La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral.
Article 2
La suspension du dîner nous a permis d’apprendre une nouvelle importante, dont M. le ministre de l’intérieur, chargé des cultes, a dû prendre connaissance avec beaucoup d’attention.
Mais revenons-en au projet de loi qui nous est soumis.
Un système électoral repose sur deux principes, l’équité et l’efficacité. Depuis quelques années, on y a ajouté un autre paramètre, la parité.
La révision de la Constitution proposée voilà quelques années par Jacques Chirac – je ne suis pas sûr que tous nos collègues siégeant de l’autre côté de l’hémicycle l’aient votée ! – visait non pas à prévoir un partage des responsabilités à parité entre les hommes et les femmes, mais, simplement, à instaurer l’égalité des chances pour l’accès aux mandats.
À mes yeux, équité se conjugue avec proximité. Or, contrairement à ce qu’a affirmé tout à l'heure avec force l’un de nos collègues socialistes, qui exerce, par ailleurs, les fonctions de premier vice-président de la Haute Assemblée, la proximité ne sera pas au rendez-vous avec le système que vous nous proposez.
En effet, le nombre de cantons sera divisé par trois dans les zones rurales. L’un de nos collègues indiquait que, avec la création du conseiller territorial, le nombre de cantons serait passé de trente-six à vingt-cinq dans son département.
Je me permets de lui faire remarquer que celui-ci comptera dix-huit cantons avec le système proposé par le Gouvernement !
La création de gros cantons dans le monde rural rompt avec l’esprit de proximité entre élus et administrés qui prévaut actuellement.
En ce qui concerne l’équité, il est vrai que le monde rural pèse, aujourd'hui encore, plus lourd que le monde urbain. Mais c’est, après tout, une façon de contrebalancer d’autres forces qui existent dans notre République. Le monde rural a besoin d’être représenté et sécurisé. À cet égard, le système actuel lui est, me semble-t-il, plus favorable.
Parlons maintenant de l’efficacité. Vous avez inventé un système que j’entends fustiger ici. §
Le conseiller territorial a été, d’une certaine façon, vilipendé, quelque peu défiguré, contesté, au travers d’un certain nombre de campagnes qui se sont révélées assez fructueuses. Cependant, j’ai noté, cet après-midi, qu’il semblait avoir repris quelques couleurs dans notre assemblée… §
En effet, j’ai entendu certains de nos collègues avancer l’idée que, finalement, ce système était meilleur que celui qui nous est aujourd'hui proposé.
Pour être tout à fait sincère, je reconnais que personne n’a défilé, chez moi, pour défendre le conseiller territorial.
M. Jean-Claude Lenoir. Mais avez-vous entendu beaucoup de personnes dire, y compris dans les cellules de votre parti
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
… que le scrutin binominal était « la » solution pour assurer la représentation du monde rural ?
Pour ma part, je n’ai entendu que des brocards contre ce système associant, sur un même territoire, deux personnes qui seront soudées le temps d’une campagne électorale, avant d’être libres, une fois l’élection passée, de défendre des opinions tout à fait divergentes. Ces moqueries émanaient même de personnes ayant voté pour l’actuel Président de la République et partageant, pour l’essentiel, vos vues… Il s’agit d’un système rocambolesque, croquignolesque, qui frise le ridicule : de nombreux Français ne tarderont pas à en être convaincus !
Applaudissements sur les travées de l'UMP . – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Je regrette l’absence de notre collègue Éric Doligé, car je souhaitais revenir sur son intervention.
Il se trouve que j’étais moi aussi présent à la réunion du 6 février dernier au siège de l’Assemblée des départements de France, rue Duguay-Trouin. M. Doligé a voulu nous faire croire que les propos alors tenus avaient trait au projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Or, les quelques autres collègues présidents de conseil général ici présents peuvent en attester, le président de l’ADF nous avait convoqués pour discuter du premier document de travail remis par Mme la ministre déléguée à la décentralisation, qui appelait effectivement un certain nombre de remarques. Il ne s’agissait nullement du projet de loi qui nous est soumis.
Pour terminer, je dirai un mot au sujet du binôme, dont le fonctionnement serait, selon certains, dont M. Lenoir, voué à être irrémédiablement mauvais.
Nous sommes un certain nombre ici à avoir été élus en binôme. Or, je n’ai pas noté de dysfonctionnements ou de divergences profondes entre ces sénateurs élus dans un même département, dont la situation s’apparente à celle des futurs conseillers départementaux. §
Mon collègue Michel Boutant m’a « confisqué » une partie de mon intervention…
Voilà déjà longtemps que j’ai appris que tout, dans la vie quotidienne, professionnelle ou politique, est question de présentation.
Je ferai observer qu’il y a, dans cet hémicycle, six ou huit sénateurs qui ont été élus en binômes paritaires sur les mêmes listes, à la proportionnelle, …
Dans les communes de plus de 3 500 habitants, pour lesquelles s’applique la proportionnelle, il arrive que certaines listes n’aient que deux élus, qui sont obligatoirement un homme et une femme.
Là aussi, on pourrait parler de binôme. Cette notion n’est donc pas aussi abominable, croquignolesque, …
… ridicule que d’aucuns le prétendent !
Peut-être aurait-il fallu, monsieur le ministre, parler non pas de binômes, mais de scrutin de liste à quatre candidats, …
(Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Ainsi, on n’aurait pas passé une heure et demie sur le mot « binôme » !
Mme Anne Emery-Dumas et M. Claude Dilain applaudissent.
Beaucoup de choses ont déjà été dites, mais on peut, me semble-t-il, aborder le problème sous un autre angle.
Du fait de son histoire et de ses fonctions, le département est une collectivité très particulière ; dans le monde rural, il est la collectivité de proximité par excellence. Pour cette raison, la question du mode d’élection des conseillers appelés à siéger au sein de son assemblée mérite une réflexion approfondie.
Depuis très longtemps, deux tendances s’opposent : les uns sont favorables à la proportionnelle intégrale et à un scrutin de liste, les autres prônent une élection territoriale, uninominale ou binominale.
Personne n’a le monopole de la défense de la ruralité.
Les partisans des départements – ils sont nombreux dans cet hémicycle – reconnaissent que trois problèmes se posent : il faut harmoniser le chiffre de la population des cantons, instaurer la parité, mieux répartir les compétences entre région et départements.
Naguère, les promoteurs du conseiller territorial faisaient valoir que la création de ce nouvel élu réglerait le problème de la population des circonscriptions et celui du partage des compétences, les mêmes élus siégeant dans les exécutifs des deux collectivités. Aujourd’hui, le système du scrutin binominal permettra de régler le problème de la parité et celui de la population des circonscriptions, mais pas la question de la répartition des compétences.
Nous sommes donc confrontés à un blocage entre droite et gauche. En vrai centriste, je pense qu’il faut en sortir et avancer, puisque la plupart d’entre nous sont d’accord sur le mode de scrutin à retenir, les partisans de la proportionnelle étant nettement minoritaires dans notre assemblée.
À titre personnel, je serais prêt à m’abstenir, à condition que la marge de variation de la population cantonale par rapport à la moyenne départementale soit portée à 30 % et que le seuil pour le maintien au second tour soit fixé à 12, 5 % des inscrits.
Nous pouvons au moins tomber d’accord sur ce constat : nos concitoyens, surtout les plus jeunes, identifient mal leurs élus et ne sont pas très au fait des compétences des différentes collectivités, même quand ils ont suivi de bonnes études. Ils connaissent bien le maire de leur commune, le député, mais très peu les autres élus. Ce problème d’identification ne risque-t-il pas de s’aggraver encore si deux conseillers territoriaux représentent un même canton, sans parler de leurs suppléants ?
Personnellement, j’attache beaucoup d’importance au lien entre l’élu et son territoire. Aujourd’hui, quand un problème survient sur une route départementale ou au collège, c’est vers le conseiller général que se tournent les citoyens, en tout cas ceux d’âge mûr. Il en va de même en cas de difficulté d’ordre social, en matière de transports scolaires ou de déneigement des routes. Les choses seront-elles aussi claires, demain, quand deux conseillers territoriaux seront élus dans un même canton ? Je n’en suis pas certain.
Par ailleurs, les nouveaux cantons seront plus étendus que ceux que nous connaissons actuellement, surtout en milieu rural. Le lien de proximité entre élus et population s’en trouvera distendu.
Enfin, même quand les deux conseillers départementaux s’entendront bien et s’efforceront d’être présents sur tout le territoire, ne vont-ils pas privilégier les communes les plus importantes, au détriment des petites ? Les parties du territoire les moins peuplées ne seront-elles pas davantage encore délaissées ?
On a fait remarquer que les défenseurs du conseiller territorial n’étaient guère nombreux. Pour ma part, j’ai toujours été très favorable à sa création.
Avec le conseiller territorial, la représentation de mon département au conseil régional aurait été beaucoup plus forte : nous y aurions compté vingt-sept élus, contre neuf aujourd’hui. En outre, pour avoir été pendant treize ans en même temps conseiller général et conseiller régional, je puis vous dire qu’un très grand nombre de dossiers sont instruits en double, dans les deux instances. La création du conseiller territorial aurait permis de clarifier le partage des rôles entre la région et les départements. Le travail des élus en aurait été simplifié et quelques économies de personnel auraient pu être réalisées. C’est pourquoi je continue de défendre le conseiller territorial !
En tant que représentant d’un département rural, je trouve que la marge de population de 20 % par rapport à la moyenne départementale est beaucoup trop étroite et qu’il faudrait la porter au minimum à 30 %. Monsieur le ministre, un tel assouplissement est particulièrement important pour les territoires ruraux ou de montagne : s’il était apporté, nous pourrions peut-être arriver à un accord, même si, sur le fond, le système proposé ne me paraît pas bon !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Certains de nos collègues s’inquiètent du fait que plusieurs élus représenteront un même territoire.
Quels problèmes ? Plusieurs élus d’un même type sur un même territoire : c’est une situation qui existe déjà dans les régions, les communes, au Sénat, à l’Assemblée nationale. Faut-il en faire toute une histoire ?
Que l’on me permette de saluer ceux de nos collègues qui soutiennent le scrutin proportionnel.
Leur position est claire, simple et compréhensible : avec la proportionnelle, on peut constituer des listes paritaires.
Reste que nombre de nos collègues, sur différentes travées, ne sont pas favorables à la proportionnelle. Ils veulent un ancrage local, dans une circonscription. En même temps, ils sont, comme nous tous, attachés à la Constitution, qui impose la parité.
« Non ! » sur les travées de l’UMP.
Ceux de nos collègues qui, tout en refusant la proportionnelle au nom de l’ancrage local, combattent le système prévu par le projet de loi, que proposent-ils pour réaliser la parité sans qu’elle soit reportée aux calendes grecques ? Le fait est que, aujourd’hui, certains conseils généraux ne comprennent qu’une ou deux femmes : tout le monde s’accorde à juger que ce n’est pas acceptable.
On a imaginé des pénalités financières, mais cette solution ne marche pas, et du reste je ne crois pas que ce soit un bon moyen de défendre la cause des femmes.
Que proposent les partisans d’un ancrage territorial pour tendre vers la parité ? Il est facile de s’opposer, mais il faut aussi dire ce que l’on veut !
J’ai lu, dans un quotidien régional, un article dans lequel un personnage important prétendait que la réforme envisagée signerait la mort des départements.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pensez-vous vraiment que le fait qu’il y ait autant de femmes que d’hommes dans les futurs conseils départementaux marquera la mort des départements ? À ce compte-là, les villes de plus de 3 500 habitants sont déjà mortes, et les régions aussi !
Protestations sur les travées de l'UMP.
Si l’on rejette la proportionnelle au nom de l’ancrage local tout en voulant, de bonne foi, progresser vers la parité, il faut proposer quelque chose. Or je n’entends aucune proposition !
M. Collombat a proposé une forme de proportionnelle infra-départementale.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je rappelle que j’ai commencé par saluer les tenants de la proportionnelle. En effet, même si ce n’est pas le projet du Gouvernement, ni celui que nous soutenons, je pense que leur position est cohérente. En revanche, il n’y a pas de cohérence à vouloir à la fois assurer l’ancrage local et faire progresser la parité sans rien proposer à cette fin !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 147 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L'amendement n° 205 rectifié est présenté par MM. Collombat, Barbier, C. Bourquin, Plancade et Tropeano.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest . Les propos de nos collègues sont toujours intéressants, parce qu’ils procèdent d’une expérience. J’ai beau n’être conseiller général que depuis trente-trois ans
Sourires.
Avec la réforme envisagée, ce n’est pas quatre, mais jusqu’à huit cantons que certains départements ruraux vont perdre. Des arrondissements entiers n’éliront plus que deux conseillers, alors qu’avec 130 ou 140 communes ils sont presque aussi étendus qu’une circonscription législative ! Or ce n’est pas tout à fait la même chose d’être député ou conseiller départemental.
Dans la foulée, vous proposez d’instaurer un binôme. Comme je l’ai déjà expliqué, nous allons être confrontés à un problème avec votre souci de maintenir à tout prix la parité : si l’un des membres du binôme décède au cours de la première année du mandat et qu’il n’a pas de remplaçant – cela peut arriver –, que se passera-t-il ? Le siège restera vacant pendant cinq ans !
Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste.
Pour ces raisons qui me paraissent dirimantes, je doute de la pertinence de ce binôme sur le plan juridique. Bien sûr, il sera finalement créé, puisque le dispositif a été adopté à l’Assemblée nationale, mais nous nous devions de réaffirmer en deuxième lecture notre opposition à cette bizarrerie juridique.
Plusieurs de nos collègues ont exprimé leurs inquiétudes, non pas pour eux-mêmes, mais pour le département. N’oublions pas que ce dernier sera confronté à d’autres évolutions, en particulier en matière de compétences. Pourtant, je pensais que le département avait gagné la bataille après la création du conseiller territorial.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce mode de scrutin, qui est à la fois ubuesque, ou croquignolesque, et néfaste.
Ubuesque, parce qu’on n’a jamais vu, pour employer une expression triviale, deux crocodiles dans le même marigot.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Élire deux personnes sur un même territoire fait d’ailleurs beaucoup sourire nos concitoyens quand on leur parle de cette mesure.
Néfaste, parce que, comme cela a été expliqué à plusieurs reprises, ce nouveau mode de scrutin s’accompagne d’un redécoupage qui portera un très mauvais coup à la ruralité. Nous aurons en effet des cantons immenses, qui, dans certains cas, réuniront 60, 70 ou 80 communes. Des cantons de cette taille, ce ne sont plus des cantons !
Ce dispositif n’est pas seulement critiqué par des élus de droite. Comme tous mes collègues, je rencontre sur le terrain de nombreux conseillers généraux, maires, conseillers régionaux. Tous ces hommes et ces femmes se sentent « interpellés », pour utiliser un terme très mesuré, par ce mode de scrutin pour le moins bizarre.
Yves Krattinger a certainement raison quand il dit que les préoccupations liées au binôme masquent vraisemblablement une inquiétude au sujet du redécoupage. C’est vrai qu’il faut redécouper les cantons, afin de parvenir à une meilleure équité démographique entre chacun d’entre eux. Mais ce qu’on nous propose ici est complètement différent : on cherche à redessiner l’ensemble de la carte cantonale !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Pour la première fois, le découpage qui nous est proposé, contrairement à la tradition républicaine, n’aura pas l’obligation de respecter la limite des circonscriptions. Ainsi, tout est permis au Gouvernement !
Il est donc normal que de légitimes inquiétudes se fassent entendre. D’ailleurs, un certain nombre d’élus se demandent avec quel canton leur propre canton sera regroupé. Or la situation est bien pire !
À moins que M. le ministre nous dise le contraire, et j’en serai ravi, il ne s’agit pas de redécouper les cantons, mais, je le répète, de tout redessiner, sans forcément tenir compte des cantons déjà existants. C’est la porte ouverte à tout !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 205 rectifié.
Jacques Mézard et moi-même avons été suffisamment explicites pour n’avoir pas à développer à nouveau nos arguments. Nous considérons donc que cet amendement a été défendu.
Nous nous trouvons dans un contexte un peu particulier. Quasiment au même moment, en Europe, se tiennent deux démarches assez analogues.
À Rome, les cardinaux sont réunis pour choisir un pape.
Rires.
À Paris, les sénateurs sont réunis pour essayer de faire progresser un texte que je crois positif. Ils n’y arrivent pas. Je n’en tire aucune leçon, je constate simplement que, depuis maintenant un certain temps – les deux dernières heures ont été riches d’expressions diverses –, nous discutons et argumentons.
Nous sommes tous d’accord pour atteindre deux objectifs.
Le premier est d’avancer dans le sens de la parité. Or, en la matière, ce n’est faire injure à personne que de le reconnaître, ce n’est pas la caractéristique première des conseils généraux, ce qui ne signifie pas que certains d’entre eux n’aient pas progressé En tout cas, ces dernières années ne montrent pas une formidable réussite. C’est plutôt un échec.
Le second objectif est de donner un souffle nouveau à cette instance, de la dynamiser, de la mettre en phase avec le monde d’aujourd’hui.
Quand on essaie de trouver les modes de scrutin permettant de répondre à ces deux objectifs, aucune solution ne réussit à emporter l’adhésion ou à recueillir l’enthousiasme, hormis peut-être une proportionnelle généralisée, qui constituerait un autre choix.
L’option retenue par le Gouvernement nous permet d’avancer dans les deux directions que je viens d’indiquer. C’est la raison pour laquelle je me trouve dans une situation quelque peu délicate : à titre personnel, je suis favorable à la proposition gouvernementale et donc défavorable aux amendements de suppression ; en tant que rapporteur, je dois vous dire, au nom de la commission, que je suis favorable à ces trois amendements identiques.
Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Disant cela, je retrouve le chemin de Rome.
Sourires.
En effet, je ne peux me sortir d’une telle situation qu’avec un certain esprit de sacrifice, dans lequel j’essaierai de ne pas me complaire.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Sourires.
M. Manuel Valls, ministre. Sans chercher à imiter Michel Delebarre à l’instant, je dirais que nous arrivons à un moment de vérité.
Sourires.
D’abord au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, il ne s’est pas trouvé de majorité pour le maintenir. Il n’y a pas non plus de majorité, cela vient d’être dit par Jean-Pierre Sueur, pour mettre en œuvre un scrutin de liste à la proportionnelle dans les départements, quel que soit le mode retenu, départemental ou intercommunal, ce deuxième choix dévoyant totalement les fondements de l’intercommunalité.
Certains se font ici les chantres de la connaissance du terrain. Personne, même un ministre qui a par ailleurs un mandat d’élu, n’a à donner de leçons sur la capacité à représenter un territoire, que celui-ci se trouve en Île-de-France, en PACA, en Bretagne, dans l’Est…
… ou en Normandie, d’ailleurs très éprouvée ces dernières heures.
En la matière, une chose est claire : faire reposer une nouvelle circonscription sur l’arrondissement, que personne ne connaît, ou sur l’intercommunalité, encore en plein mouvement, ne permettrait pas de l’asseoir véritablement. Comme de toute façon il est nécessaire de redécouper la carte électorale, en respectant les règles constitutionnelles rappelées par le Conseil d’État, faisons-le avec le sens de la mesure, de l’équité et de l’intérêt général.
À partir du moment où aucune majorité ne s’exprime en faveur du conseiller territorial ou du scrutin proportionnel et que le principe de la parité est incontournable, le mode de scrutin binominal s’impose, même si j’entends les noms d’oiseaux tout à fait sympathiques dont ses détracteurs le qualifient.
Au moment de la mise en œuvre du binôme, qui représentera un changement important, il faudra bien évidemment expliquer son fonctionnement. Au demeurant, en s’en tenant au statu quo, mais dans le cadre d’un nouveau découpage, aucun département n’aurait comptabilisé des cantons de 1 000 ou 2 000 habitants. Une campagne d’explication aurait donc été nécessaire.
Le scrutin binominal permet une meilleure représentation et la parité. Certains distinguent l’évolution vers la parité de l’obligation de parité. Mais cela ne fonctionne pas ainsi ! Dans le cadre d’un scrutin de liste, la parité s’impose, en effet. S’il s’agit d’un scrutin majoritaire, comme c’est le cas jusqu’à présent pour les élections législatives, l’élection est régie par des lois très précises concernant les formations politiques et leur financement, ce qui n’est pas envisageable pour les élections départementales, comme l’a d’ailleurs très bien expliqué Gérard Longuet.
L'autre système, c’est donc celui du suppléant – de la suppléante, en l'occurrence. Vous avez vu le résultat ? En 2011, la parité a connu une régression. Et, alors même que cela n’a pas été possible jusqu’à présent, vous voudriez nous faire croire que, en gardant le système ancien, on assisterait subitement à un changement et que celle-ci progresserait !
Il faut que les choses soient claires : le vote qui va suivre sera non seulement important pour la suite de la discussion de ce texte par le Sénat, mais il éclairera également les prochains débats à l'Assemblée nationale. Il appartient donc à chacun de prendre ses responsabilités.
Je vais dire les choses très directement : certains veulent le rejet de cet article pour des raisons politiques, mais, in fine, nous devrons bien nous retrouver autour de ce mode de scrutin. Il serait dommage de perdre du temps – je ne me place pas sur le plan individuel – et que le Sénat ne porte pas lui-même cette réforme. J'écoute évidemment les uns et les autres avec la plus grande attention et chacun est ici totalement libre, mais sachez que ce scrutin représentera une vraie révolution pour la représentation des territoires à travers la parité.
Le président de la commission des lois et son rapporteur doivent savoir que, pendant les débats, je resterai ouvert à deux évolutions qu’ont évoquées certains d’entre vous : d’une part, la possibilité de modifier, pour des raisons que j’expliquerai, le tunnel de 20 % ; d’autre part, les conditions de qualification pour le second tour, même si nous n’allons pas engager un débat théologique ou idéologique sur 10 % ou 12, 5 %.
Si ce sont des conditions pour aboutir à un accord, le Gouvernement ne s'opposera pas à ces mesures.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l’examen du texte en première lecture.
S’agissant de l’évolution du tunnel de 20 % à 30 %, le travail mené au Sénat et à l’Assemblée nationale, en particulier par Frédérique Massat et Laurent Wauquiez, tous deux élus de zones de montagne, montre que, compte tenu des critères qui ont présidé au redécoupage, la fixation d’un seuil de 30 % est nécessaire dans de nombreux départements.
L’Assemblée nationale a intégré les critères de zone de montagne, de zone littorale, de superficie et du nombre de communes. Ne pensez-vous pas que la prise en compte de l’ensemble de ces critères et le passage à 30 % du tunnel permettra une représentation juste et équilibrée des territoires ? Ne pensez-vous pas, dès lors, qu’il faut en finir avec tous ces arguments que nous avons entendus depuis le début ? Comme si certains, ici, voulaient remettre en cause les départements ruraux !
Ce texte, avec les modifications qui y seront apportées et avec les évolutions qu’accepte le Gouvernement, permettra à la fois la représentation des territoires et la parité. Elle est là, la modernité ; il est là, le changement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Dans les quelques instants qui restent avant le vote, je vous invite à y réfléchir. Le Sénat – et je m’adresse à la fois aux élus de la majorité et aux élus de l'opposition – s'apprête à supprimer un article, alors même que le Gouvernement est prêt à accepter des avancées afin d’assurer la représentation de tous les territoires, quels qu’ils soient – urbains, périurbains, ruraux –, afin de renforcer les liens entre les élus et les citoyens.
Cessons de dire que deux élus ne pourront pas représenter un territoire : ils seront élus ensemble, ils mèneront campagne ensemble, ils seront souvent élus pour le premier du chef-lieu, pour le second de l'autre partie du territoire ; ils seront capables de représenter et de quadriller ce territoire, d’en défendre les intérêts, lequel territoire sera d'ailleurs mieux défendu par un homme et par une femme, grâce au renouvellement que les électeurs permettront à travers ce processus. Ce sera cela, le changement ! Et vous vous apprêteriez à dire non à cet article et à ces avancées du Gouvernement à la fois sur la représentation des territoires et sur la parité ? Mais, enfin, le Sénat a l'occasion de se montrer profondément moderne, en avance, et de changer nos territoires !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs, travaillons à cette avancée. Je l’ai déjà dit, et il est important de le souligner, le Conseil d'État sera saisi et émettra un avis sur chaque projet de redécoupage des départements.
Par ailleurs, il est déjà prévu que chaque conseil général donne également son avis.
Non, mais ce qui est nouveau c’est que, pour la première fois, un gouvernement va procéder à un redécoupage général, puisque deux tiers des cantons n'ont subi aucune modification depuis 1801.
Je m'engage évidemment à respecter ces avis. Bien sûr, il y aura parfois des avis négatifs pour des raisons politiques, mais grâce à ce travail avec les conseils généraux, grâce à cette consultation des grands élus départementaux, je suis sûr que nous parviendrons à respecter l'intérêt général.
Ne comparons pas ce processus avec celui qui prévaut pour le redécoupage des circonscriptions législatives. Certes, il existe une commission, mais, si l’on s’en tient au dernier redécoupage, honnêtement, on ne peut pas dire que celui-ci ait donné entière satisfaction dans l’ensemble des départements, bien que cette commission ait eu à sa tête une personnalité tout à fait honorable, ancien président du Conseil constitutionnel, mais aussi ancien secrétaire général du RPR…
En tout cas, l’objectif est bien de procéder à un redécoupage général qui soit aussi juste qu’équilibré.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que vous ne passiez au vote, je veux vous dire qu’il serait regrettable que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, ne porte pas lui-même ce texte. Le Gouvernement, pour sa part, tiendra son rôle, ici et à l’Assemblée nationale, jusqu’à l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire. Il fera preuve de sa capacité d'écoute et manifestera sa volonté de trouver une solution.
Je veux également dire aux élus de la majorité qu’il est tout à fait normal qu’il existe des différences entre nous et qu’il est cohérent de défendre la proportionnelle. Mais la majorité doit saisir l'occasion de se retrouver sur ces thèmes de la représentation des territoires et de la parité. Que chacun prenne ses responsabilités pour ne pas laisser passer cette possibilité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Dans cette assemblée, nous sommes habitués aux postures politiques. Éric Doligé nous a ainsi rapporté les déclarations d’un certain nombre de sénateurs de gauche, présidents de conseil général. À mon tour, je voudrais rappeler ce que disait notre collègue lors du bureau de l'Assemblée des départements de France qui s’est tenu le 10 juillet 2012 : à cette occasion, il s'était déclaré favorable au scrutin binominal, ajoutant que le redécoupage cantonal ne devrait pas favoriser les agglomérations.
Quant à notre collègue Bruno Sido, il déclarait au cours de ce même bureau que le temps était compté pour se positionner, faisant remarquer que le report des élections cantonales n'était pas encore décidé. Il se montrait alors défavorable au scrutin proportionnel et plutôt favorable au scrutin binominal majoritaire.
Mes chers collègues de l'UMP, qu'avez-vous fait ce soir de vos collègues femmes ? Je n'en vois pas ! Serait-ce qu’elles n'ont pas voulu entendre vos propos sur la parité ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – Exclamations sur les travées de l'UMP.
La démonstration vous a été faite que ce mode de scrutin ne mettait pas à mal la représentation des territoires ruraux.
Dans la Vienne, vous faites disparaître la représentativité des territoires ruraux !
Mes chers collègues, sur un tel sujet, nous devons faire bien attention aux décisions que nous prenons. Le Sénat, en tant que représentant des collectivités territoriales, s'honorerait à poursuivre l’examen de ce projet de loi.
Gérard Bailly nous a déclaré qu’un tunnel de 30 % serait largement préférable. Eh bien, mon cher collègue, ne votez pas ces amendements de suppression si vous voulez vraiment parvenir à cet objectif et permettez ainsi au débat de se poursuivre.
Le ministre vous a donné ces garanties. Vous pouvez attacher du prix à sa parole !
L’intérêt des collectivités territoriales, ce n’est pas du marchandage !
M. Pierre-Yves Collombat. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais je ne peux accepter sans rien dire vos propos, monsieur le ministre.
Ah ! sur les travées de l'UMP.
Vous le savez, j'ai combattu pied à pied le conseiller territorial parce que je pensais que c'était une calamité, et je continue à le penser. J'ai pris mes responsabilités, et je continuerai de les prendre parce que j’estime que le mode de scrutin qui nous est proposé n'est pas bon. S’il n’en existait pas d’autre, comme vous le prétendez, je l’aurais accepté, car concilier une représentation des territoires avec la parité est un bon objectif.
Quand vous dites que je dévoie l'intercommunalité en faisant de celle-ci la base des circonscriptions, de qui se moque-t-on ? Dévoie-t-on la commune parce que celle-ci désigne des délégués pour l’élection des sénateurs ? En quoi ma proposition est-elle extraordinaire ? Le découpage auquel vous allez procéder est-il appelé à la même longévité que les intercommunalités ? On peut très bien imaginer de se fonder sur les intercommunalités pour définir les circonscriptions. Vous ne devriez pas insulter l'avenir : je suis persuadé que c'est vers ce mode de scrutin que l'on ira, parce qu’il permet d'articuler les intercommunalités, qui sont désormais un élément fondamental de notre organisation territoriale, avec le département, leur référent normal.
Il est quand même étrange de passer son temps à faire de l'intercommunalité le nec plus ultra, la panacée pour régler tous les problèmes et de ne pas suivre, dans le cas présent, cette logique.
L’occasion nous était offerte de donner un contenu concret à ces circonscriptions, d’en faire des circonscriptions à taille humaine dans lesquelles les gens se seraient reconnus, d’introduire un mode de scrutin proportionnel et donc de régler le problème de la parité. Ce n’est pas la voie qui a été choisie. Pourquoi ? Non pas pour des raisons de fond, mais parce que la décision avait préalablement été prise !
Moi, je ne suis pas là pour négocier un seuil de 20 % ou de 30 %, même si c’est cette seconde solution qui recueille mon adhésion. Vous prendrez vos responsabilités et nous verrons bien la suite !
Je voterai les trois amendements de suppression, principalement pour une raison : je ne suis pas convaincu du bien-fondé de ce binôme.
Actuellement, si le conseiller général est un homme, le suppléant est une femme, ou inversement. Le système vaut ce qu’il vaut, mais au moins avons-nous encore des cantons à taille humaine.
Pour ma part, j’ai été élu, en 1998, dans le plus petit canton des Ardennes. Déjà, à l’époque, on soutenait au simple conseiller général que j’étais que ce canton de moins de 2 000 habitants était voué à disparaître. Certes, cela peut faire sourire, mais ce n’est pas parce qu’un canton est petit que les élus n’ont rien à faire. Ils font vivre la ruralité !
Mon canton appartient à un arrondissement rural de 123 communes. Après la réforme, il restera peut-être deux cantons, ce qui fera une soixantaine de communes chacun pour notre binôme homme-femme. Je vous avoue ma perplexité, comme certains de nos collègues l’ont dit avec force, quant à la forme de gouvernance.
Nous défendons le département. Je ne doute pas que les conseils généraux garderont leurs compétences, et je fais confiance au Gouvernement sur ce point. Pour autant, je ne puis que réaffirmer la perplexité que m’inspire le binôme que l’on veut mettre en place, car je ne vois pas comment il pourra fonctionner.
Je suis toujours surpris de constater combien le travail de l’assemblée plénière peut paraître caricatural par rapport à celui effectué en commission.
Monsieur Miquel, j’ai pour vous la plus grande estime, mais il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Votre intervention aurait mérité d’être plus nuancée…
Pardonnez-moi de citer un exemple personnel, mais il se trouve que, en première lecture, j’avais déposé un amendement qui prévoyait la parité pour les fonctions de président et de premier vice-président du conseil départemental : si le président est une femme, le premier vice-président doit être un homme, ou vice-versa. Cet amendement avait reçu un avis défavorable tant de la commission des lois que du Gouvernement. Michel Delebarre ayant depuis avancé dans sa réflexion, la commission l’a accepté en deuxième lecture. Cet exemple montre bien que nous avons une conception qualitative de la parité et pas, contrairement à vous, une vision mathématique.
Cela étant, j’en viens à l’essentiel.
Comme tous mes collègues du groupe UMP, je suis hostile au principe du binôme pour les raisons qui ont été développées notamment par Jean-Jacques Hyest. Si ce dispositif était adopté, j’irai expliquer dans mon département pourquoi j’y étais opposé et que, si j’ai été battu, c’est parce que je suis dans la minorité. Vous auriez fait de même, mesdames, messieurs de la majorité, si le conseiller territorial avait prospéré. Après tout, il s’en est fallu de 1, 5 % des voix à l’élection présidentielle pour que le conseiller territorial l’emporte…
Rassurez-vous, je n’ajouterai pas un énième discours à la discussion générale, aux interminables interventions sur l’article 2 et aux explications de vote sur les amendements de suppression. Si je prends la parole, c’est pour expliquer pourquoi, bien que partageant au mot près les arguments de Jean-Jacques Hyest et d’Hervé Maurey, je ne voterai pas les amendements de suppression.
Nous avons tous défendu, notamment dans les rangs de l’opposition, la ruralité et la proximité. Pouvons-nous tenir pour rien l’élargissement de 20 % à 30 % du tunnel, qui permettra de mieux prendre en compte le problème de la ruralité dans chaque canton ?
Je ne souhaite pas, et je crois ne pas être le seul, que le Front national arbitre les seconds tours pour faire élire, au gré de ses caprices, ici des candidats de gauche, là les candidats de droite. Il me semble que le seuil de 12, 5 % nous permettra d’éviter cela.
L’élection au suffrage universel direct par le fléchage des conseillers communautaires, des délégués des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale nous semble mériter de la souplesse. Nous avons pu par nos travaux éviter ce cumul de mandat obligatoire pour tous les premiers de liste. À quoi aura servi le travail partenarial et respectueux des opinions de chacun de la commission des lois, à quoi auront servi les innombrables avancées que ce travail a permises, notamment sur les modalités et la transparence du découpage cantonal, par exemple, si l’article 2 venait à être rejeté ? Une telle issue placerait le Sénat dans l’incapacité d’affronter la commission mixte paritaire avec un rapport de force égalitaire.
Je souhaite défendre l’institution sénatoriale. Le Sénat, avec les responsabilités éminentes qui sont les siennes dans la défense des collectivités territoriales de la République, peut-il se laver les mains d’un texte qui est au cœur de notre organisation administrative ? Va-t-il laisser tout pouvoir à l’Assemblée nationale ? Si tel devait être le cas, l’avenir du bicamérisme ne me paraîtrait guère radieux.
Mes chers collègues, il n’y a pas de plan B. Si l’article 2 venait à être rejeté, nous ferions aussi bien d’interrompre nos travaux et de laisser l’Assemblée nationale décider, en allant peut-être gentiment écouter les discussions qui s’instaureront entre les députés lors de la seconde lecture.
M. Jean-René Lecerf. Ce n’est pas mon souhait. C’est la raison pour laquelle, bien qu’étant en harmonie, au mot près, je le répète, avec les arguments de Jean-Jacques Hyest, je ne voterai pas ces amendements de suppression.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste . – Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault applaudissent également.
Je suis restée jusqu’à présent relativement silencieuse, ne trouvant que peu d’intérêt à ces polémiques sur qui a dit quoi, où, comment. J’ai surtout le sentiment qu’une certaine amnésie frappe certaines travées de cet hémicycle. Tout cela ne donne pas d’éclat aux débats démocratiques et, en général, sereins qui ont lieu ici, au Sénat.
Mon groupe ne votera pas les amendements de suppression pour une raison qui ne surprendra personne : nous ne voulons pas faire le deuil d’une discussion sur l’ensemble de l’article 2. Grâce à cette discussion, nous espérons obtenir des réponses aux questions que nous poserons au travers de deux amendements.
L’une porte sur la parité, et personne ne peut faire grief au groupe communiste de ne pas être attaché à ce principe. On peut certes en débattre, mais, pour les élus que nous sommes, la parité doit être considérée comme une valeur fondamentale qui ne souffre aucune remise en cause.
Une autre valeur fondamentale pour nous, c’est la proportionnelle intégrale. Pour autant, nous ne sommes pas enfermés dans un dogme. Nous pouvons concevoir que notre pays n’est pas encore mûr pour ce mode de scrutin. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de repli visant à instaurer un scrutin mixte, avec une dose de proportionnelle à 30 %.
C’est donc en toute responsabilité – je pèse mes mots –, parce que nous portons les valeurs que je viens d’évoquer, que nous ne voterons pas les amendements de suppression et que nous nous déterminerons sur l’article 2. Je me refuse en effet à faire le deuil d’une évolution du Gouvernement sur certaines questions latentes, qui ne préoccupent pas seulement les élus communistes. Les choses ne sont pas aussi simples au sein de la gauche. De nombreux élus s’interrogent sur le nouveau mode de scrutin. Peut-être est-il temps que le Gouvernement écoute non seulement les élus communistes, mais plus largement celles et ceux qui aujourd’hui composent sa majorité.
Sans dramatiser la situation, je tiens à souligner que l’heure est sinon grave, du moins importante.
En qualité de président de la commission des lois, vous le savez, monsieur Sueur, il y a eu d’autres propositions que le scrutin binominal. C’est pourquoi je considère que vous avez exagéré et que vous n’auriez pas dû tenir les propos que nous avons entendus de votre part.
Cela étant, des choses fausses ont été dites. Je tiens donc à rétablir la vérité.
Si le redécoupage des cantons est nécessaire, c’est grâce au conseiller territorial. Je vais expliquer pourquoi, parce que ce n’est pas tout de l’affirmer encore faut-il que chacun comprenne afin que l’on ne soit plus contraint d’y revenir.
Dans la mesure où le Gouvernement s’est cru obligé de supprimer le conseiller territorial, il fallait bien élaborer une nouvelle loi et donc procéder à un nouveau découpage des cantons puisque le Conseil constitutionnel exige l’égalité devant le suffrage.
Cette obligation de redécouper les cantons, nous en assumons, nous, UMP, la responsabilité. Nous aurions d’ailleurs dû le faire nous aussi. En effet, il ne suffit pas d’abroger une loi pour que les principes antérieurs s’appliquent de nouveau. Il faut donc adopter un autre texte. Je ne suis pas juriste, mais je sais que c’est un principe de droit.
Pour des raisons que j’ignore, dans la plupart des départements, aucun redécoupage n’a été effectué. On aboutit à des résultats allant de 1 à 47, ce qui est totalement inadmissible !
Sachez que, en Haute-Marne, des redécoupages ont été réalisés voilà maintenant une vingtaine d’années. Cela a également été le cas dans d’autres départements, mais pas dans tous. Comment expliquer cette inertie que l’on a observée sous la IIIe, la IVe, la Ve République ? Disons-le, tout le monde est coupable, et personne ne devrait être fier ici !
Reste que le Gouvernement invente un principe qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui, à savoir que les cantons dépassent désormais les limites de la circonscription législative. D’aucuns ont prétendu le contraire. Non ! Une circonscription législative, c’était une somme de cantons.
J’en viens à la parité, notion fondamentale qui constitue incontestablement une belle idée.
Imaginez que le général de Gaulle nous propose aujourd’hui d’accorder le droit de vote aux femmes. Quelle position adopteriez-vous ? Il y a donc des tournants dans l’histoire que nous sommes, bon gré mal gré, obligés de prendre. En disant cela, je ne prétends pas que le scrutin binominal est la meilleure solution, mais il pourrait être appliqué provisoirement, comme je l’ai dit en première lecture.
Refuser aujourd’hui le redécoupage des cantons pour conserver ceux de 1801 et s’opposer à la parité, c’est complètement ringard.
Oui ! sur les travées du groupe socialiste.
Le scrutin binominal est-il un « mal nécessaire » ? En soi, ce n’est pas un mal, mais c’est un passage obligé pour aller vers la parité. Pour atténuer ce « mal », je présenterai un amendement visant à créer des sections dans ces nouveaux cantons. J’espère que cette proposition sera adoptée ainsi que celle de M. Hyest, qui tend à prévoir l’utilisation concrète de ces sections.
En résumé, si nous adoptions ces trois amendements de suppression, le Sénat irait à contre-courant de l’histoire. Ne réécrivons pas la même page qu’en première lecture : de longues discussions, quelques avancées obtenues, mais au final aucun texte adopté. Nous avons donc siégé huit jours pour rien, ou presque ! Voilà pourquoi, à titre personnel, je ne prendrai pas part au vote. Je souhaite que nous engrangions les avancées obtenues et que ces mesures soient examinées à l’Assemblée nationale.
Si les propos se sont enflammés à l’instant, monsieur le ministre, vous n’y êtes pas pour rien. Vous avez quelque peu électrisé notre assemblée.
Sourires.
Cela étant dit, vous avez formulé de vraies propositions, et je crois que vous êtes de bonne foi. Je crois également que, si ces dispositions sont adoptées au Sénat, elles survivront à l’Assemblée nationale. Mais peut-être pourriez-vous réitérer vos engagements avant que nous ne passions aux votes…
MM. Jean-René Lecerf et François Pillet applaudissent.
Comme je l’ai dit en première lecture – je n’ai malheureusement pas changé d’avis –, avec ce texte, nous avions une merveilleuse occasion de rapprocher les électeurs de leurs représentants désormais nommés « conseillers départementaux », occasion que nous sommes en train de rater, en dépit des avancées proposées par M. le ministre.
Introduire plus de parité dans les élections des conseillers généraux est tout à fait louable, mais la voie choisie n’est pas la bonne. Le nouveau mode de scrutin que vous proposez impliquera indéniablement une sous-représentation des territoires, alors même qu’il faudrait tenir compte de leurs spécificités, notamment celles des territoires ruraux, que ce soit en matière de politiques de transport, de petite enfance ou encore de réseaux internet. Il faut absolument faire en sorte que nos concitoyens sachent à quoi ils participent. Malheureusement, avec ce binôme, ils ne le sauront pas.
Quant au portage des projets, il faudra soit procéder à un découpage géographique entre les deux coconseillers, ce qui, semble-t-il, n’est pas possible, soit trouver un point d’accord, au risque, dans un cas comme dans l’autre, de fragiliser lesdits projets.
Je vois bien que vous avez recherché avec la parité les moyens de masquer des choses moins avouables. Osons le dire, en prévoyant deux élus pour un même territoire, vous faites preuve d’une imagination débordante pour procéder à un redécoupage à votre guise, dont vous espérez qu’il vous assurera la victoire dans des départements lors des échéances futures. Avec cette réforme, qui risque fort de sacrifier les territoires ruraux, vous allez, ni plus ni moins, porter atteinte à l’équilibre de notre République !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Surtout, vous allez provoquer un vice de fonctionnement dans la mesure où, avec deux représentants sur le même territoire, vous fragiliserez le portage des projets.
Selon moi, votre texte comporte trois risques.
Le premier, c’est l’éloignement, voire l’effacement des territoires ruraux. Je le répète, derrière cela, se profile l’éloignement des électeurs de leurs conseillers départementaux.
Le deuxième risque, à n’en pas douter, c’est la fragilisation du portage des projets avec deux porteurs par territoire, alors que, jusqu’à présent, il n’y en avait qu’un.
Le troisième risque, c’est celui des triangulaires, voire des quadrangulaires. Les départements vont devenir ingouvernables.
Le système « baroque » que vous nous proposez, ce mode de scrutin hybride et inédit, va encore se complexifier avec les suppléants, le remplaçant devant être du même sexe que le candidat. Je crains que l’existence de ce couple à deux, qui va en réalité devenir un ménage à quatre sur le bulletin de vote, ne favorise pas la lisibilité et ne permette pas à nos concitoyens de se retrouver, comme ils le faisaient par le passé, autour de leur conseiller général. §
Enfin, et ce point n’a pas été évoqué, si ce binôme permet certes d’atteindre la parité, cela se fera au détriment du pluralisme, voire de la démocratie. En effet, que vous le vouliez ou non, ce mode de scrutin favorisera le bipartisme : là où coexistaient deux élus de sensibilité différente, on trouvera désormais deux élus de la même sensibilité.
Mes chers collègues, il faut ce soir faire preuve de raison et remplir pleinement notre fonction de défenseur des collectivités territoriales en abandonnant ce mode de scrutin binominal. Je voterai donc pour ces trois amendements de suppression.
M. Dominique de Legge. Je ne vais pas reprendre les arguments de fond qui ont déjà été développés. Je veux simplement dire que nous souhaitons tous trouver un accord.
Ah ! sur les travées socialistes.
Il semble que vous le souhaitiez également, monsieur le ministre. Mais croyez-vous vraiment vous être donné les moyens d’y parvenir ?
M. Dominique de Legge. En vous entendant, j’ai vraiment eu le sentiment que vous demandiez au Sénat de voter d’abord l’article 2 et que vous condescendriez ensuite à écouter nos propositions sur des sujets déjà décidés à l’avance.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
J’aurais été beaucoup plus convaincu si vous aviez sollicité la réserve de l’article 2 et si nous avions discuté de sujets choisis ensemble. Telle n’a pas été votre démarche.
Je suis assez inquiet quant au sort de ce texte, car je n’ai pas perçu votre volonté de faire entendre la voix du Sénat à l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression de l’article 2.
Mes chers collègues, si vous supprimez l’article 2, vous ne pourrez plus examiner les amendements visant à proposer d’autres systèmes et vous laisserez le soin à l’Assemblée nationale de décider. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste .)
Vous ne faites pas confiance à M. le ministre ? Vous avez peut-être raison, mais le pire qui puisse vous arriver, ce serait que l’article 2 soit supprimé. Si vous refusez le dispositif proposé par cet article, mieux vaut vous abstenir lors de la mise aux voix des amendements de suppression. Vous permettrez ainsi à certains de nos collègues de proposer des systèmes différents ou des aménagements et vous donnerez au moins la possibilité au Sénat de pouvoir défendre une position face à l’Assemblée nationale. À cet égard, l’attitude de Bruno Sido, dont on connaît l’engagement à l’UMP, est remarquablement courageuse.
Vous n’avez peut-être pas mesuré la signification des plus ou moins 30 %. Dans mon département, les cantons comptent 9 000 habitants en moyenne. En divisant le nombre de cantons par deux, la moyenne passera à 18 000. Par conséquent, l’adoption des plus ou moins 30 % permettrait de passer à 23 400 habitants, soit une augmentation non négligeable.
Je peux vous assurer que la défense du milieu rural est dans ce dispositif et non dans la politique qui consiste à enfouir la tête dans le sable !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – MM. Gérard Bailly et Gérard Roche applaudissent également.
Je voudrais avant tout présenter mes excuses à M. Sido si j’ai pu le blesser par quelque parole.
En tant que président de la commission des lois, je veux dire que la force du Sénat, au sein duquel nous sommes un certain nombre à siéger depuis quelque temps, tient au fait que le débat progresse peu à peu et que, parfois, des convergences de vues apparaissent.
Nous avons eu en commission des débats extrêmement positifs, nonobstant les désaccords qui existent entre nous et que, par correction, je ne souhaite à aucun moment gommer.
Nous nous sommes réunis à deux reprises pour la deuxième lecture : la première fois, le 27 février, nous avons adopté soixante amendements, émanant à la fois de la majorité et de l’opposition ; la seconde fois, ce matin, nous avons adopté cinquante-sept amendements, provenant également de l’opposition et de la majorité. Au total, cent dix-sept amendements ont été retenus par la commission des lois.
Je m’adresse maintenant à tous nos collègues présents, quelle que soit leur appartenance politique : chacun gardera évidemment, est-il besoin de le dire, sa liberté au moment du vote final sur le texte. Reste que, dans la phase de la navette et de la commission mixte paritaire, nous avons intérêt, me semble-t-il, à ce que le travail du Sénat pèse dans le débat et contribue à façonner le texte.
Les votes qui vont intervenir, dans un instant et un peu plus tard, détermineront le sort de ces cent dix-sept amendements et, par conséquent, le rôle du Sénat, qui représente les collectivités locales de la République, dans l’élaboration d’un texte qui ne porte que sur ces dernières.
Monsieur de Legge, ne mettez pas en cause ma bonne foi. Je l’ai déjà expliqué à l’occasion des débats en première lecture, je l’ai répété ici même à plusieurs reprises aujourd’hui : au-delà des désaccords, qui honorent les débats, au-delà de ma volonté d’électriser la discussion – pour mieux vous convaincre –, le Sénat sera d’autant plus fort et convaincant vis-à-vis de l’Assemblée nationale qu’un vote sera intervenu sur les questions qui nous occupent à l‘instant. Telle est la logique du système bicaméral ! Au reste, je serai moi-même d’autant mieux armé pour tenir mes engagements, monsieur Sido.
Il n'y a donc aucun chantage de ma part ! Je n’ai jamais dit que je reviendrai sur les engagements qui ont été les miens si le Sénat ne votait pas ces dispositions. Je ne l’ai dit ni en première ni en deuxième lecture. J’ai simplement évoqué l’issue de la commission mixte paritaire concernant les choix qui ont été ceux de la commission des lois ou les conclusions des discussions que nous avons eues sur les critères présidant au découpage – je pense notamment à l’élargissement du tunnel à 30 %. C’est une évidence dans le cadre de la procédure parlementaire qui est la nôtre.
Le Gouvernement s’engage devant vous à porter devant l’Assemblée nationale trois mesures. Bien entendu, il y en aura peut-être d’autres, car, en disant cela, je ne préjuge pas des amendements qui pourraient être adoptés – j’ai entendu Mme Assassi nous annoncer que son groupe présenterait un certain nombre d’amendements – ou du vote final. Je suis respectueux des discussions que nous aurons et des choix que vous ferez.
En attendant, je le répète, le Gouvernement s’engage à défendre trois mesures devant l’Assemblée nationale : le passage du tunnel de 20 % à 30 % ; le seuil de 12, 5 % des inscrits pour se maintenir au second tour ; le seuil de 1 000 habitants pour le passage à la proportionnelle. Voilà les choix que vous avez faits, sachant que nous étions tous bien conscients que le débat pouvait évoluer, au regard notamment des propositions formulées par l’Assemblée des départements de France.
Ces trois choix que vous avez opérés sont aussi trois engagements que je prends devant vous ce soir. Pour aller jusqu’au bout, nous devons, en vertu de la procédure parlementaire, non seulement discuter de l’article 2, mais aussi adopter le binôme, auquel ces trois engagements sont liés. Dans le cas contraire, la discussion avec l’Assemblée nationale serait plus difficile.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 21 rectifié, 147 et 205 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, tandis que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants341Nombre de suffrages exprimés328Majorité absolue des suffrages exprimés165Pour l’adoption161Contre 167Le Sénat n'a pas adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
L'amendement n° 275, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 191. - Il est créé dans chaque canton deux sections.
II. - En conséquence, alinéa 2
Supprimer la référence :
Art. L. 191. -
La parole est à M. Bruno Sido.
Comme je l’ai déjà indiqué, cet amendement vise à créer des sections qui permettront à chaque membre du binôme de disposer de sa propre assise territoriale et donc de pouvoir évoluer dans un milieu déjà connu. L’adoption de cette disposition permettra principalement de donner un fondement à l’amendement que M. Hyest a déposé.
Cela étant, j’espère que ces sections seront créées, parce qu’il me semble important d’apaiser le débat. J’ai parlé tout à l'heure de « mal nécessaire » ; le présent amendement s’inscrit dans cette logique. En créant deux sections dans chaque canton, on amortira le choc culturel que provoqueront ces grands cantons et on reviendra à une situation plus normale.
Si le souci qui anime M. Sido est bien compréhensible, il n’a pas été partagé par la commission des lois. Nous avons pensé qu’il était sans doute préférable de laisser une marge de manœuvre aux membres du binôme dans la mise en œuvre de leurs responsabilités plutôt que de systématiquement créer deux sections distinctes.
Dans ces conditions, la commission ne peut émettre un avis favorable sur cet amendement, en dépit des intentions louables de son auteur.
Je serai bref, ayant déjà discuté de ce point avec M. Sido.
Si je comprends évidemment l’objet de l’amendement, je rappelle que le projet de loi prévoit la solidarité devant le suffrage au sein d’un même binôme. Or, monsieur Sido, en tendant à créer deux territoires distincts pour chacun des membres du binôme, votre amendement remet en question cette solidarité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 178 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. de Montesquiou, Guerriau, J.L. Dupont, Tandonnet, Marseille, Capo-Canellas et Merceron, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191 . – Les électeurs de chaque canton élisent un conseiller départemental au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
Cet amendement tend à maintenir le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers départementaux. Pour compléter ce dispositif, un autre amendement visait à prévoir des sanctions financières en cas de non-respect de la parité, mais il n’a pas été adopté.
J’ai été étonné d’entendre le président Sueur expliquer que le système des pénalités ne favorisait pas la parité. J’imagine donc que lui-même, le Gouvernement ou la majorité proposeront bientôt de supprimer ce dispositif pour les élections législatives…
En attendant, il vous est donc proposé de maintenir le scrutin uninominal à deux tours, qui existe depuis la création des départements et qui favorise une véritable proximité entre élus et citoyens.
L'amendement n° 72, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. – Les conseillers départementaux sont élus à la proportionnelle intégrale sur une seule circonscription électorale, à partir de listes de candidats comportant autant de noms qu’il y a de sièges à pourvoir et composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
Pour différentes raisons, l’article 2 a été rejeté par notre assemblée en première lecture. Il s’agit pourtant, selon vos propres mots, monsieur le ministre, de l’article essentiel du projet de loi. D’après les débats, les motifs ayant concouru à son rejet sont un certain refus de la parité – constaté sur certaines travées – et la défense des territoires.
Aussi je voudrais répéter ici que nous partageons votre volonté d’effectuer une avancée décisive en matière de parité. Néanmoins, le respect de la parité ne doit pas se faire au mépris de cette autre exigence constitutionnelle qu'est le pluralisme. Pour nous, le binôme républicain doit être composé de la parité et du pluralisme. Las, votre proposition de scrutin binominal majoritaire à deux tours ne permet pas de répondre à cette double exigence démocratique.
Par contre, nous savons tous que ces principes constitutionnels peuvent se concilier dans un mode de scrutin. De façon différenciée, celui-ci est en place pour les autres élections locales, aux municipales et aux régionales ; vous-même, monsieur le ministre, allez nous proposer prochainement une part de proportionnelle pour les élections législatives – c’est en tout cas ce qui a été dit et écrit – et l'élargissement de son champ pour les élections sénatoriales.
À mon avis – et de l’avis de beaucoup –, les communes et les régions fonctionnent très bien et personne, à ma connaissance, n’y propose un retour au mode de scrutin antérieur. Aussi, en refusant de prendre en compte l’exigence de pluralisme pour les élections départementales, vous allez faire de cette élection un anachronisme démocratique et, à notre sens, une incohérence. En effet, ces élections seraient les seules à ne pas prendre en compte cette exigence de pluralisme et donc de démocratie. Et il s’agit nullement d’élire je ne sais quels apparatchiks, comme je l’ai entendu toute à l’heure !
Aussi notre amendement propose-t-il que l'élection des futurs conseillers départementaux se déroule au scrutin de liste départemental paritaire et proportionnel afin de respecter les deux principes démocratiques de parité et de diversité. Cette proposition est d'autant plus pertinente que, avec votre élection de binômes au scrutin majoritaire, le pluralisme risque fort de régresser. Doublé d'un redécoupage cantonal, ce nouveau mode de scrutin sera certainement le vecteur d'un bipartisme renforcé. Nombre d'électeurs ne se reconnaîtront pas dans les équilibres politiques des assemblées départementales nouvellement élues, ce qui pose un problème démocratique majeur. Or cela fait des années qu’on observe une forte abstention lors de ces scrutins...
Outre favoriser la parité, on nous dit que ce mode de scrutin permettrait de maintenir un lien de proximité entre les électeurs et les élus. Il n'en est rien ! La division par deux du nombre de cantons les éloignera des habitants. Par ailleurs, la fonction du conseiller départemental est de participer à la gestion de l’ensemble du département et pas de se préoccuper uniquement du canton où il a été élu.
Pour toutes ces raisons, nous vous soumettons le présent amendement.
L'amendement n° 115, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191 . – Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Cet amendement tend également à établir un scrutin de liste proportionnel. Il doit se lire en cohérence avec l’amendement n° 108, que j’ai déposé à l’article 8, concernant la parité et la prime majoritaire de 25 %.
Comme vient de le rappeler notre collègue communiste, un élu départemental n’a pas pour rôle de gérer un canton, sinon il s’appellerait encore élu cantonal. S’il a vocation à représenter localement les citoyens, il peut le faire dans tout le département, sans qu’une assise territoriale plus restreinte soit nécessaire. C’est pourquoi cet amendement tend à instituer une proportionnelle intégrale dans le département.
L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Milon et de Montgolfier, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par douze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191. - Le nombre de conseillers départementaux est égal, pour chaque département, aux deux tiers du nombre de conseillers généraux existant au 1er janvier 2013, arrondi à l’unité impaire supérieure si ce nombre n’est pas entier impair.
« Le nombre de conseillers départementaux dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à quinze.
« Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.
« Le département se divise en autant de circonscriptions électorales qu’il y a d’arrondissements. Le nombre de sièges par arrondissement départemental est réparti en fonction des deux tiers du nombre de conseillers généraux existant au 1er janvier 2013 dans cet arrondissement.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du neuvième alinéa.
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour.
« Pour se présenter pour le second tour, il faut avoir obtenu 10 % des suffrages exprimés au premier tour.
« Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du neuvième alinéa.
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur la liste.
« Lorsque le département est composé d'un seul arrondissement, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription départementale selon les mêmes règles. »
La parole est à M. Michel Savin.
Lorsque l’on est défavorable au binôme et que l’on souhaite encourager la parité, il ne reste plus – vous avez eu raison de le préciser, monsieur le ministre – que le scrutin de liste. C’est ce que propose cet amendement, même si nous sommes une minorité à le défendre dans mon groupe politique.
Je souhaite, comme la plupart d’entre nous, le maintien de la diversité des territoires et la parité. Cet amendement est donc en phase avec vos aspirations, monsieur le ministre : il respecte l’égalité devant le suffrage, avec la proportionnelle aussi bien en zone rurale qu’en milieu urbain, l’égalité des territoires, avec le vote par arrondissement dans chaque département, et l’égalité tout court dans la mesure où il satisfait à l’exigence de parité. Ce dispositif permet aussi de maintenir un ancrage territorial, le vote par arrondissement ne nécessitant pas de modifier les circonscriptions.
Concernant le projet de redécoupage cantonal, plusieurs de nos collègues ont rappelé à juste titre qu’il faudra parfois réunir quatre, cinq, voire six cantons pour parvenir au seuil exigé. Le périmètre d’autres cantons demeurera inchangé, mais les électeurs se retrouveront quand même avec deux conseillers départementaux…
Enfin, cet amendement comporte une mesure, qui n’est pas démagogique, contrairement à ce j’ai entendu, visant à réduire d’un tiers le nombre d’élus par département.
L'amendement n° 106, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191 . – Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste est constituée de quatre sections. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Puisque certains reprochent au scrutin proportionnel de créer des « élus hors sol », j’essaie de rapprocher les élus des électeurs en instituant des sections infra-départementales, au nombre de quatre, dans le cadre desquelles seraient élus des conseillers départementaux au scrutin de liste.
Ce deuxième mode d’élection que je propose permettra, contrairement à ce qu’on nous dit, de combiner l’ancrage territorial, la proportionnelle et la parité.
L'amendement n° 206 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Alfonsi et C. Bourquin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano, Collin, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191 . – Les conseillers départementaux sont élus au scrutin proportionnel de liste à deux tours, dans des sections délimitées sur la base des intercommunalités prévues au schéma départemental de la coopération intercommunale ou créées sur son fondement. Chaque liste qui comporte autant de noms que de sièges à pourvoir, est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Pour être élue au premier tour, la liste arrivée en tête doit avoir obtenu la majorité absolue et 25 % du nombre des électeurs inscrits. Les listes présentes au premier tour peuvent fusionner entre les deux tours. Peuvent figurer au second tour les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour.
« Les listes n’ayant pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d’être proclamés élus.
« Lorsque la taille des intercommunalités est inférieure au tiers du quotient population départementale sur nombre de conseillers départementaux, ces intercommunalités sont regroupées pour former une section dont la population est au moins égale à ce quotient. Les communes appartenant à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre interdépartementale forment une section lorsque leur taille est supérieure au tiers du quotient défini ci-dessus. Dans le cas contraire, elles sont regroupées avec une intercommunalité limitrophe pour former une section.
« Le nombre de conseillers départementaux est identique à celui des conseillers généraux au moment de l’adoption de la présente loi ou augmenté d’une unité quand le nombre de conseillers généraux est pair. En outre, des modifications mineures peuvent y être apportées pour tenir compte de l’évolution de la population du département
« Les sièges sont attribués aux sections électorales selon la règle suivante :
« 1° Chaque section se voit attribuer un siège ;
« 2° Le reste des sièges est réparti, à la plus forte moyenne, entre les sections dont la population est au moins égale au quotient population départementale sur nombre de conseillers départementaux. La population à prendre en compte est celle desdites sections et le nombre de sièges concernés, ceux restant à distribuer. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Madame la présidente, ne souhaitant pas aggraver mon cas en poursuivant mon entreprise de dévoiement de l’intercommunalité, considérez mon amendement comme défendu.
L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Pointereau, Cornu, Bizet, Béchu, Bécot et Bourdin, Mme Bruguière, MM. Carle, Cardoux et de Legge, Mme Deroche et MM. Doligé, Doublet, Grignon, Milon, Magras, Pierre, Pillet, Trillard, D. Laurent, de Montgolfier, Grosdidier, Dulait, Houel, César, Adnot et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191. – Les communes du département membres d’un même établissement public de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants forment un canton élisant au moins deux membres du conseil départemental.
« Chaque autre canton du département élit un membre du conseil départemental. »
La parole est à M. Rémy Pointereau.
Le président Jean-Pierre Sueur nous reprochait d’avoir peur de la nouveauté et de n’avoir pas proposé de solution alternative au scrutin binominal. Je m’inscris en faux contre ces affirmations puisque, je le rappelle, j’avais proposé en première lecture un mode de scrutin susceptible de recueillir l’unanimité, même s’il n’a pas été retenu par la commission des lois. Je veux parler du scrutin mixte, c’est-à-dire un scrutin proportionnel en milieu urbain et un scrutin majoritaire à deux tours en zone rurale.
Ce système avait déjà été évoqué à l’occasion de la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, mais on nous avait dit alors qu’il était inconstitutionnel. Finalement, il s’avère que ce mode scrutin pourrait être conforme à la Constitution.
En zone rurale, l’objectif serait de préserver le canton, qui a une signification et correspond à des réalités locales. J’observe que l’intercommunalité s’est souvent constituée en tenant compte des limites cantonales. Il serait absurde de supprimer ces cantons ruraux ou d’en fusionner deux, trois ou quatre dans les grands territoires. Le scrutin majoritaire à deux tours est donc tout à fait adapté.
À l’inverse, en zone urbaine, les cantons sont mal identifiés. D’ailleurs, on ne connaît pas son conseiller général, ni même son conseiller régional.
Les limites cantonales ne correspondent à aucune réalité administrative. La plupart du temps, les cantons urbains ne respectent même pas les frontières des quartiers d’une commune. La logique urbaine dépasse le plus souvent les limites cantonales. Il semble donc judicieux de créer une solidarité entre les candidats de ces cantons urbains en leur permettant de se présenter sur une même liste devant les électeurs. La représentation proportionnelle me paraît alors tout à fait adaptée.
Tel est l’objet de cet amendement.
Dans les cantons ruraux, le scrutin majoritaire à deux tours serait maintenu, ce qui permettra de préserver la proximité des élus et la ruralité. Dans les agglomérations – à partir d’un seuil qui pourrait être fixé à 50 000 habitants –, le scrutin proportionnel serait instauré, ce qui permettra de respecter le pluralisme.
M. Rémy Pointereau. Dans une ville de 50 000 habitants, la proximité d’un conseiller général est douteuse : on ne le connaît même pas !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Je pense que nous proposons ici une excellente solution, qui a recueilli l’assentiment d’un grand nombre de nos collègues au sein de tous les groupes sauf, peut-être, parmi les socialistes. Au reste, nous avions discuté de ce mode de scrutin avec Pierre-Yves Collombat, notamment à l’occasion du rapport Belot, ce qui avait donné un débat particulièrement intéressant.
Le ministre nous a indiqué qu’il n’y avait pas de majorité pour le conseiller territorial ou pour instaurer la proportionnelle intégrale. Cette solution pourrait donc faire consensus et nous permettre d’avancer.
L'amendement n° 73, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. – Le conseil départemental est composé d’élus représentant chaque canton du département et d’élus issus de listes départementales. Ces élus sur listes représentent 30 % de l’assemblée départementale. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Comme en première lecture, il s’agit pour nous d’un amendement de repli. En effet, nous avons déjà proposé un amendement visant à instituer un scrutin à la proportionnelle et, comme nous l’avons toujours dit, nous sommes prêts à soutenir toute avancée allant dans ce sens. Le présent amendement tend donc à instaurer un scrutin à la proportionnelle pour 30 % des élus départementaux afin de corriger certains effets négatifs du scrutin uninominal à deux tours.
De fait, le scrutin uninominal écrase la diversité de la représentation politique. Les principaux partis sont surreprésentés, tandis que les petits partis sont bien souvent contraints à des accords électoraux pour avoir des élus, ce qui renforce encore l’influence et le rôle des partis dominants.
Notre amendement a pour vertu de permettre à la fois une représentation de proximité et la parité, tout en rééquilibrant – j’y insiste – la représentation des diverses sensibilités politiques avec le recours au scrutin de liste à la proportionnelle.
Je veux revenir sur certains propos qui ont été tenus. Sans m’attarder sur les excès de langage, je pense qu’il y a des femmes et des hommes d’appareil, si vous me permettez cette expression, tant parmi celles et ceux qui sont élus au scrutin de liste que parmi celles et ceux qui sont élus au scrutin uninominal. Dans tous les cas, il y a des élus qui se comportent comme des notables locaux.
En fait, c’est bien la façon dont l’élu exerce son mandat qui compte. Dans l’ensemble, même si le précédent gouvernement s’est acharné à dévoyer l’exercice du mandat local, les élus cherchent à se lier aux électeurs et à répondre à leurs exigences, à gérer le mieux possible les collectivités territoriales, quels que soient leur taille et le mode de scrutin, et à faire le lien avec les femmes et les hommes qui vivent dans les territoires sur lesquels ils sont élus.
Les élections au scrutin de liste ne posent aucune difficulté particulière. Nous sommes tous élus au suffrage universel, ici et dans nos territoires. Je suis devenue conseillère régionale dans une commune de plus de 3 500 habitants et sénatrice dans un département comptant plus de quatre sénateurs, suis-je pour autant une mauvaise élue ? Je ne pense pas que la représentation proportionnelle, qui a permis ces différentes élections, fasse de moi une femme d’appareil éloignée des réalités. Ce sont au contraire les convictions qui nous animent qui font finalement vivre la démocratie dans notre pays.
C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement de repli. Finalement, il s’agit moins de décréter un mode de scrutin pour un exercice de mandat que de repenser plus largement l’exercice de la démocratie locale dans notre pays.
L'amendement n° 104, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191 . – Dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire, les électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l’ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l’occasion de l’élection.
« Dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin de liste, les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Je présente un troisième mode de désignation des conseillers départementaux, en me plaçant cette fois-ci à l’échelle nationale.
Afin d’introduire une petite dose de représentation proportionnelle, je propose, dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin de liste, que les conseillers départementaux le soient aussi. Ce ne serait pas exactement la représentation proportionnelle, mais nous verrions comment cela fonctionne.
L'amendement n° 130 rectifié ter, présenté par M. Dubois, Mme Férat et MM. Roche et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191 . – Chaque canton du département élit un membre au conseil départemental à l’exception des unités urbaines de plus de 100 000 habitants.
« Dans ces unités urbaines, le nombre de sièges à pourvoir correspond au nombre de cantons au 1er janvier 2013.
« Les conseillers départementaux sont élus au scrutin proportionnel de liste à deux tours. Chaque liste comporte autant de noms que de sièges à pourvoir. Elle est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.
« Pour être élue au premier tour, la liste arrivée en tête doit avoir obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et le quart du nombre des électeurs inscrits.
« Les listes présentes au premier tour et dont le résultat est supérieur à 5 % des suffrages exprimés, peuvent fusionner entre les deux tours.
« Peuvent figurer au second tour, les listes ayant obtenu au moins 12, 5 % du nombre des électeurs inscrits au premier tour.
« À l’issue du tour de scrutin où l’élection est acquise, les sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation à la plus forte moyenne.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptible d’être proclamé élu. »
La parole est à M. Gérard Roche.
Cet amendement, dont M. Daniel Dubois est le premier signataire, pourrait constituer un plan B après toutes les discussions que nous avons eues.
Il vise à introduire un scrutin de liste à la proportionnelle dans les centres urbains à forte densité de population et à maintenir un scrutin uninominal à deux tours dans les territoires ruraux.
L'amendement n° 179 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. de Montesquiou, Guerriau, J.L. Dupont, Détraigne, Tandonnet, Capo-Canellas, Merceron, Jarlier et Amoudry, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 191 . – Les cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux sont de deux natures :
« 1° Les cantons urbains où les conseillers départementaux sont élus sur des listes à la représentation proportionnelle au plus fort reste à deux tours ;
« 2° Les cantons hors agglomération où les conseillers départementaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. ».
« Un décret en Conseil d’État précise la définition du caractère urbain ou rural d’un canton. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
Cet amendement, assez proche du précédent, reprend une proposition figurant dans le rapport que nous avions remis, avec Pierre-Yves Collombat, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, sur le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux.
Nous étions parvenus à la conclusion qu’il fallait, pour obtenir la proximité nécessaire, maintenir le scrutin uninominal à deux tours dans les cantons ruraux, où le conseiller général est connu et possède une vraie légitimité de terrain. A contrario, en zone urbaine, où il n’y a pas cette proximité entre l’élu et le conseiller général, nous suggérions un scrutin de liste à la proportionnelle, à même de faire progresser la parité – puisque l’objectif, cela a été rappelé, est de tendre vers la parité.
Je signale qu’un tel mode de scrutin ne pose pas de problème de constitutionnalité, contrairement à ce que nous avons pu entendre dans le passé. Les constitutionnalistes que la délégation avait auditionnés l’avaient clairement indiqué.
L'amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. Collombat, Alfonsi, Barbier, C. Bourquin, Chevènement et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
canton
par le mot :
section
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Je ne comprends pas très bien pourquoi cet amendement figure en discussion commune, dans la mesure où il ne concerne pas le mode de scrutin alternatif.
Il s’agit simplement, dans un souci de clarté, de modifier la dénomination des cantons, afin de tenir compte de leur redécoupage complet, de leur agrandissement, etc. La circonscription, pour ne pas évoquer les cantons d’autrefois, serait appelée « section ».
L'amendement n° 18, présenté par MM. J. Boyer et Roche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
différent
insérer les mots :
issus de communes différentes, originaires d’une ancienne structure élective cantonale différente,
La parole est à M. Jean Boyer.
Le présent amendement vise à éviter la surreprésentation d’une commune au sein d’un futur canton. En effet, si les deux conseillers départementaux sont issus de la ville la plus peuplée du canton, il y a un risque que les communes les moins peuplées de ce canton ne soient plus représentées au sein de l’assemblée départementale.
Il s’agit également de veiller au bon équilibre des territoires en préservant notamment les bourgs-centres des anciens cantons, qui, malgré tout, constituent encore des centres d’activité et de développement.
Cet objectif permet de conserver un équilibre harmonieux et respectueux des territoires ruraux, particulièrement en zone de montagne.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 7 rectifié ter est présenté par MM. Namy et Merceron.
L'amendement n° 166 est présenté par M. Sido.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
dont les noms sont ordonnés dans l'ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection
La parole est à M. Christian Namy, pour présenter l'amendement n° 7 rectifié ter.
L’article 2 prévoit que les noms des candidats figurent dans l’ordre alphabétique, ce qui constitue, à mes yeux, une contrainte excessive. Je propose simplement que les candidats aient la liberté d’inscrire leurs noms dans l’ordre qu’ils souhaitent et puissent s’adapter à la situation sur le terrain.
Cet amendement, déjà défendu par M. Namy, vise à laisser le choix de l’ordre de présentation sur le bulletin de vote aux deux candidats du binôme.
Nous pouvons imaginer que le binôme préfère, par exemple, faire figurer en premier le candidat bénéficiant de la plus grande notoriété, la femme plutôt que l’homme, celui qui a déjà siégé au sein de l’assemblée départementale ou qui habite la commune la plus peuplée… Il faut introduire cette souplesse.
L'amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
candidats
insérer les mots :
, représentant chacun l'une des sections du canton,
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
Comme le soulignait notre collègue Bruno Sido, nous pensons que la création de sections cantonales clarifierait les responsabilités respectives des membres du binôme en évitant toute concurrence ou rivalité sur un même territoire. Elle défendrait la ruralité en maintenant le nombre actuel de cantons, que le Gouvernement propose de diviser par deux, et garantirait l’enracinement des candidats sur leur territoire, chaque section cantonale ayant un conseiller départemental pour la représenter.
Tel est le sens de notre amendement.
L'amendement n° 195 rectifié bis, présenté par MM. Dallier, Huré, de Legge et Gilles, Mme Primas, MM. Cambon et Gaillard, Mlle Joissains, Mme Lamure, M. Bourdin, Mmes Bruguière et Procaccia et MM. Houel, Pierre, Ferrand, Bas, Cléach, Grignon, Béchu, Sido, Lefèvre, Doligé, P. André, Charon, Cardoux, Legendre, Pillet, P. Dominati, Bordier, Dulait, Magras, Savin, Beaumont, B. Fournier, Couderc et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
noms
insérer les mots :
, ainsi que ceux des personnes appelées à les remplacer comme conseiller départemental dans le cas prévu à l’article L. 221,
La parole est à M. Philippe Dallier.
Voilà un amendement qui pourrait être adopté à l’unanimité, puisqu’il s’agit simplement de prévoir que figurent sur le bulletin de vote, outre les noms du binôme de candidats, ceux des remplaçants. A priori, cette disposition n’est pas prévue par le projet de loi.
L'amendement n° 89, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et représentent chacun une des deux sections du canton
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 49 rectifié défendu par notre collègue Jean-Jacques Hyest.
Je me permets de souligner que le Président de la République, lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés sur l’initiative du Sénat, avait précisé qu’il recherchait un système permettant d’assurer à la fois la parité et la proximité. La parité est garantie par le binôme. La proximité pourrait résulter de l’adoption des sections.
La création de sections éviterait en outre de redoutés et interminables débats sur le point de savoir, par exemple, qui va représenter le département, au sein du canton, au conseil d’administration de tel collège ou de tel établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
L'amendement n° 116, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Au sein de chaque département, 20 % des conseillers départementaux sont élus au scrutin de liste paritaire à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Le quatrième mode d’élection que je vous propose, conformément aux recommandations de la commission Jospin, vise à instaurer une part de représentation proportionnelle en prévoyant que 20 % des conseillers départementaux sont élus à la proportionnelle. C’est un minimum que l’on peut voter sans hésitation.
Mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, il me paraît plus raisonnable d’attendre demain pour entendre les avis de M. le rapporteur et de M. le ministre sur les dix-neuf amendements en discussion commune.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 13 mars, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques (domaine public maritime naturel) (2013-316 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 mars 2013 :
À neuf heures trente :
1. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux ;
Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n° 404, 2012 2013) ;
Textes de la commission (nos 405 rectifié et 406 rectifié, 2012-2013).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 14 mars 2013, à zéro heure dix.