée par des autorisations de consommation de reports de crédits non consommés ou par des excédents de recettes exceptionnelles perçues en 2011. Mes collaborateurs pourront vous fournir le détail de la ventilation de ces 180 millions.

La priorité donnée aux équipements est confirmée. L'intégralité des moyens nouveaux seront consacrés à l'agrégat équipement, qui progresse de 3% : 16,5 milliards en 2012, contre 16 milliards en 2011. Au sein de cet agrégat, 700 millions sont consacrés aux études amont, et les crédits de recherche et développement s'élèvent à 3,5 milliards, en hausse de 200 millions. Le maintien en condition opérationnelle représente 2,75 milliards, en hausse de 200 millions. L'effort d'infrastructure se maintient à 1,4 milliard, car la restriction du nombre de régiments et de bases a conduit au renforcement des implantations d'accueil, et l'arrivée de matériel nouveau implique également des travaux d'accueil.

En matière d'armement, l'année 2012 voit la livraison de matériels majeurs, à commencer par un avion spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique et de nombreuses stations de transmission au sol de données par satellite. Dans le domaine « engagement et combat » : une frégate multimissions, l'Aquitaine ; trois hélicoptères Caracal ; onze Rafale ; six hélicoptères Tigre ; cent véhicules blindés de combat d'infanterie VBCI ; 4 000 équipements individuels Félin. Dans le domaine « projection, mobilité, soutien » : 200 petits véhicules protégés ; cinq avions de transport Casa 235, très appréciés pour leur polyvalence ; un bâtiment de commandement et de projection, le Dixmude, qui consolidera une flotte qui a fait ses preuves en Libye. Citons également la rénovation des avions ravitailleurs C135, très anciens, en attendant les MRTT, autrement dit les Airbus A330 Multi Role Tanker Transport ; la réalisation de deux satellites Musis ; la commande de 34 nouveaux hélicoptères NH 90. C'est heureux pour notre industrie, ces équipements étant fabriqués en France.

La LPM n'est pas remise en cause par les opérations extérieures (Opex), car, depuis 2008, celles-ci ne sont plus financées par prélèvement sur les crédits d'équipement mais par un abondement du budget général au titre de la réserve de précaution interministérielle. S'y ajoutent les remboursements, souvent lents et peu prévisibles, des Nations unies.

La provision pour 2012 s'élève, comme en 2011, à 630 millions. Cette somme s'étant révélée insuffisante pour 2011, le Premier Ministre s'est engagé à ce que la loi de finances rectificative de fin d'année assure le financement de l'écart. Même logique pour 2012, qui devrait être moins chargée : l'opération Licorne est terminée, et l'opération libyenne devrait l'être également. La baisse des effectifs en Afghanistan n'aura toutefois pas d'impact financier immédiat, car elle sera compensée par le financement des opérations de transfert et de retour de matériel engagé.

Dans la réforme de long terme engagée par mes prédécesseurs, Hervé Morin et Alain Juppé, nous avons franchi une étape décisive en 2011 avec la généralisation des bases de défense. Les chefs de corps sont les partenaires des élus locaux : j'ai ainsi lancé sept grandes réunions pour organiser l'échange entre responsables militaires et nationaux autour de ces bases de défense. Au niveau régional, nous avons mis en place la chaîne interarmées de soutien et les centres de services partagés.

La RGPP prévoit une diminution des effectifs de 54 000 sur la période 2009-2014, dont 36 000 procèdent de l'optimisation des fonctions soutien, et 18 000 des unités combattantes. L'accompagnement des restructurations se fait en partenariat avec les collectivités locales. Début 2012 auront été adoptées l'ensemble des politiques contractuelles permettant de soutenir les conséquences sur le territoire des réductions d'effectifs ou des suppressions des services ou formations.

Par ailleurs, l'effort de mobilité et d'aide au départ pour les personnels représentera 241 millions d'euros l'année prochaine. Sur le plan catégoriel, une enveloppe de 90 millions d'euros sera identifiée, notamment consacrée à la revalorisation de la grille indiciaire des catégories B dans le cadre du « nouvel espace indiciaire ». La masse salariale reste maîtrisée : 11,6 milliards d'euros, contre 11,7 milliards en 2011, en dépit de la suppression de 7 400 emplois permanents, car la quasi-totalité des économies réalisées a été réinjectée dans des mesures catégorielles et d'accompagnement.

La réalisation du projet Balard, engagé depuis 2008, qui permettra le regroupement des états-majors et de l'administration centrale sur le même site, sera poursuivie conformément au calendrier prévu. Architecture pertinente et organisation judicieuse vont de pair !

Je remercie le président Carrère de l'hommage qu'il a rendu à nos combattants. L'année 2011 a vu l'aboutissement de l'opération Licorne, menée avec rapidité, clarté et économie de moyens et de vies humaines. Reste que la guerre n'est jamais une affaire facile : si nous n'avons pas perdu de combattants, d'autres personnes ont perdu la vie. L'opération libyenne est spectaculaire, nos hommes intervenant dans des conditions difficiles. Elle est totalement interarmées : aviation, marine et armée de terre, à travers les hélicoptères, sont impliquées.

S'agissant de l'Afghanistan, je suis responsable du volet militaire, mais la dimension politique est primordiale. Je pense à ceux qui ont sacrifié leur vie, leur intégrité physique, leur vie de famille, pour que la parole de la France soit prise au sérieux au plan international. Je suis sensible, monsieur le Président, à l'hommage que vous avez rendu à nos soldats.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Merci de cette présentation. Il serait bienvenu, comme l'a proposé notre président, que vous reveniez devant la commission une fois que nous aurons étudié les différents programmes en profondeur et entendu vos collaborateurs.

J'avais participé à la première commission du Livre blanc, avant de claquer la porte, las qu'on nous tienne la main... Quelle sera la place du Parlement dans le processus de révision ? La révision du Livre blanc va-t-elle se faire en catimini ?

J'ai cosigné un rapport sur l'immobilier de la défense, à la demande des présidents Arthuis et de Rohan, qui exprimait les fortes réserves de nos commissions sur l'opportunité du « Balardgone », étant donné la situation budgétaire. Il n'en a pas été tenu grand compte, et les choses semblent aller grand train. Pouvez-vous nous dire combien la location de cet espace coûtera annuellement au budget de la Défense ? Quel sera l'avenir de l'Hôtel de la Marine, après les conclusions de la commission Giscard d'Estaing ?

Le Président de la République est ravi du retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ; ce n'est pas notre cas. Ce retour devait s'accompagner d'un renforcement de l'Europe de la Défense. Or nous n'avons rien vu venir, sinon un accord bilatéral franco-britannique... Qu'en est-il du fameux état-major européen, auquel les Britanniques sont farouchement opposés, et qui est pourtant indispensable pour construire une politique européenne de la Défense ! Enfin, combien nous a coûté le retour au sein du commandement intégré de l'OTAN en 2011, et combien nous coûtera-t-il en 2012 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je vous remercie de votre présentation, monsieur le ministre, et vous félicite d'avoir su préserver l'essentiel de ce budget.

On annonce la livraison de onze Rafale, alors qu'il en était prévu six. Je sais bien que les exportations stagnant, il faut maintenir les chaînes de production de Dassault, mais je m'étonne de ne trouver aucun crédit pour la rénovation des Mirages 2000D que réclame l'armée de l'air depuis des années et à laquelle nous sommes attachés. Ces avions sortiront du service en 2018, et nous prenons le risque d'une rupture capacitaire si nous n'agissons pas.

Je me félicite de la livraison des cinq premiers avions Casa 235, sur les huit commandés. Je regrette toutefois l'absence de crédits de MCO et notamment de crédits destinés à préparer dans un an l'arrivée du futur A400M, notamment par l'achat de simulateurs de vol pour préparer en avance nos pilotes.

Lors du Comité ministériel d'investissement du 20 juillet 2011, vous avez fait le choix de rentrer dans une négociation avec la société Dassault pour l'acquisition d'un système intermédiaire de drones sur étagère : le Heron TP de l'Israélien IAI. Vous me permettrez de m'étonner que cette décision qui ne privilégie que marginalement un industriel français ne s'inscrive pas dans le cadre d'un appel d'offres, et que vous n'ayez même pas demandé au principal concurrent américain, la société General Atomics, une « letter of request ». Je le regrette et je souhaiterais avoir des éléments sur ce point. Je ne doute pas que mon collègue Daniel Reiner vous interrogera sur le volet technique car nous avons tous pu constater la qualité technique du Reaper par rapport au projet du Héron TP.

Quid du missile de moyenne portée successeur du Milan ? L'armée de terre, qui réclamait de toute urgence des missiles antichar Javelin, n'en a pas tiré un seul ! Ces missiles répondaient-ils à une réelle nécessité, ou à un simple effet de mode ?

Toujours pas de MRTT. Au vu de l'opération Harmattan, je regrette que ce lancement n'ait pas été engagé plus tôt : nous avons une vraie faiblesse en matière de ravitaillement en vol, et sans le soutien américain, nos appareils n'auraient pas pu voler !

Enfin, quels crédits pour la défense anti-missile balistique ? Il faut marquer la volonté gouvernementale en la matière, car il en va de l'autonomie stratégique de notre pays et de la crédibilité de la dissuasion. Il nous semblait souhaitable de voir arriver quelques millions sur les crédits de recherche pour marquer la volonté gouvernementale envers la défense anti-missile balistique.

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

En réponse à M. Didier Boulaud, je vous informe que la révision du Livre blanc sera précédée de la rédaction, sous l'autorité du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), M. Francis Delon, d'un document actualisant l'analyse de la situation géostratégique actuelle. Cette révision n'est donc toujours pas engagée et elle interviendra au printemps 2012 au moment des élections présidentielle et législatives, ce qui constitue somme toute un calendrier tout à fait normal.

Bien que cet exercice ne relève pas de mon seul ministère mais du SGDSN, structure interministérielle rattachée au Premier ministre, j'exprimerai, lorsqu'on me le demandera, mon avis selon lequel le Parlement doit être très directement associé à ce travail. J'ai bien noté qu'il ressortait de l'expérience de M. Boulaud que la main des participants à la rédaction de ce Livre blanc avait, par le passé, été sans doute trop tenue, alors même qu'à mon sens, la transparence et l'appréhension des mêmes réalités par l'ensemble des parties prenantes constituent au contraire de puissants facteurs de cohésion.

Concernant le site de Balard, les négociations avec la ville de Paris se sont déroulées de façon très claire ; cette dernière a été associée au choix architectural et n'a jamais opposé quelque opposition que ce soit au projet retenu. La compatibilité de ce dernier avec le plan local d'urbanisme (PLU) actuel appelle une clarification sur deux points : la hauteur des trois cheminées destinées à la réfrigération du bâtiment et la réalisation -à la demande de la ville de Paris- d'un espace sous-terrain de stationnement des autobus. Aussi, afin de concilier le calendrier de la révision du PLU et les exigences de délais liées au fait que notre projet est réalisé en partenariat public privé (PPP), j'ai décidé d'engager, parallèlement à la procédure de demande d'un permis de construire de droit commun -suspendu à la révision du PLU-, une autre procédure spécifique aux grands projets d'intérêt national, la « déclaration de projet ».

Quant au coût, il est vrai qu'il peut sembler élevé dans la mesure où le propre des contrats de partenariat public privé est effectivement de porter sur le coût global actualisé de l'opération, qui inclut le coût des travaux, mais aussi les frais financiers pour toute la durée du contrat, soit 27 ans ainsi que les frais d'entretien et de mise en service, cet ensemble représentant généralement, environ trois fois le seul budget de construction. C'est le cas pour Balard puisque sur une redevance annuelle totale de 130 millions d'euros hors taxe- la compensation de la TVA résultant d'un accord avec le ministère du budget-, 45 millions d'euros seront consacrés à l'immobilier, 36 millions aux systèmes d'information et de communication pendant les cinq premières années -ce chiffre s'établissant ensuite à 25 millions-, 29 millions à la redevance de service destinée au fonctionnement quotidien du site -tels que la restauration des 9 000 agents, les services d'accueil, l'entretien du mobilier etc.-, 16 millions seront consacrés à la maintenance de bâtiments, 75 millions au gros entretien et aux réparations. Le fait que les deux tiers du montant total des redevances soient consacrés aux dépenses liées à la vie du bâtiment est une proportion que vous retrouvez dans les équipements dont vous assurez la gestion au sein de vos collectivités territoriales.

S'agissant de l'hôtel de la Marine, je ne suis pas décisionnaire puisque le président de la République a confié une mission de réflexion sur l'avenir de ce site à M. Valéry Giscard d'Estaing. Le plus probable est que l'on aboutira à une solution permettant de valoriser ce bâtiment en lui donnant toute sa place dans la véritable aventure à la fois culturelle et historique que constitue la promenade qui va du Centre Pompidou au Palais de Chaillot en passant par le Louvre et le musée d'Orsay.

Il me semble que le rez-de-chaussée pourrait devenir un lieu d'expositions ouvertes au public et que la galerie d'honneur située au premier étage devrait pouvoir accueillir des manifestations d'intérêt national ou international que les pouvoirs publics seraient amenés à organiser. Quant aux bureaux, ils ont vocation à être loués, pare exemple à des institutions voisines qui en ont exprimé le souhait, la Cour des comptes et le musée du Louvre. Cette location est la seule partie de l'opération qui soit génératrice de recettes, ce qui est la préoccupation directe de mon ministère. Mais encore faut-il que tout cela n'exige pas de travaux extrêmement coûteux de réaménagement.

A propos de votre question sur la place de la France dans l'OTAN, question éminemment politique, je tiens à souligner que la réintégration de notre pays lui a permis de jouer un rôle considérable à la fois vis-à-vis du conseil des ministres de l'organisation et de l'Union européenne lorsqu'il s'est agi de décider d'intervenir en Libye. Nous sommes désormais considérés pour ce que nous sommes véritablement : une grande puissance militaire qui a le courage de son indépendance politique. Certains de nos partenaires disposent d'une voix forte mais qui n'est pas aussi libre que la nôtre. D'autres à l'inverse ont une voix libre mais qui n'est pas toujours assez forte. La France, quant à elle, a pu faire porter dans la région sa voix, à la fois libre et forte.

J'ajoute que, sur le plan technique aussi, la coopération avec nos partenaires s'est bien déroulée. Un rapport établi conjointement avec les Britanniques sera rendu dans quelques semaines et il reviendra sur ces opérations avec leurs satisfactions et leurs déceptions.

S'agissant du quartier général d'opérations militaires (OHQ), vous avez raison de dire que le Royaume-Uni n'en veut pas. Mais, tout comme nous, les Britanniques souhaitent que les Européens puissent intervenir quand leurs intérêts sont en jeu, sans devoir obtenir le nihil obstat des Etats-Unis qui demeurent le premier contributeur de l'organisation et sans la coopération desquels toute opération est difficile. Il est donc nécessaire que les Britanniques évoluent sur la nécessité de travailler à des actions de planification dans un cadre plus large que la seule coopération bilatérale avec nous. D'ailleurs, je constate qu'à titre personnel mon homologue britannique a invité le ministre de la défense italien à l'accompagner en Libye afin d'obtenir le soutien de Rome dans la reconstruction du pays.

S'agissant enfin du coût de notre participation à l'OTAN, il sera de 78 millions d'euros par an, hors budget opérationnel, dont 49 millions consacrés aux dépenses de personnel et 30 millions de participation aux dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'organisation, à l'issue de notre montée en puissance.

En réponse à M. Jacques Gautier, je confirme que le budget proposé pour 2012 est effectivement un budget maintenu et non augmenté.

Je confirme aussi notre commande portant sur onze Rafale est liée au fait que cet appareil n'a pas encore trouvé de marché à l'exportation. J'ajouterai toutefois qu'en Libye il a fait la démonstration de sa polyvalence, remplissant à la fois des missions de reconnaissance, de combat aérien et d'attaque au sol, là où d'autres armées avaient besoin d'un avion différent pour chacune de ses fonctions.

En ce qui concerne le coût de la rénovation des Mirages 2000-D, les options sont en cours d'analyse afin de nous permettre de prendre notre décision. Mais comme vous l'avez rappelé, l'objectif est un lancement de réalisation en 2013 pour une livraison à partir de 2018 ; notre objectif est de ne pas dépenser trop pour cette opération dont nous arrêterons le périmètre mi-2012.

Quant aux Casa, ils permettent effectivement de suppléer l'absence de l'A400 M à la plus grande satisfaction de nos parachutistes, ce qui constitue - soit dit en passant- un petit risque pour Airbus Military. Le projet A 400M demeure, à ce jour, confronté à deux difficultés. La première est en voie de résolution et concerne le moteur, du fait de la très grande vitesse de rotation des turbines de l'A400M, entre autres, grâce auxquelles cet appareil s'annonce comme un véritable bijou capable de performances encore jamais vues. La seconde difficulté concerne la négociation du contrat de soutien pour lesquels les prix envisagés par les industriels ne sont absolument pas raisonnables. Je voudrai leur redire que le fait d'être un industriel français ne justifie nullement de pouvoir prendre le ministère de la Défense pour une vache à lait. A ceci s'ajoute le fait qu'ils devraient faire preuve de davantage de vigilance quant au respect du calendrier, la France étant directement concernée par cette question puisque nous sommes le premier pays livré en A400 M, en 2013.

A propos des drones, j'ai effectivement fait jouer la préférence nationale et je n'en ai pas honte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

L'offre de Dassault n'est pas une offre nationale, c'est une offre israélienne.

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Dassault ayant su renouer une coopération avec son partenaire israélien autour de ce projet, il était important pour moi que notre industrie demeure présente dans cette filière quand bien même cette solution devrait être plus coûteuse que si nous avions eu recours au Reaper proposé par General Atomics, son concurrent américain.

Nous sommes parfois partagés entre une logique d'utilisateur, d'abord soucieux du coût et de la disponibilité des matériels, et une logique plus industrielle, sensible à la nécessité de conserver une industrie de défense nationale. En l'occurrence, j'ai fait primer la seconde. C'est un choix politique que j'assume complètement. Je suis libéral mais nous sommes là dans un domaine où, lorsque l'on perd la main, on ne la reprend plus. Ceci étant, la DGA est mobilisée pour suivre de très près le volet financier de ce projet afin de bien s'assurer que la défense de notre présence dans la filière ne signifie nullement que le contribuable français soit, sur cette affaire, excessivement mis à contribution.

Concernant les missiles de moyenne portée, ils seront assurés par le prolongement du parc de missiles Milan jusqu'en 2016 et par l'acquisition de postes de tir Javelin. Certes, ceux ci-ci n'ont pas été utilisés à ce jour mais cela tient au fait qu'ils n'ont été déployés qu'en juin 2011, en pleine saison de la feuillaison en Afghanistan. Cela dit, les combats en Afghanistan ne sont pas terminés et il est encore possible que nous ayons à faire usage de ces équipements. Notre stratégie d'acquisition de missiles moyenne portée sera, comme pour la rénovation des Mirages 2000-D, arrêtée en 2012 en prenant en compte, le cas échant, l'expérience de l'utilisation des Javelin en Afghanistan.

Quant à l'Airbus A330 MRRT, je ne peux pas dire autre chose que vous. Nous aimerions pouvoir en disposer le plus vite possible mais nous n'en avons pas les moyens à cet instant.

A propos de la défense antimissile balistique (DAMB), je dois souligner que notre objectif est de faire reconnaître l'existence en Europe d'une industrie de défense à part entière, à côté de celle des Etats-Unis. Ces derniers doivent comprendre que, si l'on veut aller plus loin, il faut que chacun y trouve la place que ses compétences lui permettent d'occuper, comme par exemple, en ce qui nous concerne, en matière de missiles intercepteurs ou de systèmes satellitaires. Nous devons être considérés comme de véritables partenaires. Nous devons en outre veiller d'une part, à assurer la comptabilité de ce processus avec notre stratégie de dissuasion et d'autre part, à éviter que la DAMB n'aboutisse à créer un fossé entre la Russie et nous. La question essentielle est de savoir quelle est la véritable menace dont la DAMB peut nous protéger.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Monsieur le ministre, merci d'avoir répondu aussi rapidement à l'invitation du nouveau président de notre commission. Serait-il possible de connaître le coût de notre intervention en Libye ?

Je saisis cette occasion pour rendre hommage aux soldats qui combattent sur les théâtres extérieurs pour la liberté des peuples opprimés, mais je constate que ces efforts ne sont pas toujours couronnés de succès. Lorsque nous apprenons par exemple que le gouvernement égyptien a donné l'ordre de tirer sur des chrétiens coptes qui manifestaient, qu'il rouvre sa frontière avec Gaza -avec tous les risques de trafics que cela implique- ou bien qu'il a décidé de rappeler son ambassadeur en Israël, et lorsque nous constatons que les exilés de Tunisie, parmi lesquels les musulmans les plus radicaux, rentrent à Tunis avec l'intention d'y exercer leur influence, cela devrait nous inciter à être plus vigilants quant aux risques de toute ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, même si elle est motivée par l'espoir d'y faciliter l'installation de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je voudrais tout d'abord vous donner acte, Monsieur le ministre, du fait que votre projet de budget demeure dans l'épure de la loi de programmation militaire, et je vous remercie notamment d'avoir listé l'ensemble des livraisons d'avions attendues mais, peut être est-ce involontaire de votre part, vous avez omis de mentionner la livraison de deux avions à usage gouvernemental Falcon 2000X, et la commande de deux autres qui étaient, eux aussi, prévus par la loi de programmation.

N'oublions pas toutefois que le budget est une chose et que son exécution en est une autre, surtout lorsque celle-ci repose sur l'hypothèse de recettes exceptionnelles.

Le premier sujet particulier que je souhaiterais aborder est la DAMB, à propos de laquelle je suis en désaccord avec vous. En effet, je pense que la France ne devrait plus se poser la question de la DAMB puisque le Président de la République est allé au sommet de Lisbonne à l'automne 2010, -d'ailleurs sans nous avoir réellement beaucoup avertis- accepter que l'OTAN inscrive dans son nouveau concept stratégique la mission de protection contre la menace balistique non plus seulement des théâtres d'opération mais de l'ensemble des territoires des pays membres. La question de savoir si cela est compatible ou non avec la dissuasion ne devrait plus se poser. On ne peut pas accepter un concept, y participer et ensuite reculer devant l'obstacle. Il ne semble pas cohérent de s'être engagé dans cette démarche sans être en mesure de prendre des initiatives au moins en matière d'études technologiques, susceptibles d'être suivies par nos partenaires. Or, je constate que des crédits d'études n'ont pas été mobilisés à cette fin, ce qui augmente le risque que les Etats-Unis seuls soient en mesure d'avancer et d'imposer leurs solutions et d'en rendre dépendants les autres pays participants. Je crains par exemple que la réunion organisée en 2012 à Chicago ne soit l'occasion de constater que les Américains ou d'autres partenaires auront avancé et que la France sera à la traîne. Si nous ne faisons rien, la DAMB sera purement américaine et donc nous serons des vassaux en la matière. Nous ne pouvons pas accepter de l'être, parce qu'en plus nous avons des industriels de qualité qui nous permettent d'être présents. Nous avons fait un certain nombre de propositions qui méritent, me semble-t-il, d'être étudiées et qui méritent de voir des crédits d'études amonts inscrits dès maintenant.

Le second sujet que je souhaitais évoquer concerne les drones. Depuis que vous avez pris vos fonctions, s'il est une décision qui vous est directement imputable, c'est bien celle du CMI de juillet dernier d'être entré en négociation exclusive avec Dassault pour la production de drones MALE (moyenne altitude longue endurance). Cette question des drones est lancinante depuis quinze ans. La France, alors qu'elle a tous les moyens industriels de bien faire, est complètement passée à côté du développement de ce type d'appareils, dont l'utilité a encore été confirmée en Libye, alors qu'elle disposait pourtant de tous les atouts pour y parvenir. Pour notre part, nous avions proposé de distinguer la réponse à l'urgence opérationnelle de la recherche de solutions de moyen terme. Dans la mesure où ces dernières sont définies dans le cadre du traité franco-britannique, restait donc à régler la question de la fourniture des drones en urgence. Et quand on parle d'urgence ça veut dire tout de suite, pas dans trois ans. Or, vous avez fait un choix qui, militairement, ne répond pas à l'urgence. Le choix que vous avez fait est de rentrer en négociation exclusive avec l'entreprise Dassault sur la plateforme Heron TP développée par la société israélienne IAI, qui a développé le Hunter et le Harfang, lesquels ont été fort longs à mettre en oeuvre et n'ont pas donné totale satisfaction.

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

C'est injuste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

C'est un peu injuste, mais il vaut mieux dire les choses clairement. Vous avez évoqué tout à l'heure le suivi, le MCO. Nous avons eu un Harfang en réparation chez IAI pendant plus d'un an. Il n'y avait pas moyen de le réparer et donc on n'en disposait plus.

Vous avez fait ce choix donc et tous ces appareils ne seront disponibles que dans deux ou trois ans, car, aujourd'hui, à la différence de leurs concurrents américains dont les performances ont été éprouvées. On s'interroge sur le caractère opérationnel de ces quelques appareils.

Deuxièmement vous dites faire le choix de la souveraineté nationale, pour ouvrir enfin une filière industrielle avec Dassault avec quinze ans de retard. Malheureusement sur ce produit, Dassault ne fera à peu près rien. C'est l'entreprise israélienne IAI qui fait tout et donc je ne vois pas comment Dassault va profiter de cette expérience en vue du futur drone franco-britannique annoncé avec BAE. Donc industriellement et politiquement je ne vois pas l'intérêt de la chose.

J'ajoute que, financièrement, c'est une catastrophe. Nous avons très peu d'argent. Nous le savons. Il nous faut donc l'utiliser au mieux. Or clairement, d'après les renseignements que nous avons obtenus, les chiffres paraissent clairs : le coût de votre choix sera significativement supérieur avec le même nombre de produits (avions, stations au sol), à celle des appareils de General Atomics. Payer plus sans franciser quoi que ce soit, c'est-à-dire uniquement avec du matériel israélien, alors qu'on aurait pu avoir l'équivalent qui fonctionne déjà par ailleurs, et qu'utilisent la plupart de nos alliés, ce n'est pas un choix raisonnable du point de vue économique.

En conclusion, la solution retenue n'est militairement pas disponible, financièrement beaucoup trop chère et économiquement ne permet pas de préserver l'avenir. Tout le monde est d'accord pour qu'à terme nous ayons une filière drone en France.

Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que ce choix avait été fondé sur une étude minutieuse réalisée par la DGA et que cette étude avait suggéré ce choix. Aussi, je vous demande, pour compléter l'information de cette commission, de bien vouloir lui communiquer cette étude ainsi que tous les éléments qui ont été pris en compte par elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Merci, monsieur le ministre, pour la grande clarté de votre exposé. Je me réjouis moi aussi que le projet de budget soit en ligne avec la loi de programmation militaire dans le contexte difficile de la crise actuelle.

Ma première question porte d'ailleurs sur les recettes exceptionnelles attendues et, en particulier, sur celles tirées de la vente des fréquences hertziennes. Les 900 millions d'euros prévus pour 2012 ne risquent-ils pas d'être, d'une part, fragilisés par les recours qui ont été formés contre le processus d'attribution de ces fréquences et, d'autre part, grevés par la diminution des recettes liée à la nécessaire acquisition de nouvelles fréquences pour le Félin ?

Ma seconde question sera, elle aussi, marquée par des préoccupations financières. J'ai entendu les interventions de mes collègues à propos de l'achat des drones et je ne suis pas loin de partager leur opinion. Mais, au-delà de ce seul exemple et au-delà même du projet franco-britannique en la matière à l'horizon 2020, ne devrait-on pas aller beaucoup plus loin dans la recherche systématique de coopération avec nos partenaires européens ?

Je terminerai en abordant la question de la défense anti-missiles sur laquelle MM. Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi même avons rendu un rapport. Ce rapport est une aide à la décision qui insiste, au-delà des dimensions strictement militaires et économiques, sur l'importance de ce sujet en termes stratégiques, notamment par rapport à notre stratégie d'alliances.

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Pour répondre à la question de M. Christian Poncelet, le coût global de notre intervention en Libye est compris entre 300 et 350 millions d'euros au 30 septembre.

Par ailleurs, je rassurerai M. Xavier Pintat sur le fait que les 900 millions de recettes attendus des attributions de fréquences correspondent bien à des recettes nettes, c'est-à-dire après prise en compte du coût de réaménagement du spectre.

Pour répondre aux préoccupations exprimées notamment par MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner à propos des drones, je souhaiterais rappeler deux points essentiels. D'une part, le Heron TP devrait être livré en 2014, soit moins d'un an après la date de disponibilité des Reaper de General Atomics. D'autre part, le prix du Heron TP n'est pas le triple de celui du Reaper, son coût total de possession jusqu'en 2020 est supérieur d'un peu moins de 40 % tout en permettant de financer la construction d'une filière française de fabrication des drones.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Comment peut-on en être certain dans la mesure où l'on n'a pas demandé à General Atomics, par le biais d'une letter of request, de faire une contre-proposition sur la base des mêmes éléments que ceux de l'offre de Dassault-IAI ?

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Certes, nous n'avons pas sollicité General Atomics formellement mais, croyez-moi, le monde de l'industrie de l'armement n'étant pas si vaste, ils ont trouvé les moyens de faire entendre leurs arguments. Quant au rôle des industriels français, dans le projet, il est loin d'être négligeable, puisque les systèmes de communication seront développés par Dassault Aviation et par Thalès, dont il est actionnaire. Une dizaine d'entreprises françaises seront aussi associées à ce projet et je me réjouis de la mise en place de ce type de coopération entre nos industriels.

Je répondrai à la remarque de Xavier Pintat sur une plus grande mutualisation des moyens avec nos partenaires européens que celle-ci est, hélas, souvent un voeu pieux. Il est difficile de trouver des pays qui, comme nous, disposent à la fois d'une industrie, d'une ambition et de suffisamment de liberté pour s'engager utilement dans des actions de coopération industrielle. La plupart du temps, force est de constater que les demandeurs de mutualisation n'ont en fait que peu de choses à apporter, d'où la rareté des mutualisations réussies, même s'il existe des contre-exemples comme la réalisation de l'avion de transport Casa ou le projet engagé par Dassault et BAE à l'horizon 2020.

Concernant l'évolution de la situation en Libye, des décisions politiques devront être prises par le conseil des ministres de l'OTAN. Il apparaît d'ores et déjà que la capture du colonel Kadhafi ne devrait pas être considérée comme une condition de l'arrêt des opérations. En revanche, la prise de Syrte pourrait, dans la mesure où elle signifierait la fin des combats, ouvrir de façon décisive la voie vers la fin des opérations de protection des populations.

En réponse aux propos de M. Daniel Reiner sur la DAMB, permettez-moi de redire qu'à mon sens, Lisbonne n'est pas un chèque en blanc. Certes, la DAMB trace un parcours vers l'extension à nos populations de la protection aujourd'hui applicables aux théâtres d'opération. Mais encore faut-il définir quelle place sera faite à la contribution des différents partenaires à chaque étape de ce parcours. C'est ainsi que nous avons demandé à pouvoir participer au système d'alerte avancée afin que nos souhaits dans ce domaine puissent être pris en compte, ce qui n'est aujourd'hui pas le cas.

De même nous avons proposé de mettre au profit de la DAMB les systèmes de détection des menaces balistiques que nous avons développés.

Autre exemple, la DGA a lancé un programme d'études en matière de C2 (contrôle et commandement) destiné à être mis au profit de nos partenaires.

Le fait que j'ai commencé par évoquer la dimension stratégique de la DAMB ne signifie donc nullement que nous ne puissions pas y être présents au plan industriel. Il est même absolument essentiel de faire comprendre aux Etats-Unis qu'ils trouveront en Europe des partenaires industriels à part entière, c'est-à-dire tout autre chose que les simples bénéficiaires occasionnels d'une sous-traitance aléatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Le projet de loi de finances est certes conforme à la loi de programmation militaire, mais la crise financière demeure la grande absente de ce budget alors qu'elle est déjà là et qu'elle est, plus encore, devant nous.

Pourriez-vous nous indiquer comment les évolutions stratégiques, telles que le retrait d'Afghanistan à l'horizon 2014, seront prises en compte dans le cadre de la révision de la loi de programmation militaire qui sera engagée en 2012, en particulier en matière de choix et de financement des équipements. On voit bien, par exemple, que la perspective du retrait américain de ce pays comme de l'Irak devrait avoir pour effet un remplacement progressif des opérations terrestres par des actions à distance de type aérien. A-t-on évalué les conséquences de cette nouvelle donne, notamment au plan de la gestion de nos propres ressources ?

S'agissant de Libye, je crois qu'il faut savoir terminer une guerre. Mais c'est loin d'être facile et requiert nécessairement un accord politique. Je souhaiterais savoir si nous disposons de moyens de pression sur le CNT, tant la stabilité de l'ensemble du continent africain constitue pour nous un enjeu géostratégique tout à fait majeur.

Enfin, s'agissant de la DAMB, j'estime, à la différence de nos collègues Reiner et Pintat, qu'elle ne constitue qu'une protection illusoire à la fois aux plans stratégique, militaire et financier. Je considère en outre qu'elle est contradictoire avec notre stratégie de dissuasion nucléaire. Dans cette affaire, n'allons pas plus vite que la musique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

Plusieurs de nos collègues ont rappelé l'importance des questions touchant au matériel militaire, dont on sait l'importance pour notre industrie. Mais hélas, force est de constater que nous perdons des parts de marché et que, lorsque nous exportons c'est avec le risque de devoir procéder à d'importants transferts de technologie, comme cela est, par exemple, envisagé pour le Rafale. Pour préserver son rayonnement, l'industrie française doit donc conserver une longueur d'avance, ce qui impose que notre effort d'innovation soit maintenu dans la durée. Or, si le budget 2012 prévoit de consacrer 3,5 milliards d'euros à la recherche et développement en la matière, c'est en prenant en compte des recettes exceptionnelles. Mais qu'en sera-t-il au-delà ? Ne serait-il pas nécessaire de fixer une sorte de « règle d'or » consistant à garantir dans le temps le niveau de ces dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le ministre, je vous avais interrogé sur l'opportunité de nommer des attachés de défense dans des pays qui, comme c'est le cas du Pérou, souhaitent diversifier leur partenariat au-delà de leur relation spécifique avec les Etats-Unis. Mais j'ai appris que le Gouvernement souhaitait diminuer le nombre de postes d'attachés de défense. Est-ce bien le cas, alors même que ceux-ci peuvent constituer de véritables atouts pour le développement à l'exportation de notre industrie de défense ?

Debut de section - Permalien
Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

En réponse à M. Jean-Pierre Chevènement, j'indiquerai qu'effectivement la crise financière est une absente de ce budget. L'on peut imaginer que ses conséquences ne manqueront pas d'être prises en compte à l'occasion de la révision du Livre blanc. De même, il est clair que l'évolution de la situation géostratégique influera sur nos choix en matière d'équipements car le choix des armes dépend évidemment des types d'ennemis que l'on se reconnaît, et, contre les engins explosifs improvisés, pour l'instant nous nous contenterons d'acquérir de l'expérience.

Concernant l'Afghanistan, je rappellerai que l'année 2014 sera celle de la fin de la transition, c'est-à-dire celle du transfert des responsabilités à l'armée nationale afghane. Mais au-delà de cette échéance, il nous revient d'adresser un message politique à construire de soutien durable à ceux qui, dans ce pays, ont soutenu l'émergence d'un Etat de droit. Je serais choqué qu'en 2014, après leur avoir donné les moyens de se constituer une armée, nous les laissions seuls. Si l'on considère que l'Afghanistan mérite d'être soutenu, il faut en tirer les conséquences et assumer le fait qu'il a besoin d'une armée sans rapport avec sa richesse économique. Bien entendu, ces choix pèseront sur la révision du Livre blanc.

En Libye, je rappelle que l'opération n'a été rendue possible que par la conjonction de deux éléments : d'une part, l'absence de veto russe ou chinois à l'ONU et d'autre part, le fait que, dès le début, le CNT a été très clair en acceptant une action de protection des populations excluant toute présence militaire au sol.

Enfin, monsieur Chevènement, je partage votre analyse quant à la DAMB.

Je ne peux que dire à M. Jacques Berthou que je partage mille fois son avis sur la nécessité d'un maintien de l'effort de recherche et développement à long terme, notamment en faveur des démonstrateurs technologiques.

Enfin, concernant la question de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, je précise que nous venons de nommer un attaché de défense en Macédoine. Pour le reste, nous procédons, il est vrai, à une rationalisation de la carte des attachés de défense, rationalisation qui passe notamment par le « jumelage » de certains postes situés dans des pays voisins. S'agissant du cas particulier du Pérou, vous avez raison et nous devrions pouvoir apporter une réponse, sachant qu'une mutualisation européenne n'est pas envisageable, compte tenu de la concurrence qui existe entre nos industries.