Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'audition conjointe de Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes, ainsi que de Jean-Pierre Giran, député du Var, président de l'établissement public « Parcs nationaux de France » (PNF), et Jean-Marie Petit, directeur de PNF, Denis Girou, directeur du parc national de la Guadeloupe, directeur du « collège des directeurs » des parcs nationaux, Pascal Berteaud, directeur-adjoint de cabinet de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, Jean-Marc Michel, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, et Laurent Machureau, sous-directeur de la quatrième sous-direction du Budget.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, nous renouons ce matin, et je m'en réjouis, avec la procédure de l'audition pour suite à donner sur un référé de la Cour des comptes. Comme vous vous en souvenez, celle-ci avait été initiée en étroite concertation avec le Premier président Philippe Séguin, dans le but commun de valoriser les travaux de contrôle, et mise en oeuvre par la commission des finances depuis son séminaire de travail du Mans du printemps 2007.
Ainsi, outre la procédure classique des enquêtes effectuées au titre de l'article 58°-2 de la LOLF, nous avons décidé d'organiser un suivi plus visible et systématique des rapports particuliers et des référés, en sélectionnant des sujets qui sont particulièrement importants ou qui ont appelé des observations critiques de la Cour des comptes.
Je vous rappelle les précédentes de nos auditions sur la gestion de l'établissement public d'aménagement de la Défense (EPAD), sur l'interopérabilité des systèmes d'information de santé, sur la gestion des carrières des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères, ou sur la fusion ANPE-UNEDIC.
Je constate que les présents travaux de la Cour des comptes sur la gestion et le pilotage des parcs nationaux et de PNF réunissent les conditions d'un débat et justifient pleinement l'organisation de l'audition publique de ce jour.
En effet, la Cour a rendu successivement deux référés aux conclusions critiques, le premier sur Parcs Nationaux de France, début 2010, puis le second sur l'ensemble des parcs nationaux, qui nous a été transmis en début d'année. Si chaque parc a ses spécificités, on retrouve cependant des points communs dans les défaillances pointées par la Cour.
Sans vouloir intervenir plus avant dans l'analyse de ces documents qui vont nous êtres présentés par le président Descheemaeker, je relèverai la sévérité de certaines observations qu'ils contiennent.
Ainsi, la Cour constate que les parcs nationaux ont bénéficié au cours des dernières années d'un renforcement sensible de leurs moyens, dans un contexte budgétaire pourtant tendu. Pour autant, aucun progrès significatif du point de vue de la protection de l'environnement comme de la rigueur de la gestion n'a été constaté.
La Cour observe au contraire que la gestion des parcs demeure critiquable, et que leur pilotage par le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement reste défaillant. Enfin, elle insiste sur les contre-performances de Parcs Nationaux de France.
En effet, alors que la création de cet organisme visait à renforcer le pilotage de la tutelle sur les parcs nationaux, à travers un rôle d'animation et d'expertise, une politique de communication nationale et une mutualisation de la gestion administrative devant déboucher sur des économies d'échelles, la Cour constate que les résultats des trois premières années d'existence de PNF ont été très décevants à tous égards.
La Cour a donc émis un certains nombre de recommandations pour améliorer cette situation. Notre audition vise ainsi à faire le point sur la mise en oeuvre de ces dernières par PNF, les parcs nationaux et la tutelle.
La commission a décidé d'ouvrir cette audition à nos collègues de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et à la presse, afin que les travaux réalisés par la Cour des comptes connaissent une suite effective. Je salue la présence de notre collègue Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.
Nous recevons, pour la Cour des comptes, Christian Descheemaeker, président de la septième chambre, Jean-Luc Lebuy, conseiller-maître, Bénédicte Roquette, conseillère-référendaire, ainsi que Cécile Arcade, rapporteure.
Les parcs nationaux sont représentés par Denis Girou, directeur du Parc national de la Guadeloupe et directeur du « collège des directeurs » des parcs nationaux, et « Parcs Nationaux de France » (PNF) par Jean-Pierre Giran, président, député du Var, et Jean-Marie Petit, directeur.
Pour le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, nous entendrons Pascal Berteaud, directeur-adjoint du cabinet de Nathalie Kosciusko-Morizet, et Jean-Marc Michel, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature.
Enfin, pour le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, nous recevons Laurent Machureau, sous-directeur de la 4ème sous-direction du budget.
Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les présentations de la Cour des comptes et des administrations concernées se limitent aux observations principales.
Ensuite, chaque commissaire qui le souhaitera pourra librement poser ses questions.
Je propose que notre collègue Fabienne Keller, rapporteur spécial de la mission « écologie, développement et aménagement durables », intervienne à titre liminaire, puis j'inviterai les représentants de la Cour des Comptes à prendre la parole pour présenter les principales conclusions des travaux réalisés sur la gestion et le pilotage des parcs nationaux et de PNF.
Je me réjouis de l'organisation de cette audition, en présence de nos collègues de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui sera l'occasion d'approfondir un sujet important, à savoir celui des moyens affectés aux parcs nationaux pour la protection de la biodiversité, et de l'usage qu'ils en font.
Je rappelle que les neuf parcs nationaux et PNF disposent de ressources conséquentes. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2011 a prévu des autorisations d'engagement de 70 millions d'euros, et des crédits de paiement de 73,8 millions d'euros.
En tant que rapporteur spécial de la mission « écologie, développement et aménagement durables », j'ai été frappée par la lecture des deux référés de la Cour des comptes aux observations particulièrement critiques, notamment au regard de la gestion financière et administrative, et du pilotage de la tutelle.
Les parcs sont des outils de protection de la biodiversité. L'augmentation des moyens doit s'accompagner de contreparties, notamment en termes de rigueur de gestion.
Il ne s'agit pas ici de stigmatiser tel ou tel. Au contraire, je souhaite que cette audition constitue une opportunité pour les différents acteurs de la gestion des parcs de dialoguer ensemble, afin de renforcer la bonne utilisation et l'efficacité des moyens attribués, mais aussi le pilotage et la gouvernance de la biodiversité, sujet transversal.
Pour conclure, je tiens à saluer l'excellent travail des magistrats de la Cour des comptes. Je les remercie, ainsi que nos autres intervenants, d'avoir bien voulu venir éclairer la représentation nationale sur ce sujet.
La Cour des comptes a mené une série de contrôles sur l'ensemble des parcs nationaux, anciens ou récents, y compris l'Agence des aires marines protégées, sur l'établissement public « Parcs nationaux de France », ainsi que sur la Fédération nationale des parcs naturels régionaux pour compléter son information.
Ces contrôles ont donné lieu à des communications administratives propres à chaque organisme : la série des lettres du Premier Président vous a été transmise en réponse à votre demande, conformément à l'article L. 135-5 du Code des juridictions financières. Deux référés ont été successivement adressés au ministre chargé de l'écologie, M. Borloo puis Mme Kosciusko-Morizet : l'un le 11 janvier 2010 sur Parcs nationaux de France, auquel le ministre a répondu le 19 mars ; l'autre le 29 novembre 2010 sur la gestion et le pilotage des parcs nationaux, document de synthèse auquel la ministre a finalement répondu le 26 avril 2011. Cette réponse vous a été transmise hier par un courrier du Premier président.
Certes, les enjeux budgétaires des parcs nationaux paraissent modestes. Mais ils sont les instruments de politiques publiques qui ont pris une importance accrue ; ils ont reçu des moyens nouveaux non négligeables dont il faut s'assurer qu'ils sont bien utilisés ; enfin, la Cour savait, par ses contrôles antérieurs, que la gestion administrative et comptable des parcs était médiocre et il lui fallait vérifier comment elle avait évolué.
Je rappelle que les contrôles de la Cour ont été achevés il y a près d'un an. Que dit la Cour dans son référé de synthèse de novembre 2010 ? Premièrement, que les moyens attribués aux parcs ont très sensiblement augmenté. Deuxièmement, que la mission des parcs n'en n'a pas pour autant été profondément étendue. Troisièmement, que leur gestion continue d'appeler des critiques. Enfin, que leur pilotage par le ministère reste encore bien insuffisant.
Les crédits ont été fortement augmentés : entre 2007 et 2010, les autorisations d'engagement ont été majorées de 53 %, passant de 49 millions d'euros à 75 millions d'euros. Cette augmentation tient compte de la création de « Parcs nationaux de France » en 2006 et de deux nouveaux parcs, le parc amazonien de Guyane et le parc de la Réunion. Si l'on s'attache aux sept parcs qui existaient déjà, l'augmentation de la subvention de l'Etat pour charge de service public reste sensible.
Parallèlement, les effectifs augmentent pour atteindre, en réalisé 2010, 820 équivalent-temps plein (ETP) auxquels s'ajoutent 89 ETP à l'Agence des aires marines protégées. Quelques exemples : le Parc des Cévennes comptait 75 agents en 2005, contre 98 en 2009. De même, le Parc de la Guadeloupe comptait 43 agents en 2005, et 62 en 2009. Enfin, le Parc des Ecrins se caractérise par l'augmentation la plus modeste, avec 103 agents en 2005 contre 113 en 2009.
Un tel renforcement des moyens n'est pas critiquable en soi, dans la mesure où il reflète l'ambition politique d'améliorer la conservation du patrimoine naturel et la préservation de la biodiversité. Encore faut-il, surtout dans un contexte de rareté de la ressource budgétaire, que des résultats significatifs soient obtenus. Tel n'est pas le constat que fait la Cour.
En effet, si le nombre des parcs nationaux a augmenté, la zone centrale des parcs existants - désormais dénommée « coeur » du parc tandis que la zone périphérique devient « l'aire d'adhésion » - n'a été étendue que dans deux cas sur sept et très modestement. Dans le parc des Cévennes, créé en 1970, la zone centrale de 91 000 hectares a connu une très petite extension, obtenue non sans mal et non sans contentieux, sur une partie de la commune de Hures-la-Parade. Dans le parc de la Guadeloupe, créé en 1989, le coeur est passé de 17 000 à 17 803 hectares pour sa partie terrestre, cette zone incluant désormais, aussi, une partie maritime. Enfin, dans un contexte différent, le coeur du parc des Pyrénées - qui ne correspond qu'à une modeste partie du massif dont il porte le nom - n'a pas été étendu depuis sa création en 1967. Il se présente pourtant comme un ruban de 100 kilomètres de longueur posé le long de la frontière espagnole et extrêmement étroit par endroits (800 mètres).
En revanche, selon les derniers renseignements disponibles, le coeur du parc de Port-Cros, créé en 1963, serait en voie d'intégrer l'île de Porquerolles dont le parc assure la gestion. Si la procédure va jusqu'au bout, après une longue période de débats difficiles, ce sera incontestablement un point positif.
Autre aspect de la critique : les contrats d'objectifs des parcs, qui ne datent que de 2007, se caractérisent par le très faible nombre d'indicateurs de résultat et par l'absence d'objectifs en matière de protection des espaces. Un exemple emblématique : le bouquetin des Pyrénées. Emblématique parce que la protection de son cousin, le bouquetin des Alpes, est à l'origine de la réserve du Grand Paradis, grâce au roi d'Italie, et concerne notamment le parc voisin de la Vanoise. Rien de tel dans les Pyrénées : quand le parc a été créé, il y avait encore des bouquetins dans ce massif de montagnes ; aujourd'hui, si mes renseignements sont exacts, l'espèce a disparu aussi bien côté espagnol que côté français.
J'en viens maintenant à mon troisième point sur la gestion des parcs. La Cour avait déjà fait part au ministère, en 2005, des nombreuses critiques qu'appelait la gestion des différents parcs nationaux. Les critiques persistent sur de nombreux aspects de la gestion administrative et comptable : connaissance, comptabilisation et amortissement des actifs ; gestion budgétaire ; passation et exécution des marchés publics, et, plus généralement, règles de l'achat public, avec des reports de délais entraînant des avenants de régularisation ; rémunération et conditions de logement du personnel par exemple.
Sans détailler les critiques, je fournirai quelques données tirées du jugement des comptes des différents parcs, comptes confiés progressivement au même agent comptable, celui de « Parcs nationaux de France ». Des débets - c'est-à-dire les sommes irrégulièrement payées par le comptable public et mises à sa charge par la Cour après une procédure contentieuse - ont été prononcés à l'encontre de ce comptable en ce qui concerne PNF, le parc du Mercantour, celui de Port-Cros, celui de Guyane et celui de la Guadeloupe. Le total est à ce jour, pour ce seul comptable, de 1,08 million d'euros, ce qui est inhabituellement élevé et démontre l'existence de nombreuses irrégularités dans la gestion. Si l'on étend la liste aux autres comptables qui ont été concernés par les contrôles, on atteint 1,2 million d'euros.
Une observation de nature différente est enfin à faire sur la gestion des parcs : si l'augmentation de leurs effectifs a un coût direct, elle a aussi un coût indirect qui peut être élevé dans la mesure où elle les conduit à agrandir leur siège ou à déménager. Les projets immobiliers en cours à ce titre s'échelonnent entre 850 000 et 4,8 millions d'euros, ce qui est beaucoup.
Enfin, j'aborderai la question du pilotage insuffisant des parcs par la tutelle. La Cour formule d'abord des critiques sur la gestion budgétaire des parcs. Des dépenses ont fréquemment été mandatées et payées en début d'exercice alors qu'un parc ne disposait pas d'un budget exécutoire, ce qui est une violation des règles élémentaires de gestion, respectivement par l'ordonnateur et par le comptable. La conséquence des lacunes de cette gestion est que des subventions ont souvent été versées trop tôt aux établissements publics, avant qu'ils en aient réellement besoin, comme leur fonds de roulement l'aurait montré.
S'agissant de la gestion des personnels, et pour m'en tenir au cas le plus important, une critique porte sur une catégorie importante du personnel des parcs, les agents techniques et techniciens de l'environnement. Le décret de 1987 qui leur est applicable a été modifié en 2001 dans des termes tels que, fait exprès ou maladresse de plume, l'indemnité de logement devient un droit pour les agents non logés par l'administration. Cette modification, appliquée dans des conditions variables selon les parcs, éloigne cette catégorie d'agents du droit général de la fonction publique. Elle ne concerne d'ailleurs pas que les parcs nationaux, mais aussi d'autres établissements publics sous la tutelle du même ministère.
De façon plus générale, la Cour avait invité dès 2005 le ministère à mutualiser les moyens de fonctionnement des parcs nationaux. Cette recommandation se justifiait par le surcoût que représente la multiplication des structures de gestion. L'orientation retenue n'a pas été une fusion, bien au contraire : sur initiative parlementaire, un établissement public nouveau dénommé « Parcs nationaux de France » a été créé par la loi du 14 avril 2006. A cet organisme supplémentaire, qui ne saurait exercer à la place du ministère la tutelle des parcs, il a été demandé d'assurer la mutualisation toujours invoquée et souhaitée, mais pas toujours facile à définir.
Le contrôle de la Cour sur PNF a été mené en 2010. Il dresse un bilan mitigé de ses premières années de fonctionnement : un peu de mutualisation, très peu d'économies d'échelle. PNF remplit certes plusieurs tâches supplémentaires mais le compte n'y est pas : le nouvel établissement public emploie une trentaine de personnes à Montpellier et l'on débat actuellement pour savoir à quelle échéance, au début 2011 ou à la mi-2011, PNF aura permis d'économiser trois agents équivalent-temps plein dans le réseau des parcs nationaux.
Lorsque la Cour a transmis ses observations en janvier 2010, elle a affirmé que PNF n'avait pas administré la preuve de sa pertinence en tant que structure de mutualisation et de coordination. C'était dit clairement. En sachant qu'il existe un projet de création d'un autre établissement public qui s'inspirerait des mêmes principes que PNF, la Cour recommande de simplifier l'organisation existante, avec un souci à la fois d'efficacité et d'économie, soit en développant des synergies entre les établissements, soit en réduisant le nombre de structures de gestion, à l'image par exemple de l'Agence des aires marines protégées conçue pour gérer des zones éloignées les unes des autres.
Je constate que les référés montrent de grandes marges de progression dans la gestion ! Parcs nationaux de France peut-il apporter des réponses ?
Les critiques qui nous sont portées sont sévères et parfois, à mon sens, injustifiées. PNF s'exprime pour une grande famille mais cet établissement public n'a que trois ans et la loi de 2006 qui l'a créé a constitué une véritable révolution culturelle. La première année, il a fallu choisir un siège, recruter du personnel (30 personnes au total), changer la culture des établissements existants et trouver nos marques avec la tutelle. Au bout de trois ans, notre bilan n'est pas négligeable. Il comprend la mutualisation de la paie, de la comptabilité et de l'informatique, l'organisation de six colloques internationaux, une large action de communication vers la presse, une exposition qui a notamment été présentée en Slovénie, l'établissement d'un partenariat avec la Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF) pour un montant d'un million d'euros afin de faciliter l'accès des parcs aux handicapés, le soutien aux parcs actuels pour l'élaboration de leur charte, et l'accompagnement de la création de parcs nouveaux. PNF est également chargé d'une fonction de représentation, en particulier dans le cadre d'Europarc.
En ce qui concerne les questions budgétaires et comptables, il est exact que nous avons connu une augmentation très sensible de nos moyens, mais elle était liée à l'accroissement du périmètre des parcs, du fait des territoires intégrés dans les nouvelles aires d'adhésion. Je suis par ailleurs conscient que des erreurs ont été commises, par distraction ou incompétence, comme l'anticipation d'embauches ou l'attribution de subventions trop tôt par rapport aux besoins réels. Il est vrai aussi que le comptable de PNF ne répond plus aux questions mais il s'efforce d'appliquer les recommandations de la Cour des comptes.
Quant à moi, je pensais profiter de la reconnaissance liée à l'adoption de la loi de 2006 mais j'en ai plutôt subi les désagréments, et je suis devenu le « mouton noir » des élus locaux qui accusent PNF de tous les maux.
Pour ma part, je relativiserais les difficultés budgétaires et comptables des parcs. Il ne s'agit pas de montants importants ! Pourriez-vous nous exposer le bilan de l'activité créée par les parcs depuis 2006 ? En outre, pourriez-vous présenter les enjeux spécifiques recouverts par la gestion des parcs ultra-marins, notamment du parc amazonien de Guyane et de celui de La Réunion ?
Les parcs ont développé de nouvelles activités et il faut souligner à cet égard que notre mission de protection n'est pas contradictoire avec l'activité économique. Nous sommes au centre de la mise en application des principes du développement durable et il ne faut pas omettre que le label « parc national » est mondial. S'agissant de l'île de la Réunion, elle n'aurait jamais obtenu le label « Patrimoine mondial de l'humanité » si, au préalable, un parc national n'avait pas été créé au niveau français. Quant à la Guyane, j'observe que la moitié de l'activité du directeur du parc est liée aux problèmes de sécurité, du fait de l'orpaillage clandestin.
Pour la Guadeloupe, l'augmentation du coeur du parc est plus proche de 20% ...
Pouvez-vous plutôt répondre à nos interrogations sur les irrégularités constatées ? En particulier sur le régime indemnitaire.
Le statut des fonctionnaires des parcs relève du ministère. Il est national et le régime indemnitaire est commun avec d'autres organismes comme l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Chaque parc national tient désormais un tableau de suivi des recommandations de la Cour des comptes. La création d'une agence comptable commune grâce à PNF a permis la standardisation des documents et procédures comptables. Les améliorations sont donc à venir. De même, pour les règles d'achat public et de suivi des marchés, nous aurons prochainement un logiciel de gestion unique.
Oui, mais il s'agit d'une vraie révolution par rapport au statut d'autonomie antérieur.
L'idée ne vous est-elle jamais venue de prendre de l'argent à chaque parc au titre d'une contribution pour des services communs ? C'est comme pour l'intercommunalité, on mutualise des moyens supplémentaires !
Il y a eu cependant quelques personnels en moins dans les fonctions comptables. Mais on ne peut pas transférer des fonctionnaires, les établissements publics sont autonomes.
Avez-vous une réflexion commune sur les indicateurs, qui doivent être des indicateurs de résultats et non de moyens ?
Nous disposons de quelques indicateurs généraux communs et aussi d'indicateurs propres à chaque parc. La réflexion se poursuit dans le cadre des contrats d'objectifs dont la troisième génération est en cours de finalisation.
Les trois axes d'amélioration depuis les observations de la Cour des comptes sont la gestion de la paie, le système comptable et le système informatique. Il demeure difficile de mesurer exactement les économies réalisées mais on peut donner quelques indications. L'agence comptable centralisée a été créée le 1er janvier 2011, le personnel affecté à ces fonctions a de ce fait été divisé par deux, passant de douze à six. C'est un progrès, même si cela reste peu au regard d'un effectif total de 800 emplois. Sur la partie paie et ressources humaines, il n'y a pas eu de baisse d'ETP, mais le service rendu a été renforcé.
En outre, un schéma directeur est en cours de réalisation pour les réseaux informatiques. Les résultats de ce travail, entrepris il y a cinq ans, sont attendus en fin d'année afin de prendre les décisions nécessaires.
Le prochain contrat d'objectifs des PNF doit prévoir l'examen des différentes formes de mutualisation possibles, non seulement avec les parcs nationaux, mais aussi avec d'autres structures comme l'Office nationale de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ou encore le Conservatoire du littoral.
L'effort de mutualisation va se porter aussi au niveau européen, ambition partagée avec les parcs régionaux, sur des domaines comme l'agriculture. Sur ce dernier point, les parcs nationaux ont démontré un réel dynamisme pour la mise en oeuvre des mesures agro-environnementales (MAE), comme en matière de gestion forestière et de tourisme, tout en se montrant attentifs à la protection de la nature.
A ce titre, il faut noter les conséquences favorables à l'emploi de l'élargissement du périmètre des parcs nationaux, à la suite de la loi de 2006 - celui-ci passant de 370 000 à 2,1 millions d'hectares, en intégrant les aires d'adhésion mais sans prendre en compte les nouveaux parcs nationaux. En effet, à un emploi créé et préservé dans un parc sont liés dix autres emplois pour la protection de la nature.
Enfin, pour améliorer la connaissance du patrimoine naturel, paysager et culturel des parcs nationaux, un observatoire a été mis en place. Dans le cadre du nouveau contrat d'objectifs, PNF va s'attacher à développer des indicateurs sur l'évolution de ce patrimoine. A cet égard, en tant que réservoirs de la biodiversité, les parcs nationaux assurent la conservation des espèces, le cas litigieux des bouquetins des Pyrénées mis à part ; pour autant, il s'agit d'un travail de long terme qui implique, par exemple, d'affiner la connaissance des habitats naturels.
Une amélioration des procédures comptables et financières a été engagée. Ainsi, en 2011, ont été mis en oeuvre une harmonisation des comptabilités des parcs nationaux grâce à un progiciel commun, un contrôle des régies de recettes et d'avances pour l'ensemble des parcs nationaux, une comptabilité de droits constatés, et un contrôle interne pour chaque établissement. Un contrôle hiérarchisé de la dépense a été institué dans huit établissements sur dix. Un plan d'action a été élaboré à la suite des recommandations formulées par la Cour des comptes et des audits réalisés par la direction générale des finances publiques (DGFiP), tandis que la présentation des comptes financiers a été révisée. Un tableau de bord trimestriel de la situation financière et des effectifs a été établi. Les efforts réalisés par l'agent comptable de « Parcs nationaux de France » pour la réalisation de ces évolutions sont à souligner.
Je souhaiterais que soit à nouveau posée la question du bien-fondé du choix fait il y a quelques années de créer « Parcs nationaux de France », en lieu et place de la fusion des parcs nationaux, alors que la mutualisation des moyens paraît aujourd'hui insuffisante comme l'a mis en évidence la Cour des comptes. Cette dernière a relevé que les économies réalisées ne s'élèveraient qu'à trois équivalents temps-plein (ETP), mais PNF avance des chiffres supérieurs. Comme pour l'intercommunalité, la volonté de rationaliser et de simplifier s'efface souvent derrière l'ajout de nouvelles strates. C'est pourquoi il est aujourd'hui légitime de se demander si la fusion ne serait pas préférable.
Il serait maintenant intéressant d'entendre le représentant de la ministre car, en effet, comme l'a relevé la Cour, la tutelle est, elle aussi, susceptible de présenter des insuffisances.
directeur-adjoint de cabinet de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. - La tutelle s'inscrit dans une relation triangulaire intégrant aussi « Parcs nationaux de France » et les parcs nationaux.
L'audition organisée par la commission des Finances est opportune puisqu'elle intervient à un moment crucial pour les parcs qui élaborent actuellement leurs chartes.
La tutelle est rendue difficile du fait du nombre important de sujets qui remontent à la ministre. Néanmoins, cela révèle la grande implication des élus locaux sur ces thèmes.
La loi de 2006 a constitué une réelle révolution pour les parcs, en faisant passer ces derniers d'une logique de sanctuarisation d'une partie du territoire à une logique de préservation de la biodiversité, mais aussi d'aménagement du territoire. A ce titre, les parcs constituent désormais tout à la fois les outils d'une politique nationale et d'une politique locale. Il faut ici faire remarquer que les parcs nationaux accueillent près de 8 millions de visiteurs par an.
Les règles prévues par « Natura 2000 » sont-elles très différentes de celles qui prévalent dans les extensions des parcs nationaux ?
Il semble que non ; le grand apport des parcs nationaux ne réside pas seulement dans l'instauration d'une règle de préservation de la diversité naturelle, mais dans la valorisation qu'il est possible d'en faire. Ainsi, les agents des parcs jouent un rôle à la fois sur la nature et la diversité, mais aussi auprès du public, des habitants, tels que les agriculteurs, et participent au développement économique. Les parcs sont devenus un outil de développement autour de la nature. Cette évolution, qui confirme la logique de la loi de 2006, s'inscrit parfaitement dans un contexte international marqué par des engagements forts concernant la biodiversité, de même que dans le cadre de l'application du « Grenelle de l'environnement ».
Je souhaiterais aussi intervenir sur les questions de l'efficience, du pilotage et de « Parcs nationaux de France », déjà largement évoqués...
Pour ce qui est de l'efficience, il y a certes eu une augmentation des moyens de 53%, mais celle-ci doit être mise en perspective avec l'évolution du périmètre des parcs nationaux. En effet, le travail des parcs porte désormais en grande partie sur les zones d'adhésion, et de nouveaux parcs ont été créés alors que trois projets de création sont actuellement traités, dont celui des Calanques.
La hausse des moyens ne doit pas seulement être rapportée à l'augmentation de la superficie du coeur des parcs. Si la protection des espèces reste constante, il faut cependant considérer les efforts faits en direction du développement économique. De plus, la protection de la biodiversité ne saurait être mesurée à l'aide d'un indicateur annuel. Il est nécessaire de travailler sur des indicateurs de résultat plus larges que ceux existants aujourd'hui.
Le ministère adopte progressivement une culture du pilotage. Au niveau national, notre directeur général a mis en place l'ensemble des instruments préconisés par la circulaire du Premier ministre de 2010, soit la conclusion de contrats d'objectifs entre les établissements et le Ministre, la remise de lettres d'objectifs pluriannuelles aux directeurs lors de leur nomination, de lettres d'objectifs annuelles accompagnées d'une évaluation, et l'organisation de rendez-vous budgétaires annuels avec les directions. Les lettres d'objectifs adressées aux directeurs des parcs intègrent les recommandations formulées par la Cour des comptes.
Au quotidien, la tutelle est assurée par un commissaire du gouvernement issu de l'administration déconcentrée. Mais, avant chaque conseil d'administration, un échange est prévu avec la direction générale et les services du préfet afin de préciser ce qui peut être demandé aux établissements. Enfin, deux fois par an se tient une réunion plénière des directeurs, et des lettres de cadrage sont transmises à chaque parc.
Les évolutions comptables, et notamment la mise en place d'un tableau de trésorerie depuis cette année, permettent d'ajuster les dotations en subventions aux parcs aux besoins de trésorerie, et d'identifier les dysfonctionnements comptables, puis de les corriger. Ainsi, il sera procédé à une correction des erreurs qui ont pu être commises par le passé en ce qui concerne les indemnités de logement et les logements de fonction.
Des arbitrages interministériels portant sur ce sujet sont en cours. Lorsque ceux-ci seront arrêtés, ils seront immédiatement déclinés, soit dans les semaines ou les mois à venir.
Le système ne peut fonctionner que si la tutelle est forte.
Il faudra préciser la coordination entre le pilotage du ministère et la mission de l'établissement national. N'y aurait-il pas une forme de duplication ?
« Parcs nationaux de France » a trois fonctions : la mutualisation de prestataires de services, actuellement mise en oeuvre, la représentation des parcs nationaux à l'international et leur coordination, PNF devant être un instrument de la tutelle pour harmoniser et piloter l'ensemble des parcs. Pour ce faire, PNF doit assurer la tenue d'indicateurs et la mise en place d'éléments méthodologiques de nature à éclairer la tutelle.
Il n'y a donc pas de redondance : PNF assure un travail technique et l'administration assume les questions d'ordre administratif et politique.
Quant aux projets immobiliers, est-il raisonnable de multiplier les sièges à 800 000 euros, voire 4 millions d'euros ? N'est-ce pas un mauvais usage de l'argent public ?
Une augmentation du nombre de personnels entraîne nécessairement des besoins en nouveaux locaux. Pour autant, un suivi national est assuré afin que ces besoins soient traités au plus juste.
Les effectifs ont connu un accroissement notable depuis 2005 pour arriver aux 800 personnels actuels. En effet, le nombre d'agents en fonction dans les seuls anciens parcs nationaux est passé de 500 en 2005 à 600 en 2010. Pourtant, le coefficient de progression des effectifs entre 2005 et 2010 est sans commune mesure avec le coefficient d'évolution de la superficie des parcs. La création des parcs nationaux de Guyane, de La Réunion et de « Parcs nationaux de France », de même que les missions d'étude qui leur sont liées, ont nécessité 220 emplois supplémentaires. Ces augmentations d'effectifs sont justifiées par le rôle majeur joué par les parcs nationaux de Guyane et de La Réunion. A cet égard, le parc de La Réunion occupe près de 40 % du territoire départemental, ce qui a justifié l'obtention du label « Patrimoine mondial de l'humanité » ; il en va de même du parc de Guyane.
La progression de la masse salariale a quant à elle été justifiée par une évolution du taux de la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».
Afin de garantir l'efficacité du pilotage, une lettre d'objectifs annuelle, différente de celle envoyée par PNF, est remise à chaque établissement et chaque directeur, et vise notamment à identifier les efforts de mutualisation à conduire, de même que les fermetures d'activités-support au sein des parcs nationaux pour les rétablir au sein de PNF.
A titre d'exemple, que sont devenus les personnels administratifs qui étaient dans les parcs dès lors que les tâches administratives sont assumées par « Parcs nationaux de France » ?
Certains agents ont été maintenus dans des fonctions administratives du fait des nécessités relevant du fonctionnement institutionnel des établissements.
Cela révèle bien la difficulté de faire évoluer les institutions et les structures. Il va être nécessaire de faire bouger les choses.
Le volume des activités administratives demeure faible en comparaison avec les activités de terrain, puisqu'elles n'en représentent que 10 %.
Qu'en pense le représentant de la direction du Budget ?
M. Laurent Machureau, sous-directeur de la 4e sous-direction du Budget. - La direction du Budget souscrit à l'intégralité des observations et des recommandations de la Cour des comptes. Ce type de rapports présente un double intérêt pour nous. Tout d'abord, il existe une réelle difficulté à concilier la montée en charge des opérateurs en phase de développement, nombreux au sein du ministère de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (MEDDTL), parcs nationaux inclus, et les règles transversales fixées sur la maîtrise des effectifs et des dépenses de ces derniers. L'expertise d'acteurs extérieurs qui s'intéressent à la réalité concrète du fonctionnement des différents établissements permet de compléter notre information et de mettre en évidence les marges de productivité et d'efficience. Il faut articuler les ambitions du « Grenelle » et l'impératif de maîtrise des déficits publics. D'autre part, la direction du Budget ne siège pas au sein du conseil d'administration des parcs, rendant l'exercice de la tutelle difficile.
Les marges mises en évidence par la Cour permettront d'éclairer les arbitrages budgétaires. Ainsi, les conclusions formulées auront une utilité particulière lors des conférences de répartition du projet de loi de finances pour 2012.
Enfin, la direction du Budget s'exprime en faveur du renforcement du pilotage afin de garantir une bonne utilisation des fonds publics. Face aux limites constatées et soulignées par la Cour, dans le cadre de l'exercice de la tutelle financière lors de l'approbation des délibérations financières, nous avons suggéré au MEDDTL de soumettre les parcs nationaux au droit commun posé par le décret de 1999, relatif à l'approbation des décisions financières, qui prévoit la transmission de celles-ci à la tutelle et au ministère en charge du Budget. Ces derniers peuvent s'y opposer dans le délai d'un mois. Cela nous aidera à avoir une vision plus claire du fonds de roulement des parcs et à optimiser le calendrier de versement des subventions.
A-t-on une image globale du fonds de roulement des parcs ? Sait-on à combien il s'élève ?
Nous en avons une image et nous savons décrire le contenu du fonds de roulement.
Cette façon d'accumuler de la trésorerie dans des établissements publics va à l'encontre des principes de bonne gestion. Avant d'accorder les subventions, il faut regarder à quel niveau se situe le fonds de roulement. Il y a là des marges de progression.
Votre présentation m'interpelle sur plusieurs points. Pourriez-vous préciser l'articulation des différents acteurs que sont les structures du ministère, les représentants des préfectures dans les conseils d'administration et PNF en matière de pilotage et de tutelle des parcs ? Je souhaiterais également connaître quelle est la stratégie nationale en matière de biodiversité au regard des différents parcs naturels, nationaux, régionaux et de Natura 2000. Des indicateurs de biodiversité et de développement économique ont-ils été élaborés, s'agissant plus particulièrement des nouveaux parcs, c'est-à-dire celui des calanques ainsi que celui situé entre la Champagne et la Bourgogne ? Ces indicateurs sont, en effet, essentiels à la mesure des objectifs fixés à ces parcs.
Où en sont les réflexions sur la création éventuelle de l'Agence de la nature ? Quel serait son rôle ? Quelle est la participation, que je pense significative, des parcs ultramarins à la biodiversité mondiale ? Je rappelle qu'elle est de l'ordre de 80 % au plan national. Enfin, quand pensez-vous pouvoir mettre en oeuvre les modifications nécessaires à une organisation comptable plus satisfaisante des parcs naturels ?
À titre liminaire, je vous propose de prendre acte de la volonté des différents acteurs aujourd'hui présents d'améliorer la gestion des parcs naturels, puisque le rapport de la Cour des comptes a été accepté par eux. De surcroît, je tiens à souligner qu'on ne peut traiter l'ensemble des sujets de la même manière. On ne saurait assimiler la valeur d'un indicateur économique à celui d'un indicateur écologique, tant la notion d'écosystème est complexe à évaluer. On ne peut comparer un « paquebot » à un « hors-bord », un kilomètre carré de plaine en France à un kilomètre carré de plaine en Guyane.
Dans le même esprit, la gestion du personnel des parcs dont la diversité est extrême en termes de statut ne saurait s'assimiler à celle pratiquée dans une entreprise implantée dans un lieu unique.
La préservation du patrimoine des parcs naturels doit constituer une priorité pour un « gestionnaire sérieux ». Aussi, ne cédons pas aux propos excessifs qui remettraient en cause le bien fondé de la réforme qui a conduit à la mise en oeuvre du dispositif actuel. C'est pourquoi je vous demanderai, compte tenu de l'ensemble des remarques, combien de temps il vous faudra pour répondre à l'ensemble des observations de la Cour, de manière satisfaisante pour tous.
La gestion des parcs nationaux est un sujet d'autant plus passionnant à mes yeux que je suis particulièrement investi en ce domaine en tant que vice-président des parcs régionaux. Je conviens qu'il existe de nombreuses difficultés obérant la gestion des parcs. Un fossé sépare l'analyse comptable et rigoureuse, certes nécessaire, de la réalité du terrain. En réponse à la disparition des bouquetins évoquée précédemment, je souhaite insister sur l'introduction de la loutre et du castor dans le parc naturel régional de l'Avesnois. Ces décisions, ainsi que l'ensemble des actions menées au sein des parcs, ne s'imposent pas immédiatement. Elles nécessitent un long travail de conviction et de concertation avec l'ensemble des forces vives du territoire (chasseurs, pêcheurs...), afin de surmonter les réticences face aux nombreux problèmes qu'elles soulèvent (risque de dégâts ...). Ainsi trois années ont été nécessaires afin de renouveler la charte du Parc de l'Avesnois impliquant 141 communes.
Je conviens que l'application de procédures financières comptables rigoureuses est nécessaire. Cependant, il faut également reconnaître que la mutualisation des moyens requiert persévérance et patience, afin de résoudre les contraintes créées par un tel regroupement de structures, notamment en raison de l'histoire et de la culture propres à chaque parc. Je peux en témoigner, après la récente et longue réunion tenue en région Nord-Pas-de-Calais sur la mutualisation des moyens des trois parcs régionaux, celui de l'Avesnois, de Scarpe-Escaut et des Caps et Marais d'Opale.
De surcroît, s'agissant de la gestion des personnels, on ne saurait considérer les agents des parcs comme des personnes aux fonctions répétitives, mécaniques et strictement encadrées. Ce sont de véritables militants de la nature lui dédiant sans compter leur temps. Je concède volontiers que des marges de manoeuvre existent afin d'améliorer l'efficience de la gestion. Cependant, celle-ci exige avant tout la création d'une dynamique d'équipe. Toute mutualisation ne peut donc être réalisée sans prise en compte des personnels. Elle ne doit pas conduire à briser l'instrument au nom de la rentabilité, dans un domaine qui n'obéit pas à des règles économiques traditionnelles. La concentration des syndicats intercommunaux d'eau et d'assainissement illustre mon propos. Que faire des personnels titulaires issus de cette fusion ?
La rigueur financière mise en avant dans le cadre des observations de la Cour doit donc être appréciée à l'aune du temps et du travail de conviction imposés par la gestion d'un parc naturel. Ainsi, force est de constater que la nature n'évolue pas aussi vite que la définition des objectifs et leur mesure par les indicateurs de performances.
Je suppose que vous recherchez des subventions européennes. Or, le délai d'obtention peut être de l'ordre de trois ans. Autrement dit, vous réalisez la dépense alors que vous ne recevrez le montant de la subvention que bien plus tard.
Cette chasse aux subventions est formidable mais l'Europe ne tire ses ressources que de la contribution de chacun des Etats membres. La répartition se fait donc sur un échelon plus européen, mais, sur le fond, cela ne change rien, car il s'agit à chaque fois de capter des subventions.
Merci, Monsieur Raoult, de ce témoignage inspiré du vécu et prononcé avec beaucoup de conviction et de passion.
En écho au témoignage de notre collègue député Jean-Pierre Giran, j'ai assisté, en début d'année, à la séance de voeux d'un maire tentant d'alerter la population sur la menace pesant sur la commune en raison du projet d'extension du parc de Port-Cros.
En ce qui concerne la question de la trésorerie, il me paraît légitime qu'une collectivité ou un établissement public en disposant effectue des placements, car la tutelle, qui attribue la subvention, tient généralement compte de tels produits pour le calcul de la dotation qu'elle attribuera à l'organisme concerné. J'espère ne pas choquer Monsieur le Président avec mes propos !
En aucun cas ! Avec un peu de chance le trésorier aura souscrit des bons du Trésor pour financer le déficit de l'Etat ! En tant que dernier intervenant, je voudrais vous dire que j'ai trouvé cette audition très intéressante, car elle met en lumière des problématiques que nous vivons sur le terrain en tant qu'élus locaux.
La logique de la Lolf n'est-elle pas de dire que les parcs nationaux sont responsables, à charge pour eux de tenir des comptes très précis et d'avoir une certification annuelle de leur sincérité ? Ne semblerait-il pas normal que chaque parc ait sa feuille de route, en fonction de laquelle on le doterait de moyens ? A partir de là, il devrait rendre des comptes de son action, qui serait plus facile à évaluer.
Je n'ai pas encore bien saisi l'articulation entre la tutelle, PNF et les parcs nationaux.
Enfin, j'ajouterais que ce qui est en cause ici est la biodiversité, sujet qui nous concerne tous. La tentation peut donc être forte pour chaque parc de s'étendre. Cela dit, quand on regarde l'exemple du parc national de la Réunion, qui couvre 40 % du territoire, ne pourrait-on pas confier la gestion de cet espace au conseil régional ou au conseil général, plutôt que de créer une structure supplémentaire ? Peut-on administrer la Guyane autrement que dans une logique de parc national ? Donc, pourquoi faut-il créer un nouvel établissement ? Si les parcs s'étendent, ils devront s'étendre à la France entière. Nous avons aussi les parcs régionaux et Natura 2000.
Il me semble, mes chers collègues, que le développement durable, et notamment la préservation de la biodiversité, prendront de plus en plus d'importance dans les politiques publiques. Nous devons donc réfléchir dès maintenant à d'autres modes d'administration. De ce point de vue, il faut être conscient qu'il est contraire au développement durable de générer du déficit public, car c'est privilégier le présent et hypothéquer l'avenir.
Il est certain que l'on ne peut pas multiplier indéfiniment le nombre de parcs nationaux. Ils sont et doivent rester des territoires exceptionnels et originaux. Leur spécificité doit être préservée. En revanche, ils ne sont pas des sanctuaires, car ils constituent des lieux de vie, non figés, qui accueillent de nombreux visiteurs.
Sur la question du financement, j'estime qu'il est anormal que les régions et les départements ne contribuent pas à alimenter les ressources des parcs nationaux, car ces territoires représentent pour eux un intérêt général et financier évident. Bien sûr, les parcs doivent conserver leur statut d'établissement public d'Etat, au risque de saper l'autorité sur leur périmètre, dans la mesure où leur création résulte parfois d'une véritable conquête sur des fiefs locaux. C'est d'autant plus important que la loi de 2006 fait une place plus importante aux acteurs locaux. Pour prendre l'exemple du parc de Port-Cros, c'est le parc des Varois et pas seulement un parc national. On a parfois l'impression d'être dans une logique de confrontation, alors que tel n'est pas l'esprit de la loi de 2006.
Enfin, je dirai que le temps de l'écologie n'est pas le temps de l'économie ou du politique. Il est plus long et il faut s'adapter à cette réalité.
Il est vrai qu'il est complexe de se situer entre la tutelle, PNF et les parcs.
Peut-être PNF manque-t-il d'autorité sinon de conviction pour mettre en oeuvre les orientations de la tutelle ? Mais c'est parce que nous n'avons pas de pouvoir d'injonction sur les parcs, et nous n'avons pas à en avoir. Je pense, cependant, qu'il serait utile de préciser, dans un texte législatif ou réglementaire, la responsabilité de PNF vis-à-vis des parcs sur la paye, la comptabilité, l'informatique. Cela nous permettrait d'être plus directifs. Si les statuts prévoyaient que PNF a autorité pour donner des orientations budgétaires aux parcs, nous nous acquitterions de cette mission. Je rappelle que nous avons un rôle de service, mais aussi et surtout de soutien et d'animation. Enfin, il ne faut pas oublier que l'on ne parlerait peut-être plus des parcs nationaux s'il n'y avait pas eu cette ambition collective de PNF.
Sur ce dernier point, je crois que nous voyons bien l'articulation existante entre les parcs, PNF et la tutelle. La responsabilité de chaque parc doit être pleine et entière, ce qui ne signifie pas forcément l'indépendance.
La tutelle doit donner des orientations et assurer son rôle de coordination dans le respect des rôles de chacun au quotidien, c'est-à-dire, en pratique, tous les deux ou trois mois, à l'occasion du conseil d'administration. Il est vrai que, du point de vue de la mutualisation, les choses pourraient être précisées. Parallèlement, j'estime que nous avons déjà beaucoup progressé sur cet aspect.
Pourquoi ne pas aller au bout de la logique en demandant aux parcs de rendre des comptes, à travers une certification des comptes des parcs nationaux par la Cour des comptes par exemple ?
Je tiens à dire que nous ne contestons nullement le diagnostic de la Cour et que, sur une quarantaine d'observations émises par l'institution, une vingtaine a d'ores et déjà donné lieu à des mesures correctrices. D'autres difficultés prennent en revanche plus de temps à résoudre, car elles sont plus complexes (définition des indicateurs par exemple). Les objectifs de mutualisation demandent encore davantage de réflexion. Tout cela dépend des sujets. Nous sommes conscients des défaillances pointées par la Cour, que avons toutes prises en compte, et nous nous efforçons réellement de les corriger le plus rapidement possible.
Vous aurez compris que cette audition ne constitue pas un lieu de jugement, mais que nous nous inscrivons dans une démarche positive et constructive, qui vise à mieux assurer les missions d'intérêt général dont nous avons la charge. Nous pensons que les travaux de contrôle et d'évaluation sont au moins aussi importants que nos travaux législatifs. Je souligne à cet égard l'importance de nos échanges pour rechercher ensemble des solutions, afin de mettre un terme aux dysfonctionnements. Je remercie donc la Cour et tous nos intervenants d'avoir bien voulu répondre à notre invitation. L'enseignement que l'on peut en tirer est que les parcs nationaux vont devoir se préparer à fonctionner avec des moyens constants...
Je demande à nos collègues de la commission s'ils sont d'accord pour publier cet important travail de contrôle et le débat.
La commission autorise, à l'unanimité, la publication du compte-rendu de la présente audition et des travaux de la Cour des comptes sous la forme d'un rapport d'information.
Puis la commission demande à se saisir pour avis du projet de loi constitutionnelle n° 499 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques, et nomme MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, rapporteurs pour avis de ce texte.
Adrien Gouteyron est ensuite nommé rapporteur du projet de loi n° 450 (2010-2011) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales.
Enfin, la commission désigne M. Philippe Dominati comme candidat proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Comité de suivi du niveau et de l'évolution des taux d'intérêts des prêts aux particuliers.