La commission mixte paritaire a tout d'abord constitué son bureau et désigné :
en qualité de présidente et Mme Chantal Guittet en qualité de vice-présidente ;
et Jean-Pierre Dufau, en qualité de rapporteurs, respectivement pour le Sénat et pour l'Assemblée nationale.
Après les interventions de Mmes Michèle André et Chantal Guittet, puis de MM. Philippe Dominati et Jean-Pierre Dufau, et à l'issue d'un débat auquel ont participé M. Éric Bocquet, Mme Claudine Schmid et MM. Olivier Cadic, Albéric de Montgolfier et Bernard Deflesselles, la commission mixte paritaire a constaté ne pouvoir parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, et a conclu à l'échec de ses travaux.
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, sénatrice -
La réunion est ouverte à 14 h 35.
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel s'est réunie au Sénat le mercredi 15 janvier 2015.
Elle procède d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Catherine Morin-Desailly, sénatrice, présidente, M. Patrick Bloche, député, vice-président, Mme Colette Mélot, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et M. Hervé Féron, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Je souhaite la bienvenue à nos collègues députés, avec lesquels nous espérons intensifier nos échanges.
Je vous remercie et partage votre souhait. Le texte qui fait l'objet de notre présente réunion a été déjà bien amélioré par nos deux assemblées dans un contexte particulièrement contraint, puisqu'il s'agit d'une transposition de directives. Je vous indique que M. Guénhaël Huet, député, titulaire, est excusé.
Je suis satisfaite de constater que sur huit articles, seulement deux suscitent des différences d'appréciation entre nos deux assemblées. Soulignons la réactivité du Parlement, saisi tardivement, ce que nous regrettons, mais qui s'est mobilisé pour examiner le texte dès que possible.
Ce projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée. L'urgence à transposer la première directive - cela aurait dû être fait avant le 1er novembre 2013 - le justifie, même si je regrette un dépôt tardif du projet de loi, qui nous a contraints à examiner en urgence des dispositifs très complexes, et qui, en outre, induit un effet rétroactif regrettable. Compte tenu de l'étroitesse de la marge de manoeuvre du législateur s'agissant d'une transposition, j'ai avant tout cherché à m'assurer de la fidélité et de l'exhaustivité des dispositions par rapport aux textes européens. Je salue le travail du Sénat en première lecture.
Deux articles restent en discussion : l'article 2 sur les droits voisins et l'article 4 relatif aux oeuvres orphelines. Pour le premier d'entre eux, le Sénat a supprimé une mention non conforme à la directive incluant les recettes issues de la location des oeuvres dans l'assiette de la rémunération annuelle supplémentaire des artistes-interprètes. Il a également ouvert la possibilité pour les sociétés de perception et de répartition des droits agissant pour le compte des artistes-interprètes de demander au producteur l'état des recettes provenant de l'exploitation du phonogramme, confortant les droits des artistes-interprètes. Cela est conforme à notre vision du texte : sous réserve de quelques petites modifications rédactionnelles, j'inviterai la CMP à retenir le texte du Sénat.
À l'article 4, le Sénat est revenu sur l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de la députée Isabelle Attard restreignant à cinq ans la durée pendant laquelle les organismes exploitant les oeuvres orphelines pourront répercuter leurs frais sur les utilisateurs. Les sénateurs ont en effet jugé la rédaction ambiguë - problème qu'il est aisé de résoudre en déplaçant l'incise dans la phrase - et ont craint que cette restriction à cinq ans soit contre-productive, incitant les bibliothèques à sur-répercuter leurs coûts les premières années pour être assurées de couvrir l'intégralité de leurs frais. Je propose de revenir à la logique adoptée par l'Assemblée nationale, car nous restons attachés à ce que les lecteurs ne soient pas pénalisés, tout en améliorant la rédaction formelle du dispositif.
Ce projet de loi ne nous posait aucun problème sur le fond ; nous souhaitions surtout éviter tout risque d'insécurité juridique. En cela, les propositions du rapporteur pour l'Assemblée nationale nous satisfont complètement.
Article 2
J'approuve les quelques modifications rédactionnelles apportées au texte adopté par le Sénat.
L'article 2 est adopté dans la rédaction de la commission mixte paritaire.
Article 4
La proposition de rédaction n° 1 consiste à rédiger ainsi le premier alinéa de l'article L. 135-2 du code de la propriété intellectuelle : « Les organismes mentionnés au 1° de l'article L. 135-1 ne peuvent utiliser les oeuvres mentionnées à ce même article que dans le cadre de leurs missions culturelles, éducatives et de recherche et à condition de ne poursuivre aucun but lucratif et de ne percevoir, le cas échéant et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, que les recettes couvrant les frais liés à la numérisation et à la mise à la disposition du public des oeuvres orphelines qu'ils utilisent. »
La multiplication des contraintes dans un dispositif déjà très restrictif risquerait de rendre celui-ci inopérant. Quoique d'intention généreuse, cette proposition pourrait être contre-productive, conduisant les organismes à augmenter les droits au lieu de lisser dans la durée les frais de numérisation.
Aujourd'hui, les coûts de la numérisation sont très restreints, grâce à l'avancée de la technologie. Cinq ans d'amortissement sont largement suffisants. J'entends vos arguments, mais je crains à l'inverse que l'absence de délai ne conduise les organismes à faire payer sans limite le public pour compenser des coûts faibles. Un compromis pourrait consister à allonger la période, autour de sept ou huit ans, pour que les organismes qui numérisent ne soient pas effrayés ni bloqués.
Le rapporteur pour l'Assemblée nationale a proposé une solution déjà très restrictive, qui ne concerne que les frais de numérisation et de mise à disposition. J'ai consulté la Bibliothèque nationale de France (BnF) : le coût hors frais de recherche et de mise à disposition varierait entre 23 et 76 centimes par page. Le marché de numérisation est de trois ans, et des étapes indispensables de vérification allongent le délai, d'autant que les volumes sont très importants. Neuf millions de pages ont été numérisées en 2014.
Les cinq ans courent à partir de l'exploitation de l'oeuvre. Mme Attard nous a convaincus, comme elle a convaincu le Gouvernement. Je connais les arguments de la BnF, mais il serait important d'envoyer un signe en faveur de l'accès aux oeuvres dans le cadre légal. Je salue la proposition conciliante d'Isabelle Attard de passer à sept ou huit ans.
Sur le fond, je partage les arguments développés par M. Patrick Bloche ; j'ajoute que, sur la forme, l'ambiguïté est levée par notre proposition de rédaction, qui précise aussi que les recettes doivent se cantonner au coût découlant directement de la numérisation, pour que les organismes ne soient pas amenés à répercuter des frais inconsidérément. Le Gouvernement a été convaincu. Je comprends fort bien que la BnF défende cette position : l'inverse aurait été étonnant !
Merci de préciser ainsi, à raison, que les frais concernés sont ceux directement liés à la numérisation. Cela exclut tout risque d'amortissement excessif. Mon objectif est de lisser l'impact sur longue période.
Mais si l'amortissement n'est pas limité dans le temps, il devient nécessairement excessif à un moment donné.
Avez-vous interrogé d'autres bibliothèques que la BnF ? Nous avons eu accès au contrat liant la BnF à son prestataire de numérisation des oeuvres orphelines ou des livres rares ProQuest. Après plusieurs heures d'analyse, nous sommes parvenus à des chiffres bien plus bas que ceux que vous citez. Il y a certes un sous-traitant qui numérise très vite - trop vite même, ce qui est inquiétant du point de vue de la qualité. Mais le prestataire principal est très efficace et la BnF compte aussi un service interne qui se consacre à la même tâche. Je crains que, sans limite dans le temps, les organismes en arrivent à faire payer trois fois le prix de la numérisation aux utilisateurs.
Nous voulons prendre en compte l'intérêt des exploitants : notre intention n'est certes pas de déséquilibrer financièrement la BnF. Mais nous pensons aussi au public, surtout concernant les oeuvres orphelines. La loi doit être un point d'équilibre, qui rejoindrait en l'occurrence la moralité républicaine : il ne serait pas conforme que l'organisme public chargé de l'exploitation tire des recettes supérieures à l'amortissement du coût.
Il est vrai qu'on ne peut pas amortir à l'infini. Nous devrions trouver un équilibre avec un allongement de la durée d'amortissement.
Afin de lisser les coûts pour les utilisateurs - qui sont, je le répète, ma principale préoccupation.
Je vous propose de passer donc de cinq à sept ans.
La proposition de rédaction n° 1 ainsi rectifiée est adoptée.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire adopte l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi dans la rédaction issue de ses travaux.
La réunion est levée à 15 h 15.