La commission procède à l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'occasion de la remise du rapport annuel de l'AMF.
Comme chaque année, nous auditionnons Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'occasion de la publication du rapport annuel de l'Autorité. L'année écoulée s'est déroulée dans un contexte particulier fait d'instabilité des marchés financiers et d'omniprésence de la crise des dettes souveraines. Pour autant, cette fébrilité ne saurait faire oublier les progrès de la régulation depuis la crise de 2007-2009. Suffisent-ils pour anticiper les risques à venir ? Notre récente table ronde sur le système bancaire parallèle nous a montré que les risques continuent de se transmettre de bilan à bilan, des établissements régis par les lois bancaires aux autres catégories d'investisseurs et à tous les outils de marché. Face à la complexité de ce système de risques parfois contradictoire, notre régulation est-elle suffisamment transversale ?
Les marchés financiers se caractérisent par une innovation permanente. Difficile de nous tenir informés... Nous avons pris par le passé des initiatives sur le trading haute fréquence, sur certains aspects des techniques de marché. Pouvez-vous nous éclairer sur l'évolution de la réglementation française et européenne en matière de marchés financiers ? L'actualité sera dense, avec la révision de la directive Marchés d'instruments financiers (MlF), la nouvelle normalisation comptable internationale, les inquiétudes sur le financement en fonds propres des entreprises.
Innovation et régulation se courent après, en premier lieu aux Etats-Unis, où la mise en oeuvre des textes postérieurs à la crise n'est pas simple. S'ajoute, en France, l'incertitude sur d'éventuelles nouvelles dispositions en matière bancaire. Volcker ou Vickers : quelle solution spécifique pour accompagner ce secteur d'activité ?
L'année 2011 est aussi celle de la fusion avortée entre NYSE Euronext et Deutsche Börse. NYSE Euronext sort affaibli de cet échec, notamment face à son concurrent historique, le London Stock Exchange. Nous avons des interrogations sur l'avenir de Paris en tant que place financière, notamment en ce qui concerne la négociation de contrats sur matières premières. Quel avenir pour le Marché à terme des Instruments Financiers (MATIF), qui avait su se recréer un fonds de commerce ? Pouvez-vous nous apporter un éclairage, pour que nous puissions mieux assumer nos responsabilités ?
Ce rapport est le troisième que je vous présente. Depuis ma prise de fonction en 2008, nous avons eu à faire face à un environnement chahuté : chute des cours, resserrement du crédit pour les entreprises et les ménages, premiers plans de relance et réunion du G 20 sur les principes internationaux et européens de régulation financière. L'AMF a défini en 2009 son plan stratégique autour de trois axes : renforcement de la protection de l'épargne et de la confiance des investisseurs individuels ; stabilité et intégrité des marchés ; mise en place d'un nouveau cadre de régulation des marchés.
La crise de la dette est devenue une crise politique qui menace notre continent dans ses fondements. L'Europe est au bord de la récession, nous entrons dans une ère nouvelle. La crise nous a rappelés à notre mission fondamentale : protéger les épargnants et les investisseurs afin, non seulement, de restaurer la confiance dans les marchés, mais aussi de favoriser le financement de notre économie et l'accroissement des fonds propres pour réduire l'endettement public et privé. L'AMF a ainsi créé en son sein une Direction des relations avec les épargnants qui a engagé un échange nourri avec les épargnants et leurs associations. En effet, une enquête de La Finance Pour Tous a montré les lacunes de la culture financière des Français, qui devraient être mieux informés sur les placements et les risques encourus.
Nos efforts ont porté sur trois axes : une meilleure compréhension des mécanismes de commercialisation des produits financiers ; une clarification des exigences à l'égard des distributeurs de produits financiers, en termes de transparence sur les frais notamment, et de conflits d'intérêts ; un renforcement des dispositifs d'aide aux victimes des manquements boursiers et de la mauvaise commercialisation de produits financiers. Nous avons ainsi rattaché la médiatrice, Murielle Cohen-Branche, au Président de l'AMF. Les cas de médiation se sont développés, dans le secteur financier comme ailleurs. Nous intégrons aussi plus systématiquement la réparation des préjudices dans le cadre de nos procédures de supervision, de transaction ou de sanctions.
Ces axes ont été renforcés par la création d'un Observatoire de l'épargne, chargé d'analyser les tendances des placements financiers des ménages et de renforcer la vigilance afin de mieux protéger, mieux accompagner et mieux informer l'épargnant.
Nous prêtons une attention particulière à la qualité de l'information financière. Ainsi, dans la loi de simplification du droit, le régime de déclaration des franchissements de seuils a été amélioré grâce à l'inclusion d'instruments dérivés à dénouement monétaire dans le champ des titres assimilés aux instruments à dénouement physique pour calculer le niveau des seuils. L'intégration de ces produits dans le périmètre de déclaration évitera que se multiplient les cas de montée occulte au capital. L'entreprise qui franchit un seuil est désormais obligée de déclarer ses intentions concernant les instruments dénouables qu'elle détient. Enfin, avec la nouvelle déclaration pour les modifications de participation liées à l'utilisation de ces différents types d'instruments, le public sera informé du niveau de contrôle réel d'une entreprise résultant de l'augmentation des droits de vote effectivement possédés à l'occasion d'un tel dénouement. Depuis l'adoption de ce texte, auquel Philippe Marini et Nicole Bricq ont beaucoup participé, nous évoluons sur un territoire plus apaisé, et plus proche des pratiques de nos voisins européens. Je remercie le Parlement, et plus particulièrement le Sénat, d'avoir saisi ces enjeux.
Deuxième axe : la stabilité et l'intégrité des marchés. Désormais dotée d'un comité des risques, l'AMF s'efforce d'identifier les tendances et les grandes évolutions des marchés financiers et de prévenir les risques émergents. Ce comité nous force à nous poser la question du périmètre des marchés et des entités à réguler. Cette méthode a permis à l'AMF d'intervenir le plus en amont possible, lors de forums internationaux, et de faire entendre sa voix sur des sujets tels que le système bancaire parallèle. La régulation des marchés de matières premières a été mise sur le devant de la scène internationale lors du G 20. Si le MATIF n'a pas connu de changements majeurs, reste le problème de la coordination entre les différentes instances de régulation en matière énergétique, financière ou agricole. Les marchés de matières premières sont aussi spéculatifs que les marchés financiers !
En effet. Si l'AMF doit encore renforcer son expertise en ce domaine, elle a progressivement étendu son dispositif de collecte des données aux transactions financières de gré à gré, aux marchés obligataires et enfin aux instruments dérivés. Sans cette adaptation indispensable, les réponses apportées à la sophistication croissante des marchés, à la complexité des moyens utilisés par les intervenants et aux abus de marchés seraient intervenues trop tardivement au regard du temps des marchés.
Comme le montre le problème du trading haute fréquence, le défi du régulateur est en effet de s'adapter à la rapidité de l'évolution, à la complexité des moyens utilisés pour la passation d'ordres et à la segmentation de ces marchés. Dans le cadre de la crise des dettes souveraines notamment, pour anticiper le Règlement européen sur les ventes à découvert, l'AMF, depuis le 1er février 2011, a mis en place un régime complet de transparence des positions courtes nettes sur les actions admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral organisé de négociation.
Concernant le contrôle et les sanctions à l'intérieur même de l'AMF, il fallait tirer les conclusions du traitement de l'affaire EADS. C'est pourquoi nous avons rassemblé en une direction unique les enquêtes et les contrôles et instauré un échange contradictoire et systématique d'informations avec les personnes mises en cause avant le lancement d'une procédure de sanction. Cette évolution a conduit à une augmentation des contrôles, désormais fondés sur les risques, qui donne lieu à une recrudescence de notifications de griefs en matière de commercialisation des produits financiers, garantissant le respect de l'intérêt des clients, y compris au sein des salles de marché.
La loi de régulation financière a renforcé le caractère dissuasif de la répression : plafond des sanctions pécuniaires décuplé, publicité systématique tant des séances que des décisions de la commission des sanctions, faculté donnée au président de l'AMF d'exercer un recours contre celles-ci. L'introduction d'un pouvoir de transaction, sous la forme d'une procédure de composition administrative, nous permet de traiter plus rapidement et en toute transparence les dossiers mineurs. Le collège a déjà approuvé plusieurs accords de ce type dont certains sont en passe d'être homologués par la commission des sanctions.
Un groupe de travail interne se penche sur les moyens de rendre les enquêtes plus efficaces. Nous réfléchissons à étendre le champ des pouvoirs d'investigation des enquêteurs et contrôleurs, et à rendre les enquêtes plus efficaces en luttant contre l'obstruction à laquelle les enquêteurs sont de plus en plus souvent confrontés. Ces mesures incluent les modalités de coopération avec les Responsables de la conformité pour les services d'investissement (RCSI) et surtout avec la justice, avec la possibilité de demander des pièces à un juge ou à un service de police ; la coopération opérationnelle est renforcée avec le Parquet, notamment pour l'utilisation de services de police spécialisés, ce qui nous rapproche des moyens à la disposition de la Financial Services Authority (FSA) britannique et de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine.
En dernier lieu, l'AMF s'est attachée à mettre en place un nouveau cadre de régulation qui fait coïncider développement des activités financières, protection des épargnants et financement de l'économie. Nos orientations sont connues : transparence de l'ensemble des transactions et des marchés vis-à-vis du régulateur comme des opérateurs et investisseurs ; transparence plus large dans la formation des prix des actifs et les conditions de réalisation des transactions ; périmètre de la régulation financière étendu à l'ensemble des acteurs financiers significatifs, comme les fonds d'investissement spéculatifs et les agences de notation, et des marchés, y compris de matières premières et de dérivés de crédit ; lutte contre les risques systémiques liés à l'explosion des marchés dérivés de gré à gré, à leur segmentation et leur manque de transparence ; lutte contre l'instabilité des marchés, renforcée par des pratiques telles que le trading haute fréquence ou les ventes à découvert à nu ; système de supervision financière plus efficace et mieux coordonné au niveau européen ; promotion d'une politique de reconnaissance mutuelle des dispositifs de régulation.
Au sein de l'Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV) et au sein de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), nous avons, en quatre ans, fait des avancées sensibles, et avons bon espoir que notre travail de conviction porte ses fruits.
Au niveau national, nous avons oeuvré pour la relance du marché obligataire primaire parisien, pour la création de plateformes transparentes de négociation des titres obligataires, de façon à rapatrier les émissions obligataires de Luxembourg à Paris. Il faut toutefois que les banques et les institutions financières nous aident à développer cette activité. Certaines réformes ont permis de simplifier la réglementation boursière applicable aux PME et ETI cotées, dans les limites autorisées par les règles européennes. Cela s'est traduit par une adaptation du fonctionnement du marché d'Alternext consacré aux PME. Les transferts d'Euronext, marché réglementé selon des normes appropriées aux grandes entreprises, vers Alternext ont été facilités. Malgré une attractivité toujours insuffisante des marchés pour les PME, le marché Alternext a connu une forte progression. C'est encourageant mais il reste des progrès à faire.
J'en viens aux nouveaux enjeux. Le premier enjeu est la gouvernance d'entreprises. Actionnaires et investisseurs institutionnels font de plus en plus attention à la qualité de la gouvernance comme un élément de la performance sur la durée. Une entreprise dont la gouvernance est inadaptée, dont les procédures de contrôle interne sont faibles non seulement se met en risque, mais les salariés et les actionnaires en paient les conséquences. Je crois au volontarisme politique et réglementaire sur ce sujet : sans l'impulsion du régulateur et du législateur, nous n'aurions pas constaté de diversification de la composition des conseils d'administration. Je sais que vous vous intéressez au Say-on-Pay, le vote consultatif des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants. Nous ne pourrons faire l'économie de ce débat. On ne peut demander aux entreprises publiques seules de se remettre en question. Faut-il un vote des actionnaires obligatoire ou optionnel ? Sur quel objet ? Ce vote serait-il contraignant ou consultatif ? Autant de questions que l'on peut se poser. À titre personnel, je prône la transparence la plus large possible des rémunérations à l'égard des assemblées générales. Deuxième enjeu : la commercialisation des produits d'investissement aux investisseurs de détail. Il nous faudra conduire une réflexion sur le conseil en investissement et la régulation de la distribution de produits financiers, qui pourrait déboucher sur une remise à plat du métier de conseiller financier. L'AMF a également formulé des propositions visant la réparation des préjudices financiers, parmi lesquelles le développement des actions de groupe, mais encadrées « à la française ».
Troisième enjeu : mettre les marchés au service du financement à moyen et long terme de l'économie. Le débat sur la séparation des activités bancaires et la structure des banques aurait dû être ouvert plus tôt dans notre pays, comme il l'a été dans d'autres. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni sont en train de réformer l'organisation de leurs banques. En Europe, le groupe Liikanen est chargé de proposer des recommandations sur d'éventuelles réformes structurelles pour renforcer la stabilité financière et améliorer la protection des consommateurs. Quelle approche adopter ? Une approche à la Vickers, avant tout prudentielle, n'aborde pas les questions de prise de risque excessive et de conflits d'intérêts ; elle n'est pas efficace pour discipliner les acteurs. L'approche dite Volcker cherche en revanche à identifier les activités utiles aux clients et au financement de l'économie, tout en interdisant ou en contraignant celles qui exposent les banques à des conflits d'intérêts ou à des risques trop élevés. Il faut mettre en balance ces deux aspects, tout en tenant compte des spécificités du modèle bancaire français, en liaison avec le groupe Liikaneen, mis en place sous l'égide de la Commission européenne.
Enfin, si l'épargne financière à long terme est structurellement aussi faible en France, c'est, en premier lieu, à cause de la fiscalité appliquée à l'immobilier et aux placements financiers. D'une manière générale, certaines incitations fiscales influencent de façon exagérée l'allocation d'actifs des ménages et aveuglent les épargnants plus qu'elles ne les orientent. Le dispositif actuel d'incitations fiscales, extrêmement morcelé et complexe, manque de cohérence et de lisibilité. Au total, la contribution réelle de la fiscalité actuelle de l'épargne au soutien de la croissance et de l'investissement de long terme semble limitée, car elle favorise les placements les plus liquides au détriment des actions.
Le développement de l'épargne à long terme pourrait également pâtir des réformes comptables et prudentielles en cours. Sur le plan comptable, avec les normes IFRS 9 et IFRS 4, la comptabilisation en valeur de marché sur un champ très large induit une plus grande sensibilité des bilans des institutions financières aux fluctuations à court terme des marchés. Les investisseurs institutionnels pourraient se détourner des actifs de long terme et être incités à adopter un comportement pro-cyclique.
Sur le plan prudentiel, certains aspects de Bâle III et Solvabilité II risquent de pénaliser la constitution d'une épargne de long terme. Bâle III incite les banques à accroître leurs encours de dépôts, au risque de détourner l'épargne des ménages d'autres véhicules à plus long terme. Cette concurrence accrue des produits de bilans bancaires représente aussi un enjeu important pour l'industrie de la gestion collective en France. Celle-ci, l'une des plus performantes d'Europe, représente un atout qu'il nous faut protéger. Quant à Solvabilité II, elle impose des exigences en capital très élevées pour la détention d'actions, et, dans une moindre mesure, d'obligations. Ceci pourrait par conséquent inciter les assureurs à diminuer leur exposition à ce type d'actifs et donc leur contribution au financement de l'économie.
Quoi qu'il en soit, on ne pourra développer une place financière au service d'un financement à long terme de notre économie, de sa croissance, que si les règles fiscales et les instruments de réglementation et de régulation apparaissent suffisamment stables et lisibles pour les investisseurs, notamment étrangers, qui contribuent de plus en plus au développement de nos entreprises.
Notre travail est encore dense, et notre vigilance doit être renforcée. Pour ce qui est de nos moyens, nous dépendons de vous... Compte tenu de nos missions, il reste du chemin à parcourir, mais l'AMF est combative et fait entendre sa voix.
Voilà déjà plusieurs années que la commission des finances du Sénat est investie dans la réflexion sur la régulation financière, et ce sur tous les bancs. La loi de sécurité financière ou la transposition de la directive MIF en sont l'illustration. Nous veillons à ce que l'AMF dispose des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions, notamment pour investir dans des outils informatiques appropriés. Je me réjouis de voir que vous avez, en peu de temps, porté l'effort très haut, tant en matière de sanctions, de notifications des griefs, que de transparence ou d'accroissement du périmètre de la régulation financière ; vous avez également agi, au sein de l'Union européenne, avec les autres régulateurs, pour améliorer les processus de contrôle. Nous restons vigilants, mais l'AMF a manifestement pris son envol et la mesure de sa mission.
Ma première question porte sur les inquiétudes concernant l'attractivité de la place de Paris, notamment pour le marché obligataire. Quelles seraient les conséquences de la mise en place d'une taxe sur les transactions financières, dès lors que Londres ne s'y associerait pas ? Faudrait-il craindre un retour de bâton ? Quelles seront les conséquences pour la place parisienne de la centralisation à Londres par NYSE Euronext de l'ensemble de l'activité de compensation des dérivés ?
Deuxième préoccupation, les chantiers de la régulation, sur lesquels nous avons entendu récemment votre secrétaire général adjoint, Edouard Vieillefond. Le marché des ETF/ETP (Exchange Traded Funds/Exchange Traded Products) doit-il inquiéter ? Ces produits, qui totalisent un encours d'environ 1 500 milliards de dollars, dont 400 milliards en Europe, sont peu sécurisés ; Crédit Suisse a ainsi perdu plusieurs centaines de millions dans un ETP axé sur la volatilité. Comment mieux sécuriser ces produits ? Les mesures concernant le trading haute fréquence sont-elle suffisantes ? Les ordres émis ont progressé de 50 % en 2011, les transactions effectuées, de 22 %... Sur la titrisation, le risque provient du manque d'information et de transparence. Que vous inspirent les projets de labellisation des actifs titrisés ?
Troisième point : la protection de l'épargnant et de l'investisseur au regard du développement de politiques de commercialisation agressives d'instruments complexes à destination des particuliers. On voit fleurir sur Internet des publicités qui incitent les particuliers à « devenir un vrai trader » sur le Forex !
On pense aux jeux en ligne... Quelles sont les perspectives, du point de vue du régulateur, pour accroître la transparence, l'information et la simplification dans la commercialisation des produits financiers complexes auprès des particuliers ? S'il faut bien entendu aider les victimes, commençons par contrôler en amont ceux qui émettent ces messages !
Je remercie le rapporteur général d'avoir insisté sur l'importance des moyens informatiques : étant donné les techniques actuelles de transaction, il est vital pour nous de disposer d'équipements de très haute performance.
Concernant la place de Paris, je partage votre sentiment : avec l'échec de la fusion, nous avons manqué une opportunité historique pour renforcer la zone euro en rapprochant deux marchés organisés. Je n'ai pas à me prononcer sur le jugement rendu par l'autorité de la concurrence européenne, mais cette position ne rend service ni à la zone euro, ni aux marchés organisés par rapport aux plateformes opaques et segmentées. Cette approche de la concurrence reposant sur des segments de marchés organisés conduit les gestionnaires de marché à délocaliser leur activité pour mieux concurrencer les marchés moins réglementés. C'est un cercle vicieux, qui nous affaiblit face à la place de Londres.
Nous avons essayé de renforcer le marché obligataire, mais il faut que les banques et les institutions financières nous aident et favorisent les émissions sur la place de Paris.
La taxe sur les transactions financières sera d'autant plus efficace que sa surface sera large. Les Britanniques ont un droit de timbre. Il faut donc négocier au niveau européen, par exemple en faisant de la taxe un moyen d'alimenter le budget européen. Le rabais dont bénéficient nos amis britanniques pourrait faire partie de la négociation... Cela ne sera pas facile, mais on ne peut en rester à des approches purement nationales.
La localisation des chambres de compensation des dérivés est un véritable enjeu industriel. Avoir la compensation du cash ne suffit pas : le marché qui explose est celui des dérivés ! D'où un déséquilibre entre la zone euro et la Grande-Bretagne. Les banques, actionnaires de certaines chambres de compensation, doivent être mobilisées.
Il faut un encadrement européen renforcé du trading haute fréquence. C'est l'enjeu de la révision de la directive MIF, qui devra englober toutes ces plateformes. Les propositions actuelles de la Commission européenne ne vont pas assez loin : créer des organismes pseudo-organisés assimilés à des marchés organisés ne suffira pas pour lutter contre la fragmentation des marchés et des plateformes et contre le trading haute fréquence.
En matière de titrisation, il faut accroître la transparence. La labellisation va dans le bon sens. L'important, c'est la qualité du sous-jacent. La titrisation participe au financement à long terme de l'économie, et, à cause de certains excès, ne doit pas être écartée a priori.
Sur ce sujet, les messages sont contradictoires. À en croire les uns, il n'y aurait pas assez de titrisation en Europe ; selon d'autres, elle participerait d'un système bancaire parallèle qu'il convient de réguler. Difficile, sur un terrain si flottant, de définir la régulation optimale...
De façon générale, sur le système bancaire parallèle, nous souhaitons plus de transparence et un élargissement du périmètre de la régulation des produits titrisés. Il faut, dans le cadre de la révision de la directive, parvenir à cette transparence et à une régulation renforcée. Si l'on n'y arrive pas, il y aura un vrai danger.
En Europe, nous disposons d'un régime de régulation de la titrisation qui impose, s'agissant de crédits bancaires, que 5 % de ceux-ci soient conservés par la banque, ce qui aligne les intérêts. Nous visons tous les aspects du dispositif ainsi que les documents d'information des épargnants. Le résultat en est que les produits titrisés français n'ont jamais posé problème. Un financement alternatif à celui des banques est donc possible dés lors qu'il est bien régulé.
Si la titrisation en Europe est surtout confrontée à une crise de confiance, on observe en revanche, ailleurs, un développement de nouvelles mauvaises pratiques. La labellisation serait une bonne chose si elle mettait en lumière les bons produits bénéficiant de transparence et d'une bonne régulation, comme c'est le cas des nôtres.
Plusieurs initiatives sont actuellement prises à Paris afin d'éviter que cette labellisation ne se fasse ailleurs. Mais le plus important demeure la régulation à laquelle il est procédé en amont.
Sur la protection des épargnants et la question chypriote, nous suivons cette affaire de très près, notamment en travaillant avec l'autorité de régulation chargée du contrôle de la publicité. Nous procédons à des contrôles et nous mettons en garde. Il faut d'ailleurs sans cesse alerter sur les dangers de ces mécanismes.
S'agissant des ETF et des ETP, nous sommes préoccupés de la gestion des collatéraux, qui constitue à la fois un risque prudentiel en biaisant la mesure du risque des banques, et un risque pour l'investisseur, sachant que, par exemple, nous avions constaté une surpondération des collatéraux grecs. Nous avons lancé des contrôles de la gestion de ces ETF, et il n'est pas impossible que vous entendiez parler, malheureusement en mal, de certains d'entre eux dans quelques mois. Mais la sanction fait partie intégrante de la régulation.
Sur le FOREX, nous avons développé des outils permettant de déterminer l'impact de ces publicités qui commencent à prendre une place significative en France. Nous avons, dans un premier temps, procédé à des alertes via les associations de consommateurs, puis l'autorité de régulation de la publicité, avec laquelle nous travaillons, a obtenu le prononcé d'un jugement contre l'une de ces publicités, ce qui a permis la mise en alerte des régies publicitaires des sites Internet grand public ; nous sommes désormais consultés avant la diffusion de certaines annonces.
Les produits dont il est question ne sont pas illégaux dés lors qu'ils sont offerts dans de bonnes conditions, ce qui est parfois loin d'être le cas. Aussi n'excluons-nous pas d'aller plus loin. La résolution de l'affaire chypriote dans un cadre européen étant d'autant moins probable qu'en l'espèce, Chypre est en fait un faux nez d'acteurs établis en Israël, nous pourrions envisager des mesures plus sévères de quasi-interdiction de ces produits, comme nous l'avons fait pour les produits aux formules plus complexes qui ne sont plus commercialisés auprès du grand public et sont réservés aux seuls investisseurs professionnels et avertis.
Les instruments dérivés devront en outre être inclus à terme dans la base la plus large de la taxe sur les transactions financières, faute de quoi, comme au Royaume-Uni, on offrira aux particuliers de moins en moins d'actions, et des dérivés d'actions moins transparents et moins régulés, donc plus dangereux.
Ayant en son temps suivi les enquêtes de la COB, j'observe que votre rapport fait apparaitre une baisse du nombre de plaintes et de faits signalés. Cela est-il imputable au travail de l'autorité de régulation ?
Sur les agences de notation, qui viennent de faire l'objet d'un rapport du Sénat, l'AMF avait eu l'occasion de porter un regard sourcilleux. Comment appréciez-vous aujourd'hui leur rôle ?
Enfin, l'AMF s'est-elle penchée sur le fait que l'on retrouve assez régulièrement les mêmes noms parmi les administrateurs des sociétés cotées, cette situation étant très liée à la question du fonctionnement de ces sociétés ?
Tout en reconnaissant le caractère essentiel de votre activité de surveillance des marchés, je souhaiterais, au titre de votre mission de défense des épargnants, savoir si, d'après vous, le doublement du plafond du livret A ne risque pas de déstabiliser les équilibres actuels au détriment de l'épargne à long terme ?
Au regard de sa mission de protection et d'information des épargnants, l'AMF ne devrait-elle pas étendre son contrôle aux produits défiscalisés de type immobiliers ou SCPI ?
Si l'AMF prononce des sanctions pécuniaires, elle n'a pas, en revanche, procédé, en 2011, à des interdictions temporaires d'exercice, alors même que les professionnels concernés sont récidivistes, et que les sanctions financières prononcées sont, pour eux, d'un montant ridicule.
Enfin, la taxation sur les dividendes distribués ne risque-t-elle pas de favoriser l'épargne protégée, telle que le livret A, et d'écarter encore plus des investissements en actions ?
Quel regard portez-vous sur le contraste entre la gouvernance de la zone euro et la situation des Etats extérieurs à cette zone ? A propos des marchés financiers, estimez-vous que l'on doive aller vers une autorité européenne - peut-être dans un premier temps, au niveau de la zone euro - dans la mesure, par exemple, où les collatéraux dont nous parlons se trouvent souvent dans un autre Etat. Mais de quels moyens disposez-vous pour ce faire ? Percevez-vous la nécessité d'un saut qualitatif dans ce sens ? En tout cas, le statu quo ne pourra pas durer longtemps.
Par ailleurs, quel est, selon vous, le bon niveau de capitaux propres pour l'AMF, sachant que ceux-ci s'élèvent aujourd'hui à 56 millions d'euros, ce qui vous conduit à disposer de 53 millions d'euros de placements financiers.
Nous sommes un petit opérateur...
Avez-vous le sentiment de disposer des informations et des outils de contrôle nécessaires pour mener votre action alors qu'on ne peut qu'être effaré face à la taille des marchés et au nombre de transactions ? Et ce, d'autant plus qu'en France, la part du financement bancaire des entreprises étant limitée, l'on devrait de plus en plus se tourner vers des outils financiers.
Quels sont les rôles respectifs de l'AMF et de l'AEMF, le partage restant bien mystérieux pour les non-spécialistes ?
Enfin, alors qu'il y a quelques années nous avions, dans la proposition de loi sur les actions de groupe déposée avec Nicole Bricq, écarté par prudence le secteur financier, l'évolution des choses me conduit aujourd'hui à penser qu'il faudrait l'inclure dans un tel dispositif.
S'agissant de marchés dérivés de gré à gré, quelle localisation estimez-vous être la meilleure pour les chambres de compensation ? Comment appréciez-vous le risque systémique lié au marché des matières premières ?
Enfin, alors que l'on perçoit bien les difficultés globales de financement de l'économie, percevez-vous quelle serait, à l'avenir, la bonne répartition entre le financement par les banques, les assureurs et les réassureurs d'une part, et par d'autres voies telles que la titrisation, d'autre part ? Comment travaillez-vous en commun sur ces questions avec l'Autorité de contrôle prudentiel et la direction générale du Trésor ?
En matière de gouvernance des entreprises, vous semble-t-il possible de réguler le nombre de présences dans les conseils d'administration ? L'on voit bien, par exemple, s'agissant de la limitation des rémunérations dans les entreprises publiques que, derrière le dirigeant, qui est visible, il y a souvent d'autres collaborateurs, qui espèrent échapper à ces règles. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, lorsque vous évoquez la nécessité d'améliorer la culture financière des Français, cela signifie-t-il qu'elle est meilleure dans les autres pays ? Et, si oui, comment s'y prennent-ils ?
Vous nous dites que les produits de titrisation français sont bien contrôlés. Mais qu'en est-il ailleurs en Europe ? Quels sont les pays où il y aurait un défaut d'approche prudentielle ?
Lorsque Thierry Francq indique que les produits complexes ne sont plus commercialisés auprès du grand public, sous-entend-il que l'on peut y accéder sur les marchés d'autres pays ?
Avant d'inviter le Président Jouyet à répondre aux questions, juste un point technique : avez-vous l'intention de proposer une réglementation des fonds à valeur liquidative constante, sujet abordé la semaine dernière par Édouard Vieillefond, secrétaire général adjoint de votre institution.
Au niveau européen, nous serions favorables à une interdiction de ces produits, mais nous sommes en butte à l'opposition de certains pays...
S'agissant de la baisse du nombre d'infractions, si nous constatons de moins en moins de faits, c'est parce que la crise économique se traduit par moins d'activité, et en particulier moins de grandes opérations boursières, ce que, du point de vue de nos ressources, je ne peux, bien entendu, que regretter.
Sur les agences de notation, notre sentiment n'a pas changé, mais elles relèvent déjà d'une procédure d'enregistrement européenne, l'AEMF étant aussi en charge de leur surveillance en termes de conflits d'intérêts, de transparence capitalistique ou de la stabilité des critères de notation. Au niveau national, il ne nous revient pas de nous substituer à cette instance, mais en revanche, lorsque nous observons des faits troublants, nous ouvrons une enquête comme c'est aujourd'hui le cas à l'encontre d'une de ces agences concernant une notation de dette souveraine.
S'agissant du cumul des fonctions d'administrateurs, les règles actuelles sont respectées et c'est au législateur qu'il revient de dire si elles doivent être durcies. Mais j'insiste sur la distinction qui doit être faite entre les administrateurs selon qu'ils exercent ou non des fonctions exécutives ; le cas échéant, la France pourrait considérer avec intérêt les règles en vigueur dans un certain nombre de pays, notamment anglo-saxons.
Se pose aussi la question du point de savoir si les cumuls de fonctions se produisent ou non à l'intérieur d'un même groupe.
Tout à fait. A propos du livret A, notre sentiment, sachant que nous ne sommes pas le régulateur bancaire, est que l'on assiste davantage à un transfert entre dépôts à court terme plutôt qu'un transfert de l'épargne à long terme vers le court terme.
La question du faible nombre d'interdictions temporaires ne relève pas directement du collège que je représente, ni du secrétariat général confié à Thierry Francq, et nous regrettons cette situation. Elle relève de la commission des sanctions avec laquelle il pourrait être utile que nous ayons un dialogue sur ce point.
Sur les produits défiscalisés de type SCPI, un travail est en cours pour renforcer les contrôles.
Il est vrai que l'on voit pulluler des produits de tous ordres, en marge de nos compétences car elles sont situées entre les produits financiers et d'autres formes d'investissement. Cela nous inquiète et nous lançons des alertes. Il y a peut-être des améliorations à réaliser sur les champs de contrôle, un certain nombre de produits tirant parti de vides réglementaires. Les produits d'investissement immobilier sont sous l'empire de la loi Hoguet qui n'est pas, à nos yeux, très protectrice des investisseurs.
Mais il y a beaucoup d'autres exemples. Nous venons, par exemple, de faire une alerte à propos d'une société hong-kongaise qui propose de la gestion de containers aux Néo-calédoniens avec une promesse de rendement de 12 %. Ces cas sont de plus de plus fréquents et relèvent souvent de l'escroquerie.
En matière de taxation de dividendes, il convient d'effectuer de bons dosages, notamment en faisant attention à l'équilibre entre le traitement du versement des dividendes et celui des rachats d'actions par les sociétés, sachant qu'actuellement nous assistons à un développement de ces derniers.
A la question relative à la mise en place d'une gouvernance européenne, limitée ou non à la zone euro, je répondrai, à titre personnel, en tant qu'Européen, que le statu quo n'est pas possible et qu'il convient d'aller plus loin dans la gouvernance de la zone euro.
Mais la question est extrêmement difficile de savoir comment, du fait de l'importance de la place de Londres en particulier, s'assurer qu'une telle réglementation ne se traduira pas par des délocalisations. Cela pose le problème de l'articulation entre la zone euro et le marché intérieur, question sur laquelle nos amis britanniques ont déjà introduit un certain nombre de recours. Mais, pour reprendre votre expression, il faut un saut qualitatif au sein de la zone euro. Il faut prendre des risques mais, si l'on ne fait rien, l'on n'arrivera à rien et l'on restera dans une situation d'infériorité.
S'agissant de la situation financière de l'AMF, le niveau de réserves financières qui me semble raisonnable représente une demi-année de fonctionnement. Il y a trois ans, j'aurais plutôt répondu une année, mais entre-temps le législateur a apporté davantage de stabilité à nos ressources, ce qui nous permet d'être un peu moins prudents. Une certaine volatilité demeure toutefois, nos bases étant en partie fondées sur des valeurs de marché. Je n'avais pas d'inquiétudes sur la situation financière de l'AMF à la fin de l'année 2011 pas plus que je n'en ai aujourd'hui, mais on ne peut de toute façon pas faire tendre nos réserves vers zéro...
Quelques rappels sur la volumétrie de nos contrôles : sont soumis à notre contrôle 1 069 intermédiaires financiers, 6 000 conseillers en investissements financiers et 12 000 OPCVM. En 2011, nous avons également examiné 3 000 publicités pour des produits financiers, 850 documentations commerciales et 143 millions de transactions sur les marchés grâce à d'importants moyens informatiques. Je viens d'ailleurs d'être obligé d'accepter une nouvelle augmentation de nos capacités qui atteignent désormais 30 téraoctets.
Nous effectuons des tests statistiques sur l'ensemble des carnets d'ordres, sachant que le nombre d'ordres se compte en milliards. Aujourd'hui, nous disposons donc à peu près des moyens pour accomplir notre mission. Notre effectif est d'un peu moins de 450 agents, pour un plafond d'emplois de 469. Toutefois, de nouvelles formes de contrôle vont être introduites par les directives européennes, et ces moyens devraient donc être à peine suffisants.
Se pose la question de notre capacité à effectuer plus de contrôles. Il est difficile de déterminer si nous atteignons aujourd'hui un bon taux de contrôle, mais je pense que nous sommes à un niveau raisonnable. Nous demeurons vigilants car des incertitudes demeurent sur les moyens qu'exigera notamment la directive EMIR (European Market Infrastructure Regulation) sur la régulation des dérivés de gré à gré, en ouvrant un nouveau champ de contrôle affectant à la fois les institutions financières et non financières.
Comment vous situez-vous par rapport aux autres autorités européennes ?
En termes d'effectifs, nous sommes une autorité moyenne, ce qui ne correspond pas au rang réel de la France, puisque nous nous situons entre l'autorité espagnole et l'autorité néerlandaise, le contrôle des 143 millions de transactions étant effectué par seulement 150 personnes. Malgré les moyens supplémentaires octroyés par le Parlement, l'AMF demeure donc une PME. D'où l'importance de la question du partage des rôles entre les niveaux européen et national. De ce dernier relèvent notamment les enquêtes, les contrôles, le suivi des groupes et des sociétés de gestion, ou les retraits d'agrément. Quant à l'enregistrement et la régulation des groupes ou entités transnationaux comme les agences de notation, ils ont été transférés au niveau européen. Enfin, la discussion des réglementations européennes se fait au niveau de l'AEMF. L'un des défis que les opérateurs de moyenne importance comme l'AMF auront à remplir dans l'avenir consistera à assurer, avec leurs moyens, des responsabilités plus importantes liées à l'application des directives européennes.
Cela rejoint la question du partage des compétences entre l'AMF et l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et de la nécessité d'une coordination plus étroite, sachant qu'il existe par exemple, entre les deux institutions, un pôle commun de surveillance des produits d'épargne. Il appartient au législateur d'examiner s'il ne serait pas opportun de renforcer cette coopération par le biais d'une rationalisation des moyens.
Concernant la culture financière des Français, les résultats évoqués proviennent d'enquêtes de connaissances faites auprès de l'opinion. Ils montrent un retard de notre pays par rapport aux pays anglo-saxons et scandinaves. Par un effort de tous les instants, nous sensibilisons les acteurs financiers à la nécessité de faire preuve de davantage de pédagogie financière et de consacrer plus de leurs moyens aux associations de consommateurs ou de défense des épargnants, le législateur et le régulateur devant, quant à eux, travailler ensemble sur ces sujets. Je ne pense pas que les opérateurs puissent logiquement, d'un côté, se plaindre de ce que les Français n'aiment pas la finance et de l'autre, ne pas faire cet effort de pédagogie.
Les chambres de compensation représentent un véritable enjeu industriel pour lequel rien n'est gagné. Développer des chambres de compensation dans la zone euro pour contrôler l'ensemble des contrats qui sont adossés en liquidités libellées dans cette devise présente un intérêt géostratégique essentiel pour lequel il faut se battre politiquement. Mais croyez bien que le Royaume-Uni n'est absolument pas décidé à se laisser faire !
Je partage votre avis quant aux risques systémiques des marchés de matières premières. L'on observe effectivement une financiarisation et une utilisation des produits dérivés de plus en plus importantes sur les marchés énergétiques et agroalimentaires et l'écart entre les transactions physiques et les transactions financières ne cesse de se creuser, à tel point qu'il devient très complexe de déterminer la part du trading réalisé pour compte propre, pour compte de tiers, ou, physiquement, par les opérateurs eux-mêmes. Le caractère de plus en plus virtuel de ces marchés me semble effectivement grave.
Sur les produits de titrisation, en dehors de la bonne décision d'obliger aux banques un taux de rétention de 5 %, il n'y a malheureusement pas eu d'initiative législative. Il faut cependant signaler l'action de la BCE, qui a créé une forme de label indiquant les organismes autorisés à utiliser des actifs titrisés comme collatéraux à un refinancement auprès d'elle. Mais celui-ci ne sert qu'au refinancement auprès de la banque centrale et n'a pas de caractère public.
A mon sens, il faut donc une initiative législative afin de créer un label européen officiel, d'autant plus que l'on assiste, dans certains pays, au développement de nouveaux SPV (Special Purpose Vehicle), c'est-à-dire des formes non régulées de titrisation, qui sont actuellement sans impact sur la France mais révèlent qu'il existe un risque réel d'assister aux mêmes dérives que celles observées aux Etats-Unis en 2008.
Je tiens à préciser que nous n'interdisons pas de produits. En Europe, les règles d'organisation des institutions sont fondées non pas sur une base territoriale mais sur la nationalité : nous ne régulons donc pas les succursales françaises d'un établissement anglais ou allemand. En revanche, les règles de commercialisation relevant de la compétence territoriale, nous essayons de les utiliser au maximum pour réguler. Si nous arrivons presque à interdire les produits les plus exotiques, nous n'y parvenons toutefois pas complètement.
Si vous faites un communiqué pour mettre en garde le public, ce n'est certes pas une interdiction mais cela constitue tout de même une forte dissuasion.
Je crois que vous sous-estimez le pouvoir de persuasion des commerciaux. S'agissant des produits complexes, le coeur du problème se situe dans les rétro-commissions. Quand un vendeur ou un conseiller en investissements financiers perçoit une rétro-commission, qui peut être supérieure à 5 % du montant, tous les avertissements ne suffisent pas à entamer sa motivation.
La question est posée au niveau européen.
Le législateur est responsable, en ouvrant des brèches avec les niches fiscales.
Dans le sens de ce que dit le président Arthuis, nous voyons effectivement que les effets peuvent être démultipliés.