Cette audition est la première que tient la commission des lois dans le cadre de sa mission d'information avec pouvoirs d'une commission d'enquête, sur l'affaire dite « Benalla ». Ses rapporteurs sont M. Jean-Pierre Sueur et Mme Muriel Jourda. Nous entendrons séparément toutes les organisations syndicales, et chaque audition durera une demi-heure. Leurs représentants auront la parole pour un propos liminaire et il serait bon qu'ils ménagent du temps pour des questions complémentaires.
S'agissant d'une commission d'enquête, je dois vous demander de prêter serment. Je vous indique pour la forme qu'un faux témoignage devant la commission des lois dotée des prérogatives d'une commission d'enquête serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, les personnes entendues prêtent serment.
En tant que syndicalistes, nous n'aurons pas de langue de bois et nous vous donnerons notre version des faits, qui sera largement vérifiable. En tant que syndicat majoritaire, nous ne pouvons être que scandalisés de la situation. Nous avons d'ailleurs tout de suite publié un communiqué en ce sens. Cette situation nous paraissait inadmissible et nous voulions qu'une enquête soit menée ; cela va enfin avoir lieu.
Ce qui nous pose problème, c'est que l'on a encore sali, terni l'image de la police nationale ; en effet, les premières déclarations de certains élus ont fait état d'une bavure policière, de violences policières ; il n'a en aucun cas été question d'un conseiller du Président de la République. Heureusement, on s'est aperçu depuis qu'il s'agissait de M. Benalla, caché sous son casque et déguisé en policier.
Toutefois, le débat n'est pas là ; nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur cette affaire et que cela ne se reproduise plus. C'est, à notre connaissance, la première fois que cela arrive, la première fois qu'un observateur se prend pour un interpellateur. Nous souhaiterions qu'une convention spécifique soit conçue pour définir le rôle de l'observateur, afin que les choses soient bien claires ; les observateurs viennent de partout, on ne sait pas qui donne les autorisations ni comment et sous quel contrôle l'observation se déroule.
Enfin, nous voulons comprendre pourquoi M. Benalla s'est permis de faire ce genre de choses ; cela nous dépasse, pour l'instant. On l'a dit, on peut difficilement croire qu'il ait été seul sur le terrain, un observateur est toujours accompagné d'un tuteur. On veut comprendre qui l'a emmené jusque-là, qui lui a donné ce brassard et cette radio de la police. En revanche, il est vrai qu'il devait avoir ce casque, pour se protéger.
Une question revient souvent sur l'absence de réaction des CRS qui étaient autour des évènements. Nous ne voulons pas qu'ils servent de boucs émissaires, de lampistes, dans cette affaire. Avant de les incriminer, il faut connaître leur rôle ; ils travaillent toujours en unités constituées, donc, s'il se passe quelque chose autour d'eux qui ne les concerne pas directement, ils ne réagissent pas, ils ne sont pas là pour ça. Ils ne sont là que pour écouter une seule autorité, leur hiérarchie directe, qui reçoit d'ailleurs les ordres de plus haut.
Par ailleurs, si vous êtes confrontés à la vidéo, fermez les yeux et écoutez les sons ; vous verrez que, ce jour-là, ils prenaient de nombreux projectiles et qu'ils ne pouvaient pas intervenir ni savoir ce qu'il se passait à côté d'eux. Ce n'est pas leur rôle, ils ne sont pas là pour intervenir. Il ne faut pas s'attaquer une fois de plus aux petits sans s'occuper des grands.
Je vous remercie de nous donner la parole sur un sujet éminemment important pour nous, car il a porté atteinte à nos institutions. L'objet de l'audition est non pas d'entrer dans le détail mais de recentrer le débat sur ce qui nous paraît fondamental, qui est pourtant éludé dans les différentes interventions que l'on entend.
Ce qui importe est, selon nous, de savoir quelles étaient les fonctions, les missions de M. Benalla et d'autres personnes, comme M. Crase. Il suffit de regarder les vidéos et les photographies qui circulent pour le voir : tout en ayant le titre de chef de cabinet adjoint du Président de la République, M. Benalla s'occupait directement de la sécurité rapprochée du Président de la République ; il était, soyons clairs, son garde du corps. On le voit en permanence sur les vidéos à moins de cinquante centimètres du Président. Ce monsieur, même si on nous le présente comme quelqu'un qui s'occupait des bagages des joueurs de l'équipe de France de football - ce qui est étonnant, surtout après sa suspension - avait un titre qui lui conférait un véritable pouvoir, notamment aux yeux de l'autorité que nous incarnons.
Pourtant - c'est là que réside le problème -, il y a au sein du ministère de l'intérieur le service de la protection (SDLP), ancien service de protection des hautes personnalités, qui intègre le groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Plusieurs dizaines de personnes sont chargées au quotidien de la sécurité rapprochée du Président de la République ; ce sont des policiers ou des gendarmes, à la tête desquels se trouvent un colonel de la gendarmerie et son adjoint, un commissaire de police. Ces agents sont formés et aguerris, ce sont des professionnels de la sécurité. Or on se rend compte qu'un certain nombre de personnes - M. Benalla, M. Crase, peut-être d'autres - ont des prérogatives que l'on n'arrive pas à bien identifier et qui, par leur positionnement et la voix qu'ils portent, celle de la présidence de la République, se voient conférer une autorité naturelle sur des forces de sécurité intérieure, qui devraient avoir cette autorité.
Notre problème est de savoir si ces gens doivent ou non exister. À mon avis, la réponse est claire : on a des gens au GSPR - presque quatre-vingts personnes - qui sont payés par nos concitoyens pour le faire. Pourquoi en employer d'autres ? Y a-t-il une défiance de la présidence de la République vis-à-vis des forces de l'ordre ? Si on ne les utilise pas, il doit y avoir une raison. En outre, cela pose des difficultés à nos collègues chargés de la sécurité du Président de la République ; avoir en permanence dans les pattes des personnes qui se substituent à eux pour faire de la sécurité rapprochée un jour et participer à des réunions de préparation le lendemain doit être assez étonnant.
La confusion des rôles, l'ambiguïté des fonctions de M. Benalla et des gens qui l'entourent posent de graves problèmes sur la lisibilité des instructions qu'ils pourraient être amenés à donner à nos collaborateurs. Je le rappelle, un certain nombre de policiers ont été suspendus et mis en examen pour avoir communiqué des informations indues à M. Benalla. Je veux bien qu'ils aient commis des erreurs, mais, quand des personnes se présentent comme l'émanation de l'autorité suprême et sollicitent des éléments auprès de policiers, il est très difficile d'y résister. Le coeur du problème est donc de savoir quelles sont les missions de ces gens-là et s'ils ont une raison d'être. À mon avis, je le répète, ils n'en ont pas, car le GSPR est chargé de la sécurité rapprochée de la présidence de la République.
Nous avons beaucoup entendu parler ces derniers jours d'un projet de réorganisation des services de la présidence de la République. Si j'ai bien compris, il s'agirait d'une fusion du commandement militaire du palais et du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), pour autonomiser cette instance à l'égard de la hiérarchie du ministère de l'intérieur. Cela vous semble-t-il positif ? Serait-ce de nature à améliorer la situation ?
Ce projet a été présenté voilà quelques mois à l'ensemble des organisations syndicales comme un fait accompli. Comme souvent avec les projets présidentiels, c'était non négociable. La direction générale de la police nationale expliquait que le cordon serait coupé avec le service de la protection (SDLP), pour prévoir plus de souplesse dans les recrutements. La fusion avec les autorités militaires de l'Élysée aurait aussi pour but de diversifier les profils : il était question de contractuels, d'anciens militaires voire d'anciens agents de la DGSE, afin d'avoir un panel de qualités complémentaires, au motif que les policiers et gendarmes ne suffiraient pas pour accomplir les missions actuelles.
Ce projet en était à ses débuts, il n'était pas encore définitif, mais on savait que l'autorité de cette unité serait à l'Élysée - directeur de cabinet ou secrétaire général -, pour créer une autorité interne au palais et ne dépendant plus organiquement de la police nationale. On n'a pas mentionné du tout les noms des personnes qui auraient été à la tête de ce groupe.
Il ne faudrait pas que ce projet, au sujet duquel nous n'avons jamais été consultés, serve de contrefeu, sous prétexte que le GSPR n'aurait pas fonctionné correctement. La police n'est pas coupable, le problème vient d'un conseiller du Président de la République qui s'est permis de faire des choses qu'il n'aurait pas dû faire. Le GSPR n'a rien à se reprocher en la matière, il a toujours été professionnel. Il ne faudrait pas que l'administration prétende régler ce problème au moyen d'une nouvelle réforme qui, en fait, en créerait d'autres. Le système fonctionne, il y a sans doute quelques perfectionnements à apporter - un audit global de la situation serait peut-être opportun -, mais en aucun cas ce projet de fusion ne règlera le problème.
Je veux d'abord dire la considération que nous avons pour tous les fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Ils sont mis à rude épreuve ; il y a une grande confiance en eux.
Lorsque l'on regarde la vidéo, on voit des personnes de la police nationale qui restent statiques, et l'on voit des personnes qui n'en font pas partie qui interviennent de manière assez brutale. Soit il y a matière à intervenir, soit ce n'est pas le cas. Si c'est le cas, pourquoi les policiers n'interviennent-ils pas et pourquoi laisse-t-on des personnes qui ne sont pas membres des forces de l'ordre intervenir ? Je note que vous avez en partie répondu à cette question : nous prenons acte de l'existence de ce qui a été décrit comme une « police parallèle » et des problèmes dans les relations entre les policiers et ceux qui n'appartiennent pas à la police mais donnent des ordres.
M. Sueur connaît très bien les policiers, je ne lui apprendrai donc pas comment nous fonctionnons. Un document vidéo peut être interprété de diverses façons. La question posée est légitime et la connaissance du rôle des compagnies républicaines de sécurité (CRS) permet d'analyser la situation : des fonctionnaires en civil, munis d'un brassard et d'une radio de police, sont présents dans les manifestations. En aucun cas, nos collègues CRS ne pouvaient donc savoir qu'il s'agissait en l'espèce de faux policiers. Si ce monsieur s'est trouvé au milieu de l'action, c'est qu'il y a eu un autre souci ailleurs, mais jamais du côté des CRS, qui n'interviennent que sur ordre de leur hiérarchie. La manifestation du 1er mai était en outre très difficile - trente interpellations rien que sur la place de la Contrescarpe et des blessés -, il faut donc faire la part des choses.
Vous avez souligné la confusion qu'il pouvait y avoir lorsque quelqu'un se prévaut de l'autorité suprême et agit en qualité d'émissaire de l'Élysée. Est-ce une constatation d'ordre général ou avez-vous eu connaissance que cette personne se présentait ainsi en opération à vos collègues, comme l'adjoint du chef de cabinet de l'Élysée ?
Il faut bien distinguer les situations. Il y a d'une part les actions de terrain, au cours desquelles les CRS obéissent uniquement à leur autorité propre et, d'autre part, les demandes que j'évoquais, en me référant aux deux commissaires de police et au commandant sollicités pour fournir des images. Quand M. Benalla se présente dans une réunion en tant que représentant de la sécurité du Président, on ne sait pas trop de qui il s'agit mais on se sent naturellement obligé de répondre positivement à ses sollicitations. Sur le terrain, en revanche, on est dans une situation parfaitement différente, seule l'autorité directe d'emploi des CRS donne les instructions aux agents.
L'un de vous a évoqué le fait que, lors des déplacements du Président de la République, vous pouviez penser qu'il y avait plusieurs personnes extérieures au GSPR, en dehors de M. Benalla. Avez-vous des indices précis laissant penser qu'il y aurait un groupe constituant une garde personnelle hors du GSPR ?
M. Benalla disposait d'un téléphone, d'un accès au réseau. S'agit-il du réseau Automatisation des communications radioélectriques opérationnelles de la police nationale, dit Acropol ? Dans ce cas, peut-on avoir accès aux enregistrements ?
Toute vidéo est interprétable, selon vous. Puisque la défense de M. Benalla insiste sur le fait que celui-ci est venu donner un coup de main à des forces de police débordées par la situation, considérez-vous que c'était le cas, au regard de la vidéo ?
Quelles étaient les relations entre les policiers affectés à la sécurité du Président de la République et M. Benalla ? Il n'a pas pu avoir seul tous ces équipements de police.
On parle toujours de son statut d'observateur, mais n'y a-t-il pas aussi en opération des fonctionnaires d'autorité ? Il a été présenté comme chef adjoint de cabinet mais il y a souvent dans les manifestations des membres du corps préfectoral. Y a-t-il une doctrine pour déterminer quand un fonctionnaire ou un contractuel peut ou non donner des ordres à des fonctionnaires sur le terrain ?
Les opérations de maintien de l'ordre sont-elles filmées ? Avec les progrès de la vidéo, y a-t-il un enregistrement systématique ? M. Benalla invoque l'article 73 du code de procédure pénale, qui autorise tout citoyen, en cas de flagrant délit, à interpeller une personne et à la conduire devant un officier de police judiciaire ; les vidéos donnent-elles un fondement à cet argument ?
Existe-t-il des éléments distinctifs permettant de reconnaître un observateur, et quel est le régime exact de l'activité de ces observateurs ?
Les vidéos transmises sont-elles les originales ? Y a-t-il des copies ? Reste-t-il encore des images à découvrir ?
Je vais également, à titre exceptionnel, donner la parole à Mme Éliane Assassi, qui est membre d'honneur de notre commission...
Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a indiqué à plusieurs reprises que l'inspection générale de la police nationale (IGPN) avait été saisie pour enquêter sur les agissements de M. Benalla, qui n'est ni policier ni gendarme. Ne fallait-il pas plutôt saisir l'inspection générale de l'administration (IGA) ?
Les relations entre nos collègues de la Compagnie de garde de l'Élysée et M. Benalla étaient très mauvaises - je parle au nom des gradés et gardiens. Ce dernier était, selon leurs termes, exécrable ; il avait ainsi du mal à comprendre qu'il faille attendre pour pouvoir passer ou se garer.
En ce qui concerne les observateurs, nous demandons une doctrine, une convention. À notre connaissance, actuellement, il n'y en a pas. Un observateur peut venir de n'importe quel milieu. Cela peut d'ailleurs être très intéressant et nous y sommes favorables, car cela permet d'avoir une autre vision de la police, qui n'a rien à cacher, et de découvrir nos conditions de travail, mais il faut une convention définie.
Lors de la manifestation, des CRS font une sortie pour interpeller l'individu auteur de jets de projectiles et le remettent ensuite aux personnes qui étaient, selon eux, des fonctionnaires de police. Ils retournent alors à leur mission initiale, garder le terrain, car leur rôle premier est de rétablir l'ordre public sur la place de la Contrescarpe, où il y avait de nombreux jets de projectiles, qui ont occasionné beaucoup de blessés.
Les CRS agissent sur instruction de l'autorité civile, soit le préfet, soit le commissaire de police, avec des sommations, tout figure dans les comptes rendus.
Sur la vidéo, chaque compagnie est équipée d'appareils photo ou de caméras, déclenchés selon les circonstances. Des moyens vidéo ont été utilisés par la compagnie concernée. Toutes les sommations ont été indiquées dans le compte rendu. Tout était donc clair et transparent et a été transmis par la compagnie qui était sur le terrain au moment des faits.
Concernant l'utilisation par M. Benalla du réseau Acropol, les enregistrements vidéo sont conservés durant trente jours et les enregistrements radio durant soixante-deux jours, le délai est donc probablement dépassé. M. Gibelin a répondu à cette question hier lors de son audition à l'Assemblée nationale et on est censé ne pas découvrir d'autres vidéos.
Le préfet de police a indiqué hier que des vidéos avaient été retrouvées qui n'auraient pas dû l'être, car leur délai de conservation était largement dépassé...
Lorsque l'on parle d'une enquête de l'IGPN sur M. Benalla, il s'agit d'un abus de langage. En réalité, deux services ont été co-saisis dans cette affaire. Les gardes à vue de nos collègues ont été traitées par l'IGPN et la situation de MM. Benalla et Crase a été traitée par un service particulier de la police judiciaire de Paris, la brigade de répression de la délinquance aux personnes, qui a une multitude de compétences, dont les abus de fonction et les abus d'autorité. Cette brigade a été saisie par le parquet de Paris et ce n'est qu'en bout de garde à vue des uns et des autres que tout a été regroupé dans une même commission rogatoire. À moins que les choses soient connexes, la plupart du temps, l'IGPN traite des problématiques liées aux policiers et laisse d'autres services s'intéresser aux autres personnes figurant dans la même affaire.
Disposez-vous d'indices laissant supposer que d'autres personnes que M. Benalla se substituent au GSPR ?
Nous n'avons pas d'indice particulier en ce sens, mais nous voyons sur les vidéos, comme tout le monde, qu'il y avait déjà MM. Benalla et Crase ; il y en a donc au moins deux. Avant ces faits, nous ne connaissions pas même leurs noms.
Madame, messieurs, je propose que vous commenciez par une déclaration liminaire ; néanmoins, nous n'avons qu'une demi-heure pour l'audition et il serait souhaitable que vous laissiez du temps pour des questions.
S'agissant d'une commission d'enquête, je dois vous demander de prêter serment. Je vous indique qu'un faux témoignage devant la commission des lois dotée de ces prérogatives est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, les personnes entendues prêtent serment.
La CFDT est une instance, au sein du ministère de l'intérieur, très peu représentée jusqu'à ce jour.
M. Jacob est le secrétaire général de la section Gardiens de la paix, et nous représentons des officiers et des commissaires de police. En effet, selon nous, les sujets du ministère doivent s'extraire d'une analyse purement catégorielle.
Cette affaire montre qu'il est temps que le ministère de l'intérieur se réforme : il se passe des bizarreries que l'on a pu, que l'on a dû, laisser faire.
Nos collègues ont été profondément touchés par cette affaire et par l'image qu'elle donne à l'extérieur de l'institution policière. Deux commissaires et un officier ont fait l'objet d'une suspension pour avoir extrait, d'après ce que l'on sait, une vidéo qui ne fait que confirmer celle filmée par un citoyen le 1er mai lors de la manifestation. Il ne faudrait donc pas déplacer le problème de fond sur cette seule extraction : elle constitue, certes, une faute, mais c'est un sujet accessoire.
Nous avons des questions, qui reflètent la frustration de nos collègues de tous grades et de tous corps. Alors que l'on a un service de professionnels recrutés et sélectionnés, composé d'officiers de gendarmerie et de police et de gardiens de la paix et de gendarmes - le GSPR -, pourquoi prendre un conseiller de sécurité opérationnel sur le terrain ? Il ne doit pas y avoir de confusion des genres ; au moment où l'on envisage, dans le cadre de CAP22, de recruter des contractuels sur des postes de sécurité, cela pose des questions de fond sur le respect des règles déontologiques, principe de base de l'ensemble des policiers, qui doivent s'y soumettre. C'est d'ailleurs le fondement de 70 % des sanctions prononcées au sein de la fonction publique.
Si c'était un gardien de la paix qui avait commis ces violences illégitimes en dehors du cadre légal, une procédure aurait bien entendu été immédiatement engagée : évidemment d'un point de vue administratif, et sûrement pénal. Il y a donc deux poids et deux mesures ; pourquoi n'y a-t-il pas eu, pour M. Benalla, saisine immédiate des instances juridictionnelles indépendantes ?
Comment a-t-on pu doter cet agent de sécurité privée, occupant certes un poste prestigieux à l'Élysée, d'un véhicule équipé « police », tout neuf, alors que les fonctionnaires de police circulent au quotidien dans des voitures de plus de 200 000 kilomètres et en mauvais état ?
Pourquoi M. Benalla a-t-il été doté d'un brassard de police, qui est le symbole d'une fonction que l'on doit respecter et qui nous engage ? Quand on intervient sur la voie publique avec ce brassard, c'est la police que l'on voit et non M. Benalla. Cela a donné une image négative de la police nationale.
Comment a-t-on pu nommer M. Benalla, membre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, ce qui est tout à son honneur - nous prônons d'ailleurs la création d'une réserve de ce type dans la police nationale -, mais au grade de lieutenant-colonel, avec, par-dessus le marché, la qualité d'expert ? Même honorifique, ce n'est pas insignifiant. De quoi peut-on être expert à vingt-six ans, dans le domaine de la sécurité présidentielle ? Il faut plusieurs années pour acquérir de l'expérience et pour pouvoir être sélectionné dans les services de la protection ou de la sécurité du Président de la République !
Cela nous blesse d'autant plus dans le contexte actuel où l'on interdit aux commandants divisionnaires de porter ces galons, parce qu'on nous en estime indignes. Cela crée chez les officiers de police un sentiment d'indignation.
Pourquoi, alors que l'on a 250 000 policiers et gendarmes - nombre élevé par rapport à la population, comparativement aux autres pays européens -, recruter des agents de sécurité privée pour assurer la sécurité du Président de la République ? A-t-on un problème de confiance ? Nous demandons des réponses précises.
Quant à la question de la réserve citoyenne, nous demandons que la liste de ses membres soit rendue publique tout comme celle des spécialistes de la réserve opérationnelle. Je pense que l'on a suffisamment d'experts auprès des tribunaux et dans les forces de police pour ne pas aller en chercher ailleurs qu'il faut rémunérer sans plus-value évidente. Il y a une opacité sur cette question depuis plusieurs années ; nous avons saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), et le ministre de l'intérieur, et la réponse a toujours été négative.
L'image de la police a été salie, qu'on le veuille ou non. En effet, avant que cette affaire n'éclate, il s'est écoulé deux mois et demi. Pendant toute cette période, pour ceux qui ont vécu cette affaire, c'est d'une bavure policière qu'il s'agissait. Les collègues, gradés et gardiens, sont d'autant plus en colère qu'ils ont été mis en cause à plusieurs reprises lors de manifestations particulièrement violentes, sans parler des attentats.
Les CRS ont une mission, le maintien de l'ordre ; ils sont constitués en unités et ils ne peuvent faire autre chose, notamment pas des missions de sécurité publique. Quand ils interpellent quelqu'un, ils le transmettent à d'autres services de police, en arrière, qui s'occupent de la prise en charge. Ils contiennent les foules et se préoccupent des tentatives de débordement des limites du cortège prédéterminé. Il y a d'ailleurs actuellement une réflexion sur l'adaptation et la redéfinition de la doctrine d'emploi des CRS pour qu'elles puissent intervenir face aux nouvelles contraintes du terrain.
Quand M. Benalla porte les signes distinctifs de la police nationale, il n'y a pas de confusion possible, il est, dans l'esprit des gens, policier. Se pose la question de la différenciation des observateurs. Jusqu'à présent, il n'y avait jamais eu de problème, que ce soit avec des journalistes, des sociologues ou autres. Les observateurs sont strictement encadrés en pratique et disposent de moyens de protection qui ne sont pas sérigraphiés « Police ». Pourquoi cet individu avait-il un casque, un brassard et une radio de la police ?
Le mécontentement est profond à voir M. Benalla disposer d'une Renault Talisman spécialement équipée alors que nos collègues travaillent au quotidien avec des véhicules qui comptent 200 000 ou 300 000 kilomètres au compteur. Ce n'est pas concevable. Cela met en lumière des pratiques qui ne sont pas des pratiques de policier. Je le rappelle, ce sont de hauts fonctionnaires et de hautes personnalités qui sont mis en cause aujourd'hui. Les enquêtes détermineront les responsabilités des uns et des autres, il ne m'appartient pas de le faire, néanmoins, combien de fois a-t-on mis en cause le comportement de policiers de terrain ? On n'a pas attendu, alors, deux mois et demi pour les mettre en garde à vue, les interroger, les mettre en examen, les suspendre, les soumettre à une enquête de l'IGPN, bref pour prendre toutes les mesures conservatoires qui s'imposent en pareil cas. Encore une fois, il y a deux poids et deux mesures...
La sécurité du Président de la République revêt un caractère éminemment régalien et l'orientation vers le recrutement d'agents contractuels ou de sécurité privée pour assurer ces missions ébranle la sécurité de l'État et de ses institutions.
Plusieurs questions se posent. Comment M. Benalla a-t-il pu s'attribuer des missions à caractère régalien, sans aucun contrôle ? Avait-il une fiche de poste, une feuille de mission ? C'est une question que cette commission devrait, selon moi, élucider.
Ce n'est pas sans raison que la commission des lois du Sénat a choisi de vous entendre avant toutes les personnalités qui ont été convoquées. C'est une manière pour nous d'assurer la police nationale et la gendarmerie, qui n'a bien sûr pas d'organisation syndicale, de notre profond respect, de notre soutien, et de notre attention aux conditions de mise en oeuvre de leurs responsabilités. Sur la question des moyens de la police et de la gendarmerie, vous nous trouverez toujours à vos côtés.
J'ai cru comprendre que le statut d'observateur n'était guère défini, mais vous avez dit que l'observateur est normalement encadré. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet et sur le fait qu'un accompagnateur ait ou non existé pour M. Benalla ?
Je répondrai de manière générale, car je ne connais pas ce qui s'est fait pour M. Benalla. Généralement, il s'agit de demandes de journalistes ; ces derniers sollicitent une autorisation du cabinet du préfet de police pour accompagner un service de police dans le cadre d'un reportage. S'il y a lieu, la direction spécifique est consultée, puis l'observateur est placé sous la responsabilité d'un agent de police, généralement un gradé ou un officier, voire un commissaire de police. Ce dernier doit indiquer à l'observateur qu'il ne peut pas agir de manière libre et qu'il est soumis aux règles de fonctionnement des unités de police. Il ne peut pas aller et venir, comme on le voit sur la vidéo. M. Benalla aurait dû rester auprès de son référent et observer. S'il n'y a pas de statut légal de l'observateur, il y a tout de même un cadre de fonctionnement défini.
On a entendu, dès le début de cette affaire, qu'il faudrait un statut ou une tenue. Mais cela se passait toujours bien jusqu'ici, que l'observateur soit un journaliste, un magistrat ou un parlementaire ; ne créons pas une nouvelle usine à gaz coûteuse pour tenir compte d'exceptions. La vraie question est : qui était le référent de M. Benalla ? C'est forcément quelqu'un de la direction de l'ordre public de la préfecture de police qui était à proximité.
Les CRS sont soumis à l'autorité civile. Quand ils sont dans leur mission, s'ils voient agir un policier - en l'occurrence, ils pensaient voir un policier - ce n'est pas à eux de mettre fin à ses agissements. Ce ne pouvait être qu'à l'autorité de ce policier en civil d'intervenir. Les CRS ne peuvent pas être en sécurisation et en même temps intervenir pour mettre fin aux agissements d'un collègue d'un autre service.
Nous voulons profiter de cette occasion pour souligner l'excellence du rapport sénatorial sur les moyens des forces de sécurité. Beaucoup de nos constats y ont été repris. J'espère qu'on en tirera les conséquences pour être plus rationnel et efficace.
Quelle était la qualité des relations de vos collègues de la police nationale avec M. Benalla ?
Comme il n'avait pas de raison de donner des ordres à des agents de la police nationale ou de la gendarmerie, certains ont-ils manifesté leur refus d'obéir ?
Ne vous paraîtrait-il pas opportun que l'on réfléchisse à ce qu'il n'y ait que des fonctionnaires de la gendarmerie nationale et de la police nationale pour assurer la sécurité du Président de la République et des ministres ?
Il a été répondu à la dernière question, nous sommes bien entendu d'accord. Il s'agit d'une mission régalienne pour laquelle les agents sont sélectionnés, formés, et doivent rendre des comptes, conformément aux règles déontologiques qui s'appliquent à eux.
Sur le refus d'obéir, je crois que c'est arrivé à l'aéroport de Roissy, si j'en crois la presse. M. Benalla a, semble-t-il, voulu s'immiscer dans l'organisation du départ des joueurs de l'équipe de France de football et un officier de gendarmerie lui a rappelé qu'il était le chef et qu'il n'avait pas d'ordre à recevoir de lui. Je pense que cet officier doit pouvoir être facilement retrouvé et confirmer cela.
Sur les relations de la police nationale avec M. Benalla, nous avons eu des remontées du terrain, et pas seulement d'agents de police. Les interférences et les interventions se produisaient y compris en présence de hauts responsables de la police nationale, ce qui est d'autant plus gênant. Si tel a été le cas, au GSPR, au SDLP ou ailleurs, y a-t-il eu des signalements auprès des autorités supérieures du ministère de l'intérieur pour dénoncer ce comportement indigne ? Imaginons l'inverse, si un agent de police contredisait les ordres de son supérieur, cela ne durerait pas longtemps. Là encore, il y a deux poids et deux mesures.
Je m'associe aux propos du président de la commission sur notre confiance dans les forces de l'ordre.
Ce qui m'interpelle le plus dans cette affaire, c'est que M. Benalla ait été comme un poisson dans l'eau au ministère de l'intérieur. On ne savait pas qui il est, mais on l'a équipé, on l'a laissé participer à des opérations de maintien de l'ordre et à des « débriefings », avec pour seul laissez-passer son appartenance au cabinet du Président de la République. Je pensais que le chef de la police nationale et de la gendarmerie était le ministre de l'intérieur, non le Président de la République. Comment se fait-il qu'il ne se soit jamais rien passé ?
La présence d'observateurs extérieurs dans les manifestations est-elle fréquente ? Si oui, quand les forces de l'ordre sont-elles prévenues de leur présence ?
Monsieur Bailleul, vous avez évoqué, lors d'un entretien sur RMC-BFMTV, la participation de M. Benalla à des réunions alors qu'il était mis à pied ? Confirmez-vous ou infirmez-vous cela ?
M. Benalla mettait-il un uniforme de gendarmerie avec les galons de lieutenant-colonel et pouvait-il s'en prévaloir lors de cérémonies ?
Comment circulent les observateurs ? On comprend qu'il y a une règle mais on constate que M. Benalla accédait à des réunions stratégiques où on ne lui demandait aucun compte. Il lui suffisait d'indiquer qu'il représentait le cabinet du Président de la République pour avoir porte ouverte.
Quels sont les équipements mis à la disposition des observateurs dans le cadre des opérations auxquelles ils sont amenés à participer ?
Je vous remercie de l'hommage rendu aux travaux de notre commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure, qui a mis en lumière diverses difficultés auxquelles sont confrontées la police et la gendarmerie, notamment une transparence insuffisante des procédures de commandement lorsque la police n'est pas dirigée par des policiers. Le problème soulevé par l'affaire Benalla relève-t-il du statut des observateurs, ou, plus largement, de l'existence d'une hiérarchie non policière, exception faite de la position particulière du corps préfectoral ? Est-il fréquent que des policiers reçoivent des ordres directs de personnes n'appartenant pas à leur hiérarchie ?
Nous avons connaissance, s'agissant des événements du 1er mai sur la place de la Contrescarpe, des images issues des caméras de vidéosurveillance de la préfecture de police et d'une vidéo amateur. Il semblerait toutefois que la compagnie de CRS présente sur les lieux fût également sous vidéo-surveillance. Avez-vous connaissance de l'existence de cette bande et de son éventuelle utilisation par la justice ?
Vous avez estimé insuffisamment transparentes les modalités de recrutement dans la réserve citoyenne. J'en suis membre et puis vous assurer que j'ai dû à cet effet fournir de nombreux documents !
Je vous crois volontiers ! La réserve opérationnelle, qui gagnerait à être fusionnée entre police et gendarmerie, compte 30 000 membres, dont l'utilité n'est plus à prouver. La réserve citoyenne, qui a pour vocation de rapprocher l'armée de nos concitoyens, comprend notamment 1 500 officiers de gendarmerie, qu'il conviendrait de mieux identifier. Nous avons, à cet égard, exigé davantage de transparence mais nulle autorité n'a accédé à nos demandes. Combien, pourtant, existe-t-il d'Alexandre Benalla au sein de la réserve citoyenne ? Il était, semble-t-il, l'un de ses soixante-quatorze experts : à quel titre et selon quelles conditions l'est-il devenu ? Je m'interroge. Doit-il sa nomination à sa seule proximité avec le Président de la République ? Cette question mérite une réponse.
Certains agents ont, monsieur le rapporteur, refusé d'obéir aux ordres de M. Benalla, qui se trouvait effectivement, monsieur Collombat, comme un poisson dans l'eau au plus haut niveau des autorités de l'État. Il disposait même d'un badge d'accès à l'Assemblée nationale alors que nous, qui certes sommes armés, devons pour nous y rendre nous plier à diverses procédures. Il bénéficiait de multiples autorisations et obtenait divers passe-droits en agitant sa carte professionnelle de chef adjoint de cabinet de l'Élysée, qui impressionnait bien des agents. Un débriefing de manifestation rassemble à peine une quarantaine de personnes. Or, M. Benalla y était régulièrement présent, y compris lors de celui relatif à la journée du 1er mai.
Madame Benbassa, nos collègues du GSPR nous ont indiqué que M. Benalla se comportait comme un véritable cador. Il s'est rendu sur plusieurs opérations, y compris au cours de sa suspension, selon la version fournie par Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC) à la préfecture de police de Paris, à la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. J'ai relayé cette information lors de l'émission télévisée que vous avez mentionnée mais, depuis, l'intéressé a démenti son propos. Quoi qu'il en soit, chacun a pu l'apercevoir auprès du bus de l'équipe de France de football, à une date à laquelle il était censé exercer des tâches strictement administratives.
Les agents ne sont pas prévenus de la présence d'un observateur, puisque ce dernier, qui doit demeurer en retrait, se trouve placé sous la responsabilité d'un référent. Un équipement de protection lui est fourni si un risque est avéré mais, en aucun cas, le matériel ainsi prêté n'est siglé.
Il est exact, madame Delattre, que les CRS sont équipés de moyens vidéo mobiles, mais en nombre insuffisant pour permettre la couverture de l'ensemble des opérations. Les événements de la place de la Contrescarpe n'ont ainsi pas forcément été filmés. Pour autant, il me semble que les images de vidéosurveillance dont nous avons connaissance témoignent bien à elles seules des faits.
Seules deux sections de CRS étaient présentes place de la Contrescarpe. Or, le matériel vidéo n'est utilisé que lorsque la compagnie se trouve au complet, en unité constituée.
Nous accueillons les représentants de la fédération de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) de la police. Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je vous rappelle qu'un faux témoignage devant la commission des lois dotée des prérogatives d'une commission d'enquête serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, les personnes entendues prêtent serment.
Je vous remercie de nous entendre. L'UNSA-FASMI représente l'ensemble des corps et des métiers de la police nationale, qui s'exercent tous dans un cadre complexe, engageant et éloigné des horaires de travail habituels, pour un salaire de base peu élevé. Représentez-vous que les CRS présents sur la place de la Contrescarpe le 1er mai se trouvaient en vacation depuis plus de seize heures ! Le métier de policier est difficile et dangereux, d'autant plus depuis 2015 et les attaques terroristes dont les forces de l'ordre sont fréquemment la cible. Ce contexte explique sans doute les difficultés de recrutement observées depuis plusieurs mois, au point de conduire le ministère de l'intérieur à financer une campagne de communication à un million d'euros. Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure a, à cet égard, remarquablement saisi le malaise policier.
Je fus auditeur, pendant la session 2017-2018 - promotion colonel Beltrame -, à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) dont plusieurs stagiaires ont participé en immersion à des opérations auprès des forces de l'ordre sans qu'aucun incident n'ait été signalé.
Je peux personnellement témoigner du déroulement d'une telle mission d'observation au sein de la brigade anti-criminalité (BAC) du Val-de-Marne : après avoir été contacté par la préfecture de police, rendez-vous est pris pour participer à une opération précédée d'un briefing sur la sécurité et d'instructions claires. En termes d'équipement, seul est fourni au stagiaire un gilet pare-balles ; ni radio, donc, ni brassard. Compte tenu du grand nombre de services en charge du maintien de l'ordre à Paris, une confusion sur le terrain semble cependant possible. Le maintien de l'ordre relève de la DOPC, mais les compagnies de CRS prennent leurs ordres d'un commissaire ad hoc. Peuvent également être présents des agents des compagnies d'intervention ou de la police scientifique. La neuvième recommandation émise par le groupe de travail précité de l'INHESJ consistait d'ailleurs à clarifier, lors d'une opération, les missions des différentes unités engagées.
En somme, même s'il n'était qu'observateur, Alexandre Benalla a pu aisément passer le 1er mai, aux yeux des CRS, pour un policier en civil. Du reste, lorsqu'ils lui ont confié une personne arrêtée, ce dernier ne leur a pas indiqué que cela outrepassait ses prérogatives de simple observateur. Il agissait d'ailleurs davantage comme un agitateur excité que comme un observateur...
Cette affaire, certes grave dans les faits, apparaît surtout révélatrice d'un mode de fonctionnement inacceptable, qui discrédite l'ensemble des forces de sécurité, et des regrettables habitudes du ministère de l'intérieur, entre politique de l'autruche et renvoi à d'autres des prises de décision majeures.
Notre commission apporte une grande considération et une immense confiance à la police nationale, dont elle a conscience des difficultés d'exercice. Il apparaît évidemment nécessaire de clarifier un fonctionnement à certains égards par trop obscur. À votre connaissance, quelles relations entretenaient vos collègues policiers avec Alexandre Benalla ? Certains, notamment au sein du GSPR, ont-ils refusé de céder à des injonctions ou à des commandes ne provenant pas de leur hiérarchie ? La loi devrait-elle obliger, selon vous, à ce que la sécurité du Président de la République et des hautes personnalités de l'État soit uniquement assurée par des fonctionnaires de police et de gendarmerie ?
Les relations entre la police et M. Benalla doivent être éclaircies. À la différence des CRS de la place de la Contrescarpe, les cadres de la préfecture de police le connaissaient, de toute évidence, puisqu'il était régulièrement présent à des réunions de préparation et à des débriefings. Il apparaissait certainement, comme conseiller du Président de la République, comme une autorité à la présence de laquelle il était impossible de s'opposer puisqu'elle avait été validée au plus haut niveau. Si des policiers ont fauté, ils devront en assumer les conséquences. Certains, toutefois, se sont opposés à M. Benalla, notamment lors du retour de l'équipe de France après la coupe du monde de football : un conflit a ainsi opposé ce dernier à des gendarmes sur le tarmac de Roissy. Cet épisode, fut, je crois, la goutte d'eau, qui incita nombre de collègues à témoigner du comportement de M. Benalla. Évidemment, monsieur le rapporteur, la mission régalienne de protection des personnalités de l'État doit être confiée aux seuls gendarmes et policiers.
Je me joins au propos de mon collègue Jean-Pierre Sueur à propos du respect que nous portons aux forces de l'ordre. Vous affirmez que les CRS pouvaient ignorer que M. Benalla n'était pas policier. Comment était-il alors encadré en tant qu'observateur ?
Les CRS nous ont assurés de leur ignorance ! Du reste, ils ne lui auraient sinon pas remis une personne interpellée, même si, pendant une manifestation, les événements se succèdent à une vitesse folle. Le fait qu'Alexandre Benalla ait été accompagné de deux autres individus, un major de la DOPC et un réserviste de la gendarmerie nationale, a pu également les induire en erreur. Les moyens vidéo et photographiques des CRS permettront, sans nul doute, de confirmer leur version.
Je rejoins votre description des conditions d'accueil d'un stagiaire de l'INHESJ en opération : je l'ai vécue. Je puis d'ailleurs vous confirmer qu'il n'existe normalement aucune possibilité de prêter, dans ce cadre, main forte aux forces de l'ordre ! Je suis, pour ma part, convaincu que M. Benalla, détenteur d'un permis de port d'arme, habilité secret défense et lieutenant-colonel de la réserve spécialisée, représente l'exemple parfait de la théorie de l'apparence, selon laquelle il suffit d'avoir l'air, aux yeux de l'autre, pour être réellement. J'aimerais enfin connaître votre opinion, à la lumière du cas Benalla, sur le fonctionnement de la réserve spécialisée.
Avez-vous eu connaissance de la présence de M. Benalla sur d'autres manifestations ? Des photographies et des vidéos circulent, mais je ne suis pas certaine de leur véracité...
Devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, M. Michel Delpuech, préfet de police de Paris, a dénoncé un copinage malsain entre collaborateurs de l'Élysée et fonctionnaires de police. Qu'en pensez-vous ?
Les points de vue des protagonistes de l'affaire divergent notamment sur les débordements qui auraient eu lieu ou non place de la Contrescarpe le 1er mai. Quelle définition peut être donnée d'un débordement ? Une procédure est-elle prévue pour demander des renforts dans ce cas ?
Sur les images vidéo de la place de la Contrescarpe, les CRS paraissent calmes alors qu'Alexandre Benalla semble particulièrement agité. Ce comportement m'apparaît psychologiquement étrange. Quelle est votre opinion ?
Vous confirmez donc que des images ont été réalisées par les CRS présents... Pourriez-vous nous préciser l'identité des personnes, qui composaient ce que j'appellerais le « commando Benalla » ?
Qui a pu mandater Alexandre Benalla, sans diplôme ni titre le justifiant, pour qu'il participe à de telles opérations ?
Monsieur Hervé, la réserve spécialisée ressort de la gendarmerie. Les titres qui y sont obtenus dépendent de conditions de diplôme et d'expérience professionnelle. Il est cependant possible de s'interroger sur le grade obtenu par Alexandre Benalla au regard de son jeune âge...
Un débordement, madame Lherbier, correspond à un recul non maîtrisé des forces de l'ordre face à des manifestants. Le 1er mai, place de la Contrescarpe, la situation ne relevait indéniablement pas d'un débordement.
Je crois effectivement, madame Delattre, que les CRS disposent d'images de l'événement. Quant aux individus qui accompagnaient Alexandre Benalla, ainsi que le préfet de police l'a indiqué devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, il s'agit de MM. Vincent Crase et Philippe Mizerski.
Alexandre Benalla a, bien évidemment, participé à d'autres opérations de maintien de l'ordre ou de service d'ordre, notamment dans le cadre de déplacements présidentiels. Ce fut par exemple le cas de l'entrée au Panthéon de Simone Veil. Les policiers concernés assumeront leurs dérives individuelles, selon l'expression de Michel Delpuech. Je tiens néanmoins à préciser qu'un homme comme Laurent Simonin, chef d'état-major à la DOPC, demeure bien éloigné du haut de la pyramide... En tant que correspondant de l'Élysée au sein de la préfecture de police, mission pour laquelle la qualité de son service était d'ailleurs reconnue par ses supérieurs, il a, comme tous les cadres de la préfecture de police, fait connaissance avec Alexandre Benalla. Pour autant, sa position ne lui permettait nullement d'accéder à toutes les demandes de l'intéressé. Je reste prudent, mais les responsabilités devraient être recherchées au-delà d'un commissaire de la DOPC...
S'agissant des personnes extérieures au maintien de l'ordre présentes lors de manifestations, le SNPPS a dénoncé l'absence de formation, en la matière, du personnel de la police scientifique, habituellement déployé sur les lieux pour capter des images ou réaliser des prélèvements.
Nous accueillons enfin les représentants de la fédération de Force ouvrière (FO). Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je vous rappelle qu'un faux témoignage devant la commission des lois dotée des prérogatives d'une commission d'enquête serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, les personnes entendues prêtent serment.
L'affaire Benalla défraie la chronique chez les gardiens de la paix. Elle révèle un climat de suspicion et une rupture de confiance avec leur hiérarchie. Les policiers, soumis à des contraintes effrénées depuis les attaques terroristes, s'interrogent sur les décisions prises en amont du 1er mai et qui ont conduit au dérapage de M. Benalla. Les faits progressivement révélés donnent la désagréable impression qu'existe, au plus haut niveau de l'État, une police parallèle emmenée par des barbouzes. Les policiers attendent des réponses. Quels sont notamment les liens, qui unissaient les responsables de la préfecture de police de Paris et Alexandre Benalla ?
Soyez assurés, messieurs, de l'intérêt et de la considération que nous portons aux forces de l'ordre. Comment se définit le statut d'observateur ? Son accompagnement est-il, à votre connaissance, systématique ?
Il n'existe aucun statut d'observateur à proprement parler. Il s'agit souvent de journalistes, de magistrats et de stagiaires de l'INHESJ. En opération, leur est fourni un équipement de protection - le fait qu'Alexandre Benalla porte un casque le 1er mai ne me choque donc pas - et, parfois, un brassard de police, afin d'indiquer que l'observateur est en droit de se trouver auprès des forces de l'ordre. Bien sûr, sauf en cas de débordement - ce qui n'était pas le cas place de la Contrescarpe - et en application du code de procédure pénale, il ne peut intervenir.
À votre connaissance, quelles relations entretenaient vos collègues policiers avec Alexandre Benalla ? Certains, notamment au sein du GSPR, ont-ils refusé de céder à des injonctions ou à des commandes ne provenant pas directement de leur hiérarchie ? La loi devrait-elle obliger, selon vous, à ce que la sécurité du Président de la République et des hautes personnalités de l'État soit uniquement assurée par des fonctionnaires de police et de gendarmerie ?
Les langues se délient progressivement s'agissant des relations entre les membres du GSPR et M. Benalla. En réalité, d'après les propos qui nous sont rapportés, ce dernier faisait régler un climat de terreur au sein du GSPR, pouvant aller jusqu'à insulter gradés comme gardiens de la paix. Il n'est, normalement, pas question qu'un policier obéisse à un individu n'appartenant pas à sa hiérarchie - exception faite des membres du corps préfectoral, qui, pour autant, ne donnent pas d'ordre direct. Or, Alexandre Benalla usait constamment de l'intimidation et jouait de ses relations pour parvenir à ses fins. Il avait ainsi récemment tenté de modifier l'organisation de la sécurité du fort de Brégançon, mais un syndicat de policiers, légitimement, s'y est opposé. N'oublions pas que, même s'il était hors de la chaîne hiérarchique, Alexandre Benalla avait le titre, très impressionnant pour un simple gardien de la paix, de chef adjoint de cabinet du Président de la République. Il incarnait en quelque sorte le pouvoir !
Vous avez semblé associer le terme de barbouze à d'autres individus. Des comparses de M. Benalla ont-ils aussi agi hors de toute hiérarchie policière ?
Vous avez évoqué l'existence d'une police parallèle mais, à ma connaissance, le propre des parallèles est de ne jamais se croiser. Or, les deux polices se sont visiblement rejoint à la préfecture de police... Michel Delpuech a, à cet égard, dénoncé un copinage malsain. Comment M. Benalla, vulgaire usurpateur, a-t-il pu gagner un tel ascendant sur la hiérarchie policière ? Comment désormais clarifier le rôle de chacun, afin de sortir de l'ambiguïté dont s'est servi Alexandre Benalla ?
Depuis combien de temps avez-vous connaissance de l'existence de M. Benalla à l'Élysée ?
Vous niez qu'il y ait eu le moindre débordement place de la Contrescarpe. Pourtant, là réside la défense des avocats de M. Benalla...
Vous semble-t-il normal, même si la valeur n'attend point le nombre des années, qu'un homme de vingt-six ans soit chargé de réorganiser le GSPR ?
Avez-vous, au cours de votre carrière, déjà eu affaire à des comportements similaires ?
Comment le système a-t-il pu permettre le développement de comportements à ce point déviants ?
Outre Vincent Crase, il semblerait selon certains qu'un groupe de personnes privées, des civils hors de toute hiérarchie policière ou militaire, agisse au sein du GSPR. Il s'agirait de véritables barbouzes agissant sans habilitation, des vigiles employés par M. Benalla !
Elle provient de collègues syndiqués et de nos représentants locaux. Les tensions entre les fonctionnaires du GSPR et M. Benalla et ses comparses étaient telles que fut envisagée la réorganisation de la sécurité du Président de la République à Brégançon.
Nous vous enverrons sans délai des informations plus précises. Les langues se délient et la chape de plomb, qu'explique le devoir de réserve des membres du GSPR, se soulève progressivement...
Compte tenu de la sensibilité de l'affaire, du poste occupé par M. Benalla et de son comportement, il est difficile d'obtenir des informations... Personne, à l'époque, n'allait se répandre sur les travers du personnage... Désormais, nous découvrons que d'autres couacs ont émaillé certaines opérations.
Régulièrement, Alexandre Benalla participait à des opérations sur lesquelles il tentait de prendre la main en lieu et place des gradés. Mais les policiers et les gendarmes ont souvent refusé d'obéir.
Pourquoi, au fond, avoir installé une sécurité privée à l'Élysée aux côtés des fonctionnaires du GSPR ?
Vous devriez poser la question au Président de la République ou à son directeur de cabinet ! Les informations sortent peu à peu...
Pour répondre à Mme Eustache-Brinio, j'ai pour ma part rencontré M. Benalla près de l'Élysée, où je me rendais pour une rencontre syndicale avec le Président de la République. J'ai cru alors qu'il était policier au GSPR et n'ai compris ma méprise qu'en voyant il y a quelques jours son portrait dans les journaux.
Madame Mercier, en trente-six ans de métier et de nombreuses opérations de maintien de l'ordre, je n'ai jamais observé de comportement comme celui de M. Benalla ! Cet homme est lieutenant-colonel à vingt-six ans ! Chez FO, nous devons lutter pour que nos collègues obtiennent le grade supérieur : pour devenir brigadier-chef, l'attente atteint au minimum quinze à vingt ans. Le grade de M. Benalla, obtenu grâce à une expertise incertaine, représente une insulte aux gendarmes !
Le 1er mai, madame Lherbier, les effectifs des forces de l'ordre étaient convenablement dimensionnés ; à la Contrescarpe, les CRS n'ont pas été débordés. Ce sont, comme les gendarmes mobiles, des professionnels reconnus dans le monde entier en matière de maintien de l'ordre. L'histoire des débordements n'est rien de moins qu'un argument d'avocat !
Nous vous remercions pour votre franchise et votre courage.
Ces points de l'ordre du jour ont fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion, suspendue à 16 h 35, est reprise à 17 h 45
Monsieur le ministre d'État, le Sénat a conféré hier, à l'unanimité, les pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête à notre commission des lois. Les personnes que nous auditionnons doivent donc prêter serment. En cas d'obstruction, de mensonge, de refus de déférer à une convocation, des sanctions pénales, certaines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, peuvent leur être appliquées. Nos auditions sont publiques et ouvertes à la presse. Les sénateurs qui ne sont pas membres de la commission des lois y sont les bienvenus ; en principe, ils ne peuvent poser de question, mais je suis prêt à permettre une question par groupe. Ces questions, toutefois, ne relèveront pas du régime de la commission d'enquête.
L'objet de nos auditions est triple. D'abord, vérifier la réalité des faits ; lever les contradictions apparues dans les réponses faites par les différentes personnalités déjà entendues par la commission des lois de l'Assemblée nationale ou dans les réponses publiquement apportées en dehors de cette commission d'enquête ; apporter des précisions quand il sera apparu que certaines réponses comportaient trop de conditionnel, de « semble-t-il » ou d'approximations. Deuxièmement, soulever toutes questions sur les dysfonctionnements et les violations de la répartition des pouvoirs constitutionnels entre le Président de la République et le Gouvernement, seule autorité responsable de l'administration en vertu de l'article 20 de la Constitution. Enfin, soulever toutes questions sur l'organisation de la sécurité du Président de la République qui, en régime républicain, n'est pas une affaire privée mais une affaire d'État, devant être gérée par des professionnels sélectionnés, formés, qualifiés, entraînés et coordonnés par ceux dont c'est la compétence.
Selon la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur prête serment.
J'ai longtemps siégé dans cette commission des lois et je ne pensais pas y revenir dans de telles circonstances ! Mais l'on se fait à tout...
Je tiens d'abord à vous dire ma volonté d'apporter au Sénat, comme je l'ai fait hier à l'Assemblée nationale, tous les éléments susceptibles de l'éclairer sur l'objet de cette mission. Je condamne avec la plus grande fermeté les actes auquel s'est livré M. Benalla le 1er mai dernier, qui sont inacceptables et contraires à mes valeurs. Notre objectif est donc le même : la transparence et la vérité. Il n'appartient à personne, en dehors des forces de sécurité, de gérer l'ordre public.
Ce 1er mai aurait pu être axé sur les revendications syndicales, mais un certain nombre d'individus en avaient décidé autrement. Dès le début de la manifestation, un avant-cortège se forme, plus important que le cortège lui-même, et comportant 1 200 Black Blocs encagoulés, qui traversent le pont d'Austerlitz et gagnent le boulevard de l'Hôpital où ils se livrent à un déferlement de violence, saccageant plusieurs commerces, notamment un McDonald's et un concessionnaire automobile. Tous les Français ont encore à l'esprit ces images d'une violence inouïe. Grâce à un dispositif de maintien de l'ordre important, mobilisant 1 500 policiers et gendarmes, la progression des fauteurs de troubles est stoppée, mais une partie d'entre eux poursuivent la casse place de la Contrescarpe. Leur projet était d'aller jusqu'au commissariat du 13ème arrondissement, que nous venions d'inaugurer, pour l'incendier.
À 19 h 30, je me trouve à la préfecture de police pour faire le point sur les événements de la journée avec le préfet de police, dans son bureau. Nous gagnons ensuite ensemble la salle de commandement pour suivre les affrontements, qui se poursuivent alors place de la Contrescarpe. Nous saluons la quarantaine de personnes présentes, parmi lesquelles se trouvait M. Benalla, dont je pensais alors qu'il était un policier chargé de la sécurité du président. Je l'avais croisé pendant la campagne présidentielle, mais toujours parmi des dizaines de personnes chargées de la sécurité du candidat : policiers, agents de sécurité, service d'ordre d'En Marche... M. Gibelin et son adjoint me présentent le dispositif, puis nous fixons notre attention sur les écrans car les violences continuent, avec utilisation de mobilier urbain pour tenter d'ériger des barricades. Des interpellations sont toujours en cours, notamment dans le secteur de la Contrescarpe : sur les 276 interpellations du jour, 31 ont lieu sur la seule place de la Contrescarpe.
Les opérations terminées, je rentre à Beauvau puis, à 23 heures, je me rends avec le Premier ministre et le préfet de police au commissariat du 13ème arrondissement de Paris. Nous saluons les troupes présentes et discutons avec elles sur les événements de la journée.
Le lendemain matin 2 mai, dès 7 h 30, je participe à l'émission « Les quatre vérités » sur France 2, où j'ai l'occasion de revenir sur les événements de la veille et sur leur gestion par les forces de l'ordre. À 8 h 30, revenant de cette émission, je préside une réunion d'État-major avec les principales directions du ministère. Nous évoquons les événements qui ont émaillé le 1er mai. Au moment où l'ordre du jour concernant le 1er mai est épuisé, je laisse la présidence à mon directeur de cabinet et vais m'entretenir avec la directrice de la police judiciaire et le directeur général de la sécurité intérieure pour faire un point sur la menace terroriste. Je ne croise donc pas le préfet de police à la réunion d'État-major, où il est représenté par ses collaborateurs, mais je lui fais savoir que je souhaite me rendre avec lui boulevard de l'Hôpital pour me rendre compte par moi-même de l'itinéraire emprunté par la manifestation et de la façon dont la manoeuvre a été effectuée, et aussi pour évaluer les dégâts.
Nous nous entretenons avec les commerçants, qui nous racontent des faits d'une extrême violence. En particulier, le concessionnaire qui avait vu ses voitures incendiées nous indique avoir eu très peur. Le préfet de police leur dit qu'ils vont être indemnisés dans les meilleurs délais. À ce moment, ni le préfet de police ni mon cabinet ne m'ont encore informé de l'existence d'une vidéo montrant des violences contre les manifestants place de la Contrescarpe. Après un déjeuner avec un membre de ma famille dans un restaurant de la rue de Lille, je retourne au ministère vers 15 heures.
C'est là que mon directeur et mon chef de cabinet m'apprennent l'existence de la vidéo montrant les violences commises par M. Benalla. J'apprends alors que ce dernier n'est pas, comme je le pense, policier, mais chargé de mission à l'Élysée et qu'il se présente comme le chef de cabinet adjoint du Président de la République. Mon directeur de cabinet m'assure alors que le directeur de cabinet du Président de la République, c'est-à-dire le supérieur hiérarchique de M. Benalla, et le préfet de police connaissent les faits. Ils s'en sont entretenus ensemble et le directeur de cabinet du Président de la République lui a confirmé dans la soirée qu'il considérait les actes de M. Benalla comme inacceptables et qu'une sanction disciplinaire allait être prise.
J'apprendrai beaucoup plus tard, le 21 juillet, que le préfet de police avait fait rédiger une note technique sur les faits, qu'il a reconnu lui-même ne m'avoir jamais transmise. Ce 3 mai, je considère donc que les faits sont pris en compte au niveau adapté et, à partir de ce jour et jusqu'au 18 juillet, je n'entends plus parler de M. Benalla.
Je me concentre sur d'autres événements : gestion, le 3 mai, d'une manifestation de cheminots ; préparation du rassemblement du samedi 5 mai organisé par la France insoumise ; évacuations des facultés de Toulouse-Le Mirail le 9 mai et de Rennes le 14 mai ; deuxième évacuation de Notre-Dame-des-Landes ; et enfin, malheureusement, suites de l'attentat de Paris, qui a fait une victime le samedi 12 mai.
Le 18 juillet, j'apprends vers 15 heures que des journalistes du journal Le Monde préparent un article sur les événements du 1er mai. Le lendemain matin, je prends connaissance des images parues sur les réseaux sociaux montrant que M. Benalla arborait le 1er mai un brassard de police et qu'il détenait une radio. Je demande donc immédiatement qu'on prépare une saisine de l'inspection générale de la police nationale (IGPN), pour déterminer les conditions dans lesquelles il a pu bénéficier de tels équipements. Puis, j'ai un rendez-vous avec M. Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation pour l'Islam de France, que je prépare avec une de mes conseillères, suivi d'un déjeuner avec des journalistes. À 15 heures, au Sénat, lors des questions au Gouvernement, j'annonce que nous allons saisir l'IGPN. À mon retour, j'apprends que trois policiers de la direction de l'ordre public et de la circulation ont communiqué à M. Benalla les bandes de vidéoprotection des événements place de la Contrescarpe. Nous transmettons ces nouvelles informations à l'IGPN et, le 20 juillet au matin, sur proposition du préfet de police, je suspends les trois policiers concernés.
Voilà la chronologie précise des faits, tels que je les ai vécus.
Certains, après mon audition à l'Assemblée nationale, se sont étonnés que je n'aie pas eu connaissance de certains faits. Les auditions du préfet de police et du directeur de l'ordre public et de la circulation, dans la même journée, ont montré qu'eux non plus, qui pourtant étaient au coeur de la manoeuvre, n'avaient pas été informés de la participation de M. Benalla aux opérations d'ordre public ni de sa venue au centre de commandement de la préfecture de police. Comment, dès lors, aurais-je pu savoir ?
Sur le port d'arme, je confirme que M. Benalla avait sollicité en janvier 2017 de mon prédécesseur une autorisation, qui lui avait été refusée le 12 avril. Le 21 juin 2017, il s'est adressé à mes services pour que sa demande soit réétudiée, requête à laquelle mon cabinet n'avait pas donné suite, considérant que les conditions juridiques n'étaient pas réunies. Ce sont donc les services du préfet de police qui ont finalement délivré à M. Benalla une autorisation de port d'arme le 13 octobre 2017, sans que mon cabinet en ait été informé.
Pour ce qui est de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale, je m'en tiens à ce que j'ai dit hier devant l'Assemblée nationale : les ministres de l'intérieur successifs ont évidemment connaissance par les services de renseignement de multiples suspicions ou commissions d'infractions pénales mais, comme mes prédécesseurs, je considère que c'est aux chefs de service, qui sont au plus près du terrain, de recueillir les éléments justifiant un signalement au titre de l'article 40. Je n'ai effectué qu'un seul signalement depuis mon arrivée, et je vous dirai combien mes prédécesseurs en ont fait. Ce signalement concernait la vidéo d'un rappeur appelant au lynchage et au meurtre d'un policier.
Pourquoi n'avoir pas saisi l'IGPN dès le 2 mai ? J'apprends le 2 mai que M. Benalla n'est pas policier, je n'ai donc pas de raisons alors de saisir l'IGPN. Le préfet de police, qui savait, lui, que M. Benalla n'était pas policier, partage cette analyse. Il a réuni ses chefs de service et leur a demandé comment cet homme, qui n'avait aucune permission de sa part pour participer à une mission d'ordre public, y avait participé. Ce n'est qu'après avoir appris que M. Benalla portait indûment un brassard et qu'il détenait une radio de police que je saisis l'IGPN.
Nous devons la vérité aux Français, mais aussi aux forces de l'ordre, dont les membres agissent avec un souci de la déontologie fort et constant.
Ma première question est directement inspirée par les auditions des syndicats de policiers et de commissaires de police auxquelles nous avons procédé cet après-midi. Tous, sans exception, nous ont dit leur indignation. Ils ont exprimé à quel point ils ont été blessés de l'image qui est donnée de la police par un faux policier, combien ils ont été humiliés en apprenant les moyens exorbitants dont cette personne a pu disposer, combien ils ont été choqués que l'image de la police ait pu ainsi être ternie comme s'il s'était agi d'une bavure policière. Ils ont également exprimé leur inquiétude sur la prise en charge de la sécurité du Président de la République et sur les évolutions qui ont été annoncées en ce début d'année 2018. Ils nous ont dit avec franchise que les langues se délient et que leurs adhérents les informent de ce qui s'est réellement produit. Ils savent que M. Benalla était régulièrement présent à des réunions de la préfecture de police et que, dans ses activités au service de la présidence de la République et pour la protection du chef de l'État, il avait un comportement que plusieurs d'entre eux ont qualifié d'injurieux. Ils ont observé que M. Benalla avait une fâcheuse tendance à donner des instructions aux cadres de police ou de gendarmerie placés sous votre autorité.
Vous dites que vous n'aviez jamais entendu parler de ces dysfonctionnements avant le 2 mai. Mais les syndicats de policiers nous ont également dit avec la plus extrême netteté - et j'ai pris soin de leur demander d'où ils tenaient cette information - qu'il y avait des groupes de vigiles associés au groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Est-ce vrai ? Si oui, est-ce normal ?
Avant mon arrivée au ministère de l'intérieur, il y avait des tensions assez fortes au sein de la police. J'ai donc passé les premiers mois à tisser des relations de confiance avec les différents syndicats. Ainsi, lorsque j'ai créé la police de sécurité du quotidien...
Les relations de confiance avec les policiers et les gendarmes sont très importantes. Oui, une réflexion en vue d'une réorganisation de l'ensemble des services administratifs de l'Élysée a été lancée il y a plusieurs mois. Actuellement, le GSPR assure la sécurité du Président pendant les visites officielles, avec la 1ère compagnie républicaine de sécurité (CRS), et le commandement militaire assure la sécurité du Président dans le palais, avec la préfecture de police. Cela crée des situations inextricables - les systèmes de communication entre les uns et les autres ne sont pas compatibles - et génère, comme le relève le rapport de la Cour des comptes, de l'inefficacité, puisque ce ne sont pas les mêmes doctrines d'action, sans compter les tâches indues dont s'acquittent les deux services : le GSPR gère les bagages de la délégation lors d'un voyage officiel, le commandement militaire gère le service de veille de presse.
Aussi a-t-il été envisagé de fusionner le GSPR et le commandement militaire pour créer une direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR). Il s'agit purement d'un enjeu de rationalisation des ressources et des emplois. D'après l'Élysée, cette réflexion était pilotée par M. Lavergne, chef du GSPR, et M. Bio-Farina, commandant militaire du palais. Pour moi, il n'a jamais été question qu'Alexandre Benalla prenne la tête de la DSPR.
Vous ne répondez pas à la question. Les syndicats de policiers nous ont indiqué qu'il y avait des groupes de vigiles privés travaillant au sein du GSPR. Est-ce vrai ? Est-ce normal ?
À ma connaissance, aucun vigile ne travaille au GSPR, qui est un service officiel.
Serait-ce normal qu'il y ait des effectifs privés qui travaillent au sein du GSPR ?
Il y a une relation entre le GSPR et le service de protection des personnalités officielles. Nous avons autorité hiérarchique sur le GSPR dans la mesure où c'est le ministère de l'intérieur qui nomme ses membres. Mais pour l'usage fonctionnel, c'est la présidence de la République qui l'organise, sans que la responsabilité du ministère de l'intérieur soit engagée.
Serait-il normal qu'il y eût au sein du GSPR des agents exerçant des responsabilités opérationnelles pour la protection du chef de l'État sans être policiers ni gendarmes ?
Au sein du GSPR, à ma connaissance, il n'y a que des policiers et des gendarmes.
Serait-il normal qu'il y ait des contractuels qui ne soient ni policiers ni gendarmes ?
Pour moi, le GSPR, ce sont des policiers et des gendarmes.
Merci. Sur le plan politique, vous êtes l'un des responsables politiques les plus proches du président Macron. Dans la hiérarchie gouvernementale, vous êtes le numéro 2. Le 2 mai, muni des informations que vous recevez, vous avez le réflexe, dites-vous, d'informer la présidence de la République, qui est déjà au courant. Pour protéger le chef de l'État, y compris comme l'un de ses plus fidèles soutiens politiques, avez-vous fait une démarche pour l'alerter sur la gravité de cette situation ? Avez-vous recueilli, à partir de cette date du 2 mai, des informations complémentaires sur le comportement de M. Benalla dans ses relations avec les services de sécurité ? Avez-vous fait au Président de la République les recommandations nécessaires pour qu'il mette un terme à cette collaboration, sans se contenter de la mise à pied qui a été prononcée ? Ne considérez-vous pas que c'était en quelque sorte votre devoir sur le plan politique ?
Ce jour-là, le Président de la République était en Australie.
Lorsque nous avons eu connaissance des faits, mon directeur de cabinet a immédiatement alerté le directeur de cabinet de l'Élysée, qui a indiqué qu'il jugeait cette attitude inacceptable et qu'il prendrait des sanctions. À partir de là, c'est au directeur de cabinet du Président de la République qu'il appartenait de prendre les sanctions qu'il juge appropriées. Je vous rappelle que M. Benalla n'était aucunement sous ma responsabilité.
Vous n'avez donc pas profité d'un entretien avec le Président de la République pour le mettre en garde, l'alerter sur le comportement de son collaborateur et lui recommander d'abandonner cette collaboration ?
J'ai rencontré beaucoup de syndicats de police, beaucoup de syndicats de commissaires : personne ne m'a jamais fait remonter dans aucune réunion les problèmes que vous évoquez.
Avez-vous adressé des instructions immédiates à la hiérarchie administrative, policière et militaire, placée sous votre autorité pour que les faits survenus le 1er mai ne se reproduisent pas ?
Nous alertons régulièrement l'ensemble des préfets pour qu'ils veillent à ce que le comportement de nos policiers soit exemplaire. Mon directeur de cabinet a dû envoyer une vingtaine de recommandations en ce sens car, en les temps troublés que nous avons traversés, il était relativement difficile de faire respecter l'ordre public. Par exemple, lors de l'évacuation de Tolbiac, une fake news avait fait beaucoup de dégâts.
Donc, vous n'avez pas donné d'instructions aux services de police et de gendarmerie pour éviter que les collaborateurs du Président de la République n'interfèrent avec le fonctionnement normal de la hiérarchie de la police et de la hiérarchie de la gendarmerie.
Le préfet de police de Paris a réuni l'ensemble de ses commandants pour leur faire passer un certain nombre de recommandations et dire que personne ne devait assister à une manoeuvre sans que lui-même l'ait personnellement décidé. Il a ensuite proposé un certain nombre de sanctions, que j'ai acceptées.
Le préfet de police de Paris et le directeur de l'ordre public et de la circulation, M. Gibelin, ont indiqué devant l'Assemblée nationale que M. Benalla n'avait pas reçu d'autorisation officielle pour participer en tant qu'observateur aux opérations de maintien de l'ordre du 1er mai. Ils ont également précisé que la qualité d'observateur avait été accordée à M. Benalla par M. Laurent Simonin, le chef d'État-major adjoint à la direction de l'ordre public et la circulation, sans que le directeur lui- même en ait été averti. Est-il normal que ni le ministre de l'intérieur, ni le préfet de police, ni même leurs cabinets n'en aient été informés ? Le ministère de l'intérieur a-t-il dès le 2 mai diligenté une enquête interne pour obtenir des informations sur les conditions de la participation de M. Benalla à des opérations de maintien de l'ordre ? Celle-ci avait dû être autorisée, et M. Benalla s'est vu attribuer un référent, qui ne s'est manifestement pas occupé de lui. Avez-vous diligenté une enquête interne ? Sinon, pourquoi ne pas vous être inquiété d'un tel dysfonctionnement ?
Le préfet de police a réuni l'ensemble de ses cadres, diligenté une enquête interne et demandé pourquoi lui-même n'avait pas été mis au courant. C'est dans ce cadre qu'est apparue la responsabilité d'un certain nombre de cadres subalternes, au niveau desquels avait été prise la décision, sans que le préfet de police ne fût informé de ce qui se passait. Ce sont ces relations que le préfet de police a décrit hier comme des copinages.
Vous avez dit hier qu'il n'appartenait pas au ministre de l'intérieur d'appliquer l'article 40 du code de procédure pénale. Sur quel article de la loi appuyez-vous cette affirmation ? Je peux comprendre que vous ayez considéré qu'il revenait à d'autres personnes qu'à vous-même de saisir la justice devant la gravité évidente des faits dont vous avez eu connaissance le 2 mai. Votre directeur de cabinet a donc saisi le directeur de cabinet du Président de la République. Mais celui-ci, pas plus que vous-même ou que le préfet de police, n'a saisi le procureur de la République - pas plus, d'ailleurs, que le secrétaire général de l'Élysée ou le chef de cabinet du Président de la République. N'avez- vous pas considéré, au bout d'un moment, qu'il y avait quelque chose d'inacceptable dans le fait qu'un personnage qui n'est pas policier, qui est connu, se comporte de manière manifestement délictueuse et que le ministre de l'intérieur se satisfasse du fait que personne ne saisisse la justice ?
J'ai connaissance quotidiennement, par des notes de renseignement, de suspicions ou de commissions d'infractions pénales. Je considère, comme tous mes prédécesseurs, qu'il n'appartient pas au ministre de l'intérieur de transmettre au procureur des signalements sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale à chaque fois qu'il a connaissance de la commission d'une infraction pénale : ce n'est pas mon rôle de saisir chaque procureur individuellement pour lui signaler la commission d'infractions. Je n'ai d'ailleurs effectué depuis ma prise de fonction qu'un seul signalement à la justice sur le fondement de l'article 40, pour une infraction prévue par la loi de 1881 sur la presse. Il s'agissait d'un rappeur qui, dans une vidéo, appelait au lynchage et au meurtre d'un policier. Ces pratiques sont-elles simplement celle du ministre de l'intérieur actuel ? Non ! J'ai regardé combien mes prédécesseurs avaient fait de signalements : 2 en 2014, 4 en 2015, 8 en 2016 et 4 en 2017. M. Hortefeux, par exemple, n'a effectué que trois signalements au titre de l'article 40, qui portaient tous sur des problèmes de droit de la presse ou bien d'incitation à la haine.
Vous considérez qu'il ne vous appartient pas de faire vous-même ces signalements - mais vous citez des cas où le ministre l'a fait. Vous avez un pouvoir hiérarchique et, si l'un de vos collaborateurs vous demande l'autorisation de faire un signalement, vous pouvez être amené à la lui donner. L'article 40 du code de procédure pénale prévoit que « toute autorité constituée » - je crois que vous êtes bien une autorité constituée - « qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenue d'en donner avis sans délai au procureur de la République, et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Notre commission aurait parfaitement accepté que cette utilisation de l'article 40 ne fût pas de votre fait. Nous ne vous reprochons pas de ne pas l'avoir enclenchée personnellement, mais nous constatons que, dans toute la hiérarchie, personne ne l'a fait, alors que de nombreux cadres dirigeants du ministère de l'intérieur avaient en main les éléments permettant de caractériser cette suspicion de délit.
Le préfet de police et le directeur de cabinet du Président de la République avaient été informés. Il ne m'appartenait pas, à moi qui ne connaissais pas les circonstances exactes, d'effectuer ce signalement.
Que d'autres que vous aient pu le faire, c'est certain. Que vous ne l'ayez pas fait pose tout de même question. Si vous n'aviez pas les informations nécessaires, qui aurait été mieux placé que vous pour les obtenir ?
Vous employez beaucoup le verbe « connaître » à la forme négative : vous ne connaissiez pas, vous ne saviez pas... Je vous rappelle quand même les termes de ma question : dès lors que vous considérez - c'est une interprétation qui est la vôtre - qu'il ne revient pas au ministre de l'intérieur de saisir la justice, pourquoi ne vous êtes-vous pas étonné qu'à aucun niveau de la hiérarchie - Élysée, intérieur, préfecture de police - personne ne l'ait fait ?
Le directeur de cabinet du Président de la République vous dit qu'il va y avoir une sanction à l'égard de M. Benalla. Il y a une sanction, puisque ce dernier est suspendu - et c'est la moindre des choses - pour quinze jours. Le porte-parole de l'Élysée dit qu'à la suite de cette suspension, M. Benalla a été démis de toute mission relative à la sécurité et à la protection du Président de la République. Vous ne connaissiez pas le chef de cabinet adjoint de l'Élysée. Vous vous rendez compte qu'il existe le 2 mai, bien qu'il figure sur beaucoup de photos, et que le ministère de l'intérieur ait quelques pouvoirs d'investigation... Vous faites votre travail en informant le directeur de cabinet du Président de la République, et celui-ci décide d'une sanction. Convenez tout de même que quelqu'un qui, déguisé en policier, tabasse des citoyens, quelles que soient les circonstances, cela relève de la justice ! On ne va pas confier des missions de sécurité et de protection du chef de l'État à ce personnage ! Or, une fois qu'il a fini ses quinze jours, on retrouve M. Benalla dans d'innombrables situations - transfert de Simone Veil au Panthéon, arrivée de l'équipe de France de football à Paris - où il est à 30 centimètres du chef de l'État, et toujours dans des missions de sécurité. En tant que ministre de l'intérieur, comment pouvez-vous accepter cela ? Avez-vous fait des démarches pour, au moins, vous étonner de cet état de choses auprès de la présidence de la République ?
Avant d'assurer la protection du Président de la République, M. Benalla s'était occupé de celle de M. Hollande et de celle de Mme Aubry. M'étant un peu éloigné du PS à l'époque, je le connaissais moins que d'autres.
Le directeur de cabinet du Président de la République a fait part à l'Assemblée nationale des éléments qui l'avaient conduit à ne pas saisir la justice de tels faits sur la base de l'article 40 : d'une part, le contexte de violence, qui était très fort à la Contrescarpe ; d'autre part, l'absence de plainte, les personnes figurant sur les photos ayant pris la fuite. Cela relève de son appréciation d'autorité hiérarchique. Je n'ai pas à commenter.
M. le ministre d'État n'a pas répondu à ma question. À l'issue des quinze jours de suspension - on peut penser ce qu'on veut d'une telle sanction, mais il y a bien eu sanction, même s'il n'y a pas eu de procédure disciplinaire -, était-il acceptable de confier des missions de sécurité auprès du chef de l'État à ce personnage ?
Ce n'était pas au ministère de l'intérieur de gérer directement ces événements, qui étaient d'ailleurs parisiens. Le préfet de police a indiqué que la personne qui en était chargée se situait à un niveau inférieur au sien. Moi, je n'avais pas en connaître.
Pour moi, la protection du Président de la République relève du GSPR.
Le GSPR, qui se compose de policiers et de gendarmes, dépend également du ministère de l'intérieur.
Certes. Mais nous ne connaissons qu'une seule autorité pour assurer la protection du Président de la République : le GSPR.
Hier, il y a eu beaucoup de non-réponses, faisant dire à certains que vous étiez sans doute l'une des personnes les moins informées de notre pays, ce qui n'est pas vrai. Vous pouvez convoquer vos fonctionnaires et procéder à toutes les investigations que vous souhaitez.
Qui a donné le statut d'observateur à M. Benalla ? Qui lui a donné un brassard de police ? Qui l'a autorisé à participer à des réunions de commandement au plus haut niveau à la préfecture de police ? Qui lui a donné un permis de port d'arme ? Vous avez indiqué hier ne pas savoir qui avait pris la décision de doter M. Benalla d'une voiture extrêmement bien équipée ; je suppose que vous avez dû vous renseigner depuis.
L'enquête judiciaire et celle de l'IGPN apporteront des réponses à ces questions. Je peux vous assurer que cela ne vient ni du ministère de l'intérieur ni du cabinet du ministre.
Monsieur le ministre d'État, vous indiquez n'avoir saisi l'IGPN que le 18 juillet, à la suite des révélations du journal Le Monde, et non au mois de mai, une fois les faits commis par M. Benalla connus de tous. Or, en mai, les délais de conservation des enregistrements de vidéoprotection et de conservation de l'enregistrement des conversations radio entre policiers recueilli par le système ACROPOL n'avaient pas expiré. Et M. Benalla disposait d'un émetteur radio ACROPOL. L'IGPN a donc été saisie trop tard. C'est dommage...
Vous avez estimé que l'IGPN n'était pas compétente. Pourtant, le fait que les policiers soient présents sur une scène de violences commises par un observateur paraît relever de la compétence de l'IGPN ; le fait que le policier chargé d'accompagner l'observateur perde tout contrôle sur celui-ci également.
Vous affirmez n'avoir saisi l'IGPN qu'après avoir eu connaissance du port par M. Benalla du brassard de police. Je ne veux pas croire que le fait de porter le brassard de police vous paraisse plus grave que les exactions commises par M. Benalla au sein des forces de l'ordre.
Sont-ce vos collaborateurs, qui, au terme d'une analyse juridique que je trouverais un peu fragile, vous ont déconseillé de saisir l'IGPN ou vous ont conseillé de tarder à la saisir ?
Encore une fois, je me suis assuré le 2 mai que la préfecture de police avait été destinataire de l'information concernant M. Benalla. J'ai considéré qu'il appartenait au préfet de police, en tant que chef de service, de prendre les mesures administratives adaptées. Je note d'ailleurs que celui-ci s'est expliqué hier sur les diligences effectuées sur son initiative : lancement d'investigations pour comprendre dans quelles conditions M. Benalla avait pu être autorisé à assister à un service d'ordre ; rappel des consignes pour que ces décisions remontent au bon niveau hiérarchique. Le préfet de police a par ailleurs indiqué qu'il ne disposait pas de la capacité à saisir l'IGPN s'agissant d'une personne qui n'était pas placée sous son autorité.
Toutefois, à la lumière d'éléments nouveaux que je jugeais particulièrement graves - nous avons vu une vidéo sur laquelle M. Benalla avait un brassard, et les enquêtes permettront d'établir s'il disposait aussi d'un téléphone -, j'ai considéré qu'il y avait un dysfonctionnement majeur, et nous avons saisi l'IGPN le 19 juillet.
Si mes informations sont bonnes, une vidéo des manifestations du 1er mai montrant M. Benalla s'en prendre physiquement à des manifestants dans les conditions que nous savons a été adressée dès le 3 mai dernier à l'IGPN, dont la directrice, Mme Marie-France Monéger-Guyomarc'h, sera auditionnée par la commission d'enquête.
Monsieur le ministre d'État, en qualité de supérieur hiérarchique de l'IGPN, pouvez-vous me confirmer que cette vidéo reçue le 3 mai dernier n'a pas été traitée par l'inspection et n'a donné lieu à aucune enquête ? Avez-vous été informé de la réception de cette vidéo ? Pourquoi n'y a-t-il eu aucune suite ?
Au-delà de votre provocation bien amicale à l'égard de vos racines politiques, vous affirmez n'être ni responsable ni coupable. Nous parlons non pas de l'achat de vaisselle de Sèvres pour l'Élysée, mais de la protection du premier personnage de l'État. Vous qui êtes si proche du Président de la République et qui avez participé à tous ses meetings, comment est-il possible que vous n'ayez pas eu connaissance de la place particulière occupée par M. Benalla ? Cela entache votre autorité dans vos fonctions de protection du chef de l'État. Votre absence de réponse ou le fait de répondre que vous ne connaissiez pas cette personne ne peuvent pas nous satisfaire.
J'ai su le samedi 21 juillet - le chef adjoint de l'IGPN, que nous avions saisie le 18 juillet, en a informé mon cabinet - qu'un internaute avait anonymement signalé la vidéo montrant M. Benalla intervenir place de la Contrescarpe à la plateforme de l'IGPN le 3 mai dernier.
Au vu des images, les opérateurs de la plateforme n'ont pas estimé que les conditions justifiant l'ouverture d'une enquête judiciaire étaient réunies. La plateforme n'a ensuite enregistré aucun signalement relatif à ces faits, ni d'un témoin direct ni de l'une des deux personnes faisant l'objet des agissements. J'attends les conclusions de l'IGPN pour comprendre ce qui s'est passé.
J'ai demandé voilà trois jours à M. Frédéric Auréal, directeur du SDLP, s'il était informé des dysfonctionnements en la matière ; il m'a indiqué ne pas l'être.
Nous ne cherchons pas seulement à savoir à quel échelon les décisions ont été prises. Nous sommes nombreux à penser qu'il y a eu des dysfonctionnements. Et nous essayons d'en analyser les causes, sans doute multiples.
Un conseiller du Président de la République disposant d'une carte « bleu, blanc, rouge », ayant ses entrées à la préfecture de police et y comptant certains amis participe à une opération de maintien de l'ordre et met beaucoup de coeur à l'ouvrage. Vous en êtes informé. Vous vérifiez que le Président de la République, via ses collaborateurs, l'est aussi. Vous ne nous avez pas dit lui en avoir parlé directement. L'avez-vous alerté sur la gravité de la situation ? Vous en êtes-vous ouvert au Premier ministre ?
La Constitution donne des pouvoirs distincts au Président de la République et au Gouvernement. L'administration et sa hiérarchie dépendent d'un ministre placé sous l'autorité du Premier ministre, et pas sous celle du Président de la République. Ce type d'interférence crée de la confusion dans le fonctionnement des services publics et a profondément bouleversé les policiers, qui nous l'ont indiqué.
Avez-vous pris conscience très tôt de la gravité de la situation ? Avez-vous eu avec le Premier ministre, puisque vous ne m'avez pas répondu s'agissant du Président de la République, la préoccupation du bon fonctionnement constitutionnel d'une administration dans laquelle on ne peut pas tolérer d'immixtion venant d'une autre autorité constitutionnelle que celle du Gouvernement ?
Certes, le Président de la République, élu au suffrage universel direct, peut, quand il dispose d'une majorité parlementaire, imposer indirectement son autorité sur une administration via le Gouvernement. Mais ses collaborateurs ne doivent pas prendre place dans une hiérarchie ; ils la perturberaient. C'est un dysfonctionnement grave.
Nous ne sommes pas en train de chercher mesquinement qui a fait quoi. Nous voulons savoir si la préoccupation du bon fonctionnement de l'État et de l'administration a été prise en compte pour que cessent de telles interférences.
Nous aurons bien un retour sur les dysfonctionnements. L'enquête de l'IGPN et l'enquête judiciaire permettront de déterminer les responsabilités de chacun.
Le directeur de cabinet du Président de la République a eu l'occasion de s'expliquer sur les fonctions de M. Benalla à l'Élysée ; celles-ci n'avaient rien à voir avec le ministère de l'intérieur.
Je prends acte de la réponse que vous nous faites. Il n'est pas dans mon pouvoir de vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire. Je n'essaierai donc pas plus longtemps d'obtenir une réponse plus précise sur la manière dont vous avez appréhendé sur le plan politique, au sens noble du terme, cette situation, et sur la manière dont elle a pu être traitée par le Premier ministre et le Président de la République.
Depuis quelques jours, la République vacille. La fonction présidentielle est abaissée à cause d'une mystérieuse liaison dangereuse du Président de la République. Nous sommes confrontés à un scandale d'État, qui met en cause les principales autorités de notre pays.
J'ai écouté avec attention votre audition d'hier. Vous attribuez la faute aux autorités de police, dont vous avez pourtant la responsabilité. Pour le reste, vous ne savez rien, vous n'avez rien vu, vous n'avez rien entendu. Le Président de la République, qui apparaît sur toutes les photos et donne son avis sur tout, est muet.
Comme ministre de l'intérieur, vous devez tout savoir. Qui est M. Benalla ? A-t-il d'ailleurs un prénom ? Quelle est sa nationalité ? J'ai lu qu'il était né dans un quartier d'Évreux gangréné par la drogue et la délinquance. Que sait-on de sa jeunesse ? De son passé ? Quels sont ses antécédents judiciaires ? Quelle a été sa procédure de recrutement ?
Hier, vous avez déclaré n'avoir jamais évoqué la situation de M. Benalla avec le Président de la République. Puis, quelques minutes après, à la même question, vous avez indiqué en avoir parlé le moins possible avec lui lorsque vous l'avez rencontré. Vous en avez donc parlé ! Que vous êtes-vous dit réellement ? Les Français attendent des réponses simples, claires et précises du ministre de l'intérieur.
En tant que ministre de l'intérieur, je ne fais pas des oeuvres de basse police. Je ne vais pas examiner le passé de chacun pour regarder s'il est issu d'un quartier populaire. Et heureusement : vous seriez en droit de me le reprocher ! Moi, je suis pour un État de droit.
Vous semblez ignorer qui est M. Benalla. Cet après-midi, nous avons appris que beaucoup de policiers connaissaient la place et le rôle qu'il occupait au plus haut niveau de l'État. Plusieurs syndicats de police ont déclaré publiquement que M. Benalla avait régulièrement participé à des opérations de police au cours des derniers mois. Vous avez indiqué hier devant l'Assemblée nationale ne pas en avoir eu connaissance. Avez-vous recueilli des informations complémentaires auprès de vos services depuis hier ? M. Benalla a-t-il déjà eu la qualité d'observateur lors d'autres opérations de maintien de l'ordre ? Si oui, où et quand ?
Trouvez-vous normal qu'un adjoint au chef de cabinet du Président de la République puisse observer ce type de manifestations ? Auriez-vous eu connaissance d'autres incidents - il y en a vraisemblablement eu - le concernant ?
À ma connaissance, à celle du préfet de police et à celle du DOPC, il n'a pas participé à d'autres opérations liées au maintien de l'ordre. L'enquête judiciaire et celle de l'IGPN le diront. Mais je n'ai aucune raison de mettre la parole du préfet de police et du DOPC en cause.
Nous avons découvert l'affaire Benalla grâce aux images de vidéoprotection de Paris et à une vidéo amateur. Lors des auditions précédentes, on nous a parlé de l'existence de photos et de vidéos de CRS. Nous avons d'abord appris l'existence de M. Alexandre Benalla. Nous avons ensuite découvert le commando Benalla avec M. Vincent Crase. On nous parle maintenant d'un accompagnant, M. Mizerski, encadrant non officiel. Ces photos et ces vidéos vont-elles faire apparaître d'autres protagonistes ? Avez-vous connaissance de ces photos ?
Existe-t-il une milice privée hors GSPR au sein de l'Élysée ?
Un des supérieurs hiérarchiques de M. Mizerski lui a demandé d'accompagner M. Benalla, qu'il croyait accrédité - en tout cas, l'enquête permettra de le savoir -, pour participer à une opération de maintien de l'ordre comme observateur. Beaucoup de députés et de journalistes participent à des opérations comme observateur. Elles sont strictement encadrées. Le préfet de police l'a rappelé hier ; il souhaitait qu'il faille son autorisation personnelle.
J'en apprends chaque jour de plus en plus sur les personnalités. Je lis les journaux comme vous. Je découvre tout un pan de l'histoire de M. Benalla.
Monsieur le ministre de l'intérieur, heureusement qu'il y a les journaux pour vous informer !
Le porte-parole de l'Élysée a déclaré que M. Benalla avait été mis à pied pendant quinze jours avec suspension de salaire du 4 mai au 19 mai, et entièrement démis de ses fonctions en matière d'organisation de la sécurité des déplacements du Président de la République.
Que faisait M. Benalla auprès du chef de l'État au Panthéon ? Que faisait-il à Giverny le vendredi 13 juillet alors qu'il avait été déchargé de ses fonctions de chef adjoint du cabinet ? Sa présence dans le car qui ramenait les Bleus de l'aéroport était-elle normale ? Vous paraît-il normal qu'il ait eu des altercations avec les policiers devant assurer cette mission ?
Ce n'est pas moi qui fixe la nature des missions de M. Benalla. Le directeur de cabinet du Président de la République s'expliquera ou s'est déjà expliqué sur ce point.
Il est établi que M. Benalla, pour les déplacements du Président de la République dans Paris, était en contact fréquent avec la préfecture de police : des personnes, dans les services placés sous votre autorité, savaient ce qu'il faisait, ils travaillaient avec lui ! Les directeurs de la police, des commandants de gendarmerie, traitaient avec lui, comme garde du corps ou comme organisateur de déplacements. Quel regard porte le ministère sur ce collaborateur ? La question de Mme Deromedi me semble factuelle : aviez-vous idée de ce que faisait M. Benalla à Giverny, en lien avec vos services ?
Il a eu une altercation avec les policiers car il prétendait reprendre le contrôle du retour des Bleus. Vous en avez sans doute été informé ?
Je travaille avec les préfets, qui assument leur responsabilité, avec le directeur général de la police nationale, le directeur général de la gendarmerie nationale - ce sont eux qui organisent les choses. Le préfet de police m'a dit que jamais il n'aurait laissé une personne extérieure à ses services prendre le contrôle de la manifestation organisée pour le retour des Bleus.
Alexandre Benalla était au ministère de l'intérieur comme un poisson dans l'eau - un poisson carnivore, j'entends. Personne ne sait qui il est ou peu concèdent le connaître, mais on le reçoit, on l'équipe, on l'associe aux opérations de maintien de l'ordre et aux debriefings, au seul motif qu'il appartient aux services du Président de la République. Alors, qui a la haute main sur les services de gendarmerie et de police en France : le ministre de l'intérieur ou le Président de la République ? Qui gouverne, vous ou le Président qui, par son influence, modifie les comportements dans votre administration ?
J'ai un « debriefing », pour reprendre votre terme, une fois par mois avec les préfets, tous les quinze jours avec les préfets de zone en raison des risques terroristes, ainsi qu'avec le DGPN, le DGGN et le DGSI. Avec eux, et avec personne d'autre !
Qu'auriez-vous fait si l'Élysée ne vous avait pas répondu qu'il réagirait au comportement incongru de celui que l'on nous présente comme un observateur, voire un bagagiste ?
Je me suis assuré que l'attitude inacceptable de M. Benalla était prise en compte, il m'a été répondu qu'elle ferait l'objet de sanctions. Mais c'est le directeur de cabinet qui prononce les sanctions contre des conseillers de l'Élysée : le ministre de l'intérieur ne s'en occupe pas.
Des agents contractuels s'occupent donc de la sécurité des déplacements... Combien et qui sont-ils : des militants, des collaborateurs de La République en Marche ? C'est l'occasion de faire le point.
Il y a une seule autorité compétente, le GSPR.
Un membre d'un syndicat de police vient de nous dire qu'Alexandre Benalla était accompagné de « barbouzes » dans certaines missions. Vous avez affirmé qu'il n'y a pas de police parallèle, voire de milice, à l'Élysée. Si les syndicats nous apportent dans les jours qui viennent de nouveaux éléments en sens contraire - puisqu'au GSPR, où M. Benalla semait la « terreur », on commence à parler - trouverez-vous cela normal ?
Du 4 au 19 mai, M. Benalla a été mis à pied. Avez-vous demandé une enquête, pour savoir s'il est vraiment titulaire d'un master de droit, si son casier judiciaire est vierge, s'il ne pouvait à terme constituer une menace pour la sécurité du Président de la République ?
Je regrette que les syndicats ne m'aient pas dit cela, à moi... Car je croyais jusque très récemment que M. Benalla était policier. Des équipes de barbouzes ? Jamais au ministère de l'intérieur, je ne l'admettrais pas. Dans le passé, oui, on le sait...
et je me souviens de milices privées, dans ma prime jeunesse. Je recevrai les syndicats, car je sais qu'ils ont été troublés par ces événements : je leur demanderai s'ils ont rencontré des problèmes avec M. Benalla ; et, si oui, pourquoi ils ne m'en ont pas informé plus tôt.
Il est utile de les écouter. Ils nous ont dit que « les langues se délient ». Je ne doute pas que vous appreniez beaucoup dans l'avenir proche sur les interférences entre ce collaborateur du Président de la République et l'administration placée sous votre autorité, dans le cadre des pouvoirs constitutionnels du Gouvernement, qui sont distincts de ceux du Président de la République.
Ils ont eu tort de ne pas faire remonter ces informations à leur ministre : j'aurais pris des mesures.
La peur s'est dissipée, nous ont-ils dit. Ils ont même employé une expression plus forte : « Il semait la terreur. »
Admettons que vous ne connaissiez pas Alexandre Benalla : c'est très grave, puisqu'il s'occupait de la sécurité du Président de la République ! Comment se fait-il que vous n'ayez pas su qu'il semait la terreur ?
Les sources policières, syndicales, indiquent qu'une réorganisation de la sécurité de l'Élysée était prévue, à l'horizon fin 2018. Une direction de la sécurité de la présidence de la République devait être créée, Alexandre Benalla était pressenti pour y occuper une place prépondérante. Sans doute ne le saviez-vous pas non plus, et pourtant c'est une chose grave : une police parallèle se développait à l'Élysée à côté du GSPR. C'est un dysfonctionnement et vous laissez faire. Il y avait deux polices, l'une privée, l'autre non.
J'ignorais votre passion pour la police. Nous savions qu'il existait un projet de réforme ; ma principale recommandation au Président et à son cabinet portait sur la nécessité de maintenir un lien organique entre la nouvelle structure et le ministère de l'intérieur - les recrutements et la gestion du personnel devaient rester au ministère, afin d'éviter d'aboutir à une sécurité de la présidence déconnectée du reste de l'État.
Savez-vous si la mission confiée au GSPR remet en cause ces orientations ?
J'espère que non, car elles sont tout à fait nécessaires.
Hier à l'Assemblée nationale, aujourd'hui ici, vous avez choisi une ligne : vous ne connaissiez pas Alexandre Benalla, ni ses fonctions, ni son métier, vous ne saviez pas exactement qu'il s'occupait de la sécurité du Président, qu'il n'était pas poursuivi pour des faits de violence, etc. Vous êtes pourtant un homme politique aguerri, avec une expérience puissante ! Quelles conclusions tirez-vous, pour votre ministère, de tous ces dysfonctionnements et ces ignorances ? Avez-vous identifié des marges de progression ? La sécurité du Président de la République est généralement une obsession pour le ministre de l'intérieur : cela ne semble pas être votre cas, tant mieux pour vous, mais pour notre part, nous sommes inquiets.
Nous savons que vous attendez un rapport de l'IGPN. Mais quelles sont vos positions de principe, vos orientations ?
Le ministre de l'intérieur veille, dans la ligne hiérarchique, à apporter la meilleure garantie de sécurité aux personnalités, et d'abord au Président de la République.
Les policiers et gendarmes ont un sens très fort de la déontologie. Si l'on excepte quelques rares manquements, ils ont un sang-froid et une retenue remarquables.
Vous pensiez que ce jeune homme de 26 ans était policier. Quel grade pensiez-vous qu'il avait atteint ? Avait-il accès aux locaux de la place Beauvau, était-il en contact direct avec vous, avec les membres de votre cabinet ?
M. Benalla pourrait se réfugier derrière une forme de théorie de l'apparence. Son poste pouvait laisser penser qu'il appartenait à l'organigramme de l'Élysée, ce qui n'était pas le cas. Il avait une habilitation secret défense, un permis de port d'arme, il était lieutenant-colonel à la réserve spécialisée de la gendarmerie : que pensez-vous de cette virtualité et de ses effets ? Y a-t-il d'autres chargés de mission avec la même virtualité dans l'appareil d'État ?
Alexandre Benalla est devenu le 25 juin 2009 réserviste opérationnel ; il a exercé dans l'Eure durant six ans, à l'issue desquels il est devenu brigadier. Il a été radié à sa demande en novembre 2017, lorsqu'il a rejoint la réserve spécialisée de la gendarmerie nationale, au titre de son expertise dans la sécurité des installations et des personnes. Il a alors obtenu le grade de lieutenant-colonel : cela ne correspond pas à un avancement mais à son nouveau statut dans la réserve, comme pour un officier commissionné recruté à un grade donné sans passer les échelons subalternes, grade qu'il ne conserve que le temps de sa mission.
Vous ne répondez pas sur le grade. Ni sur l'accès aux locaux : disposait-il d'un badge pour entrer place Beauvau ? Se rendait-il dans votre cabinet ?
Je n'ai jamais vu Alexandre Benalla au ministère. Certes, je n'y suis pas tous les jours... mais vous ne trouverez aucune trace d'un appel, d'un mail de ma part : je n'avais aucune relation avec lui.
Ce petit génie est entré par effraction dans les services de sécurité de la présidence - car il apparaît de plus en plus nettement comme un intrus, qui a su naviguer jusqu'au grade de lieutenant-colonel, devenir adjoint au chef de cabinet du Président de la République, rudoyer les services, assister à des manifestations... Il y a forcément un fil conducteur, entre 2009 et aujourd'hui. L'avez-vous identifié ? Qui, à chaque étape, a accordé à M. Benalla grades, postes, badges d'accès, libre circulation dans les services de l'État ?
L'enquête de l'IGPN et celle de la justice le diront. Je me prononcerai alors, quand nous connaîtrons tout son passé.
De façon stupéfiante, Alexandre Benalla est partout, et surtout là où il n'a pas à être. Il joue un rôle autoproclamé dans divers dispositifs de sécurité. Alain Gibelin a dit hier que M. Benalla n'avait reçu aucune autorisation pour être présent comme observateur le 1er mai. Vous avez la charge des forces de sécurité. Quelles conséquences pratiques, opérationnelles, tirez-vous pour la chaîne de commandement de votre ministère ? Les signalements faits le 3 mai sur la plateforme de l'IGPN ont été classés sans suite, mais le ministre que vous êtes n'en était pas informé. Quel sentiment cela vous inspire-t-il ?
M. Gibelin ne savait pas que ce jour-là M. Benalla était en mission dans le service d'ordre : c'est pourquoi des sanctions ont été prises par le préfet de police. Si eux ne savaient pas, comment l'aurais-je pu ? Ce sont eux qui ont la responsabilité de leurs troupes. Le préfet de police a parlé de « copinage ». Il m'a par conséquent proposé des sanctions, que j'ai acceptées. Et le dispositif de la préfecture de police devra bien sûr être revu. Quant aux signalements sur la plateforme, j'en ai eu connaissance seulement samedi.
Il y a beaucoup de faits de ce type et nous disposons de plusieurs plateformes. Mais il existe une hiérarchie et chacun est responsable de ce qui se passe dans son service.
Nous aussi souhaitons que la hiérarchie soit respectée, c'est bien pourquoi nous sommes si inquiets de ces interférences et de l'intrusion d'un collaborateur du Président de la République au ministère de l'intérieur, source de confusion des pouvoirs.
Nous sommes d'accord sur plusieurs points : la sécurité du Président de la République est essentielle ; elle est du ressort du ministère de l'intérieur ; l'intrusion de M. Benalla a mis à mal ce principe. Vous êtes-vous assuré qu'il s'agissait d'un cas isolé dans la protection du chef de l'État ?
La protection du Président est essentielle et le GSPR doit en être le seul garant ; et ses agents sont recrutés par le ministère de l'intérieur. Le regroupement entre les commandants de CRS et le GSPR doit rester sous la responsabilité du ministère de l'intérieur et c'est ce qui a été décidé.
Vous avez affirmé que le projet de création d'une direction de la protection serait piloté uniquement par les chefs des deux entités actuelles. Or le contrat de travail de M. Benalla mentionne une « mission de coordination de la sécurité avec les forces militaires et le GSPR ». Comment pouviez-vous ignorer l'existence de cette mission, alors que le GSPR est un service placé sous votre autorité, dont l'activité est particulièrement sensible ? Maintenez-vous devant le Sénat que M. Benalla n'a pris aucune part à ce rapprochement, contrairement à ce que suggère l'intitulé de ses fonctions ?
J'ignore ce qui se passait entre ces deux responsables, mais j'ai toujours dit que le ministère était le meilleur garant de la sécurité du Président.
Ce n'est pas mon ministère qui rédige les contrats de travail des conseillers de l'Élysée.
Nous voulons faire toute la lumière sur une affaire qui choque huit Français sur dix. Or je constate des incohérences entre vos déclarations et celles de M. Delpuech sur la manière dont vous avez été informé des faits le 2 mai. Vous dites avoir été mis au courant à 15 heures : comment et par qui ?
Il a correspondu avec le préfet de police. Ils découvraient peu à peu ce qui s'était passé. Mon directeur a été informé dès le matin, puis le préfet de police - j'étais avec lui sur le lieu de la manifestation plus tôt dans la journée, il ne m'avait pas informé alors.
M. Grosdidier a fait récemment un gros travail sur l'état des forces de sécurité intérieure. Les syndicats nous ont dit que son rapport avait un large écho dans les services.
Après six mois d'étude et d'auditions, j'ai l'impression, à vous entendre parler des services, que vous êtes dans une bulle et ne percevez pas le malaise actuel ! Vous dites avoir noué ou renoué le lien, mais les syndicats nous disent le contraire. Si vous connaissez votre ministère, ne vous contentez pas de réponses dilatoires, en renvoyant à des rapports d'inspection. On n'emprunte pas un véhicule sans être vu, vous n'avez pas besoin d'une enquête de l'IGPN pour savoir qui l'a mis à disposition ! Même chose pour le brassard : qui était le tuteur de l'observateur ce jour-là ? Il vous est aisé de savoir ce qui se passe dans votre maison : vous pouvez nous fournir ces informations dès ce soir ou demain !
D'un côté un véhicule neuf, un appartement ; de l'autre des véhicules de police et de gendarmerie qui ont en moyenne huit ans d'âge, des logements qui relèvent de l'habitat indigne...
Vous placez le débat au bon niveau : celui des moyens de fonctionnement de la police, de la gendarmerie, du renseignement. Je me bats pour les augmenter, car jusqu'en 2013, on a observé une déperdition du nombre de policiers et de gendarmes.
Puis les effectifs ont recommencé à augmenter. Voilà de quoi je m'occupe. Il faut que nos policiers disposent de tablettes, de smartphones, qu'ils travaillent dans des locaux décents. C'est mon travail d'obtenir des crédits budgétaires suffisants...
L'enquête judiciaire et celle de l'IGPN nous le diront. Ce n'est pas, en tout cas, le ministère de l'intérieur qui a donné le brassard ni le téléphone à M. Benalla.
Il est difficile de trouver une photographie d'Emmanuel Macron sans Alexandre Benalla. Celui-ci était déjà en charge de la sécurité de M. Macron dans le mouvement En Marche, tandis que vous étiez un membre éminent de la campagne présidentielle de M. Macron... comme M. Girier, votre actuel chef de cabinet. Je m'étonne donc, lorsque vous dites que vous ne connaissez pas Alexandre Benalla.
Trouvez-vous normal que le chef de l'État nomme un chargé de mission pour qu'il s'immisce dans les activités de votre ministère ?
Lors d'une campagne électorale, les candidats ont à la fois une protection policière et un service d'ordre formé de militants - cela fait beaucoup de monde. J'ai toujours pensé que M. Benalla était, comme d'autres, policier. Mais dans les grands meetings où je me rendais, je ne savais pas qui était bénévole, qui policier. Je portais des idées, pensant que notre pays avait besoin de changer. Je ne me suis jamais livré à des oeuvres de basse police et ne le ferai jamais.
Vous pensiez qu'Alexandre Benalla était policier, mais on lui refusait - et par deux fois - le port d'arme au ministère ? Comment ne pas être alerté par une telle situation ? D'autant qu'en juin 2017, le refus est venu de votre cabinet. Pour quels motifs ? Pourquoi cela ne vous a-t-il pas conduit à déclencher une certaine surveillance et à alerter le Président ? Cela nous ramène à la gestion politique de cette affaire...
Je croyais que M. Benalla était policier. Évidemment, ce n'est pas moi qui instruis les demandes de port d'arme. M. Benalla a sollicité à plusieurs reprises les services du ministère de l'intérieur pour obtenir une autorisation de port d'arme. Toutes ces demandes ont été refusées car il ne remplissait pas les conditions requises - par exemple, exposition à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie. En 2013 comme en 2017, elles ont été instruites conformément à la procédure habituelle : instruction par le service juridique du ministère, avis de plusieurs services, comme le renseignement territorial, l'UCLAT et la DGPN. Comme les avis des services étaient défavorables, mes prédécesseurs et moi-même avons refusé la délivrance d'une autorisation de port d'arme. Toutefois, par un arrêté du préfet de police du 13 octobre 2017, M. Benalla s'est vu délivrer une autorisation de port d'arme sur un autre fondement du code de la sécurité intérieure et sans que mon cabinet en ait été avisé : je l'ai découvert mercredi dernier.
Nous passons aux questions de trois sénateurs non membres de la commission des lois, qui n'ont donc pas les pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête.
Vos déclarations présentent des incohérences. Votre principal collaborateur à Lyon depuis des années, qui vous a suivi du 9ème arrondissement à la métropole et qui est aujourd'hui votre chef de cabinet, Jean-Marie Girier, a été directeur de campagne d'Emmanuel Macron. C'est lui qui a recruté M. Benalla fin 2016. Vu votre proximité avec M. Girier, comment pouvez-vous prétendre ne pas connaître M. Benalla ? M. Philippe Mizerski, le tuteur de M. Benalla, qui lui aurait remis les attributs de police, n'a pas été mis en examen alors que trois autres policiers l'ont été. Qu'est-ce qui nous garantit que le système de copinage qui aurait protégé M. Benalla ne va pas survivre aux sanctions prises ? Maintenez-vous, en dépit de tout ce que nous avons entendu de la part des syndicats de policiers ce matin, que rien ne vous est remonté sur les relations exécrables et les incidents récurrents entre M. Benalla et les services de police ? Même si les langues se délient tardivement, on a du mal à croire que personne dans la hiérarchie policière n'ait entendu parler de ces incidents, vu leur nombre.
J'ai déjà répondu à toutes ces questions. M. Mizerski était tuteur de M. Benalla. L'enquête dira qui l'a désigné comme tel.
Je ne pense pas qu'il ait recruté M. Benalla, sinon il y aurait un problème de confiance.
Le 2 mai, vous découvrez que M. Benalla, que vous connaissez au moins de vue puisque la veille au soir vous avez échangé avec lui une accolade à la préfecture de police, n'est pas policier comme vous le pensiez. Vous découvrez en même temps qu'il s'est livré, au cours d'une manifestation, à des actes assimilables à des violences policières. J'imagine que vous avez considéré cette situation comme préjudiciable à l'image de la police et, puisque cet homme est un collaborateur du Président de la République, dangereuse pour ce dernier. Qu'avez-vous fait pour protéger les services de police et le Président de la République des agissements de M. Benalla, indépendamment du fait que vous avez prévenu la présidence de la République ? Jusqu'au 18 juillet, vous n'entendez plus parler de M. Benalla ; mais il aurait pu continuer d'agir comme il avait agi précédemment !
Accolade ? Le préfet de police a précisé hier qu'il avait été extrêmement surpris, comme je l'ai été, de voir cette personne, qu'il n'avait jamais autorisé sa présence et qu'il n'y avait jamais eu d'accolade : j'ai simplement salué la quarantaine de personnes qui se trouvaient dans la salle de commandement et, surtout, nous avions les yeux fixés sur ce qui se passait place de la Contrescarpe, où les violences continuaient, ne l'oublions pas. M. Benalla a-t-il eu souvent ce type de comportements ? Je n'en sais rien, c'est l'enquête qui le dira.
L'important, c'est ce que ressent le peuple français depuis ces révélations. Il a grandement besoin d'être rassuré. Un proverbe américain dit que ce n'est jamais le crime lui-même qui cause le scandale, mais les manoeuvres pour le dissimuler. Y a-t-il une tentative d'étouffer ce scandale ?
Le ministère de l'intérieur fait son travail, tout comme la DGPN, la DGGN, les services de renseignement, les services de sécurité et la préfecture de police. C'est à eux de faire remonter les dysfonctionnements et de les résoudre. Je suis un ministre républicain, qui ne compte que sur les forces légales pour résoudre les problèmes de son pays. Même face à des manifestations d'une violence inouïe, c'est la police républicaine qui doit assurer le maintien de l'ordre.
Vous n'avez pas effectué de signalement, comme le veut l'article 40, au motif que tant de faits vous sont signalés que vous estimez que ce n'est pas votre rôle. À votre connaissance, comme vous dites, combien d'actes délictueux ont été commis au cours des dix dernières années par des membres du cabinet du Président de la République ?
J'ai déjà répondu à cette question. Mes prédécesseurs avaient la même pratique que la mienne.
L'un signalait une diffusion de jeu vidéo montrant des tortures, un autre la contestation de crimes contre l'humanité, un autre du révisionnisme...
J'ai fait mon travail en informant le directeur de cabinet du Président de la République, qui a dit que des sanctions seraient prises. Dès le lendemain, je me suis consacré à d'autres tâches.
En vertu des pouvoirs qui nous ont été conférés par le Sénat unanime, nous allons vous adresser des questions par écrit, pour éclaircir un certain nombre de points qui restent obscurs, et vous demander des documents, comme nous en avons le droit.
Je répondrai, bien évidemment. Mes réponses ont été très précises.
Si vous avez d'autres questions, qui ne soient pas couvertes par l'enquête judiciaire en cours, j'y répondrai bien volontiers.
Ce sera nécessairement le cas, car nous prenons grand soin de réserver les compétences de l'autorité judiciaire, qui s'exerce sur des questions ponctuelles, alors que nous posons des questions relatives à l'administration et aux institutions, conformément au mandat que nous avons reçu.
Peut-être aurons-nous des réponses un peu plus précises à quelques-unes de vos questions, puisque le rapport de l'IGPN sera remis à la fin de la semaine.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 20 h 15