La commission examine les amendements sur le texte de la commission pour la proposition de loi n° 695 (2009-2010) relative au prix du livre numérique dont Mme Colette Mélot est le rapporteur.
Article 1er
Le Gouvernement propose, par son amendement n° 9, de modifier la rédaction de l'article 1er qui restreint le champ d'application de la loi au livre homothétique, car il ne souhaite pas que la définition du « livre numérique » se trouve ainsi définitivement fixée.
Je ne comprends pas bien la portée de cet amendement. Le législateur doit savoir à quoi s'appliquera la loi qu'il vote.
La rédaction de l'amendement me gêne parce qu'elle laisse entendre qu'un livre numérique pourrait ne pas être une oeuvre de l'esprit. Je vous propose de donner un avis de sagesse et de demander en séance des précisions au Gouvernement.
Il peut exister des formes de livres numériques qui ne soient pas homothétiques, c'est-à-dire réversibles sous forme papier.
L'article précise bien que la loi s'applique aux livres qui, s'ils ne sont pas publiés sous forme imprimée, sont susceptibles de l'être.
Le problème tient, me semble-t-il, à ce que la conjonction « lorsque » est mal placée : le Gouvernement voulait dire que la loi s'applique au livre numérique, consistant en une oeuvre de l'esprit, lorsqu'il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou susceptible de l'être.
L'objet de l'amendement m'interpelle : pourrait-il exister des livres numériques qui ne soient pas des oeuvres de l'esprit ?
Nous demanderons des explications au ministre : faisons en sorte que la loi ne commence pas par un énoncé ambigu !
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 9.
Article 2
L'amendement n° 6, comme deux autres amendement de M. Leleux, vise à étendre l'application de la loi aux éditeurs établis hors de France mais exerçant leur activité en vue de commercialiser leurs livres numériques sur le territoire national. Je souhaite moi aussi que cette proposition de loi offre l'occasion au Gouvernement de demander à la Commission européenne quelle est son interprétation de la clause de diversité culturelle, qui figure aussi bien dans la directive « Services » que dans celle sur le commerce électronique.
La France s'est assez battue pour l'exception culturelle ! Il faut demander à la Commission européenne des éclaircissements.
Je propose donc que nous donnions un avis favorable à cet amendement : Mme le rapporteur sera libre de son appréciation en fonction des réponses du Gouvernement. La question de l'application de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle est d'actualité : j'organise dans quelques mois avec l'Assemblée parlementaire de la francophonie et l'Assemblée nationale du Québec un colloque à ce sujet.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6.
L'amendement n° 10 du Gouvernement vise à supprimer la dérogation prévue au troisième alinéa pour les éditeurs scientifiques et techniques dont les clients sont des professionnels. La rédaction de cet alinéa ne me satisfaisait pas non plus, car il faut ménager une place aux libraires qui peuvent servir d'intermédiaires pour des offres différenciées. C'est pourquoi, faute d'un nouveau consensus interprofessionnel sur la question, nous avons renvoyé les modalités d'application de l'article à un décret.
Le Gouvernement estime que les autres alinéas de l'article permettent de répondre aux préoccupations des professionnels. Je vous propose donc de donner un avis favorable à son amendement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
L'amendement n° 4 du groupe socialiste tend à rétablir une chronologie du livre que la proposition de loi vise précisément à supprimer, à la demande des éditeurs et des libraires. Avis défavorable ;
Aucune protection ne sera donc offerte aux libraires, qui ne bénéficieront plus des campagnes de promotion des livres primés si ceux-ci sont publiés simultanément sous forme numérique ! Je m'étonne que les libraires soient opposés à la mesure que nous proposons.
C'est ce qu'ils nous ont dit. Il faut d'ailleurs tenir compte du risque de piratage.
Le choix de publier ou non un livre sous forme numérique reviendra à l'éditeur.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Article 3
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7.
Article 5
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.
L'amendement n° 11 tend à supprimer la phrase qui prévoit que les critères permettant de juger de la qualité des services offerts par les libraires sont définis contractuellement par les organisations représentatives des professions concernées, mais il ne change rien au fond : les professionnels devront se concerter comme pour le livre imprimé.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11.
Articles additionnels après l'article 5
L'amendement n° 2 interférerait avec les négociations en cours entre éditeurs et auteurs. Ces derniers doivent être justement rémunérés, mais nous ne savons pas encore quelles économies le passage au numérique permettra de réaliser.
Il n'en est pas question ! Cet amendement vise à obliger les éditeurs à reverser aux auteurs une partie des bénéfices gigantesques qu'ils dégageront de la numérisation. Actuellement les auteurs perçoivent un pourcentage des ventes, défini en fonction des coûts incombant aux éditeurs. Si ces coûts diminuent fortement, il est légitime que la part revenant aux auteurs soit revue à la hausse.
Mais il ne faut pas en faire une règle générale : il peut y avoir des surcoûts.
C'est bien pourquoi notre amendement ne s'appliquerait que dans les cas où le recours à l'édition numérique aurait permis de faire des économies. Les éditeurs ont d'abord justifié le statu quo en arguant du coût de l'investissement nécessaire au passage au numérique, mais désormais le coût de la numérisation d'un livre est quasi nul et les éditeurs n'investissent presque plus, sauf peut-être dans les domaines de la vidéo et du son. Notre commission s'honorerait en montrant sa sollicitude envers les libraires, les imprimeurs et les auteurs.
Je vous propose d'ajouter, après les mots « l'économie générée », l'expression « le cas échéant ».
Cela laisserait entendre que la révision de la rémunération des auteurs est facultative. Je suis un chaud partisan de l'innovation, mais celle-ci fait parfois des dégâts ! Quelle que soit notre orientation politique, nous reconnaissons tous l'importance des petits libraires pour le maillage du territoire. Les économies générées par la numérisation doivent permettre de créer un fonds d'aide aux libraires, afin qu'ils puissent s'équiper pour jouer un rôle d'animation numérique, mais aussi un fonds d'aide à la reconversion des imprimeries, qui seront durement touchées.
Certaines associations d'auteurs, comme la Société des gens de lettres, ne sont pas favorables à ce que le législateur s'immisce dans leurs négociations avec les éditeurs.
Elles ne veulent pas que nous entrions dans les détails, mais elles ne sont naturellement pas hostiles à ce que nous inscrivions dans la loi le principe selon lequel les auteurs doivent avoir leur part des bénéfices de la numérisation !
Je vous propose d'émettre un avis de sagesse : nous entendrons les arguments du Gouvernement.
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 2.
L'amendement n° 1 prévoit un rapport sur une compensation financière à offrir aux professions touchées par l'essor du numérique, mais l'article 7 oblige déjà le Gouvernement à remettre un rapport sur l'application de la loi : nous pourrons nous déterminer en fonction du bilan qui sera ainsi dressé.
Pourquoi ne pas spécifier le contenu de ce dernier rapport, sans imposer au Gouvernement d'en remettre un deuxième ? Songeons au sort des imprimeurs !
La rédaction, sans être trop spécifique, doit prévoir une étude d'impact économique sur toutes les filières du secteur.
Je souhaite que le rapport ne se contente pas de dresser un bilan mais présente des recommandations pour une action législative.
L'amendement devra donc être retiré, tandis que la commission, seule habilitée à le faire, déposera en séance un amendement de même teneur à l'article 7. Rassurez-vous, monsieur Assouline : la commission continuera à s'intéresser au secteur du livre. Le rapport prévu par la proposition de loi donnera lieu à un débat interne, et nous pourrons créer quand nous le souhaiterons une mission d'information sur le sujet.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 1.
Article additionnel après l'article 7
L'amendement n° 3 tend à appliquer un taux de TVA réduit au livre numérique comme au livre papier. La commission est attentive à cette question, mais une telle mesure relève de la loi de finances.
Le souhait exprimé par le groupe socialiste fait presque l'unanimité au sein de la commission : nous y reviendrons au cours du débat budgétaire.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.