Nous examinons les amendements de séance déposés sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE).
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 4 bis
L'amendement n° 1 du Gouvernement vise à supprimer l'article 4 bis, qui reprend en partie la proposition de loi de la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas. Le Gouvernement ne veut absolument pas en entendre parler, alors que, corrélativement à l'action de l'Allemagne, la France a l'opportunité de réguler l'activité des plateformes numériques. Le Gouvernement affirme que ces dispositions doivent être traitées au niveau de l'Union européenne et non à l'échelle nationale. Je le concède, mais, comme je l'ai déjà souligné, l'Europe, c'est le temps long : elle tarde à publier la directive Digital Services Act, qui plus est le Digital Markets Act. Je le rappelle, il a fallu attendre sept ans pour mettre en place le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Le droit européen étant supérieur au droit national, les dispositions que nous voterions deviendraient caduques. Mais cet article pourrait porter ombrage au travail de Cédric O. Avis défavorable sur cet amendement, car il n'est pas question d'accepter cette approche du Gouvernement.
Je rejoins l'analyse du rapporteur. Le Gouvernement nous demande d'attendre les décisions européennes, mais les Allemands font exactement ce que nous proposons de faire. Nous ne comprenons pas cette fin de non-recevoir.
Je partage également les propos du rapporteur. Je ne comprends pas l'absence de volonté du Gouvernement de faire un pas. Il importe d'avancer sur ce sujet d'actualité.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Article 27 bis
L'amendement n° 2 du Gouvernement prévoit l'extension du champ d'application du recueil des données alimentant le relevé géographique des déploiements d'infrastructures de communications électroniques et l'entrée en vigueur du relevé géographique. Les collectivités locales qui détiendraient des informations utiles à la construction d'un relevé géographique des déploiements télécoms par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) « font leurs meilleurs efforts » pour les lui communiquer. On imagine mal les collectivités ne pas fournir à l'Arcep des informations qui seraient en leur possession dès lors que ces informations feraient avancer la régulation. Même si les associations d'élus ne s'opposent pas à cette disposition, celle-ci les laisse perplexes.
J'émets un avis favorable à cet amendement. Néanmoins, j'interrogerai le ministre sur trois points. Je lui demanderai de nous confirmer que les prévisions fournies par les opérateurs dans le cadre du relevé géographique ne seront en aucun cas considérées comme des engagements de déploiement contraignants ; et que le texte ne pose qu'une obligation de moyens et non de résultat. Enfin, je lui demanderai de nous expliquer pourquoi il n'a pas souhaité reprendre la rédaction de la directive sur la confidentialité et la protection du secret des affaires quant à ces informations.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.
Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Vincent Segouin et Patrice Joly sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (Aafar) ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CAS-DAR).
Permettez-moi de citer en introduction les propos du ministre de l'agriculture et de l'alimentation : le budget ne guide pas la politique, mais c'est la politique qui guide le budget. Comme nous n'avons pas pu auditionner le ministre avant de présenter notre rapport, nous n'avons pas de vision claire de la politique qui sera conduite. Pourtant, nous aurions besoin d'orientations sur le sujet, le budget de la mission pour 2021 n'étant guère rassurant.
Je rapporterai sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture », mon collègue Patrice Joly interviendra plus particulièrement sur les crédits relatifs à la forêt et à la pêche, ainsi que sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » et le CAS « Développement agricole et rural ».
Au titre de la politique agricole commune (PAC), 9,5 milliards d'euros sont versés par l'Europe. La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », qui regroupe les programmes 149 et 206 précités ainsi que le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », a un budget quasiment stable, à hauteur de quelque 3 milliards d'euros, tandis que le CAS-DAR se voit doter de 126 millions d'euros, à destination notamment des chambres d'agriculture. Le plan de relance, qui prévoit des crédits à hauteur de 1,124 milliard au titre des autorisations d'engagement (AE) et de 390 millions au titre des crédits de paiement (CP), met l'accent sur la production végétale, le bien-être animal ainsi que le développement des protéines végétales, un sujet qui nous tient à coeur mais qui demande certainement d'autres initiatives que ce qui est proposé !
La Ferme France connaît une baisse de ses volumes de production. Cette situation tient notamment à la transition écologique. Hors subventions - la moyenne des subventions est de 29 185 euros par exploitation -, la moitié des exploitations agricoles dégage un revenu courant avant impôt négatif. Le nombre d'exploitations est en baisse, de même que les emplois tant pour les chefs d'exploitation, les salariés que les conjoints.
Les concours publics à l'agriculture toutes aides confondues s'élèveraient à 22,1 milliards d'euros en 2021 : 9,5 milliards au titre de la PAC ; 5,3 milliards versés par l'État ; 5,3 milliards au titre des allégements de charges sociales et fiscales et 1,8 milliard d'exonérations fiscales dont la principale partie sur le gazole non routier (GNR).
Le programme 149 enregistre une baisse de 87 millions d'euros en autorisations d'engagement mais en réalité de près de 130 millions d'euros des crédits d'intervention qui sont au coeur de notre politique agricole et rurale. Or la conjoncture actuelle est plus que difficile, et les besoins alimentaires sont de plus en plus élevés au niveau mondial. Les difficultés liées à la crise de la covid dégradent profondément certaines filières, comme l'horticulture, la production de pommes de terre, etc.
On veut de l'agriculture de qualité, de proximité en recréant un lien social, mais cela demande des salariés et les coûts salariaux sont un obstacle majeur à la réussite de cet objectif. On souhaite développer le bio à hauteur de 15 % de la surface agricole utilisée (SAU), mais la France ne s'en donne pas les moyens. Des engagements avaient été pris par l'État quant au soutien d'installations de méthaniseurs, de l'industrie agroalimentaire, de la filière bois, des entreprises éligibles à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), de la filière sucre. Ils attendent leur concrétisation.
Nous avons relevé des queues de budget opaques, notamment concernant les dépenses imprévisibles : la budgétisation de la provision pour « dépenses imprévisibles » passe de 300 millions d'euros en 2018 à 190 millions d'euros en 2021, alors que les aléas augmentent, que les dégâts liés à la sécheresse 2019 n'ont pas encore été pris en charge, sans compter ceux de 2020.
Au total, ce budget manque de lisibilité et de cohérence avec les annonces de l'exécutif.
Cette mission est complexe au regard notamment de l'absence de transparence et de transversalité sur l'ensemble des thématiques.
Les crédits dédiés à la pêche sont à peu près constants. Ils s'ajoutent aux crédits européens du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), dont l'objet est de développer la pratique durable et la diversification des activités de pêche. Les risques liés au Brexit n'ont pas été pris en compte pour accompagner les pêcheurs, qui sont susceptibles d'en subir les préjudices, du moins ne sont-ils pas pris en compte dans le budget de la mission.
La forêt constitue un véritable enjeu en termes de surface, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, notamment de captation du carbone. Les filières aval sont très fragiles et peinent à trouver leur équilibre économique d'année en année.
Les enjeux sont également importants sur le plan sanitaire : la sécheresse fragilise l'ensemble des essences, qu'il s'agisse de parasites ou de dégradation liée au phénomène hydrique.
Le budget global dédié à la forêt n'est pas consolidé, avec une enveloppe globale qui pourrait être de l'ordre de 900 millions d'euros, dont 251,8 millions de crédits de paiement prévus dans le programme 149 de la mission. Cela équivaut à une augmentation de 5,5 millions d'euros, dont 2 millions à destination de l'Office national des forêts (ONF). La dotation dédiée à l'ONF vise à apporter une réponse à une situation difficile depuis plusieurs années. Le contrat d'objectifs et de performance (COP), qui arrive à son terme, est en cours de négociation.
Une partie des difficultés rencontrées par l'ONF concerne les charges liées aux retraites : il supporte les contributions employeurs appliquées pour les fonctionnaires civils de l'État. Pour équilibrer ses comptes, il s'endette à hauteur de 450 millions d'euros. Certes, cette somme peut apparaître modérée au regard de l'actif dont il dispose, mais son activité ne lui permet pas d'y faire face.
La productivité de cet organisme pose régulièrement question. Pour maintenir le niveau d'effectifs prévu dans le COP, l'ONF a recouru à des contractuels. Pour 2021, il devrait subir la perte de 95 équivalents temps plein (ETP).
Ajoutons les 82 millions d'euros de crédits de paiement prévus par le plan de relance, mais on n'en connaît pas les déclinaisons, sauf à très grands traits.
Nous avons peu d'évaluations sur la mise en oeuvre des avantages fiscaux, alors que les enjeux sont importants pour le développement des activités.
Sur le plan de la maîtrise des risques sanitaires, le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » connaît une hausse de ses crédits à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui représente, pour un budget de 600 millions, une augmentation de 5 %. Ces crédits sont notamment consacrés au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de ses agents de terrain et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). La hausse attendue est principalement due à un alourdissement des charges d'indemnisation des exploitants frappés par des calamités sanitaires ainsi que des dépenses de personnels supplémentaires dans la perspective du Brexit. Ce programme n'enregistre donc pas de moyens opérationnels supplémentaires alors que de nouveaux sujets font l'objet d'attention, tels que le bien-être animal ou encore la question des produits phyto-sanitaires, avec la réduction de la consommation d'intrants.
Concernant l'engagement de sortie du glyphosate en 2023, nous ne disposons d'aucune évaluation nous permettant de nous assurer que les objectifs pourront être atteints. Les volumes d'utilisation de cette substance commercialisée chaque année ne sont pas mentionnés. L'Anses est chargée de l'accompagnement de cette sortie. L'appel à projets qu'elle a lancé pour apprécier la connaissance de la toxicité de cette substance est en cours, mais l'organisme retenu s'est rétracté. Se pose aussi, dans le même temps, la question de l'accompagnement des exploitations : il semblerait que la disparition de cette substance soit de nature à réduire les rendements et donc à fragiliser leur économie.
S'agissant du financement de plateformes numériques gérant les certificats sanitaires d'exportation, la suppression d'une taxe en première partie du projet de loi de finances a entraîné une ouverture de crédits à hauteur de 2 millions d'euros.
Enfin, les crédits du CAS-DAR seront réduits de 10 millions d'euros. Ce compte est financé par une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dont le rendement serait de 136 millions d'euros en 2020. Au regard de l'évolution du chiffre d'affaires, l'apport de cette taxe devrait diminuer de 10 millions d'euros, entraînant une réduction équivalente des crédits ouverts.
Le CAS-DAR est excédentaire depuis des années ; le montant cumulé de l'excédent s'élève à 80 millions d'euros. Aussi, un abondement des crédits ne met pas en péril la structure de financement d'un compte qui alimente la recherche et favorise la diffusion des innovations notamment en matière d'agriculture biologique ou d'alternatives à certains types de production. Néanmoins, cette diminution de 10 millions d'euros des crédits est un sujet de crispation pour certaines organisations professionnelles et acteurs de la recherche qui, au regard des objectifs fixés, ont l'impression que le budget n'est pas à la hauteur des enjeux.
D'une manière plus générale, sur l'ensemble de cette mission, on observe une gestion un peu au fil de l'eau. On constate que les crédits dédiés à l'installation des agriculteurs ne sont pas consommés.
Or, la politique, c'est non pas seulement constater, mais se donner les moyens, notamment humains, pour atteindre les objectifs.
Pour conclure, à partir de l'ensemble des éléments dont nous disposons, je propose donc de rejeter ce budget.
Nous accueillons Laurent Duplomb, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Ce budget m'a véritablement questionné. D'habitude, je n'hésite pas à exprimer un avis négatif, mais, cette fois, je suis partagé.
Je relève plusieurs éléments positifs par rapport aux années précédentes. Le premier, c'est la pérennisation pour deux ans - le Sénat l'a pérennisé au-delà des deux ans - du dispositif TO-DE, que nous avons sauvé, il y a deux ans, au Sénat.
Je me félicite également des efforts déployés par l'agence de services et de paiement afin de retrouver une capacité à aider les agriculteurs en temps et en heure ; aujourd'hui, cette agence n'accuse pas de retard. S'agissant des apurements, ils sont nettement inférieurs à ce que nous avons connu dans les budgets précédents.
Autre élément positif : l'exonération sur le gazole non routier (GNR) qui, de surcroît, entraînera une simplification administrative.
Par ailleurs, je retiens le maintien - pour une fois ! - des budgets des chambres d'agriculture.
Enfin, le cinquième et dernier élément positif - reste à savoir s'il survivra aux annonces - concerne le plan de relance agricole, avec un budget de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, soit 1 milliard d'euros pour l'agriculture et 200 millions d'euros pour la forêt. Dans le budget dédié à l'agriculture, 465 millions d'euros sont prévus pour soutenir trois efforts que j'avais appelés de mes voeux : l'aide à l'investissement concernant l'agroéquipement, qui permettra à mon sens de répondre à la diminution des produits phytosanitaires ; le bien-être animal, plus particulièrement dans les abattoirs ; et, enfin, les risques climatiques, car nous ne pouvons pas continuer de constater l'augmentation de ces risques sans jamais y apporter de réponses.
Dans ce budget ressortent également des éléments négatifs qui sont loin d'être anodins. Les points nous ayant fait basculer du côté du rejet des crédits de la mission sont de trois ordres - je salue à cet égard le travail réalisé par les rapporteurs spéciaux.
Le premier, c'est la diminution - ou la spoliation - de 10 millions d'euros du CAS-DAR dans le budget de l'État, alors que jamais, dans notre pays, les injonctions sociétales n'ont été aussi fortes pour favoriser la recherche et trouver des solutions palliatives, soit à la diminution des produits phytosanitaires, soit à leur interdiction. Pour rappel, le CAS-DAR a trois grandes vertus : il s'agit d'un financement purement agricole, payé dans sa totalité par les agriculteurs ; son principe est mutualiste, c'est-à-dire que les filières les plus riches cotisent pour que les filières les plus pauvres puissent en bénéficier ; enfin, il est financé à 80 % par les subventions européennes, d'où un effet de levier non négligeable.
Le deuxième élément a trait au manque de réalisme du ministre de l'agriculture - ou du moins, de son prédécesseur - et, surtout, la différence entre les promesses et les actes. Didier Guillaume avait beaucoup promis, il a peu fait. Sur les aides liées à la pandémie, j'ai des exemples précis en tête, sans parti pris politique, qui s'appuient sur des faits objectifs.
Je pense, notamment, à la situation de l'horticulture. Le ministre avait promis 25 millions d'euros ; pas un centime n'a été versé à ce jour. De son côté, notre premier concurrent - les Pays-Bas - avait promis 600 millions d'euros pour l'horticulture, et 150 millions d'euros ont été versés à leurs entreprises. Naturellement, je vous laisse supposer les résultats à la fin de l'année et l'écart de compétitivité qui risque de se créer pour les années futures.
Autre exemple : la pomme de terre. En France, 450 millions de tonnes de pommes de terre ont été jetés ou méthanisés lors du premier confinement. L'aide promise s'établissait à 50 euros la tonne, soit 20 millions d'euros ; elle s'est traduite ensuite par une promesse du ministre s'élevant à 10 millions d'euros qui, dans la réalité, sont devenus 4 millions d'euros.
On ne peut pas accepter de voter un budget quand on sait que les promesses ne sont pas tenues.
Dernier élément décisif dans ma réflexion, le nouveau ministre a annoncé dernièrement, dans la loi sur les néonicotinoïdes ou à l'occasion de certaines interventions, qu'il était prêt à financer à hauteur de 7 millions d'euros la transition concernant le glyphosate. Pour la même somme, il s'engageait également à financer la transition et la recherche concernant les betteraves. Pour rappel, nous avons voté une loi dérogatoire pour la réintroduction des néonicotinoïdes jusqu'en 2023. Ces 14 millions d'euros, nous avons beau les chercher dans le budget, nous ne les trouvons pas. Là encore, les actes ne suivent pas les promesses.
Je me rallierai donc à la position des deux rapporteurs de la commission des finances pour rejeter les budgets de la mission et du CAS-DAR.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du rapporteur général, Jean-François Husson, qui prépare la réunion de la commission mixte paritaire sur le quatrième projet de loi de finances rectificative et nous rejoindra plus tard.
La Cour des comptes vient de publier un référé concernant l'artificialisation des sols. Dans cette affaire, le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) est quelque peu détourné, ce qui empêche les pouvoirs publics d'avoir une bonne connaissance des structures souhaitables pour nos exploitations ; c'est toute la problématique de l'accaparement, évoquée par nos deux rapporteurs. Ont-ils, à la suite de la publication de ce référé, connaissance d'une réforme des Safer ?
La situation de l'ONF est effectivement critique depuis maintenant plusieurs années. Sans doute faut-il davantage encourager la gestion durable de nos forêts. Dans la mesure où 75 % de la surface forestière de notre pays sont détenus par la forêt privée, il est important de rappeler le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI). Avez-vous des précisions sur la reconduction de ce dispositif ?
Les remarques de Patrice Joly concernant l'ONF ne laissent pas de m'étonner. Cet organisme, qui gère les forêts publiques par le droit, est structurellement déficitaire, alors que, pour la forêt privée, la Société Forestière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), est bénéficiaire. Au regard de la loi qui impose au domaine public d'être géré par l'ONF, le modèle me semble poser question. Quelles sont les missions de l'ONF ? De même, quelles sont les missions du ministère ? On dit que le ministère de l'agriculture compte plus de fonctionnaires qu'il n'y a d'agriculteurs ; ce n'est pas vrai, évidemment, mais une réforme du ministère et des agences n'est-elle pas envisageable ?
Enfin, avec la covid-19, on a constaté l'impréparation du ministère chargé de la santé. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau, dans le domaine de l'élevage, en crise sanitaire. Le ministère est-il, cette fois, mieux armé ?
Je félicite les rapporteurs spéciaux pour leur rapport, qui est dense. Au niveau du fonctionnement de l'administration, il existait autrefois les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) ; désormais, il y a les directions départementales des territoires (DDT). Vous avez évoqué également la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE). Pouvez-vous m'éclairer sur la répartition des moyens humains entre l'administration centrale et nos départements ?
Dans le rapport, sont cités un certain nombre d'agences ou d'opérateurs de l'État. Avons-nous une idée de ce que cela représente sur le terrain ?
Le nombre des agriculteurs diminue malheureusement, alors qu'ils ont pourtant un rôle important.
S'agissant de la filière bois - que l'on dit peu mise en valeur - quelles sont les perspectives d'évolution ?
Enfin, concernant l'enseignement agricole, les lycées agricoles ont un rôle important à jouer. Des jeunes sont réellement intéressés et passionnés : les moyens consacrés sont-ils à la hauteur ?
Sur le volet agricole, on observe la baisse des dotations au titre de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Pourrais-je avoir des précisions, car il s'agit d'un levier essentiel de financement sur nos territoires ruraux de montagne ?
Les moyens consacrés à l'installation diminuent en même temps que le nombre d'agriculteurs. Je voudrais savoir si des mesures spécifiques sont prévues pour les installations hors cadre familial, qui représentent aujourd'hui une alternative à l'installation et ne bénéficient pas d'un soutien à la hauteur des enjeux.
J'aurais également une question liée à la question sanitaire et au risque de zoonoses. Les moyens et la reconnaissance de notre réseau de laboratoires publics sont-ils à la hauteur ?
Enfin, concernant l'ONF, on peut bien sûr s'inquiéter de ses moyens, de sa performance. Peut-être faute de moyens, dans les négociations pour accompagner les communes dans la valorisation des bois notamment, les conditions d'intervention posent aujourd'hui une vraie difficulté. Avez-vous des informations sur ce volet particulier ?
Avez-vous pu échanger sur les traités internationaux ? Dans le rapport est mentionné le souhait de maintenir un commerce international « ouvert, transparent et prévisible » ; j'aimerais en savoir davantage.
Pour la première fois cette année, l'agriculture française est déficitaire par rapport à l'agriculture européenne. Le souhait de maintenir la migration à des périodes de récoltes est également précisé dans le rapport. Existe-t-il des dispositifs qui permettent de trouver de la main-d'oeuvre sur le territoire national - je pense aux personnes en recherche d'emploi ou qui bénéficient du revenu de solidarité active (RSA).
Vous avez peu parlé de la PAC. Cela signifie-t-il que les problèmes sont résolus ?
L'année dernière, la Commission européenne avait prévu que le budget de la PAC baisse considérablement. En l'état des négociations européennes, on dit que le budget serait stabilisé. Cela donne le sentiment que les inquiétudes ont disparu, alors que beaucoup de sujets restent en discussion et que les moyens réservés à la PAC seront en fait réduits hors plan de relance européen.
Entre le premier et le deuxième pilier géré par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), quels nouveaux transferts faudra-t-il constater ?
Concernant le rôle détourné des Safer, on crée aujourd'hui des sociétés pour racheter des terres, et les Safer n'ont plus leur mot à dire. Le ministre doit préciser la manière dont il compte gérer le foncier à l'avenir. Cela pose de vrais problèmes, notamment pour ce qui concerne les agrandissements de surface.
La question de la gestion du foncier est un enjeu majeur, en termes de production, de captation de carbone. Des nouveaux sujets sont en train d'émerger. Une loi avait été annoncée par le Gouvernement ; pour l'instant, nous n'avons pas d'échéance.
S'agissant de l'impréparation du ministère en cas de crise sanitaire, c'est un véritable sujet. Avec la crise porcine qui se profile, on n'anticipe pas assez sur la protection des exploitations, sur celle des filières. Il en va de même pour l'influenza aviaire. Pour les calamités agricoles, un fonds existe, qui est un peu la variable d'ajustement et qu'il faudrait réformer : doit-on faire de l'assurance ? De l'épargne de précaution ? Abonde-t-on ce fonds chaque année ? Sur ces questions, j'attends des réponses. La crise de la covid-19, nous pouvons la vivre dans le domaine de l'agriculture.
Pour répondre à Marc Laménie, l'Agence de services et de paiement (ASP) a fait beaucoup d'efforts en consommant beaucoup d'argent. Après avoir connu des affres dans la gestion des subventions, l'agence serait désormais plus à jour mais le poids des apurements reste élevé (79 millions d'euros pour 2020) et il existe des inquiétudes pour l'avenir compte tenu des conditions d'engagement de l'année 2020.
Sur les moyens déconcentrés du ministère de l'agriculture, une baisse des effectifs est prévue pour 2021.
Oui, la baisse sera de 126 équivalents temps plein (ETPT).
Les installations hors cadre familial sont, en effet, comme l'a évoqué Stéphane Sautarel, un fort enjeu. Beaucoup de personnes sont prêtes à venir vers le monde de l'agriculture. Il faut les accompagner.
La diminution de l'ICHN et celle de la dotation Jeunes agriculteurs (DJA) n'ont pas d'incidence sur le budget.
Concernant l'ICHN, la nouvelle modification de son périmètre avait entraîné une levée de boucliers. Le ministre avait alors décidé un accompagnement pendant quelques années supplémentaires, avant la disparition du dispositif. C'est chose faite aujourd'hui, avec la suppression des 2 millions d'euros restants. Il est en de même pour la DJA, avec la fin des prêts bonifiés.
Concernant le rôle des Safer, la réalité est simple : aujourd'hui, on leur a supprimé tous les moyens. Pour éviter de disparaître, elles sont devenues, dans la plupart des départements, des formes d'agences immobilières qui achètent des terrains et les revendent pour faire une plus-value. Donnons-leur les moyens d'acquérir des terrains, de les stocker et de les redonner aux agriculteurs qui le désirent.
Est-ce que le ministère est plus armé ? En 2010, l'excédent commercial de la France s'élevait à 12 milliards d'euros. Nous étions autosuffisants sur toutes les productions : viande bovine, volaille... On exportait notre richesse, le vin, les céréales, tous les produits de très haute qualité et les produits laitiers. En septembre 2020 - alors que nous ne cessons d'entendre tous ces discours d'enfants gâtés réclamant une alimentation toujours plus durable, plus locale... -, nous sommes à 3,98 milliards d'euros d'excédent, avec une estimation à un peu moins de 5 milliards d'euros à la fin de l'année. En dix ans, notre excédent a fondu. Ce que j'avais prédit en 2019, à savoir la fin de l'excédent commercial français, pourrait être constaté en 2023.
Est-ce que l'on accepte que la France ne soit plus autosuffisante demain pour se nourrir ? Au regard de notre dette, est-ce le moment de se dire que notre alimentation passera par l'achat à des pays extérieurs ?
D'autant que le ministre souhaite s'engager sur le fait que nous soyons autonomes d'un point de vue alimentaire.
Quelle est la part, dans cette dégradation de la balance commerciale, des enjeux géopolitiques ? Je pense notamment à la taxation du vin par les États-Unis... Tous nos produits haut de gamme, qui sont de nature à créer des chiffres d'affaires importants, sont impactés par ces problématiques géopolitiques.
Pour ce qui concerne les traités internationaux, l'important est de connaître les objectifs et la vision pour notre agriculture de demain.
Enfin, concernant la main d'oeuvre, je crois que la migration est nécessaire. Je ne suis pas sûr que les Français veuillent faire les travaux qui sont proposés...
Pendant la pandémie, le besoin de main-d'oeuvre étrangère a posé des difficultés importantes, au point d'ailleurs qu'un ministre a lancé un appel pour aller aux champs...
Sur la question des Safer, les villes - notamment par le biais des établissements publics fonciers (EPF) et, quelquefois, des EPF locaux - se sont saisies des questions que les Safer ne traitaient plus. Des préemptions de terrains ont été effectuées, avec accord de la Safer, mais portage financier par les établissements publics, ce qui est quand même assez curieux.
Sur la question des crédits à l'installation non consommés, peut-être faudrait-il revoir les modalités d'attribution de ces aides. On doit adapter les accompagnements aux diversités de projets personnels et professionnels.
Concernant les DEFI, les allégements fiscaux ont fait l'objet d'un amendement à l'Assemblée nationale ; nous aurons donc à nous prononcer sur le sujet.
La structure de l'ONF, notamment en matière de personnel, n'est pas la même que celle de la filiale de la CDC. De plus, l'ONF a des missions de service public que n'a pas la Société Forestière. Cela dit, la question de la productivité de l'ONF se pose toujours. L'organisation est en grande difficulté, à la fois économique et sociale, alors que la gestion de la forêt est un enjeu majeur.
Pour répondre à Marc Laménie, l'enseignement agricole ne relève pas de notre mission.
Concernant le sujet des laboratoires, ils ont eu des difficultés, dans le cadre d'appels d'offres, à obtenir des marchés. Au regard des risques qui nous attendent, on déplore parfois des longs délais, du fait d'un maillage territorial aléatoire. Aujourd'hui, la restructuration des laboratoires départementaux est en train de s'achever ; cela donne des fermetures, des rachats par des groupes et aussi des groupements d'intérêt public (GIP) constitués par les départements pour mutualiser des moyens et, surtout, disposer d'une large gamme de prestations et de services.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville » - Nous présenterons, avec mon collègue Bernard Delcros, les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Cette mission est dotée, dans le projet de loi de finances (PLF) 2021, d'un budget de 16 milliards d'euros, soit une hausse de 833 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Les crédits pour 2021 sont toutefois en baisse par rapport à la totalité des crédits ouverts en 2020, puisque, au fil des lois de finances rectificatives (LFR), dont la quatrième a été votée hier soir, ces derniers s'élèvent à 17,5 milliards d'euros - j'y reviendrai.
Les dépenses fiscales atteignent un montant de 10,1 milliards d'euros, ce qui montre l'importance des dépenses extrabudgétaires pour les politiques du logement, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.
En cette année de crise sanitaire, la situation du logement va au-delà des seuls crédits budgétaires de la mission, puisque beaucoup d'éléments se retrouvent à l'extérieur de celle-ci au fil du temps. Le logement a été impacté par la crise, mais moins que les autres secteurs. En effet, les chantiers ont pu reprendre dès la mise en oeuvre de précautions sanitaires. Pour autant, les chiffres de la construction ne seront pas bons en 2020, qu'il s'agisse de l'accession ou du logement social, selon une tendance qui se poursuit depuis 2017. Plusieurs facteurs expliquent cette situation.
Le premier est le resserrement du crédit bancaire : les banques demandent aujourd'hui un minimum d'apport, et les autorités de contrôle leur ont demandé de ne plus prêter au-delà d'un seuil d'endettement de 33 % pour les ménages.
Ensuite, les bailleurs sociaux subissent les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui a certes été suivie de mesures de compensation, mais qui reste porteuse d'inquiétude pour ces derniers.
Par ailleurs, les incertitudes sur l'avenir d'Action Logement animeront les débats en loi de finances. Action Logement collecte la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), mais dispose aussi d'un patrimoine important, s'élevant à 80 milliards d'euros. Or, les intentions du Gouvernement sur le patrimoine d'Action Logement posent question : on observe une volonté de réorienter les crédits ou d'en récupérer une partie pour les utiliser. Le résultat de l'étude demandée à l'inspection générale des finances (IGF) laisse même penser que le démantèlement d'Action Logement pourrait être une solution envisagée. L'association finance pourtant 40 000 logements sociaux par an. De plus, sur les 10 milliards d'euros destinées au renouvellement urbain, quasiment 7 seront apportés par Action Logement. Cette incertitude s'observe d'autant plus que la première partie du PLF supprime la compensation de la remontée du seuil à 50 salariés pour les entreprises exonérées de cotisations sur la PEEC, soit 300 millions d'euros de compensations, et qu'un article non rattaché à la mission lui ponctionne 1 milliard d'euros supplémentaire. Tout cela pose question sur l'avenir d'Action Logement, et rejaillit sur l'ensemble des acteurs du secteur.
De plus, le report des élections municipales a pesé sur un certain nombre de projets de construction. Les changements de municipalités ont également pu avoir un impact, puisque certaines grandes métropoles, comme Bordeaux, ont décidé de geler les projets pour une durée indéterminée.
Si le chiffre de 500 000 logements par an est souvent évoqué comme objectif pour répondre à la demande, nous serons cette année plutôt aux alentours de 400 000. En matière de logements sociaux, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), que nous avons auditionnée, est confiante et prévoit 100 000 logements supplémentaires. Mais l'Union sociale pour l'habitat (USH) et les autres acteurs du secteur évoquent plutôt le chiffre de 90 000. La situation est donc critique, à la fois pour le secteur privé et pour les logements sociaux.
Enfin, n'oublions pas que le problème de la suppression de la taxe d'habitation va se poser, puisque celle-ci doit être compensée par la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), dont les bailleurs sociaux et le logement intermédiaire sont exonérés. Il en résulte une mauvaise visibilité pour les acteurs du secteur.
Le plan de relance est assez décevant, car les mesures proposées ne sont pas de nature à relancer le secteur, malgré des crédits sur la rénovation énergétique. Lorsque l'on compare ces derniers aux crédits de 2019, qui étaient essentiellement basés sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), on retrouve finalement les mêmes montants. On ne peut donc pas parler d'effort budgétaire particulier.
Le tableau d'ensemble du secteur du logement n'est donc pas satisfaisant, même si les crédits de la mission ne permettent pas de se faire une idée globale du sujet.
S'agissant du programme 177, qui porte sur la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, les crédits en 2021 sont de 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 209 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Ceux-ci sont toutefois inférieurs au total des crédits ouverts en 2020, s'élevant à 2,44 milliards d'euros. En effet, la crise sanitaire a conduit à ouvrir 450 millions d'euros supplémentaires en cours d'année. Je salue l'action du Gouvernement sur ce point. Cette crise aurait pu être dramatique pour les personnes privées de logement, et la réaction a été très forte, avec 34 000 places d'hébergement supplémentaires ouvertes. Le recours aux nuitées hôtelières a également été utile, et le fait que les hôtels soient vides a aidé le Gouvernement dans la mise en place de ce dispositif : 12 000 nuitées supplémentaires ont ainsi été mobilisées. Des centres d'hébergement spécialisés (CHS) ont également été ouverts pour les personnes sans domicile atteintes de covid sans gravité, mais ont finalement été assez peu utilisés. Cependant, la question de l'avenir de ces personnes temporairement logées se posera en sortie de crise, malgré l'existence du plan quinquennal pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, qui n'est pas une grande réussite.
Les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO), qui gèrent le 115, ont d'abord été surchargés, mais ont ponctuellement réussi à répondre à la demande. Par ailleurs, un projet de convergence informatique des systèmes d'accueil était prévu depuis longtemps, pour permettre d'avoir une plus grande vue d'ensemble sur les places disponibles. Sa mise en oeuvre à l'automne s'est soldée par un « plantage », qui a abouti à un blocage du système pendant trois semaines.
S'agissant du logement adapté, il faut saluer le relèvement du forfait journalier pour les pensions de famille. Toutefois, l'objectif du quinquennat de créer de 40 000 places en intermédiation locative et 10 000 places en pension de famille nécessitera un effort important dans les deux années à venir. Le budget est d'ailleurs en hausse de 18 % en 2021. Cependant, le problème ne provient pas nécessairement des crédits manquants, mais plutôt d'un nombre insuffisant de projets.
Le programme 109, relatif aux aides personnalisées au logement (APL), est à l'origine de la majeure partie du dépassement du budget en 2020, puisqu'il nécessite l'ouverture de près de 1,9 milliard d'euros de crédits dans le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). D'une part, la réforme des APL, visant à prendre en compte les revenus actualisés des allocataires, a été repoussée : d'abord au 1er avril de l'année en cours pour des raisons techniques, et ensuite, parce que le confinement en aurait compliqué considérablement la gestion, au 1er janvier de l'année 2021, créant un manque à gagner de 1,2 milliard d'euros pour l'année 2020. D'autre part, la crise augmente le nombre de personnes éligibles à l'aide. Dans le même temps, la contribution des entreprises serait moins importante que prévu en 2020, via une probable diminution de la masse salariale.
Pour 2021, le Gouvernement a limité le coût des APL pour l'État par une ponction de 1 milliard d'euros sur le budget d'Action Logement. La même solution avait été trouvée l'an dernier, mais pour 500 millions d'euros. Cela s'ajoute à la suppression des 300 millions de la compensation du relèvement du seuil à 50 salariés pour les entreprises cotisantes à la PEEC. Comme je l'ai évoqué précédemment, le sujet d'Action Logement est très important pour le secteur, et le Gouvernement devrait jouer cartes sur table. Au total, les crédits budgétaires demandés pour les APL sont inférieurs de 1,4 milliard d'euros à ceux qui ont été effectivement ouverts en 2020, ce qui représente une diminution de 900 millions d'euros pour les aides versées aux bénéficiaires, si l'on prend en compte l'accroissement de la contribution d'Action Logement. Selon le Gouvernement, la réforme du mode de versement devrait apporter 750 millions d'euros d'économies, à mettre en relation avec les 1,2 milliard d'économies initialement prévus par la réforme des APL. Mais en fonction de l'évolution de la situation sanitaire, le Gouvernement sera probablement amené à abonder de nouveau les crédits destinés à couvrir les APL en cours d'année.
Le programme 135 concerne différentes actions liées à la construction et à l'habitat. Le coût de ces politiques est surtout porté par des dépenses fiscales. La politique privilégiée cette année est la rénovation énergétique. En effet, le plan de relance apporte 2 milliards d'euros à la rénovation des logements privés. Toutefois, l'année 2020 a connu un nouvel exercice de régulation budgétaire au sein de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), avec le programme « MaPrimeRénov' ». Ce programme fonctionnait très bien, voire trop bien : les professionnels ont eu tendance à augmenter leurs prix en conséquence, et certaines entreprises ont démarché des particuliers pour des chantiers de rénovation peu pertinents. La révision soudaine des subventions à l'isolation thermique par l'ANAH, le 14 juillet dernier, a abouti à une réduction des surfaces extérieures éligibles et du nombre de demandes. Les effets sur le secteur ont été considérables, et je dénonce cette politique permanente de « stop and go » de l'ANAH. Par ailleurs, la fin des restrictions sur les derniers déciles de l'impôt sur le revenu l'année prochaine permettra de rendre éligible l'ensemble des ménages.
En résumé, si ces crédits supplémentaires pour 2021 sont les bienvenus, ils sont comparables aux coûts vers 2019, si on inclut le crédit d'impôt transition énergétique. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement pourrait donc faire un effort supplémentaire.
Il y a quelques années, l'aide aux maires bâtisseurs s'était finalement traduite par des montants peu élevés. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement propose une nouvelle aide de 350 millions d'euros sur deux ans, et dont les conditions de versement sont contestables. En effet, elle sera accessible à toutes les communes, sans condition de potentiel financier. De plus, le système d'attribution découpe la France en cinq zones. Le nombre de mètres carrés à construire serait ensuite comparé à la moyenne dans la zone sur les années antérieures. Si la commune a des projets plus denses que la moyenne, 100 euros d'aide seraient attribués par mètre carré supplémentaire. Mais dans les faits, pour une année donnée, tous les permis de construire accordés seront pris en compte pour le calcul de l'aide, et si celle-ci dépasse l'enveloppe budgétaire, un coefficient réduira finalement l'aide au mètre carré.
Je terminerai par le programme 147, consacré à la politique de la ville. La crise sanitaire a conduit le Gouvernement au dégel de la réserve de précaution, mais aussi à une ouverture de crédits de 86,5 millions d'euros dans la troisième loi de finances rectificative, qui a créé l'opération « Vacances apprenantes » en lien avec plusieurs ministères, dont celui de l'éducation nationale. Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est en phase de lancement : les chantiers ont commencé dans la moitié des 450 quartiers concernés. Toutefois, les crédits consommés concernent encore très largement l'achèvement du programme de rénovation urbaine précédent. La contribution de l'État en 2021 au NPNRU étant de 80 millions sur 1 milliard promis, ce sont donc les prochains quinquennats qui en assumeront la charge.
L'an dernier, nous avions proposé le rejet des crédits. Cette année, considérant que les crédits budgétaires sont plus conformes à la réalité que par le passé et ne dénotent pas de sous-estimations, mais aussi qu'ils prennent également en compte l'hébergement d'urgence, nous vous proposons l'adoption des crédits. Cela ne nous empêche aucunement de porter un regard critique sur la politique du logement dans son ensemble.
Les programmes 112 et 162 concernent plutôt les questions de ruralité. Il s'agit de montants assez faibles : 300 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 600 millions d'euros de dépenses fiscales adossées à des zonages. Toutefois, ces programmes traitent de sujets essentiels pour les territoires, comme les politiques contractuelles État-territoires, les maisons France Services, le portage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avec notamment le nouveau programme « Petites villes de demain », le programme des interventions territoriales de l'État, ou encore les dépenses fiscales attachées au zones de revitalisation rurales (ZRR), aux zones d'aide à finalité régionale (AFR) et aux autres zonages pour la ruralité.
Concernant les politiques contractuelles, une nouvelle génération de contrats de plan État-région (CPER) voit le jour, avec une enveloppe plus que doublée par rapport à 2020, passant de 108 millions à 222 millions d'euros. Cependant, les crédits attachés à ces nouveaux CPER sont répartis entre la mission « Cohésion des territoires » et la mission « Plan de relance ». Si cette répartition est compréhensible, les politiques contractuelles ne gagnent pas en lisibilité.
La première génération des contrats de ruralité a été mise en place en 2017 avec des crédits dédiés, qui ont ensuite glissé vers le programme 119, jusqu'à se retrouver dans des crédits de droit commun. Dans mon rapport présenté l'année passée sur les contrats de ruralité, j'avais souligné l'intérêt d'une deuxième génération de contrats. Celle-ci sera finalement mise en place à partir de 2021, probablement sous le nom de contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Mais, là encore, les financements pourraient porter sur le programme 112, mais aussi sur des crédits de droit commun du programme 119.
En 2021, un nouvel outil de contractualisation avec les territoires, le programme « Petites villes de demain » verra le jour. Il s'agit d'apporter une réponse positive à ces territoires ruraux constitués de petits bourgs qui ne remplissaient pas, notamment en termes de nombre d'habitants, les conditions d'accès au programme Action coeur de ville. Ce nouvel outil comporte deux avancées majeures. Tout d'abord, il concerne toutes les petites villes en dessous de 20 000 habitants, sans plancher de nombre d'habitants. Cela permet à des petits bourgs peu peuplés, mais jouant un vrai rôle de centralité dans un territoire, d'en bénéficier. Ensuite, les candidatures groupées à l'échelle des intercommunalités sont désormais possibles. Dans le cadre de ce programme, l'ANCT pourra notamment financer l'ingénierie.
Les onze pactes territoriaux continuent, mais également, avec des crédits répartis entre la mission « Cohésion des territoires » et la mission « Plan de relance ».
Les politiques contractuelles affichent de véritables avancées, que je viens de citer. En revanche, la manière dont les crédits sont répartis accentue le manque de lisibilité et de cohérence, avec une dispersion sur plusieurs missions. On a également pu constater des changements de règles du jeu en cours d'exécution de ces contrats, qui privent les acteurs locaux d'une stabilité dont ils auraient pourtant besoin. Il y aurait donc un réel intérêt à rassembler toutes les politiques contractuelles au sein d'une même mission, pour plus de lisibilité et d'efficacité.
L'ANCT est financée sur le programme 112 par une subvention pour charge de service public, qui progressera cette année de 52 à 61 millions d'euros, notamment du fait du doublement des crédits dédiés à l'ingénierie des territoires, qui augmentent de 10 à 20 millions d'euros. Il est aujourd'hui trop tôt pour juger de l'efficacité du travail conduit par l'agence, mais il faudra à terme examiner la plus-value qu'elle apporte sur les territoires. Quoi qu'il en soit, elle répond à un véritable besoin en termes d'ingénierie.
Les crédits des maisons France Services augmenteront en 2021, pour accompagner leur montée en puissance - elles sont aujourd'hui au nombre de 856, l'objectif étant d'en avoir une par canton - : 543 d'entre elles sont portées par les collectivités territoriales, 156 par des associations, 131 par La Poste, 19 par la Mutualité sociale agricole (MSA) et 11 par l'État. Je porte un regard positif sur ces maisons, qui améliorent les services dans les territoires, les rassemblent dans un même lieu et les rapprochent des habitants. Elles mobilisent une dizaine d'opérateurs. Aujourd'hui, le financement du fonctionnement et de l'accueil est assuré au travers d'un forfait de 30 000 euros par maison, alimenté à la fois par les opérateurs et par l'État via du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Toutefois, le passage d'une maison de service au public à une maison France services implique une montée en gamme et en nombre des services apportés. La question se pose donc de l'adéquation entre cet accompagnement financier et les critères requis pour pouvoir être labellisées.
Dix-huit dépenses fiscales sont rattachées au programme 112 pour un montant avoisinant les 600 millions d'euros, et correspondent à des zonages. Ces derniers sont en faveur des territoires ruraux, à l'image des ZRR et les AFR. Contrairement au rapport rendu par l'Assemblée nationale, je pense que ces exonérations fiscales ont un effet levier important, comme nous l'avions mis en lumière dans notre rapport d'information sur les ZRR, réalisé avec mes collègues Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau. La fin de ces dispositifs était prévue pour le 31 décembre 2020, mais un amendement du Gouvernement à l'Assemblée vient de proroger de deux ans sept d'entre eux, dont cinq concernent le programme 112 au travers de l'article rattaché 54 ter, sur lequel je vous proposerai de donner un avis favorable. Aujourd'hui, un chantier est ouvert pour réformer ces zonages. Nous y sommes favorables, et nous souhaitons qu'une véritable démarche de concertation soit mise en oeuvre. Nous suivrons donc ce sujet avec attention. Dans l'attente de cet éventuel futur zonage, il est important de proroger ceux qui sont existants : comme le Gouvernement a accepté de proroger les zones AFR pour deux ans, je vous propose de maintenir sur cette même période la prime d'aménagement du territoire (PAT) adossée à ce zonage.
Au sein du programme 162 « Interventions territoriales de l'État », six actions se poursuivent : l'action n° 2, Eau-Agriculture en Bretagne ; l'action n° 4, Programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse - qui sera complété par le plan de relance ; l'action n° 8, Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ; l'action n° 9, Plan littoral 21 ; l'action n° 10, Fonds interministériel de transformation de la Guyane ; et enfin l'action n° 11, Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de Loire. L'action n° 6, Plan gouvernemental sur le marais poitevin, est définitivement abandonnée, et l'action n° 12, Service d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna, est créée dans le PLF 2021. Ces services sont aujourd'hui gérés par l'État, dans l'attente de la révision du statut de l'assemblée territoriale.
Je vous propose d'adopter les crédits du volet politique des territoires de la mission « Cohésion des territoires ». Nous aurons également à nous prononcer sur l'amendement que je vous propose, qui vise à rétablir les crédits de la PAT pour un montant de 10 millions d'euros en AE et de 15 millions en CP, que nous prélèverions sur le programme 135. Enfin, nous nous prononcerons sur l'article 54 ter ajouté à l'Assemblée nationale.
Le budget pour 2021 est contrasté, avec des crédits en hausse grâce au plan de relance, le passage des crédits d'ingénierie de l'ANCT de 10 à 20 millions d'euros, le déploiement des crédits pour les maisons France Services, et enfin la prolongation de deux ans des zones AFR. Il reste toutefois quelques motifs d'inquiétude. D'abord, la suppression de la PAT est regrettée, elle était déjà passée de 20 à 6 millions d'euros. Selon le Gouvernement, les nouvelles politiques relatives aux territoires d'industries suffisent à encourager l'installation d'entreprises, bien que ces derniers ne concernent que 145 communes contre un total de 35 000 sur l'ensemble du territoire.
Ensuite, les crédits du programme 112 baissent de 15 % en AE et de 5 % en CP, bien que le Gouvernement indique que cette diminution sera compensée par le plan de relance. Il faudra donc s'assurer que le programme retrouve le niveau qui était le sien, afin d'éviter cette confusion entre les crédits du plan de relance et les crédits véritablement affectés au programme. Il y a ici un risque pour la visibilité des politiques d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, l'articulation des nouvelles instances prévues par la circulaire du Premier ministre sur la mise en oeuvre territorialisée du plan de relance, avec à la fois des comités existants comme l'ANCT et des comités locaux, de cohésion territoriale ou encore régionaux, présente un risque de perte d'efficacité pour les territoires. Néanmoins, la commission émettra un avis favorable, compte tenu des crédits alloués aux territoires dans le plan de relance.
Un réel effort a été consenti pour la budgétisation de ce programme pour 2021, avec une enveloppe de crédits portée à 2,2 milliards d'euros. Trois enjeux se présentent néanmoins : le maintien - voire la hausse - des capacités d'accueil pour cet hiver compte tenu du rebond épidémique ; le maintien de l'accompagnement social, alors que le secteur peine à recruter des bénévoles ; enfin, la poursuite des évolutions structurelles du secteur de l'hébergement et de l'insertion pour le logement, avec le ralentissement de nombreux chantiers et l'incertitude persistante sur la capacité du secteur à rebondir en 2021. L'avis de la commission des affaires sociales sera sans doute favorable.
Permettez-moi de poser deux questions au nom du rapporteur général.
Philippe Dallier, l'Assemblée nationale a prolongé jusqu'en 2024 le dispositif Pinel de réduction d'impôt pour l'investissement locatif intermédiaire, tout en prévoyant sa réduction progressive. Compte tenu des critiques souvent faites envers ce dispositif, parmi lesquelles sa rentabilité difficile à calculer pour le particulier qui investit, ou encore son coût élevé pour l'État par rapport aux effets, ne serait-ce pas une bonne chose d'explorer d'autres voies, d'autant que l'effort public devrait surtout porter aujourd'hui sur la rénovation du parc existant, qui est déjà une tâche considérable et difficilement rentable ?
Bernard Delcros, concernant le programme 162 et le plan chlordécone, le Sénat avait voté l'année passée une hausse de 1 million d'euros pour la réalisation de tests aux Antilles. Qu'en est-il cette année ? Les propositions du Gouvernement paraissent-elles assez ambitieuses ?
Sur la question du logement, cela m'évoque un problème survenu dans mon territoire à la fin des années 1990, à savoir un effet d'éviction de la population locale par une population d'Europe du Nord arrivante. La question était de pouvoir loger la population locale, qui, au regard de ses moyens financiers, n'était plus en mesure d'acheter des biens immobiliers. Aujourd'hui, on constate le même type de phénomène. Quelle réflexion pourrions-nous avoir sur les moyens financiers apportés à la population locale pour construire et rénover sur les territoires ruraux ? La question de la rénovation fait en effet souvent l'objet d'une approche urbaine.
Les contrats de ruralité ont changé de nom, et je pense que c'est heureux. Mais la symbolique des dénominations témoigne de la considération portée à ces sujets. Cela vaut aussi pour le programme « Petites villes de demain » et les bourgs qui revendiquent des rôles de centralité. Je proposerai, par le biais d'un amendement, l'instauration d'une déclinaison particulière appelée « Villages du futur » pour les communes de moins de 2 000 habitants, qui ne sont pas des villes. Cela témoignera de l'attention portée à ces villages.
Les maisons France Services fonctionnent et constituent une véritable offre de services. Mais il ne faudrait pas les laisser devenir des sortes de « maisons administratives fourre-tout » ! Par exemple, on a pu me justifier la compensation de la fermeture d'une gendarmerie par l'instauration de permanences dans une maison de service public. Soyons attentifs !
Sait-on comment l'ingénierie des crédits dédiés à l'ANCT va fonctionner ? S'agit-il de financements, ou plutôt de prestations offertes par des tiers avec lesquels l'ANCT aura contractualisé ?
Existe-t-il une estimation de la fraude sur l'aide à la rénovation énergétique, et des moyens pour la contrer ?
Peut-on avoir une visibilité durable sur les ZRR ? En effet, je suis sidéré qu'aucune promotion de ce dispositif ne soit faite dans les campagnes, et qu'il soit sous-exploité.
Les nouveaux crédits affectés à l'ANCT sur l'ingénierie des territoires bénéficieront-ils à l'agence en tant que structure, ou plutôt aux territoires qui travaillent avec elle ? Si tel est le cas, quid des territoires qui se sont organisés avant l'émergence de l'ANCT ? Bénéficieront-ils également d'un soutien de l'État ?
Le prix des logements augmente sur une partie du territoire français, qu'il s'agisse du territoire côtier ou des métropoles. La décorrélation du foncier et du bâti est-elle une piste à envisager ?
Le logement social est devenu un luxe pour une partie de la population. Les dispositifs d'aide d'urgence ne cessent de se développer, et ne sont pas une solution durable. Que préconisez-vous ?
L'État va-t-il prendre en compte l'épisode de la covid pour reporter les engagements triennaux sur l'obligation de construire 25 % de logements sociaux dans les communes en zone tendue de plus de 3 500 habitants ?
Dans le cadre des mesures sur les économies d'énergie, avez-vous des informations sur la situation difficile de certaines copropriétés en raison des travaux qu'elles ont engagés, qui contraignent les propriétaires à prendre des crédits importants qui les fragilisent financièrement ?
Un vrai bilan de la fraude sur ce sujet est nécessaire, car les entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique nous révèlent qu'il n'y a pas véritablement de rénovation à un euro.
À quels territoires profitera la hausse de 10 à 20 millions des crédits de l'ANCT ? Aux petites communes, aux intercommunalités, aux départements ? On s'est beaucoup plaint de l'absence d'ingénierie sur les territoires, pour finalement créer une agence centralisée à Paris. N'a-t-on pas inventé-là un nouveau comité Théodule pour départementaliser et distribuer ce soutien en ingénierie ?
Le rapporteur pour avis a posé une question sur laquelle je veux revenir, celle de la gouvernance au niveau régional entre les CPER et le plan de relance. Sur cette question, les acteurs interrogés ont bien confirmé que seul le comité de programmation des crédits du CPER était décisionnaire.
Au sujet du plan Chlordécone, on passe effectivement de 5 millions d'euros l'année dernière à 3 millions aujourd'hui. En réalité, le PLF initial pour 2020 présenté par le Gouvernement prévoyait 3 millions, mais le débat budgétaire a conduit à porter les crédits à 5 millions. Cette année, le Gouvernement propose de nouveau 3 millions. Avec les reports des crédits autorisés et les transferts en gestion, on arriverait finalement à 5,2 millions, soit à peu près la même somme que l'an dernier. Toutefois, l'inspection générale des affaires sociales a conduit une mission d'information assez critique, qui a conclu que nous étions en réalité loin des niveaux de financements nécessaires, qu'ils estiment à 30 millions d'euros pour la seule dépollution des sols.
Je partage les propos de Patrice Joly sur la symbolique des noms, qui est très importante. Il serait dommage d'abandonner l'appellation « contrats de ruralité », car cela pourrait avoir pour effet de diluer les problématiques propres à la ruralité dans des enjeux nationaux qui pourraient être différents. Aujourd'hui, le terme CRTE est plutôt privilégié. La question de l'avenir de la ruralité s'est installée dans le débat public, et il convient d'attacher de l'importance aux termes.
Si un amendement vise à instaurer un programme spécifique « Villages du futur » pour les bourgs dont la population est inférieure à 2 000 habitants, je le soutiendrai.
Patrice Joly a relevé qu'un certain nombre de services d'État étaient dirigés vers les maisons France Services et a cité le cas des gendarmeries, je le découvre ! Nous devons être attentifs sur ce point : le transfert de services peut être envisagé, mais il doit être concerté et organisé. Et si l'on transfère des services de l'État, quid des financements ?
Pour répondre à Jérôme Bascher et Jean-Marie Mizzon, les crédits d'ingénierie de l'ANCT passent de 10 à 20 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros de crédits prévus dans le plan de relance. Ces crédits se déploieront sous deux formes principales : les territoires peuvent se doter d'ingénierie en interne, au travers de chefs de projet, financés en partie par l'ANCT, dans le cadre du programme Petites villes de demain ; ou l'ANCT peut, au travers d'un marché passé avec des bureaux d'études qu'elle finance intégralement apporter des prestations d'études thématiques.
Le dispositif des ZRR, sur lequel j'ai fait un rapport l'année dernière avec deux collègues, est très utile. Nous avions proposé une évolution des critères pour une plus grande efficience du dispositif et plaidé en faveur de la prorogation des ZRR en attendant. Une réflexion est actuellement menée pour les faire évoluer, ainsi que d'autres dispositifs de zonage. Le Gouvernement, par un amendement déposé à l'Assemblée nationale, a décidé de proroger les ZRR pour une durée de deux ans.
Pour répondre au rapporteur général sur le dispositif Pinel, je lui confirme qu'il a un certain coût, raison pour laquelle le Gouvernement souhaitait lui faire un mauvais sort ! Souvenons-nous qu'Emmanuelle Cosse avait choisi de mettre un terme au précédent dispositif de soutien : le rythme des constructions avait plongé ! Le Gouvernement a compris qu'il fallait un dispositif pour l'investissement locatif. Est-il trop généreux ? Des points pourraient être revus, mais l'année 2021 n'est pas la bonne pour décider de modifier les règles du jeu... Quand nous aurons retrouvé un rythme soutenu de construction, nous pourrons étudier des adaptations du dispositif. Le rapporteur général se demandait s'il ne fallait pas préférer la rénovation du parc existant. Mais il faut faire les deux : rénover le parc et construire 500 000 logements par an.
Patrice Joly, le phénomène que vous avez évoqué va s'amplifier. Après le confinement et avec le développement du télétravail, des Parisiens et des habitants des grandes villes ont décidé d'aller construire leur vie ailleurs. Dans le Berry, par exemple, des maisons en vente depuis des mois ont rapidement trouvé acquéreur. Cela pose problème pour les habitants du cru qui n'ont pas forcément les moyens de devenir propriétaires, surtout si les prix augmentent. Je n'ai pas de solution à proposer.
Vincent Segouin et Jérôme Bascher m'ont interrogé sur la fraude au dispositif « MaPrimeRénov' ». Des travaux réalisés dans des conditions épouvantables par des entreprises qualifiées, c'est à la limite de la fraude et de la malfaçon. L'ANAH dit être capable de contrôler 10 % des dossiers, travaux faits. Ce taux peut sembler faible, mais c'est beaucoup mieux qu'avant ! L'aide de 150 euros à l'assistance à maîtrise d'ouvrage me paraît faible. Cette aide ne suffira pas à rémunérer le professionnel dont vous aimeriez solliciter l'avis pour juger de la qualité du devis d'une entreprise. Des contrôles et un dialogue constant entre le ministère et les professionnels seront nécessaires. À l'époque de l'opération « La chaudière à 1 euro », le prix des chaudières avait flambé : les professionnels, réunis par le Gouvernement, avaient pris des engagements, dont je ne suis pas certain qu'ils se soient traduits par une atténuation des prix. Les subventions entraînent un effet d'aubaine, qui ne peut être qualifié de fraude.
Sébastien Meurant, la décorrélation du foncier et du bâti existe déjà. Cela permet à des familles d'accéder à la propriété. Ce mécanisme, qui est beaucoup plus développé dans d'autres pays comme les Pays-Bas, n'est toutefois pas la solution miracle.
Les loyers des logements sociaux sont-ils trop élevés ? Pour le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), non ; pour le prêt locatif social (PLS), oui ! Dans certains territoires, il est parfois difficile de trouver des familles correspondant aux critères pour les logements financés en PLS.
En ce qui concerne la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), j'ose espérer que, eu égard aux circonstances, pour la période triennale en cours, des consignes seront données pour tenir compte de la crise. Une réflexion va s'ouvrir au sein du Gouvernement sur la « barrière » de 2025. Il est clair que toutes les communes n'auront pas 20 % ou 25 % de logements sociaux à cette date. L'idée est de reporter l'échéance de six ans. Jusqu'à présent, les modifications apportées n'étaient pas très importantes, mais nous avons maintenant une perspective que le débat soit rouvert.
Pour éviter la fragilisation de certains propriétaires en cas de travaux dans une copropriété, des aides existent. Des personnes obligées de contracter un emprunt parce que des travaux ont été votés peuvent, en effet, se retrouver dans des situations difficiles. Mais le phénomène des copropriétés dégradées a pris une ampleur catastrophique dans certains territoires, comme au Chêne pointu à Clichy, en Seine-Saint-Denis. Il faut trouver un équilibre. La problématique est en tout cas mieux appréhendée aujourd'hui qu'elle n'a pu l'être par le passé.
Article 33 (État B)
L'amendement n° II-4 vise à rétablir les crédits de la prime d'aménagement du territoire (PAT), ce qui est cohérent avec la décision du Gouvernement de prolonger les zones AFR de deux ans. La PAT est accordée aux entreprises qui s'installent dans les zones situées en AFR.
Aucun crédit n'était prévu en autorisations d'engagement : je propose de rétablir 10 millions d'euros de crédits. En crédits de paiement, je souhaiter relever à 10 millions d'euros le montant actuellement fixé à 6 millions d'euros.
L'amendement n° II-4 est adopté.
Compte tenu de la ponction sur Action Logement, nous sommes, pour notre part, défavorables à l'adoption des crédits de la mission.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 54 bis
L'article 54 bis vise au report d'un an de la mise en place des aides personnelles au logement à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Conseil d'État ayant prévu que l'État était compétent la matière, la loi Élan a prévu l'instauration de ces aides, dont la mise en place a pris du retard en raison de problèmes informatiques. Le report de la date d'entrée en vigueur permet d'éviter des indus très importants.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 54 bis.
Article 54 ter
L'article 54 ter, qui résulte d'un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, prévoit de proroger jusqu'au 31 décembre 2022 un certain nombre de zonages, comme les ZRR et les AFR. Nous y sommes bien évidemment favorables.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 54 ter.
Conformément à la loi de programmation pour la recherche (LPR), le budget alloué à l'enseignement supérieur connaît cette année une progression substantielle, de l'ordre de 375 millions pour les deux programmes de la mission, soit une hausse de 2,3 % contre 1,5 % l'année dernière.
Les établissements d'enseignement supérieur bénéficieront ainsi de 242 millions d'euros supplémentaires, dont 164 millions d'euros pour la mise en oeuvre des mesures issues de la LPR, à savoir principalement des revalorisations indemnitaires et des mesures statutaires, mais également de la création de 385 emplois.
Le budget pour 2021 entend ainsi redonner des marges de manoeuvre budgétaires aux universités, jusqu'à présent confrontées à des tensions très importantes sur leur masse salariale, en raison du dynamisme de cette dernière à budget constant.
Je voudrais en effet rappeler que, ces dernières années, la plupart des établissements ont été contraints de geler des postes ou de supprimer des emplois pour équilibrer leur budget.
Cette situation n'était pas tenable, alors que les universités doivent accueillir chaque année un nombre plus élevé d'étudiants. L'année 2021 ne dérogera pas à cette règle, bien au contraire, puisque la crise sanitaire a entraîné un taux de réussite très élevé au baccalauréat. Les établissements d'enseignement supérieur comptent ainsi près de 28 700 nouveaux étudiants, ce qui représente une hausse de 1,9 % de la population étudiante, contre 1 % l'année dernière.
Pour absorber ce flux exceptionnel, le budget pour 2021 prévoit la création de 20 000 places supplémentaires dans les universités : 10 000 au titre du plan Étudiants et 10 000 au titre du plan de relance. En parallèle, la subvention versée aux établissements d'enseignement privé progresse de 9 millions d'euros, le ministère ayant demandé à ces établissements de faire un effort exceptionnel pour accueillir de nouveaux étudiants.
Je voudrais néanmoins souligner que cette augmentation ne permet pas de compenser le différentiel avec la dynamique des subventions au secteur public. Ainsi, entre 2008 et 2020, les effectifs étudiants accueillis dans les établissements privés ont progressé de 121,6 %, tandis que l'effort budgétaire consenti par l'État n'a augmenté que de 10,6 %. Mécaniquement, la part du soutien de l'État par étudiant a donc diminué de 48 % sur cette période : le financement moyen d'un étudiant s'élève désormais à 11 500 euros dans l'enseignement supérieur public contre 588 euros dans l'enseignement privé.
De manière plus générale, face à la hausse continue du nombre d'étudiants, le mode de financement des universités paraît au mieux fragile, au pire obsolète ; chaque année, le Gouvernement crée ainsi des places supplémentaires pour absorber le flux à court terme, sans s'interroger sur les raisons de ce dynamisme ni adopter de vision plus prospective, à moyen et long termes.
À cet égard, la crise sanitaire a agi comme un révélateur, mettant en exergue la nécessité de procéder à des investissements massifs dans l'enseignement supérieur.
La vétusté de l'immobilier universitaire est ainsi, chaque année, plus problématique, et constitue un défi de taille pour les années à venir.
Je me félicite, dans ce contexte, que le plan de relance prévoie de consacrer près 4 milliards d'euros à la rénovation thermique de l'immobilier de l'État. Il s'agit là d'une occasion unique de remettre à niveau le bâti universitaire, tout en participant d'un cercle vertueux, avec l'accélération de la transition écologique, mais aussi la diminution des coûts de fonctionnement des universités. J'invite donc les établissements d'enseignement supérieur à saisir cette opportunité, en candidatant massivement aux appels à projets lancés dans le cadre du plan de relance.
L'année 2021 sera également marquée par une extension du dialogue stratégique et de gestion qui concernera plus de 20 nouveaux établissements. Ce dialogue sera également étendu à la répartition des hausses de crédits résultant de la LPR et du plan de relance. Si cette démarche est initialement vertueuse, elle s'accompagne, à mes yeux, d'une moindre lisibilité des montants alloués à la mise en oeuvre des politiques publiques, rendant plus difficile le suivi des crédits.
J'en viens maintenant aux crédits consacrés à la vie étudiante. Ces derniers enregistrent en 2021 une hausse deux fois plus importante qu'en 2020, puisqu'ils progressent de 133,5 millions d'euros, soit une hausse de 4,8 %.
Cette augmentation résulte principalement de la revalorisation des bourses sur critères sociaux versées aux étudiants, de la mise en place du ticket restaurant à 1 euro pour les étudiants boursiers et du gel de l'augmentation des loyers des résidences universitaires.
Après une exécution budgétaire 2020 marquée par la mise en oeuvre, dans des conditions parfois difficiles, de mesures de soutien ponctuelles aux étudiants, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) seront à nouveau pleinement mobilisés pour lutter contre la précarité étudiante en 2021.
Je voudrais souligner que ces derniers ont subi des pertes d'exploitation considérables au titre de leurs activités de restauration et d'hébergement, si bien que leur situation demeure fragilisée et devra faire l'objet d'un suivi attentif.
La mission « Enseignement supérieur » bénéficiant de hausses importantes de crédits, je vous proposer d'adopter les crédits.
Je salue ma collègue Vanina Paoli-Gagin, qui présentait aujourd'hui son premier rapport spécial.
Pour le monde de la recherche, le budget pour 2021 revêt une dimension symbolique, puisqu'il s'agit de la première année de mise en oeuvre de la LPR, que nous venons de voter. Je ne reviendrai pas sur le contenu de cette loi de programmation, que j'ai déjà eu l'occasion de détailler devant notre commission. Je m'attacherai uniquement à vous présenter la déclinaison qui en est faite dans le projet de loi de finances pour 2021, en retenant quatre points saillants.
D'abord, je voudrais souligner que le budget de la recherche est conforme à la trajectoire votée pour 2021, avec une hausse de 225 millions d'euros des crédits alloués au programme 172 et de 41 millions d'euros des crédits dévolus à la recherche spatiale.
Cependant, ces augmentations de crédit sont très peu lisibles. En effet, la maquette budgétaire de la mission « Recherche » est profondément modifiée cette année, notamment dans le contexte du plan de relance. Les mesures de périmètre représentent ainsi une diminution de 756 millions d'euros du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires). Certaines de ces mesures semblent pertinentes, d'autres nettement moins - je pense notamment à l'inscription des crédits dédiés à la recherche duale sur la mission « Plan de relance ». Il s'agit à mes yeux d'un tour de passe-passe budgétaire, que personne n'a été en mesure de justifier de manière crédible, et qui jette un doute quant à la pérennité de cette enveloppe.
De manière plus générale, le budget de la recherche sera cette année complété de manière très substantielle par des abondements en provenance du plan de relance et du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 4), qui comporte un volet entièrement dédié à la pérennisation des financements de l'écosystème de recherche et d'innovation. Au total, les 11,75 milliards d'euros des programmes de recherche bénéficieront d'un abondement de 2,055 milliards d'euros en provenance d'autres missions budgétaires. Ainsi, près de 18 % des crédits dédiés à la recherche ne seront pas inscrits au sein de la Mires.
Ces moyens additionnels sont bien évidemment appréciables. Cependant, l'émiettement des crédits sur plusieurs actions et programmes contribue à aggraver le déficit de lisibilité dont souffre depuis plusieurs années le budget de la recherche et nous oblige à effectuer un travail de consolidation particulièrement complexe.
Je regrette, dans ce contexte, que le vote de la LPR ne se soit pas accompagné d'une simplification de l'architecture du soutien public à la recherche.
Deuxième point, si le budget pour 2021 est conforme à la programmation, les hausses budgétaires qui nous sont présentées sont partiellement factices. Une partie de ces crédits supplémentaires sont en réalité dévoyés de leur finalité première, pour venir combler des « trous budgétaires » identifiés de longue date. Tel est notamment le cas de l'enveloppe de 68 millions d'euros destinée au rebasage de la subvention versée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le sujet du « mur du CNRS » était en effet identifié depuis au moins trois ans, et rien ne justifie à mes yeux l'utilisation des crédits nouveaux issus de la LPR pour mettre un terme à cette situation.
Dans le même esprit, 38 millions d'euros de crédits supplémentaires seront mobilisés pour financer la contribution de la France aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et organisations internationales, alors même qu'il s'agit d'engagements pluriannuels contraignants pour notre pays.
J'estime ainsi que sur l'enveloppe de 225 millions d'euros de crédits supplémentaires, seuls 124 millions d'euros constituent des moyens réellement nouveaux, soit un peu plus de la moitié. Les choix budgétaires ainsi réalisés me semblent préoccupants, dans la mesure où ils laissent augurer d'une interprétation extrêmement restrictive de la programmation budgétaire, qui constituera un plafond davantage qu'un plancher.
Ma troisième remarque concernera la situation financière des organismes de recherche. Si l'on exclut le rebasage de la subvention du CNRS, ces derniers devraient bénéficier de 67,8 millions d'euros supplémentaires pour la mise en oeuvre de mesures issues de la LPR - à savoir les revalorisations indemnitaires et mesures statutaires, ainsi que la création de 315 emplois supplémentaires.
Il est indéniable que ces moyens nouveaux vont redonner des marges de manoeuvre aux organismes de recherche. Depuis plusieurs années, en effet, ces opérateurs ne sont pas en mesure d'exécuter leur plafond d'emploi, étant donné le dynamisme des mesures salariales et la stagnation des moyens qui leur sont alloués. Le budget pour 2021 devrait ainsi mettre un terme à l'érosion du nombre de chercheurs rémunérés par les organismes, ce qui constitue une avancée notable.
Je note cependant que sur ces 67,8 millions d'euros seuls 16,4 millions d'euros ont été répartis entre les organismes. Ces derniers ne connaissent donc toujours pas le montant des crédits qui leur seront alloués en 2021, et cette source d'incertitude est très préjudiciable.
Par ailleurs, la situation financière des opérateurs est assez contrastée, et demeure tendue pour certains - je pense notamment à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il faudra donc se montrer très vigilant dans les mois qui viennent, afin que ne se reconstituent pas des « murs budgétaires ».
Je voudrais conclure, et ce sera mon dernier point, sur le redressement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Conformément à la LPR, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une hausse de 117 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE), des moyens dévolus à l'ANR. Ces crédits seront complétés par une enveloppe de 286 millions d'euros, en AE et crédits de paiement (CP), en provenance du plan de relance, si bien que, au total, l'ANR devrait bénéficier de 403 millions d'euros supplémentaires, pour atteindre 1 169 millions d'euros. Cette hausse substantielle devrait permettre d'obtenir un taux de succès sur les appels à projets de 23 % dès 2021, contre 17 % en 2019.
Je me suis prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une enveloppe budgétaire minimale de l'ordre de 1 milliard d'euros, permettant d'atteindre un taux de succès de l'ordre de 25 %. Je me félicite donc que l'impact conjoint de la LPR et du plan de relance permette d'atteindre ces objectifs dès 2021.
Au vu de toutes les réserves que j'ai évoquées, je réfléchis à un amendement de crédits permettant de rendre le budget pour 2021 plus sincère et plus conforme à la trajectoire votée, mais j'attends encore des informations du ministère.
Je souhaite donc que notre commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de cette mission, sous réserve du vote de l'amendement que je devrais présenter dans les jours qui viennent.
Mon analyse est très proche de celle des rapporteurs spéciaux. Ce budget s'inscrit dans le droit fil des travaux de la LPR. Si l'on annule les évolutions de périmètre qui rendent particulièrement délicate la lecture du budget cette année, la hausse constatée est de l'ordre de 2 %, comme pour 2020. L'année dernière, j'avais estimé qu'il s'agissait d'un budget sans grande ambition. Je pourrais faire la même remarque cette année s'il n'avait pas été sauvé par le plan de relance.
Sur la forme, il a été difficile de reconstituer les différents crédits entre l'enveloppe de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », celle du plan de relance et celle du PIA 4.
Sur le fond, je regrette qu'il ait fallu attendre la plus importante crise de notre histoire économique pour que le Gouvernement applique nos recommandations. Deux mesures étaient demandées par le Sénat depuis plusieurs années : une hausse importante du budget d'intervention de l'ANR afin de revenir à un taux de succès décent et l'augmentation des crédits affectés aux aides à l'innovation de Bpifrance.
Néanmoins, certains points de vigilance perdurent.
D'abord, les organismes de recherche non rattachés au ministère de la recherche ne bénéficient pas de la dynamique de la LPR. C'est notamment le cas de l'IFP Énergies nouvelles (Ifpen), le successeur de l'Institut français du pétrole (IFP), qui travaille sur l'hydrogène.
Ensuite, le glissement vieillesse-technicité ampute chaque année les budgets. Un effort est fait, mais les organismes auraient besoin d'au moins 28 millions d'euros.
Enfin, les documents budgétaires ne renseignent pas sur les moyens précis à mettre en oeuvre concernant les objectifs opérationnels de la LPR. Quid des financements pour que les jeunes scientifiques ne perçoivent pas une rémunération inférieure à 2 SMIC ? Nous n'avons pas obtenu de réponse précise sur ce point : cet objectif ne sera donc vraisemblablement pas atteint en 2021.
Par ailleurs, il me paraît nécessaire de mettre rapidement en oeuvre deux actions.
Les opérateurs ont des trésoreries très importantes, mais celles-ci sont bloquées pour des raisons liées à l'application d'une norme. Il faudrait faire évoluer cette norme pour que ces fonds puissent servir à la recherche.
Le projet de loi de finances pour 2021 supprime un dispositif essentiel, le doublement d'assiette pour les dépenses externalisées auprès d'organismes publics de recherche, dans le cadre du crédit d'impôt recherche (CIR), qui permet de renforcer les liens entre la recherche publique et les entreprises. Il faudrait reporter l'application de cette mesure à 2022 ou 2023.
Le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) est une poche budgétaire qui prolonge les actions de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Néanmoins, il constitue une débudgétisation contestable qui prive les parlementaires d'informations précises.
Une anecdote est révélatrice de la stratégie particulièrement brouillonne en ce domaine. Parmi les actions financées devait figurer un fonds de 70 millions d'euros par an pour l'émergence de l'innovation de rupture. À ce jour, seuls deux grands défis ont été lancés ; le troisième, qui portait sur un projet de stockage de l'énergie, a été arrêté en raison de la démission du directeur du programme. En matière d'innovations de rupture, l'État cherche encore son chemin...
Je proposerai donc à la commission des affaires économiques un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement que le rapporteur spécial présentera dans quelques jours.
Le rapporteur général m'a demandé de vous poser les questions suivantes.
Sur la partie « Enseignement supérieur », vous avez souligné que les crédits du plan de relance consacrés à la rénovation thermique des bâtiments de l'État constituaient une opportunité pour le bâti universitaire. Concrètement, les universités sont-elles mobilisées sur ce sujet ? Ont-elles candidaté aux appels à projets ouverts dans ce cadre ? Envisagent-elles de le faire ?
Sur la partie « Recherche », le rapporteur spécial pourrait-il nous donner quelques éléments sur le nouveau programme de recherche « Horizon Europe » ? Le budget alloué à ce programme lui semble-t-il satisfaisant ?
Ces sujets sont importants et mobilisent de larges moyens financiers. Quelle est l'évolution des effectifs alloués à l'enseignement supérieur ? Comment sont-ils répartis, d'un point de vue administratif et entre les territoires ? Le plan de relance prévoit 4 milliards d'euros pour l'immobilier universitaire. Comment ces sommes seront-elles engagées ? Les universités ont souvent des partenariats, en la matière, avec les collectivités territoriales. En ce qui concerne la recherche, quel est le nombre des opérateurs ? Quels sont leurs effectifs ? Les crédits de l'ANR augmentent fortement. Pouvez-vous nous expliquer son rôle, nous préciser sa gouvernance et nous décrire sa présence territoriale ?
Si l'on consacre des moyens à l'enseignement supérieur et à la recherche, est-ce pour préparer les filières de demain, parce qu'il y a plus d'étudiants, ou pour alimenter la recherche de demain ?
Le rapporteur spécial a évoqué la recherche duale. Je sais comment ce programme a été créé. Il manquait 200 millions d'euros à la recherche au moment de la création de la Mires, lors du projet de loi de finances pour 2003. Nous avons donc pris 200 millions d'euros aux militaires, qui avaient suffisamment d'argent, pour créer ce programme dual, qui a été doté pendant très longtemps de 200 millions d'euros, fléchés principalement sur les dépenses du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), pour sa direction des applications militaires. A-t-on pu en faire autre chose ? La recherche duale est un vrai sujet, depuis longtemps. Ou est-ce toujours un programme d'ajustement budgétaire ?
Le rapporteur spécial des crédits de la recherche a parlé à plusieurs reprises de la revalorisation en faveur des chercheurs qui était prévue dans la LPR. Il a même évoqué une sorte de flou, puisqu'on ne sait pas exactement comment ces crédits, qui sont prévus pour le programme « Recherche », seront répartis entre les différents opérateurs. L'annexe du projet de loi sur la recherche indique à plusieurs reprises que cette revalorisation s'étendra à l'ensemble des chercheurs du périmètre de la sphère publique. Mais tous les chercheurs du périmètre de la sphère publique n'appartiennent pas nécessairement à un établissement relevant de la Mires. Je pense, par exemple, aux écoles d'ingénieurs qui sont rattachées au programme 217 dont j'ai la charge, pour lesquelles il n'y a pas de crédits prévus, et qui ne bénéficient pas non plus d'une augmentation de la subvention pour charges de service public. Faut-il conclure que ces établissements d'enseignement, qui ont une activité de recherche, vont devoir financer sur leurs ressources propres la revalorisation des chercheurs inscrite dans la LPR ?
Le rapporteur spécial évoque une hausse peu lisible des moyens apportés à la recherche. De fait, les crédits qui nous sont proposés me semblent insincères financièrement, et ils n'apportent pas les moyens indispensables à la recherche et à l'Université, comme cela a été souligné dernièrement par le Conseil d'État. L'objectif de porter le budget à 1 % du PIB ne sera pas atteint. Pourtant, cela aurait permis d'accroître les moyens des laboratoires, de recruter et d'augmenter les salaires. Aucune solution n'est proposée aux universités, dont on connaît la situation financière catastrophique, ni à la précarité étudiante, que la crise sanitaire est venue révéler avec force. C'est pourquoi mon groupe ne votera pas les crédits de cette mission.
Des appels à projets ont été lancés le 9 octobre pour la rénovation du bâti universitaire, et ont suscité un très fort engouement, reflété par un communiqué récent de la Conférence des présidents d'université (CPU). Beaucoup d'établissements ont candidaté, ce qui laisse présager un résultat assez positif, au moins sur ce volet. Les résultats des premiers appels à projets devraient être rendus au cours du mois de décembre.
Pour répondre à Jérôme Bascher, il n'y a pas de fléchage direct des nouveaux moyens sur des filières d'avenir. Il y a un fléchage indirect via le dispositif de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), avec l'adaptation à la demande permise par le dispositif « Orientation et réussite des étudiants ».
Budgétairement parlant, le cadre « Horizon Europe » a été bousculé depuis février 2018, puisqu'il est directement lié au cadre financier pluriannuel (CFP), ce qui fait que tous les crédits de la recherche ont été remodelés au fil des conseils européens. La dernière mouture voit arriver, sur l'ensemble du CFP, 15 milliards d'euros supplémentaires qui ont été demandés par le Parlement européen. Je crois que 5 milliards d'euros complémentaires ont été alloués au programme « Horizon Europe ». Sur l'architecture globale de ce programme, si l'architecture en piliers demeure, il faut souligner la création d'un nouveau pilier intitulé « Innovation ouverte », doté d'un volet « Éclaireur » et d'un volet « Accélérateur », ce qui est assez innovant. Nous verrons à l'expérience comment ceci fonctionne. Budgétairement, le chahut de ces deux dernières années semble aboutir à une solution stabilisatrice, qui sauve les meubles. L'avant-dernier CFP avait vraiment été passé au sécateur, notamment sur les crédits de la recherche et les crédits de la santé, et les crédits du programme Erasmus avaient été réduits au strict minimum. Il faudra coordonner les programmes de recherche français, c'est-à-dire ceux de l'ANR et ceux de « Horizon Europe ».
Jean-Pierre Moga parle du crédit d'impôt recherche dans son rapport. Le rapporteur général présentera au nom de la commission des finances un amendement à l'article 8 du projet de loi de finances pour 2021, pour demander de prolonger d'un an le dispositif de doublement d'assiette en cas de sous-traitance d'activités de recherche auprès d'organismes publics, tel qu'il existe aujourd'hui. En effet, l'article 8 prévoit de supprimer ce doublement d'assiette, afin de mettre nos règles en conformité avec le droit européen. Les auditions, notamment de représentants du CEA, nous ont montré qu'une prolongation de ce dispositif était nécessaire. Ce ne sont pas les grosses entreprises qui sont concernées, mais principalement les PME et les start-up. Il faudra trouver un dispositif de remplacement, raison pour laquelle nous avons besoin d'une année supplémentaire.
L'ANR est l'agence par laquelle passent les appels à projets pour la recherche nationale. Après quelques belles années au moment de sa création, en 2005, son budget a diminué. Du coup, elle ne peut plus allouer, dans ses appels à projets, suffisamment de fonds. Nous étions donc tombés à 11 ou 12 % de projets retenus. L'objectif est de revenir, comme je le préconise depuis deux ou trois ans, à 1 milliard d'euros de budget pour l'ANR, qu'elle pourrait redistribuer dans ses appels à projets pour atteindre un taux de 25 à 30 % de projets retenus par rapport aux projets déposés. Avec « Horizon Europe », on arriverait globalement à un taux de 40 % de projets retenus en France.
Dans le cadre de la LPR, l'ANR prend une dimension assez importante, qui a d'ailleurs été critiquée, puisqu'on a craint que tout ne passe par elle..
Sur la recherche duale, les explications données m'intéressent, mais nous avons le pressentiment qu'on repart dans l'autre sens, c'est-à-dire qu'on va faire disparaître cette ligne, à terme, des programmes de recherche.
Pour répondre à Christine Lavarde, nous avons a retrouvé 2,21 millions d'euros destinés aux établissements publics à caractère scientifique et technologique non rattachés au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur l'action n° 01, « Pilotage et animation » du programme 172 ; ces crédits sont inscrits au sein de la catégorie « actions de diffusion de la culture scientifique et technique », afin de mettre en oeuvre les mesures salariales issues de la LPR. Je suis convaincu que cela ne suffira pas ... Peut-être faudra-t-il abonder cette ligne par amendement.
Il y a vingt-trois opérateurs rattachés à la mission, Marc Laménie. Enfin, je peux comprendre les réticences de Thierry Cozic, sur quelque chose qui semble inachevé. C'est le projet de loi de finances pour 2022 qui sera intéressant : c'est alors qu'on verra si les premiers éléments de la LPR se mettront vraiment en place. Mais on ne peut pas dire que le budget de la recherche a baissé de 756 millions d'euros. Il faut prendre en compte la modification du périmètre, comme je l'ai dit à un journaliste, qui déplorait devant moi que le budget de la recherche perde quasiment un milliard. On peut faire de la politique, mais il faut rester objectif... Il est vrai qu'avec une répartition des crédits sensiblement différente, l'exercice, cette année, est très difficile.
Vous recommandez donc l'adoption à ce stade de ces crédits sans modification, mais vous présenterez pour la séance publique un amendement en vue de les modifier.
Nous avons contribué à la LPR : nous n'allons pas, ensuite, couper les crédits ! Mais il y a des pistes d'amélioration, et je voudrais que le ministère l'entende.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
La réunion est close à 18 h 50.