Commission des affaires sociales

Réunion du 13 juin 2006 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Nicolas About sur la proposition de loi n° 158 (2005-2006) présentée par M. Christian Gaudin et plusieurs de ses collègues, visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a d'abord rappelé que le code du travail accorde aux salariés le bénéfice de jours de congé exceptionnels dans certaines circonstances de leur vie privée : mariage, naissance d'un enfant ou décès d'un proche. Ce congé, dont la durée varie entre un et quatre jours selon la nature de l'événement considéré, est accordé sur présentation de justificatifs et n'entraîne, pour le salarié, ni perte de rémunération ni réduction de ses droits à congés payés. Il n'est pas nécessairement pris le jour de l'événement, mais peut l'être dans les quelques jours qui le suivent ou le précèdent.

a indiqué que la proposition de loi déposée par le groupe de l'union centriste-union pour la démocratie française (UC-UDF), vise à porter de deux à cinq jours la durée du congé accordé en cas de décès du conjoint ou d'un enfant à charge.

Cette disposition répondrait d'abord à des considérations pratiques, car le congé actuel de deux jours est trop bref pour permettre au salarié de faire face, dans de bonnes conditions, aux conséquences du décès, et notamment à l'organisation des obsèques, ce qui amène un grand nombre de salariés à demander un arrêt de maladie pour disposer d'un délai supplémentaire. Elle corrigerait aussi l'anomalie qui fait que la durée du congé est plus longue en cas d'événement heureux qu'en cas de décès d'un proche. Sans doute faut-il y voir l'illustration de la réticence de nos sociétés contemporaines à affronter la mort et à accompagner les mourants.

a précisé que le congé pour événement familial est également accordé en cas de décès du partenaire d'un pacte civil de solidarité (Pacs) et indiqué qu'il proposerait, par voie d'amendement, d'en étendre le bénéfice au salarié qui perd son concubin.

Il a admis que l'adoption de la proposition de loi ferait peser une charge supplémentaire sur les entreprises mais, à son sens, trop légère pour avoir un impact significatif sur l'économie. Ses conséquences sur les finances publiques seraient également limitées, puisque la proposition de loi ne s'applique qu'aux salariés de droit privé. Enfin, constatant que le gage prévu à l'article 2 de la proposition de loi n'est pas opérant, puisque le texte crée une charge nouvelle, il a recommandé de procéder à sa suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

s'est interrogée sur la pertinence de la distinction entre enfants à charge et non à charge, le premier ouvrant droit à cinq jours et le second à deux seulement en cas de décès, faisant valoir que la peine ressentie est la même dans les deux cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a précisé que la distinction se justifie uniquement pour des raisons pratiques, les démarches à engager pouvant être plus lourdes pour les parents lorsque l'enfant est encore à leur charge. Il a souligné que, singulièrement, la législation actuelle fixe des durées de congé plus longues pour des événements prévisibles, connus longtemps à l'avance, comme un mariage ou une naissance, alors qu'un décès, par nature moins prévisible, donne droit à un congé plus bref. L'organisation des obsèques exige pourtant d'accomplir certaines démarches dans des délais courts.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a demandé pour quelles raisons, dans la mesure où la proposition concerne les salariés du secteur privé, ne s'en remet-on pas à la négociation collective pour améliorer les droits reconnus aux salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a fait observer que, depuis longtemps, les règles minimales en matière de durée du congé pour événement familial sont fixées par le code du travail et qu'il serait surprenant de renvoyer précisément ce point à la négociation collective. Si tel devait être le choix, la logique voudrait alors que l'on supprime du code du travail le dispositif actuel pour en confier la conception d'ensemble aux négociations de branches. Ce faisant, les salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche perdraient tout avantage. Le bon sens veut plutôt que la loi fixe le socle minimal, des mesures plus favorables pouvant toujours être définies au niveau des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Souvet

En réponse à M. Louis Souvet, qui demandait pour quelles raisons cette mesure ne s'appliquerait qu'aux salariés du secteur privé, M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé que les agents de la fonction publique sont soumis dans notre pays à des règles propres, distinctes du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a suggéré de fixer la durée du congé à quatre jours, au lieu des cinq proposés par le texte, par parallélisme avec la durée du congé accordé en cas de mariage du salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

s'est dit ouvert à cette proposition et a précisé qu'elle rejoignait certaines réflexions engagées dans le cadre de la préparation de la prochaine Conférence de la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

a demandé des précisions sur la suggestion du rapporteur de supprimer le gage de la proposition de loi. Elle s'est à son tour déclarée dubitative sur l'opportunité d'adopter une loi pour un sujet qui pourrait relever de la discussion entre partenaires sociaux et qui, de plus, ne s'appliquera pas aux fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a expliqué que le gage est utile s'il permet de compenser une diminution de recettes, mais qu'il est en revanche inopérant s'il s'agit de compenser une hausse des dépenses publiques, ce qui est le cas ici. Il a considéré à nouveau que la position consistant à s'en remettre à la négociation collective est défendable, mais qu'il faudrait alors, par cohérence, supprimer du code du travail toutes les dispositions relatives à la durée du congé pour événement familial.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a salué dans la proposition de loi une mesure de bon sens et déclaré que le groupe communiste républicain et citoyen entend la soutenir. Il a approuvé l'idée d'harmoniser la durée du congé en cas de mariage et en cas de décès du conjoint et proposé de retenir une durée de quatre jours. Il a souligné que les conventions collectives accordent des avantages variés aux salariés et qu'il convient de définir un socle commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

a souligné que les conventions collectives sont souvent plus protectrices des salariés et a demandé ce qu'il adviendrait de l'application de ces stipulations plus favorables. Elle a regretté que la mesure proposée ne s'applique qu'aux seuls salariés du privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a précisé que l'adoption de la proposition de loi ne remettrait pas en cause l'application du principe de faveur et que les stipulations plus favorables des conventions collectives continueraient donc naturellement à s'appliquer. Il a proposé de retenir le principe d'une durée du congé égale en cas de mariage du salarié et de décès du conjoint ou d'un enfant et de la fixer à quatre jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

a souhaité que le code du travail continue de définir un minimum légal en matière de durée du congé pour événement familial et indiqué que le groupe socialiste soutient la proposition de loi. Elle a accepté que la durée du congé pour décès soit fixée à quatre jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

s'est inquiétée d'une éventuelle opposition du patronat à cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a estimé que les conséquences de cette mesure seraient en réalité très limitées pour les employeurs et rappelé que seules les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord collectif plus favorable seraient tenues d'augmenter la durée du congé pour événement familial accordé à leurs salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

En réponse à M. Alain Vasselle, qui s'enquérait de l'impact financier de la mesure proposée, M. Nicolas About, rapporteur, s'est dit convaincu que le Gouvernement veillerait à effectuer cette évaluation complexe, puisqu'elle nécessite de passer en revue les nombreuses conventions collectives applicables, d'ici à l'examen de la proposition de loi en séance publique à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

s'est déclarée à nouveau choquée que le Parlement légifère pour une catégorie seulement de travailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a répondu qu'il s'agit pourtant d'une situation assez fréquente, rappelant que la réforme des retraites, par exemple, est d'abord intervenue dans le secteur privé avant d'être appliquée aux fonctionnaires. Il a rappelé le montant élevé des allégements de charges consentis aux entreprises, de l'ordre de 20 milliards d'euros, et jugé que l'effort qui leur est demandé, en regard, par cette proposition de loi, est bien modeste.

Par ailleurs, ces premiers jours d'absence sont actuellement pris en charge, en pratique, par l'assurance maladie, ce qui n'est pas non plus légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

s'est dit favorable à ce que la durée du congé soit plus longue en cas de décès qu'en cas de mariage, dans la mesure où le mariage est un événement qui peut intervenir plus fréquemment dans la vie du salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a regretté que des réticences se manifestent sur cette proposition de loi, qui s'expliquent peut-être par le souhait de réserver son annonce à la prochaine Conférence de la famille. Il a indiqué que la proposition de loi serait retirée si les conclusions favorables du rapporteur n'étaient pas suivies.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

a indiqué que l'adoption de cette proposition de loi irait à l'encontre du sentiment, largement partagé, selon lequel trop de lois sont adoptées dans notre pays et serait en contradiction avec l'objectif de la majorité parlementaire d'accroître la durée du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a répété que la seule mesure véritablement cohérente avec ce point de vue consisterait à supprimer du code du travail les dispositions relatives à la durée du congé pour événement familial. On pourrait en effet trouver choquant de refuser de voter cette proposition de loi sans procéder parallèlement à la suppression des quatre jours de congé accordés au salarié pour son mariage.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

a estimé que cette question ne saurait faire l'objet d'une analyse comptable et rappelé qu'au-delà des démarches à accomplir en vue des obsèques, des salariés peuvent souhaiter demeurer auprès du corps de leur défunt jusqu'au jour de l'enterrement, ce qui n'est possible que si un droit à congé leur est reconnu par la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a estimé qu'il ne serait pas illogique de supprimer les jours de congé prévus en cas de mariage du salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

s'est déclarée surprise de cette prise de position, dans la mesure où la majorité sénatoriale préfère généralement encourager le mariage. Elle a rappelé que les préparatifs du mariage demandent beaucoup de temps dans les jours qui précèdent la cérémonie et estimé que le congé permet d'y faire face de manière plus satisfaisante.

La commission a ensuite examiné les articles et les amendements présentés par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

A l'article premier (augmentation du nombre de jours de congés accordés en cas de décès du conjoint ou d'un enfant), la commission a adopté un amendement rectifiant une erreur matérielle, puis un amendement rédactionnel. Elle a ensuite adopté un amendement ramenant la durée du congé à quatre jours, au lieu de cinq. A l'issue d'un débat au cours duquel sont notamment intervenus Mme Bernadette Dupont, M. Paul Blanc, Mme Raymonde Le Texier et M. Nicolas About, rapporteur, la commission a également adopté un amendement étendant le bénéfice du congé au cas de décès du concubin.

A l'article 2 (gage de la proposition de loi), la commission a adopté un amendement de suppression de l'article.

Par coordination avec la modification rédactionnelle adoptée à l'article premier, l'intitulé de la proposition de loi a été modifié pour préciser que l'événement justifiant le congé est le décès du conjoint, et non pas d'un conjoint.

La commission a enfin adopté la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Puis la commission a entendu une communication de Mmes Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet sur le rapport de la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments.

a rappelé la grave crise de confiance à l'égard du médicament, provoquée par le retrait brutal du Vioxx du marché. Dans ce contexte et à l'initiative de M. François Autain, la commission des affaires sociales avait alors décidé, à l'unanimité, de créer une mission d'information chargée d'étudier les questions soulevées par les procédures d'autorisation de mise sur le marché des médicaments (AMM) et, plus généralement, par la sécurité sanitaire des produits de santé, en raison du niveau élevé de la consommation médicamenteuse en France.

Créée en juin 2005, cette mission a organisé de nombreuses auditions et plusieurs déplacements : à Rouen au centre régional de pharmacovigilance, puis à Bruxelles et Londres auprès des autorités sanitaires européennes, belges et britanniques. Elle s'est particulièrement attachée, dans un souci de transparence et d'objectivité, à étudier et approfondir le rôle des agences dans la politique du médicament, l'indépendance de l'information et de l'expertise, ainsi que l'efficacité des outils de sécurité sanitaire.

a indiqué que la France a confié l'évaluation des produis pharmaceutiques à différentes agences sanitaires indépendantes, d'où la complexité du processus de commercialisation des médicaments, qui fait intervenir cinq instances : l'Agence française pour la sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ; ou, le cas échéant, l'agence européenne du médicament (EMEA), qui délivre une AMM ; la Haute Autorité de santé (HAS), qui évalue le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) des médicaments afin de proposer un niveau de remboursement ; le comité économique des produits de santé (CEPS), qui négocie le prix des médicaments ; l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) chargée de fixer le taux de remboursement ; enfin, le Gouvernement, auquel il revient d'inscrire le médicament sur la liste des produits remboursables.

La mission s'est interrogée sur la pertinence de cette organisation et sur sa capacité à mettre à la disposition des patients des produits de santé sûrs et porteurs d'un intérêt thérapeutique. Cette question se pose notamment au sujet des critères d'appréciation utilisés par les commissions d'AMM et de la transparence, qui reposent sur la notion d'absence d'infériorité : or, les critères retenus laissent à penser que le doute profite aux médicaments plutôt qu'aux patients et les étapes de la procédure sont ensuite franchies sans réelles difficultés, ce qui se traduit par une quasi-automaticité entre l'AMM et la prise en charge du produit de santé par la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

a estimé que l'augmentation régulière des cas d'iatrogénie médicamenteuse doit inciter les pouvoirs publics à renforcer leur connaissance de l'utilité des produits en termes de santé publique, par le recours à des essais comparatifs systématiques et par la promotion d'études sur les stratégies thérapeutiques disponibles pour une même pathologie. Ces études, sans remettre en cause l'AMM, pourraient alors influer sur le prix et sur les conditions de prise en charge du produit.

En ce qui concerne les modalités de financement des agences, elle a précisé que, depuis 1999, les taxes, droits et redevances versés par les laboratoires pharmaceutiques ont représenté au moins 50 % des recettes de fonctionnement de l'Afssaps et atteignent même 80 % en 2006. Cette situation affecte le degré d'indépendance de l'agence à l'égard de l'industrie pharmaceutique : il serait légitime que l'Etat assure une part plus importante de son financement.

Puis elle a jugé qu'au-delà de ces questions institutionnelles, la restauration de la confiance des patients passe par une meilleure transparence de l'information dans le domaine du médicament. Conscientes de ces enjeux, les autorités européennes ont imposé aux agences en charge de la sécurité sanitaire des produits de santé de nouvelles obligations en matière de transparence de leurs travaux. Les agences doivent désormais rendre accessibles au public leur règlement interne, l'ordre du jour des réunions et leurs comptes rendus assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris des opinions minoritaires. Ces dispositions, qui seront prochainement transposées dans le droit français, sont déjà mises en oeuvre par l'Afssaps : les premiers comptes rendus des travaux des commissions d'AMM et de pharmacovigilance sont disponibles sur son site Internet.

Puis Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a indiqué que d'autres obligations européennes s'appliquent en matière de transparence des travaux d'expertise. Actuellement, l'Afssaps, comme la Haute Autorité, font appel à des experts extérieurs qui bénéficient souvent d'une compétence de haut niveau résultant de leur collaboration avec l'industrie pharmaceutique. Or, pour la crédibilité des travaux, il est indispensable que ces experts soient indépendants et désignés selon une procédure incontestable. Pour ces motifs, l'Afssaps a décidé, depuis cette année, de mettre en place une procédure de recrutement formalisée, précédée d'un appel à candidatures, pour le renouvellement de six des onze commissions consultatives qui composent l'agence, soit 30 % de ses effectifs.

Elle a jugé que la seconde difficulté résultant du recours massif à l'expertise externe tient à l'éventualité de conflits d'intérêts entre l'expert choisi et le laboratoire fabriquant le médicament. Pour s'en prémunir, un dispositif à deux niveaux a été mis en place. Il prévoit, d'une part, le dépôt d'une déclaration publique d'intérêt, d'autre part, l'établissement de critères d'identification des conflits d'intérêts.

La déclaration publique d'intérêt est établie sous la responsabilité des experts et constitue une obligation légale depuis la loi du 1er juillet 1998 sur le renforcement de la sécurité sanitaire. Ils doivent aussi actualiser ce document et signaler toute modification de situation.

L'efficacité de la mesure repose toutefois sur la capacité des agences à contrôler ces déclarations. Dans ce domaine, de nombreux efforts ont été accomplis et la situation devrait s'améliorer encore avec les nouvelles modalités de recrutement des experts. Mais il n'en demeure pas moins qu'entre 10 % et 15 % des experts ne respectent pas leurs obligations et des critiques sévères ont été adressées à l'Afssaps sur ses défaillances dans la gestion des conflits d'intérêts. Pour répondre à ces observations émises par une mission d'audit, l'agence a entrepris d'identifier les divers types d'intérêts et de classer les situations conflictuelles afin de vérifier l'absence de conflits d'intérêts des membres d'une instance avec les dossiers inscrits à l'ordre du jour ou avant de confier un dossier à un expert.

a recommandé trois voies d'action indispensables pour assurer la pérennité d'une expertise de haut niveau : valoriser le travail des experts, notamment par la prise en compte de l'activité d'expertise dans le déroulement de la carrière des praticiens hospitaliers et professeurs d'université-praticiens hospitaliers ; assurer le développement de la recherche publique en matière de sécurité sanitaire ; enfin, définir un statut de l'expert commun à toutes les agences sanitaires, permettant de rationaliser les pratiques auxquelles ont recours les agences pour recruter leurs experts et gérer les conflits d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Poursuivant la présentation du rapport, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a indiqué que le système de mise sur le marché et de suivi des médicaments souffre également de sa trop grande dépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Cette dernière s'est, en effet, imposée comme le premier vecteur d'information des professionnels de santé. Or, la formation et l'information des médecins constituent les moyens les plus efficaces pour lutter contre les problèmes posés par les prescriptions inadaptées, la surconsommation de médicaments et le risque d'accident résultant de mauvaises associations médicamenteuses.

Elle a d'abord jugé indispensable de redonner toute sa place à l'enseignement de la thérapeutique, car le nombre d'heures consacrées à l'enseignement de la pharmacologie n'a cessé de baisser dans le cursus universitaire.

Elle a également estimé essentiel de s'interroger sur le mode de financement et les modules de formation dispensés dans le cadre de la formation médicale continue. L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a récemment formulé plusieurs recommandations que la mission a reprises à son compte : le recours à des rapporteurs indépendants dans la procédure d'agrément des formateurs et une sélection plus stricte des publications médicales dont les articles sont pris en compte dans la formation médicale continue du médecin.

a ensuite abordé la question de la visite médicale, premier moyen de promotion des médicaments pour l'industrie pharmaceutique, qui y consacre en moyenne 80 % de ses dépenses de marketing, soit l'équivalent de 8.500 euros par médecin.

Les abus de cette pratique commerciale ont été fréquemment dénoncés, notamment pour ce qui concerne les recommandations de prescription. La nouvelle charte de la visite médicale, signée entre les entreprises du médicament et le CEPS, a vocation à y remédier. Elle fixe, à cet effet, les missions et les obligations déontologiques des délégués médicaux, promeut la qualité de l'information délivrée et prévoit les moyens de contrôle du système, grâce à la remise aux médecins de documents officiels sur les produits présentés. Il est toutefois regrettable que cette charte ne s'applique pas à la visite à l'hôpital, alors qu'il s'agit d'un élément majeur dans l'acquisition d'habitudes de consommation d'un produit et que les prescriptions qui y sont faites ne sont pas exemptes d'abus.

Enfin, il est à noter que les laboratoires contrôlent les journaux médicaux, ce qui justifierait qu'un contrôle plus important de la presse médicale soit opéré : d'abord, par la publication rapide du décret d'application de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, qui prévoit l'obligation d'informer les lecteurs des liens d'intérêts de l'auteur pour que l'on puisse juger de son objectivité ; ensuite, par un examen attentif du contenu des revues avant leur accréditation comme outil de formation médicale continue.

Puis Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a abordé le troisième volet du rapport, consacré à la surveillance de l'usage des produits de santé en vie réelle. Cette surveillance du risque et du bon usage des produits sanitaires constitue, avec l'évaluation du rapport bénéfice/risque, le coeur de la mission de l'Afssaps. Celle-ci gère ainsi un réseau de surveillance spécialisé, dont la branche pharmacovigilance qui concerne les médicaments, permet de connaître et de suivre les événements indésirables liés à la prise de médicaments.

L'audit de l'Afssaps, conduit en 2002 par les inspections générales des finances et des affaires sociales, a porté une appréciation sévère sur l'activité de pharmacovigilance de l'agence. Celle-ci a, depuis lors, accompli un travail considérable pour remédier aux lacunes de son dispositif. Toutefois, des améliorations sont encore souhaitables pour corriger la sous-notification des effets indésirables : d'abord, en sensibilisant davantage les médecins de ville à la pharmacovigilance, notamment en les informant systématiquement des suites données à leurs signalements ; ensuite, en renforçant le rôle des pharmaciens ; enfin, en associant davantage les patients au système par l'intermédiaire d'associations de patients agréées.

La pharmacovigilance connaît aujourd'hui une profonde mutation et vient s'insérer dans la politique plus large de gestion des risques souhaitée par les autorités européennes. Son volet le plus innovant réside dans le développement des études post-autorisation de mise sur le marché (post-AMM), c'est-à-dire des études pharmaco-épidémiologiques qui sont menées après la commercialisation du produit.

Ces études sont effectuées sous l'égide des autorités publiques et doivent être distinguées des études menées par les seuls laboratoires, réalisées en vue d'élargir le champ de prescription d'un produit de santé. Elles correspondent à un changement d'optique dans le domaine de la sécurité sanitaire : il ne s'agit plus de se reposer sur les essais cliniques réalisés antérieurement à l'AMM et les notifications transmises au réseau de pharmacovigilance, mais de développer une politique volontariste fondée sur l'anticipation d'éventuels effets indésirables lors de l'utilisation des médicaments auprès d'une large population.

a souligné que les études post-AMM visent à éclairer les conditions réelles de prescription et d'utilisation du médicament ; elles comparent les résultats effectifs aux données des essais thérapeutiques et révèlent les risques non étudiés ou tardifs qui pourraient apparaître lors de l'utilisation d'un médicament, ainsi que son impact sur le système de soins.

Les premières études post-AMM, mises en oeuvre depuis 1997, ont donné des résultats mitigés : sur les 105 études commandées, seulement 7 % d'entre elles ont été menées à leur terme, tandis que 54 % n'ont pas encore débuté. Ce retard est en partie dû à la complexité des travaux à conduire, dont la réalisation n'est envisageable que sur une période de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Il s'explique aussi par la répartition des tâches entre les laboratoires et les autorités publiques, puisque le protocole de l'étude doit être validé par les commanditaires, alors que le laboratoire prendra en charge les dépenses afférentes.

Cette situation constitue un obstacle au développement des études post-AMM et surtout à leur mutation vers des études comparatives qui ne porteraient plus sur un produit, mais sur l'analyse des stratégies thérapeutiques disponibles pour une pathologie donnée. Dans cet objectif, il serait souhaitable que des crédits publics soient prévus dans le cadre de l'agence nationale pour la recherche afin de faciliter le développement de ces études.

Le second obstacle rencontré pour le développement des études post-AMM concerne l'accès à la gestion des bases de données gérées par l'assurance maladie, dont les autorités sanitaires critiquent le caractère trop restrictif. L'assurance maladie s'est toutefois engagée, dans l'avenir, à faciliter la consultation de ces bases par les autres acteurs du système de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

membre de la mission d'information, a estimé que les deux rapporteurs ont parfaitement identifié les raisons pour lesquelles le système d'autorisation de mise sur le marché des médicaments est en crise. Il a cependant regretté que les recommandations qui en découlent ne soient pas à la hauteur de la gravité de la situation, ce qui a conduit le groupe communiste républicain et citoyen à s'abstenir lors du vote d'adoption du rapport. Il a également déploré que le rapport ne fasse pas état des résultats de l'enquête menée sur le Vioxx, pour préciser le nombre de morts par accidents cardiovasculaires qu'il a causés, identifier les responsabilités des acteurs en charge des AMM et analyser les éléments de pharmacovigilance sur ce médicament. Il a d'ailleurs précisé qu'un médicament proche du Vioxx a été maintenu sur le marché et continue d'être remboursé par la sécurité sociale.

a rappelé que les trente-trois recommandations faites par son groupe figurent en annexe du rapport de la mission et que certaines recoupent celles des rapporteurs. Déplorant la complexité du parcours du médicament, il a souligné l'importance de simplifier et rationaliser le système et de généraliser la pratique des essais comparatifs. Il a proposé également de supprimer le CEPS qui, selon lui, n'a pas rempli sa fonction, notamment en matière d'évaluation de l'efficacité des médicaments. Il a estimé nécessaire d'appliquer avec rigueur le principe selon lequel tout médicament qui n'apporte pas d'amélioration ne doit plus être remboursé par la sécurité sociale. Il a souhaité que l'Uncam traite directement avec les laboratoires pour fixer le prix et le taux de remboursement des médicaments.

Il s'est dit également favorable à l'institution d'une taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires, qui s'élève à plus de 38 milliards d'euros, afin de réduire la dépendance de la HAS par rapport à l'industrie pharmaceutique, tout en permettant de dégager des moyens supplémentaires pour financer les agences et l'information à destination des professions médicales et des patients.

Estimant urgent de rééquilibrer le système d'information, il a rappelé que la HAS dispose actuellement de 14 millions d'euros par an pour financer les informations relatives aux médicaments, alors que l'industrie pharmaceutique dépense 1,3 milliard d'euros chaque année pour la promotion de ses produits.

Il a enfin suggéré la création d'une nouvelle structure pour renforcer l'expertise et lui rendre une certaine indépendance, en garantissant l'absence de lien entre ses membres et les laboratoires, tout au moins pour le président et le vice-président. Saluant à nouveau la qualité du travail réalisé par les deux rapporteurs, M. François Autain a rappelé que l'abstention de son groupe se veut constructive, et non critique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a salué l'engagement de M. François Autain qui a permis la constitution de la mission d'information. Il s'est également félicité du travail important qu'elle a accompli et des réelles propositions élaborées grâce aux nombreux déplacements et auditions qu'elle a effectués. Il a toutefois confirmé certaines différences d'appréciation sur le fond, regrettant à son tour que le rapport n'évoque que de façon allusive le Vioxx et le Célébrex. Il a, en outre, rappelé que 30 % des dépenses des laboratoires sont consacrées au marketing et à la publicité, soit un volume financier important qu'il serait utile de comparer au déficit de la sécurité sociale, laquelle assure le remboursement des médicaments. Il n'est, en effet, pas illogique de penser que les prix des médicaments pourraient être plus bas sans la prise en compte du coût de cette publicité.

Il a également mis en exergue le paradoxe selon lequel le déremboursement des médicaments entraîne un surplus de recettes pour l'Etat, qui récupère l'augmentation de TVA résultant de la libération des prix des médicaments non remboursés.

Il a enfin souligné l'urgence de garantir l'indépendance de l'expertise en réformant le financement des agences et de la HAS.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

membre de la mission, a souligné la spécificité franco-française, ubuesque, consistant à multiplier les structures au détriment des objectifs prioritaires que devraient être la cohérence et la transparence du système. Il s'est dit convaincu de la nécessité de développer l'expertise et de réduire la dépendance de l'industrie pharmaceutique par rapport aux professions médicales, même si celle-ci ne doit pas être surestimée. Il a rappelé que la presse médicale française, grâce au financement des laboratoires et des universités, bénéficie d'une grande notoriété et d'un certain crédit au niveau international. Il s'est dit favorable à un certain pragmatisme eu égard à l'appréciation du SMR de certains produits pharmaceutiques, tels que la valériane ou la passiflore, dont le remboursement a été remis en cause alors qu'ils permettent de se substituer à des produits remboursés plus onéreux, dont les effets d'accoutumance ou secondaires peuvent entraîner un coût plus important pour la sécurité sociale. Enfin, il a estimé nécessaire de conduire une réflexion sur le régime de TVA des médicaments après déremboursement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

a fait observer que le Vioxx est évoqué dès la première page du rapport et en a déterminé l'optique. Elle a également précisé que l'étude Cadeus a été intégrée au rapport de la mission d'information, qui n'a toutefois pas voulu cibler certains médicaments publiquement mis en cause, alors que d'autres n'ont pas été stigmatisés. Enfin, elle a estimé que la directive européenne de 2004 constitue une véritable réponse aux problèmes suscités par le Vioxx, ce dont M. François Autain a convenu.

Répondant aux critiques relatives à la multiplicité des structures, elle a expliqué qu'il existe en Europe deux autres modèles : le modèle belge, qui ne possède qu'une seule structure dotée de trois experts et subdivisée en cinq ou six départements, dont l'indépendance et la lisibilité ne sont pas assurées, et qui n'exerce pas plus de contrôle que les structures françaises ; le modèle britannique, qui s'est révélé peu fiable. Elle a souligné, à cet égard, la difficulté de fusionner la HAS, qui apprécie le SMR, et l'Afssaps.

Elle s'est réjouie que M. François Autain souscrive à la proposition de mise à disposition des essais comparatifs pour l'expertise.

Enfin, elle a fait remarquer que la suppression du CEPS, recommandée par le groupe communiste républicain et citoyen, se traduit parallèlement par la création de trois nouvelles structures, ce qui ne contribue donc pas à simplifier le système.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

a objecté que certaines d'entre elles doivent être intégrées à des structures déjà existantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

a en outre indiqué qu'un certain nombre de médicaments délivrés par les hôpitaux sont achetés en officine et sont, par conséquent, comptabilisés dans les dépenses de la médecine de ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a précisé que ces dépenses sont estimées à 40 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

a fait remarquer que les personnes auditionnées ont majoritairement plaidé pour le maintien des structures existantes, tout en souhaitant une meilleure coordination entre elles et une plus grande transparence du système.

Elle s'est dite réservée sur le principe qui consiste à ne pas rembourser un médicament dont le SMR n'est pas supérieur à celui du générique, estimant légitime de préserver la libre concurrence entre les médicaments. Elle a confirmé la validité de la définition législative du médicament (« Tout produit ou substance présenté comme possédant des vertus thérapeutiques à l'égard des maladies humaines »), qui s'est révélée être en parfait accord avec les réflexions et conclusions de la mission. Enfin, elle s'est montrée favorable à une meilleure reconnaissance de l'expertise, qui doit être valorisée et mieux rémunérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Estimant nécessaire que le statut des médecins hospitalo-universitaires soit redéfini, M. Dominique Leclerc a souhaité notamment que les activités de recherche et les échanges intellectuels avec les autres pays soient mieux pris en compte dans l'emploi du temps des praticiens et dans leur rémunération.

A l'issue de ce débat, la commission a pris acte de cette communication et de la publication du rapport d'information issu des travaux de la mission.